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REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
VINGT-QUATRIÈME ANNEE
I
(Nouvelle Série. — Tome XXIX).
iy.
^
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : M. A. Chuquet
VINGT-QUATRIÈME ANNÉE
PREMIER SEMESTRE
Nouvelle Série. — Tome XXIX
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc
28, RUE BONAPARTE, 28
1890
f r
I
ANNÉE 1890
TABLE DU PREMIER SEMESTRE
ARTICLES
TABLE ALPHABETIQUE
pages
Aboul Walid, Le livre des parterres fleuris, trad. par Metzger
(R. Duval) 38i
^/g^/zan^' (les) et leurs chants populaires 241
Amiel, Erasme (P. de Nolhac) 874
Antiphon 144
Antoine, Édit. de Catilina 425
Antona-Traversi, Nouvelles études littéraires;
— Curiosités foscoHennes;
— Catalogue des manuscrits inédits de Léopardi ;
— L'Œdipe de Foscolo (Ch. J.) 76
Appleton, La propriété prétorienne et l'action publicienne (P. Gui-
raud) 407
Archipel (1') 25 1
Arétin [V] 128
Aristophane 248
Arréat, La morale dans le drame (L. Herr) 19
Arsacides (monnaies) 141
Artin-Pacha, L'instruction publique en Egypte (G. Maspero). . 36 1
Asinius Pollio 3o5
Atharva-veda (1') 461
Aube (monuments de T) 144
AuRioL, La défense du Var (A. C.) 237
Auerbach, La question sociale au xv^ siècle (Ch. Pfister) 252
Aulard, Actes du comité de salut public, II ;
— La société des Jacobins, I ;
— Mémoires de Louvet (A, Chuquet) 194
Ausone, Le poème de la Moselle 186
Avenel (d'), Richelieu et la monarchie absolue (G. H.) 3/4
^vf^/ion et son imprimerie . ... 471
VI TABLE DES MATIERES
pages
Babeau, Paris en 1789 (A. Gazier) î 35
Ball, Trad. des Voyages de Tavcnner [Ch. J.) 434
Barbier de Meynard, Supplément aux dictionnaires turcs-arabes
(C. H.) ' 421
Barrique de Fontainieu, Le livre d'amour de Tirouvallouva
(L. Feer) 18 r
Barthélémy (papiers de), IV 175
Barthélémy (A. de), Manuel de numismatique ancienne (Salo-
mon Reinach) 326
Bartholomae, Le groupe indo-européen ss. (V. Henry.) 3o2
Bartholomeis, Recherches dans les Abruzzes (Léon-G. Pélissier). 329
Bauer, Les tournures subjectives dans les chansons de geste
(L. C.) 327
Baum, Le magistrat et la Réforme à Strasbourg. (X ) 12
Beaucaire 170
Beaunis, Les sensations internes (L. Herr) 198
Below, Origine de la commune allemande (H. Pirenne) 48
Berenzi, Histoire de Pontevico (L. G. P.) 354
Berger, Histoire de la géographie scientifique des Grecs, U.
(B. Auerbach) 363
Bertin, La société du Consulat et de l'Empire (C.) 118
Bertrand (AL), La psychologie de l'effort et les doctrines contem-
poraines [L. Herr) . . 298
Béliers dvani la Révolution 96
Bienwald, Les manuscrits d'Antiphon [Ch. Cucuel; 144
BiNDi, Monuments hisioriques et artistiques des Abruzzes (P. N.). 5i3
BiRCH-HiRSCHFELD, Histoirc de la littérature française (Ch. J.). . 208
Blaze DE BuRY, Jeanne d^Arc (Ch. Pfister) 72
Boccace 393
BoDEMANN, La correspondance de Leibniz à Hanovre (L. Herr). 435
B01SSONNADE, Les volontaires de la Charente (A. Chuquet). ... 413
Bonet-Maury, Burger (A. Chuquet) i5
Bossuet et sa prédication 210
— Sermon sur l'ambition 356
BouRGOiNG, Les maîtres de la critique au xix" siècle (A. Delboulle). 93
Brandt, Le mandaïsme (R. Duval) loi
Bréal, La réforme de l'orthographe française (A. Delboulle). ... 33 1
Breusing, La solution de l'énigme de la trière (A. Cartault). . . i83
Bruch, Souvenirs {P. R.j 3 17
Bruni, Les trois poètes florentins 75
Bryce, Le Saint-Empire romain germanique et l'Empire actuel
d'Allemagne |Ch. Pfister) 148
Bûcher, Poésies, p, p. Denais (A. Delboulle) 354
BuET, François de Guise (F. D.) 453
Bulgare (recueil de folklore, de science et de littérature). — L.
_ TABLE DES MATIERES VU
■S^' P»ges
Léger i36
Burger i5
Gagnât, Cours d'épigraphie latine fP. -F. Girard) 386
Galiari, Véronése (L.-G. P.) 394
Cizm^aMX, De la critique du texte d Horace (F. Plessis) 124
Carducci, Œuvres, I-IV (P. N.) 49^
Garnio, L'âme humaine (L. Herr) 278
Carré, Le Parlement de Bretagne après la Ligue ;
— L'administration municipale de Rennes au temps de Henri IV
(L. Farges) , i3i
Cars (duc des), Mémoires (A. Chuquet) 497
Cartault, Vases grecs en forme de personnages groupés (Salomon
Reinach) 41 et 119
Castellani, L'imprimerie à Venise et son origine (P. de Nolhac). 23o
Castellani et P'avaro, Les manuscrits vénitiens de la collection
Philipps (L. G. P.) 418
CvT, La carte de rOgôoué (H. D. deGrammont) 416
Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de
France (F.) 332
Catulle, p. p. PosTGATE (A. Cartault.) 261
— Manuscrit de Saint-Germain-des-Prés (P. Lejay) 487
César, son armée. 35 1
Chantepie de La Saussave, Manuel d'histoire des religions, II
(M. Vernes) 226
Chapelain 409
Charavay, Assemblée électorale de Paris, 1 790-1 791, procès-ver-
baux (A. Ch.) 474
Charpentier, Impressions de voyage en Russie (L. L.) 118
Charvériat, a travers la Kabylie (H. D. de Grammont) .... 3 18
Châtelain, Dictionnaire latin-français de Quicherat et Daveluy ;
— Lexique de Sommer (P. Lejay) 9
Cha^erat{U..At) 297
Chotard, Louis XIV, Louvois, Vauban et les fortifications de la
France (A. G.) 297
Chrétien de Troyes, Le chevalier au lyon, p. p. Fœrster (E.
Muret) 66
CicÉRON, Discours, p. p. Nohl (Em. Thomas) 164
— par Pellisson (L.) 144
— Un manuscrit du De Senectute. . i25
Cochin, Boccace (P. de Nolhac) 393
CoNDAMiN, Histoire de Saint-Chamond (A. G.) 116
Congrès scientifique international et catholique de Paris (Salomon
Reinach) 5
Conrad de Hirschau, Dialogue, p. p. Schepss (A. Cartault). . . . 287
Corrè\e {[a), pendant la Révolution 477
vin TABLE DES MATIERES
pages
CoRviN, Le théâtre en Russie (L. L.) 5i5
CouAT, Aristophane et l'ancienne comédie attique (P. Guiraud). . 248
CouRDAVEAUx, Comment se sont formés les dogmes (M. Vernes). . i65
CoviLLE, Les Cabochiens (Ch. Pfister) 449
Craon (la baronnie del 228
CuRTius (E.), Sous trois empereurs, Études et discours (B. Haus-
souliier) 423
Darmesteter (A.), Reliques scientifiques (Salomon Reinach). . . 3oi
Daumesteter (J.), Chants populaires des Afghans (V. Henry). . 241
Debidour, LesChroniqueurs, Froissart, Commines(A. DelbouUe). 168
Delff, Histoire du rabbi Jésus de Nazareth (M . Vernes) 121
Delitzsch et Haupt, Contributions à l'assyriologie (J. Halévy), . 481
Démosthène 222
Denais, Ed. des poésies de Bûcher. 354
Derenbourg (J.), Édition de Kalilah et Dimnah, II (R Duval) . . 21
Dinant au moyen âge 445
D0ELLINGER, Contributions à l'hist. des sectes du moyen âge (Ch.
Pfister) , 126
Doria (André) 32
Driver, Les livres de Samuel (A. Loisy) 462
Du Bois DE LA Vjllerabel, La légende de saint Yves (A. DelbouUe). 206
DucHESNE, Origines du culte chrétien (A. Sabaiier) 426
— Le Liber pontificalis (V.) 442
DuMORTiER, Lettres de Liguori (L. -G. P.) i35
Duquet, Paris, le quatre septembre, Châtillon (A. Chuquet).. . . 255
DuTT, Histoire de la civilisation dans Tlnde ancienne (A. Barth). 401
Edkins, L'évolution de l'hébreu (R. DuvalJ 5oi
Ennodius 88
Erasme 374
Erdmannsdôrffer^ Correspondance politique de Charles-Frédé-
ric de Bade, I (A. Chuquet) 112
Erman, La langue du papyrus Westcar (G. Maspero) 422
Espagnolle, Les imaginations ou les doublets de M, Brachet ;
— La clef du vieux français (A. DelbouUe) 3 1
Espérandieu, Épigraphie romaine du Poitou et de la Saintonge
(R. Cagnat) 108
EssARTs (E. des), Le théâtre d'Alfred de Musset (Léo Claretie). . . 396
Etudes sur \q. latin archaïque, I, 2 (P. Lejay) 5o2
Eyssette, Histoire administrative de Beaucaire (Z.) 170
Fabre (A.), Chapelain et nos deux premières académies (T. de L.). 409
Fabre (P.), Le liber censuum de l'Égliôe romaine, I (V.) 444
Fage, Le diocèse de la Corrèze pendant la Révolution (C). . . . 477
Falsan, La période glaciaire (L. Herr) 198
Favre (Ed.), Mémorial des cinquante premières années de la So-
ciété d'histoire et d'archéologie de Genève (C.) i53
TABLE DES MATIERES IX
pages
Fay, Souvenirs de la guerre de Crimée ;
— Marche des armées allemandes en 1870 (A. Chuquet) 3i3
Fehnrborg, Les verbes latins en uo (V, Henry) 384
FicHOT, Statistique monumentale du département de l'Aube (H.
d'Arbois de Jubainville) 144
Fichte, trad. par Kraeger et Smith (L. Herr) 417
FiERViLLE, Voyage d\in janséniste en Hollande (A. Gazier). ... 75
FiNOT, Port-Royal et Magny (A, Gazier) 94
FoERSTER (W.), Le chevalier au lyon, de Chrestien de Troyes (E.
Muret) 66
Foscolo 76
Frœlich, L'armée de César (R. C.) 35 i
Gerofalo, Les fastes des tribuns du peuple (R. C.) i23
Gasquet, Henri VIII et les monastères anglais (Ch. V. Langlois). 262
GaudenzI, Les compagnies d'armes de Bologne (Léon G. Pélissier). 329
Geiger (L,), Annuaire de Gœthe, X (A. Chuquet) 216
— Essais et conférences (A. Chuquet) 474
Genève (Société d'histoire et d'archéologie de) i53
GiODA, Morone (L.G. P.) 74
Girart de Rossillon 371
Godefroy, Réponse aux attaques contre le Dictionnaire de l'an-
cienne langue française (A. Jacques) 466
Gœthe 216
GoTTLOB, La fiscalité pontificale au xv^ siècle (Ch. Pfister). ... 166
GouRCUFF, Jean Meschinot et Corentin Royou (T. de L.) 3 12
Grill, Hymnes choisis de TAtharva-veda (A. Barth) 461
Grundlach, La primauté d'Arles sur l'église des Gaules (Ch. Pfis-
ter) 5o3
GiiLDENPFENNiNG, Les sources de Théodoret (L.) 367
GuiGUE, Ed. d'Olivier de La Haye 189
Gz«'5e (François de) 452
Gz772?/zer, Le Ligurinus, trad. VuLPiNus (R.) 466
Gurlitt, Pausanias (A. Hauvette) 202
Guyau, L'art au point de vue sociologique (R. Doumic). .... 36
Guy de Bazoches 3qo
ii/fli^r/e« (Les sources de l'histoire d) 41
Halle ti sa. vie littéraire 34
Halphen, Lettres de Henri IV à M. de Béthune (T. de L,). . . 1 1 r
Hartmann (E. de), La théorie de la connaissance (L. Herr) , . . 279
Hatch, Essais sur le grec biblique (P. L.) 24
Hélène, Le bronze (Salomon Reinach) 382
Hémon, Chanson de Roland ;
— Joinville;
— Montaigne (A. Delboulle) 71
Henri VHI , 262
X TABLE DES MATIÈRES
pages
Hertz, L'Horace de Guyet (Isaac Uri) 352
HiLDEBRANDT, Le Culex de Virgile (E. Plessis^ ii
HocHART, De l'authenticité des Annales et Histoires de Tacite (R.
Gagnât) 5o3
Hoffmann, Le Mediceus de Virgile (P. Lejay) rôi
HoGARTH, Dévia Cypria (Salomon Reinach) 122
//o^^wer (le baron) bg3
HoLZMANN, Les Synoptiques et les actes des Apôtres (M, Vernes). 8
Horace 86, 124
HoussAYE (A ). Aspasie, Cléopâtre, Théodora (Salomon Reinach). 284
— Lettre de M. H, Houssaye , BSy
Jean de Ravenne 75
Jeanne d'Arc 72, igi
Jellinek, Loi et ordonnance (P . Viollet), 277
Jensen, Cosmologie des Babyloniens (J. Halévy) 486
Johnson, Bibliothèque platonique, I (L. Herr) 247
Josèphe, p. p. NiESE (Th. Reinach) 22
Joubert, La baronnie de Craon (L. Farges) 228
JuRiEN DE LA Gravière. Lcs ouvricrs de la onzième heure (H. D.
de Grammont) 394
JuRiTSCH, Otton de Bamberg (Ch. Pfister) 204
Juvénal, p. p. Wagner (P. A. L.) 204
Kalilah et Dimnah . 21
Kaulek, Papiers de Barthélémy, IV (A. G.) 173
Kawerau, Le passé de Magdebourg;
— La vie littéraire de Halle (A. Ghuquet) 34
Kerviler, Répertoire général de bibliographie bretonne, I, 8 (T.
deL.);
— Les députés de la Bretagne aux États-Généraux et à la Gonsti-
tuante (T. de L.) i55
Kléber .*. 379 et 419
Klette, Les deux Jean de Ravenne;
— Les trois poètes florentins de Bruni (P, de Nolhac.) 75
KoENiG, Les Ophites(R. Du val). 104
Koertlng, Le roman au xvii^ siècle (Gh. J.) 453
Kraeger, Trad. de Fichte, ... 417
Krause, Wissembourg et Hans de Drott (Gh. Pfister) 470
Krebs, L'inscription de Khnoumhotpou (G. Maspero) 32i
Kronenberg, La philosophie de Herder (L. Herr) 494
La Fontaine, Œuvres, V, p. p. H. Régnier (A Delboulle). . . i3
La Grassehie de), Études de grammaire comparée, De la catégo-
gorie des temps et des cas (J. Halévy) 341
Lalher, Edit. de Gatilina * 425
Laloux et Monceaux, Restauration d'Olympie (Salomon Rei-
nach) io5
TABLE DES MATIERES XI
pages
Lanéry d'Arc et Grellet-Balguerie, La Piuzela d'Orlhienx
(P. M.) 408
— Du franc-alleu (H. Pirenne) 465
La/î^M^f (Hubert) 3o8
Laroque [Bon'ihs] ' 17
Laugel, Rohan (Rott) 208
La Ville de MiRMONT (de], La Moselle d'Ausone (J. Martha) , . 186
Lebarq, Histoire critique de la prédication de Bossuet (A. Rebel-
liau) 210
— Sermon sur l'ambition, de Bossuet (L.) 356
Lebègue, Une école inédite de sculpture gallo-romaine. — Tétri-
cus et le chevalier Dumège iT. de L.) 3o
Lkdiru, Le livre de raison d'un magistrat picard (A. Delboulle) . i3o
Léger, Russes et Slaves (A C). 41 5
Leibni\&t sa correspondance 435
Lejay, Inscriptions antiques de la Côte-d'Or (R. Gagnât) 108
Leopardi 76
Leroux, Géographie et histoire du Limousin (Ch. V. Langlois). , 3go
Lesigne, Jeanne d'Arc ,Ch. Pfister) 191
Levasseur, La population française, I (J. Flach) 266
Liège (Conférences de la Société d'art et d'histoire du diocèse
de) 172
Liguori i35
Ligurimis (le) 466
Limousin (Histoire et géographie du) 390
LiTZMANN, Schiller à lena (A. G.) i53
LoDS, L'Eglise réformée de Paris (A G.) 17
LucHS, Ed. des livres XXVI-XXX de Tite-Live (P. Lejay). . . 124
Luzio, L'Arétin à Venise (Pélissier) 128
Lyon, L'idéalisme en Angleterre au xvn^ siècle (L. Herr) .... 23 1
Madvig, Opuscules académiques (P. Lejay) 464
Magdebourg 34
Margoliouth, Yèfelh, commentaire de Daniel 441
Markoff (de), Monnaies arsacides et sassanides de l'Institut des
langues orientales de Pétersbourg (E. Drouin) 141
Meister, Les dialectes grecs (My) 221
— Du dialecte cypriote (My) 383
Meisterhans, Grammaire des inscriptions attiques (My) 201
Meschinot 3i2
Metzger, Tiad. du Livre des parterres fleuris d'Aboul Walid. 38i
Michael, L'Histoire universelle de Ranke (Gh. Pfister) 3y2
Miranda (le général) et la Révolution française (A. Ghuquet). . 39!)
Morone 74
Mo//ère, X, p. p. Mesnard(A. Gazier) i33
MoLiNiER (Em.), Venise,, les arts décoratifs, ses musées et ses col-
XII TABLE DES MATIERES
pages
lections (L. G. P.) i5i
MûNTz, Les archives des arts, I (L. G. Pélissier) 253
Musset 396
Neri, De Minimis (L. G. P.) 493
Nestlé, L'Invention de la Sainte-Croix (R. D.) 61
Nettleship, Edition des Essais de Mark Pattison (P. de Nolhac). lyS
Nicéphore 5o5
NiESE, Ed. deJosèphe 22
NoHL, Discours de Cicéron(Em. Thomas) '. . . . 164
NoLHAC (de), Le château de Versailles au temps de Marie-Antoi-
nette (A. G.) 96
— Piero Vettori et Carlo Sigonio (L.) 170
Ogôoué {ï) 416
Olivier de La Haye, p. p. GuiGVE (A, Delhoulh) 189
Olympie io5
Otton de Bamberg 204
Ouvré, Démosthène (Gh. Cucuel) 222
OvzWe, Tristes, p. p. Owen (E. Thomas) 43
— Extraits, p. p. Sedlmayer fE. T.) ~55
Owen, Edition des Tristes d'Ovide (E. Thomas) 43
Paléologue, Vauvenargues (A. Delboulle) 253
Parfouru, Deux bourgeois d'Auch à la cour de France (T.
de L.) 207
Paris (G. ^, La littérature française au moyen âge (T. de L.). • • 43o
Paris (P.), Musée archéologique de Bordeaux, I (Salomon Rei-
nach) 28
Pattison (Mark), Essais (P. de Nolhac) 175
Paulson, Un manuscrit de S. Jean Chrysostôme (P. A. L.). . . . 307
Pellechet, Les dialogues de Heyden.
— L'imprimeur Georges Serre.
— Les incunables de Versailles (T, de L.) 491
Pellisson, Cicéron (L.) 144
Perrens, Histoire de Florence, III (A. Chuquet) 432
Perrero, La maison de Savoie (L. G. P.) 276
Petit, André Doria (L. Farges) 3
Pétrie, Howara, Biahmouet Arsinoe (G. Maspero) i
Pimodan, Le mère des Guises *(F. D.) 452
PiRENNE, La constitution de Dinant au moyen âge (Lefranc) . . 445
PiscHEL et Geldner, Etudes védiques. I (V. Henry) 81
Pistoie , 192
Piuiela d' Orlhienx [\di) 408
Pizzi, Firduzzi, Le Livre des Rois.
— L'épopée persane
— Chrestomathie persane 281
Platon, Le mallus (Ch. Pfister) ^ . . . . 352
o
TABLE DES MATIERES XIII
pages
Plessis, L'Iliade latine (P. L.) 47
Plew, Les sources de rhistoire d'Hadrien (R. Gagnât) 41
P01RET, Horace (L Uri) 86
Pontevico 354
PooLE, Catalogue des monnaies persanes du British Muséum (J.
Darmesteter) 323
PosTGATE, Ed. de Catulle 261
PouY, Le baron Hogguer (T. de L.). . 193
Pradel, Un marchand de Paris au xvi^ siècle (T. de L.) 129
Psaumes, texte grec, p. p. Swete (M. Vernes) 66
Rabaud, Bonifas Laroque (A. C) 18
Rabelais 89
Ranke et son histoire universelle 392
Régnier (H.), Œuvres de La Fontaine, V (A. DelbouUe) i3
Reichert, La seconde partie de rOdyssée (A. Hauvette) 468
Reisch, Les offrandes votives grecques (Salomon Reinach) .... 61
Requin, L^imprimerie à Avignon en 1444 (T. de L.) 471
RiCHET, La chaleur animale (L. Herr) 197
Richter et KoHL, Annales de l'empire allemand, I (Ch. Pfister). 227
RiEZLER, Histoire de Bavière III (Ch. Pfister) 488
Robert (U), Les signes d'infamie au moyen âge (T. de L.). . . 327
Roberty (de), L'inconnaissable (L. Herr) 19
Rohan 208
Rolland de Denus, Dictionnaire des appellations ethniques de la
France et des colonies (H. G.) 52
Rolland (Eug.), Variétés bibliographiques 3o8
Royou (Coreniin) • 3 12
Ruble (de), Le colloque de Poissy (T. de L.) . 5i3
Sabbadini, Etudes critiques sur l'Enéide (P. Lejay) ''. i63
Saint-Chamond 116
Salemann et Shukovski, Grammaire persane (B. M.) 322
Salliiste, Catilina,p. p. Antoine et Lallier (Isaac Uri) 425
6amz«?/ (Les livres de) 462
Sanders, Causeries d'un lexicographe.
— Nouveau choix de synonymes (A. Bauer) i 36
Schepss, Ed. du Dialogue de Conrad de Hirschau 287
Schiller i 5 3
Schlumberger, Nicéphore Phocas (Salomon Reinach) 5o5
ScHMALz, La langue d'Asinius Pollio (A. Cartault) 3o5
Schmidt(W.), La conscience (L. Herr) 278
Schoene, Ed. de l'Agricola de Tacite (E. T.) 87
Schrader, Bibliothèque cunéiforme, I(J. Halévy) 483
ScHURER, Histoire du peuple juif à l'époque de Jésus-Christ
(M. Vernes) 143
— Complément à cet article 189
XIV TABLE DES MATIERES
pages
ScHWOB et GuiEYssE, L'argot français (E. Bourciez]^ 5i6
Sedlmayer, Extraits d'Ovide 63
Smith, Trad, de Fichte 417
Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège, Conférences II (A.
Chuqueti 172
SoMMERVoGEL, L'auteur dcs Monita sécréta (T. de L.) i5r
S0UCAILLE, Etat monastique de Béziers avant la Révolution (T.
de L.) .• 96
Stapfer, Rabelais (A. Lefranc) 89
Stimming, Girart de Rossillon (E. Muret) 371
Stockmar (de), La fuite de Varennes (A. C) 476
Strasbourg et la Réforme 12
Swete, Texte grec des Psaumes 66
Tacite, Agricola, p. p. Schoene (E. T.) 87
Tanzi, La Chronologie d'Ennodius (Ch. Pfister) ^ . . 88
Tavernier, Voyages trad. Ball (Ch. J.) 484
Teicher, Kleber(A. Chuquet) 379
— Note supplémentaire 419
Theodoret et ses sources 367
Tibulle 223
Tiroiivallouva 181
Tite-Live, XXXI-XXXVp. p. Zingerle (E. T.) 87
— XXVI-XXX p. p. LucHs(P. Lejay) 124
Tolstoï et Kondakov, Les antiquités scythes-sarmates. II (L.
Léger) 85
Tougard, Les saints du diocèse de Rouen (A. D.) 252
TozER, Les îles de l'Archipel (Salomon Reinach) 25 1
Trière (la) > i83
TuRNER, Les romanciers russes contemporains (L. L.) 398
Ullrich, Tibulle (A. Cartault) 223
Vaillant, Epigraphie de la Morinie (R. Cagnat) 108
Van Muyden, La Suisse sous le pacte de 181 5 (F.) 477
Vasili, La Sainte-Russie (L. L.) 499
Vauvenargues 253
Vengerov, Dictionnaire des écrivains russes, I (L. Léger) 457
Venise i5i
— et son imprimerie 23o
Vergé et de Boutarel, Table du compte-rendu des séances et tra-
vaux de l'Académie des sciences morales et politiques (C). . . 279
Veronese 394
Viollet, Histoire des institutions politiques et administratives de
la France, I(J. Flach) 288
— Notes complémentaires (P. V. ) 291
Virgile 11
Vries (de), Un manuscrit du De Senectute (Em. Thomas). . , . i25
TABLE DES MATIERES XV
pages
VuLPiNUS, Gûnther, le Ligurinus. 466
Waddington (A.), Hubert Languet (Ch. J ) 3o8
Wallon, Les représentants en mission, III (A. Chuquet) 97
Wageningen, Les Géorgiques (P. Lejay) 102
Wagner, Edition dcJuvenal 204
Walther, Science et christianisme (M. V.) 287
Wattenbach, Les lettres de Guy de Bazoches (Léon Dorez). . . Sgo
Welzhofer, Histoire de la Grèce jusqu'à Solon (Am. Hauvette). 424
Westcar (le papyrus) 422
Weyland, L'apocalypse de S. Jean (M. Vernes) 87
Willems, Le droit public romain (P. G.) 3o6
WiMMER, Les runes.
— Les fonts baptismaux d'Aar-Kirkeby (E. Beauvois) 368
Winckler, La Fable d'El Amarna.
— Recherches d'histoire babylonienne (F. Halévy). . , 484
Wissembourg et Hans de Drott 470
WuLFF, Le lai du cor (E. Muret) 11 1
— Un chapitre de phonétique avec transcription d'un texte an-
dalou (E. Bourciez) 07
Yêfeth,, Commentaire de Daniel, p. p. Margoliouth (R. Duval). 441
Yves (Saint) et sa légende 206
Zahoroipski i5i
Zarncke, La langue littéraire en Grèce (My) 35 i
Zdekauer, Études sur Pistoie (L. G. P.) 192
Zingerle, Ed. de Tite-Live XXXI'XXXV 87
TABLE MÉTHODIQUE DES OUVRAGES ANALYSÉS
Langues et littératures orientales.
Aboiil Walid, Le livre des parterres fleuris, trad. par Metzger
(R. Duvalj 38i
Artin Pacha, L'instruction publique en Egypte (G. Maspero). . 36 1
Barbier de Meynard, Suppléments aux dictionnaires turcs-arabes
(G. H.) 421
Barrigue de Fontainieu, Le livre d'amour de Tirouvallouva (L.
Feer) 181
Bartholomae, Le groupe indo-européen ss (V. Henry) 3o2
Brandt, Le mandaïsme (R. Duval) 10 1
Darmesteter (J.), Chants populaires des Afghans (V. Henry). . 241
Delitzsch et Haupt, Contributions à Passyriologie (J. Halévy). . 481
XVI TABLE DES MATIERES
pages
Derenbourg (J.), Edition de Kalilah et Dimnah, II (R. Duval). 21
Driver, Les livres de Samuel (A. Loisy) 462
DuTT, Histoire de la civilisation dans l'Inde ancienne (A. Barth). 401
Edkins, L'évolution de Thébreu (R. Duval) 5ox
Erman, La langue du papyrus Westcar (G. Maspero) 422
Grill, Hymnes choisis de l'Atharva-veda (A. Barth) 461
Jensen, Cosmologie des Babyloniens (J. Halévy) 486
KoENiG, Les Ophites (R. Duval) 104
Krebs, L'inscription de Khnoumhotpou (G. Maspero) 32i
La Grasserie (de), Etudes de grammaire comparée, De la catégo-
rie des temps et des cas (J. Halévy) 341
Markoff (de), Monnaies arsacides et sassanides de l'institut des
langues orientales de Pétersbourg (E, Drouin) 141
Pétrie, Howara, Biahmou et Arsinoe (G. Maspero) i
PiscHEL et Geldner, Etudes védiques, I (V. Henry) 81
Pizzi, Firdusi, le livre des Rois;
— L'épopée persane;
— Chrestomathie persane 281
PooLE, Catalogue des monnaies persanes du Bristish Muséum (J.
Darmesteter) 323
Salemann et Shukovski, Grammaire persane (B. M,) 322
ScHRADER, Bibliothèque cunéiforme, I (J. Halévy) 483
Winckler, La table d^El-Amarna ;
— Recherches d'histoire babylonienne (J. Halévy) 484
Yêfeth, Commentaire de Daniel, p. p. Margoliouth (R. Duval). 441
Langue et littérature grecques.
Bienwald, Les manuscrits d'Antiphon (Ch. Cucuel) 144
CoNAT, Aristophane et l'ancienne comédie grecque (P. Guiraud). 248
Cl'rtius (E.j, Sous trois empereurs. Études et discours (B, Haus-
souUier) 423
Gurlitt, Pausanias (A. Hauvette) 202
Johnson, Bibliothèque platonique, II (L. Herr) 247
Josèphe, p. p. Niese (Th. Reinach) 22
Meister, Les dialectes grecs (My) 221
— Du dialecte cypriote (My) 383
Meisterhans, Grammaire des inscriptions attiques (My). . . . 201
Ouvré, Démosthène (Ch. Cucuel) 222
Paulson, Un manuscrit de S. Jean Chrysostome (P. A. L.) , . . 307
Reichert, La seconde partie de l'Odyssée (A. Hauvette) 463
Zarncke, La langue littéraire en Grèce (My) 35 1
TABLK DES MATIERES XVII
pages
Langue et littérature latines.
Amiel, Erasme (P. de Nolhac) 374
Campaux, De la critique du texte d'Horace (F. Plessis) 124
Catulle, Manuscrit de ?aint-Germain-des-Prés (P. Lejay). . . . 487
— P- p. PosTGATE (A. Carlault) 261
Châtelain, Dictionnaire latin-français de Quicherat et Daveluy;
— Lexique de Sommer (P. Lejay) 9
Cicéron, Discours, p. Nohl (Em. Tliomas) 164
Conrad de Hirschaii, Dialogue, p. p. Schepss (A. Cartault). . . 287
Etudes s,\i\' \e. Vài'm archaïque, I, 2 (P. Lejay) 5o2
Fehrnborg, Les verbes latins en uo (V. Henry). ^84
Giinther, Le Ligurinus, irad. Vulpinus (R.) 466
Hertz, L'Horace de Guyet (Isaac Uri) 352
Hildebrandt, Le Culex de Virgile (F. Plessis) 11
HocHART, DePauthenticité desx\nnales et Histoires de Tacite (R.
Gagnât) 3o3
Hoffmann, Le Mediceus de Virgile (P. Lejay) 161
Juvénal, p. p. Wagner (P. A. L.) 124
La Ville de Mirmont (de), La Moselle d'Ausone CJ. Martha) ... 186
Madvig, Opuscules académiques (P. Lejay] 464
Ovide, Tristes, p. p, Owen (E. Thomas) 43
— Extraits, p. p. Sedlmayer (E. T.) , 65
Pellisson, Cicéron (L.) 144
Plessis, L'Iliade latine (P. L.) 47
Poiret, Horace (L Uri) 86
Sabbadini, Etudes critiques sur l'Enéide (P. Lejay) i63
Salluste, Catilina, p. p. Antoine et Lallier (Isaac Uri) 425
ScHMALZ, La langue d'Asinius Pollio (A. Cartault) 3o5
Tacite, Agricola, p. p. Schoene (E. T.) 87
Tite-Live, XXVI-XXX, p. p. Luchs (P. Lejay) 124
— XXXI-XXXV, p. p. ZiNGERLE (E. T.) 87
Ulrich, Tibulie(A. Cartault) 223
Vries (de), Un manuscrit du De Senectute (Em. Thomas). ... i 25
Wageningen, Les Géorgiques (P. Lejay) 162
Wattenbach, Les lettres de Guy de Bazoches (Léon Dorez). . . 390
Langue et littérature françaises.
Bauer, Les tournures subjectives dans les chansons de geste (L. C.) 327
Bertin, La société du Consulat et de l'Empire (C.) 118
Birch-Hirschfeld, Histoire de la littérature française (Ch. J ). . 208
XVIII TABLE DES MATIERES
pages
BouRGOiNG, Les maîtres de la critique au xu* siècle (A. Delboulle). gS
Bréal, La réforme de Torthographe française (A. Delboulle). . . 33 1
Bûcher, "Poésies, p. p. Denais (A. Delboulle) 354
Chrétien de Troyes, Le chevalier au lyon, p. p. Foerster (E,
Muret) 66
Darmesteter (A.), Reliques scientifiques (Salomon Reinach), . . 3oi
Debidour, Les chroniqueurs, Froissart, Commines(A. Delboulle). i68
Du Bois DE La Villerabel, La légende de saint Yves (A, Del-
boulle) 206
Espagnolle, Les imaginations et les doublets de M. Brachet;
— La clef du vieux français (A. Delboulle) 3i
EssARTs (E. des), Le théâtre d'Alfred de Musset (Léo Claretie). . 396
Fabre (A.), Chapelain et nos deux premières académies (T. de L.). 40g
FiNOT, Port Royal et Magny (A Gazier) 94
GoDEFROY, Réponse aux attaques contre le Dictionnaire de l'an-
cienne langue française (A. Jacquet) ^ . . . . 466
GouRcuFF, Jean Meschinot et Corentin Royou (T. de L.) 3 12
Hémon, Chanson de Roland ;
— Joinville;
— Montaigne (A. Delboulle) 71
KoERTiNG, Le roman au xviii^ siècle (Ch. J.) 453
La Fontaine, Œuvres, V, p. p. H. Régnier (A. Delboulle) ... r3
Lanéry-d'Arc et Grellet-Balguerie, La Piuzela d'Orlhienx
(P. M.) 408
Lf.barq, Histoire critique de la prédication de Bossuet (A. Re-
belliau) 210
— Sermon sur l'ambition de Bossuet (L.] , 356
Molière, X, p, p. Mesnard(A. Gazier) i33
Olivier de La Haye, p. p. Guigue (A. Delboulle) 189
Paléologue, Vauvenargues (A. Delboulle) 253
Paris (G.), La littérature française au moyen âge (T. de L.). . . 430
ScHwoB et GuiEYssE, L'argot français (E. Bourriez). ...... 5 16
Stapfer, Rabelais (A. Lefranc) 89
Stimming, Girart de Rossillon (E. Muret) 371
WuLFF, Le lai du cor (E. Muret) m
■ — Un chapitre de phonétique avec transcription d'un texte anda-
lou (E. Bourciez) .157
Histoire grecque.
Berger, Histoire de la géographie scientifique des Grecs, II (B.
Auerbach) 363
Breusing, La solution de l'énigme de la trière (A. Cartault). ... i83
Guldenpenning, Les sources de Théodoret (L.) 367
TABLE DES MATIERES XIX
pages
HoussAYE (H.), Aspasie, Cléopâtre, Théodora (Salomon Reinach). 284
TozER, Les îles de rArchipel (Salomon Reinach) 25 i
Welzhofer, Histoire de la Grèce jusqu'à Solon (Am. Hauvette). 424
Histoire romaine.
Appleton, La propriété prétorienne et l'action publicienne (P.
Guiraud) 407
Froelich, L'armée de César (R. G.) 35 1
Garofalo, Les fastes des tribuns du peuple (R. G.) i23
Plew, Les sources de l'histoire d'Hadrien (R. Gagnât) 41
Tanzi, La chronologie d'Ennodius (Gh. Pfister) 88
WiLLEMS, Le droit public romain (P. G.) 3o6
Archéologie, épigraphie et histoire de Vart antique.
Gagnât, Gours d'épigraphie latine (P. F. Girard) 386
Cartault, Vases grecs en forme de personnages groupés (Salomon
Reinach). 41 et 119
EspÉRANDiEU, Epigraphie romaine du Poitou et de la Saintonge
(R. Gagnât) 108
HÉLÈNE, Le bronze (Salomon Reinach) 382
Hogarth, Dévia Gypria (Salomon Reinach) 122
Laloux et Monceaux, Restauration d'Olympie (Salomon Reinach). io5
Lebègue, Une école inédite de sculpture gallo-romaine;
— Tetricus et le chevalier Dumège (T. de L.) 3o
Lejay, Inscriptions antiques de la Gote-d'Or (R. Gagnât) . . . . 108
Paris (P.), Musée archéologique de Bordeaux, I (Salomon Rei-
nach) 28
Reisch, Les offrandes votives grecques (Salomon Reinach). . . 61
Vaillant, Epigraphie de la Morinie (R. Gagnât) 108
Archéologie du moyen âge et art de la Renaissance .
BiNDi, Monuments historiques et artistiques des Abruzzes (P. N.). 5x3
Galiari, Véronèse (L. G. P.) 394
Fichot, Statistique monumentale du département de TAube (H.
d'Arbois de Jubainville) 144
MoLiNiER (Em.), Venise, ses arts décoratifs, ses musées et ses col-
lections (L. G . P. ) 1 5 I
MuNTZ, Les archives des arts, I (L. G. Pélissier) 253
PATTisoN(Mark), Essais (P. de Nolhac) 175
XX TABLE DES MATIERES
pages
Histoire du moyen âge.
AuERBACH, La question sociale au xv^ siècle (Ch. Pfîster) 252
Bellow. Histoire de la commune allemande (H. Pirenne) 48
Blaze de Bl'ry, Jeanne d'Arc (Ch. Ffister.! 72
Bryce, Le Saint-Empire germanique et l'empire actuel d'Alle-
magne (Ch. Pfister) 148
C0VILLE, Les Cabochiens (Ch. Pfister) 449
Grundlach, La primauté d'Arles sur l'église des Gaules (Ch. Pfis-
ter) 5o3
Jol'bert, La baronnie de Craon (L. Farges) 228
JuRiTscH, Otton de Bamberg (Ch. Pfister) 204
Krause, Wissembourg et Hans de Drott (Ch. Pfister) 470
Lanèry d'Arc, Du franc alleu (H. Pirenne) 465
Lesigne, Jeanne d'Arc (Ch. Pfister) 191
Michael, L'Histoire universelle de Ranke (Ch. Pfister) 392
Pirenne, La constitution de Dinant au moyen âge (A. Lefranc). 445
Platon, Les mallus (Ch. Pfister) 352
Richter et KoHL, Annales de l'empire allemand, I (Ch. Pfister). . 227
RiEZLER, Histoire de Bavière, III (Ch. Pfister) 488
Robert (U.), Les signes d"'infamie au moyen âge (T. de L.). . . 327
ScHLUMBERGER, Nicéphore Phocas (Salomon Reinach). 5o5
ViOLLET, Histoire des institutions politiques et administratives de
la France, I (J. Flach) 288
— Notes complémentaires (P. V.) 291
Histoire moderne.
Aulard, Actes du comité de salut public, II ;
— La Société des Jacobins, I ;
— Mémoires de Louvet (A. Chuquet) 194
AuRiOL, La défense du Var (A. C.) 237
Avenel (d'), Richelieu et la monarchie absolue (G. H.) 374
Babeau, Paris en 1789 (A. Gazier) 33
Bartholomeis, Recherches dans les Abruzzes (Léon G. Pélissier). 329
Baum, Le magistrat et la Réforme à Strasbourg (X.) 12
Berenzi, Histoire de Pontevico (L. G. P.) 354
Boissonnade, Les volontaires de la Charente (A. Chuquet). ... 413
Bruch, Souvenirs (P. R.) 317
BuET, François de Guise (F. D.) , ^53
Carré, Le parlement de Bretagne après la Ligue;
— L'administration municipale de Rennes au temps de Henri IV
TABLE DES MATIERES XXI
pages
(L. Farges) i3i
Cars (duc des), Mémoires (A. Chuquet) 497
Charavay, Assemblée électorale de Paris, 1790-1791, procès- ver-
baux (A. Ch ) 474
Chotard, Louis XIV, Louvois, Vauban et les fortifications de la
France (A. C.) 297
CoNDÀMiN, Histoire de Saint-Chamond (A. C.) 116
Duquet, Paris, le 4 septembre, Châtillon (A. Chuquet) 255
Erdmannsdœrffer, Correspondance politique de Charles-Frédéric
de Bade, I (A. Chuquet) 112
Eyssette, Histoire administrative de Beaucaire (Z.) 170
Fage, Le diocèse de la Corrèze pendant la Révolution (C). . . . 477
Fay, Souvenirs de la guerre de Crimée;
— Marches des armées allemandes en 1870 (A. Chuquet). ... 3i3
Gasquet, Henri VIH et les monastères anglais (Ch, V. Langlois). 262
Gaudenzi, Les compagnies d'armes de Bologne (Léon G. Pélis-
sier) 329
Gottlob, La fiscalité pontificale au xv^ siècle (Ch. Pfister). ... 166
Halphen, Lettres de Henri IV à M. de Béthune (T. de L.). . . . 1 1 r
JuRiEN DE LA Gravière, Lcs ouvricrs de la onzième heure (H, D.
de Grammont) , . . 394
Kaulek, Papiers de Barthélémy, IV (A. C.) 175
Kerviler, Répertoire général de bibliographie bretonne, I, 8 (T.
deL.);
— Les députés de la Bretagne aux Etats-Généraux et à la Consti-
tuante (T. de L.) i55
Laugel, Rohan (Rott) 208
Ledieu, Le livre de raison d'un magistrat picard (A. Delbouile). i3o
Leroux, Géographie et histoire du Limousin (Ch. V. Langlois). . 890
LoD-s, L'Église réformée de Paris (A. C.) 17
Miranda (le général) et la Révolution française (A. Chuquet). . 395
Neri, De minimis (L. G. P.) 493
Nolhac (de), Le château de Versailles au temps de Marie-Antoi-
nette (A. C). . 96
PvRFOURU, Deux bourgeois d'Auch à la cour de France(T. de L.) 207
Perrens, Histoire de Florence, 111 (A. Chuquet) 432
Perrero, La maison de Savoie (L. G. P.) 276
Petit, André Doria (L. Farges) 32
Plmodan (de), La mère des Guise (F. D.) 452
PouY, Le baron Hogguer (T, de L.). . . . 193
Pradel, Un marchand de Paris au xvni^ siècle (T. de L.). ... 129
Rabaud, Bonifas Laroque (A. C.) 17
Ruble (de), Lecolloque de Poissy (T. de L.) 5i3
Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège, Conférences, II
lA. Chuquet) 172
XXII TABLE DES MATIERES
pages
SoMMERVOGEL, L'auteur des Monita sécréta (T. de L.) i5i
SoucAiLLE, État monastique de Béziers avant la Révolution (T.
de L ) 96
Stockmar (de), La fuite de Varennes (A. C.) 476
Teicher, Kléber (A. Chuquet) 379
Van Muyden, La Suisse sous le pacte de 181 5 (F.) 477
Waddington (A.), Hubert Languet (Ch. J.) 3o8
Wallon, Les représentants en mission, III (A. Chuquet], ... 97
Zdekauer, Etudes sur Pistoie (L. G. P.) ig-z
*
Théologie et histoire de l'Eglise.
Chantepie de La Saussaye, Manuel de l'histoire des religions, II
(M. Vernes) 226
Congrès scientifique international ',et catholique de Paris (Salo-
mon Reinach) 5
Courdaveaux, Comment se sont formés les dogmes (M. Vernes). i65
Delft, Histoire du rabbi Jésus de Nazareth (M. Vernes) 121
DoELLiNGER, Contributions à l'hist. des sectes du moyen âge (Ch.
Pfister) 126
DucHESNE, Origines du culte chrétien (A. Sabatier) 426
— Le liber pontificalis (V.) 442
DuMORTiER, Lettres de Liguori (L.-G. P.) i35
F.\BRE (P.), Le liber censuum de l'Eglise romaine, I (V.) 444
Hatch, Essais sur le grec biblique (P. L.) . 24
HoLZMANN, Les Synoptiques et les Actes des Apôtres (M. Vernes), 8
Nestlé, L'invention de la sainte Croix (R. D.). 61
Psaumes, Texte grec, p, p. Swete (M. Vernes) 66
ScHiJRER, Histoire du peuple juif à l'époque de Jésus-Christ (M.
Vernes) 143
TouGARD, Les saints du diocèse de Rouen (A. D.) 252
Walther, Science et christianisme (M. V.) 287
Weyland, L'apocalypse de saint Jean (M, Vernes) 87
Langue et littérature allemandes.
Bonet-Maury, Bûrger(A, Chuquet) i5
Geiger (L.), Annuaire de Gœthe, X (A. Chuquet) 216
— Essais et conférences (A. Chuquet) 474
Kawerau, Le passé de Magdebourg ;
— La vie littéraire de Halle (A, Chuquet) 34
Litzmann, Schiller à îena (A. C.) i53
Sanders, Causeries d'un lexicographe ;
1
TABLE DES MATIÈRES XXtlI
pages
— Nouveau choix de synonymes (A. Bauer) i36
WiMMER, Les Runes ;
— Les fonts baptismaux d'Aarkirkeby(E. Beauvois) 368
Langue et littérature italiennes.
Antona-Traversi, Nouvelles études littéraires;
— Curiosités foscoliennes;
— Catalogues des manuscrits inédits de Léopardi;
— L'Œdipe de Foscolo (Ch. J.). 76
Carducci, Œuvres, I-IV (P. N.) 49^
GocHiN, Boccace(P. de Nolhac) BgS
GioDA, Morone (L. G. P.) 74
Klette, Les deux Jean de Ravenne;
— Les trois poètes florentins, de Bruni (P. de Nolhac). ..... yS
Luzio, L'Arétin à Venise (Pélissier) 128
Nolhac (de), Piero Vettori et Carlo Sigonio (L.) 170
Langue et littérature slaves.
Bulgare, Recueil de folklore, de science' et de littérature (L. Lé-
ger) i36
Charpentier, Impressions de voyage en Russie (L. L.) 118
CoRviN, Le théâtre en Russie (L. L.) 5i5
Léger, Russes et Slaves (A. C.) 41 5
Tolstoï et Kondakov, Les antiquités scythes-sarmates, I (L. Lé-
ger) 85
TuRNER, Les romanciers russes contemporains (L. L.) SgS
Vasili, La sainte Russie (L. L.) 495
Vengerov, Dictionnaire des écrivains russes, I (Louis Léger). . 457
Ethnographie, géographie et voyages.
Cat, La carte de rOgôoué(H. D. de Grammont) 416
Charvériat, a travers la Kabylie (H. D. de Grammont) 3 18
F1ERVILLE, Voyage d'un janséniste en Hollande (A. Gazier). . . 75
Levasseur, La population française, I (J. Flach) 266
Tavernier, Voyages, trad. Ball (Ch. J.) 434
Science, philosophie et histoire de la philosophie.
Arréat, La morale dans le drame (L. Herr) 19
Beaunis, Les sensations internes (L. Herr) 19^
XXIV TABLE DES MATIÈRES
pages
Brrtrand (AI.), La psychologie de l'effort et les doctrines con-
temporaines (L. Herr). c 298
BoDEMANN, La correspondance de Leibniz à Hanovre (L. Herr) . 435
Carnio, L'âme humaine (L Herr) 278
Falsan, La période glaciaire (L. Herr) 198
i^/c/2?e, trad. par Kraeger et Smith (L. Herr) 417
GuYAU, L'art au point de vue sociologique (R. Doumic) 36
Hartmann (Ed. de), Théorie de la connaissance (L. Herr). , . . 279
Kronenberg. La philosophie de Herder (L. Herr) 494
Lyon, L'idéalisme en Angleterre au xviii^ siècle (L. Herr). ... 23 1
Richet, La chaleur animale (L. Herr) 197
Roberty (de), L'inconnaissable (L. Herr) 19
Rolland de Denus, Dictionnaire des appellations ethniques de
la France et des colonies (H. G.) 52
ScHMiDT (W.), La conscience (L. Herr) 278
Numismatique.
Barthélémy (An. de), Manuel de numismatique ancienne (Salo-
mon Reinach) , 326
Droit et sociologie.
Jellinek, Loi et ordonnance (P. Viollet). - • • 277
Bibliographie et histoire de l'imprimerie.
Castellani, L'imprimerie à Venise et son origine (P. de Nolhac). 23o
Castellani et Favaro, Les manuscrits vénitiens de la collection
Philipps (L. G. P.). 418
Catalogue général dzs manuscrits des bibliothèques publiques de
France F.). 332
Favre (Ed.), Mémorial des cinquante premières années de la So-
ciété d'histoire et d'archéologie de Genève TC .) i53
Pellechet, Les dialogues de Heyden ;
— L'imprimeur Georges Serre;
— Les incunables de Versailles (T. de L.) 491
Requin, L'imprimerie à Avignon en 1444 (T. de L.) 471
Rolland^ Variétés bibliographiques 3o8
Vergé et de Boutarel, Table ou compte-rendu des séances et tra-
vaux de l'académie des sciences morales et politiques (G.). . . . 279
I
TABLE DES MATIERES XXV
pages
Chronique
ABEL{Eug.), Not. nécrol iSg
Amélineau, Monuments pour servir à l'histoire de l'Egypte chré-
tienne ^o
Andrae. La voie Appienne, III 479
Archives de Gœthe et de Schiller 119
Arneth (d') et Flammermont, Correspondance secrète de Mercy
avec Joseph II et Kaunitz. 259
Attaï et RiABiNiNE, Trad. du Livre de Kalilah et Dimnah . . . 140
Bergmans, Antonius Mathias d'Anvers, imprimeur du xvi* siè-
cle i38
Biblioteca di scrittori politici italiani^ p. p. Zanichelli .... 218
Bonaparte (prince Roland), Etudes géographiques et ethnographi-
ques ^^7
Bréal (M ), Premières influences de Rome sur le monde germa-
nique 239
Breul, Ed. de Guillaume Tell et des Fables de Geliert et Lessing. 460
Brown (P Hume), Buchanan humaniste 479
Bulletin des Musées 238
Bulletino délia Societa dantesca 438
Camau, La guerre dans les Alpes 438
Carnov et Ledieu. Revue du nord de la France 178
Charencey (de), Dialecte bas-navarrais du basque 338
Clédat, Manuel d'orthographe 259
Darmesteter (James), Chants populaires des Afghans 177
Darmesteter (M"^ Maryi, The French in Italy and their impé-
rial policy 419
Ebeling, La lettre signée A. Sorbin et relative au meurtre de Fr,
de Guise 459
FouQUÉ, La nouvelle loi militaire et l'Ecole normale 99
Franklin (Alfred), La vie privée d'autrefois 239
Garofalo, Fastes des édiles de la plèbe 438
Geiger (L.), Brochures sur l'histoire des Juifs 59
Gherardi, Les consulte délia repubblica fiorentina 120, 339
Grillpar\er (Société) 179
Guérard, Lettre de Grégoire II à Léon l'Isaurien 478
Harrisse, Christophe Colomb, les Corses et le gouvernement
français 178
~ Nouvelles recherches sur Thistoire de l'Amérique. 419
Havet (Ernest) 19
Henry, Grammaire comparée du grec et du latin, traduction an-
glaise 178
XXVI TABLE DES MATIERES
page*
— 2'' édition française du Précis 319
HiRscHFELD, Lcs gouvemeurs de provinces 58
Huld, Revue de folklore et de littérature islandaise 139
JoRET (Ch.), Le P, Guevarre et la fondation de Thôpital général
d'Auch 178
JouBERT, Brochures diverses 259, 280, 469
Kloucrk, L'Enéide de Virgile, 2' édit 399
KosTov et MicHEv, Chrestomalhie pour Tétude de la littérature. . i38
Labbé. Syntaxe latine nouvelle 56
Laporte, Bibliographie contemporaine, VII, 3 478
Leclerc, (Max), Lettres du Brésil 5 18
Leforestjer, Manuel pratique et bibliographique du correcteur. 338
Lefranc (Abel), Un règlement intérieur de léproserie au xin" siècle. 259
— Ulrich de Hutten à Paris 459
Léger, Histoire de l'Autriche-Hongrie 20
Lemonnier (H.), Les origines des temps modernes et la Renais-
sance 239
LoisY (A), Les proverbes de Salomon 5oo
Lombard, La Petite ville allemande de Kotzebue 57
Marquardsen, Le droit public des États modernes 479
Mativet, Tableaux synoptiques d'histoire étrangère 459
Melzi, Dictionnaire français-italien 119
MuNTz (Eug.), Constructions du pape Urbain V à Montpellier. 419
Némethy, Etudes des fragments d'Evhemère 139
Neue Kirchliche Zeitschrift 120
Nouveau-Testament de Tischendorf, 8" éd. major, vol, III,
tasc. II, p. p. Gregory et Abbot 280
Pélissier (L. p.), Lettres de soldats i38
Plato club (le) de Bloomington, Missouri 139
Regel, Lectures de Thackeray , 459
Réimpressions berlinoises 80
Ristelhuber, Contes alsaciens, II 58
Ruggiero, Dizionario epigrafîco 438
Sathas, Documents inédits relatifs à Phistoire de la Grèce au
moyen âge, IX 398
Sayous, Etudes sur la religion romaine et le moyen âge oriental. i 38
Schliemann, Fouilles de Hissarlik 20
Sepet, Les préliminaires de la Révolution 319
Société des études historiques 338
Société d'histoire et de géographie^ àcï\Jmv&rs\\é àt'L\ts,Q. . . 199
Société Jablonowski^ prix "proposés 339
Solerti et de Nolhac, Le Voyage de Henri III en Italie i39
Steiner et Scheindler, Exercices pour la seconde année de latin. 299
Strauch, Bibliographie de la littérature allemande moderne, 1888. 459
Tamizey de Larroque, Lettres inédites de quelques membres de
TABLE DES MATIÈRES XXVII
pages
la famille de Monluc, 56
— Une gerbe de billets inédits 338
Tauvel, Vie du Père Damien 178
Thédenat, Apollo Vindonnus 38
Thewrewk de Ponor, Édition critique de Festus 20
Thomas, (Em.), Les poésies de Catulle 5 18
Thomas (Gabriel), Du Danube à la Baltique 438
Weidner, 3° éd. de Cornélius Nepos 399
Weiss (R.), Du digamma dans les Hymnes homériques 139
Zeitschrijtfur die Geschichte des Oberrheins. 459
Zeitschriftfur Psychologie und Physiologie der Sinnesorgane. 338
Lettres et communications
Kleber et son dernier biographe (un Strasbourgeois) 419
Lettre de M. Bourgoin et réponse de M. Delboulle 218
Lettre de M. Brandt et réponse de M. R. Duval 237
Lettre de M. Cartault et réponse de M. Salomon Reinach 119
Lettre de M. Psichari 258
Lettre de M. Ledos et réponse de M. Psichari 358
Sociétés savantes
Académie des Inscriptions et belles-lettres (bulletin rédigé par
M. Julien Havet, du 20 décembre 1889 au i3 juin 1890.
Société nationale des antiquaires de France (Séances, du 18 décembre
1889 au 28 mai 1890).
PERIODIQUES
ANALYSÉS SUR LA COUVERTURE
Français.
Annales de l'Ecole libre des sciences politiques, n^^ i et 2.
Annales de l'Est, n^s j et 2.
XXVUI TABLK DliS MATIERES
Annales du Midi, n°* 5 et 6.
Bulletin critique, n" 24(1889) et no^ 1-12 (1890).
Bulletin du Cercle Saint-Siinon, n° i.
La Révolution française, 14 déc, 1889 — 14 juin 1890
Revue de l'art chrétien, janvier 1890.
Mélusine, n» 24 (1889) et n»» i-3 (1890).
Revue celtique, no 4 (1889) et n»* i et 2 (1890).
Revue d'Alsace, fasc. IV (1889) et fasc. I et II (1890).
Revue des études grecques, n»* 7-9 .
Revue historique, n°^ i, 2 et 3.
Revue rétrospective, i^i" jaiivier-i^r juin 1890.
Remania, janvier et avril 1890.
Allemands.
Altpreussische Monatsschrift, fasc. VII et VIII (1889), fasc. I-IV (1890).
Bertiner philologische Wochenschrift, n° 5i-52 (1889) et n°^ 1-24
(1890).
Deutsche Litteraturieitung, n° 5 i (1889) et no* i-25 (1890).
Deutsche Rundschau, janvier-juillet 1890.
Forschungen ^ur brandenburgischen und preussischen Geschichte,
III, 1.
Germania, XXII. 4.
Guttingische gelehrte An:{eigen, n» 25-26 (1889) et n^^ i-i i (1890).
Literarisches Centralblatt, n° 52 (1889) et n^* i-25 (1890).
Literaturblatt fiir germanische und romanische Philologie, n» 12
(1889) et nos 1.5 (1890).
Magasin fiir die Literatur des In-und Auslandes no 52 (1889) et n^s r-
24 ( 1890).
Neues Archiv der Gesellschajt fiir altère deutsche Geschichtskunde,
XV, 2.
Theologische Litteratur:{eitung, n° 26 (18891 ^^^°^ i-i2 (1890).
Zeitschrift fiir deutsches Altertum und deutsche Litteratur, i^'', 2^ et
3^ fasc.
Zeitschriftff deutsche Philologie, XXII, 3 et XXIII, i.
Zeitschrift fiir katholische Théologie, fasc. I et II.
Zeitschrift fUr romanische Philologie, XXll, 1-4.
Anglais,
The Academy n°s 920-945.
The Athenaeum, n°^ 3243-3268.
TABLE DES MATIERES XXIX
The Babylonian and Oriental Record, n°^ 2-6.
The English Historical Review, avril 1890.
Belges.
Revue de Belgique, j5 nov. 1889 — i5 mai 1890.
Revue de l'instruction publique (supérieure et moyenne) en Belgique,
nos 1.3.
Polonais .
Bulletin international de l'Académie des sciences de Cracovie^ décem-
bre 1889 et janvier — avril 1890.
LE PUY, IMPRIMERIE MARCHESSOU FILS, BOULEVARD SAINT-LAURENT, 23.
HH
4
«I
f
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
jMo 1 — 6 janvier — 1890
SomBîaSi'e î i. Pétrie, Howaia, Biahmou et Arsinoe. — 2. Congrès scientitique
international et catholique de Paris. — 3. Holzmann, Les Synoptiques et les
Actes des Apôtres. — 4-6. Châtelain, Dictionnaire latin-français de Quicherat et
Daveluy; Lexique de Sommer. — 7. Hildebrandt, Le Culex de Virgile. — 8.
Baum, Le Magistrat et la Réforme à Strasbourg. — 9. La Fontaine, Œuvres, V.
p. p. H. Régnier. — 10. Eonet-Maurv, Biirger. — 11-12. Lods, L'Eglise re'for-
mée de Paris. — i3. Rabaud, Bonifas Laroque. — 14, Arréat, La morale dans
le drame. — i5. De Roberty, L'Inconnaissable. — Chronique.
I. — W. M. Flinders Pétrie. Mawara, Biahmu and Arsinoe with thirty
plates. Londres, Trùbner, 1889, in-4, 66 p., 4 pi. et un frontispice.
M. Pétrie a continué le cours de ses fouilles en Egypte avec grand
succès. Le volume qu'il nous présente aujourd'hui contient le résultat
des recherches qu'il a entreprises au Fayoum pendant la saison d"hiver
1887-1888, Le Fayoum, a toujours été un des marchés les plus riches
où se sont approvisionnés les antiquaires du Caire et d'Alexandrie, et
j'y avais installé, en i885, un service de surveillance qui, malheureuse-
ment, n'a pas encore réussi à empêcher le pillage des richesses archéolo-
giques qu'on y déterre chaque jour. M. P. était attiré de ce côté tant
par la découverte récente de portraits de l'époque grecque, que par le
désir d'explorer les pyramides d'Howârâ, d'Ulahoun et de Biahmou.
Son travail, mené pendant deux ans avec l'autorisation du musée, s'est
donc poursuivi sur les sites des trois pyramides, en même temps que
dans les cimetières des villes anciennes où l'on avait chance de rencon-
trer des objets intéressants, portraits, étoffes ou papyrus.
Le premier champ qu'il explora s'étend de la vallée du Nil à la plaine
d'Arsinoé, à travers le défilé assez étroit par lequel le Bahr-Youssouf
lance celui de ses bras qui porte les eaux au Fayoum, 11 est délimité à
chaque extrémité par des restes de pyramide, par ceux de la pyramide
d'Howârà du côté du Fayoum, par ceux de la pyramide d'Ulahoun du
côté de la vallée. La pyramide d'Howârà n'a été définitivement ouverte
qu'en 1889, et la description des objets qu'elle renferme se trouvera
dans un autre volume que celui dont je rends compte. L'effort de M. P.
en 1888 porta avant tout sur les ruines dans lesquelles Lepsius avait
cru reconnaître le Labyrinthe. L'opinion de Lepsius, admise parla plu-
part des Egyptologues, n"était point partagée par Mariette. Louis Vas-
salli, qu'il envoya en reconnaissance sur le site indiqué en 186 1, revint
convaincu que les ruines d'Howârâ n'étaient point celles du Labyrin-
Nouvelle série, XXIX. i
2 REVUE CRITIQUE
the, mais appartenaient à des constructions d'assez basse époque, au mi-
lieu desquelles les habitants de la ville d'Arsinoé enterrèrent leurs
morts ^ Les fouilles de M. P. ont démontré complètement la justesse
des appréciations que Mariette et Vassalli avaient émises. « Les débris
« que Lepsius prenait pour ceux des murs et des chambres du Labyrin-
« the sont simplement les maisons et les tombes de la population qui
a détruisit ce grand édifice. L'amas d'édifices en briques qu'il identifiait
« avec un des côtés du labyrinthe représente les rues d'un village, fondé
« sur le lit épais d'éclats de pierre qui marque la destruction d'un ou-
« vrage en maçonnerie ; le couloir en pierre, qu'il a figuré sur les plan-
« ches des Denkmuler, faisait partie d'une tombe bâtie au fond d'un
« puits, creusé dans ce lit de décombres après que toute cette partie du
a Labyrinthe eut été détruite ~. » C'était, comme M. P. le remarque, la
petite ville que Strabon mentionne et qui s'était établie naturellement
à l'endroit où la destruction avait commencé. Les ingénieurs européens
du chemin de fer ont achevé ce que les fellahs d'autrefois avaient
si bien commencé, et il ne subsiste plus aujourd'hui de l'édifice tant
vanté par les anciens que des blocs isolés du patin en pierre de taille
sur lequel il se dressait, et quelques fragments d'architraves et de colon-
nes au nom d'Amenemhâït III et de Sovkounofriou : M. P, a même
retrouvé un bout d'inscription qui rappelle les constructions de cette
dernière reine. Le labyrinthe était primitivement le temple, la chapelle
de double, attachée à la pyramide d'Amenemhâït III, et peut-être
agrandie plus tard, M. P. essaie d'en restaurer le plan en comparant le
peu qui reste sur les lieux avec les descriptions d'Hérodote, de Diodore,
de Strabon et de Pline (pi. xxvi). Il obtient de la sorte un plan d'édifice
assez irrégulier, ce qui est d'ailleurs conforme à l'impression que nous
laissent les passages des auteurs anciens. J'ai toujours pensé, quant à
moi, que le Labyrinthe devait présenter des dispositions analogues à
celles qu'on remarque au temple de Séti P"" à Abydos, et la restauration
de M. P. me confirme dans cette idée.
Le cimetière d'Hawârâ, celui du moins que M. P, a exploité, est
presque entièrement d'époque gréco-romaine. Les quelques fragments
attribués à la XX"^ dynastie ont été trouvés dans la maçonnerie des
tombes ptolémaïques. Quelques sarcophages de la XIP dynastie, violés
et usurpés à plusieurs reprises, sont arrivés intacts jusqu'à nous : ils ne
portent malheureusement aucune inscription. Parmi les cercueils de
style purement égyptien, le plus intéressant est celui d'un certain An-
khâroui (ou Ankh-Shou-Tefnouit) , fils de Zadbastitaoufônkhou, et
prince du Fayoum, probablement sous les derniers Ptolémées. Il est en
bois de sycomore stuqué et porte des dessins d'une finesse et d'une élé-
gance extraordinaires. Toutefois les cercueils de stylegrec l'emportent de
1. L. V'assalli, Rapport sur les fouilles du Fayoum dans le Recueil, t. V, p. 37-
41-
2. Pétrie, Howdrâ, p, 5.
3 HISTOFRK ET DK LSTrEHATUKK 3
beaucoup sur les cercueils de st3-le égyptien. Ce sont eux qui ont fourni
à M. P. une riche collection de portraits à Tencaustique, répartie aujour-
d'hui entre le musée de Boulaq et le British Muséum. Nous avons vu
récemment à Paris l'admirable galerie que MM, Graff et Richter de
Vienne ont rassemblée dans diverses localités du Fayoum : je n'insiste-
rai donc pas sur cette partie des découvertes de M. Pétrie. Je me con-
tenterai de renvoyer au frontispice et à la pi. x, où ii a reproduit dix-
huit d'entre eux en petites dimensions, par un des nombreux procédés
connus d'impression photographique, et de répéter une fois de plus que
tous les doutes élevés dans le public contre lauthenticité de ces curieu-
ses peintures n'ont pas de fondement sérieux. M. P. pense que ces por-
traits ont été exécutés, pour la plupart, du vivant du modèle, et ont été
utilisés ensuite pour la fabrication du cercueil : on les encastrait dans la
partie supérieure du couvercle, à la place que le masque en relief occu-
pait jadis dans les gaines de pur style égyptien. De fait, il a retrouvé l'un
d'eux encore encadré d'un châssis en bois. Il suppose même qu'un verre
transparent protégeait le panneau contre les atteintes de l'air et de la
poussière (pi. xn). Les momies ainsi munies de portraits datent pour la
plupart de l'époque des Antonins ou de celle des Sévères. Certains signes
extérieurs montrent qu'elles ont été conservées plus ou moins longtemps
dans des chambres accessibles aux parents, avant d'être entassées en masse
dans les caveaux où on les trouve aujourd'hui. J'avais déjà signalé le
même fait à Akhmîm et j'avais rappelé à ce propos et les témoignages des
auteurs classiques, depuis Hérodote, et le contrat bilingue, dit Papyrus
Casati, qui nous avait fait connaître l'acte de vente d'un de ces chan-
tiers à momies avec la liste des occupants ' : la nécropole de Howâra
nous donne un nouvel exemple de cette coutume particulière à TÉ-
gypte.
Après les portraits, d'autres diront avant, les papyrus ont fourni à
M. P. l'appoint le plus important de ses fouilles. M. Sayce, qui a rédigé
ce chapitre de l'ouvrage, en compte quatre cent quatre-vingt-douze
(492), complets ou en fragments. Les uns étaient déposés avec les mo-
mies mêmes, en guise de livre de chevet, comme ce rouleau qui renfer-
mait les deux premiers livres de l'Iliade (p. 24 sqq.). Les autres ont été
découverts mêlés au sable et aux décombres, dans les ruines des mai-
sons. M. Sayce a relevé soigneusement les variantes accidentelles ou
critiques, que présente le nouveau manuscrit de VIliade. Il signale
encore parmi les papyrus qui contenaient des œuvres littéraires, les res-
tes d"un cahier d'écolier où sont transcrits douze vers de Virgile, Non
tibi Tyndaridis faciès, etc., des fragments très mutilés où la mention
de l'Hyrcanie semble indiquer une vie d'Alexandre ou une histoire de
ses successeurs, une description des fortifications et des ports de Syra-
cuse où il est question de Dion et qui pourrait bien appartenir à l'ou-
vrage de Timée. La plupart des papyrus sont des pièces d'adminis-
1. Maspero, Voyage d'inspection en 1884, à&ns \q Bulletin de VInstitiit égyptien,
iS83, p. 62-71.
4 REVUE CRITIQUE
tration, lettres officielles ou privées, comptes, registres de contribu-
tions et listes de contribuables. Les plus anciens portent des dates
ptolémaïques, les plus modernes ne paraissent pas descendre au delà de
Tépoque d'Antonin. Beaucoup d'entre eux sont dans un état de destruc-
tion lamentable et ne pourront être utilisés qu'après de longues études :
toutefois le nombre des pièces provenant du Fayoum est si considérable,
qu'on pourra très probablement restituer par la comparaison plus d'un
de ces papiers d'affaiies dont le texte semble être désespéré aujourd'hui.
Quelques morceaux en écriture hiératique et démotique, quelques au-
tres en écriture et en langue copte complètent cette collection qui est au
British Muséum. La traduction des inscriptions hiéroglyphiques par
M. Griffilh, une étude sur la technique des portraits gréco-romains à
Tencaustique par A. Cecil Smith, un catalogue raisonné des fleurs et
plantes ramassées dans les tombeaux par M. Newberry, montrent com-
bien la récolte de documents faite par M. P. à Howârâ a été riche et
variée.
Le site de Biahmou a fourni moins de monuments. Les débris de mur
qu'on y voit passent généralement pour être les restes de deux pyrami-
des. M. P. avait été amené par un premier examen fait en 1881-1882 à
les considérer comme marquant l'emplacement de deux cours au milieu
desquelles s'élevaient deux statues colossales. Les fouilles de cette année
l'ont confirmé dans celte manière d'envisager les choses. Les deux
grands piédestaux qu'il y a reconnus lui paraissent être les deux pyrami-
des, surmontées de statues assises, dont Hérodote parle dans sa descrip-
tion du labyrinthe : si l'auteur grec les dépeint comme étant à demi
submergées, c'est qu'il vit le Fayoum. de Crocodilopolis, pendant
l'inondation. Le plan et l'élévation que M. P. donne à la planche xxvi
de l'une de ces statues restaurée sont très vraisemblables, sinon dans le
menu détail au moins dans l'ensemble. Il a du reste retrouvé une partie
du pavé de la cour et des murs d'enceinte, le nez d'une statue colossale
et du trônesur lequel elle était assise. Un morceau d'inscription au nom
dWmenemhâït III provient de la porte, et semble indiquer que ce roi
construisit ou tout au moins répara le monument. Gomme complément
de ces fouilles, M. P. fit quelques excavations à la recherche de monu-
ments du Moyen-Empire sur le site d'un temple qui s'élevait à la par-
tie nord d'Arsinoé, l'ancienne Crocodilopolis. Il avait été construit
avant la XI P dynastie, car une statue dWmenemhâït I" y a été décou-
verte, mais Amenemhâït III y travailla, les Pharaons de l'époque saïte
le réparèrent et il existait encore presque intact au début de l'époque
romaine. Le peu qui s'en était conservé au commencement du siècle a
été détruit depuis quelques années, et ce i\'est qu'à grand'peine que
M. Pétrie a pu retrouver quelques indications qui lui ont permis d'en
dresser le plan (pi. xxix).
Le volume renfermant le résultat des excavations faites durant l'hiver
de 1 888-1889 ^st sous presse et paraîtra bientôt,
G. Maspero.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 5
2, — Congrès scientifique international des catholiques, tenu à Paris du S au
i3 avril liiSS. Paris, Bureaux des Annales de philoso]:hic chrétienne, 1889.
2 vol. in-8 de cxxui-452 et 800 p. Prix; i5 francs.
Le congrès dont on vient de publier le compte-rendu officiel, est né
de l'initiative de Ms'" d'Hulst, recteur de l'Institut catholique de Paris.
Le projet en avait été approuvé par un bref du Pape, daté du 20 mai
1887, sous la réserve expresse qu'il n'y serait pas traité de théologie,
cwn reriim divinarum major sit et altitiido et gravitas quavi iit
digne qiieant pro concione tractari. On devait donc discuter les
questions scientifiques en faisant uniquement appel à la science, non
sans le dessein de vérifier partout Taccord de ses conclusions avec la
foi. Les sujets à étudier ont été répartis entre six sections, sciences reli-
gieuses, philosophiques, juridiques, anthropologiques, mathématiques
et naturelles. La dernière section a été fort négligée; en revanche, le
Congrès a reçu quelques bons mémoires d'anthropologie. Comme il y
a, dans les deux gros volumes que nous avons sous les yeux, des tra-
vaux qui ne rentrent pas dans le cadre de cette Revue, et quelques-uns
— heureusement en petit nombre — qui ne méritaient guère d'être pu-
bliés, nous nous contenterons de signaler brièvement ceux qui parais-
sent utiles à connaître, sans nous mettre en peine de discuter la va-
leur des autres. L'impression d'ensemble que laisse la lecture de ces
mémoires est très favorable aux organisateurs du Congrès; ils ont su
réprimer ou éliminer les écarts de langage, les intempérances de polé-
mique, et ce n'est qu'à de rares intervalles qu'on voit apparaître, dans
cette longue série d'études, quelques-unes des préoccupations de l'heure
présente qui ne sont pas d''ordre purement scientifique.
I. Sciences religieuses, — Notre collaborateur M. l'abbé Loîsy a
traduit et commenté un petit rituel magique, conservé sur une brique
de la bibliothèque d'Assurbanipal [W. A. I. t. V, pi. 5o-5i); il con-
tient l'indication de recettes médicales destinées au roi. Un détail cu-
rieux, et dont l'archéologie classique peut tirer parti pour l'explication
des (XTCOTpoTra'.a, est fourni par la deuxième incantation : la maladie y
est attribuée à un démon qui s'introduit dans le corps des hommes et
qu'on peut mettre en fuite en lui montrant sa propre image (t. I,
p. 1-21). — M. Robiou a étudié les influences étrangères exercées sur la
religion de l'ancienne Egypte (t. I, p. 22-60) ; il n'admet pas une mo-
dification des croyances égyptiennes par l'invasion des Hérousha après
la VI" dynastie (théorie de M. Krall), ni une influence due aux Hé-
breux à l'époque de la réforme d'Amenhotep IV. En revanche, il croit
que « le contact intime et prolongé avec le panthéisme presque entière-
ment matérialiste de l'Asie occidentale » a profondément altéré les doc-
trines primitives de l'Egypte. — M. l'abbé de Broglie, dans un
travail sur les généalogies bibliques (t. I, p. 92-153), propose de
traduire tholedoth par « l'histoire de la descendance », suivant le sys-
tème de Kurtz, nie que certaines généalogies soient mythiques et ethno-
0 REVUE CRITIQUE
graphiques, soutient que le terme « a engendré » ne désigne pas néces-
sairement la descendance immédiate, d'où la non-continuité des généa-
logies, etc. — M. Graffin a insisté sur certains archaïsmes de langage
qui se trouvent dans le Pentateuque, mais non dans le livre de Josué,
ce qui condamnerait la théorie de Y Hexateuque et confirmerait la haute
antiquité des livres mosaïques (t. I, p. 1 54-1 65).
II. Sciences philosophiques. — Notons seulement, dans cette section,
un mémoire de M. Tabbé Roiisselot sur l'origine du langage (t. I,
p. 3o2-3i3]. « En fait de langue, l'homme ne crée rien actuellement;
loin de nous montrer en œuvre sa puissance, Thistoire des sons nous
fait assister à la dégradation successive d'un fonds ancien. » La conclu-
sion est celle de Joseph de Maistre et de Bonald.
III. Sciences juridiques. — Les travaux de M. Cauvière sur le di-
vorce avant Tère chrétienne (t. II, p. 68-90), de M. Dehaye sur l'ou-
trage à la religion dans les diverses législations de l'Europe (t. II,
p. i22-i3i), de M. L. Olivi sur les capitulations dans les états musul-
mans (t. II, p. 177-191), de M. E. Michel sur les lois successorales
dans leur rapport avec la puissance d'expansion des différentes races
(t. II, p. 225-232), de M. Chevalier sur l'Assistance publique depuis la
Révolution (t. II, p. 233-246), intéressent plus particulièrement les
études historiques. Nous laissons de côté ce qui est exclusivement juri-
dique ou relatif aux questions sociales.
IV. Sciences historiques. — M. de Rossi a donné un très intéressant
article sur les nouvelles découvertes faites dans le cimetière de Priscilla
(t. II, p. 261-267). Les inscriptions qu'on y a recueillies, relatives aux
Acilii Glabriojies, établissent que cette grande famille était chrétienne
au n« siècle et tendent à prouver que le consul de 91, mis à mort
par Domitien en 95, était un chrétien lui-même. — M. l'abbé Clerval
a étudié, d'après VHeptateuchon de Thierry de Chartres, l'enseignement
des arts libéraux à Chartres et à Paris dans la première moitié du
XII'' siècle (t. II, p. 277-296). — Le chef actuel des Bollandistes, le R.
P. de Smedt., a essayé de montrer que l'organisation des églises chré-
tiennes, jusqu'au milieu du m" siècle, n'a jamais été démocratique
ni oligarchique (t. II, p. 297-338). — M. G. Kurth s'est occupé des
sources de l'histoire de Clovis, en particulier de Grégoire de Tours
(t. II, p. 339-386); avec M. Arndt, il ne croit pas que Marius d'Aven-
ches ait copié Grégoire, ni inversement, mais qu'ils ont puisé l'un et
l'autre à une même source, les Annales Burgondes. La Vita Remigii
et la Vita Maxetitii que Grégoire dit avoir consultées, sont des
ouvrages aujourd'hui perdus, remplacés plus tard par les documents
de moindre valeur qui nous sont parvenus sous les mêmes titres. Le
travail de critique de M. Kurth est conduit avec une méthode et une
netteté remarquables. — M. l'abbé Duchesne propose de considérer l'é-
glise de Milan, et non celle de Lyon, comme la mère de la liturgie galli-
cane, primitivement identique à la liturgie ambrosienne (t. II, p. 387-
D HISTOIRE RT DE LITTEKaTURR 7
396). — M. l'abbé Batiffol étudie l'écrit apocryphe intitulé Histoire
du juste Joseph et d'Aseneth son épouse, dom il a récemment retrouvé et
publié le texte grec (t. II, p. 397-400). — M. P. Fournier miontre que
les Fausses Décrétâtes^ les Faux Capitulaires de Benoist le Diacre et
les Capitula Angilramni ont été composés non à Mayence ni à Reims,
mais au Mans, suivant l'opinion émise en 1886 par M. B. Simon (t. II,
p. 403-419). Signalons encore deux notes de M. Tabbé Boudinhon sur
le concile de Laodicée (t. II, p. 420-427) et de M. Y ixhhé Malnory sur
le quatrième pseudo-concile de Carthage (p. 428-439).
V. Sciences naturelles. — Le seul travail qui rentre par certains pas-
sages dans notre cadre est celui de Tabbé David sur la faune chinoise
(t. II, p. 451-467). Le savant naturaliste a recueilli lui-même à plu-
sieurs reprises des ossements de mammouth et de rhinocéros ticho-
rhinus dans les parties superficielles du loess de la Chine et de la Mon-
golie ; il pense que ces mammifères, qualifiés de quaternaires dans
l'Europe occidentale, ont subsisté dans la Haute-Asie jusqu'à Tépoque
historique. Nous ne pouvons que signaler un beau mémoire de M. de
Lapparent sur la formation de Técorce terrestre et l'hypothèse de Laplace
(t. II, p. 481-500).
VI. Sciences anthropologiques. — Le mémoire de M. A. Arcelin sur
l'homme tertiaire (t. II, p. 638-667) conclut naturellement par un non
liquet; c'est le seul travail où Ton trouve un résumé complet de tout
ce qui a été écrit sur cette question et une étude, fondée sur des recher-
ches personnelles, des phénomènes de dislocation des silex qui ont égaré
l'abbé Bourgeois, M. de Mortillet et d'autres. — M. d''Acjr s'est occupé
des crânes de Canstadl, du Néanderthal et de TOlmo (t. II, p. 668-
683); avec M. Dawkins, il croit impossible d'assigner une date quel-
conque aux deux premiers, mais il considère le dernier comme inter-
glaciaire. — M. l'abbé Ducrost a décrit une fois de plus la station de
Solutré, qu'il connaît mieux que personne (t. II, p. 684-703). — M. de
Beaujffort a traité des sépultures quaternaires de Spy, qui ont livré en
1886 des crânes devenus célèbres (p. 704-709); le fait de Penvelisse-
ment intentionnel n'est cependant pas encore hors de doute. Nous
avons déjà rendu compte ici même de l'excellent mémoire du R. P.
Van den Gheyn sur l'origine européenne des Aryas (t. II, p. 718-760).
Le volume se termine par un discours de M. deNadaillac intitulé : Les
découvertes préhistoriques et les croyances chrétiennes (t. II, p. 761-
771), où l'auteur a surtout insisté sur la thèse monogéniste.
Beaucoup d'autres travaux sont résumés brièvement dans les comptes
rendus des séances, qui font suite aux mémoires de chaque section; on
y trouve aussi l'analyse des discussions, souvent remarquables, auxquel-
les ces diverses communications ont donné lieu.
Un second Congrès scientifique internatiotial des catholiques est
annoncé pour 1891 ; nous souhaitons qu'on y apporte, comme au pré-
cédent, de nombreux mémoires qui auraient pu aussi bien paraître ail-
8 REVUE CRITIQUE
leurs. Tel est, en effet, le critérium de leur râleur ou de leur esprit
scientifique. Les éditeurs du futur Congrès feront sagement de compo-
ser un index et de surveiller encore plus attentivement les typogra-
phes '.
Salomon Reinach.
3. — Ilaiicl.Cojnîîienlai* zuui IVouen Xestanient, bearbeiiet von Holz-
mami, Lipsius, Schmiedel, v. SoJeii. i'^'" volume, Les Synoptiques et les Actes
des Apôtres, par Holzmann. Freiburg i. B., J. G. B. Mohr, i88g. In-8, xvm et
43 2 pages.
Le Commentaire manuel, dont la maison Mohr a entrepris la publi-
cation, se distinguera par ses dimensions restreintes. M. Holzmann de
Strasbourg s'est chargé de la plus grosse part de la besogne : Evangiles,
Actes des apôtres, lettres johanniques et Apocalypse. M. Lipsius a
donné son concours pour plusieurs des épîtres pauliniennes, le reste
ayant été confié à des hommes moins en vue. L'ouvrage sera complet
en quatre volumes, dont nous avons déjà le premier sous la main; les
trois autres sont annoncés pour la première partie de l'année 1890.
Chacun des livres est précédé d'une courte introduction passant en revue
les principales questions. Voici, par exemple, comment M. H. a pro-
cédé en ce qui concerne les trois premiers évangiles. Il y traite d'abord
du Problème synoptique^ puis de la Tradition de la vie de Jésus, enfin
de la Composition des trois premiers évangiles^ en se bornant à ce qui
est strictement indispensable pour l'intelligence du commentaire pro-
prement dit et sans s'engager dans les détails qui appartiennent à l'Isa*
gogique. M. Holzmann n'a pas traité les synoptiques isolément et suc-
cessivement, ce qui eût engendré de fastidieuses redites, mais les a dis-
posés et étudiés sous forme d'une synopse, à laquelle Marc sert de base.
Ce procédé, qui a forcément quelque chose d'arbitraire, ou, si l'on pré-
fère, de personnel, est sans inconvénient dans un travail de cette na-
ture.
Les étudiants en théologie sont gâtés en Allemagne. Les maîtres les
plus estimés leur servent la fleur de l'enseignement dans des manuels
d'un accès facile et les éditeurs y mettent du leur en abaissant les prix
jusqu'aux conditions des bourses les plus modestes. Il n'en fallait pas
ig^n.l'poxxx Sissnxtv 3i\x Hand-Commentar un succès éclatant. En dehors
de l'Allemagne et chez nous, en particulier, le livre fera aussi son che-
min. Nous signalons à qui de droit son apparition, tout spécialement
aux maisons de haut enseignement catholique, où l'on pose souvent
cette question : où trouver, sous une forme à la fois brève et technique,
les résultats de l'exégèse du Nouveau-Testament telle qu'on la pratique
I. Une faute d'impression rend inintelligible la fin d'une lettre adressée parle
pape Léon Xill à M^ d'Hulst{t. I, p. iX : animo vos yerturbentes sequciiiurj. Je pro-
pose perlubeuier. mais ce n'est qu'âne conjecture.
d'histoirk kt de littérature 9
dans les grandes écoles prolestantes ? La réponse est dans le présent
Manuel.
M. VliRNES
4. — Oîctîonnaîre latiii-Ti-aiiçais, par Quicherat et Daveluy. Nouvelle
édition, revisée, corrigée et augmentée d'après les travaux les plus récents de la
lexicographie latine, par Emile Châtelain. Paris, Hachette, 18S9, xxvui-i5i5 pp.
in-8.
5. — E. Sommer, L,exique latln-français à l'usage des classes élémentaires.
Nouvelle édition, entièrement refondue, par Emile Châtelain. Paris, Hachette,
1886, vii-471 pp. in-8.
6. — E. Sommer, Lexique français-latin à l'usage des classes élémentaires.
Nouvelle édition, entièrement refondue, par Emile Châtelain. Paris, Hachette,
1888, viii-i)i2 pp. in-8.
La nouvelle édition du dictionnaire latin français a demandé huit
ans de travail à M. Châtelain ; l'ancienne, qui a servi à tant de généra-
tions, en avait coûté dix de préparation à Louis Quicherat. Voilà une œu-
vre qui se recommande par les soins qu'on lui a donnés, en ces matières
où le temps fait vraiment quelque chose à Taffaire. C'est dire aussi que
M, C. ne s'est pas contenté des retouches inévitables : il a fait œuvre
plus personnelle que ne pourrait le faire croire sa trop modeste préface.
Enumérons quelques-unes des améliorations qu'il a introduites.
Le lexique des noms propres a été refondu dans celui des noms com-
muns : tous ceux qui ont perdu leur temps à chercher un nom propre
dans l'ancien Quicherat en sauront gré à M. Châtelain. Pour les mots
rares ou présentant un emploi exceptionnel, le passage est cité. C'est en
effet la seule mesure dans laquelle l'indication des références est possi-
ble dans un dictionnaire manuel : mais cette innovation était néces-
saire. Ces renvois au texte de l'auteur suppléeront dans une certaine
mesure à une lacune que M. Châtelain n'a pas songé à combler. Ce
dictionnaire servira encore, espérons-le, dans la confection du thème et
des compositions latines. Il eût donc été de toute nécessité de distin-
guer par une note ou par un signe typographique les mots et locutions
classiques des mots et locutions archaïques, poétiques, familières ou
appartenant à l'époque impériale. L'expérience prouve que le nom de
l'auteur à côté du mot ne suffit pas. On aurait donc pu insister davan-
tage, à la seule condition de ne pas abuser des signes diacritiques et de
ne pas les semer à tort et à travers, comme on l'a fait dans certain dic-
tionnaire grec-français. L'orthographe a été modifiée, trop peu, à mon
avis, et surtout d'une manière fort irrégulière 1. Il ne semble pas que
M. C. ait adopté une méthode sur ce point. Tantôt la meilleure ortho-
graphe se trouve en tête de l'article, avec les graphies moins correctes
I. On ne saurait trop louer M. Châtelain d'écrire résolument Euander, Eiiange-
liiim, etc. Il était assez difficile, avec notre mauvais système orthographique, d'ex-
pliquer aux élèves comment l'équivalent d'un epsilon grec devenait long en latin.
10 REVUE CRITIQUE
eniie parenthèses et aussi à leur place alphabétique avec renvoi â l'ar-
ticle (voy. beneuoliis et quattuor), tantôt et plus souvent c'est le con-
traire. D'ailleurs un grand nombre de formes barbares ou incorrectes
ont été conservées et restent têtes d'articles : Annibal (séparé de Hamil-
car et de Hanno), ardus et composés, bacca, bellua, comiubium, Enna,
epistola, Falconia (Proba), genitrix^ Herculanum, herus, Iberus, il-
lico, laeuis, latomiac, Mauritania, mercenarius, tnulcta, petoritum,
pileus, pomoerium, quotidie (cotidie n'est pas un archaïsme), quum,
soboles, uillicus^ etc. Quand le mot est donné sous sa forme autorisée,
les notations fautives sont présentées comme acceptables ou même
équivalentes : « caehim mieux que coelum », « caemim ou coenum »,
« ceterus ou caeterits », «fétus ou foetus ». La différence de sens
qu'emporte la différence d'orthographe entre derigo et dirigo, dissi-
gnator et designator, dissignatio et designatio n'est pas indiquée. Rep-
puli, repperi, rettuli, rettudi ne sont pas poétiques.
Il serait facile et oiseux de multiplier les observations de détail i : on
ne trouverait pas deux personnes qui seraient d'accord dans le choix des
choses à omettre. J'ai préféré insister sur la méthode et en signaler les
petites défectuosités. Elles n'atteignent, comme on le voit, que des
points secondaires. Pour être juste, il faudrait établir la contre-panie,
signaler tous les sens nouveaux ajoutés, les contre-sens corrigés, les
nuances précisées, les mots employés dans les inscriptions ou les au-
teurs de basse époque introduits et traduits ~.
Une liste des auteurs latins, avec une courte notice, le titre de leurs
ouvrages et les éditions les plus importantes, se trouve en tête de ce
dictionnaire : elle sera très utile, surtout si M. C. la tient au courant ^.
Dans ce but, elle a été composée en mobiles.
I. Anteponere a un sens spécial quand il s'agit de sépultures : Wilmanns, Exem-
pla, n° 273 ; — ara, sépulture, aj. : Suet. Nero, 5o; Tert. Apol. 53 ; — argumenta
[eraiit in ualtiis, Cic. Verr. IV, 124] a un sens technique défini par Q.uintilien ; cf.
Véd. Thomas, p. io8, note; — Arnensis, ethnique de tribu romaine sous sa seule
forme autorisée; — ascriptio, inscription d'un citoyen sur les registres du cens; —
jBoe//2M5, ciseleur de Chalcédoine; — Bosporus, fém. Sulp. Sev., dial. I, 26; —
calita, PoMPONius ap. Non., 178, 24; — cancer, croisée d'ogive, Bède (d'après J. Q_ui-
cherat); — centonarii, compagnie de pompiers qui éteignent les incendies avec des
bâches; v. le mémoire d'O. Hirschfeld sur le préfet des Vigiles de Nîmes; — cog-
nata, belle-sœur, Inscr. (Jullian, Inscr. de Bordeaux, p. 172); — conlegiwn, ortho-
graphe archaïque omise; — collocare in solo, CoD. Iust. XI, 48, S, i : établir un
tenancier sur une terre; cupressus, i, Hor., Epp., II, 3, 19; — elogium, rapport de
police. DiG., 48, 3, 6; Tert. — Jîaminium est probablement un barbarisme des édi-
tions classiques; cf. Mommsen, Eph. epigr., I, p. 221 ; — girba, omis, Cass. Fel.,
p. 63, 3; — historia, roman, dans Apvlée C Hernies, XXill, 497, n. 2); — iusum,
Tert., presc, 22: etc.
2. On trouvera bien entendu dans ce dictionnaire les résultats des recherches de
M. Châtelain sur la prosodie latine dont avait déjà bénéficié le lexique publié en
1882 (cf. Rev. crit., 1882, n° 5i). Ce dictionnaire doit faire autorité en la matière.
3. Je ne vois pas bien quel principe M. C. a suivi dans le choix des éditions. S'il
n'a voulu indiquer que des éditions critiques, on est étonné de voir passée sous si-
lence la seule édition critique de Phèdre qui puisse compter, celle de M. L. Mùller.
D HISTOIRK KT DR LITTERAIURB II
Ceci m'amène à formuler un vœu. Il y a 45 ans que la première
édition a paru et il y a 54 ans qu'elle a été commencée. Pendant ce
demi-siècle, la lexicographie latine a été profondément modifiée; dans
un autre demi-siècle, elle sera totalement renouvelée. 11 faut souhaiter
que ce dictionnaire soit toujours tenu au courant; nous ne réclamons
qu'une édition nouvelle par période décennale. C'est bien peu pour les
besoins de la science : en 42 ans, le dictionnaire de K. E. Georges a
eu sept éditions, c'est-à-dire a été refondu six fois. Mais le temps n'est
plus oîi en France une seule maison de librairie occupait le marché :
une concurrence s'est établie, et je pense n'être pas très hardi en affir-
mant qu'en ces dernières années la vente du vieux Quicherat avait dû
baisser. Espérons que cette concurrence profitera au progrès de nos
études et obligera les éditeurs français à renoncer à des traditions lucra-
tives mais déplorables.
Les deux Lexiques que Sommer avait extraits du dictionnaire de
Quicherat ont été revus par M. Châtelain. C'est dire qu'en gardant les
qualités pédagogiques qui les avaient fait adopter dans les basses clas-
ses, ils ont été mis au point et répondent aux exigences de la science.
Mais je suis de lavis de M. Châtelain, qui termine la préface de ces
Lexiques en déclarant qu'on ne saurait mettre trop tôt les grands dic-
tionnaires entre les mains des élèves.
Paul Lejay.
".^ Studien auf dem Geblete dei* i-eemlsclien Poésie uiid Meli'-ik,
von Dr Richard Hildebrandt : I. Vergils Culex ; in-i6, 176 p., Leipzig, Zan-
genberg u. Himiy, 1887.
M. Hildebrandt, § 126, reproche « au biographe français de Calvus »
d'être trop bien informé; je ne lui renverrai pas la même critique; je
suis enchanté qu'il en sache aussi long sur un poème fort ennuyeux, le
Culex, un des moins intéressants de toute l'Antiquité. J'aurais cepen-
Voici d'autres oublis du même genre : pour Caipurnius et Nemesianus, l'édition
spéciale de Schenki (i883); pour Ennius, celle de L. Mûller; pour Ennodius, celle
des Momonenta Gomaniae {i^'&'?) , postérieure à l'édition de Vienne qui est de i88i ;
pour la iiita S. Seiierini d'Eugyppius, l'édition Knœll de Vienne, meilleure et plus
récente que celle des Monumenta; Luxorius et Pentadius, dont M. C. ne mentionne
pas d'éditions, ont été publiés dans le vol. IV des Poetae latini minores de Baehrens;
le Vêtus Grainmaticus, qui semble une indication couvrant l'anonymat de tout « vieux
grammairien » a été édité dans la Bib. Ec. chartes, I, 5i : M. C. omet Vuniqiie in-
dication bibliographique que donnait Quicherat. Puisqu'il cite les éditions Orelli de
Tacite et d'Horace (sans parler des rééditions postérieures, il est vrai), il n'aurait pas
dû omettre d'autres livres du même type : le Catulle de Riese, le Juvénal de Wt--id-
ner (2' éd. 1889), le Tite-Live de Weissenborn-Mûller, les Discours de Cicérou de
M. Thomas, le Martial de Friedlaender. La note sur Hirtius n'est plus au courant
depuis le mémoire de Landgraf. Ce n'est pas d'ailleurs le défaut de cette liste qui
mentionne le deuxième volume des Juscriptiones de M. de Rossi et l'édition Words-
wonh de la Vulgate (i88g et <iuiv.!).
12 RKVU1>: CRITIQUE
dant préféré, je Tavoue, qu'il appliquât sa torce et sa bonne volonté
d'investigations à la Ciris, par exemple, qui offre, même la part faite
au centon, tant de délicatesse de sentiment et tant de charme dans
l'exécution, M. H. croit le Cî^/ej; de Virgile; on connaît la démons-
tration du contraire faite par Hertzberg, Benoist et d'autres. M. H.
réduit le poème de 414 à 96 vers, qu'il distribue en huit strophes de
douze vers, travail arbitraire et qui, du reste, n'a pas en général con-
vaincu la critique. Le véritable intérêt de ce petit livre se trouve aux
chap. VI et vu, où il est traité de questions de métrique, et dans lesquels
l'auteur fait de louables efforts pour distinguer exactement dans Thexa-
mètre latin la césure et Vintervalle, c''est-à-dire la pause du sens (§ 83 à
la fin, p. 96 et suiv.). Je me suis récemment expliqué sur ce sujet, dans
mon Traité de métrique : M. Lucien Miiiler, avec un sentiment très
juste de la forme artistique du vers, a toujours soutenu que, en cas de
conflit, on doit préférer les coupes du vers à celles de la phrase. C'est
un des moyens par lesquels, en latin comme en français, le poète fait
sentir à ceux qui ont l'oreille poétique la souveraine beauté de la versi-
fication. Dans les vers que M. H. cite §110:
Gui non dictus Hylas puer et Latonia Delos...
Immotamque coli dédit et contemnere ventos...
La césure principale est penthémimère et prend place, dans le premier
après Hylas^ dans le second après coli; mais il y a une hephthémimère,
dans l'un et l'autre, après et, et l'on ne doit se préoccuper de la pause de
la phrase après puer ou dédit que pour faire remarquer qu'elle le cède
en importance, dans la diction, à celle du vers après et. Les dissenti-
ments de doctrine n'empêchent pas, d'ailleurs, de rendre justice à l'in-
térêt du livre écrit par M. Hildebrandt, et que devront connaître tous
ceux qui suivent de près les études de métrique latine.
F, Plessis.
8. — Magistrat und Kcrormatlon in Strassburg bis 1529, von Adolf
Baum. Strassburg, Heitz, 1887. In-8, xxiii et 212 p. 4 m. 5o.
Ce travail d'Adolphe Baum sur le Magistrat et la Réforme à Stras-
bourg n"a pas été retouché par son auteur qui est mort Iç 14 avril 1886.
On a bien fait de le publier. Baum étudie minutieusement la part que
le magistrat de Strasbourg a prise à l'établissement de la Réforme. Nous
suivons pas à pas la sage et lente politique du conseil. Le Raîh ne pu-
blie que le 3o septembre 1621 l'édit de Worms, du 26 mai de la même
année, et laisse en 1622 imprimer des écrits de Luther, interdit même
la publication du Grand fou luthérien de Murner. Il défend Zell contre
l'évêque et le fait maintenir dans ses fonctions. Lorsque le premier prê-
tre (Antoine Firn) se marie à Strasbourg, le Conseil l'autorise, malgré
le chapitre, à continuer ses prédications. Puis, il permet aux prêtres
d'acquérir le droit de bourgeoisie pour les soustraire à la juridiction
d'histoire et du LITTÉRATURK I 3
épiscopale. II empiète sur les droits du chapitre et revendique pour la
commune le pouvoir de nommer les ministres du culte. Il tient l'évêque
en échec par le colloque, la discussion publique qu'il propose. Il sait
maintenir l'ordre et le calme dans la cité, et avec beaucoup de prudence,
de circonspection, arrive à séculariser les couvents ou du moins à les
soumettre à sa surveillance. Enfin, il abolit la messe le 20 février 1529.
Tout cela est exposé avec grand détail et très clairement, en un style net
et sain, par Ad. Baum,qui,au passage, rectifie les nombreuses erreurs de
Th. de Bussierre et donne d'importantes informations sur l'assistance
publique telle qu'elle fut alors organisée à Strasbourg.
X
g. — OEuvi'es tlo J. de Ln Fuiiiuiiic. Nouvelle édition par Henri Régnier.
Tome cinquième. Contes et Nouvelles. Troisième et quatrième partie. In-S,
628 p. Paris, Hachette. Prix: 7 fr. 3o.
Les Contes de La Fontaine résument plusieurs siècles de cette litté-
rature gauloise pour laquelle M. Brunetière n'a aucune tendresse. Les
notes, les rapprochements de toute sorte cités par les éditeurs témoignent
abondamment que « le bon homme » connaissait surtout les conteurs
du xvi« siècle, ceux « du Nord et du Midi y. Le Commentaire n'est
guère plus édifiant que le texte, mais ni l'un ni l'autre n'ont été faits
a pour les petites filles dont on coupe le pain en tartines ». Je n'ai que
quelques petites notes à ajouter à ce riche Commentaire :
Page 10, V. 21. — Non pas que les heureux amants
Soient ni phénix ni corbeaux blancs.
Chez les Latins on entendait par « corbeau blanc » une chose rare,
merveilleuse :
Félix ille iamen corvo quoque larior albo. (Juvénal, Sat. VU.)
P. 39, V. ii5. — Quel esprit est le vôtre !
Toujours il va d'un excès dans un autre.
Horace avait dit dans son Art poétique : « In vitium dulcit culpce
fnga », passage que Boileau a traduit dans ce vers :
Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire.
P. 91, V, 6. — Si l'oreille lui tinte, ô dieux! tout est perdu.
Ses songes sont toujours que l'on le fait cocu.
Amans quod sitspiciatuv, vigilans somniat. (Publ. Syrus )
P. 128, v. 3 12. — Et quelle affaire ne fait point
Ce bienheureux métal, l'argent, maître du monde \
Omnis cnim tes
Virlus, fama, decus, divina liumanaque pulchris
Divitiis parent. (Horace, Sat. II, 3.)
P. 129, V. lu. — Un tinancier viendra qui sur vostre moustache
, Enlèvera la belle.
Avant La Fontaine, Boileau l'avait déjà dit :
Jamais surintendant ne trouva de cruelles. (S.it. VHI.;
14 REVUE CRITIQUE
P. 239, ÏAinoiir mouillé. Une des plus gracieuses traductions, au xvi« siècle, de
cette pièce d'Anacre'on, est celle du poète dieppois, Jean Doublet {Voir
ses œuvres, p. 120, cdit. Jouaust). Les éditeurs ont oublié de la men-
tionner.
P. 298, V. III. — De point en point lui conte le mystère...
Et ks encore, et tout le phebé.
On rencontre ce mot dès le xV siècle avec un emploi très curieux :
« Quand elle fut devant son confesseur, luy commença à dire et ra-
compter tous ses péchez, et entre les autres, comme elle avoit plusieurs
foys joué dufebé a son mary, et ne luy avoit pas tousjours tenu ce que
par foy luy avoit promis. » (Guill. Tardif, Fac. de Poge, 99, Montai-
glon). Il y aurait à faire sur ce mot dont Littré, dans son Supplément,
donne une étymologie peu probable, une dissertation bien intéressante:
peut-être M. G, Paris nous la fera-t-il un jour.
P. 3o8. V. 66. — A moins enfin qu'elle n'ait à souhait
Compagnie d'homme. Hippocrate ne fait
("dioix de ses mots, et tant tourner ne sait-
Nous lisons en note : « \'e final n'est pas élidé : c'est prendre avec la
prosodie une liberté bien grande. » Les éditeurs étaient cependant pré-
venus que les médecins ne regardaient pas au choix des mots, et encore
bien moins aux règles de la prosodie.
P. 326, V. 62. — Et Tiennette est rt"!&;-o/5e.
Le motestancien, quoiqu'il n'ait pas à l'historique d'autre exemple dans
Littré que celui de La Fontaine :
La devine herbete, ambroise dicte.
(1480. Baraive infernal, f^, A. 297, bibl. de Rouen, anc. fonds.)
Est encore très usité au xvi^ siècle:
Puis Aglaia autre nymphe gentile
Print du nectar, et de Vambroise utile,
Dont les hauts Dieux sont au ciel maintenus.
(Le Maize des Belges, Œuv., 111, 45, Siecher),
P. 36!', V. 90. — Il s'en alla chez son copartageant.
Les éditeurs disent en note que les éditions i685, 1686, 1705, portent
compartageant. C'était évidemment la bonne leçon : « le com-parta-
geant est vendeur », lisons-nous dans la Coutume de Normandie, édit.
1599.
P. 427, V. 10. — Ce n'est rien qui ne l'a vue
Toute nue.
« Ellipse hardie : pour qui ne l'a vue, quand on ne l'a vue. » — II n'y
a pas ici d'ellipse, non plus que dans cet autre passage (p. 407) : « Qui
n'auroit que vingt ou trente ans, Ce seroit un voyage à faire, -o Qui tz
si on, si Ton, très fréquent dans le vieux et le moyen français. C'est
ainsi qu'on pouvait dire en latin :
Stullum iniperarc reliquis, qui ncscit sibi. (Publ. Syrus.
d'histoire et de littérature i5
p. 433, V. 90. — Le montreur d'appas. Ce mot était en usage dès le
xiii^ siècle. Voir le Dictionnaire de Godefroy.
P. 442, V. 173. — Placez-vous dans l'église auprès du bénitier.
« Et quant je voys a l'église il me vient donner de l'eau benoiste, et
partout où il me trouve, il me fait tous les services qu'il peut. (Les
Qiiin:{e Joies, 124, bibl. elz.)
P. 565, V. 86. — Quelle apparence qu'il en mévienne... Godefioy cite des
exemples de ce verbe à partir du xiii" siècle.
A. Delbouli.e.
10. —G. A.. Bùrgoi* et les origine» anglaises de la ballade en AIle<
magne, par G. Bonet-Maury. Paris, Hachette, 1889. In-8, xiii et 276 p. 5 fr.
M. Bonet-Maury a divisé son livre en deux parties. Dans la pre-
mière partie, il étudie Vhomme et son époque : il traite de la ballade an-
glaise, du lied allemand, de Herder, et raconte l'existence de Burger;
dans la seconde partie, il apprécie Vœuvre et son influence, d'abord les
œuvres d'imitation (traductions, parodies), puis les compositions origi-
nales (ballades, odes, sonnets), enfin les éditions et remaniements des
poésies. 11 conclut en faisant de sérieuses réserves sur les odes, en rele-
vant des taches dans les sonnets, mais en donnant à la plupart des lieds
et des ballades ce prix de la classicité que Schiller proposait aux efforts
de Burger. Le travail de M. B.-M. qui est une thèse de doctorat, lui a
coûté sûrement quelque peine. M. B.-M. est au courant; il connaît
presque tout ce qui a été écrit sur Burger, et il a essayé très vaillam-
ment d'agrandir et d'élever son sujet en examinant, outre la vie et l'œu-
vre de Burger, les origines anglaises de la ballade littéraire en Allema-
gne et la valeur philosophique de cette forme de poésie épico-lyrique
(p. 218). 11 a traité ainsi un triple sujet — il le dit lui-même — et il eût
peut-être mieux fait de se borner, de s'en tenir à Burger. Nous n'avons
pas en France une étude à la fois solide et brillante sur le génial poète
dQ Lenore : M. B.-M. ne nous l'a pas donnée. 11 a jeté çà et là de bonnes
observations ; mais son livre est hâtivement fait et assez terne; il n'a
pas, dans le style, le relief, la vivacité, la flamme que demanderait une
semblable étude ; il offre aussi des lacunes, des erreurs. Le premier cha-
pitre sur la ballade en Angleterre n'esl-il pas un peu superficiel?
M. B.-M. a-t-il, pour son deuxième chapitre, tiré parti du Gœttinger
Bund de Prutz? A-t-il raison de traduire Sturm-und Drangperiode par
« période d'assaut et de presse », et puisqu'il rend plus loin (p. 170), in
diesem Sturm und Drange par « orage et presse », ne devrait-il pas
dire « période d'orage »? Il connaît Burger, mais connaît-il son épo-
que? Pourquoi veut-il ranger Jung-Stilling dans « la pléiade des jeunes
poètes » (p. 52) ? Et Gotter, le timide, froid et correct Gotter, si passion-
nément épris des Français et de leur théâtre, Gotter doit-il figurer parmi
les fougueux écrivains de la nouvelle école (p. 54)? M. B.-M. nous fait-
lÔ REVUE CRITIQUE
il un portrait de Klotz (p. 60)? A-t-il lu le livre de Weinhold et doil-il
dire que Boie qui s''intitulait « candidat en droits » se fit inscrire à la
faculté de philosophie, que Kielmannsegge —et non Killemannsegge —
baron du Mecklenbourg, était « issu d"une des familles nobles du Hano-
vre » (p. 62)? S'il avait lu le livre de Prutz cité plus haut et celui de Herbst
sur Voss, dirait-il que Hahn, de Deux-Ponts, « était de Giessen » (p. 65)?
Est-il exact de regarder — en oubliant Werther — l'un des deux cousins
Miller « comme le créateur du roman sentimental » (id.)? N'est-ce pas
une exagération d'avancer que le « serment des six bardes de Gœttmgue
fait songer au serment des trois Suisses aux Grutli » ip. 66) ' ? Ne fallait-
il pas insister plus longuement sur la genèse de Lenore et parler de cette
ballade d'une façon tout à fait complète? M. B.-xM. a-t-il marqué suf-
fisamment la peine que ce chef-d'œuvre a coûtée à son auteur, le profit
que Bûrger a tiré des corrections des Gœttinger et, comme il disait, des
Winke des Hains, l'accueil que l'Union des jeunes poètes fit à la bal-
lade, l'émoi que Lenore produisit en Allemagne et chez les novateurs et
dans le camp des classiques? Il montre bien que Biirger « ne fit jamais
véritablement partie de cette petite église » qui s'appelait le Hain, mais
ne devait-il pas ajouter que Bûrger était engagé plus avant que les bar-
des dans la vie pratique et qu'il se sentait supérieur à ses amis? Il y
avait là bien des témoignages curieux à utiliser, entre autres cette lettre
juvénile, si fière de ton et d'allure, si pleine de l'orgueil du Stiirm und
Drang, où Bûrger se vante d'être le condor du bocage poétique ; M. B.-M.
eût bien fait de reproduire cette lettre du poète, ainsi que la réponse
amusante de Cramer et du Bocage et la réplique de Bûrger. Ces docu-
ments auraient intéressé le lecteur; ils auraient jeté une plus vive lu-
mière sur la composition de Lenore et sur les rapports de Bûrger et du
Biind. Mais M. B.-M. a-t-il montré que son héros était surtout en com-
munauté d'idées avec les deux frères Stolberg et Cramer ^ A-t-il dit que
Bûrger enviait Taisance et la facilité des lieds de Miller et qu'il regar-
dait Pauieur du Siegwart comme le meilleur Liederd ichter? A-t-'û cité
cette lettre, remplie d'un enthousiasme exalté, où Bûrger, sortant de la
lecture de Werther, écrit à Gœthe qu'il voudrait « être tous les jours
auprès de lui, manger dans la même assiette, boire dans le même verre,
dormir sur la même paille? » A-t-il rappelé, à propos de la « Fille du
pasteur de Taubenhain », les poètes qui, comme Bûrger, ont traité ce
sujet de Tinfanticide, alors à la mode (voir Tétude d'Erich Schmidt sur
Henri Léopold Wagner, p. 89-97)? Pourquoi ne dit-il point ce qu'é-
taient Kestner et Meier qu'il nomme sèchement p. 78, et n'apprend-il
pas au lecteur que ce Kestner est le mari de Charlotte Buff ? Pourquoi
a-t-il donné si peu de détails sur les trahisons d'Elise Hahn (p. 87)?
I. Id. lire Bundesbuch et non Bund-Buch. De même, p. 86, Chodowiecki et non
Chlodowicky : p. 88, Dieterich et non Dietrich; p. G5, peut-on dire que Cramer est
de Lûbeck : il est né à Quedlinbourg, et son père ne vivait à Lûbeck que depuis
1771.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE \J
Quel parti il aurait pu tirer des lettres de Biirger à sa belle-mère (Strodt-
mann, IV, p. 142-193) ! Croit-il que le public français connaisse cette
tragique histoire et serait fâché de la connaître? La comparaison entre
Biirger et Burns (p. 216-217 et 221) est louable. Mais pourquoi ne pas
insister sur les poésies révolutionnaires de Biirger et ne pas rappeler les
vers célèbres qui flétrirent les déroutes de Mons et de Tournai (Straflied
beimschîechten Kriegsanfange der Gallier et Unmuth)'^. Des traductions
et des analyses, des particularités puisées aux bonnes sources, des com-
paraisons instructives, des jugements sains, tel est le livre de M. Bonet-
Maury. Mais, lors même qu'on excuserait ses fautes et lui pardonnerait
ses lacunes, il n'atteint pas son but. Il lui manque l'art, Tensemble, une
claire ordonnance. L'époque et le monde de Biirger ne revivent pas de-
vant nous, et non seulement le poète n'est pas replacé dans son cadre,
mais sa âgure passionnée et originale, son existence avec ses aventures,
ses scandales et ses malheurs, sa poésie si souvent dramatique et saisis-
sante, rien de tout cela ne se détache dans Touvrage — d'ailleurs utile —
de M. Bonet-Maury avec vigueur, avec éclat.
A. Chuquet.
11. — Centenaire du premier exercice public du culte protestant à Paris, 7 juin-
lySg-ÎS juin 1889. a^'Eglise i-éformée <le I*arîs de I« Révocation à la
Révolution 1685-1739, par Armand Lods. Paris, Fischbacher, 1889, gr. in-8,
16 p.
12. — Centenaire de ia Révolution française, 1789-1889. L'Eglise l'éfoi-mée de
t*ai*îsi pendant la Révolution 1789-1802, par A. LoDS. Paris, Fischbacher,
188g. In-8, 45 p.
13. — Un ministi'e clirétlen sous la Xei'reun ou Ronifas^Liaroqueg
pasteur à Castres et membre du tribunal révolutionnaire 14 septembre 1744-f) oc-
tobre 181 1, par Camille Raeaud. Paris, Fischbacher, 1889. In-8, 43 p.
Dans la première de ces brochures, M. Lods reproduit un discours
qu'il a prononcé le 7 juin 1889 à la trente-sixième assemblée de la
Société de l'histoire du protestantisme français au temple de l'Oratoire.
Il esquisse à grands traits le tableau des souffrances que les protestants
durent subir après Tctinfàme» édit de i685; il retrace le périlleux
apostolat de Cardel, de Salve, de Giraud, de Givry, de Malzac qui
furent envoyés aux îles Sainte-Marguerite; il rappelle que, malgré les
menaces et les ordonnances, les protestants de Paris se rendaient à la
chapelle de l'ambassade de Hollande, et qu'ils n'obtinrent qu'en 1766
la permission d'aller au prêche de cette chapelle; que même après l'édit
de 1787 qui leur accordait un état-civil, ils n'eurent pas l'autorisation
d'ouvrir un lieu de culte. Mais dès que les Etats-Généraux se réunirent,
la communauté protestante ouvrit un lieu de culte, l'ancienne église
Saint-Louis, située dans la cour du Louvre. On sait que cette église fut
démolie en 181 1 et que les protestants reçurent en échange l'Oratoire.
Un arrêté des consuls avait mis à leur disposition, outre Saint-Louis,
l8 RKVUE CRITIQUE
Sainte-Marie et Pentemont; grâce aux lenteurs administratives, le culte
ne fut célébré à Pentemont qu'en 1846.
Les Réformés de Paris avaient, dès Fédit de 1787, choisi comme pas-
teur Paul-Henri Marron, chapelain de Tambassade de Hollande. C'est
à ce Marron que M. Lods consacre la seconde de ses brochures qui a
pour titre L'Eglise réformée de Paris pendant la Révolution. Marron
venait d être révoqué par le stathouder Guillaume V ; il célébra le culte,
d'abord dans une salle de la rue Mondétour, puis dans la salle des En-
fants d'Apollon sise rue Dauphine et transformée en musée par Court
de Gébelin, enfin dans l'église Saint-Louis du Louvre. M. L. nous
retrace avec détail l'existence de Marron, son arrestation en 1793, sa
mise en liberté, ses concessions à l'esprit du jour (il ne célébrait le culte
que le décadi), son abjuration (il offrit à la Commune les quatre coupes
d^argent qui servaient à la communion et jura qu'il '( étendrait le règne
de la Raison » et ferait la guerre aux mensonges et aux puérilités de la
théologie). Malgré son apostasie, Marron fut arrêté de nouveau et
enfermé à l'hôtel Talaru. Il sortit de sa prison après Thermidor et
réorganisa son Eglise. Deux pièces justificatives curieuses accompagnent
l'étude de M. L. : le Bilan politique et moral de Marron « tracé par
lui pour être présenté au Comité de surveillance de la section Brutus »
et un rapport inédit présenté par Portails au premier consul sur l'or-
ganisation des cultes protestants. Mais pourquoi M. Lods est-il si indul-
gent envers un aussi triste personnage que Marron et pourquoi ne dit-il
pas que son héros fut un instant employé à la commission républicaine
des relations extérieures et qu^il a célébré en latin et en français tous les
régimes politiques sous lesquels il a vécu?
Bonifas Laroque, dont M. Camille Rabaud a écrit la biographie, —
non sans quelques longueurs — était pasteur à Castres, lorsqu'éclata la
Révolution. Il fut nommé membre du conseil général de la commune,
puis en 1793 « quitta sa place de pasteur, après vingt-trois ans de minis-
tère», appartint, comme secrétaire, au comité révolutionnaire de la ville
et siégea comme juge au tribunal du district. On Ta même accusé
d'avoir condamné à mort le P. Imbert ; mais M. R. prouve d'une façon
irréfutable que Bonifas Laroque ne figura point parmi les juges du
P. Imbert. En 1796, Laroque reprit sa charge de pasteur, après avoir
fait au temple même et devant l'Eglise réunie une « publique et con-
venable réparation. Il ne tarda pas, ajoute M. Rabaud, à reconquérir
le premier rang et le conserva jusqu'à la fin, rachetant ses fautes par ses
talents et ses services, forçant Pestime de ses contemporains, travaillant
pour l'Evangile et pour l'Eglise avec une ardeur sans égale, jusqu'à
épuisement de forces » (page 41).
A. G.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE ig
Ij.. __ Lucien Auréat. La morale <Iuns le drame* l'épopée et le roman,
2' édition. Paris, Alcan, 1889, 223 p. in-12. 2 fr. 5o.
i5. — E. de RoBERTY. t.'Bneonnaîssal»le. Sa métaphysique; sa psychologie.
Ibid., 191 p. in-i2. 2 fr. 5o.
I.La critique du livre de M. Arréat, qui paraît en deuxième édition,
serait nécessairement une série de critiques de détail. On pourrait mon-
trer que l'auteur remplace la critique historique par une critique ac-
tuelle et dogmatique, qu'il substitue à l'interprétation historique et
artistique une interprétation souvent toute morale et théorique, qu'il
rompt et dissémine parfois l'unité d'intention des écrivains en une mul-
titude d'intentions de détail, le plus souvent morales, et parfois certai-
nement étrangères à la pensée des auteurs, que fréquemment il jette
pêle-mêle, dans une série de rapprochements arbitraires et ingénieux,
les hommes et les époques, qu'il fait la part trop petite à notre époque,
et qu'il n'a qu'à un faible degré Tintelligence sympathique du roman
contemporain. Tout cela, aussi peu qu^un assez grand nombre de négli-
gences de langue et de style, ne saurait empêcher que la lecture de son
livre ne soit attrayante et suggestive.
II. Il reste plus d'un point obscur dans le nouveau livre de M. de
Roberty, et les qualités aussi bien que les défauts de cet essai fragmen-
taire nous font également désirer la théorie générale de la connaissance
quMl annonce, mais suppose. L'on entrevoit bien le sens et la portée de
cette conception psychologique d'une synthèse réelle et continue de la
connaissance, et Ton devine que de ce point de vue l'identité des con-
traires qu'il prétend démontrer devient moins terrible qu'elle n'en a
l'air. Maison est en droit d'attendre de M. de Roberty, qui sait réflé-
chir, et qui sait composer, plus que des indications et mieux que des
promesses.
Lucien Herr.
CHRONIQUE
FRANCE. — Nos lecteurs auront appris, comme nous, avec le plus vit regret la
mort de M. Ernest Havet, dont les deux fils touchent de si près à notre Revue. L'é-
diteur dQs Pe)isées de Pascal et l'auteur du Christianisme et ses origines était un
des esprits les plus remarquables de notre temps; la Revue a plus d'une fois loué
l'introduction et le commentaire philosophique qui accompagnent l'édition de Pas-
cal (1879, n» 25) et la richesse des détails, l'élévation des vues, la vaste connais-
sance de l'antiquité qui donnent au Christianisme et ses origines une supériorité si
marquée sur tous les écrits antérieurs où ce sujet est traité {1872, n" 3o>.
ALLEMAGNE. — L'Université de Halle a nommé M. Chabaneau, professeur à la
Faculté de Montpellier « Ehrendoctor » ou docteur honoris causa.
— Le iS décembre 1889 est mort, à Munich, à l'âge de soixante-quinze ans, le cé-
lèbre historien W. de Giesebrecht.
20 REVUE CRITIQUK D^HISTOIRK KT DE LITTÉRATURE
ALSACE. — Le Joiii-iiai de Sclilcstadt annonce qu'il publiera dans le courant de
cette année la Chrouique de Schlestadt de l'humaniste Jérôme Gebwiler qui dirigea
l'école de la ville de i5oi à iSog.
ANGLETERRE. — La librairie Rivington publie à Londres une édition anglaise
du livre de M. Louis Léger, Y Histoire de l'Autriche Hongrie. Cette traduction due
à Mn'e BiRBECK-Mii.L est précédée d'une introduction de M. Freeman. Le savant pro-
fesseur d'Oxford rend pleine justice à notre collaborateur « dont le livre est aussi clair
que peut l'eue une histoiie de l'Autriche. Il a de grands mérites, et il est remar-
quablement exempt des fautes qu'on rencontre en général dans les ouvrages français
sur le sujet. »
ASIE-MINEURE. — Nous avons annoncé dans la Revue (1889, 1^ sem., p. 324),
que M. Schliemann avait invité M. Boetticher à Hissarlik pour y assister à des
fouilles nouvelles et discuter sur le terrain les questions pendantes au sujet des re-
cherches antérieures. Les travaux ont duré pendant la première semaine du mois
de décembre, en présence de MM. Schliemann, Boetticher, Doerpfeld, Niemann et
Steffen. Ces deux derniers avaient été convoqués par M. Schliemann pour servir de
témoins. Ils ont rédigé une déclaration aux termes de laquelle M. Boetticher aurait
retiré les accusations formulées par lui contre MM. Schliemann et Doerpfeld, sans
vouloir cependant leur donner raison sur le fond du litige; quant à eux, ils n'hési-
tent pas à déclarer que M. Boetticher s'est trompé, qu'Hissarlik est bien une acro-
pole, avec fortifications, tours, portes, temples ou palais, et non pas une nécropole à
incinération. Nous apprenons d'autre part que cette campagne archéologique s'est
terminée par une dispute violente entre MM. Schliemann et Boetticher, ce dernier ayant
refusé de rétracter publiquement les attaques dirigées par lui contre son adversaire.
ETATS-UNIS. — Un comité s'est formé à New York dans le dessein d'élever une
statue à Gœthe. Sur le piédestal du monument seront des groupes représentant Faust
et Marguerite, Iphigénie et Oreste, Hermann et Dorothée, Mignon et le Harpiste.
La statue coûtera trente mille dollars ; elle sera exécutée par le sculpteur Henry
Baerer.
HONGRIE. — Mo Emile Thewrewk de Ponor qui s'occupe depuis douze ans de
Festus, vient de donner une édition critique de ce gram.mairien sous le titre : Sexti
Pompei Festi De verborum signi/îcatu qiiae super sunt, cum Pauli Epi tome. (Pars I.
Budapestini, gr. in-8°. viii et 632 p. Prix 3 fl. 80 kr = 8 fr.). C'est la première édition
critique d'un auteur ancien parue en Hongrie. L'Académie des sciences a prouvé sa
sollicitude pour les études philologiques en faisant imprimer cette édition qui fait
honneur à la philologie hongroise dont M. Thewrewk est un des principaux initia-
teurs. Ce premier volume donne le texte, établi à l'aide de tous les manuscrits, parmi
lesquels un de la Corvina, qui est dû à la munificence du sultan Abdul-Hamid II. La
collation des diftérents manuscrits a été faite en partie par l'éditeur lui-même, en
partie par des savants français et allemands. La dernière édition de Festus, par Otfried
Mùller, date de i83g; depuis cinquante ans la critique a fait beaucoup pour le texte
de Festus qui, par suite des études grammaticales et lexicographiques contemporai-
nes, gagne toujours en importance. La deuxième partie, renfermant VApparaius cri-
ticus, paraîtra dans un an, et ce n'est qu'alors que la critique compétente pourra
apprécier la somme de travail dépensée à cette édition appelée à remplacer celle de
Mûller qui est du reste épuisée.
— Le 23 novembre est mort à Budapest l'historien Fred. Pesty, membre de l'Aca-
déniie des sciences, à l'âge de 66 ans.
Le Propriétaire-Gérant: ERNEST LEROUX.
It Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevai'd Haxnt'Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 2 - 13 janvier — 1890
Somma t re : i6. Kalilah et Dimnah, II, p. p. J. Derenbourg. — 17. Josèphe, V,
p. p. NiESE. — 18. Hatch, Essais sur le grec biblique. — 19. Musée archéolo-
gique de Bordeaux, I, p. p. P. Paris, — 20-21. Lebègue, Une école inédite de
sculpture gallo-romaine; Tetricus et Dumège. — 22-23. Espagnolle, Les ima-
ginations ou les doublets de M. Brachet; La clef du vieux français. — 24. Ed.
Petit, André Doria. — 25-26. Kawerau, Le passé de Magdebourg; la vie litté-
raire de Halle. — 27. Babeau, Paris en 178g. — 28. Guyau, L'art au point de
vue sociologique. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
16. — Joannl^ de Capua DIrectorium vitsB Iiumauae alias parabola anti-
quorum sapientum, version latine du livre de Kalilah et Dimnah, publiée et
annotée par Joseph Derenbourg, membre de l'Institut, 2'^ fascicule, soixante-
douzième fascicule de la Bibliothèque de l'Ecole des hautes études. Paris, Emile
Bouillon, i88g, in-8, p. 242-373 et i-xix.
Ce fascicule termine l'édition de la version latine de Kalilah et Dim-
nah dont la première partie lut publiée en 1887. Le compte-rendu du
premier fascicule paru dans la Revue^ n° 6 de 1888, p, 101-102, nous
dispense de revenir sur les mérites de cette édition.
L'examen comparatif des diverses versions de Kalilah et Dimnah
auquel M. J. D. s'est livré, Ta conduit à cet important résultat que la
version hébraïque de Joël et la version espagnole publiée par M. Gayan-
gos procèdent du même texte arabe. Dans l'avant-propos joint au der-
nier fascicule, M. J. D. estime que la version espagnole est d'unegrande
utilité pour la future édition critique de la version arabe d'Abd-Allah
ibn Almokaffah. Les nombreux mss. de cette version, dispersés dans les
bibliothèques de l'Europe et de l'Orient, varient beaucoup entre eux.
Un nouvel éditeur devra donc moins se préoccuper de collationner
tous ces mss. (oeuvre aussi fastidieuse qu'inutile), que de rechercher,
par la comparaison des versions européennes qui procèdent de Ta-
rabe, quels sont ceux d'entre ces mss. qui ont conservé le plus fidè-
lement le texte primitif, et d'établir son édition d'après ces mss.
Les variantes recueillies par M. J. D. dans les notes faciliteront beau-
coup cette tâche ardue et ce ne sera pas le moindre mérite de ces
notes. Nul livre, en effet, ne se prête mieux à un remaniement qu\m
recueil de contes qui encadrent les axiomes de la morale populaire, et
qui se modifient suivant les milieux où ils pénètrent. Non pas que les
modifications que présentent les diverses rédactions de Kalilah et Dim-
nah soient la conséquence d^un système théologique préconçu; un tel
système demeure en dehors d'une œuvre du genre léger et récréatif;
Nouvelle série, XXIX. 2
2 2 RKVUK CRITIQUE
cependant l'influence des idées religieuses s'y tait souvent remarquer;
moins sans doute dans des versions littérales, telles que la version sy-
riaque de Boud et la version latine de Jean de Capoue qui ne comportent
pas d'importants changements. Mais cette influence est très sensible dans
des rédactions plus libres comme la version syriaque publiée par Wright
et la version hébraïque de Jacob ben Eléazar. M. Nœldeke Ta retrou-
vée également dans la version arabe du conte du Roi des Souris qu'il
a publiée. M. J, Derenbourg lui-même la reconnaît quand il dit,
p. 35i : « C'est surtout au sujet des idées religieuses que les diverses
rédactions et versions varient et que les copistes mêmes se permettent
d'introduire dans les mss. les dogmes de leurs cultes respectifs. » Après
ces paroles, on s'explique difficilement le passage suivant qui semble
les contredire, p. xvi : « En abordant, il y a déjà longtemps, l'étude de
Kalilah, j'avais conçu un espoir qui a été déçu. Un livre aussi ancien,
qui avait traversé tant de siècles et tant de civilisations modernes, de-
vait, à ce que je supposais, avoir reçu successivement Tempreinte de
nations et de religions différentes. Il n'en a rien été et, depuis la version
syriaque de Boud jusqu'à la version latine de Jean et ses dérivés dans
les diff"érenls idiomes de FEurope, les idées religieuses qu'on professe
dans notre livre, sont restées, à très peu de chose près, sans aucun chan-
gement. »
Trois appendices sont joints à Pédition du texte de Jean de Capoue. Les
deux premiers renferment le texte arabe, accompagné d'une traduction
française, des chapitre xvi et xvir de Jean qui ne se trouvent pas dans
l'édition arabe publiée par S. de Sacy. Dans le troisième appendice
M. J, Derenbourg donne une traduction française du conte du Roi des
souris publié par M. Nœldeke et qui ne se trouve ni dans Jean ni dans
S. de Sacy. Ces appendices seront également consultés avec fruit pour
une nouvelle édition de la version d'Abd-Allah ibn Almokaffah.
Rubens Duval.
17. — Plavii Joseplit 0|>ei-a, edidit et apparatu critico insiruxit Benedictus
NiESE. Vol. V. De Judaeoium vetustate sive contra Apionem libri II. Berlin,
VVcidmann, 1889. In-8, xxviii-ioo p.
» » éd. miner. In-8, iv-90 p.
J^ai déjà rendu compte à nos lecteurs ^ des deux premiers volumes de
cette importante édition, qui comprenaient la moitié des Antiquités .
Avant de poursuivre Tédition de cet ouvrage, M. Niese a reconnu la
nécessité de procéder à une nouvelle collation de deux mss. du Vati-
can ; mais, en attendant, et pour ne pas faire subir de retard à sa pu-
blication, il nous offre, par anticipation, le tome V, consacré au Cojitre
A pion.
L'importance de ce pamphlet célèbre ne doit pas être mesurée à son
I. Revue critique, n"' 3i et 171.
N.
D HISTOIRE ET DR LITTÉRATURE 23
étendue; en réalité, grâce aux nombreux fragnnents de Bérose, de Ma-
néthon et de plusieurs autres historiens grecs qu'il nous a seul conservés,
c'est un des documents historiques les plus précieux que nous ait légués
l'antiquité. Malheureusement le texte en est fort délabré. Environ la
moitié du second livre ne subsiste que dans une traduction latine, entre-
prise sur l'ordre de Cassiodore; pour le reste, nous avons aussi un ma-
nuscrit grec, le Laurentiatius, du xi^ siècle, mais défiguré par de nom-
breuses erreurs et de graves interpolations. Les autres mss. grecs ne
sont que des copies récentes du Laurentianus et n'entrent pas en ligne
de compte pour la constitution du texte ; en revanche, on tire un
grand secours des citations d'Eusèbe, particulièrement nombreuses
pour cet opuscule de Josèphe : du premier livre seul, Eusèbe a transcrit
environ la moitié, et le texte dont il s'est servi était supérieur à celui du
Laurentianus et même à celui de Cassiodore.
C'est en s'aidant de ces différentes sources que M. N. nous présente
enfin une édition à peu près lisible du Contre Apion, singulièrement
en progrès sur les éditions de Bekker (Teubner) et de Dindorf (Didot),
dont on était réduit à se servir jusqu'à présent. Dans plus de cent pas-
sages le texte a été amendé, épuré, grâce surtout à une étude plus atten-
tive des leçons d'Eusèbe. Une des corrections les plus remarquables,
que M. N. signale à juste titre dans son introduction, est celle des
|§ 122 suiv., du livre pr (I, i8 Didot). Dans ce passage, extrait de
Ménandre de Pergame, Josèphe donne une liste des rois de Tyr qui ont
régné depuis la construction du temple de Salomon jusqu'à la fondation
de Carthage, avec Tindication de la durée de leurs règnes; la somme
totale des années devrait, dit-il, être 143 ans et 8 mois; or, en addition-
nant les durées indiquées, on ne trouve que I25 ans et 8 mois. Pour
corriger ce résultat contradictoire, il faut : 1° changer les 7 années de
Baalbe^er en 17, chiffre donné par la version arménienne d'Eusèbe,
Syncelle et Théophile (ad Autolycum^ III, 22); 2° changer les 9 an-
nées de Mettèn en 29 (conjecture de Gutschmid, au lieu de 25, chiffre
d'Eusèbe et consorts). On obtient ainsi un excédant de 3o années; or
c'est 18 seulement qu'il faudrait pour péréquer les calculs de Josèphe,
mais préchémeni au ^ 122 \q Laurentianus présente une faute; en la
corrigeant, on fait disparaître 12 années inutiles. Voici le texte : Mt-à
TOUTCv XéBâaTpaTSç Toytcv cl tt,; ^po^ou aÙTCu uîci -zi'zcxpiq Izicyj-
)veûaavT£ç àrwAîcav, wv 6 Tcpscêù-spoç èêaaIXeuGev [hr, csy.aoûo.] \).e^'
oûç 'AaxapxOi; ô 'EXsaaTapTCu ^ ce... èêasîXsucrîV ërr, cwoexa. Les
mots entre crochets sont une glose introduite mal à propos dans
le texte; les mots qui suivent doivent être soudés en un seul; MsOcj-
âaxap-ccç, qui nous donne le nom d'un nouveau roi de Tyr (cp. Méthu-
salem). Cette brillante correction n'est pas fournie par Eusèbe, qui
avait déjà sous les yeux un texte corrompu (il écrit : ]i.i^' 'cv "As-apto;
I. Je piéfère celle leçon, qui esl celle de Guischmid, à hianz-lf-ou que donne
M. Niese.
24 REVUE CRITIQUE
etc.), mais par Théophile et par la version latine de Cassiodore. Il me
semble que voilà un exemple bien typique de la multiplicité des remè-
des et des médecins auxquels ils faut s'adresser pour remettre sur
pied un auteur aussi maltraité par le temps et les copistes, mais le ré-
sultat justifie l'effort.
Les corrections que M. N. emprunte ainsi à la « tradition indi-
recte » du texte de Josèphe sont presque toutes excellentes; je n'en dirai
pas toujours autant des conjectures personnelles auxquelles il est obligé
d'avoir recours faute de mieux, là où ses guides ordinaires le laissent en
défaut. En voici une, par exemple, que je ne puis approuver. Livre II,
ch. 7, § 82, dans un passage qui ne s'est conservé qu'en latin,
Josèphe énumère les différents conquérants qui se sont emparés
du temple de Jérusalem : Dius ac Pompeius Magnus et Licinius
Crassus et ad novissimum Titus Caesaj'. Dius est ici dénué de
sens; M. Niese corrige en Pius et ajoute en note « dicit Antio-
chum Pium, t\)GE6-iq^ cognomine; vid. Antiq. Jud. XIII, 244 »
(=XIII, 8, 2 Didot). Il est vrai que dans ce paragraphe des Anti-
quités Josèphe nous apprend qu'Antiochus Sidétès reçut des Juifs le
surnom de Pieux à cause de sa conduite clémente et pleine de tolérance
à leur égard, mais de là à désigner le prince sous le nom d'EùceBi^ç tout
court, on avouera qu'il y a loin; en outre, Antiochus Sidétès réduisit
bien les Juifs à composition, mais il ne prit pas, à proprement parler,
Jérusalem, et il n'est dit nulle part qu'il ait pénétré dans le temple;
aussi dans le texte du Bellum judaicum (VI, 10 Didot) où Josèphe énu-
mère les conquérants du temple, Antiochus Sidétès n'est-il pas nommé :
l'Antiochus qui figure dans cette liste est Epiphane. C'est pourquoi
Dindort, dans le texte du Contre Apion, propose la correction Deus,
pour Béoç, surnom d'Antiochus Ephiphane. Je ne la crois pas, au reste,
meilleure que celle de M. Niese; la véritable leçon reste à trouver,
Théodore Reinach.
18. — Edwin Hatch. E«!says in biblieal GreeU. OxforJ, Clarendon PreSS,
1889, x-293 pp.
L'ouvrage de M. H., composé de sept essais, n'est pas en réalité urt
recueil d'articles, mais un vrai livre où l'on pourrait distinguer deux
parties, unies entre elles par un lien assez lâche. La première est l'exposé
d'une méthode nouvelle de recherche lexicographique; la deuxième est
l'application à la critique du texte de la Bible de procédés en usage
depuis longtemps dans la critique du texte des auteurs classiques.
Dans le premier essai, M. H. formule les principes généraux de la
méthode. Il ne faut pas croire que le lexique du Nouveau-Testament
soit identique à celui des écrivains attiques du iv« siècle av.J.C. : il
contient des mots nouveaux et les mots communs aux deux vocabulai-
res ont reçu des sens nouveaux. C'est plutôt avec la langue des Septante
OHISTOIRK KT l)K. LITTÉRATURB 25
que l'on doit comparer celle du Nouveau-Testament. Le principe
fondamental est l'unité du grec biblique, sauf à déterminer ensuite les
divergences de détail. Or, c'est une langue très différente du grec clas-
sique. Deux causes ont agi ou amené ces modifications : le temps,
d'une part ; le lieu et la race, d'autre part. A la première cause se ratta-
chent des restrictions ou des extensions de sens : èp^iî^scôai prend un sens
moral; àxaTacTacîa, qui à Torigine signifie simplement agitation, sert à
désigner, à la suite des compétitions des successeurs d'Alexandre l'insta-
bilité politique et finalement, dans la langue des Septante, une vive
inquiétude, la terreur : Clément de Rome l'associe à Sto)Y|x6ç *, xTiatç du
sens d'acte créateur passe à celui de chose créée : on pourrait noter pour
les mots latins en -tio un changement analogue. Il n'y a là jusqu'ici
que des faits communs aux écrits de la même époque. Mais ceux où l'on
trouve la trace d'une influence de la race et du pays sont propres au
grec biblique. Les métaphores sur lesquelles reposent les mots désignant
chez les Grecs et les Romains la vie et ses divers accidents, lidentifient
au libre mouvement et au tumulte affairé des rues des villes (àvacTpéçea-
ôat, àvacripcçY], uersari, conuersatio). Dans les montagnes de la Syrie, il
n^y a guère que des villages ; les relations entre eux ne sont possibles
qu^à pied, par des sentiers pénibles et pierreux : de là un groupe de
métaphores dans lesquelles la vie est conçue comme un voyage et ses
diflnicultcs comme les obstacles habituels que doit vaincre le voyageur
(èTTOpeûô-^cav ù(liy;Xo) Tpay;r;Xco, cxôvoaXa, 7:poa/,o[j.[xaTa, 7:aYÎ5cÇ, péxuvo'., çopTia).
Aux occupations agricoles des habitants, à leur économie rurale, à leur
organisation judiciaire se rattachent d'autres catégories de métaphores
((T7r£(p£iv,6£p{î^£iv, àXoav ; Bta-AOV£tv, 2av£(^£iv,[xiGG6ç, 6-/)C7aup5ç; -/.p'-TY];, [j.apTupeç,
TupoawzoXr/^ia, etc.).
Les différences du grec biblique avec le grec classique sont donc
certaines. M. H. indique ensuite les moyens de les connaître à l'aide de
la veriion des Septante. Considérée en «Ue-méme, comme un ouvrage
original, elle permet déjà de dresser deux listes, l'une de mots nouveaux,
tantôt destinés à exprimer des idées et des usages propres aux juifs,
tantôt formés régulièrement d'après les modèles antérieurs du grec
classique, l'autre de sens nouveaux donnés à des mots existant depuis
longtemps dans la langue. Si on l'étudié en tant que traduction, on
peut la comparer au texte hébreu. On arrivera à préciser les nuances de
signification en se servant de l'hébreu comme s'il était la traduction du
livre dont les Septante fourniraient Toriginal. Les gloses et les para-
phrases, les changements de métaphores, les différentes traductions du
même mot hébreu permettront d'arriver à une grande exactitude. Car à
un mot comme "triD peut correspondre dans le grec un nombre très
varié d'expressions (pp. 18-20) et inversement un seul mot grec comme
£i'oo3Xov (e'iâtoAa) représentera i3 mots différents de l'hébreu {p. 20). De
plus, les fragments des traductions d'Aquila, de Théodotion, de Symma-
que fourniront un contrôle fort utile. Tel mot ou telle signification
20 RKVUE CRITIQUE,
qui apparaît pour la première fois dans le Nouveau-Testament se retrouve
dans ces versions ; les divergences ou les contradictions qu'elles présen-
tent entre elles ou avec les Septante ne seront pas moins instructi-
ves ^ Enfin les manuscrits offrent eux-mêmes des cas nombreux où un
mot est substitué à un autre. Quelle que soit la cause de ces variantes,
elles aideront à préciser le sens du mot sinon à Tépoque où écrivait
l'auteur, du moins à celle où vivaient les derniers reviseurs ou copistes.
Les essais II et III offrent des applications de la méthode. En
voici deux exemples. A'.â6o>.oç, dans le grec classique, se rapporte à une
accusation mensongère ou du moins malveillante. Dans les Septante,
l'idée d'accusation vraie ou fausse disparaît pour faire place à celle d'ini-
mitié, et dans Job, Zacharie, la Sagesse, le mot désigne une personne
déterminée, l'ennemi du genre humain, ip'^ . Ce dernier sens est
constant dans le Nouveau-Testament, sauf dans quelques passages
des Epîtres pastorales où le mot est adjectif. Muarrjpiov reçoit dans les
apocryphes de l'Ancien-Testament le sens de secrets, secrets d'Etat,
desseins du prince, et par suite sert à désigner les secrets conseils de
Dieu. C'est dans cette acception que le mot est pris dans le Nouveau-
Testament. Dans deux passages de l'Apocalypse et dans un texte de
TEpître aux Ephésiens on ne peut cependant traduire ainsi. On a là en
effet un nouveau sens : des passages de Justin le martyr et de Méliton
où (;,ua-rjp'.ov est rapproché de xuzoç, aij[j.6oXov, 7capa6oX-/) le déterminent
aisément. De l'idée de secret dessein de Dieu, on est passé à celle de
symbole, du signe par lequel ce dessein s'est manifesté. Les traductions
latines ayant rendu ixucrrjpiov par sacramentum, le mot est entré dans la
langue ecclésiastique et de là dans les idiomes modernes avec son der-
nier sens.
Ces applications feront comprendre tout Tintérêt de ces études.
Grâce à l'importance unique du livre auquel elles s'appliquent, ce n'est
pas seulement la connaissance du grec d'une région et d'une époque qui
en profitera, mais celle du latin postelagique et des langues filles
du latin. On peut en effet, étendant la méthode de M. H., suivre les
mots grecs dont le sens a été précisé dans les traductions latines; le
grec alors servira de guide, comme s'il était la traduction du latin. De
ces mots, les uns sont entrés tout vifs dans la version latine, avec un
simple changement dans leurs désinences : tels sont oïdôoXoq et [jLuaxYjpwv.
Les autres ont été remplacés par des équivalents latins et les mêmes
phénomènes se produisent que dans le grec des Septante : changements
et acquisitions de sens, équivalence de mots différents ou inversement
emploi d'un seul mot latin pour plusieurs mots grecs (uirtus =. àpe'T:ri
I. Je suis surpris que M. H. ne fasse pas entrer en ligne de compte les écrits de
Flavius Josèphe qui peuvent offrir des rapprochements intéressants sur la manière
dont sont traduites en grec les idées et les choses juives. Sur l'utilité que peut
pré.^enter la traduction syriaque, cf. Kottek, Dus sechste Buch des Bellum Judaiciim
nach der Peschisto-Handschrift.
JHISfOIR!': KT OK LITTERATURE 27
(Hatch, p. 40) et gûva[j,iç : cp. Marc, V. 3o et Act., VIII. lo). Ainsi se
forme une langue particulière que la multitude des écrivains ecclésiasti-
ques fait entrer dans le courant de la circulation générale (uirtus zrz
Sùva[A'.ç n^est pas moins de 4 fois dans la courte Vie de s. Martin par
Sulpice Sévère : Halm, pp. 117, i, et 22 ; i2 3, 27; 1 32, 25). Du latin,
ces mots nouveaux et ces acceptions nouvelles ont passé dans les langues
romanes, soit au moment même de la formation de ces idiomes, soit
plus tard, après un séjour dans les écrits des scolastiques, quand un
vocabulaire philosophique est devenu nécessaire aux langues vulgaires.
Et c'est ainsi que telle recherche sur le sens d'une locution des Septante
éclairera une particularité de nos parlers modernes. Voilà les fruits qu'on
doit attendre de la méthode si brillamment exposée et inaugurée par
M. Hatch. Il n'y avait fait presque aucune allusion : il convenait
d'insister \
La deuxième partie du livre de M, H. est moins neuve. L'auteur
montre comment les citations des Septante faites par les Pères peuvent
être utiles pour la critique verbale. Prises isolément, ces citations
aident à déterminer la valeur des manuscrits, à les classer, à découvrir
les recensions diverses subies par le texte et à reconstituer ainsi son
histoire. Leur ensemble dans un écrivain donné permet de reconnaître
l'état de la tradition à son époque et la valeur des contributions que ces
citations apportent à la critique textuelle. Une telle méthode n'a rien
d'inconnu : il y a longtemps qu'on l'applique aux écrivains classiques.
Dans un grand nombre de passages que M. H. soumet à ces réactifs, il
arrive à des résultats nouveaux qu'il est impossible de passer en revue
l'un après l'autre. M. H. conclut que les citations de la Bible étaient
faites avec grand soin ; que les divergences entre ces citations et nos
mss. proviennent, non d'erreurs de la mémoire, ma's de l'existence d'un
texte vraiment différent; qu'enfin des recueils d'extraits permettaient
les citations composites, fréquentes chez les anciens auteurs, comme
Clément de Rome, Barnabe et Justin le martyr.
Dans les deux derniers essais, qui sont plutôt des appendices,
M. Hatch étudie la revision du livre de Job faite par Origène et la
situation particulière de l'Ecclésiastique vis à vis de la critique.
Un index des passages bibliques termine le volume : on regrette
Tabsence d'un index des mots cités dans la première partie 2.
P. -A. L.
1. M. H. paraît étonné que ces éludes aient été négligées. Mais en matière de
lexicographie et de syntaxe historiques presque tout est à faire pour le grec. A
peine avons-nous deux ou trois bons lexiques d'auteurs et quelques monographies
du genre de celle que M. Cucuel nous a donnée sur Antiphon : encore celle-ci est-elle
toute récente.
2. L'auteur ne pourra pas tenir les promesses dont ce beau livre semblait être
le gage. Edwin Hatch vient de mourir, à l'âge de cinquante-quatre ans.
28 ' REVUE CRITIQUE
ig. — Faculté des Lettres de Bordeaux. Musée arcbéulo^^ique. Catalogue
méthodique des moulages des œuvres de sculpture grecque, rédigé par un groupe
d'étudiants, sous la direction de P. Paris. Premier fascicule. Bordeaux, impri-
merie Cadoret. In-8 de 112 p.
Euge! Voici un livre que l'on a plaisir à faire connaître, parce qu'il
marque une ère nouvelle dans renseignement d'une de nos grandes
Facultés. En 1886, sous le ministère Berthelot, on créa à Bordeaux un
musée de moulages; le conseil municipal, éclairé par MM. Daney et
Couat , contribua généreusement à Pinstaller. M. Paris, maître de
conférences, ancien athénien, fut chargé, en 1887, d'inaugurer un cours
d'archéologie dans le local où les moulages avaient trouvé place. Une
allocation annuelle, inscrite depuis 1887 au budget de la Faculté des
Lettres, pourvoit à l'entretien et à l'accroissement de la collection.
Mais ce n'est pas tout : le petit séminaire archéologique dirigé par
M. Paris a entrepris de publier un catalogue de son musée et ce groupe
d'étudiants, inspiré par un jeune maître qui aime la science, vient de
nous donner le premier fascicule d'un travail qui m.érite d'être chau-
dement encouragé. C'est, en effet, le premier de ce genre qui ait été
publié en France, car celui de l'Ecole des Beaux-Arts est tout à fait
sommaire et celui de Tatelier du Louvre ne répond pas même à des
besoins commerciaux.
Le fascicule que nous avons sous les yeux comprend la description
détaillée de soixante et un monuments de l'art grec archaïque, parmi
lequels il en est plusieurs d'inédits. Chaque notice est signée du nom
de son auteur et suivie d'indications bibliographiques. Comme la bi-
bliothèque de la Faculté n'est pas encore très riche, on ne pouvait espé-
rer être complet à cet égard et l'on a cité de préférence des ouvrages
accessibles, publiés en France et en français. Je pense que les auteurs
auraient dû aller plus loin dans cette voie, ne jamais énumérer d'an-
ciennes et mauvaises gravures là où il existe des reproductions photo-
graphiques excellentes et s'épargner ainsi quelques erreurs qui résultent
de citations faites de seconde main. Ainsi, pour l'Apollon d'Orchomène,
il suffisait de renvoyer au Bull, de Corresp. hellén., 1881, pi. iv, tou-
tes les autres gravures de cette statue étant détestables. Pour l'Apollon
de Pombino, l'héliogravure donnée par Rayet annule les publications
précédentes. De même, pour le bas-relief de Samothrace, il ne fallait
pas renvoyer à Millingen, Unediti monumenti (sic), d'abord parce que
cet ouvrage (rare et coûteux) est en anglais et non en italien, puis
parce que Unediti est un barbarisme. Les renvois à des périodiques
sans autre indication que celle de l'année ou du volume (p. 76, 81) doi-
vent être absolument proscrits, car une bibliographie ne peut se con-
tenter d'à peu près. Je crains que l'auteur de la notice sur le monument
des Harpyes n'ait énuméré, sans les avoir vus, les travaux d'ailleurs
négligeables de Gerquand et autres qui encombrent la lin de sa biblio-
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 20
graphie i. P. 88, le Bulletino Romano (il n'existe pas de recueil de ce
nom) est évidemment cité de seconde main. Pour la prétendue
Athéna d'Endoios, il fallait renvoyer à Beulé et à Le Bas, non pas à
Jahn ; pour Tathlète de la collection Rampin, à Rayet et non pas à
Dumont ou à Collignon. Vouloir donner une bibliographie complète
est chimérique ; y réussir, même dans une large mesure, serait inutile.
Il s'agit de choisir en connaissance de cause, après examen personnel,
et de ne citer que ce qui vaut la peine d'être vu. Un critique philistin
vous reprochera d'avoir oublié des références sans valeur : un critique
sérieux et sachant ce dont il parle regrettera surtout que vous en ayez
donné de superflues.
Quelques menues erreurs typographiques et autres sont signalées
dans une note-; si le groupe des jeunes archéologues bordelais réim-
prime ce fascicule, je tiens à sa disposition d'autres remarques que j'ai
consignées à la marge de mon exemplaire. Quant aux descriptions, elles
sont en général sobres et bien écrites; les auteurs ont même souvent fait
preuve d'indépendance à l'égard de certaines opinions en cours. Là où
plusieurs interprétations étaient en présence, leur choix n'a peut-être
pas toujours été heureux ', mais ce ne sont là que des détails d'impor-
portance secondaire. L'essentiel, c'est qu'ils ont beaucoup appris en
rédigeant ce catalogue, que leurs successeurs apprendront beaucoup en
le consultant et que MM. Ravaisson et Dumont n'ont pas perdu leur
temps et leur encre en réclamant, comme ils l'ont fait avec tant de per-
sistance, la création de musées de moulages, complément ou plutôt pré-
face indispensable de tout enseignement qui veut former des archéo-
logues.
Salomon Reinach.
1. Ces renseignements sont empruntés à mon Manuel de Pliilol , t. II, p. 258,
mais ils ne seraient à leur place que dans un travail spécial sur les Harpyes.
2. P. Q, lire Rayet... pi. 25 (pourquoi tab., ici et ailleurs, quand il s'agit d'un ouvrage
français?) Ibid., ajouter Rayet, Etudes, p. ii5 et modifier d'après ce passage le
deuxième alinéa de la p. 8. Ibid., des au lieu de der. P. 12, le bas-relief de Samo-
thrace appartient plutôt à la fin du vi' siècle. P. 14, lire Ausgr. -u Olympia et
archaischc. P. 18, l'inscription de Chéramnès ne prouve pas que la statue de Samos
soit une Héra; ce pourrait être une prêtresse. P. 20, lire Furtvvaengler. P. 26,
deuxième paragraphe, l'indication des monuments représentant Artémis est beau-
coup trop vague. P. 28, lire von Sybel. P. 33, le texte est trop afHrmatif sur le ca-
ractère funéraire de l'Apollon de Ténéa. P. 34, lire Prokesch d'Osten. P. 36, Ver->
:ieichniss, et non Vcr:^eichwig ; il existe d'ailleurs une édition française du même
ouvrage, etc.
3. Ainsi, je regrette que le rédacteur de la notice sur la stèle de Piiarsale ait adopté
l'opinion de Rayet, opinion toute de polémique, émise dans un article écrit ab ivato
et qui ne tient pas devant un examen attentif du monument.
3o REVUE CRITIQUE
20. — l'ne école inédit© «le sculpture j^ullo-i-omuine., par Albert Lebè-
GUE, professeur à la Faculté des Lettres de Toulouse. Toulouse, Ed. Privât, i88(i,
in-S de 28 p.
21. — L'Empereur Teti'ieus et le elievalîer Dumègej par le même.
Agen, veuve Lamy, 1SS9, in-8 de 56 p.
Dans le premier mémoire, M. Lebègue s'occupe des découvertes de
Martres-Tolosanes, qui ont fourni au musée de Toulouse son trésor
d'antiquités le plus abondant, le plus précieux, et il examine spéciale-
ment quelques sculptures, parmi lesquelles un bas-relief représen-
tant l'empereur Tetricus appelle surtout son attention. Il dit d'excel-
lentes choses sur ce monument archéologique qui lui paraît «le plus
intéressant de l'empire gallo-romain. » D'après le savant antiquaire,
quelques-unes des sculptures trouvées à Martres-Tolosanes sont les
œuvres originales d'un art local, gallo-romain, peu étudié jusqu'à ce
jour ^. La thèse qu''il soutient a eu l'approbation des juges les plus
compétents qui ont eu l'occasion de la discuter en face même des
monuments découverts aux environs de Toulouse, et nous répéterons
avec lui que « le midi de la Gaule a vu naître, probablement au m* siè-
cle, une école de sculpture qui doit occuper sa place dans l'histoire de
l'art antique. »
Le piquant début du second mémoire donnera une juste idée de
l'intérêt que d'un bout à l'autre présenteront des pages où nous trouvons
un sagace critique doublé d'un spirituel narrateur : « Le musée de
Nérac et celui de Toulouse possèdent des inscriptions et des bas-reliefs
qui se rapportent presque tous au règne de Tetricus. La science s'en est
beaucoup occupée, de i83o à i836, les a condamnés, presque tous pour
des raisons évidentes, et a même flétri le fabricant nommé Chrétin.
Elle a soupçonné fort justement l'archéologue Dumège de n'avoir pas
été étranger à ces falsifications. Cependant elle ne lui a pas attribué
le rôle prépondérant qui lui revenait de plein droit, et enveloppant
tous les monuments qui lui étaient présentés dans une égale réproba-
tion, elle ne s'est pas aperçue qu'un bas-relief représentant le triomphe
des deux Tetricus n'était pas du même ciseau que les autres œuvres,
et qu'il méritait d'être examiné à part. Seules les inscriptions, gra-
vées après coup, portent, sans conteste, la marque de l'ofïîcine
Dumège-Chrétin. Je reprends donc en détail un procès incomplè-
tement ou mal jugé. Il n'est pas inutile d'écrire un nouveau chapitre
I. Je demande la permission de remplacer ^■'e;< par pas du tout, car on n'a écrit à
ce sujet que des lignes insuffisantes et qui ne comptent pas. M. L. ne trouve à
citer qu'une notice dans le Musée de sculpture de Clarac, mais, dans cette notice,
c'est à peine si une distinction est établie entre les œuvres qui, au musée de Tou-
louse, sont de style purement grec ou romain et celles qu'il faut rattacher incontes-
tablement à une école gallo-romaine. M. L. exprime le vœu que les fouilles de
Martres-Tolosanes soient reprises et achevées. Nous nous associons à ce vœu et nous
le complétons en demandant que les nouvelles fouilles soient dirigées par un anti-
quaire aussi consciencieux et aussi éclairé.
d'histoire et de littérature 3î
sur l'histoire des fraudes scientifiques. Il est bon que les antiquités
suspectes qui figurent dans nos musées soient signalées et condam-
nées définitivement. Enfin il faut réhabiliter les œuvres authentiques
comprises à tort dans un ostracisme trop absolu ».
Je ne puis suivre M. L. dans toute sa discussion. Qu'il me sufiise de
dire qu'elle est aussi probante qu'amusante i. L'auteur met en pleine
lumière toute l'histoire d'une affaire très compliquée. Chrétin et son
complice Dumcge sont pris, pour ainsi dire, en flagrant délit de trom-
perie -. Jamais juge d'instruction ne s'est livré contre des faussaires à
une enquête plus pressante. La sûre critique de M. L. sépare à mer-
veille ce qui a été fabriqué de ce qui est authentique. A son récit des
opérations des associés Ghrétin-Dumège, il a joint une très bonne
notice historique sur l'empereur Tetricus (p. 10-20). Quant à ses
conclusions en faveur de l'authenticité du bas-relief où est figuré ce
personnage, j'estime que, « sérieusement contrôlées, » comme il le
demande, elles feront leur chemin dans le monde savant et que tous les
vrais connaisseurs diront : Je crois au triomphede Tetricus.
T. DE L.
22. — I. Les Imuginations ou le» l>oublets de M. Bracliet, par J. Es-
PAGNOLLE, auteur de VOrigine du français, in-S, 20 pages. Prix : i fr. Paris,
Ern. Thorin, i88g.
23. — 2. t.o elef du vieux. fi-nnç'a>**» par l'abbé J. Espagnolle, du clergé de
Paris, in-8, 93 pages. Prix : b fr. Paris, ap. Ch. Leroy, 1890.
1° Je ne crois p«s que l'on puisse extravaguer (en étyraologie, bien
entendu), avec plus de suite que ne le fait M. l'abbé EspagnoUe dans
ce tout petit opuscule. Il est impossible de soutenir raisonnablement,
dit-il, qu'il y ait dans notre langue des doublets venus, les uns de la
couche populaire, les autres de la langue savante. Il y a bien, il est
vrai, une couche ancienne, mais cette couche n'est pas latine, elle est
gauloise ou plutôt dorienne, ce qui est absolument la même chose.
Ainsi natif et naïf nom pas une origine commune : le premier est latin,
la seconde n'est autre chose que la transcription exacte du grec doricn
nais. De exmota ne dérivent pas émue et émeute : ce dernier est le grec
muthos, ainsi que le prouve l'ancien moimute^ et avec l'addition d'un e,
1. L'auteur demande en ces termes un pardon qui lui sera facilement accordé par
les plus sévères lecteurs (p. 10): « On nous excusera si la comédie \'ient ici quel-
quefois se mêler malgré nous à la gravité de l'histoire. Il faut s'en prendre aux
auteurs de ces fraudes qui furent souvent d'une étonnante légèreté. »
2. Ce n'est pas seulement dans ses inscriptions que Dumège s'est joué de la cré-
dulité de ses lecteurs; c'est aussi dans des communicaiions au sujet d'un prétendu
procès Vanini, pour un article de Victor Cousin destiné à la Revue des Deux
mondes, au sujet de Clémence Isaure et de poésies apocryphes. C'est encore dans
divers textes dont \\ z enrichi son édition de V Histoire générale de Languedoc. On
retrouve ailleurs encore la main malfaisante de ce déloyal érudit etl'onpeut à bon
droit frapper de suspicion et de réprobation presque tout ce qu'il a publié.
32 RKVUE CRITIQUE
émute qu'on trouve dans La Fontaine. Les doublets d'origine germa-
nique sont de pure fantaisie, comme niche et nique qui viendraient,
selon M, Brachet, du suédois nyck : le premier, dit M. l'abbé Esp., re-
monte bien haut, car dans leviii'' chant de V Odyssée^ v. 75, il est ques-
tion des niches, neikos, que se faisaient Ulysse et Achille, fils de Pelée.
Il n'est pas moins absurde de prétendre que Sire et Seigneur aient été
formés l'un sur senior, l'autre sur seniorem, puisque ces mots s'em-
ploient Tun pour l'autre, et la preuve en est que dans ces deux vers de
la chanson de Roland seignur est sujet :
Le Seignur d'els est apelet Oedun f?o56)
Richart le vieil, le Seignur des Normans (3470).
M. l'abbé Esp., ne se doute pas qu'il faut lire pour bien des raisons
Le Seignur d'iils apelent ii Oedun,
et que dans le second vers Seignur est complément d'un verbe :
Pois ad ocis Gebuin e Lorant,
Richart le vieil, ie Seignur des Normands.
Toutes les fois que M. Tabbé Esp., cite un passage du vieux français,
il prouve, je l'ai démontré maintes fois déjà, qu'il n'en sait pas un mot.
Mais d'où vient donc, selon lui, le mot Sire? Naturellement du grec
Kiirios. H. Estienne l'avait déjà dit, mais on sera bien aise de savoir
que M. de Bismarck (on ne s'attendait guère à voir Bismarck en cette
affaire) a donné à cette étymologie une grande autorité, « car il s'est
servi du mot Sire en écrivant au pape. Il ne pouvait employer un terme
plus grand ni plus noble que celui-là. » yEgri somnia.
2° La Clef du vieux français. Toujours la même chanson avec des
variations sur le même air. (Voir Y Origine du Français.) L'ouvrage
est dédié « à Messieurs les Elèves de l'Ecole des Chartes. j> Lisez et Jugez,
leur dit presque évangéliquement l'auteur. Je suis convaincu que cette
lecture leur fera passer gaiement une heure ou deux.
A. Delboulle.
24. — André Doria. Un amiral eondotisei-e au xvi^ siècle (1466-1560J, par
Edouard Petit. Paris, Quaniin, 1S87, i voL in-S de xvi-ogi pages.
Bien que cet ouvrage ait valu à son auteur le grade de docteur ès-let-
tres devant la faculté d'Aix, quelques critiques ne l'en ont pas moins
Jugé très sévèrement. On lui a reproché d'avoir négligé des ouvrages
importants comme les Diarii de Marino Sanuto et la Storia di Ca-
rolo V incorrela^ione colV Italia de G. di Leva; de n'avoir pas soumis
à une critique assez rigoureuse les biographies de Capelloni, de Sigonius
et de Guerrazzi; enfin d'avoir raconté la vie d'André Doria sans la
méthode, la concision et l'éclat qu'elle méritait.
Il faut bien reconnaître que tout n'est pas exagéré dans ces reproches.
Le plan général du livre manque de netteté; on sent, en effet, une cer-
taine absence de méthode, aussi bien dans la recherche des documents
o'HISTOrRK ET DR LITTÉRATURB 33
que dans leur mise en œuvre ; pour tout dire, on sent l'inexpérience de
Fauteur et que ce livre est un début. Mais il serait injuste aussi de ne
pas tenir compte à M. Petit des sérieuses recherches qu'il a accomplies
dans les archives italiennes et du méritoire effort qu'il a fait. On pour-
rait plutôt lui reprocher de s'être trop enfermé dans les documents
étrangers. Il a ainsi, pour avoir négligé les sources françaises, perdu de
vue l'ampleur et l'importance du sujet qu'il avait choisi. Ecrire la vie
d'André Doria, en effet, ce n'est pas seulement raconter les actions du
grand amiral, c'est aussi étudier un des chapitres et non des moins im-
portants de l'histoire de l'influence française en Italie. Par sa situation,
Gènes menaçait à la fois le Piémont à l'Ouest et au Nord-Ouest, le Mila-
nais au Nord, la Toscane au Sud-Est. Elle laissait à celui qui en dispo-
serait la liberté de déboucher à son gré dans le bassin du Pô ou dans
l'Italie centrale. Par sa marine, elle aurait permis aux rois de France de
se passer de l'alliance du Turc, alliance souvent onéreuse et toujours
acceptée à contre-cœur.
Voilà ce que M. P. aurait mieux mis en lumière s'il avait utilisé suf-
fisamment les manuscrits de la Bibliothèque nationale, si riche pour
tout ce qui concerne l'histoire extérieure de la France au xvi'= siècle,
même les Archives Nationales et celles des Affaires Etrangères. Les
correspondances de nos agents en Italie lui auraient permis de contrôler
bien des détails de son livre. Celles de nos ambassadeurs à Venise, cet
admirable poste d'observation qui fut au xvi« siècle le point où abou-
tissait et d'où partait toute la politique de la France en Orient, lui
auraient aussi fourni plus d'un renseignement sur les luttes de Doria
contre les Barbaresques. M. P. semble n'avoir connu que Charrière, et
Charrière, quelle que soit d'ailleurs sa valeur, est loin d'être complet.
C'est en combinant les documents italiens et les documents français, en
les contrôlant et les éclairant les uns par les autres, que M. P. serait
peut-être arrivé à écrire une page définitive sur le point capital de la
vie d André Doria, sa défection en 028. Toute la question, en effet, est
de savoir : d'abord, si François I" n'a pas donné lieu à André Doria
d'abandonner sa cause ; ensuite si, le sachant prêt à passer à l'Empereur,
il n'a pas cherché à le ramener. Or, cela, c'est dans les documents fran-
çais, dans les dépêches de la Cour à ses ambassadeurs, dans les réponses
de ceux-ci, que l'on doit en trouver la preuve, si toutefois il n'y a pas là
de ces raisons intimes, quelquefois les plus décisives, mais dont l'his-
toire ne peut arriver à saisir la trace certaine. Quant au reproche que
fait M. P. à Doria d'avoir asservi sa patrie à l'Empereur, remarquons
que la petite république ligurienne, placée entre ses deux puissants voi-
sins, n'avait guère que le choix entre la suprématie de la France ou
celle de l'Empire. La meilleure politique qu'elle put suivre, fut peut-
être encore celle que pratiqua Doria : acheter au prix d'une alliance et
d'une demi-sujétion la protection de l'un des deux rivaux, quitte à résis-
ter adroitement à des prétentions trop fortes, comme il le fit dans l'af-
faire de Gastelletto.
34 RKVUF. CRITfQUK
En résumé, le livre de M. Petit témoigne d'une évidente inexpé-
rience, d'une composition hâtive, attestée encore par une profusion de
fautes typographiques. Mais il y a cependant un sérieux travail de
recherches, des faits nouveaux apportés, et l'ouvrage, dans son ensem-
ble, se lit avec facilité, quelquefois avec agrément. Souhaitons que Fau-
teur, dans un prochain volume, sache combiner ces qualités avec celles
qui lui font défaut.
Louis Farces.
Cultuibilder aus dem Zeilalter der Aufklaerung.
23. — I. Aus Mag<lel>ui*g!n Ver^angeiilteil, voii Waldemar Ka.werau. Halle,
Niemeyer, i8Sô. In-S, x et 326 p.
26. — II. Aus llsiUcs L.ittei'aturlcben, von W. Kawerau. Halle, Niemeyer,
1888. ln-8, iôo p.
M. Waldemar Kawerau commence, avec ces deux volumes, une in-
téressante série d'études locales ou plutôt provinciales, sur la littérature
allemande au xvni" siècle durant la période de VAufklariing.
Le premier volume traite du passé de Magdebourg. Mais Magde-
bourg n^est pas un centre littéraire, et si Klopstock y vint quelquefois,
si Wieland étudia dans le voisinage, au Klosterbergen, elle n^a produit
aucune œuvre remarquable. Pourtant, à l'époque que M. K. étudie
avec soin et amour, il y avait à Magdebourg un commencement de vie
artistique et scientifique, sans originalité, il est vrai, et sans grande im-
portance, mais qui méritait d''étre retracé. Magdebourg avait des re-
vues, et leur rédacteurs, Patzke et Kopken, sont Tobjet de notices détail-
lées et curieuses (p. 1 9-39). Mais la meilleure étude, et la plus attachante,
du volume est consacrée à Resewitz, le collaborateur des Littérature
briefe et de VAllgemeine deiitsche Bibliothek, le prédicateur de Copen-
hague, l'auteur du livre sur 1' « éducation du citoyen », l'abbé de Kloster-
berge (p. 75-140). Elle est suivie d'un essai sur ceJ. G. Schummel,
dont la fertile plume pouvait, tous les ans, à la foire de Leipzig, enfan-
ter sans peine un roman ou une comédie; M. K. analyse ses Empjind-
same Reisen diirch Deutscliland — qu'on ne connaît que par la sévère
critique du jeune Goethe • — et son roman pédagogique de Spit:[bart
(p. 140-176). Le volume se termine par une longue étude sur le musi-
cien Jean Henri Rolle (p. 176-274).
Le second volume de M. K. sur Halle et sa vie littéraire au xvni*-" siè-
cle, est mieux composé, mieux ordonné que le volume sur Magde-
bourg. Il comprend trois chapitres: I. Les commencements de l'Univer-
sité (p. i-iio);II, Piétisme et rationalisme (p. iii-!73);in. L'époque
de floraison du rationalisme (p. 174-321). Nous assistons à la fondation
de l'Université de Halle, et nous voyons passer devant nous Thomasius
qui « inaugure à la fois l'Université de Halle et le xvm^ siècle » (p. 38);
Gundling, lui aussi « un pionnier des temps nouveaux »; J. P. de Lu-
dewig à la fois professeur et rédacteur des Wochentliche Hallische
O HISTOIRH KT DE LITTÉRATURB 35
Nachrichten; Hunold; Stockmann ; Reimann; Philippi, si cruellement
exécuté par Liscow; Lange, le méchant traducteur d'Horace; Pyra,
Baumgarten, Meier, et, à côté des professeurs, les étudiants — qui, somme
toute et malgré leur renom de rudesse et de grossièreté, n'étaient pas
plus mauvais qu'ailleurs (p. loo), les imprimeurs, les libraires. Après
ce brillant tableau, M. K. revient à la faculté de théologie, au piétisme
qui avait trouvé asile à l'Université, et il retrace les luttes de Francke
et ses fondations; il montre le piétisme, persécutant à son tour, chas-
sant Wolff de Halle, mais amenant par cette brutale expulsion la vic-
toire finale de son adversaire qui devient le champion du progrès et de
la liberté scientifique; dix-sept ans plus tard, Wolff rentre à Halle en
triomphateur (p. 169-171). Semler, Klotz, Riedel se présentent ensuite ;
puis Schirach, Bertram, George Jacobi, Bahrdt. Tous ces personnages,
surtout Klotz et Bahrdt, sont décrits en quelques traits nets et vigou-
reux. Un intéressant chapitre intitulé Feldprediger und Musketier fait
revivre Auguste Lafontaine et l'aventurier Laukhard (p. 263-284). Le
dernier du volume (p. 284-321) traite du théâtre de Halle, de ses luttes
contre le piétisme qui ne voyait dans la comédie que frivolité et diable-
rie, des troupes qui vinrent donner des représentations (Schuch,
Schônemann, Ackermann, Dôbbelin), des critiques théâtrales de Klotz,
de la petite scène de Lauchstadt où les acteurs de Weimar jouèrent les
pièces de Gœthe et surtout de Schiller.
Les notes sont rejetées à la fin de chaque volume (p. 276-316 et
322-353); elles témoignent du savoir étendu de M. Kawerau et de ses
recherches patientes dans les journaux et autres documents de Tépoque;
elles sont accompagnées d'un précieux index.
A. Chuquet.
27. — Albert Babeau. Paris en !>*», ouvrage illustré de 96 gravures sur bois
et photogravures d'après des estampes de l'époque. Paris, Didot, un vol. in-8 de
532 p.
Ce joli petit volume, imprimé avec un soin tout particulier et illustré
de la façon la plus heureuse, est venu à son heure pour l'instruction de
ceux qui s'intéressent au centenaire de la Révolution française. Maître
passé en l'art de ressusciter les siècles disparus, l'auteur de la Ville, du
Village sous Vancien Régime, et de tant d'autres publications excel-
lentes a voulu montrer ce qu'était Paris au bon vieux temps; son livre
est écrit avec une verve charmante, avec une gaîté toute parisienne qui
ne décèle nullement le savant enfermé durant de si longues années dans
les archives de l'Aube. Comme il s'adressait de préférence aux gens du
monde et aux étrangers qu'attirait l'Exposition, M. Babeau a eu l'atten-
tion délicate de ne pas mettre une seule note au bas des pages. C'est à
peine si une courte notice bibliographique, reléguée à la fin du volume,
renseigne le lecteur curieux sur l'immense quantité de livres, d'estam-
36 REVUE CRITIQUE
pes, de pièces d^archives ou de musées qu'il a fallu étudier pour arriver
à composer ce petit Manuel à l'usage des visiteurs du vieux Paris.
Non content de faire oeuvre de vulgarisateur et de cicérone admira-
blement renseigné, M, B. a cru devoir insister sur certains détails peu
connus, et en cela son petit livre est parfois d'une grande originalité.
Les chapitres sur les Couvents, sur les Hospices, sur la Bienfaisance^
où percent les tendances optimistes de l'auteur (car M. B. estime que
l'ancien Régime avait du bon et les lauriers des « vainqueurs de la Bas-
tille )) n'ont jamais troublé son sommeil), ces chapitres, dis-Je, et quel-
ques autres encore sont d'un véritable intérêt; alors même que l'on
croit bien connaître l'ancienne organisation de Paris, on peut les lire
avec profit. Il faut en dire autant du très curieux chapitre sur l'ensei-
gnement en 1789 ; il est neuf à bien des égards, et les renseignements
que donne M. B., les chiffres qu'il apporte à l'appui de ses affirmations
sont de nature à modifier l'opinion que d'autres historiens s^efforcent
d'accréditer. Je n'y vois guère qu'une très légère inexactitude à relever;
c'est à la page 828 où M, B. parle des écoles « formées en 171 3 dans le
faubourg du Temple par l'abbé Tabourin, et qui étaient desservies par
40 laïques portant Thabit ecclésiastique et dirigés par un supérieur. »
Aujourd'hui mieux renseigné, M. B. sait que ces écoles, fondées en
171 1 sur la paroisse Saint-Etienne-du-Mont, sont restées de 1713 à
1794 dans la rue de Lappe, à l'entrée du faubourg Saint-Antoine, et
que les frères Tabourin avaient dans Paris, en 1789, 32 écoles desser-
vies par un ou deux maîtres laïques, mais vêtus d'une soutanelle, vivant
en communauté et récitant chaque jour leur office 1.
Voilà donc un livre à la fois attrayant et instructif; je regrette seule-
ment que M. B. n'ait pas cru devoir donner quelques indications pré-
cises relativement aux illustrations dont il a enrichi son ouvrage ; plu-
sieurs de ces gravures sont fort curieuses, et Ton aimerait à savoir d'où
elles sont tirées. Tel qu'il est, ce nouveau travail de M. Babeau conti-
nue et complète heureusement les précédents, et sans nul doute il ob-
tiendra le même succès.
A, Gazier.
28. — GuYAU. I^'ai't ail point de vue sociologique, publié avec une intro-
duction par M. Alfred Fouillée. Paris, Alcan, 1889, in-8, XLViii-387 pages.
7 fr. 5o.
Ce livre est l'un des deux qu'a laissés après lui le regretté M. Guyau.
Il complète l'ensemble des travaux de M. G. qui avait précédemment
I. Une autre erreur, d'un genre tout différent (p. 112), rapporte à l'année 17 12 la
construction de la fameuse Samaritaine du Pont-Neuf, achevée, comme l'on sait, en
1608. Ajoutons, pour montrer combien la critique la plus minutieuse trouverait peu
à reprendre dans ce livre, qu'il y page 78 un vers faux :
L'emblûne même de la Folie,
et une faute d'impression (scxagone pour hexagone) à la page 102.
o'histoirk et dk littérature 3"
étudié, au point de vue sociologique, la religion, la métaphysique et
la morale. — D'après M. G., l'art est un phénomène de sociabilité,
puisqu'il est fondé tout entier sur les lois de la transmission des émo-
tions. L'émotion artistique est l'émotion sociale que nous fait éprouver
une vie analogue à la nôtre et rapprochée de la nôtre par l'artiste. Le
génie est une forme extraordinairement intense de la sympathie et de la
sociabilité qui ne peut se satisfaire qu'en créant un monde nouveau
d'êtres vivants. C'est une puissance d'aimer qui tend à la fécondité. Par
suite, le génie sera d'autant plus grand qu'il sera plus accueillant, plus
ouvert, et capable de se dépersonnaliser au point d'associer plusieurs
individualités dans la sienne. L'œuvre d'art de premier ordre sera celle
où les personnages auront à la fois la vie individuelle et la vie de grou-
pes, étant à la fois réels et symboHques. Elle devra exciter en nous, non
pas seulement des sensations plus aiguës et plus intenses, mais des sen-
timents plus généreux et plus sociaux. La sympathie sera de même la
première qualité requise pour s'occuper de critique. La critique qui
s'attache à faire ressortir les beautés est la seule utile. D'ailleurs pour
bien juger une œuvre, il faut la pénétrer, la voir par l'intérieur; ce
q-a'on ne peut faire que si on Taime. Le caractère du vrai critique est
éminemment sociable.
Ce système, qui repose sur une idée juste, est forcément incomplet :
il y faut faire beaucoup de réserves et ajouter beaucoup de correctifs. —
L'émotion esthétique est une émotion sociale; sans doute, mais qui offre
ce caractère, d'être accessible à un nombre d'individus d'autant plus res-
treint, qu'elle est plus relevée. — M. G. voit surtout dans le génie la
faculté de sortir de soi ; il ne serait pas moins vrai de dire que le génie,
qui de sa nature est absorbant et tyrannique, est un pouvoir de tout
ramener à soi. — La portée sociale, non plus que la portée morale n'est
un critérium suffisant pour l'œuvre d'art; mais en outre, elle n'est pas
toujours en rapport direct avec la valeur esthétique. Des œuvres dictées
par la haine, ou d'autres qui décrivent des passions anti-sociales au
premier chef, n'en sont pas moins de très belles œuvres d'art. — M. G.
exagère beaucoup l'influence sociale de l'art. Et quand il formule ainsi
une idée qui lui est chère : a Les grands poètes, les grands artistes rede-
« viendront un jour les grands initiateurs des masses, les prêtres d'une
« religion sans dogme » (p. i63], il ne se contente pas de proposer une
hypothèse qui ne s'appuie sur aucun exemple emprunté au passé, il
commet une véritable confusion. C'est dans les civilisations primitives
que se rencontre le « vates », le poète-prêtre. Dans les sociétés mo-
dernes, divisées à l'infini et qui tiennent leurs idées de toutes sortes de
provenances, l'influence de l'artiste devient chaque jour moins étendue.
— On pourrait encore présenter des objections sur plus d'un point de
détail. Dans un livre où il prétend étudier l'art au point de vue socio-
logique, M. G. ne s'occupe que de la littérature, et dans la littérature
que du roman et de la poésie lyrique. Il se montre sévère à l'excès pour
38 REVUE CRITIQUE
Lamartine. Par contre, il semble avoir pris un plaisir de paradoxe à
vanter chez Victor Hugo précisément les mérites qu'il est le plus diffi-
cile de découvrir chez lui : c'est \cpenseur qu'il admire en Victor Hugo;
et les recueils qu'il cite sont tous postérieurs aux Contemplations. Enfin
il fait beaucoup d'honneur à M. Zola en discutant ses idées critiques,
qu'on a plus justement qualifiées quand on n'y a vu qu'un effort pour
ramener la littérature au niveau des illettrés.
Mais il suffit qu'une vue de système serve à faire la lumière sur plu-
sieurs points. Et tel est le mérite de la théorie de M. Guyau. On s'en
convaincra en lisant les pages vigoureuses où M. G. discute la théorie
de M . Taine sur les rapports du génie et du milieu, celles où il montre
Terreur des romanciers qui prétendent introduire dans la littérature les
procédés de l'expérimentation scientifique, enfin tout le chapitre, ingé-
nieux et solide où il traite de la littérature des désiquilibrés. — Ce livre
méritait d'être publié. M. Guyau y avait mis toutes ses qualités : origi-
nalité de la pensée, variété des connaissances. Le style, toujours clair
et simple, se colore en maints passages qui témoignent d'un vif senti-
ment littéraire.
René Doumic,
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Amélineau se propose de publier à la librairie Leroux tous les
documents de la littérature copte important à l'histoire de l'Eglise copte, soit dans
la langue originelle, soit dans la traduction arabe. Il a de'jà fait paraître deux volu-
mes sous le titre de Monuments pour servir à l'histoire de l'Egypte chrétienne, le
premier renfermant une série de documents sur Schnoudi, le second consacré à
saint Pakhôme. La publication comprendra une quinzaine de volumes environ;
plus de cinq sont préparés pour l'impression; il paraîtra par an un volume, conte-
nant des textes, une traduction aussi exacte que possible et une introduction cri-
tique (60 francs le volume pour les souscripteurs).
— M. l'abbé Thédenat publie une brochure intitulée ApoUo Vindonnus (16 pp.
in-80, 2 pi. et 2 dessins; Paris, 1889. Extrait des Mémoires de la Société des Anti-
quaires de France, t. XLIX). Il s'agit d'ex-voto trouvés à Essarois (Côte-d'Or), aux
sources de la Cave, et qui attestent l'existence d'un sanctuaire provincial consacré
à Apollo Vindonnus et aux sources (Deo Apollini Vindo{nno] Vobicius Flaccus u.
[s. l.]m. — \Deo Apolliyxi Vind]— onno et Fontibus [ P] risci [filius) u. s. l. m.
— Vind (onnoj Iulia, Mai f(ilia) u. s. h m.). Le nom de ce dieu local est de forme
celtique. M. Thédenat saisit cette occasion pour dresser une liste complète des
noms (d'hommes et de femmes, géographiques) qui se rattachent à la même racine.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 20 décembre 188 g.
M. Geftroy, directeur de l'Ecole française de Rome, adresse à l'Académie des ren-
seignements sur les découvertes faites dans ces derniers temps. Dans les fondations
du'futur palais de justice, aux Prati di Castello, on a mis au jour deux sarcophages
et un fragment d'inscription. A Cività Castellana, l'ancienne Paierie, on découvre
tous les jours de nouveaux objets, dont les plus intéressants viennent prendre place
au musée de la Villa di Papa Giulio.
d'histoire et de littérature 39
M. Héron de Villefosse adresse au secrétaire perpétuel une note sur une inscrip-
tion romaine qui vient d'être trouvée à Cartilage ei dont la copie lui a été adressée
par le R. P. Delattre. Celte inscription contient la mention du proconsulat de Sym-
maque. On sait que ce célèbre orateur exerça les fonctions de proconsul d'Afrique
vers les années Syo à o^b de notre ère.
M. le D'' Carton, médecin militaire en Tunisie, adresse à l'Académie une note sur
la disposition du biîcher funéraire employé par les habitants de Biilla Regia Ren-
voi à la commission de l'Afrique du Nord.
M. Edmond Le Blant est désigné pour lire, à la prochaine séance trimestrielle de
l'Institut, son mémoire sur les Sotiges et Visions des martyrs.
L'Académie se forme en comité secret. La séance étant redevenue publique,
M. Georges Perrot communique, de la part de M. le D"^ Vercoutre, médecin-major à
Rambervillers, une note sur un aureits à l'efïigie deMarc-Antoine, frappé par les soins
de Publius Clodius, en l'an 43 avant notre ère. On avait cru distinguer, sur le revers
de cette monnaie, un aigle sur un cippe. M. Vercoutre propose d'y voir plutôt un
corbeau sur un rocher, armes parlantes de la ville de Lyon. La frappe de la pièce
aurait eu pour objet de perpétuer le souvenir de la fondation de la colonie romaine
de Lyon et de la protection que lui accordait Marc-Antoine.
M. Edmond Le Blant communique une note sur une inscription latine trouvée à
Auch et conservée au Musée de Saint-Germain-en-Laye. Cette inscription, dont la
lecture présente beaucoup d'incertitudes, paraît concerner un personnage juif appelé
Peleger. On avait lu, à la fin : Dédit, donimi Jona fecet. M. Le Blant montre qu'il
faut lire : De Dei doiiu}7i (pour donu) Jona fecet et que cette formule équivaut à : De
siio fecit.
M. Le Blant annonce ensuite la découverte d'un fragment de l'original d'une ins-
cription métrique du pape saint Damase, dont le texte était connu depuis longtemps,
et analyse diverses communications faites dans les dernières séances de l'Académie
d'archéologie chrétienne de Rome.
Ouvrages présentés : — par M. Wallon : 1° Dehaisnes (C), la Vie et l'Œuvre de
Jean Bellegambe ; 1° Wallon (H.), les Représentants du peuple en mission et la jus-
tice révolutionnaire dans les départements en Pan II, tome IV; — par M. Boissier :
Gagnât (René), Cours d'épigrapliie latine, 2"= édition ; — par M. Georges Perrot :
1° Collections du musée Alaoui, publiées sous la direction de M. René de la Blan-
CHLRE, i^e série; 2" Souxzo, Introduction à l'étude des monnaies de F Italie antique;
3° PoiRET (Jules), Horace, étude psychologique et littéraire; — par M. de Barthé-
lémy ; Lecoy de la Marche (A.), les Sceaux; — par M. de Rozière : Beautemps-
Beaupré, Notice sur Guillaume des Roches, sénéchal d'Anjou, du Maine et de Tou-
raine, i igg-i 222 ; — par M. Viollet : Livre de raison de la famille de Fontainemarie;
/640-/ 77./, publié par Ph. Tamizey de Larroq^ue.
Séance du 2j décembre 188g
M. le Secrétaire perpétuel donne lecture d'un décret par lequel M. le président de
la République a approuvé l'élection de M. de la Borderie en qualité de membre li-
bre de l'Académie.
L'Académie procède au vote :
i" Pour le renouvellement du bureau : M. Schefer, vice-président de l'année i88(),
est élu président pour 1890; M. Oppert est élu vice-président;
2° Pour l'élection de la commission du prix Gobert : sont élus MM. Delisle, de
Rozière, Viollet, Clermont-Ganneau.
L'Académie se forme en comité secret. La séance étant redevenue publique, sont
proclamés élus correspondants de l'Académie, savoir ;
Correspondants étrangers, MM. Nauck, Neubauer, Yule et Radloff ;
Correspondants français, MM. Sauvaire, Bailly, Champoiseaux.
Ouvrages présentés : — par M. le marquis de Vogué : Corpus inscriptionum se-
miticarum, 2' partie, :«'■ fascicule (inscriptions araméenncs); — par M. Renan : di-
vers mémoires de M. Philippe Berger.
Séance du 3 janvier 18 go.
M. Barbier de Meynard, président sortant, remercie ses confrères du concours
qu'ils lui ont prêté pendant l'année de sa présidence et invite M. Schefer, président
de Tannée 1890, à prendre sa place au fauteuil. — M. Schefer prononce également
une courte allocution. Sur sa proposition, l'Académie vote des remercîments au pré-
sident sortant. — M. Oppert, vice-président de l'année 1890, prend place à côté de
M. Schefer au bureau.
M. Schefer, président, annonce à l'Académie la mort de deux de ses correspon-
dants, le baron Alfred de Kremer et le colonel Yule. Ce dernier, élu il y a huit jours
seulement, a reçu sur son lit de mort la nouvelle de son élection et a répondu à
l'Académie par un télégramme ainsi conçu :
« Reddo gratias, illustrissimi domini, ob honores tanto nimios quanto immeri-
tos. Mihi robora deficiunt, vita collabitur, accipiatis voluntatem pro facto. Cum
corde pleno et gratissimo moriturus vos, illustrissimi domini, saluto. Yule. »
40 REVUE CRITIQUE d''hISTOIRE ET DE LITTERATURE
L'Académie pioccde au renouvellement des commissions annuelles. Sont élus :
Commission des antiquités de la France: MM. Hauréau, Delisle, de Rozière, Gas-
ton Paris, Alexandre Bertrand, Schlumberger, Héron de Villefosse, Siméon Luce ;
Commission des travaux littéraires : MM. Ravaisson, Renan, Maury, Delisle, Hau-
réau. de Rozière, Barbier de JNIeynard, Jules Girard;
Commission des Ecoles françaises d'Athènes et de Rome : MM. Delisle, Jules Gi-
rard, Heuzey, Georges Perrot, Weil, Paul Meyer, Boissier, Croiset ;
Commission du nord de l'Afrique : MM. Renan, Le Blant, Duruy, Heuzey, Geor-
ges Perrot, Barbier de Meynard, Maspero. Héron de Villefosse;
Commission administrative : MM. Delisle, Deloche.
M.Schliemann écrit à l'Académie pour l'informer que MM. Niemann et StefFen,
délégués des Académies de Vienne et de Berlin, ont procédé, en novembre dernier,
en sa présence et en celle de M. Bœtticher, à une visite des ruines d'Hissarlik : ils
ont constaté que les inculpations portées par M. Bœtticher contre M. Schliemann
et ses collaborateurs étaient mal fondées, et M. Bœtticher lui-même a retiré l'accu-
sation de falsification. M. Schliemann remercie en outre l'Académie d'avoir décidé
en principe l'envoi d'un délégué, qui assistera, avec les représentants des autres com-
pagnies savantes d'Europe, à une seconde visite des fouilles d'Hissarlik, au prin-
temps prochain.
M. Gefl'roy, directeur de l'Ecole française de Rome, annonce par lettre la décou-
verte de plusieurs fragments de sculptures et d'inscriptions, trouvés sur le Caelius,
dans les fondations du futur hôpital militaire. Il ajoute qu'une mosaïque romaine a
été découverte dans l'église de San Pietro in Vincoli, au-dessous du Moïse de Michel-
Ange.
M. Viollet, au nom de la commission du prix Gobert, annonce que les ouvrages
envoyés au concours pour cette année sont au nombre de quatre :
1° LucHAiRE (Achille) Louis VI le Gros, annales de sa vie et de son règne;
1" Rmjnié, Epitaphier du vieux Paris, i" fascicule;
3° Lettres de Gerbert (983-997), publiées avec une introduction et des notes par
Julien Havet;
4" CoviLLE, les Cabochiens et l'ordonnance de 141 3.
A ces quatre ouvrages s'ajoutent ceux qui sont actuellement en possession du pre-
mier et du second prix :
1* Valois (Noël), le Conseil du roi, etc.;
2° MoLiNiER (Auguste), Géographie historique de la province de Languedoc.
M. de Mas-Latrie signale à l'Académie un curieux texte inédit du dominicain
Brochard l'Allemand, adressé en i332 au roi de France. Ce religieux avait navigué,
probablement à bord d'un navire de commerce arabe, dans les régions situées au
sud de l'Equateur. 11 donne lui-même, pour établir qu'il a passé l'Equateur, diver-
ses preuves astronomiques, dont l'exactitude a été reconnue par les savants de nos
jours. 11 paraît être allé au moins jusque vers le tropique du Capricorne et avoir vi-
sité l'île de Madagascar. Au retour, il séjourna à Socotora, à l'entrée de la mer
Rouge.
M. Héron de Villefosse donne des nouvelles de M. H. de la Martinière, chargé
d'une mission archéologique au Maroc. Ce jeune et hardi voyageur a exploré entiè-
rement la colline de Tchemmich, dont l'emplacement répond à celui de la ville
phénicienne de Lixus ; mais le résultat des fouilles, sur ce point, a été faible. M. de
la Martinière a été plus heureux à Volubilis. 11 rapporte de cette localité un plan
complet et détaillé, ainsi que 34 inscriptions nouvelles, dont deux en langue grecque.
Ouvrages présentés : — par M. Alexandre Bertrand : i* Normand (Ch,), l'Ami des
Monuments (revue), 14^ livraison; 2" Nadaillac (le marquis de), les Premières Po-
pulations de l'Europe; 3° Reinach (Salomon), les Gaulois dans l'art antique (exirait
de la Revue archéologique) ; — par M. Georges Perrot : 1° Laloux (Victor) et M^on-
cEAUx (Paul), Restauration d'Olympie, l'hisloire, les monuments, le culte et les fêtes;
2" Babelon (Ernesti, le Cabinet des antiques à la Bibliothèque nationale, i"'* série,
dernière livraison; 3" Gasquet (A.), Etudes byzantines, l'empire by:^antin et la mo~
narchie franque ; 4° Perrot (Georges) et Chipiez (Charles), Histoire de l'art dans
l'antiquité, tome IV ; — par M Le Blant : Espérandieu, Monographie du baptistère
de Saint-Jean à Poitiers (extrait des Paysages et Monuments du Poitou, publiés
par la Société des antiquaires de l'Ouest); — par M. Siméon Luce : Lettres inédites
de quelques membres ae la famille de Alonluc, publiées par Ph. Tamizey de Larro-
QUE ; — par M. Viollet : Maulde La Clavière (René de), les Origines de la Révo-
lution française au commencement du xvi^ siècle : la veille de la Réforme; — par
M. Héron de Villefosse : 1° divers mémoires de M. l'abbé Thédenat ; 2" Lupattelli
(Angelo), // Museo etrusco e roniano di Perugia, noti:^ie raccolte ed ordinate;
i" RouiRE (le D'), Une page de l'histoire des guerres puniques . bataille entre Xan-
tippe et Régulus; — par M. Schefer : Pierling (le R. P.), Papes et Tsars (i54y-
^^97)> d.'^p^ès des documents nouveaux.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant: ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Sainl-laurcnt, '23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 3 - 20 janvier — 1890
Soiuinaii-e t 29. Cartault. vases grecs en forme de personnages groupés. — 3o.
Plëw, Les sources de l'histoire d'Hadrien. — 3i. Ovide, Tristes, p. p. Owen. —
32. Plessis, L'Iliade latine. — 33. Helow, Origine de la commune allemande —
34. Rolland de Denus, Dictionnaire des appellations ethniques de la France et des
Colonies. — Chronique. — Académie des Inscriptions. — Société des Antiquaires
de France.
29- — Vases grecs en forme de personnages groupés, par A. Cartault. Paiis,
Hachette, i88g. In-4 de i6 p., avec 2 planches.
Cette brochure est consacrée à deux groupes en terre cuite, formant
appliques sur le devant de petits vases ornés de rosaces, que nous avons
eu récemment l'occasion de voir dans le commerce et dont les posses-
seurs actuels sont MM. E. de Rothschild et van Branteghem.
M. Cartault fait observer avec raison que les vases à reliefs de ce genre
sont de fabrique attique; c'est, du reste, ce que Ton avait reconnu de-
puis longtemps. Il remarque, en second lieu, que le style des deux
groupes en terre cuite qu"il a publiés est très analogue à celui de grou-
pes et figurines isolées, qui arrivent depuis plusieurs années à Paris
avec l'indication de provenance « Asie-Mineure ».
De là il conclut, non seulement que ces derniers objets, groupes et
figurines isolées, sont authentiques, mais qu'au lieu d'être asiatiques, ils
sont athéniens.
Par malheur, les deux groupes que vient de publier M. C ne sont
pas moins faux que leurs congénères. Comme leurs congénères, du reste
— et ici la conclusion de M. C. est exacte — ils ont probablement été
fabriqués à Athènes. On m'a récemment conté là-dessus des détails fort
piquants, mais est-il nécessaire aujourd'hui d'y insister? « En réalité,
il n'existe pas de question des groupes », écrit M. Cartault (p. i5i. Je
partage absolument cette opinion.
Salomon Reinach.
3o. — J. Plew. Quellcnuntersuehungeii zur Geseliiclite des Kaisers
Hadrian (Strasbourg, 1.S90, in-8, 121 pages, chez J. Trûbner).
En ce temps de monographies impériales, où nous avons eu, après
celle de Septime Sévère, celle d'Antonin le Pieux et où l'on nous pré-
pare celle de Domitien, il en est une qui offrirait un intérêt particulier:
c est celle d'Hadrien; car plus les travaux sur l'époque impériale se
Nouvelle série, XXIX. 3
42 REVUE CRITIQUE
nuiliiplient. plus on s'aperçoit que bien des réformes remontent à cet
empereur. A celui qui serait leniéparun tel sujet, le livre de M. Plew
serait d'une utilité incontestable. L'auteur s'y est donné pour tâche d'é-
tudier les sources de l'histoire d'Hadrien, en se limitant toutefois à la
partie de cette histoire relative à ses voyages. Gomme celui qui a le dernier
étudié cette question, M. Diirr, M. P. admet que la vie d'Hadrien par
Sparcien, est, aussi bien que le passage de Dion, ou plutôt de Xiphilin,
consacré à Hadrien, composée d'après la biographie que cet empe-
reur a faite de lui-même. De là une étude très ingénieuse sur cette au-
tobiographie : M. P. prouve qu'elle devait être écrite en latin et que, à
l'exemple du testament d'Auguste elle était disposée partie chronologi-
quement, partie peut-être aussi suivant un plan méthodique, les diffé-
rents faits du règne en étant présentés par catégorie. C'est dans ce docu-
ment que Sparcien et Dion auraient puisé, indirectement, il est vrai;
car M. P. admet comme intermédiaire, pour Sparcien Marins Maxi-
mus et non pas, comme le veut M. Durr, un inconnu, pour Dion un
abréviateur que Xiphilin aurait ensuite abrégé à son tour, ce qui nous
éloigne fortement de l'original.
Une partie du travail est consacrée aux sources de la réorganisation
militaire d'Hadrien qui fut, on le sait, un excellent général, bien qu'il
n'ait fait la guerre qu'à son corps défendant. Dion et Sparcien ayant,
tous deux, placé avant le récit des voyages de l'empereur des allusions
à ses réformes militaires, l'auteur a cru devoir s'en occuper aussi, d'au-
tant plus que ces réformes ont été, en grande partie, une conséquence
des voyages eux-mêmes; cela Tamène à parler du discours d'Hadrien
aux troupes du corps d'armée de Numidie et des écrits militaires d'Ar-
rien, où il essaie de trouver quelques traces des ordonnances impériales
relatives à l'armée. Il y a là des choses intéressantes, le sujet étant en-
core très mal connu, mais le passage gagnerait à être écourté; à moins que
l'auteurnepréfèrele nourrir davantageen yajoutantune étudeplusappro-
fondie des institutions militaires de l'époque, au moyen des inscriptions.
La comparaison de ce qui existait avant Hadrien et de ce qui se fit
après amènerait à connaître les réformes de cet empereur, aussi sûre-
ment, sinon plus que les quelques fragments de lui qui nous restent. Re-
tenons pourtant la conclusion de M. P., qui est que l'œuvre d'Hadrien a
surtout consisté à redresser des abus, à perfectionner ce qui existait, à
réglementer plutôt qu'à innover. C'est une entreprise moins hardie, qu'on
ne le supposait, mais non moins utile, car, en matière d'institutions pu-
bliques, l'organisateur est en réalité un créateur. Aussi M. P. a-t-il bien
raison de s'indigner contre MM.;Kôchly et Rustow, lorsque, dans leur
histoire des écrivains militaires grecs, comparant Trajan à Hadrien, ils
qualifient celui-ci]de pédant, bon à passer en revue des soldats de parade.
M. Plew fait remarquer que ces parades étaient de belles et bonnes
manœuvres et que c'est avec des manœuvres qu'on prépare les victoires|
pour soi ou pour ses successeurs.
d'histoirk et dk littérature 4*3
Dans un appendice assez développé, l'auteur compare l'autobio-
graphie d'Hadrien aux autres autobiographies impériales coniîues,
un peu à celle de Septime Sévère dont il s'est occupé dans un autre
travail (Marins Maximus als direkte iind indirekte Quelle der
scriptores hist. Aiig.jtl beaucoup au monument d'Ancyre.En somme,
dit-il, ce sont là des écrits à tendance politique et il faut y voir le ré-
sultat de la soif de gloire qui possédait les empereurs. Mais sur qui un
prince comme Hadrien, qui mourut détesté de ses contemporains, et qui,
ayant une excellence police, était fixé sur leurs sentiments à son égard,
pouvait-il compter pour être son avocat auprès de la postérité, sinon
sur lui-même? Il est permis, sans être altéré de gloire, de désirer Fes-
lime de Thistoire, surtout quand on y a quelque titre.
R. Gagnât.
3i. — ï». Oviill iVasonîslibi-i V recensait S. G. Owen. Oxford in-8,1889. Proleg.
i-cxi. Texte, 1-218. Gonjecturae aliorum et nostrae seleciae, 219-246. Auctores
et imitatores, 247-267. Indices.
M. Owen est un élève d'EUis '. Il a préludé en quelque sorte au pré-
sent ouvrage en donnant dans les Clarendon Press Séries une bonne
édition classique du P"" livre des Tristes \ L'édition critique des cinq
livres qu'il donne aujourd'hui est très soignée, très complète, tout à fait
digne de la collation àts Standard Latin Works of the Clarendon Press
qui contient déjà tant d'oeuvres remarquables. Le texte est celui de la
belle impression d'Oxford. L'apparat critique qui remplit souvent la
moitié des pages est disposé extérieurement (nous parlerons plus tard de
la méthode) avec clarté. Entre les vers et les notes sont placés les rares
Testimonia aiictorum ; plus souvent les citations qui ont été faites des
vers d'Ovide dans des recueils d^extraiis (Deflorationes) . Au livre sont
joints deux beaux fac-similés du Marcianus et du Tiironensis . On a vu
dans le titre Pindication des suppléments rejetés à la fin du volume ^,
et rétendue des Prolegomena. Sous ce titre se trouve une suite de cha-
pitres sur le titre de l'ouvrage, les mss. et les éditions des Tristes, leurs
rapports, les extraits manuscrits des Tristes (Deflorationes) ; 'enfin sur
les altérations et les recensions que le texte a subies. Je tiens à bien faire
1. Voir ici p. cvii et la seconde édition de Catulle, praef. p. xvii.
2. Voir la Revue da 6 di.^cembre i8>S6, p. 444.
3. Parmi ceux-ci les Conjecture aliormn et nostvœ, font parfois double emploi avec
les indications courantes; ailleurs elles seraient mieux placées au bas des pages. 11
est clair que l'auteur a voulu alléger des conjectures d'Heinsius et des autres savants,
son apparat critique déjà très chargé. L'inconvénient signalé n'est pas moins très
sensible. On s'étonnera surtout de voir ramenées à la page (1,8 46), ou même reçues
dans le texte (II, gt : ethonosct ; 111,7,28 : facta soluta),d£s conjectures de M. O.,
auxquelles, avec la meilleure volonté du monde, on ne peut accorder beaucoup de
vraisemblance. — La liste des Aucturcs et Imitatores est commode; mais l'auteur
ne la donne pas. je pense, comme complète.
44 REVUE CRITIQUE
remarquer tout ce que M. O. nous adonné, afin de pouvoir indiquer
plus librement ce qui me paraît manquer à Pédition,
La recension du texte n^est peut-être pas originale ; elle est conscien-
cieuse, ce qui vaut tout autant ou ce qui vaut mieux ; elle fournira cer-
tainement à la lecture et à la critique des Tristes un point de départ
dont chaque jour on sentira mieux Tavantage. — Je ne crois pas qu^un
apparat critique puisse être plus riche que celui que nous donne
M. Owen. Ce n'est plus ici comme dans l'édition in-12, un groupe de
trois mss. GHV venant s'ajouter ou suppléer aux leçons du Marcia-
iius. En dehors des notes de Bentley, de d'Orville, de Vossius, M. O.
nous donne la collation de toutes les premières éditions distinguées les
unesdesautres vingt-huitmss. ontétécollationnés en entier par M. Owen.
Il n'y en a que cinq dont il se borne à donner des extraits. Ici pour la
première fois est faite partout dans le Marcianus la distinction de la
partie ancienne (L du xi'= siècle), et des feuilles d'une écriture beaucoup
plus récente (A, du xve siècle). Dans ce ms. et dans les plus importants,
des vérifications ont été faites aux passages douteux. Enfin il faut savoir
tout particulièrement gré à M. O. d'avoir retrouvé, dans une édition
annotée par Politien, ses collations de deux mss. perdus.
Ce qui précède suffira pour faire craindre au lecteur que cette profu-
sion de richesses n'aille pas sans quelque excès. Les arbres ne cachent-
ils pas la forêt? Aurait-on les matériaux d'une édition, plus qu'une véri-
table édition critique? Il est certain qu'on risque fort d'encombrer un
apparat en y entassant cinquante à soixante collations, et peu de gens
s'accommodent de digérer tant de variantes, de variations d'orthogra-
phe, de simples fautes de copiste avant d'arriver à une seule leçon inté-
ressante. Merkel avait pris autrefois comme base de son texte un mau-
vais ms. (le Palatinus I, ::); Binsfeld et Tanke ont prouvé que le choix
était malheureux. M.O. nous donne en entier la collation de ce ms. pour
montrer qu'il est sans valeur 1. N'était-ce pas prendre beaucoup de
peine ? De tel ms. très récent, M. O. dit (p. xlvii) : « meo ut dinoscas
judicio ut aliorum auctoritates comprobentur, utilis esse potest ; sed
cum per se stat, vix quicquam valet. » Il ajoute que quelques-unes de
ses corrections paraissent venir d'un texte imprimé. Je me demande en
quoi la collation complète d'un tel exemplaire peut bien nous être utile.
Comment tirer quelque parti de ce demi-manuscrit qui est aussi une
demi-édition ?
Mais s'il y a excès, l'excès est voulu. Nous touchons ici au point le
plus délicat de la doctrine et de la pratique du nouvel éditeur d'Ovide.
S'appuyant sur l'opinion de Peter et de Sekimayer qu'il fausse, si je ne
me trompe, M. O. p. (xlvhi), déclare que dans la critique d'Ovide on se
condamne à une œuvre stérile en ne tenant compte que des meilleurs
mss. Il faut que tous les mss., même les moins bons, soient collaticnnés
I. P. Liv ; Quam fœde inquinatus sit
d'histoire et de littérature 45
et utilisés; « vix quidquam tcmcre spernendiim » (p. xiii). Et M. O.
prêche d'exemple.
Les leçons des mss. ne sont pas rangées dans Tapparat suivant leur
importance. Elles se pressent alignées dans un ordre arbitraire, simple-
ment l'ordre alphabétique des lettres romaines et grecques qui servent à
distinguer les mss., la leçon du Marcianus perdue ainsi au milieu des
autres. D'autre part il est visible que dans les conjectures que propose
M. O. sur des passages difficiles, il s'efforce de concilier avec les leçons
du Marcianus ou de ses suppléants celles de tel ms. médiocre ou même
tout à fait mauvais. Il faudra croire que la critique d'Ovide est soumise
à des règles particulières si tant est qu'une telle méthode puisse pro-
duire de bons résultats. Mais on n'y croira guère pour peu qu'on ob-
serve ici même quelles déformations subit le texte en passant du Mar-
cianus à ses suppléants ^ et avec quelle rapidité il devient presque mé-
connaissable. Il paraît bien douteux qu'en s'éloignant encore de cette
classe on ait quelque chance de trouver la moindre lumière. On ne fera
que descendre, per loca senta situ noctemque, dans la suite indéfinie des
altérations. Qu'il se rencontre dans tel ou tel des détériores (l-liv) une
ou deux bonnes leçons ", nous ne verrons en cela qu'un hasard heureux
ou plutôt quelque habile conjecture.
On voit qu'en un sens l'apparat donne trop ; en un autre sens il donne
trop peu. Un bon classement des mss. aurait permis, je crois, de simpli-
fier les notcscritiques ou tout au moins y aurait apporté quelque lumière.
Qu'on songe à tout ce qu'a gagné la critique de César et, pour certains
discours, tout ce qu'a gagné la critique de Cicéron à la répartition
méthodique des mss. en quelques classes bien caractérisées, a, jS, 7. Dans
le 3'' chapitre des prolégomènes, chapitre très clair et très bien fait,
M. O. a indiqué les résultats auxquels est arrivé Tanke, et il a lui-
même tenté, au moins pour les meilleurs mss., un classement person-
nel. Pour cela il se fonde uniquement sur ce fait qu'en des
passages déterminés, les mss . ont ou la lectio genuina ou la
lectio depravata. C'est une distinction sérieuse, solide, parfois évi-
dente ; mais elle ne l'est pas toujours, même dans quelques-uns des
passages que cite M. O. ", et ce n'est pas par la leçon même, mais plu-
tôt par d'autres raisons qu'est alors déterminé le choix entre les deux
leçons. M. O. admet que L et les mss. de même ordre, AGHPV, des-
cendent d'une même source; tandis que tous les autres mss. dérivent
d'une source différente ; mais qu'ici il y a eu tant de recensions qu'il est
impossible de se reconnaître (tantam conluvionem recensionum quan-
tani vix quisqiiam umquam satis expedire possit). Il me semble qu'on
1. Par ex., l, 10, 7; I, n, 3i; III, 4, 8.
2. Voir p. L et suiv. ies passages des détériores que signale M. O., en ajoutant:
cum Marciano mire congruit... admirabililcr consentit...
3. Ainsi II, 8 : demiim ou pridem; II, 16; maluin ou tneum; II, 147 : princeys ou
Cœsar, etc.
46 REVUK CRITIQUK
pouvait trouver mieux. Il sulïisait de recourir à des indices auxquels je
m'étonne que M. O. n'ait pas pensé: aux additions, omissions et trans-
positions de vers dans les mss. C'est un signe de filiation purement ma-
tériel, et par là d'autant plus probant, qui permet tout au moins de
distinguer certains groupes. L'addition par plusieurs mss. de vers cer-
tainement interpolés (I, 1 , 17 ; II, 364; III, 7, i8;V, I, 18 et 9, 8);
l'omission (I, 2, 20 et II, 5) ou la transposition, (I, i, 37 ; II, 175 et 176;
IV, 2, by)^ commune d'un ou plusieurs vers, donnent la preuve incon-
testable que ces mss. dérivent d'une même source. Quand l'omission
dans plusieurs mss. correspond à une transposition (I, 2, 20 ; III, 3,
47; cf. 72; III, 12, i5; IV, 3, 49-52; 10, 3i), ou à une interpola-
tion certaine dans un autre (I, 8, 33), on peut encore conclure à une
origine commune, sauf à distinguer les sous-groupes. Enfin, la manière
dont s'accordent plusieurs mss. pour couper à faux une élégie (III, 2,
3; V, 3, 35 et 47), ou pour réunir à faux deux poèmes (I, 1 et 2 ; IV,
I et 2), peut fournir d'utiles indications.
D'après cette méthode, en relevant et utilisant les indications de M. O.,
je suis arrivé aux résultats suivants : je sépare par des traits les sous-
groupes ; les points d'interrogations suivent des mss. placés dans deux
groupes, afin d'avertir que pour eux le classement n'est pas certain' :
i"""^ classe : le Marciamis, L, avec des lacunes nombreuses, étendues, et
des altérations parfois graves (par ex. I, 3, 75 : Priamus au lieu de
Mettus); 2" classe, très inférieure : AGHPV — T -— 'Ç\ enfin au-dessous
et très au-dessous, deux groupes différents, tous deux également médio-
cres ou suspects : l'un formé par Faxvpç'-Î^ — D — Cop — y — Ky, et où
les interpolations sont nombreuses et audacieuses (voir F, II, 186) ; l'au-
tre comprenant : V(?) [3 ^. — v)— EG(?) ::'];(?) — O - A(?) 0^. L'un des mss.
les plus altérés est B où au livre V, 2, 5 le vers authentique est flanqué
d'un vers interpolé. De même dans P, III, 7, 28, et dans G, II, 260.
Enfin, j'aurais souhaité de trouver dans les prolégomènes quelques
mots tout au moins sur la valeur littéraire et historique des Tristes.
Ils étaient à mon avis d'autant plus nécessaires qu'on juge, de notre
temps, les dernières œuvres d'Ovide et surtout l'avant-dernière avec trop
de sévérité. Leurs défauts sont connus; on les exagère. II est vrai qu'on
juge ainsi les Tristes sans les lire. Combien il eût été désirable qu'un
éditeur aussi soigneux que M. O. indiquât et blâmât cet excès '! Sans
doute la plainte est dans ces élégies humble et souvent monotone; mais
elle est souvent touchante, et le poète y varie plus qu'on ne le croit les
accents de sa tristesse. Sa langue est d'une merveilleuse souplesse et pleine
de tours fins et ingénieux. — Il eut été utile aussi de se demander si les
1. On s'accommodera plus facilement de cette imperfection dans le classement
proposé si l'on se rappelle que ces mss. sont pour la plupart des plus médiocres et
qu'ils datent du xv et du xvr siècle.
2. La première hypoilièse sur laquelle on a bâti beaucoup en Allemagne, ne me
paraît nullement prouve'e.
D HISTOIRE El DK LITTERATURK 47
personnages auxquels Ovide s'adresse en cachant leurs noms, si l'ami
inc^rat , l'ami fidèle, sont réellement des contemporains, nom-
més plus tard dans les Pontiques, ou si notre poète, ennemi de toute ca-
ractéristique, n'a pas jugé commode de donner ce cadre tout fictif aux
développements généraux dans lesquels sa muse se complaît. Ovide
pourrait bien avoir fait les deux choses '.
M. Owen nous a tant donné que naturellement, quoi qu'avec beau-
coup d'injustice, je ne me lassais pas de lui demander davantage. — ,
Je termine en appelant son attention sur quelques détails sans grande
importance -.11 y a contradiction pour l'orthographe dt Laudamia entre
la p. cv au bas et la note sur I, 6, 20. Le vers interpolé de G : V, 6, 40;
et cité, p. Lxx, a été fabriqué d'après TÉnéide, IV, 405. L'apparat a dû
être dressé et imprimé avant que les prolégomènes fussent achevés.
D'où l'inconvénient que rien n'avertit au passage même que des remar-
ques ou des justifications très intéressantes se trouvent au début du livre.
Emile Thomas.
32. — ititlici «lias latiiia. Edidit, praefatus est, apparatu critico et indice
lociiplete insiruxit Fridericus Plessis. Paris, i88d, Li-98 pp. in-S.
Il est bien tard pour signaler cette bonne édition de VIlias latina.
L'ouvrage mérite cependant une mention. On sait que cette version fort
abrégée de V Iliade a été pendant longtemps un des livres où les auteurs
du moyen âge allèrent chercher une connaissance bien imparfaite des
épopées homériques. C'est une des sources les plus importantes du cy-
cle de Troie. A ce titre, une édition n'intéresse pas que la philologie
classique. M. Plessis l'a établie avec grand soin 1. En outre des treize
manuscrits principaux, dont les meilleurs sont ceux d'Erfurt et de Leyde
(xn« s.), M. P. a fait appel à un manuscrit de Bruxelles (n" 2717, xv« s.)
et à deux manuscrits de Paris (f. lat. 841 3 et 14909, du xv« s.), négligés
avant lui. Dans l'introduction, il nous donne quelques renseignements
sur son auteur : doit-on Tidentifier avec Silius Italiens? MM. Doehring
1. Je n'ignore piis que dans l'édiiion classique, M. O. a touché aux sujets que j'in-
dique (voir l'article cité de la Revue, p. 444 et 443); mais M. O. ne pense pas, j'en
suis sûr, que la discussion de tels sujets et que les remarques qu'il a faites lui-même,
ne soient à leur place que dans des livres d'élèves.
2. Je me garde bien de relever dans un travail aussi considérable, tel ou tel passage
équivoque de l'apparat ou de discuter avec l'auteur telle ou telle conjectuie.
3. J'ai en ma possession l'exemplaue des Poetae latini minores qui a appartenu à
Wernsdorf et dont cet auteur a couvert les marges de notes manuscrites. J'y relève
seulement deux corrections. Au v. 654, W. propose de lire super au lieu de simul
qui ne donne pas un bon sens; la même faute (simul pour super) a été commise par
le copiste du Vossianus au v. bb. Au v. 769, la leçon de VAnnabergensis, fugiunt
liquentes castra, indiquée en note, est déclarée uerior : quod sequentia demonstrant
dcbebatque ideo in textnm rccipi.
4. Ucber d'jn Honeius latinui. i88|. Strasbourg.
4^ REVUE CRITIQUE
et '•- Wagener 2 le pensent. Avec prudence, M, P. s'abstient: l'auteurécri-
vait dans la prennière moitié du premier siècle, plutôt sous Tibère que
sous Ne'ron ; c'est tout ce qu'il ose affirmer. Les arguments que l'on a
présentés pour démontrer l'identité de ce personnage avec le poète des
Puniques sont très fragiles. Je pense, comme M. P., que la question
n'est pas mûre pour une solution, si elle doit jamais en recevoir une.
Le latin de M. Plessis est élégant et simple^ et son étude se lit avec
agrément. Un index très complet la termine.
P.-A. L.
33. — J. voii Below. Die Entsteliung <ler deutschen Statllgemeinde.
Dùsseldorf, Voss. iSSq, xi et 127 pp. in-S. 3 marcs.
Ce travail forme la suite de deux articles très importants, publiés par
M. von Below en 1887-1888, dans VHistorische Zeitschrift, sous le
titre : Zur Entstehung der deutschen Stadtverfassung. Avec beaucoup
de force et d'érudition, l'auteur s'y est attaqué aux théories bien con-
nues de Nitzsch et de Heusler. La première voit, comme on sait, dans
le droit domanial, dans l&Hofrecht, l'élément formateur par excellence
des villes allemandes ; la seconde considère Péchevinage comme Tancé-
tre des conseils urbains. Ainsi, pour Pune, le développement ultérieur
des villes est essentiellement conditionné par les institutions seigneuria-
les, tandis que, pour l'autre, il dérive de l'organisation judiciaire de
l'époque franque.
En opposition avec ces deux théories, M. v. B., dans l'ouvrage qui
fait l'objet de ce compte-rendu, en revient aux idées émises, il y a bien-
tôt trente ans, par von Maurer (Geschichte der Stadtverfassung in
Deutschland, 1 869-73). Il n'y a toutefois, entre les deux auteurs, que
le point de vue de commun. On a bien à faire ici à une œuvre origi-
nale. M, V. B. apporte à l'appui de la thèse de son devancier de nou-
veaux arguments et sur bien des points essentiels s'écarte de lui. J'expo-
serai rapidement sa manière de voir, avant de dire les difficultés qu'elle
me paraît soulever.
D'après M. v. B., les institutions municipales du moyen âge n'ont
leur origine ni dans le droit domanial, ni dans le droit public franc.
Elles présentent un caractère essentiellement communal. La ville n'est
ni une Pfal^ transformée, ni une centéne condensée : elle est avant tout
une commune, une Gemeinde. Et cela, parce qu'elle dérive directement
d'une commune antérieure, de la communauté de village, de la Land-
1. Compie-rendu de la thèse de M. Plessis dans la Neue philolog. Rundschau du
26 juin 1886.
2. Ueber den Honerus latinus, 1S84. Strasbourg.
3. H n'est peut-être pas très correct d'employer noster = « notre auteur », p. xix ;
uter pour uterque (p. xliii, I. 4 de la note) et Schwelgev (p. xxxvii, n. 2} sont des
fautes d'impression omises aux errata.
d'histoire et de littérature 49
gemeinde. Cette commune, sur laquelle on ne possède d'ailleurs que
fort peu de renseignements anciens, nous apparaît revêtue d'une admi-
nistration et d'une juridiction autonomes. L'organe de cette administra-
tion et de cette juridiction est le Biirding (Bursprake,freie Heimge-
rede, etc.), c'est-â-dire l'assemblée des habitants du village présidée par
un chef électif : Honne, Heimburger, Zender, etc. Le Burding statue
sur les intérêts économiques de la communauté : il fixe Tépoque de la
moisson, des vendanges, des semailles. Comme juridiction, il est com-
pétent en matière de poids et mesures, de contraventions aux règlements
communaux et de délits de police (kleinere Frevel). D'ailleurs, M. v.
B. reconnaît tout de suite que l'état de fait ne correspond que très ra-
rement à l'état de droit. Presque nulle part la Landgemeinde n'a con-
servé entière son autonomie. Dans la plupart des cas, le seigneur a res-
treint son self government : très souvent c^est lui qui nomme leZender
ou revêt son villicus domanial des attributions de celui-ci; très sou-
vent encore, le Burding est réuni au Hofgericht. Dès lors, la condi-
tion juridique de la. familia non libre et celle des paysans libres se rap-
prochent et tendent à s'égaliser. Toutefois ce serait une erreur de croire
que l'ancienne autonomie ait disparu complètement devant le Hofrecht.
Plusieurs exemples prouvent nettement la coexistence de deux groupes
distincts de population. A côté de la familia plus ou moins servile,
subsistent des tenanciers plus ou moins libres. Vienne la grande révo-
lution économique du xii^ siècle, et dans les villages que le commerce
transforme en villes, ces derniers reprennent leur indépendance et leur
autonomie. Seulement, Tancien Burding a disparu. Mais, à sa place,
apparaît une nouvelle assemblée, comme lui essentiellement commu-
nale : le conseil urbain, le Stadtrath qui recueille ses attributions.
D'après M. v. B-, en effet, l'administration et la juridiction, exercées à
l'origine par le conseil, sont essentiellement les mêmes que celles dont
le Burding était jadis l'organe.
M. V. B. a compris qu'il fallait prouver par quelques exemples la vé-
rité de sa doctrine. Malheureusement, je dois déclarer que la théorie ne
me paraît pas avoir victorieusement subi l'épreuve à laquelle son auteur
l'a soumise.
Les exemples choisis sont : Hameln, Quedlinbourg, Halberstadt,
Soest, Strasbourg et Cologne. Si l'on écarte de cette liste Strasbourg,
dont M. V. B. avoue lui-même (p. 37) qu'on ne voit pas de preuve que
sa constitution dérive d'une Landgemeinde, et Cologne, qui a eu un
développement tout à fait particulier, il reste quatre villes, appartenant
toutes au territoire du droit saxon. Les preuves invoquées à l'appui de
la théorie, perdent donc, par là, dès le début, beaucoup de leur force.
Elles ne sont pas valables pour toute l'Allemagne, mais pour une partie
seulement de l'Allemagne. Et encore, on peut douter qu'elles soient
toutes concluantes. A Hameln, par exemple, le Rath est d'après M. v,
B., l'héritier des fonctions communales du Schultheiss seigneurial. Par-
5o REVUE CRITIQUE
tant, il dériverait donc de l'ancien Burding, dont cet officier a reçu
postérieurement les attributions. J'avoue ne pouvoir comprendre cette
conclusion. En effet, les attributions de Schultheiss n'ont passé à la
ville qu'entre i265 et 1267. Or, dès 1 237-1247, je vois que M. v. B.
mentionne déjà (p. 25) l'existence des Consules, c'est-à-dire, comme on
sait, des membres du conseil. Le Rath, à Hameln, est donc antérieur à
l'acquisition par la bourgeoisie, des fonctions communales de l'officier
seigneurial. Conséquemment, il ne provient pas du Burding : il faut
chercher ailleurs son origine ^
L'exemple de Quedlibnourg ne me parait pas plus probant que celui
de Hameln. M. v. B. cite un diplôme de 1040, accordant aux negocia-
tores de cette ville ut de omnibus que ad cibaria pertinent, inter se ju-
dicent. Jusqu'ici, à tort peut-être, on avait vu dans ces negociatores une
gilde de marchands. Pour M. v. B., ils sont simplement identiques aux
cives, aux bourgeois. Dès lors, les mots inter sejudicent, etc., montrent
l'existence à Quedlinbourg d'une Bauerschaft et d'un Burding. Ce
raisonnement serait irréprochable, s'il était sûr qu'il faille, par negocia-
tores, entendre les bourgeois. Mais rien n'est moins certain que cette
interprétation. Personne n'ignore, sans doute, que mercator, au xi* siè-
cle, soit pris fort souvent dans le sens de burgensis ou de civis. Seule-
ment, en est-il de même pour negociator? M. v. B. l'affirme, mais ne
le prouve pas. On ne trouve rien de tel aux passages de Waitz et de Roth
von Schreckenstein, auxquels il renvoie. Bien plus, ce dernier auteur
(RitterwUrde, p. 432, n, 4), cite un texte qui empêche de considérer
comme synonymes les mots civis et negociator (cum ab Italia redeuntes
Wir^heburc venissemus, niaxima civiunet negotiatorum querimonia no-
bis occurrit).
Si les observations précédentes sont vraies, deux des exemples — et
précisément ce sont les deux principaux — choisis par l'auteur pour
appuyer sa théorie, perdent toute valeur. Strasbourg et Cologne ne
prouvant rien, il ne pourrait plus donc invoquer que les constitutions
de Halberstadt et de Soest, deux villes saxonnes, auxquelles il ne con-
sacre que quelques lignes. C'est évidemment un support trop fragile
pour une théorie qui doit pouvoir s'appliquer aux institutions urbaines
de fozi^e l'Allemagne.
Outre que les exemples choisis par M, v. B. ne me semblent pas con-
I. Il m'est impossible de comprendre comment M. v. B. n'a pas remarqué cela. Il
dit du conseil de 1237 (p. 27): Wir woller... . keine Vermuthung darûber ausstelien,
welche Functionen er... versah. Mais par là même il s'enlève le droit de dire (p. 29),
du conseil en 1277 : die Rathsgewalt ist... kommunalen Ursprungs. Puisque les
fonctions communales du Shultheiss ont été attribuées au conseil postérieurement
à la première apparition de celui-ci, il est évident qu'elles sont non organiques,
mais adventices. On pourrait, en raisonnant de même, attribuer au Raih une ori-
gine publique, ce contre quoi M. v. B. proteste avec la plus grande énergie, là où il
reçoit les attributions d'un fonctionnaire public.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 5 r
firmer suffisamment sa théorie, celle-ci me paraît, en outre, prêter le
flanc à des objections fort sérieuses. Pour qu'elle fût acceptable dans
tous les cas, il faudrait en effet ; i° Que partout en Allemagne on pût
prouver Texistence dès le xi'^ siècle, c'est-à-dire dès l'époque où se for-
ment les premières constitutions communales de Landgemeinden or-
ganisée comme le veut l'auteur ; 2° que partout également il fût démontré
que le conseil a comme attribution essentielle cette juridiction sur les
poids et mesures qui constitue par excellence la compétence du Bur-
ding. Or, je doute que ces deux points puissent être établis. Lamprecht
a prouvé que, jusqu'au xi'' siècle, c'est à la Marche et non à la commu-
nauté de village qu'appartient la juridiction en matière de poids et me-
sures. Et d'ailleurs, quoi qu'il en soit, il est excessif de considérer, dans
tous les cas, cette juridiction, comme une juridiction nécessairement
communale. Elle est attribuée fort souvent au fonctionnaire public, au
détenteur du droit régalien de tonlieu. A Dinant — je prends cet exem-
ple parce qu'il est cité par l'auteur — je crois avoir montré qu'elle
appartient au comte, non à la commune. On trouverait la même chose
à Metz, à Toul, à Liège et en Flandre,
Quant à la compétence des conseils urbains, il me semble fort hasar-
deux de la restreindre à la juridiction des poids et mesures. Que les
conseils aient presque toujours possédé cette juridiction, d'accord. Mais
est-elle partout primitive? N'est-il pas évident, par exemple, que les
mouvements communaux en Flandre et dans le nord de la France ont
eu, avant tout, pour but l'établissement d'une paix propre à la ville?
Dans ces territoires, on voit fort nettement la bourgeoisie chercher à
acquérir un droit nouveau en harmonie avec les nécessités de la vie
urbaine. La magistrature essentiellement communale des jurés se rat-
tache directement, dans ces territoires, aux institutions de paix et il ne
serait pas difficile de démontrer la même chose pour plusieurs villes
allemandes 1.
D'ailleurs, si entre les institutions de la communauté de village et
celles de la commune urbaine le lien est si étroit, comment se fait-il
que M. v. B. doive bien reconnaître qu'il n'existe pas einen iiusseren
Zusammenhang :{wischen Stadt-und Latidgemeinde hinsichtlich des
Reprusentativkollegs (p. 84). En ceci, il s'écarte, et avec grande raison,
de von Maurer, qui voit dans les bourgmestres et les conseils des villes
les descendants des anciens administrateurs de la communauté rurale.
Mais ce faisant, il enlève beaucoup de force à sa théorie. S'il n'apparaît,
en effet, aucun point de contact entre le conseil et le Burding, c'est
évidemment que ce dernier n'a pas été aussi vivace que le croit l'auteur.
i. Par exemple pour Ratisbonne (Gierke, Genossenschaftsrecht, I, 270). Metz
présente un cas particulièrement intéressant : les échevins et le comte, c'est-à-dire
la justice publique, sont compétents en matière de poids et mesures; les jurés, c'est-
à-dire le conseil de la commune, sont les organes de la paix.
Si REVUE CRITIQUE
Et comment admettre, dès lors, que d'un germe aussi chétif soit sortie
la puissante floraison des constitutions communales?
Je n'insisterai pas plus longtemps ici sur les objections que provoque
la thèse de M. v. B. prise dans son entièreté. Je dïs prise dans son en-
tièreté, car au fond et en tant qu'il reconnaît dans les villes des forma-
tions essentiellement communales, Pauteur est évidemment dans le
vrai. C'est seulement la dépendance nécessaire qu'il établit entre Land-
gemeinde et Stadtgemeinde, qui me paraît être sujette à caution. Encore
faut-il reconnaître que, dans plusieurs villes et peut-être même en géné-
ral dans la basse Allemagne, la commune urbaine semble bien la fille
légitime de la commune rurale. Pour les autres régions, on sera en tout
cas forcé désormais d'accorder plus d'attention à ce qui est resté, dans
les villes, des institutions de l'époque agricole du moyen âge. Ce seront,
en somme, les travaux spéciaux qui élucideront définitivement la ques-
tion. Le livre de M. von Below est de nature à en susciter un grand
nombre. C'est le plus bel éloge qu'on en puisse faire et ce sera la meil-
leure preuve qu'il aura servi largement à l'avancement de la science.
Henri Pirenne.
34. — Dictionnaire des appellations ethniques de la Fi-ance et de se»
colonies, par André Rolland de Denus, membre de la Société de Géographie
de Bordeaux, etc., viii p. et 666 col. gr. in-8. Paris, Emile Lechevalier, 1889.
Prix : 10 fr.
L'idée de recueillir les noms qualificatifs dérivés des noms de lieu
(par exemple Parisien de Paris), n'est pas nouvelle. Déjà en 1877,
M. L. Merlet, archiviste du département d'Eure-et-Loir, avait publié,
dans le tome I^'' de Mélusine, un Dictionnaire des noms donnés aux
habitants des diverses localités de la France. Quelques années après,
M. Merlet qui, dans l'intervalle, avait recueilli de nouveaux noms,
fit de son Dictionnaire un élégant volume. Si nous rappelons ce souve-
nir, c'est que M. Rolland de Denus ne paraît pas connaître l'ouvrage de
M. Merlet (il ne le cite nulle part), quoiqu'il refasse le même travail,
sur le même plan et avec les mêmes défauts, à cela près pourtant que
l'ouvrage de M. Merlet était rédigé avec plus de goût littéraire, et con-
tenait bien moins de citations inutiles.
Le procédé — on ne peut dire la méthode — de M. R. de D. a con-
sisté à relever dans ses lectures les appellations ethniques qu'il a ren-
contrées et, le plus souvent, à copier le passage oij il les a rencontrées.
Ainsi M. P. Giffard {Figaro^ 17 juin i885) est cité comme autorité pour
Abbevillois d^Abbeville; M. Gaffarel, Les colonies françaises, fournit
un long passage sous le nom Acadien; MM. G. et A. de Mortillet, A/z<-
sée préhistorique, sont invoqués comme autorité pour Acheiiléen de
Saint-Acheul ^. A ces noms sont venus's'ajouter ceux que des correspon-
I. M. R. de D. dit dans sa préface : « Nous avons cru devoir appuyer le plus possi-
ble d'un exemple renonciation des ethniques. En dehors de l'intcrct particulier que
D HISTOIRE ET Dg LITTÉUATURR 53
dants obligeants lui ont communiqués; M. R. de D. a classé le tout
par ordre alphabétique, et ii en a fait un gros livre aussi inutile que
peu intéressant.
Il n'est pas venu à Tidée de M. R. de D. qu'il fallait distinguer entre
les appellations populaires, c'est-à-dire ayant une existence réelle, et
celles qui sont d'ordre littéraire, soit conservées par la tradition des let-
trés, soit inventées par un lettré qni a besoin de former un ethnique sur
un nom de lieu et qui le fabrique de son mieux. Le terme « époque
acheuléenne » inventé par M. de Mortillet pour désigner le gisement
préhistorique de Saint-Acheul, n'est pas, par le fait de cette citation,
une « appellation ethnique » : l'appellation ethnique, dans ce cas, est
le nom (inconnu de nous, comme de M. R. de D ) par lequel les habi-
tants de Saint-Acheul sont désignés dans les villages voisins. Une fois,
M. R. de D. cite en note un nom patois, A:[uès, à côté d'A:{imois '.
Comment n'a-t-il pas ^uqn'A^uès est le nom véritable, et A^unois une
appellation étrangère au pays, inventée un jour par quelqu'un qui vou-
lait désigner un habitant du Val d'Azun, et qui a formé cet ethnique
par analogie avec la classe si nombreuse des ethniques en -ois ?
Il ne suffit pas encore de collectionner des appellations ethniques
comme on collectionne des timbres-poste; il faudrait les entourer
d'exemples qui éclairent leur histoire. Il serait bon de citer sous un
ethnique les noms d'homme qui en sont les doublets, par exemple, à
propos de Berriiyer, habitant de Bourges, les noms d'hommes Ber-
ruyer ei Berryer ; k Tpvo^os à' Auvergnat, àts noms d'homme comme
Alvergnat et Alvergniat. En tout cas, si on laissait de côté les noms
d'homme, il faudrait chercher les formes anciennes des appellations
ethniques, surtout quand ces formes anciennes sont différentes des mo-
dernes. Il faudrait, par exemple, à propos d'Auvergnat, citer VAuver-
nat, vin dont parle Boileau (voir Littré, Dictionnaire, s. v). Et la gra-
phie Auvergnat {pnv-atj n'a-t-elle pas remplacé une graphie plus
ancienne Auvergnac (par -acj? Dans une nouvelle où il met en scène
un méridional du siècle dernier, M. H. Babou, lui fait prononcer avec
affectation Auvergnac : « Epouse VAuvergnacf épouse VAuvergnac!
dit-il à son enfant avec sa prononciation de vieil émigré; il le faut, il le
faut... 2 » Le changement de la graphie -ac (où le c final ne se pronon-
çait plus) en -at {ou le t final ne se prononce pas davantage), est attesté
présentent ces exemples, ils affirment encore la sincérité de nos recherches en même
temps qu'ils constituent des éléments bibliographiques dont nos lecteurs tireront
profit. » Faut-il donc faire remarquera M. R. de D. qu'une citation n'est utile et un
« élément bibliographique » qu'autant qu'elle permet au lecteur de retrouver le pas-
sage cité, et que, pour cette raison, il faut indiquer le tome et la page, et aussi,
pour les ouvrages peu connus, ia date et le lieu de la publication:'
1. AzuNois*, OISE, du Val d'Azun, arrondissement de Bagnères-de-Bigorre (Hautes-
Pyrénées). ♦ {En yatois, on dit Azuès).
2. H. Babou, Lespayens innocents, édit. Charpentier, 1878, p, 142.
54 RKVUK CRITIQUE
historiqucmenl par des noms de lieu de cette région dont l'orthographe
(non la prononciation) a changé par analogie, par exemple Saint-Georges-
d'Aurac qui s'écrit aujourd'hui Saint-Georges-d'Aurat '. — Si nous po-
sons ces questions, c'est pour montrer quelles recherches nécessiterait
un « Dictionnaire des appellations ethniques de la France » fait avec
méthode et critique.
Un travail de ce genre devrait avoir pour but de réunir les appella-
tions ethniques réelles, employées par le peuple dans le pays même, et
il devrait tenir compte du nom patois de la localité. Comment s'expli-
quer, par exemple, que Tethnique d'Aoste (Isère) soit Ontard, au fém.
Outarde, s\ Ton ne sait qu'Aoste se dit dans le patois du pays Ouia?
Puis, quand on a recueilli ces noms, il faut distinguer entre ceux qui
sont des termes polis et ceux qui sont des termes injurieux : par exem-
ple, pour désigner les habitants de Clamart, près Paris, Clamartin est
le terme poli, et Clamario le terme injurieux; de même pour Sèvres,
Sévrien est le terme poli et Sévriole terme injurieux. — Les sobriquets
viendraient eu troisième ligne, car ils ont une valeur locale, et d'un vil-
lage à l'autre les habitants se désignent souvent par leurs sobriquets. Il
faut noter enfin que dans le peuple on emploie souvent comme ethni-
que le nom de la localité, sans y ajouter aucun suffixe. Récemment, à
Néris (Allier), voulant savoir si l'ethnique Nérisien employé dans les
livres était d'usage populaire, je demandai à une personne du peuple
comment on désignait un homme, un garçon de Néris.. — Un Néris,
me répondit-on. — Et une femme, une tille de Néris? — Une Néris. —
Dans plus d'une province, la collectivité d'un village est désignée dans
le pays par le nom du village, précédé de l'article pluriel, Les Beau-
court, par exemple, pour les gens ou habitants de Beaucourt, etc., etc.
Il est évident qu'un travail de ce genre, comme œuvre d'ensemble,
ne serait possible que comme résultat et centralisation d'un grand nom-
bre d'enquêtes locales. Le Comité des Travaux Historiques pourrait le
provoquer par ses questionnaires, si du moins il s'intéressait au folk-
lore, car ceci est du folk-lore linguistique. A son défaut, les Sociétés ou
les Revues de Patois pourraient suggérer l'idée de ces recherches à leurs
collaborateurs, en leur esquissant un plan ~. C'est en prenant une pro-
vince, ou wn paj's, ou simplement un canton qu'un chercheur pourrait
dresser un catalogue de ce genre; il serait nécessaire qu'il eût quelques
notions philologiques pour rechercher les formes anciennes de ces
noms, pour compléter son enquête par des recherches dans les noms de
famille. Un travail de ce genre, fait avec soin, ne fût-ce que pour un
1 . Annales de la Société académique du Puy, t. XXVI, p. 6.
2. C'est ce que pourrait entreprendre, par exemple, la Socie'té Liégeoise de Litte'-
rature wallonne qui a déjà, par ses concours, suscite tant de publications utiles, ou
encore sa jeune sœur, la Société du Folk-Lore Wallon (à Liège), qui commence en
ce moment à oiainer tout le l'oik-iorc du pays wallon.
3HISrOIRK KT UK Ll TTKR ATt.'KK 5 5
canton, serait plus utile et plus intéressant que la compilation banale
de M. Rolland de Denus.
H. Gaidoz.
P. -S : — QuMl me soit permis de joindre deux desiderata au vœu du
paragraphe précédent :
I" Qu"'on s'occupe de fixer la prononciation réelle et locale des
noms de lieu avant qu'elle soit généralement remplacée par une
prononciation réglée sur la soi-disant orthographe. Nous sommes
excusables, nous Parisiens, d'ignorer la prononciation usitée dans
la localité, de ne pas dire, par exemple, Saint-Miel pour Saini-Mihiel,
V^ou pour Vesoul ', Monmirell pour Montmirail (iMarne), Alèss'
pour Alais, Le Tar pour le Tarn, Car^e/z^ra pour Garpentras, Saint- Câ
pour Saint-Cast (Gôtes-du-Nord), Epinia pour Epiniac (Ille-et-Vilaine),
Songea pour Sougéal (Ille-et- Vilaine), Saint-I pour Saint-Ay (Loiret),
Le Tê ponv Le Theil (près de Goulommiers), etc., etc. — Getle ques-
tion a été, depuis dix ans, mise plus d'une fois à l'ordre du jour des
sociétés françaises de géographie'-*; mais il serait à désirer qu'elle fut
prise en main par les philologues et que les résultats fussent centralisés
par notre Gomité des Travaux Historiques ",— Si l'on n'y prend garde,
par suite de la superstition de ce qu'on appelle l'orthographe^ par Tin-
fluence de l'écriture sur la prononciation et par l'enseignement des maî-
tres d'école, la prononciation des noms de lieu sera transformée dans un
sens réactionnaire, et cela dans la localité même. Il y a des villes où
cette transformation est déjà faite. A Guéret (Greuse), les ouvriers de la
ville et les paysans des environs disent encore Garet^ ce qui est à la fois
l'ancienne prononciation et l'ancienne orthographe d'avant lexvi*' siècle :
les citadins disent Guéret •*. A Arras, les citadins disent àràss\ les
campagnards ara^. Dans le département de la Loire-Inférieure « les
lettréï- disent Vritz en faisant sonner le t:{ que les gens du pays suppri-
ment pour dire Vri I) ^. G est le peuple qui a raison contre le pédantisme
de la classe dite lettrée.
2« Que tout dictionnaire de patois soit accompagné d'un glossaire
1. Au xvir siècle on écrivait Vesouj et Vesou.
2. Pour la bibliographie de ce sujet, voir le chapitre consacré par M. Egli à la
prononciation des noms de lieu dans son livre : Gesdiichte der geograpliischen
Namenkiinde, Leipzig, 1886, p. 876 et suiv.
3. Notons au passage que dans son Dictionnaire topographique de Vancien dépar-
tement de la Moselle. Paris, 1874, M. de Boutciller donne les noms patois des loca-
lités. C'est ce qu'auraient du faire aussi les auteurs de dictionnaires analogues, et le
Comité des Travaux Historiques eut sagement fait d'adresser cette recommandation
aux auteurs de ces dictionnaires topographiques publiés sous son patronage.
4 M. Jean tie Cessac, dans la Revue celtique, t. VI, p. 264.
5. Communication de feu Bergaigne.
b. Société de géographie commerciale de Nantes, t. l" (i883), p. 25 : article de
M. Morci sur la prononciation des noms de lieu du département de la Loirc-lntc-
riïLirc.
56 RKVUE CRITIQUE
géographique donnant les noms patois des localités et de leurs habitants
(je veux dire les a appellations ethniques »). Il n'y a rien de plus local,
de plus patois, de plus attaché au terroir que les noms de lieu, et c'est
justement ce dont les compilateurs de dictionnaires patois ne se préoc-
cupent pas 1. Il est inutile de faire remarquer Tintérêtde ces noms, sur-
tout pour la linguistique, car ils fournissent des documents plus fixes,
plus immuables que ceux de la langue ordinaire; ce sont, en quelque
sorte, les bornes-milliaires ou les bornes-frontières de la géographie dia-
lectale. Nous recommandons ce sujet d'enquête aux sociétés de langue
locale, et aussi aux sociétés de folk-lore (à celles du moins qui sont
organisée sur une base scientifique), car le folk-speech est une branche
du folk-lore.
La linguistique elle-même ne peut que gagner à tenir compte de la
vie populaire du langage, puisque l'écriture n'est qu'un symbole, qu'une
convention sociale d'ordre optique. Or. plus l'instruction primaire se
répandra, plus la langue sera déformée par la superstition de la lettre
moulée et par la tyrannie de la soi-disant orthographe. Peut-être même
les linguistes qui se rendent compte du byzantinisme et du caractère
superstitieux de l'orthographe, au lieu de demander à une féodalité lit-
téraire la permission de desserrer ces liens, feraient-ils bien de prendre
cette permission, et de proclamer la liberté de l'orthographe, comme
avant 1789. La meilleure des propagandes a toujours été « la propa-
gande par le fait. »
H. G.
CHRONIQUE
France. — M. Labbé publie une Syntaxe latine nouvelle, abrégée pour Vusage des
classes (Paris, Dupont et Tliorin, 1890, XVI-126 pp. in-12). C'est un exposé assez
clair, quoique dans un langage parfois prétentieux, des règles essentielles. Use recom-
mande par ses qualités pédagogiques. Dans la préface, il est question de Madivig :
l'éniinent latiniste danois n'aurait peut-être pas été très flatté de voir germaniser
son nom.
— Nous recevons de M. Tamizey de Larroque une nouvelle brochure, contenant
des Lettres inédites de quelques membres de la famille de Moulue. (Auch, Foix,
1890. In-8°, 5i pages, tiré à cent exemplaires de la Revue de Gascogne). Nous atti-
rons principalement l'attention sur les trois premières lettres qui sont signées de
Biaise de Monluc (p. ii-i5); l'une fut écrite aux consuls de Lectoure au sujet de
certains prisonniers, accusés d'avoir voulu surprendre celte ville et son château; les
deux autres sont adressées au cardinal de la Bourdaisière ; toutes trois ajoutent
I. La seule tentative que je connaisse à cet égard est l'ouvrage anglais de M.R. C.
Hope, Dialectal Place-Nomenclature Je ne connais cet ouvrage que par une mention
de M. Skeat dans les Notes and Qjieries, n° du 9 aoiît 1884, p. 109; mais M. Skeat
se plaint que l'auteur n'ait pas toujours indiqué d'une façon précise la valeur qu'il
attribue aux lettres employées par lui.
d'histoire f.t ûi: littérature 5y
quelque chose à la biographie de Monluc ei a ■ hi^ojuc civile et ecclésiasiique de la
Gascogne. Signalons encore des lettres de Charles de Monluc, petit-fils du maréchal,
à Henri III et à Henri IV, et, en appendice, une charte de Gaston de Gontaut, sei-
gneur de Biron, ainsi qu'une lettre intéressante de M. Gardère sur le lieu où mou-
rut Biaise de Monluc; — car, chose curieuse, ce que l'on connaît le moins de la
vie de l'auteur des Commentaires, ce sont ses deux extrémités, le lieu et la date de
sa naissance comme de sa mort. Faut-il dire que l'annotation de M. Tamizey de
Larroque est, non seulement fort copieuse, mais fort instructive.' Tous nos lecteurs
le savent d'avance.
— Une nouvelle édition de la Petite ville allemande deKotzebue, avec notices bio-
graphique et littéraire, et accompagnée de notes en français, par E. Lombard, doc-
teur en philosophie de l'Université de Leipzig et professeur agrégé d'allemand au ly-
cée de Limoges, paraît à la librairie Belin (1889. In-8% VIII et 199 p.). Les notices
sont un peu courtes. Les notes sont très nombreuses, trop nombreuses même, et,
quelquefois superflues. Beaucoup de ces remarques ne devraient être faites qu'en
classe A quoi bon ces questions et interrogations : « à quel cas est tel mot. .. tra-
duisez ceci... pourquoi l'accusatif... », etc. r Pourquoi, àproposde Wurst {p. 198),
citer Wiiste, Wûr^e et Wust? Pourquoi, à propos àtZaun (id.), citer Zaum, puis
Ein^œnnutig et demander ce que marque le substantif en ungr Voilà qui est « vom
Zaun gebrochen ». Il valait mieux donner le sens exact de gestveng (p. 28\ qui
signifie « puissant » et non comme dit M. L., « sévère ». Il valait mieux dire que
dramaiisiren est une expression de Gœthe et de ses amis (p. 17) et que ein gan^^es
Kerlchen (id.) ou ein ganser Kerl est encore une expression de l'époque des Kraft-
genies (cp. p. 161). P. 16, lorsque M. Siaar se plaint que les romanciers allemands
soient assez peu patriotes pour n'immortaliser que des Italiens, pourquoi dire va-
guement que « l'épicier donne en passant un coup de patte à quelques poètes (?) qui
allaient de préférence chercher leurs modèles au-delà des Alpes r »I1 fallait citer le
Rinaldo Rinahiini de Vulpius et les romans de Brûckner (D/e Hœlile von Stro^^i,
Dianora, Angelika), de Bornschein (Antonia délia Rocciui, Coronato der Schrcckli-
che), de Zschokke {Abœllino, der grosse Bandit). De même, lorsque M. Staar cite
Schinderhannes {id.), il fallait rappeler qu'Ai nold avait composé en 1802 un roman
historique de Schinderhannes. Si M. Staar raconte qu'il «dramatise » la vie de Lo-
renz Schmeckebein, et que Sperling compose les romances, n'est-ce pas encore une
allusion à Vulpius qui sema dans son Riualdini des lieds et des romances (par exem-
ple In des Waldes finsteni Griinden) et à Zschokke qui mit Abœllino en drame
après l'avoir publié comme roman dialogué? Id. Senten^^en sprudelt er von sich, au
lieu de traduire « les sentences jaillissent de son cerveau», M. L. devait montrer que
sprudeln est ici actif, « faire jaillir » et traduire par « il se répand en un flot de sen-
tences ». M. L. rend ce qui suit « Fragmente wûrgt er heraus », par « il sait en ex-
tirper des fragments»; il traduit mal heraustvûrgen qui ne signifie point ici
« faire sortir en tordant le cou », mais (cp. hinuntcnviirgen}, faire sortir avec un
violent efiort; traduisez : il crache des fragments. P. 40, pourquoi dire simplement
sintemal = da, weil, et ne pas expliquer sint dem mal {sint = seit)? P. 68, Hans-
wurst n'a pas « disparu de la scène allemande vers ijSy ». P. 91, Spinnstube, rap-
procher de ce sens Raspelhaus. P. 95, Dachstilbchen, z]Q\iitr Mansarde ti Mansar-
den^immer. P. loq, Rinaldo Rinaldini a paru en 1798, et non en 1799. P. 124,
welchergestalt = dass; tiaduire «comme quoi... » P. i3o, die Honoratioren, la note
est déjà plus haut (p. 49). P. 177, note 2, remplacer ind. prés., par imp. [siehe).
P. 17g, ajouter à la note sur Trenck (et non Trenk), le titre exact de son autobio-
58 RKVUK CRITIQUH
graphie. P. i8i (Hiobspost), insister sur Post au sens de « nouvelle » et citer d'au-
tres composés, Freiidcnpost, Kriei^espost, Schaiierpost, Schreckenspost, Siegespost,
Unglùckspost. P. 192, mieux valait expliquer Spuk que treiben et en général, M. L.
néglige trop ces mots que l'élève rencontre peu souvent (comme Sporteln et abge-
feimt, p. 177, Scinmck, p. i-^g, Klemme, p. 197». P. 198, lorsque Sperling dit « eiiie
Elu enpforte mil ich dir schveiben «, M. L. met en note « je vais te dresser un arc
de triomphe », il ignore que Kotzebue fait allusion à la satire de A.-W. Schlegel con-
tre lui, Elirenpforte und Triumphbogen fïir den Theater-Prcesidenlen von Kotze-
bue. Toutes ces remarques n'empêchent pas l'édition de M. Lombard d'atteindre le
but que s'est fixé l'annotateur : « être utile à des enfants de treize à quatorze ans qui
ont déjà plusieurs années d'allemand ».
— M. P. RisTELHUBER a fait tirer à part de la Tradition (tome III, iSSo), une
deuxième série de Contes alsaciens, qui renferment des légendes chrétiennes et met-
tent en scène Jésus et l'apôtre Pierre : « .lésus garde son caractère de sublimité,
tandis que Pierre est dépouillé de toute grandeur et laisse voir des traits de faiblesse».
C'est ainsi que le conte X qui a pour théâtre les environs de Bouxwiller, fait de l'a-
pôtre un mauvais plaisant et un souffre-douleur.
— La librairie Alcan fera prochainement paraître : La philosopliie de Lamennais,
par M. Paul Janet; La psychologie des idées fortes, par M. A. Fouillée; Les lois
de Vimitation, par M. Tarde; La révolution de la chimie (Lavoisier), par M. Berthe-
lot; Les problèmes religieux au xix^ siècle, par M. Alaux; les vol. VIII et IX du
grand recueil des Instructions des ambassadeurs et ministres de France (Russie, avec
introduction et notes, par M. Rambaud) ; la Correspondance des deys'd'Alger avec
la cour deFra)ice i5y g-iS3j, recueUWe dans les dépôts des archives étrangères, de
la marine, des colonies et de la chambre de commerce de Marseille, avec introduc-
tion, éclaircissements et notes, p. p. E. Plantet.
— MM. Bernard Prost et Eugène Welvert font paraître à la librairie Bourloton
(20, boulevard Montmartre), un nouveau recueil, Les Archives historiques artistiques
et littéraires, qui paraît depuis le i^' novembre 1889.
— La Revue historique des Ardennes de Senemaud n'avait duré que trois ans.
M. Jules Poirier reprend aujourd'hui l'œuvre de Senemaud et fait paraître depuis le
I" janvier un Bulletin historique des Ardennes, revue d'histoire ardenuaise ; lui
adresser les souscriptions à Bogny, par Cliâteau-Regnault (Ardennes.)
— La Critique philosophique a cessé sa publication avec la fin de l'année 1889.
— Les Comptes-rendus du congrès international de psychologie physiologique sont
sous presse et paraîtront très prochainement.
— L'académie des sciences morales et politiques a procédé le 28 décembre dernier
au remplacement de M. Fustel de Coulanges dans la section d'histoire. M. Albert
SoREL, notre collaborateur, a été élu au premier tour par 18 voix sur 3i suffrages
exprimés. M. Rocquain a obtenu 7 voix, et M. Rambaud, 6.
ALLEMAGNE. — La librairie Hahn, à Leipzig, met en vente le 4' fascicule du
Lexicon dcr lateinischen Wortformen de K. E. Georges (col. 449-576, dt neglecte
à quadrifariani). Nous avons déjà parlé des trois premiers fascicules (1889, t. II,
p. 274, art. 528); nous reviendrons sur cette importante publication quand elle
sera terminée.
— M. Otto HiRscHFELD a fait tirer à part (26 pp. in-S», non mis dans le com-
merce) son intéressant mémoire, die ritterlichen Provim^ialstatthalter, lu à l'Aca-
démie de Berlin le 16 mai 1889 {Sit:^ungsberichte, 1889, pp. 417-442). C'est une
monographie très complète sur ces magistrats, leurs pouvoirs, leurs titres (pracfec-
II
J HISTOIRE ET DK LlIiK.rtAiUKB SQ
hts praeses piocurator), leurs fonctions, les provinces où ils vésidaient, l;"s forces
militaires qui pouvaient leur être confiées, etc.
— Après une longue interruption, la librairie Calvary se décide à poursuivre la 4^
édition maior de V Horace d'Orelli. C'est M. Mewes qui est chargé du 2e volume (le
premier a été terminé en i88ô/. Espérons qu'on n'y trouvera pas des fautes d'impres-
sion aussi grossières que dans la première partie. Q. Hovatius Flaccus, reccnsuit
atque interpretatus est I. G. Orellius; ei. IV maior. Votiimen alterum curarit
W. Mewes. Fascicules 1, pp. 1-160; Sat. I i-II i incl. Prix 2 mark).
— M. Lœseth a mis sous presse une édition critique de VEracle de Gautier d'Ar-
ras.
— Voici de nouveaux tirages à part de M. Ludwig Geiger : i'^ In eigner Sache,
réplique victorieuse à une réponse de M. Gùdemann; -1° des lettres de Bcndavid à
J.-J. Bellermann; 0° àts Kleine Beitrœge :{ur Geschichte der Juden in Berlin '^ijoo-
iSij); on y trouve des assertions de Spener sur les Juifs, une anecdote sur les Juifs
berlinois lors du passage de l'électeur Auguste de Saxe (1728), deux poésies compo-
sées par des Juifs en 1756 et 1780 et qui témoignent de leur Loyalitœt et de leur
dévouement au roi ; la mention de deux écrits prétendus judisch-deiitsch sur la
guerre de Sept Ans; une étude fort intéressante sur Maubert, auteur de brochures
sur Éphraîm et sur quelques écrits relatifs à la querelle de Mendelssohn et de Lava-
ter; une notice, accompagnée d'extraits, sur une satire de Herz (1771), Freimiithiges
Gesprœcli r^woer jûHscber Zuschauerinnen, qu'il faudra consulter pour l'histoire du
théâtre berlinois; une autre note sur le chrétien Gossler qui défendit les Juifs dans
son Versuch iiber das Volk (jjSÔj; un passage des Charîatauerien de Cranz; la
liste des écrits qui parurent à propos du Sendsckreiben de Friedlaender, etc.
— M. PiETSCH prépare une édition de la Bible traduite par Luiher.
— L'éditeur Léopold Voss (Hambourg et Leipzig) publie une Geschichte der Ato-
mistik vom Mittelalter bis Newton. L'auteur, M. Kurd Lasswitz, a déjà donné le pre-
mier volume, Die Erneuerung der Korpuskulartlieorie (20 mark}; le second volume :
Hœhepunkt und Ver/ail der Korpuskulartlieorie des X VII Jahrhunderts, est sous
presse.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 10 janvier 18 go.
M. Dieulafoy écrit pour poser sa candidature à la place de membre libre laissée
vacante par la mort du général Faidherbe.
L'Académie piocède à l'élection des commissions chargées de juger divers con-
cours. Sont élus :
Prix Duchalais (numismatique du moyen âge), MM. Deloche, Schlumberger, Hé-
ron de Villcfosse, de Barthélémy;
Prix Burdin (géographie de l'Egypte), MM. Renan, Jules Girard, Barbier de Mey-
nard, Maspero;
Prix Bordin (étude sur Strabon), MM. Jules Girard, Weil, d'Arbois de Jubainville,
Croiset;
Prix Louis Fould (histoire des arts dans l'antiquité), MM. Ravaisson, Heuzey,
Maspero, Héron de Villefosse;
Prix La Fons-Mélicocq (histoire et antiquités de la Picardie et de Tlle-de-France),
MM. Hauréau, d'Arbois de Juoainville, Longnon, de Barthélémy;
Prix Stanislas Julien (ouvrages sur la Chine), MM. d'Hervey baint-Denys, Barbier
de Meynard, Senart, ^L^spero.•
Prix Delaiande-Guérineau (études orientales), MM. Renan, Barbier de Meynard,
Senart, Maspero;
Prix La Grange (anciens poètes de la France^, M.'vl. Gaston Paris, Siméun Luce,
Paul Meyer, Léon Gautier;
6o RKVUE CRITIQUK d'hiSTOIRR ET DE LITTÉUATURE
Prix Jean Rcyiiaud, MM. Renan, Dclisle, Geoiges Penot. Boissier.
M. le marquis de Nadaillac lit une noie sur la station préhistorique de Lengyel
(Hongrie), située sur la rive droite du Danube, sur un plateau escarpé, entouré a'un
double fossé. On a trouvé plusieurs groupes d'habitations et deux cimetières. Les
habitations sont des souterrains creusés dans la terre. Les cimetières ne présentent
aucune trace de crémation. Le mobilier funéraire est très riche; le nombre des ob-
jets recueillis s'élève au chiffre de i2,o56. Sur ce nombre, les poteries figurent pour
près de quatre mille, les armes et outils en pierre, en obsidienne, en os ou en
corne, pour plus de six mille, les bronzes pour 241. La présence des bronzes per-
met d'assigner pour date à l'ensemble des constructions et des objets trouvés la der-
nière période des temps néolithiques. M. de Nadaillac compare les objets découverts
avec ceux qui ont été recueillis dans les stations préhistoriques de divers pays et
conclut que la station de Lengyel appartient à une civilisation qui se rattache à celle
de la Grèce.
M. G. Marmier, commandant du génie, termine sa communication sur la géogra-
phie ancienne de la Syrie. Ce travail porte sur trois points principaux :
1° La situation du pays d'Aram-Naharaïm de la Genèse, où résida Abraham :
M. Marmier repousse l'opinion qui identifie ce pays à la Mésopotamie; il en cherche
l'emplacement au nord du pays de Kenaan ;
1" Celle de la ville de Qédesch, célèbre dans les annales égyptiennes de la 18* et
de la I g" dynastie : c'est, dit M. Marmier, la Kadytis d'Hérodote; elle était située
au pied du Carmel et non loin de la ville d'Arados, mentionnée dans le Périple de
Scylax;
3° Celle du pays de Neharina : M. Marmier. d'après les textes égyptiens, le recon-
naît comme identique à celui a'Aram-Naharaïm,
M. Marmier ajoute que ces déductions géographiques peuvent jeter quelque lu-
mière sur l'histoire des Khétas, en écartant la légende d'une prétendue invasion de
ce peuple dans la S)"rie moyenne, entre le règne de Thouimès IV et celui de Ram-
sès IL
Ouvrages présentés : — par M. Paul Meyer : Murray (J. A. H), a New En^lish
Dictionary on liislorical principles, part V (c.vst-clivy); — par M. Delisle : Prou
(Maurice), Manuel de paléographie laiine et française du vi« au xvii« siècle.
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du ic^ décembre i88g.
M. Guiftrey signale, dans l'inventaire des joyaux du duc de Berry, dont il prépare
la publication, quatre médaillons en or, de facture italienne, représentant des empe-
reurs romains, et dont le prince tit l'acquisition en 1402 de marchands originaires
d'Italie. 11 présente les moulages de deux de ces médailles, qui appartiennent actuel-
lement au cabinet des médailles.
M. Courajod tait observer combien la date d'exécution de ces médailles est im-
portante à fixer pour établir qu'à l'époque de leur exécution, l'art italien n'était pas
encore converti à la doctrine de l'art antique.
M. Omont communique le texte d'un fragment de tablettes de cire appartenant au
musée Britannique et contenant un compte de distributions de l'abbaye de Cîteaux,
de la tin du xiii' siècle ou du commencement du xiv«. 11 signale en même temps,
comme étant d'une authenticité très suspecte, d'autres tablettes appartenant au même
établissement, n° .^3270, portant des inscriptions en caractères grecs.
M. de Lasteyrie propose une interprétation nouvelle du bas-relief de Toulouse où
M. Courajod a cru voir deux signes du zodiaque imités de l'antique et qui doivent
n'être que la représentation hgurée d'une légende dont il est fait mention dans une
histoire de l'église Saint-Sernm publiée au xyu*^ siècle.
M. l'abbé Duchesne entretient la compagnie de plusieurs inscriptions chrétiennes
nouvellement reçues d'Afrique.
M. d'Arbois de Jubainville ajoute quelques remarques nouvelles sur la communi-
cation qu'il avait faite à une précédente séance à propos des rivières du nom de
Khodamus existant en Gaule.
M. Guitlrey signale la présence, dans l'église de Notre-Dame de Paris, d'un tableau
représentant la légende bien connue d'un père de plusieurs enfants, dont un seul
légitime ; pour attribuer son héritage, on imagine de faire pendre le père et d'obliger
ses fils à tirer sur son corps; un des fils refuse et il est reconnu comme légitime.
Le tableau de Notre-Dame représente quatorze enfants au lieu de trois, puis quatre,
qui figurent sur les anciens monuments.
Le Propriétaire-Gérant: ERNEST LEROUX.
Lt fuy, imprimerie Marckessou fils, boulevard Saint- Laurenl, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 4 — 27 janvier — 1890
Sommatre î 35. L'Invention de la Sainte Croix, p. p. Nestlé. — 36. Reisch, Les
offrandes votives grecques. — 37. Ovide, Extraits, p. p. Sedlmayer. — 38. Les
Psaumes, texte grec p. p. Swete. — 3g. Chrétien de Troyes, Le chevalier au
lion, p. p. Fœrster. — 40-42. Hémon, Chanson de Roland, Joinvilie, Montaigne.
— 43. GioDA, Morone. — 45-4Ô. Klette, Les deux Jean de Ravenne ; Les trois
poètes florentins, de Bruni, — 47. Fierville, Voyage d'un janséniste en Hollande.
— 48. Stahn, L'évacuation de la Belgique. — 49-52. Antona-Traversi, Nouvelles
études littéraires; Curiosités Foscoliennes ; Catalogue des manuscrits inédits de
Leopardi ; L'Œdipe de Foscolo. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
35. — De Sancta Cruce, ein Beitrag zur Christlichen Legendengeschichte von
Eberhard Nestlé. Berlin, Reuther, 1889, in-8, p. viii et 128.
M. Nestlé publie dans cette brochure les textes syriaques qu'il a
recueillis des légendes relatives à l'Invention de la sainte Croix. Ces
textes qui avaient déjà paru en partie dans les éditions de la grammaire
syriaque de la Porta linguarum orientaliiim, sont tirés de deux mss.
du British Muséum et d'un ms. de notre Bibliothèque nationale. Dans
la Doctrine d'Addai, publiée par M. Philipps d'après un ms. de Saint-
Pétersbourg, la légende de Tlnvention delà sainte Croix se trouve insé-
rée tout entière; en outre, le même ms. de Saint-Pétersbourg la ren-
ferme une seconde fois dans une rédaction à part. En i686, Dudley
Lotfus en avait donné une traduction d'après un ms. syriaque que l'on
croyait perdu aujourd'hui. Mais ce ms. a été retrouvé par M. Bensly à
la Bodléienne et M. N. a pu en donner les variantes.
Les textes sont suivis d'une traduction allemande et d'une étude sur
le degré de parenté qu'ils offrent entre eux. M. N. a eu l'heureuse idée
de joindre à sa publication une bibliographie très substantielle concer-
nant ces légendes, qui facilitera de beaucoup les recherches des person-
nes qui portent de ce côté là leur activité scientifique.
R. D.
36. — Grlechisohe Welh$;esclienke, von E. Reisch {Abhandhmgen des ar-
chœologisdien cpigraphischen Seviinars der UniversitœtWieu, Heft VIII). Vienne,
Tempsky, 1890. ln-8 de vii-i53 p., avec 14 gravures dans le texte.
Le titre de l'ouvrage de M. Reisch ne donne pas une idée bien exacte
de son contenu. S'il avait voulu, en effet, traiter des offrandes votives
grecques dans leur ensemble, ce n'est pas 1 5o pages, mais plusieurs volu-
Nouvelle série, XXIX. 4
62 REVUE CBITIQUE
mes qu'il aurait dû consacrer à ce grand sujet. L'auteur s'est borné à
étudier, avec un incontestable talent, quelques-unes des questions qui
se rattachent aux donaria : une question générale, celle de l'origine, de
lasigniiication et de la classitication des ex-voto; trois particulières, celles
des ex-voro agonistiques, des trépieds dionysiaques et des offrandes des
chorèges vainqueurs aux concours dramatiques.
I. L\isage des offrandes aux dieux tire son origine de celui des offran-
des aux morts. Il n'est pas très ancien dans la famille indo-européenne,
car les Védas, où le rituel du sacritice est si développé, ne font pas encore
mention de ces offrandes. Même dans l'Iliade, elles sont encore presque
inconnues, mais on les voit apparaître dans VOdyssée (III, 273-, XII,
345; XVI, 184). C'est seulement lorsque les dieux commencèrent à avoir
des sanctuaires, des demeures fixes comme celles des morts, que l'on put
songer à leur consacrer des offrandes durables. Le mot àvâ9r/[;,a dans le
sens d'offrande ne se trouve pas avant Sophocle et Hérodote. Peu à peu,
ridée qui avait inspiré l'offrande, perdit de sa netteté et les types des
ex-voto devinrent conventionnels. Le principe primitif de Futilité des
offrandes, fondé sur une conception anthropomorphique (owpx Osoùç
Tïciôc'., cwp' aîocto'jç ■■jy.z'.\f,y.:, Hés. Fragm. 247), tomba dans l'oubli :
elles tendirent bientôt à n'être plus que des œuvres d'art quelconques.
Celte partie du travail de M. R. est intéressante à comparer au début
de l'excellent article Donaria, publié en même temps par M. Homolie
dans le Dictionnaire de M. Saalio. Le savant français a insisté sur une
idée juste que je ne trouve pas indiquée par M. R. : c'est que l'offrande
est considérée comme une redevance obligatoire, une sorte de ov/A-Ti,
par la raison que tous les biens matériels des hommes sont, en principe,
la propriété des dieux.
M. R. distingue deux classes d'àvaO-/;[j.aTa : ceux qui doivent réjouir les
dieux par leur valeur matérielle ou artistique et ceux qui doivent sur-
tout leur efficace à l'idée qui les inspire. Les premiers sont naturelle-
ment plus anciens, plus voisins de la vieille naïveté anthropomorphique,
puisqu'ils ont pour objet de contenter les besoins humains des dieux.
Dans les seconds, le sentiment de la dévotion, de la dépendance du do-
nateur, et par suite aussi de la distance qui le sépare du dieu, se fait
jour avec plus de netteté. M. R. place en première ligne, dans cette
classe d'ex-voto, les statues de divinités offertes aux divinités elles-
mêmes; cet usage s'expliquerait par la pensée que le dieu, comme
l'homme, se plaît à la contemplation de sa propre image. J'avoue que je
ne partage pas cette manière de voir : les ex-voto de ce genre sont avant
tout des idoles, que l'on offre dans le temple du dieu pour y multiplier,
en quelque sorte, sa présence. M. R. rattache à la même idée les offran-
des dites de substitution, qui auraient pour objet principal de rendre
durables des ex-voto périssables de leur nature, à peu près comme les
fleurs en porcelaine que nous déposons sur nos tombes. Je crois qu'il
faut tenir compte ici, dans une plus large mesure, de cet instinct d'éco-
I
d'histoire et de littérature 63
nomie auquel sont dus les bijoux funéraires en or très mince, ou même
en terre-cuite superficiellement dorée. Dès les temps les plus anciens,
comme dans l'histoire du sacrifice d'Isaac, on voit apparaître cette pra-
tique de la substitution, avec la pensée de rendre moins pesantes les
redevances qu'impose la piété. Une offrande durable, comme un animal
en bronze tenant lieu d'une victime, constitue toujours une économie
pour le donateur, puisqu'il ne se trouvera pas obligé de la renouveler à
bref délai. D'autres fois, l'on offre à la divinité l'image d'un épisode
quelconque où son intervention bienveillante s'est fait sentir, à la fois
pour la remercier et pour s'assurer, en la lui rappelant, la continuation
de sa bienveillance. Puis, par une substitution du symbole à l'image
réaliste, on en arrive à offrir un lion pour une action d'éclat, une palme
pour une victoire; ainsi s'explique la dédicace fréquente des statues et
des figurines de Niké. M. R. interprète de même l'offrande, faite par des
malades guéris, de modèles des parties de leur corps qui ont été l'objet
de la clémence divine; je me demande si l'effort qu'il a fait pour simpli-
fier sa classification ne l'a pas entraîné, ici comme ailleurs, à quelque
subtilité. Une fois l'idée de l'ex-voto lancée, elle a revêtu naturellement
les aspects les plus divers. M. R. reconnaît d'ailleurs que l'on ferait fausse
route en essayant de classer les offrandes d'après la pensée, souvent com-
plexe et obscure, qui les a inspirées; il vaut mieux se fonder sur l'étude
des types et distinguer trois groupes d'ex-voto: i" ceux où la divinité est
figurée seule ou en relations avec l'homme; 2° ceux qui sont empruntés
au cercle de la vie humaine; 3° ceux qui ont pour matière des objets que
les dieux et les hommes possèdent ou dont ils sont censés avoir besoin.
Cette classification est purement extérieure et la troisième série n'est pas
définie bien clairement; on pourrait facilement en proposer d'autres,
mais celle-ci est assez compréhensive pour qu'il soit utile d'en tenir
compte.
II. Les offrandes agonistiques ont pour modèles celles que l'on fait
aux dieux après une victoire. La plus fréquente sera donc l'objet même
auquel la victoire est due, ou une représentation de cet objet. M. R.
étudie à ce propos les bas-reliefs qui représentent Niké versant une li-
bation dans une coupe tenue par Apollon ciiharède (Welcker, Alte
Denkm., t. II, p. 38 sq.). Avec Friederichs, il croit que Niké personni-
fie ici le citharède vainqueur, faisant une libation au dieu qui présidait
au concours. Ces ex-voto ont été offerts par les vainqueurs des àvôive;
i;.ouaao( aux Pythies, théorie déjà ancienne que M. R. a eu raison de
défendre contre les doutes deStephani et d'Overbeck. L'auteur passe de
là aux bas-reliefs dits d'Icaros (type : Baumeister, Denkmœler^ t. III,
p. 1765, fig. 1849), où il reconnaît non pas des théoxénies ou des théo-
phanies, ni des représentations funéraires, mais des scènes agonistiques,
des ex-voto d'artistes dionysiaques recevant le dieu au banquet qu'ils cé-
lèbrent en l'honneur de leur victoire. Le travail de M. R. est daté du
16 juin 1889; il n'a donc pas pu connaître celui de M. Hauser sur le
64 REVUE CRITIQUE
même sujet (Die neuattischcn Reliefs, Stuttgart, 1889, p. 189-199-
cf. Rev. crit. 1889, I, p. 5o3), avec lequel il se rencontre d'une ma-
nière frappante non seulement dans sa conclusion, mais dans un grand
nombre de détails. Faut-il admettre une source commune, c'est-à-dire
quelque enseignement public dont les deux jeunes archéologues auraient
profité?
III. La troisième partie du mémoire de M. R. est le complément de
sa. dissenaùon De miisicis certaminibus Graecortim, publiée en i885.
L'auteur étudie la forme et la grandeur des trépieds agonistiques, d'après
les représentations des bas-reliefs ou des vases et les traces de scellement
qu'ils ont laissées;- l'uniformité des modèles est remarquable pendant
toute la période où le trépied était un prix donné par TEtat. Les chorèges
se sont acquittés différemment, suivant les époques, du devoir qui leur
incombait de dédier le trépied reçu en prix. D'abord, on le plaça simple-
ment sur une base dans le temple de Dionysos; au iv^ siècle, on com-
mença à construire de petites chapelles pour les recevoir (les monuments
choragiques). La forme même de la base a beaucoup varié, depuis le
socle quadrangulaire ou circulaire jusqu'à la colonne et à la base trian-
gulaire ornée de reliefs, comme le prétendu autel du Latran (Garrucci,
pi. xLvni) ; M. R. refuse avec raison de faire entrer Tautel Borghèse du
Louvre dans la même série de supports. Ce chapitre contient encore
une étude détaillée des monuments et des statues choragiques; nous
regrettons de ne pouvoir nous y arrêter.
IV. Bergk a le premier fait observer (Griech. Literatiirgesch., t. III,
p. 60), à rencontre de l'opinion courante, qu'aucun témoignage formel
ne prouvait que les chorèges, vainqueurs aux concours scéniques, eus-
sent reçu en prix des trépieds, comme les chorèges des chœurs dithy-
rambiques 1. Plutarque dit queThémistocle, vainqueur au concours des
tragédies, offrit comme ex-voto r.ivT/.a. Tqq vixy]ç. .. èTuiYpacpvjv e^ovia (cf.
Arist. Polit., VIII, 6, p. 1341 a). Après avoir simplement porté des
inscriptions, ces Tivay.sç devinrent des tablettes votives ornées de reliefs
ou de peintures. Partant de là, M. R. propose de classer parmi les mo-
numents de ce genre un certain nombre de sculptures dont la destina-
tion est contestée, entre autres quelques bas-reliefs représentant des
offrandes à Dionysos. Le scholiaste d'Aristophane parle d'un tableau
dont le sujet se rapportait étroitement aux Héraclides et M. R. voudrait
y voir une peinture votive offerte par le chorège du drame d'Euripide.
De même, les peintures campaniennes dont les sujets se retrouvent dans
le théâtre grec (sacrifice d'Iphigénie, Hippolyte et Phèdre, Admète et
Alceste, Oreste en Tauride), ne seraient pas, à l'origine du moins, de
simples tableaux mythologiques., mais des -irivaxeç àvaO-^[;,aTt/.o( commé-
moratifs de représentations théâtrales. M. R. va beaucoup trop loin
dans cette voie. Par exemple, il réclame pour la série des ex-voto cho-
I. Il parut cependant difficile d'écarter le texte, malheureusement un peu vague,
de Plutarque, De gloria Athemensium, VI, p. 348 E.
d'histoire et de littérature 65
ragiques les trois célèbres bas-reliefs d'Orphée, des Péliades et de Piri-
thous. Que le bas-relief d'Orphée, bien connu chez nous par la répli-
que du Louvre (Clarac, Musée, II, pi. ii6, n» 212) ^ soit l'ex-voto
d'un chorège vainqueur lors de la représentation de quelque tragédie
à' Eurydice, c'est ce que je ne suis pas du tout disposé à croire; je
préfère beaucoup, avec Pervanoglu (Arch. Zeit., i86g, p. 74), considé-
rer le bas-relief en question comme funéraire. M. R. ne m'a pas con-
vaincu non plus que les deux bas-reliefs analogues des Péliades et de
Pirithoiis avec Héraklès n'admettent pas la même explication ; il est au
contraire très difficile de nier qu'ils la comportent tous les trois, sans
subtilité aucune, et cette circonstance seule suffit à rendre très incertaine
l'hypothèse M. R., qui l'a d'ailleurs fait valoir avec autant d'éru-
dition que d'esprit. Mais il y a là une exagération évidente d'une idée
juste, comme lorsque M. R. propose un peu plus loin de reconnaître un
[;,v^[j.a Tpaviociâç dans la statue de Jocaste expirante, œuvre de Silanion.
Il n'est pas facile de trouver en défaut le savoir ou l'exactitude de
M. Reisch. J'ai noté au passage quelques vétilles : p. 84, note 2, il attri-
bue à Rayet un article qui a paru sous mon nom ; p. 69, note 6, il parle
des Vases grecques (sic) de L. Bonaparte; p. 28 et i33, il renvoie
inexactement à la Notice de M. Froehner et au Mî^^ee de Clarac. Je
regrette aussi qu'en discutant l'interprétation de certains bas-reliefs, il
en ait cité des publications peu répandues, sans indiquer en même temps,
pour épargner des recherches à ses lecteurs, les recueils plus accessibles
(Saglio, Baumeister, Roscher, etc.), où ces monuments ont été correcte-
ment reproduits.
Salomon Reinach.
37. — AusgewsBlilte Oedichte tle» ï». Ovidius ]Vaso fur den Schul-
gebrauch herausg. von H. St. Sedlmayer. 4" umg. Auflage. Leipzig, Freytag,
1889, ^24 p. in-i2, I m. 20.
Ce recueil d'extraits d'Ovide, préparé par l'éditeur des Héroïdes, a été
goûté en Allemagne puisque depuis quelque six ans, voici la 4^ édition.
En tête quatre pages résument la vie et les oeuvres du poète. Suivent
les règles essentielles de la métrique latine (p. xiii-xvn) et quelques ver-
sus memoriales (xvn-xxii), vers isolés, distiques, courts morceaux ser-
vant d'exemple. Les extraits forment deux parties : d'abord les méta-
morphoses ; puis les élégies. Il est assez piquant de constater qu'ici il
n'est fait aucun emprunt aux Héroïdes. Voilà pour un éditeur ce qui
s'appelle savoir se détacher de sa première oeuvre. A la fin (p. 188-224),
index mythologique et géographique. Bornons-nous à ajouter que le
choix est judicieux et le texte très soigné, et souhaitons que nous ayons
I. M. R. semble ignorer que le même bas-relief a été publié d'une manière très
satisfaisante dans le recueil de Bouillon.
66 REVUE CRITIQUE
bientôt en France un petit livre qui permette à nos élèves de se faire de
même et aussi bien quelque idée de l'œuvre d'Ovide.
E. T.
38. — Xlie l»salins in OrceU according to ihe Septuagint, by H. Barclay Swete.
Cambridge, at the University press, 1889. In-12, xiv, 2i3-4i5 et 8 pages.
Les savants anglais qui ont entrepris une édition critique de la ver-
sion des Septante (Greek Old Testament according to the Septuagint),
ont pensé bien faire de publier à part les Psaumes, qui doivent figurer
dans leur second volume. « Les syndics de la Cambridge University
Press ont eu la pensée qu'il pouvait être utile de publier à part les
Psaumes pour les besoins de ceux qui désirent avoir sous une forme
maniable le texte grec du livre de l'Ancien -Testament qu'on lit le
plus. » L'idée était excellente et bien des personnes en profiteront.
Il est inutile de rappeler l'intérêt qui s'attache à l'établissement d'un
texte critique de la Septante. C'est là un desideratum du monde savant,
auquel les éditeurs anglais répondent en se conformant aux exigences
de la publication d'un texte ancien. Au début du présent volume, on
s'est borné dans une introduction courte, mais précise, à rappeler les
principes qui ont présidé à Toeuvre et les éléments à l'aide desquels a
été constitué VApparatiis criticiis.
Le texte pris pour base est celui du Codex Vaticanus; dans les parties
où celui-ci fait défaut, les lacunes sont suppléées par l'emploi du
Sina'iticus. Les variantes placées en bas du texte sont empruntées, en
dehors du Sina'iticus^ à l'Alexandrinus, aux Psautiers de Vérone et de
Zurich, enfin aux fragments sur papyrus de Londres. Quelques lectures
de moindre portée ont été rejetées en appendice. Les différentes mains
ou corrections qui apparaissent dans les manuscrits ont été sioigneuse-
ment notées. Le tout est fait avec la conscience et le soin que les éditeurs
anglais savent apporter à de pareilles publications, sans tomber dans
l'inconvénient des éditions de luxe qui ne sont abordables qu'aux
grosses bourses. L'impression est excellente, le type grec est infiniment
flatteur pour l'œil. C'est là, à tous égards, un modèle d'édition critique
et nous croyons que les théologiens et hellénisants de toute nation seront
heureux d'exprimer leur reconnaissance aux syndics de la Cambridge
University Press ainsi qu'à leurs distingués collaborateurs.
M. Vernes.
39. — Cliristlan von Troyes saiHitlicho ei-litiltene Vl'erke. II. Der
Lœwenrittev (^Yvain), herausgegeben von Weiidelin F-cerster. Halle, Niemeyer,
1887, in-8, xLiv-327 pages.
Dans l'introduction de son édition de C//^e5, parue en 1884, M. Fœrs-
ter avançait qu'à une analyse attentive le Chevalier au Lion n'offrirait
d'histoire et dk littérature 67
qu'une variante, assurément fort originale, du thème fameux de la Ma-
trone d'Éphèse. A ce point de vue, le noyau du récit serait formé par
les trois ou quatre cents vers où Landine, pressée par les arguments de
Lunète, se décide à épouser le meurtrier de son mari bien-aimé. La
fontaine enchantée de la forêt de Brocéliande, Arthur et sa cour, les
aventures du chevalier Ivain — presque toute là narration en un mot,
— ne fourniraient que des accessoires, habilement disposés pour char-
mer un public engoué des héros de la Table-Ronde. Il est certain que
la plupart des épisodes ne convergent nullement autour du prétendu
centre du poème. Comme celui-ci compte près de sept mille vers, on
s'attendrait à ce que M. F. le jugeât un des ouvrages les plus mal com-
posés qu'il y ait dans aucune littérature. Nous sommes donc un peu
surpris de lire, en tête de la présente édition du Chevalier au Lion, que
ce roman représente Fart d'un Chrétien de Troyes parvenu à son plus
haut point de perfection. Ce n'est pas qu'en étudiant ce texte de plus
près, pour en donner une édition critique. M, F. ait le moins du monde
changé d'avis. Au contraire, il précise, il développe ses affirmations de
jadis. Le Chevalier au Lion est une véritable création de Chrétien; les
éléments celtiques y sont insignihants. Bien plus, le cycle breton tout
entier a jailli de l'imagination française, comme Minerve s'élança tout
armée du cerveau de Jupiter. M. G. Paris, « le savant qui connaît le
mieux et qui est peut-être le seul à connaître » l'immense littérature ar-
thurienne, s'est trompé en pensant que les poètes français du xn° siècle
ont emprunté aux Celtes autre chose que des noms et quelques traits
épars, quelques détails sans importance.
Et cependant, pour quiconque étudie sans préjugé le Chevalier au
Lion, il est clair que la donnée principale reproduit une de ces histoires,
si fréquentes dans la tradition populaire, d'un mortel aimé par une fée,
banni loin d'elle à la suite de quelque faute et réconcilié après diverses
épreuves 1. C'est un thème analogue à ceux de maints lais bretons, dont
personne, que je sache, n'a contesté la provenance celtique. A des yeux
non prévenus ^, les circonstances singulières du mariage d'Ivain avec la
Dame de la fontaine n'ont que le plus vague et le plus lointain rapport
avec l'anecdote de la Matrone d'Ephèse. N'était le ton légèrement sati-
rique du malicieux poète, elles me rappelleraient bien plutôt les pathé-
tiques amours du Cid et de Chimène : chez l'une et l'autre héroïne,
l'affectueuse piélé envers un mort chéri n'est-elle pas sacrifiée au devoir
féodal et à la passion ? L'on voudrait connaître, au moins pour cet épi-
sode, la source de Chrétien. 11 semble avoir recueilli le récit oral de
quelque conteur en prose; peut-être y a-t-il ajouté de son propre fonds
plusieurs des aventures assez banales qui diversifient la trame du roman.
M. G. Paris dérivait le Chevalier au Lion d'un poème anglo-normand,
1. Romania, XVII, p. 334 (G. P.).
2. A ceux de M. Mussafia, par exemple. Voir son compte-rendu dans le Litera-
turbîattfùr german, imd roman. Philologie, 1889, n" 6.
68 REVUE CRITIQUE
dont nous posséderions la traduction écourtée dans un des Mabinogion
gallois. Mais il ressort des indications malheureusement trop sommai-
res de M. F. que le Mabinogi ' de la Dame de la Fontaine est imité de
Chrétien, de même que celui de Geraint ab Erbyn n'est autre chose
qu\me version galloise à''Erec,
On est donc amené à faire quelques restrictions à l'hypothèse sui-
vant laquelle la matière de Bretagne aurait été transmise aux poètes
continentaux par Tintermédiaire de poèmes anglo-normands aujour-
d'hui perdus. Mais c'est une exagération manifeste, si M. F. prétend
qu'il n'y a pas trace de poèmes anglo-normands sur Arthur et la Table-
Ronde. Sans parler du Tristran de Béroul, dont la seconde partie met
en scène le roi, Gauvain, Girflet, notre Ivain, n'est-il pas vraisemblable
que ce manuscrit prêté par Hugues de Morville à Ulrich de Zazikhofen
contenait un poème composé en Angleterre sur les aventures de Lance-
lot? Le Livre du Graal, que Philippe de Flandres « baille » à Chré-
tien de Troyes, ne peut guère avoir été écrit en France : il avait pro-
bablement été apporté d'Outre-Manche. La seule mention du Lai du
Cor détruit l'assertion qu'Arthur et ses chevaliers seraient étrangers aux
plus anciens lais. M. Rajna a communiqué Tan dernier ~ des extraits de
chartes italiennes, paraissant attester que, dès la fin du xi° siècle, le nom
d'Arthur était familier à des Français et avait même franchi les Alpes.
Si nous en avions cru auparavant l'éditeur du Chevalier au Lion^ la
réputation d'Arthur ne daterait que de Gaufrei de Monmouth. Encore
aujourd'hui ^ le savant professeur de Bonn se refuse à croire que nos
poètes aient connu des légendes celtiques autrement que par YHistoria
regum Britanniae. A Tentendre, sur le mince canevas de ce latin, la
riche fantaisie de nostrouveurs^ alimentée aux sources les plus diverses,
aurait ingénieusement brodé mille aventures brillantes, créant de toutes
pièces un nouveau genre de roman, avec des mœurs françaises dans un
décor breton. M. F. définit en d'excellents termes les romans de la Ta-
ble-Ronde : « De l'esprit français sous un costume étranger, tout comme
la tragéalie classique du xvii* siècle. »
Se pourrait-il concevoir que Corneille, Racine, Crébillon, Voltaire
eussent composé leurs tragédies antiques, s'il n'y avait jamais eu de lit-
térature grecque ni de littérature latine? On n'imagine guère mieux un
Béroul, un Thomas, un Chrétien de Troyes rimant les aventures de
Tristan, d'Erec, de Lancelot, du Chevalier au Lion, de Gauvain, de
Perceval — tous plus ou moins inconnus à Gaufrei de Monmouth, — si
des récits antérieurs n'avaient glorifié ces héros et leurs pareils au sein
des populations celtiques de l'ouest de l'Angleterre. Non seulement les
noms propres du cycle de la Table- Ronde sont bretons, non seulement
1. C'est à tort que M. F. emploie au singulier la forme plurielle mabinogion.
2. Rom., XVII, pp. i6i ss., 355 ss.
3. Christian von Troyes Ciigés. Textausgabe mit Einleitung und Glossar, hrsg.
von W. Foerster. Halle, 1889. Introduction.
d'histoire et DR LITTÉRATURE 69
les localités mentionnées dans les plus anciens poèmes français appar-
tiennent à la Cornouaille, au pays de Galles, au Cumberland ; mais en-
core certaines aventures répètent des traits de Tépopée irlandaise et des
contes écossais. Le don, particulièrement le don sollicité et obtenu dans
l'espoir de posséder une femme, se retrouve en Irlande ^ Guchulinn,
Oisin sont aimés et désirés de toutes les iilles, aussi bien que Lancelot
et Gauvain ~. Dans les guerres barbares d'Ulster et de Connaught,
comme dans les expéditions chevaleresques des héros bretons, d'innom-
brables combats sont livrés au gué des rivières. D'autres lieux com-
muns de la tradition celtique ont été signalés dernièrement dans V His-
toire littéraire de la France, dans la Roniania, dans les Etudes sur la
légende du S. Graal de M. Alfred Nutt 3. Sans aucun doute, ces indica-
tions seront multipliées, à mesure que l'on connaîtra mieux la littéra-
ture irlandaise.
M. F. s'est constitué le champion des poètes du xii'= siècle; il revendi-
que pour Chrétien de Troyes et ses contemporains une originalité
d'invention que d^autres leur ont trop injustement déniée. Mais toute
faculté inventive est limitée par des conditions de temps et de lieu :
rhistoire, pas plus que la biologie, ne reconnaît de génération spontanée.
Or, le roman breton n'apparaît nullement comme la continuation nor-
male, le développement régulier, nécessaire des genres qui tlorissaient
vers ii5o ou 1160 dans la littérature française : il est, dans toute la
force de ces termes, nouveau, inattendu, original. Il ne s^agit point de
Tesprit, des sentiments, des mœurs qui y régnent et qui reflètent si fidè-
lement les changements accomplis à cette époque dans la vie aristocrati-
que. Ce qui me frappe bien davantage dans ces vieux contes arthuriens,
c'est qu'ils accusent un type de fiction nettement caractérisé, également
différent des chansons de geste et des romans auxquels les meilleurs
juges attribuent une origine byzantine. Aux bizarres combinaisons
d'événements imprévus, de rencontres soudaines et miraculeuses, de
catastrophes inouïes, qui remplissent le roman grec, aux grandes luttes
religieuses ou politiques de l'épopée, ils opposent Paventure indivi-
duelle, la chevauchée sans but et sans fin, la promenade vagabonde à
travers un monde fantastique. Le hasard providentiel, ce deus ex ma-
china intervenant à chaque péripétie des fables byzantines, le surnaturel
grave et religieux, à moins qu'il ne soit franchement bouffon, de la plu-
part des chansons de geste n'ont rien de commun avec cette féerie per-
pétuelle où se meuvent Arthur et les compagnons de la Table-Ronde.
Tandis que l'épopée nationale et les romans imités des Grecs en fran-
çais portent visiblement la marque du christianisme, supposent la
croyance en un Dieu personnel veillant sur ses créatures, le roman cel-
tique n'est chrétien qu'à la surface : par le fond, il appartient à un état
1 . H. d'Arbois de Jubainville, le Cycle mythologique irlandais.
2. Zeitschriftfiir Deiitsches Alterthum^ XXXII, p. 216, en note.
3. Cf. Méliisinc, IV, col. 36i.
JO REVUE CRITIQUE
religieux et philosophique inférieur, où des agents secondaires guident
seuls les destinées humaines. Si les figures en ont quelque ressemblance
avec celles de chansons de geste tardives, c'est que le cycle breton a de
bonne heure exercé une grande influence sur les autres genres de la
poésie narrative. Mais considérez les chansons antérieures à Chrétien
de Troyes : que les nouveaux preux, sans cesse en quête d^aventures
brillantes et puériles, ressemblent peu aux graves barons épiques dont
on chantait les exploits sur la vielle !
Ce sont, en fait, de véritables héros de contes de fées que ces premiers
chevaliers errants, dont les aventures se succèdent sans lien réel, mises
bout à bout comme les grains d'un collier ou d'un chapelet. Jamais,
comme l'observe très justement M. F., ils n'accomplissent d'action ayant
un caractère historique ou national. Excellente preuve que les plus
anciens romanciers ne se sont pas inspirés de Gautrei de Monmouth,
qu'ils ont puisé à de tout autres sources que VHistoria regiim Britan-
niae! D''autres peuples, aussi bien que les Bretons, ont transformé leurs
héros nationaux en personnages de féerie. Dans \esbylines russes, le roi
Beau-Soleil et sa Table- Ronde ne nous gardent presque aucun souvenir
des événements historiques du règne de S. Vladimir. Dans quel monde
irréel, fantastique, l'épopée germanique évoque les ombres d'Attila, de
Théodoric, des rois goths, burgondes, francs, de l'invasion barbare!
N'observons-nous pas souvent que la vérité historique, non contrôlée
par l'esprit critique, tend perpétuellement à s'altérer par la tradition,
pour se conformer à de certains types idéaux? Pour se rendre compte
d'un grand revers, d'une bataille perdue, l'imagination populaire a be-
soin d'un traître et le découvre à coup sûr. Chez les personnes médio-
crement instruites, l'histoire contemporaine prend habituellement le
caractère d'un roman de Dumas père. Moins la civilisation est avancée,
plus le type préconçu sera voisin du conte de nourrice. Voilà pourquoi,
sans doute, tant de héros épiques ou légendaires délivrent des princesses
enchantées, conquièrent de merveilleux trésors, sont vainqueurs de
géants ou de dragons. Lorsque des récits héroïques ont été répétés pen-
dant des siècles, ou qu'ils passent du peuple qui les a créés à un peuple
étranger, il est tout naturel que l'élément historique, national, contem-
porain en soit de plus en plus affaibli au profit de l'élément fictif, inter-
national, éternel. Telles sont les conditions dans lesquelles des légendes
bretonnes nous sont parvenues au travers de la littérature française du
moyen âge.
Le texte critique du Chevalier au Lion et les remarques dont il est
suivi font admirer une fois de plus en M. F. un des maîtres de la philo-
logie française, un de ceux à qui nous devons le plus de reconnaissance
pour le progrès de nos études. Des juges compétents ont apprécié et
loué cette édition, mais c'est à peine s'ils ont parlé de l'introduction,
bien qu'elle ait suscité à l'auteur des partisans et des contradicteurs éga-
lement zélés. Ne fallait-il pas enfin entreprendre de réfuter des doctrines
D HISTOIRE BT DK LITTKRATnRE 7I
auxquelles la grande et légitime réputation de M. Fœrster prête une
autorité si considérable?
Ernest Muret.
Cours de Littérature à l'usage des divers examens, par Félix Hémon,
professeur de rhétorique au Lycée Louis-le-Grand, Lauréat de l'Académie fran-
çaise.
40.-1° Chanson de Roland» VIII et 76 p. o fr- -jb .
41. — 2° Joinville, 52 p. o fr. 60.
42.-3° Montaigne. Paris, Delagrave. In-8, 1889, xxiv et 47, 36. 5i p, i fr. 25.
Si un professeur de rhétorique a une trentaine d'élèves, et qu'il s'avise
de leur donner à développer les sujets suivants : « Du merveilleux dans
la Chanson de Roland, — Caractère de Ganelon, de l'archevêque
Turpin, de Charlemagne, de Roland, — Comparaison d'Achille et de
Roland », il peut être certain que plus de la moitié de la classe lui
remettra d'excellentes dissertations, puisqu'elles seront toutes copiées
dans ce petit livre. Il n'est donc pas besoin de le recommander : je vois
déjà les écoliers qui aiment la besogne toute faite (et ils sont aujour-
d'hui, je sais bien pourquoi, plus nombreux que jamais) se précipiter
dessus, le mot n'est pas trop fort. M. Hémon ne leur laisse plus rien à
faire, rien à chercher, rien à trouver par eux-mêmes; il pousse la béné-
volence jusqu'à leur traduire en français moderne toutes les citations
qu'il donne de notre glorieuse épopée. C'en est fait ; sauf quelques
élèves laborieux et un peu rêveurs, ceux qui aiment l'étude pour l'étude,
il n'y en aura plus qui liront dans le texte la vieille Chanson.
Il en sera de même pour Joinville dont la langue est pourtant si
simple à la fois et si colorée. ^Est-il permis de couvrir d'un badigeon
moderne cette magnifique toile où Saint-Louis à la Massoure « paroit
dessus toute sa gent des les espaules en amont, un heaume doré en son
chief, une espee d'AUemaingne en sa main »? M. H. n'a pas reculé
devant cette profanation, et pourtant son livre n'est pas destiné aux
bambins des écoles primaires, puisqu'il le fait précéder d'une Histoire
sommaire du genre historique, à laquelle ils ne comprendraient rien. Je
suis bien forcé de louer ce chapitre, aussi bien que les jugements rapides
et sûrs que l'auteur porte sur les historiens de la France ancienne et
moderne. Seulement la postérité ratifiera-t-elle celui-ci : « Thiers est
politique, diplomate, tacticien, financier, toujours clair et facile, jusque
dans les questions les plus compliquées »? J'en doute, et bien d'autres
avec moi. En attendant on peut dire, sans scandaliser personne, que
c'est un écrivain médiocre : or (je ne sais plus trop qui a dit cela), il
n'y a que les ouvrages bien écrits qui passent à la postérité, et à condi-
tion qu'ils ne soient pas trop volumineux, ajouterai-je.
Le travail sur Montaigne sera, plus encore que les deux précédents,
recherché par nos élèves. C'est un recueil de devoirs tout faits et bien
taits, tels que les compose un protesseur de rhétorique qui sait écrire.
72 REVUR CRITIQUE
Je me contenterai d "en citer quelques-uns : « Quels auteurs ont parlé de
1 amitié? — Les moralistes du xvii'= siècle et l'amitié. — Rabelais et
Montaigne (comment ils comprennent Finstitution des enfants). —
Quels sont les traits généraux de la morale de Montaigne? — Compa-
raison de Montaigne avec Pascal. — Le moi de Montaigne est-il haïssa-
ble?, etc. » .Te n'ai pas besoin de dire que tous ces sujets sont traités
avec netteté, avec précision, avec élégance, mais cela ne m'empêche pas
de regretter que M. H. ait vidé ses tiroirs. Parmi les livres à consulter
sur la langue de Montaigne, il indique la thèse de Voizard : M. Hémon
ignorerait-il qu'elle contient beaucoup plus d'erreurs que de pages?
A. Belboulle.
43. — Henri Blaze de Bury. Jeanne tVArc. Paris, librairie académique Didier,
18S9. I vol. in-8, 525 pages, -jfv. 5o.
Le sujet de Jeanne d'Arc, qui semble épuisé, ne cesse de tenter les his-
toriens ou ceux qui veulent mériter ce titre. Mais parmi les ouvrages
nombreux qui paraissent sur la. bonne Lorraine, bien peu nous appor-
tent des documents ou des jugements nouveaux : nous ne faisons ici ex-
ception que pour les beaux livres de M. Siméon Luce et de M. l'abbé
Chapotin qui se combattent l'un l'autre, pour la magnifique histoire de
Charles VII par M. de Beaucourt et encore pour la curieuse disserta-
tion de M. Alexandre Sorel sur la prise de Jeanne d'Arc devant Com-
piègne, M. Blaze de Bury rentre dans la règle commune, avec cette cir-
constance aggravante qu'il eût pu faire son profit des livres cités; mais
il a préféré les ignorer complètement. Ne cherchez point dans son ou-
vrage si les franciscains ont agi par leurs prédications sur Pesprit de
Jeanne et si les dominicains se sont toujours montrés ses adversaires;
ne vous attendez pas à y trouver, même après les travaux de M. de
Beaucourt, un portrait équitable de Charles VII; vous y lirez, p. 45 :
a Charles était tout à ses plaisirs, à ses favoris, à ses maîtresses : mais à
le voir si médiocre, si absolument incapable et si nul... on se demande
comment le ciel fit des miracles à propos d'un tel damoiseau »; cf. p. 119;
— enfin ne demandez pas à Pauteur de vous raconter les détails 'nou-
veaux que M. Sorel nous a livrés sur le siège de Compiègne. Si M. B.
de B. n'est pas au courant des travaux modernes, a-t-il au moins lu les
chroniques anciennes? Il a sans doute puisé à quelques-unes directe-
ment, et il affecte d'en citer, entre guillemets, des phrases ou des mots
assez insignifiants : il en connaît d'autres par les extraits donnés dans
les ouvrages de seconde main. Mais il ignore la valeur relative de ces
documents. Pour un fait, il renvoie en note aux auteurs suivants (voir
note de la page 48) : « Voy sur tout cela (sic) : Plistoire de la Gaule (??);
Histoire de Richemont; Chronique de France; Villaret; Lenglet du
Fresnoy; Hume, History of En gland : Lebrun des Charmettes; Ber-
ryat-Saint-Prix ». Aussi, comme bien l'on devine, les petites erreufs
OHISTOIRB ET DB LITTÉRATURE jS
sont assez nombreuses. Je lis, p. 48 : « Les Anglais, au commencement
de 1428, étaient plus redoutables que jamais», et un peu plus loin: « La
rencontre eut lieu vers l'entrée de la nuit, à Rouvray-Saint-Denis,
12 février 1428 ». Je suis bien obligé de conclure de ces deux passages
rapprochés que M. B. de B. ne sait pas la différence entre le vieux et le
nouveau style ; il faut lire 1429 de part et d'autre. J'admets que Marey,
p. i3, est une faute d'impression pour Maxey ^ ; mais comment ne pas
relever des phrases de ce genre : « Domrémy, hameau à trois lieues au
sud de Vaucouleurs et dépendant du village de Greux, terre française
comprise dans le domaine immédiat de la couronne, depuis le mariage
de Philippe le Bel, avec l'héritière de Navarre et de Champagne. » Pour-
tant il est certain que, pour la première fois, la châtellenie de Vaucou-
leurs fut achetée à Jean de Joinville, par Philippe VI en i335. Il est
aussi faux d'écrire, p. 28 : « Les États-Généraux, à la mort de Louis X,
en i3i6, confirmèrent la loi salique >, etc. Ce sont peut-être là des vé-
tilles; M. Blaze de Bury a voulu faire avant tout œuvre littéraire, pro-
bablement pour cela il a emprunté à la musique et à la peinture une
série de métaphores, assez incohérentes, et écrit parfois des phrases très
sonores, mais dont le sens précis échappe. P. 18 : « Jeanne a commerce
avec des saintes, cause avec l'archange Michel et son confesseur n'en sait
rien. On dirait un protestantisme baigné de mysticisme et qui s'ignore. »
P. 3i : « Je me figure un Van Eyck, traduisant selon son art le poème
dantesque de cette vie, quel tableau et quels allégorismes. » P. 471 :
« Celte colombe (celle qui s'échappa du bûcher de Jeanne), n'était peut-
être qu'un vulgaire pigeon du voisinage. On aimerait pourtant voir en
elle un symbole. Lorsque naquit à Bethléem celui dont le divin nom
venait de s'exhaler dans le dernier soupir de Jeanne, les anges empli-
rent le ciel d'un splendide magnificat sur ces paroles : Gloria, etc.
Supposez un idéaliste mystique, Van Eck (sic), Albert Clavser ou fra
Angelico voulant feindre le retour de ce cri sublime tombé du ciel et
I que la terre lui renvoie. Comment s'y prendra-t-il, sinon en s'inspirant
' de la colombe, emblème du vœu de réconciliation universellepour lequel
vécut et mourut Jeanne d'Arc, l'âme par excellence de son peuple et du
genre humain, l'âme de l'infinie bonne volonté. » Voir encore, p. 499
et passim.
j 11 serait injuste de ne pas ajouter que, si l'on fait abstraction de phra-
ses semblables, on lit le livre avec assez de plaisir. L'histoire de Jeanne
d'Arc est si attachante qu'il faut toujours remercier ceux qui vous don-
nent l'occasion de la repasser ~.
Ch. Pfister.
1. P. 488, il faut lire i558, au lieu de i638.
2. Notre article était écrit, quand nous avons appris que ce livre était composé
depuis assez longtemps : il a été trouvé dans les papiers de M. Blaze de Bury.
Quelques-unes de nos critiques tombent par suite ou, pour mieux dire, elles s'a-
dressent aux éditeurs qui n'ont rien fait pour mettre le volume au courant des der-
nières découvertes de la science.
74 REVUE CRITIQIIK
44. — GioD\ (Carlo), dirolnnto Moi>ono cd i suoi tcmpi, studio storico. Un vol.
iii-i2, 37D IV. Turin, i\iravia, iBijy. 4 tr.
C'est une bonne biographie du célèbre homme d'État milanais (1470-
1529), qui servit successivement avec une égale fidéhté et trahit avec la
même désinvolture Ludovic Sforza, Louis XII, Maximilien Sforza,
François L'' et Charles-Quint. Après les deux recueils de Muller et Pro-
mis, Lettere cd ora^ioni latine di Girolamo Morone, &i Documenti che
concernono la vita pubblica di G. M., il n'y avait plus beaucoup de do-
cuments inédits à rechercher. M.Gioda en a retrouvé quelques-uns, qui
ne sont pas tous bien importants, et les a très habilement mis en œuvre.
Son travail sera utile, non seulement pour la connaissance de son héros,
mais aussi pour Thistoire générale du Milanez de i5i2 à 1527. Les cha-
pitres Vil et IX consacrés à l'histoire de la tentative faite par Morone
pour délivrer l'Italie de la domination espagnole, de son emprisonne-
ment à Pavie, de son essai d'évasion et de sa délivrance moyennant ran-
çon, sont particulièrement bien traités et intéressants. Le commentaire
de la Conjessione de Morone et l'appréciation de cette tentative patrio-
tique (ch. vni, p. 200-83), me paraissent confus et superficiels. M. G. a
mis en tête de son livre une introduction relative à Ludovic Sforza etfà
la conquête du Milanez par Louis XII, qui est absolument insuffisante,
et qui ne s'explique guère, puisque l'auteur ne raconte la vie publique
de Morone qu'à partir de 1499. Il n'est pas juste d'y écrire : « S'avan-
^ano i Francesi condotti dal Triid^io ». J.-J. Trivulce n'était que le con-
dottiere de Louis XII et non son conduttore. La conduite de Trivulce
dans toute cette affaire fut au reste plus qu'ambigiie. — Les causes de là
chute du More ne me semblent pas bien comprises (p. 16). — Ludovic
Sforza est mal apprécié comme diplomate (p. 18). — (p. 3o), à propos de
J. Antiquario, secrétaire d'état aux affaires ecclésiastiques sous L. Sforza,
M. G. aurait pu dire qu'il persévéra dans sa fidélité au More et n'ac-
cepta aucun emploi de Louis XII ; (on ne retrouve son nom sur aucun
acte des archives après le 2 septembre 1499.)— (P. 342), une note rela-
tive à Marina, abbate di Noqera, annoncée dans le texte, manque. — Les
documents annexés à ce travail comprennent des lettres de Morone à
Francesco Guicciardini, à Vitello Vitelli, à la Balia de Sienne, et des
documents relatifs à Jean de Médicis délie Bande Nere, qui mettent en
plein jour cette intéressante figure de condottiere. On ne saurait donc
reprocher à M. Gioda d'avoir parfois dépassé le cadre d'une simple bio-
graphie, car l'histoire de cette période troublée y trouve toujours un réel
profit.
L. G. P.
d'histoire KT de LITTÉRATUIIK j5
45-46. — Ueiti-BCge zui' Ge^cliichte und I^îteratui» clei" Italienischen
Gelelii'tenrenaîs&ance, par le Dr. Theodor Klette. I et II. Greifswald, J.
Abel, 1888 et 1889, 2 vol. de 59 et v-iio p.
Les recherches sur l'humanisme continuent à être aussi nombreuses
en Allemagne que rares chez nous. Voici deux brochures d'un nouveau
travailleur, M. Th. Klette, qui commencent une série et en font bien
augurer. La première est consacrée à une question d'histoire littéraire
assez importante, la distinction des deux Jean de Ravenne, Giovanni
Conversano et Giovanni Malpaghini, qui vivaient en même temps, à la
fin du XIV* siècle et au début du xv«, et dont la biographie avait fini par
se confondre. Cette confusion se trouve encore dans le livre de M. Voigt
sur le premier siècle de l'humanisme. M. Sabbadini l'a relevée dans le
Giornale storico de i885. C'est le second Jean de Ravenne, Malpa-
ghini, qui fut l'élève et le secrétaire de Pétrarque (entre les années i36i
et 1374) ; il devint plus tard professeur à Florence, en même temps que
Manuel Chrysoloras, au sujet de qui le travail de M. K. est également
à consulter '. Je crois savoir que M. Novati, outre les lettres de Salutati
adressées aux deux humanistes homonymes, a en main des documents
nouveaux et précis sur la question.
Le second fascicule de la série est relatif à Leonardo Bruni, d'Arezzo,
aux travaux du chancelier florentin, et surtout au dialogue De tribus
vatibusjJorentinis, auquel M. K. conserve le titre des manuscrits : Leo-
nardi Aretini ad Petriim Pauliim Istrum dialogus. Voilà un opuscule
bien fortuné : \si Revue rendait compte récemment (1889, II, p. 282), de
l'édition qu'en a donnée M. K. Wotke;le Giornale ^^or/co annonce
à son tour(xiv, p. 299) que M. Giuseppe Kirner vient d'en publier une
autre à Livourne. 11 y a dix ans, M. Voigt exprimait le désir de voir
réimprimer ce curieux document littéraire, qu'on ne pouvait consulter
qu'en des éditions anciennes et incomplètes. Son souhait a été exaucé,
au-delà même, puisque trois érudits viennent de se livrer simultané-
ment au même travail. Je n'ai pas vu le travail italien, mais l'une des
deux publications allemandes était superflue; comparaison faite, je
conseille l'usage de l'édition de M. Klette.
P. DE NOLHAC.
47. — Ch. FlERVILLE. Voyage anonyme et inédit tl'un Janséniste en
Hollande et en Flandre en i68i; étude historique d'après un manuscrit de la
Bibliothèque du Havre. Paris, Champion, un vol. in-8 de 76 pages, 18S9.
Il ne s'agit pas ici d'une publication complète; M. Fierville a sim-
plement extrait d'une relation manuscrite en 294 pages, conservée à la
I. L'auteur n'a pu connaître l'hypothèse développée, depuis son travail, dans le
Propugnaiore, par M. G. Mazzoni, que Malpaghini pourrait être le copiste des
parties non autographes du Çaii;[omere de Pétrarc^ue {Vai. 3igb).
76 REVUE CRITIQUE
bibliothèque du Havre, les passages qu'il a jugés les plus curieux et les
plus instructifs. L'auteur de cette relation, le docteur de Sorbonne
Ch. Lemaître, n'est pas assez célèbre pour intéresser la postérité au récit
fort peu littéraire de ses aventures de voyage, et nous possédons trop
de relations analogues, imprimées aux xvii^ et xvni* siècles, pour
avoir besoin de la sienne. C'est donc avec raison que M. F., tout
en multipliant dans la mesure du possible les citations textuelles, s'est
contenté de faire connaître, grâce à des extraits habilement groupés, le
manuscrit du Havre. Ces extraits sont précédés d'une notice, et des
notes d'une grande précision éclaircissent toutes les difficultés qui pour-
raient arrêter le lecteur. La date même de ce voyage, trois ans après la
paix de Nimègue, et la situation très particulière de celui qui l'a entre-
pris, un janséniste obligé de fuir pour éviter la Bastille ou même les
galères, sont des raisons plus que suffisantes pour justifier cette publi-
cation, fort bien faite sans doute, mais dont M. Fierville, habitué à des
travaux d'une tout autre valeur, ne s'est nullement exagéré l'importance.
A. G.
48. — K onrad Stahn, Die Ursaclien den Rseumung Belgiens im Jahre
1794, ein Beitrag zur Geschichte der Revolutionskriege. Bunzlau, Kreuschner,
1889. In-8, 60 p. I mark 5o.
M. Stahn revient sur une question déjà traitée par M. de Zeissberg.
Il croit que la Belgique fut évacuée en 1794 parce que l'armée austro-
anglaise était inférieure en nombre aux envahisseurs, aux « puissantes
masses » des Français et que Waldeck voulait l'abandon du pays et
dirigeait dans ce sens les opérations de la guerre (eigenmàchtige aiif
Preisgabe des Landes gerichtete Kriegfiihriing, p. 58). Selon M. Stahn,
on a tort de reprocher à Thugut son Interesselosigkeit pour la posses-
sion de la Belgique; Thugut s'efforça, au contraire, de vaincre l'inva-
sion française par tous les moyens qu'il put employer, sommant les
Etats des provinces belges de le soutenir, pesant sur les puissances mari-
times, tachant d'envoyer sur le théâtre de la guerre les 12,000 hommes
de Blankenstein et les 20,000 Prussiens promis par le traité d'alliance :
la politique anglaise fit échouer les efforts de Thugut. Les conclusions
de M. Stahn ne nous semblent pas acceptables de tout point; mais son
travail est consciencieux, plein de faits et de textes, et il sera très utile.
A. C.
Camillo Antona-Traversi, prof, di lettere italiane nel collegio militare di Roma :
49. — I. 1%'uovS etud jlettei-«i'j. Milano, 1889, in-12, 435 pages.
50. — II. Cui-loBità Foscoliaiie in gran parte inédite. Bologna, 1889, in-12,
426 pages.
DI. III. Il catalogo di manoscritti inediti di Giacomo Leopardi sin qui posse-
duti da Antonio Ranieri. Città di Castello, 1889, in-8, 3i pages.
52. — IV. L'Edipo dl Ugo Foscolo, schéma di uiia tragedia inedita ©ra la prima
volta pubiicato. Citià di Castello, 1889, in-8, 38 pages.
I. Les nouvelles études littéraires de M. Camillo Antona-'Traversi
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 77
portent sur les objets les plus divers ; les trois premières concernent
Monaldo Leopardi ; des quatre suivantes deux se rapportent à Ugo Fos-
colo et les deux autres àManzoni; la huitième comprend quelques
chants recueillis à Recanati, la neuvième, des lettres inédites de Guer»
razzi, enfin « quelques mots au sujet de Giuseppina Guacci Nobile »,
font l'objet de la dixième et dernière.
On sait a quel point l'attention s'est reportée en ces dernières années
sur le père calomnié de Leopardi ; on s'est attaché à le laver du reproche
de cruauté ou du moins de dureté envers le jeune poète; mais en l'étu-
diant de plus près, on n'a pas tardé à découvrir que Monaldo Leopardi
était une figure aussi originale que curieuse, sinon toujours sympathi-
que, et qu'il se recommandait par ses connaissances étendues et son ta-
lent d'écrivain, non moins que par la dignité de son caractère. C'est sous
un aspect tout particulier, comme journaliste, que M. G. A. -T. cher-
che à nous le faire connaître aujourd'hui. Après avoir collaboré à la
Voix de la vérité, feuille ultra-conservatrice publiée à Modène, écrit
un pamphlet, les Dialoghetti, qui eut un grand retentissement, le père
de G. Leopardi, fonda un journal qu'il devait diriger à lui seul, ce fut
la Voce délia Ragione, destinée à défendre les idées théocratiques et
monarchiques et à combattre le libéralisme chaque jour plus envahis-
sant; le premier numéro parut le 3i mai i832 ; accueilli non sans fa-
veur tout d'abord, lu à la cour pontificale, le nouveau périodique ne
vécut cependant que quarante-trois mois; un article sur Deutz, le com-
pagnon infidèle de la duchesse de Berri, déplut au pape Grégoire XVI,
qui avait trop bien accueilli cet aventurier; un autre article sur Y École
de Lamennais, ne le mécontenta pas moins; il fit renvoyer le numéro où
cet article se trouvait, et l'éditeur reçut l'ordre de supprimer dans les deux
numéros suivants tout ce qui était de Monaldo ; c'était un désaveu formel
qui était infligé à celui-ci ; il prit aussitôt la résolution de suspendre la
publication de son journal et à partir de ce moment la Voix de la raison
cessa de paraître. Monaldo a raconté lui-même dans les Mémoires repro-
duits par M. G. A.-T. l'histoire de la fondation et de la disparition de
cette revue, dont l'existence fut si courte. On rencontre partout dans
cet écrit l'accent de sincérité qui faisait le fond de son caractère et ce
style grave et simple qui lui est propre, G'est une note plus douce qu'on
entend dans les lettres inédites du père de Leopardi, au moins dans les
cinq premières, qui ne s'occupent que du jeune poète; mais une affaire
de famille, le projet de mariage de son second fils Carlo avec sa cousine
germaine Paulina Mazzagalli, alliance qu'il regardait comme inces-
tueuse, est venu irriter Monaldo; on retrouve l'écho de son indignation
dans les deux dernières lettres à Giacomo que nous donne M. G. An-
tona-Traversi. Monaldo d'ailleurs ne s'en tint pas là ; il écrivit une
« condamnation » motivée du mariage qu'il voulait, mais ne put em-
pêcher, et qu'il finit par pardonner. C'est le troisième des documents,
qui concernent cet homme austère, mais bon, dont le plus grand tort
78 REVUE CRITIQUE
fut de ne pas comprendre son temps et d'être supérieur à son entourage.
Des deux articles qui se rapportent à Ugo Foscolo, le premier étudie
et nous fait connaître les vers que Fauteur de Jacopo Ortis écrivit dans
sa première jeunesse, de 1793 à 1797 ; ils ne sont pas sans intérêt pour
refaire Thistoire de ses idées et de son développement poétique. Dans le
second article M. C. A.-T. nous donne trois billets adressés à la « sage
Isabelle » ; c'est un épisode curieux de l'histoire des amours d'Ugo Fos-
colo, et il nous est raconté avec une abondance de renseignements qui
en rehausse le prix.
Les deux articles consacrés à Manzoni sont peut-être d'un intérêt trop
italien et grammatical pour ne pas paraître un peu longs à des étran-
gers; le premier est une étude de 42 pages sur Pexpression « irrevocati
di », employée par l'auteur dts Promessi sposi dans le chœur de l'A-
delchi ; on s'étonne que cette expression ait suscité tant de disputes et de
si longs commentaires, bien plus, il faut l'avouer, qu'on ne s'y inté-
resse. Le second article où M. C. A.-T. compare les deux éditions
données en 1827 et 1840 par Manzoni de ses Promessi sposi, est plus
fait pour arrêter. Lorsqu'il composa son célèbre roman, Manzoni n'é-
tait point persuadé de la nécessité pour l'Italie d'avoir une langue litté-
raire; les provincialismes abondent aussi dans la première rédaction ;
plus tard ses idées se modifièrent, et regardant maintenant le toscan
comme le seul dialecte vraiment littéraire de la Péninsule, il changea
son premier texte et remplaça les formes et les tournures lombardes qui
s'y trouvaient par des expressions toscanes; M. C. A.-T. montre, bien
qu'on ait dit le contraire, que cette transformation n'a pas toujours été
heureuse et que plus d'une fois le texte primitif des Promessi sposi est
préférable au texte amendé.
Je me bornerai presque à remercier M. C. A.-T. de nons avoir donné
les 44 chants recueillis à Recanati ; un cousin de Leopardi, Pier Fran-
cesco, en avait déjà publié 16; on voit que le jeune et savant éditeur a
singulièrement accru la collection et on ne saurait trop louer l'intro-
duction qui la précède. On lira aussi avec intérêt la lettre « à ma
mère », placée en tête du « Bref discours prononcé aux funérailles de
Giuseppina Guacci Nobile » ; mais c'est là tout ce que j'en dirai. Les
lettres inédites de Francesco Domenico Guerrazzi veulent, au contraire,
que je m'y arrête; publiées deux jours avant l'inauguration du monu-
ment élevé dans Livourne au célèbre écrivain, elles complètent la cor-
respondance publiée par Giosuè Carducci et achèvent de nous faire con-
naître cette personnalité sympathique et curieuse. Elles sont au nombre
de 3o et ont été écrites de 1860 à 1868 ; quelques-unes ont un caractère
politique, qui en rehausse l'intérêt, les autres sont des lettres d'affaires
ou familières; la plupart de ces dernières ont été adressées au père de
M. C. A.-T.; on comprend sans peine qu'il s'en soit fait l'éditeur.
II. Les Curiosités Foscoliennes portent sur les points les plus divers
de la vie du chantre des Sépiilchres et offrent l'intérêt le plus différent.
D HISTOIRE ET DE LITllOK V I URl; 79
Elles sont précédées d'un long avis « au Lecicnr », dans lequel M. C.
A.-T. examine diverses questions se rapportant aux œuvres d'Ugo
Foscolo et en particulier la question de la propriété des lettres adressées
à un correspondant; puis viennent une pièce de vers du genre bcrnes-
que « au seigneur Zanetti », deux lettres inédites de Foscolo adressées à
la comtesse d'Albany, auxquelles en est jointe une autre publiée en
1872 par Bianchini dans le Novellatore, deux fragments inédits de
ïOde aux Grâces, ensuite trois lettres d'Ugo Foscolo au comte Dionigi
Roma, ainsi que trois autres lettres inédites de Quirina Magiotti à An-
dréa Calbo, l'Ode « aux Républicains », dédiée par le poète à son frère
Gioan-Dionigi, les diverses éditions, fidèlement reproduites, de !'« Ode
à Bonaparte, libérateur de l'Italie », suivies du commentaire qu'en a
fait Giovanni Antonio Restini; on trouve ensuite les documents publiés
par Achille Neri concernant le « Discours sur Tltalie » et 1' « Ode ù
Bonaparte » du grand poète et une étude intitulée « Ugo Foscolo et
TAutriche (1814-1815) », dans laquelle M. C. A.-T. examine lattitude
de l'auteur de Jacopo Ortis vis à vis la vieille ennemie de l'Italie; elle
est suivie du « Capitolo » à Leopoldo Cicognara sur « Tanimal gracieux
et bénin, qui s'appelle journaliste », ainsi que d'une lettre curieuse du
typographe G. Ruggia, de Lugano, adressée à l'amie d'Ugo Foscolo,
Quirina Magiotti, le 28 août 1837, avec les trois réponses de cette
femme célèbre; enfin un article, intitulé a Ugo Foscolo académicien »,
termine ce long recueil dont les indications qui précèdent font connaî-
tre la nature et pressentir l'intérêt.
Tout n'a pas la même valeur littéraire, sans doute, dans ce recueil;
mais les divers articles qu'il renferme contribueront à éclaircir plus
d'un point obscur ou peu connu de la vie d'Ugo Foscolo; les deux let-
tres à la comtesse d'Albany, ainsi que les trois lettres inédites de Qui-
rina Magiotti à Andréa Calbo sont surtout curieuses; grâce au com-
mentaiie et à l'étude qui les accompagnent, les premières nous font
connaître les rapports du poète avec l'ancienne amie d'Alfieri, les autres
nous montrent Ugo Foscolo dans son exil de Suisse, son incertitude
et sa retraite définitive en Angleterre, ainsi que la tendresse inaltérable
et vigilante de Quirina Magiotti pour lui. La correspondance de la
même Quirina avec le typographe Giuseppe Ruggia renferme aussi des
renseignements précieux sur les œuvres du poète. On voit par là tout
ce qu'offrent d'intéressant les, Curiosités Fosco Hennés, mais on doit leur
reprocher la longueur de quelques-uns des articles qui les composent.
III et IV. C'est à Ugo Foscolo et à Leopardi que se rapportent en-
core les deux brochures de M. C, A.-T. dont on a lu plus haut le titre ;
la première renferme le « Catalogue des manuscrits inédits » du poète de
Recanati; c'est assez en dire Tintérêt. La seconde se compose d'une pe-
tite étude sur le plan inédit d'un Œdipe d'Ugo Foscolo; celte tragédie
. ne devait rien avoir de semblable dans la pensée de son auteur avec
celle de Sophocle; ce n'est pas par là seul qu'elle lui était inférieure,
8o REVUE CRITIQUE D^HISTOIRE ET DE LITTERATURE
mais il n'était pas moins intéressant de la connaître et il faut remercier
M. C. Antona-Traversi de nous en avoir donné le plan.
Ch. J.
CHRONIQUE
ALLEMAGNE. — La maison Trùbner publiera prochainement: i° ]es Pumca de
Silius Italicus, livres I-X, par L. Bauer ; 2" des Mythologische Beitrcege de
"W. Drexler ; 3° Die Lehre von den Redetheilen bei den lateinischen Grammatikern,
par L. Jeep.
— Les frères Paetel (Berlin, 7, Lûtzowstrasse), ont publié la i'» série d'une collec-
tion intitulée « Réimpressions berlinoises », Berlinev Neudrucke, et dirigée par
MM, L. Geiger, B.-A. Wagner et G. Ellinger. Cette première série contenait six
volumes (chaque volume, 3 mark; les six volumes, 12 mark); I.-II. Le Kleyner fei-
ner Almanach de Nicolai, 1777 et 1778. p. p. G. Ellinger; IIL Nicolaus Peuckers
Wohlklingende Pauke {lôSo-iôyS) und drei Singspiele Christian Reuters (ijoS
u. lyioj, p. p. G. Ellinger; IV. Musen und Gra:(ien in der Mark, Gedichte von
F. W. A. Schmidt, p. p. L. Geiger; V et VL Von gelehrten Sachen, année 1751
de li Berlinische privil. Zeitung, p. p. B.-A. Wagner. Une seconde série des« Réim-
pressions berlinoises» vient de commencer; le premier volume est le Musenalma-
nach auf das Jahr 1806, de Chamisso et Varnhagen, que publie M. L. Geiger :
paraîtront ensuite : Jiilius von Voss, Faust, Trauerspiel mit Gesang und Tan:{. Ber-
lin, 1823; Berlinev Lieder aus den Jahren ij86 bis 1806; Volkslieder auf Frie-
drich den Grossen, mit besonderer Berûcksichtigung des siebenjcehrigen Krieges.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES^LETTRES
Séance du i y janvier 18 go.
M. le Secrétaire perpétuel donne lecture des lettres par lesquelles M. le d' Hamy
et M. le duc de laTrémoïlle se portent candidats à la place de membre libre vacante
par la mort du général Faidherbe. Il faut ajouter à ces noms celui de M. Dieulafoy,
dont la lettre a été lue à la dernière séance.
L'Académie décide qu'il y a lieu de pourvoir à la place de membre ordinaire, va-
cante par la mort de M. Pavel de Courteille. L'examen des titres des candidats aura
lieu dans la séance du 3i janvier.
Une commission sera élue à la prochaine séance pour proposer des candidats à la
place d'associé étranger, vacante par la mort de M . Cobet.
Sont élus membres de la commission de la fondation Benoît Garnier, MM. de Vo-
gué, Barbier de Meynard, Senart, Maspero.
L'Académie se forme en comité secret.
Ouvrages présentés : — par M. Wallon : Dutreuil de Rhins (J.-L.), VAsie centrale
CThibet et régions limitrophes), texte et atlas; — par M. l'abbé L. Duchesne : i* Le
Liber pontificalis, publié par l'abbé L. Duchesne, 5« \\\T&\son (Bibliothèque des Eco-
les françaises d'Athènes et de Rome); 2» Clerval (Pabbé A.), la Famille Chardonel,
en latin Cardinalis, et les vitraux de la chapelle du Pilier dans la cathédrale d» Char-
tres ; — par M. de Rozière : 1° Tardif ^Adolphe), Recueil de textes pour servir à
renseignement de l'histoire du droit : Coutumier d'Artois. Coutumes de Toulouse,
Coutume de Lorris ; 1" le même, le Droit privé au xin' siècle d'après les coutumes de
Toulouse et de AJontpellier; 3''Tanon, Notice sur le formulaire de Guillaume de Pa-
ris; 4° Beautemps-Beaupré, Coutumes et Institutions de l'Anjou et du Maine anté-
rieures au x\i* siècle, tome !«••.
Julien Havkt.
Le Propriétaire-Gérant: ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 5 — 3 février — 1890
Sommaire : 53. Pischel et Geldner, Etudes védiques, I. — 54. Tolstoï et
KoNDAKOv, Les antiquités scythes-sarmates, II. — 55. Poiret, Horace, étude
psycinologique et littéraire. — 56. Tite-Live, xxxi-xxxv, p. p. Zingerle. — 5j.
Tacite, Agricola, p. p. Schœne. — bS. Weyland, L'Apocalypse de S. Jean. — 5g.
Tanzi, La chronologie d'Ennodius. — 60. Stapfer, Rabelais. — 61. Bourgoing,
Les maîtres de la critique au xvii« siècle. — 62. Finot, Port-Royal et Magny. —
63. SoucAiLLE, Etat monastique de Béziers avant la Révolution. — 64. De Nolhac,
Le château de Versailles au temps de Marie Antoinette. — 65. Wallon, Les re-
présentants en mission, II!. — Chronique. — Académie des Inscriptions. —
Société de» Antiquaires de France.
53. — Vedlsclie Studien, von Richard Pischel und Karl F. Geldner. I Band.
Stuttgart, W. Kohlhammer, 1889. In-S, xxxiij-328 pp.
Maintenant que le Rig-Véda a déjà été traduit nombre de fois, dans
son ensemble ou par fragments, ie moment semble venu d'essayer de le
comprendre. C'est à quoi s'emploient aujourd'hui deux éminents exé-
gètes, qui, sinon les premiers, du moins avec plus de décision et de
vigueur qu'aucun de leurs devanciers, dénoncent comme surannées et
inexactes les anciennes méthodes d'interprétation, et, ne voulant voir
dans le Rig-Véda qu'un livre exclusivement hindou, se refusent à l'ex-
pliquer autrement que par l'ensemble de la littérature hindoue. Selon
MM. Pischel et Geldner, on a lait fausse route jusqu'à présent en pré-
tendant éclairer l'un par l'autre le Véda et la mythologie indo-euro-
péenne : au lieu de descendre des Indo-Européens, que nous ne con-
naissons pas, aux poètes védiques, que nous connaissons fort peu, il
fallait remonter à ceux-ci en partant de la littérature sanscrite classique,
bien plus aisément accessible, et alors on se serait aperçu qu'il n'y avait
dans les Védas rien d'indo-européen (p. xxix, p. 81, etc.), rien que de
purement hindou, rien enfin qui se référât, de près ou de loin, à la pré-
histoire de notre race.
Il y a certes beaucoup de vrai dans ces idées, et je dirais volontiers
que j'en aime jusqu'à l'exagération : peut-être ne saurait-on trop pré-
munir les védisants et les indogermanistes contre l'illusion d'une
« Bible aryenne ». Néanmoins, l'exagération est évidente : de ce que le
Véda est hindou, l'Iliade et l'Odyssée grecques, les Nibelungen germani-
ques, s'ensuit-il qu'ils n'aient rien à nous apprendre sur le vieux fonds
indo-européen d'où ils sont certainement issus ? leurs ressemblances,
SI souvent et si ingénieusement relevées, seraient-elles dues au hasard
Nouvelle série, XXIX. 5
82 REVUE CRITIQUE
OU à Temprunt ? ou ces œuvres ne sont- elles pas bien plutôt les
copies multiplie'cs et indéfiniment grossies d'un manuscrit princeps que
les conteurs du temps jadis portaient dans leur mémoire? Je vais plus
loin : par cela même que les Védas sont incontestablement, dans quel-
ques-unes de leurs parties., plus rapprochés de la source commune que
la plupart des autres documents littéraires parvenus jusqu^à nous, on
doit penser qu'ils ont plus de chances d'avoir conservé, sans trop les
travestir, certains mythes indo-européens moins fidèlement reproduits
ailleurs; et la preuve en serait aisée à taire, si elle n'avait déjà été cent
fois faite. Je suppose, par exemple, que M. Pischel ait raison (p. 77 sq.)
d'assimiler le sens primitif du célèbre mot gandharvd sl celui de gârbha
(germe, embryon) ^ : qu'en résulte-t-il de décisif quant à l'assimilation
étymologique et mythique, depuis longtemps reconnue, des Gandharvas
et des Centaures? Ces « embryons des eaux » (les nuages tonnants et
flottants?), dont les Hindous ont fait des génies et des musiciens célestes,
i'imaginaiion hellénique a bien pu en faire des monstres biformes et
fougueux, sans que l'unité du concept primitif cesse de nous apparaître,
une fois dégagée des ornements postérieurs qui la dissimulent. En
somme, une mythologie isolée, tout comme une langue prise à part,
est et demeure à jamais impuissante à rendre raison d'elle-même et de
ses origines : là où le secours de la comparaison fait défaut, comme
dans les théogonies mexicaines ou péruviennes, je conçois qu'on se
résigne à s'en passer; je comprendrais moins bien qu'on s'en privât de
parti pris lorsqu'on l'a sous la main.
Ces observations, encore une fois, ne tendent nullement à infirmer la
valeur de la méthode de MM. Pischel et Geldner. Bien au contraire, je
suis convaincu, comme eux et comme les chefs incontestés de l'école
sanscrite française, que, pour bien comprendre les Védas, il faudra
savoir oublier provisoirement les mythologies étrangères et remonter,
du plus connu au moins connu, la filière de la littérature hindoue. Les
résultats scientifiques d'un semblable travail n'apparaissent nulle part
mieux que dans Tinterprétation des légendes que les Hindous se sont
plu à rééditer souvent au cours des âges et dont la Grèce ne nous offre
point l'équivalent, par exemple la curieuse aventure de Purûravas et
Urvaçî, traduite en dialogue dans l'hymne R. V. x. 95. Bien que
M. Geldner (pp. 243-295) ne prétende pas avoir élucidé dans ses der-
niers détails ce texte exceptionnellement obscur, et que plusieurs de ses
conjectures doivent être tenues pour très hasardées 2, il est incontestable
1. Je ne sais jusqu'à quel point il est permis d'identifier deux mots parce qu'ils
semblent se substituer l'un à l'autre dans deux formules védiques de sens analogue.
C'est donner bien de la précision et de la raideur au formulaire si vague et si élas-
tique de cette poésie où les mots remplacent les idées.
2. De ce nombre est dhûnayas c< musiciens » (p. 269). La dernière partie de la st.
R. V. VU. 5b. 8. est à peu près inintelligible, telle que M. G. la construit. Le
plus probable, c'est que le gén. çârdhasya dépend de mânâmsi, et que l'ensemble
signifie « les cœurs de la troupe hardie sont fougueux comme un ascète en colère ».
On connaît la puissance surhumaine que la littérature classique attribue à ce per-
sonnage.
d'MISTOIRB et DR LITTÉRATURB 83
que sa traduction réalise un sérieux progrès. Il a surtout, ce me semble,
réussi à reconstituer la physionomie originale du morceau, en montrant
qu'il devait se composer d'un récit en prose coupé par endroits d'un
dialogue en vers, ensemble d'où le récit a disparu, lors de la compila-
tion du R. V., par la raison bien simple que dans un rg-veda on ne
pouvait faire entrer que des « vers ». Il y a là, non seulement pour
l'intelligence du texte en lui-même, mais encore pour la question des
origines du théâtre hindou, un document d'une inappréciable valeur,
qu'utiliseront les historiens futurs. Voilà ce que l'on peut gagner à
aborder franchement le védisme par l'Inde et à reléguer l'indogerma-
nisme à l'arrière-plan. Oui, sans doute; mais, j'y insiste, à Tarrière-plan
seulement, et sous réserve de savoir l'en tirer à propos. C'est du reste ce
que fait M. Pischel lui-même (p. 88), lorsqu'il cite à propos du Véda
les vers d'Aristophane xbv M' àXrfi&q (oirr^v oià. y.ocy.tvou cjpstv. Si les idées
éminemment « naturalistes »> sur l'origine de la pluie sont à la fois
védiques et grecques, elles ont, on l'avouera, beaucoup de chances
d'être indo-européennes.
On trouve de tout dans l'ouvrage de MM. P. et G. : des traductions
d'hymnes entiers, et non des moins difficiles, comme bien on pense;
des explications de stances isolées, en fort grand nombre, et surtout de
minutieuses investigations sur le sens de tel ou tel mot, poursuivi dans
tous ses emplois à travers tous les passages marquants du Véda où il se
laisse saisir. Dans cette méthode rigoureuse et qui tient compte du
moindre détail, il faut parfois quarante pages (pp. 1 1-52) pour fixer le
sens d'une seule stance (R. V. vi, 49. 8) ; mais combien d'autres se
trouvent expliquées de surcroît et au passage ! Il est bien rare que la
lumière ne jaillisse pas d'une discussion aussi abondante; pourtant, çà
et là, l'hésitation reste encore permise. On ne voit point nettement
(p. 122I ce que M. P. ajoute au sens déjà connu de Véphhàxc aptûr; car,
si la racine tar y implique sans contredit le sens de 0 traverser », et par
suite celui de « dépasser », il est clair que vrtratiir signifie « qui
dépasse les V7"tras », par conséquent « qui en triomphe », et que cette
interprétation ne s'oppose nullement à celle de aptûr et de rajastûr par
« qui traverse les eaux, qui traverse les espaces ». Le sens de aptûrya,
à son tour, s'en déduit sans difficulté : traverser les eaux, dans la con-
ception védique, c'est les dépasser et les conquérir. On regrettera aussi
que M. G. ait consacré un si long développement au sens de vvjdna
neutre (pp. i Sg-i 54), sans y comprendre la question non moins délicate
de vr;ana masculin, qu'il nous promet pour un prochain article (p. i5i) :
les deux homonymes auraient gagné à n'être pas disjoints. Enfin, bien
qu'il y ait certainement avantage à se représenter l'hymne R. V, iv. 27.
comme un dialogue à trois ou même quatre personnages (p. 21 5), on a
grand'peine à admettre \)onv pûramdhî, cette entité divine si souvent et
presque constamment personnifiée, le sens d'un simple adjectif signi-
fiant « généreux », et ce dans un hymne où figurent précisément plu-
sieurs autres personnalités mythiques.
84 REVUE CRITIQUE
Parmi les conjectures qui paraissent de nature à inte'resser plus par-
ticulièrement les grammairiens, je dois signaler celle d'un accent cir-
conflexe sanscrit (p. 192), tout à fait distinct du svarita qu'on désigne
habituellement par ce terme, accent qui résulterait de la fusion de
Tudàtta avec la longueur naturelle de la syllabe, et qui seul aurait la
propriété de faire compter la longue pour deux brèves dans la mesure
du vers ^. Non moins importante, et même, quoi qu^en puisse penser
M. P., au point de vue de l'indogermanisrae, serait la découverte
(pp. 61-77) d'un datif en -â dans la déclinaison des thèmes en -^-; car
enfin, si — ce qui ne saurait faire doute — le type açvdya est hystéro-
gènc et dénoncé comme tel par tout l'ensemble des témoignages indo-
européens -, si d'autre part il existe dans le Véda, tiré d'ailleurs à aussi
peu d'exemplaires que l'on voudra, un type de datif* açvd, la conclu-
clusion s'impose : c'est ce type * açvd =■ ^ açvai (cf. au locatif le doublet
agnaii et agnâ) = gr. Ir.T^iù = lat. equô = zend asjpâi, qui représente le
véritable datif indo-européen, dont l'autre n'est qu'une amplification
postérieure. Il importe peu que ce datif écourté n'apparaisse que dans
certaines liaisons où précisément l'euphonie a pu en faire préférer l'em-
ploi : quand la forme plus simple apporte avec elle tant de garanties
d'authenticité, pourquoi vouloir à toute force la faire sortir par abré-
viation de la forme plus compliquée? Personne, je pense, ne s'aviserait
plus de soutenir que les pluriels neutres en -a soient apocopes de ceux
en -âni. La déclinaison sanscrite, on ne saurait se le dissimuler, a subi,
du chef de l'analogie, de graves et profondes atteintes : c'est une raison
de plus pour colliger avec soin tout ce que la langue védique nous offre
encore de vestiges anciens.
Parmi les interprétations nouvelles et curieuses, je mentionnerai celle
des stances R. V. I. 120. 10-12. et VIII. 70. i3-f 5. par une dânastiiti
ironique (le chantre, sous couleur d'éloge, tourne en ridicule les présents
mesquins qu'il a reçus). Cela est fort possible, en effet : les poètes védi-
ques n'étaient rien moins que désintéressés, et plus d'un parmi leurs
clients pouvait être tenté de laisser Castor et PoUux s'acquitter envers
Simonide. Il serait piquant de trouver jusqu'à de l'humour dans cette
poésie monotone, artificielle et gourmée; mais, plus la tentation est
forte, plus il faut peut-être se défendre d'y céder 3. Pour l'application
de l'hymne A. V. I. 18. au chat domestique (p. 3i3), c'est une de ces
trouvailles dont on ne peut s'empêcher de dire: « Si ce n'était pas vrai,
quel dommage ! •* »
I. En ce cas, je suppose que la scansion bien éta.b\\Q sâkhînaam (et similaires) est
analogique de la scansion matlnaâm, qui serait régulière,
■2. Cety me paraît provenir de l'analogie des thèmes similaires en -â, autrement
dit, acvûya est refait sur acvdyai, datif de aovd (jument).
3. Parmi les passages qui impliquent pour vdjînîvant le sens de « riche en
juments », il est étonnant que M. P. n'ait pas relevé A. V. X. 4. 7., où ce mot sert
d'épithète au cheval de Pedu; car le cheval de Pedu est un étalon, cf. R. V. I.
118. 9.
4. La grande objection, c'est vlcyapadîm ; car, après tout, vvshadatim pourrait
signifier « aux dents puissantes »; mais il serait étrange que les conjurateurs fus-
d'histoirk et de littérature 85
En parcourant le domaine que Bergaigne a sillonné en tous sens de
sa lumineuse exégèse, MM. Pischel et Geldner ne pouvaient manquer
de marcher souvent dans les voies qu'il avait frayées : parfois ils le citent
en adoptant ses vues (p. 1 15); parfois ils se rencontrent avec lui à leur
insu, comme on le verra bientôt par la publication de sa Chrestomathie
Védique ^ ; mais en général, ils ne se font point faute de se séparer de
lui et de le combattre, et cette opposition même rend d'autant plus
précieux l'hommage public qu'ils ont cru devoir lui rendre (p. xx) et
qui les honore autant que lui. Qu'il nous soit permis d'en prendre acte
ici, au nom de la science française et de ses amis en deuil : <? Bergaigne
est sans aucun doute le savant qui a le mieux connu le Rig-Véda. »
V. Henry.
54. — J. Tolstoï et N. Kondakov. Itousskîe Di-evnosti v pumiatmikakli
iskousstva. Les antiquiie's russes dans les monumeius de l'art. (Deuxième
fascicule, antiquités scythes-sarmates). In-4 de iSy p. S'-Pétersbourg, 1889.
Ce volume fait partie d'une série de monographies qui comprendront
toute rhistoire archéologique de la Russie. J'ai rendu compte du pre-
mier fascicule dans un numéro récent de la Revue archéologique (août
1889) et je ne répéterai pas ici des détails qu'on peut trouver facilement
dans la notice en question. Le présent fascicule est consacré aux anti-
quités Scythes sarmates : il est, comme le premier, rédigé avec beaucoup
de soin et illustré d'une façon très suffisante. Il résume un erand nom-
bre de travaux russes peu accessibles, ceux du professeur Brunn (sur la
Scythie d'Hérodote), de M. Mistchenko (de Kiev), de M. Lapno-Da-
nielevsky sur les Antiquités scythiques, etc. Tout en rendant justice à
ces recherches, MM. Tolstoï et Kondakov déclarent qu'à leur avis l'ar-
chéologie Scythe sarmate est encore à sa période de début. Ils regrettent
que les objets découverts tombent le plus souvent aux mains d'amateurs
ignorants ou soient tout simplement pillés par ceux qui les découvrent.
sent assez peu naturalistes pour attribuer au chat des pattes d'antilope, qui font
plutôt songer au pied de bouc dont nos légendes ont fait l'apanage du diable.
I. Je note dès à présent quelques-unes de ces coïncidences : — vdja ne signifie
jamais « cheval » (pp. 10 et 47); toutefois Bergaigne n'aurait certainement pas admis
la traduction de vàjebhis par a. avec force », et je pense qu'il aurait envisagé la
liaison vâjcbhir vdjinivati comme une construction irrégulière, pouvant équivaloir
kvujavati vâjinivati, soit « riche en butin et en juments »; — l'identité absolue de
féru et de perû, malgré la différence d'accent (p. 89; ; — vdua ne signifie jamais
o nuage » (p. 114); — pvshadaçva signifie « qui a pour chevaux des antilopes », et
non « qui a des chevaux mouchetés » (p. 226); — la synonymie de vayv.na et de
r/a (p. 3oo), etc. Je relève enfin (p. 139) cette phrase de M. G. ; « La tendance parti-
culière de Grassmann àt fendre un mot en un grand nombre de significations hété-
rogènes, est de nature à éveiller a priori la méfiance. » On sait que, sans se départir
jamais de la courtoisie et du respect dus aux lexicographes ses aînés, Bergaigne n'a
cessé de protester avec énergie contre cet abus ei de faire porter sur ce point essen-^
|iel à ses yeux presque tout l'effort de sa puis8£?iue polémicjiîe.
86 REVUE CRITIQUE
Cet excellent petit volume d'un prix très accessible (un rouble) con-
tribuera certainement à répandre dans la Russie méridionale le goût des
recherches sérieuses. Que les auteurs nous permettent de leur adresser
une requête au nom de leurs confrères de l'étranger. Nous comprenons
très bien qu'ils écrivent en langue russe : mais ne pourraient-ils mettre
au-dessous de leurs planches un mot d'explication en français ou en
latin : tel objet trouvé par telle personne en tel endroit. Sans nuire au
caractère national de leur œuvre, ils en accroîtraient certainement l'im-
portance et lui assureraient un cercle de lecteurs plus considérable. —
Le prochain volume traitera des antiquités de la Sibérie, de l'Asie cen-
trale, du Caucase et du Sud-Est de la Russie.
L. Léger.
55. — Horace. Etude psychologique et littéraire» par Jules Poiret. Paris,
Thorin, jSgo, 35i p.
Il semble qu'il a passé dans Pâme de M. Poiret quelque chose des dis-
positions du poète qui écrivait à Mécène (Odes, III, 9, 27-28) :
Dona praesentis cape lœtus horse, et
Linque severa.
M. Poiret a banni en effet de son ouvrage tout ce qui pouvait lui
donner un aspect trop austère; ce qui est trop philologique en est absent.
Il s'est attaché à montrer qu'il est psychologue et littérateur. — Psycho-
logue, il l'est lorsqu'après avoir rappelé les débuts d'Horace il se plaît
à étudier dans le cœur du poète le développement de l'orgueil, de l'ava-
rice, de la gourmandise, de la colère, de la paresse, de Tamour, de
l'envie, des sept péchés capitaux en un mot, et qu'il esquisse la philo-
sophie d'Horace, épicurien demi-croyant, que la pensée de la mort
anime et console. M. Poiret remplit à merveille le programme qu'il
s'est tracé dans la préface ^ (p. i3) : « Dussions-nous nous moquer un
peu d'Horace qui s'est tant moqué de son prochain, finissons ce que
Dave a commencé, mettons-le face à face avec ses passions, poussons
son amour-propre dans ses derniers retranchements et cherchons dans
son cœur la raison de son génie. »
M. P. montre qu'il est littérateur, dans son étude sur la critique litté-
raire d'Horace à qui il reproche d'être partial, d'avoir une poétique
trop sévère et trop personnelle.
La conclusion de ce travail, c'est que dans la physionomie du poète
domine le sourire, mais un sourire d'une nature particulière, et avec
cela a une indifférence raison née à tous les accidents réels ou possibles,
a et une bonne humeur qui finit toujours par reprendre le dessus. »
Dans tout le cours de cet ouvrage, on sent qu'on a affaire à un huma-
niste. — Il est écrit dans un style vif, alerte, qui ne redoute pas de
I . Signalons à la première page de la préface une faute d'impression : on y lit
Dichterpersœulicheit au lieu de Dichterpersœnlichkeit.
d'histoire et de littérature 87
temps en temps la familiarité; aussi le lit-on sans peine, et nous som-
mes convaincu qu'il sera lu.
Isaac Uri.
56. — T. tiivl ab ut>be condita libi-i. Ed. Ant. Zingerle. Pars V. Lib. xxxi-
XXXV. éd. major. Vienne et Prague, Tempsky. Leipzig, Freytag, 1890, petit in-8,
praef. v-vii, 1-229.
37. — Cornelii Xaciti De vita et moribus «lulii .AgricoI»e> liber. Âd
fidem codicum éd. A. E. Schoene Dr. Phil. Berlin, Calvary, 1889. In-8. Texte,
1-23. Adnotationes, 24-40. Commentarius Criticus, 41-45. Index nominum pro-
priorum.
M. Zingerle nous donne dans la collection dirigée par Car. Schenkl
la suite d'une édition de Tite-Live dont nous avons eu déjà l'occasion
de parler ^ Ce volume est fait avec le même soin que les précédents. 11
nous rendra plus de services encore puisque, pour Pinstant, l'édition de
Aug. Luchs ne contient que la troisième décade. Les lapsus que j'ai
relevés dans le livre XXXI sont tout à fait insignifiants.
Le second ouvrage indiqué forme le premier fascicule du t. X des
Berliner Studien. C'est une contribution méritoire aux études sur
Tacite. Il est seulement regrettable que la disposition et Pexécution
typographique soient partout, mais, surtout dans les notes critiques, des
plus médiocres; que, parmi les très nombreux rapprochements que fait
l'éditeur, beaucoup ne soient nullement topiques; enfin que quelques
bonnes corrections, heureusement conçues ' ou défendues avec mé-
thode \ soient étouffées sous une masse de changements et de conjec-
tures peu probables qui presque toujours ont pris place dans le texte.
E. T.
58. — Omwerkings- en Conipilatie-Hypotbesen tœgepast op de Apoka-
lypse van Johannes, door G. J. Weyland. Groningen, Wolters, 1888, in-8,
182 pages.
Nous rendions compte, il n'y a pas longtemps, à cette même place,
de divers travaux consacrés à l'origine et à la composition de l'Apoca-
lypse de S. Jeatî^, et nous disions la fortune singulière de cet écrit,
pour lequel un accord relatif s^était établi dans les cercles savants, mais
dont le sort se trouvait soudain remis en question. Le théologien hol-
landais, dont l'œuvre nous est soumise aujourd'hui, s'engage à son
tour dans la voie périlleuse de la dislocation à outrance, dont nous
1. Voir la Revue du 16 juillet 1888, p. 48.
2. 9, et alla vitia exuerat.
3. Par exemple 12, nobis, au lieu de: pronobis; pro provient d'une abre'viation de
populo romano, glose de nobis; ibid. patiens fiugum. Fétus (Fel')..., au lieu de
paiiens frugum, fecundiim (fec') .
4. Revue critique, 188g, n» 4.
88 REVUE CRITIQUE
avons donné quelque idée. M. Weyland admet trois auteurs, deux juifs
et un chrétien. Un premier auteur Juif écrivait en l'an 69, un second
en 81 de l'ère chrétienne, le rédacteur ou compilateur est lui-même de
140 après J.-C. Nous avons, dans l'article auquel il est renvoyé, dit
très nettement notre avis sur ces procédés d'hypercritique, où la fantaisie
personnelle se donne beau jeu sous des apparences de rigueur et de
précision.
M. Vernes.
5g. — Carlo Tanzi. La cronologia degli ecritti di Alagno Felice Enno-
dio. —Un papiro perduto dell'epoca di Odoacre. Trieste, Herrmanstorfer, 1889,
I vol. in-8, 78 pages.
Dans les œuvres d'Ennodius, telles que nous les ont livrées le manus-
crit de Bruxelles 9845-9848 et le Vaticanus 38o3, et telles que récem-
ment Fr. Vogel les a éditées dans les Monumenta Germaniœ historica,
in-4f>, M. Carlo Tanzi distingue quatre parties différentes, quatre volu-
mes rassemblés à diverses époques et réunis plus tard en un seul :
1° I-XCV; à la suite de cette lettre 95 se trouvent deux épigrammes
dans V et que Vogel a rejetées à tort à la fin de son édition ; ces deux
pièces marquent le début d'un volume nouveau; 2° XGVI-CCXLIV.
La lettre 244 se termine par le mot le^i, qui indique évidemment la
révision d'un ouvrage qui se terminait en cet endroit; 3° CCXLV-
CCCLXIII (nous négligeons les intercalations que suppose Pauteur).
A la fin du n» 363, on \\m Ennodius emendavimeamDeo meo juvante »;
4° Le reste des œuvres. Ce principe une fois admis, dit M. Tanzi, la
chronologie des œuvres d'Ennodius est plus facile à établir. Celles du
tome I sont les œuvres du début, composées de 496 à 507; celles du
second ont été rédigées vers 509 ; celles du troisième en 5o3-5o5 et 509 ;
celles du quatrième de 5 1 o à 5 1 3 . La thèse ne nous paraît pas être exacte.
Les mots « Ennodius emendavi, etc. » peuvent s^appliquer au n» 363
tout seul et non à l'ensemble des opuscules qui précèdent. Puis,
M. Tanzi ne peut pas lui-même assigner des dates différentes aux
lettres des trois premiers volumes. Néanmoins, son ouvrage ne doit
pas être négligé de ceux qui s'occupent d'Ennodius: il contient de fines
remarques dont l'historien fera son profit.
Le papyrus perdu de l'époque d'Odoacre est une charte que cite un
manuscrit de Tristano Calchi et par laquelle Flavius Paulus Andréas,
vicaire de ce souverain à Milan, céda des biens à Benevent, et en Cam-
panie à un certain Vigile, en échange de ceux qu'on lui avait enlevés.
Ch. Pfister.
d'histoire et de littérature 89
(jo. Rabelais, sa personne, son génie, son œuvre, par Paul Stapfer, professeur
à la Faculté des lettres de Bordeaux. Paris, Armand Colin, iSSg. x vol. in-12,
xiv-5o7 p.
Le nouvel ouvrage de M. Stapfer a été accueilli avec faveur. Disons
tout de suite que son succès était tout à fait mérité et qu'il est digne
de figurer en un excellent rang parmi les nombreux livres ou travaux
dont Rabelais a été jusqu'ici l'objet. Cest qu^on y retrouve, et non sans
plaisir, les qualités qui ont signalé à l'attention du public les précé-
dents ouvrages de l'auteur : des vues personnelles, un tour d'esprit
franchement original, une allure très libre et, ce qui vaut mieux peut-
être que tout le reste, une absolue sincérité. De plus, cette étude corres-
pondait à un besoin réel. Le nombre des personnes capables de com-
prendre et de goûter Rabelais par elles-mêmes est, somme toute, assez
restreint. Son œuvre n'est pas de celles qu'on aborde d'emblée et sans
préparation. Pour le lire et pour le pratiquer avec fruit, une sorte d'ini-
tiation est nécessaire. A plus forte raison, faut-il pour l'aimer, des con-
naissances positives qui ne sont rien moins que vulgaires. Parmi ceux
qu'on est convenu d'appeler les gens du monde, beaucoup goûtent Ra-
belais par genre; bien peu l'ont lu et surtout relu. Ils en sont réduits
sur son compte à quelques appréciations vagues et générales, qui pour
paraître hardies n'en sont que plus dénuées de sens et de sincérité. Ne
craignons pas de l'avouer, l'auteur de Pantagruel exige de ceux qui
veulent le comprendre autre chose que de l'enthousiasme et de la bonne
volonté. Celui qui, faisant fi d'une éducation préparatoire, se mettrait en
face de cette œuvre dont trois siècles et demi nous séparent et préten-
drait, armé de son seul bon sens, en pénétrer le sens caché, risquerait
fort de n'y rien voir. Que de gens à qui Rabelais, faute d'un guide au-
torisé, est demeuré fermé! C'est à ceux-là que M. S. présente tout
d'abord son livre. Il l'offre encore à ceux qui, aimant d'instinct l'homme
et son œuvre, éprouvent le désir de raisonner leur affection, aux étudiants
de bonne volonté qui cherchent « un fil conducteur dans ce labyrinthe
de richesses entassées et confuses » ; enfin « à un petit nombre de dames
de grand sens et de libre esprit ». M. S. poursuivait ainsi un but très pré-
cis, clairement défini; il Ta pleinement atteint.
L'ouvrage commence, comme de raison, par une biographie de Rabe-
lais, point pédante, alerte et agréable à lire. Sans doute, elle n'apporte
guère de nouveau; mais on ne saurait en faire un reproche à son au-
teur. La vie de notre grand écrivain a été si souvent et si patiemment
étudiée, qu'il est bien difficile, à moins de découvertes tout à fait impré-
vues, d'espérer y apporter de nouvelles clartés. Ce n'est point cependant
que les points obscurs n'y abondent. Pour ne parler que d'une seule
période, la jeunesse et les années de début renferment encore une grande
part de mystère. L'histoire de la formation littéraire et scientifique de
Rabelais est une énigme sur laquelle, à mon sens, on n'a point assez in-
sisté jusqu'à présent. On s'est trop contenté d'explications vagues, ou
go REVUE CRITIQUE
pour mieux dire, d'à peu près. L'amitié de Pierre Amy, les relations
avec Tiraqueau, avec Bouchard et quelques autres, la fréquentation de
l'entourage érudit de Geoffroi d'Estissac à Maillezais n^expliquent pas
tout. Comment admettre sérieusement que ce savoir universel qui se
révéla chez Rabelais dès le début et qui frappa d^admiration ses contem-
porains, ait été acquis dans une cellule de cordelier, grâce à de doctes
entretiens et à une bibliothèque bien montée? C'est là un fait qui peut à
la rigueur se concevoir pour d'autres époques, mais qui semble impos-
sible au commencement du xvi^ siècle. Il était nécessaire à quiconque
voulait s'instruire dans les nouvelles méthodes de courir le monde, de
voir de près les quelques savants dépositaires de la science nouvelle, de
s'introduire dans leur familiarité, d'aller entendre les rares maîtres qui
dans les Universités avaient rompu avec la routine. Le mouvement
scientifique n'était encore qu'à son début. Il n'avait pas eu le temps de
gagner les petits centres et se trouvait encore circonscrit dans trois ou
quatre grandes villes en France. C'est à Paris surtout que l'étudiant
pouvait espérer entrer en relation avec le petit groupe de privilégiés qui
détenaient la culture nouvelle. Il n'est point de savant de la Renaissance
qui n'y ait fait, dans sa jeunesse, un séjour plus ou moins prolongé.
Gomment croire à un Rabelais encyclopédique, à la fois philologue, ju-
riste, naturaliste et médecin, tel qu'il nous apparaît dès i5 3o, formé
tout entier en Poitou ? Ace point de vue, l'hypothèse formulée par M. S.
pages i5 et 170, hypothèse à laquelle nous avions déjà songé nous-
même, se présente avec beaucoup de vraisemblance. Entre 1524, date de
sa sortie du couvent de Fontenay, et i53o, date de sa première inscrip-
tion à Montpellier, Rabelais dut non seulement séjourner à Paris et à
Lyon, mais encore bien probablement étudier la science juridique à
Orléans et à Bourges. Les pérégrinations savantes de Pantagruel, rap-
portées au chapitre 5 du livre II, présentent sûrement quelque analogie
avec les siennes propres. Il n^est pas possible de lire ce curieux chapitre,
d'en suivre l'itinéraire si minutieusement détaillé, les descriptions si pré-
cises, sans songer qu'il doit s^ trouver une grande part de souvenirs
personnels. Peut-être la lumière se fera-t-elle quelque jour sur cet inté-
ressant problème d'origines?
Sans vouloir insister davantage sur la partie biographique, nous fe-
rons cependant à l'auteur un reproche. Le côté bibliographique est, d'une
manière générale, trop négligé dans son étude. Il se montre trop dédai-
gneux des procédés ordinaires de l'érudition. Je sais bien quHI ne pré-
tendait pas faire œuvre savante et qu'il préférait rester dans son rôle de
vulgarisateur; mais, n'importe, une bibliographie claire, sobre, bien au
courant, en tête du volume, eût été la bienvenue, surtout pour ce qui con-
cerne la biographie. Les références, les renvois aux sources sont, dans
cette dernière, trop souvent omis '. Nombre de citations de textes
I. En revanche, on ne saurait citer, comme le fait M. S. (p. 333), pour une affaire
de l'importance de celle des Placards: L'histoire de France racontée à mes petits en-
d'histoire et de LITTERATURE gi
auraient dû être justifiées avec une plus scrupuleuse exactitude.
D'autre part, l'auteur aurait bien fait de ne pas se fier entièrement aux
textes relatifs à la biographie de Rabelais, donnés au tome VII de l'édi-
tion Jannet. Plusieurs de ces textes, notamment ceux qui sont extraits
de la correspondance avec Guillaume Pellicier sont défectueux i.
M. S. aurait dû, au moins pour ce qui concerne les documents les plus
importants, recourir aux originaux. Il eût évité, grâce à cette précau-
tion, des citations incompréhensibles du genre de celle-ci, faite à propos
de la célèbre consultation du président de Milan, Philippus Saccus, dont
Pellicier parle dans Tune de ses lettres : « Or, le 1 3 avril 1 540, sa femme
« luy a fait una picta piche. * Ce passage, si souvent cité, ne présente
aucun sens. Il faut lire : 1 Sa dicte femme luy a faict iina puta; per che
si disputa si cest enfantement est légitime. » Je n'ai pas besoin de faire
remarquer que cette nouvelle leçon offre un sens très clair.
Le deuxième chapitre intitulé Les Satires renferme nombre de
réflexions justes et ingénieuses. Faut-il dire cependant que l'apprécia-
tion générale de l'humour de Rabelais nous paraît un peu téméraire?
Le Rabelais de M. S. est, à notre avis, un Rabelais trop pleinement
bon, trop indulgent, trop sceptique, pour tout dire, trop débonnaire ^.
Nous croyons que l'auteur de Pantagruel a. eu la dent plus dure, la
haine plus vigoureuse. A coup sûr, il serait téméraire de le transformer
en apôtre. Mais nous persistons à croire, malgré l'argumentation de
M. S., que ses convictions ont été plus profondes, plus énergiques. A
ce point de vue, l'analyse si fine, si mesurée de M. Gebhart se rappro-
che assurément davantage de la vérité.
Dans ce même chapitre, M. S. énumère les satires personnelles qui se
trouvent dans l'œuvre de Rabelais. « On voit, dit-il, qu'il nV en a
guère et qu'elles ne sont pas bien méchantes. » La remarque est juste.
On pourrait découvrir cependant çà et là, dans Rabelais, d'autres sa-
tires personnelles qui manquent à la liste dressée par M. Stapfer. Je
signalerai, en particulier, au chapitre xxi du livre IV, la satire dirigée
contre Pierre Tempête, régent, puis principal de ce fameux collège de
Montaigu, dont l'auteur de Pantagruel ne parle jamais qu'avec haine
et dégoût. Le nom de ce brutal personnage se présentait tout naturel-
lement sous la plume de Rabelais dans l'épisode de la Tempête. La
traduction burlesque d'un vers des Epodes d'Horace lui a fourni l'oc-
casion de fustiger à son tour ce « grand fouetteur d'escoliers » .
fants. Il y avait des sources beaucoup plus précises à indiquer. Ailleurs, les titres
sont inexactement donnés. Ainsi page 33o, le titre de l'ouvrage de Calvin donné
dans la note i est inexact. C'est Traité des reliques qu'il faut lire.
1. C'est ce que l'on verra quand l'édition de la correspondance de Guillaume Pelli-
cier, que préparent actuellement MM. Kaulek et Tausserat, du ministère des Affaires
étrangères, aura paru.
2. Cette tendance a été encore exagérée dans quelques comptes rendus écrits sur
l'étude de M, S. C'est ainsi qu'un critique délicat, M. Anatole France, dans un ar-
ticle du journal Le Temps arrive à nous présenter un Rabelais paterne et bon en-
tant qui n'a rien de commun avec celui de Pantagruel.
g2 REVUE CRITIQUE
Plus loin, ce que M. S. dit louchant la papauté et les moines, dans
l'œuvre de Rabelais, nous semble en quelques points contestable. En re-
vanche, le paragraphe qui concerneles juges et la justice est excellent. Le
développement relatif à la Sorbonne eût peut-être gagné à plus d^étendue.
Un tableau moins rapide de Tétat du haut enseignement, au commence-
ment du xvi'= siècle, n'aurait pas été déplacé. Le chapitre suivant, con-
sacré aux Idées 7norales, est l'un des plus intéressants du volume. Il
n'est pas possible de l'examiner ici en détail, pas plus que les suivants,
l'Invention comique et le Style. Disons seulement que les considéra-
tions snv Y Education intellectuelle donnaient lieu à des rapprochements
que l'auteur a négligés. Les catalogues publiés par le Musée pédago-
gique fournissaient cependant des éléments de comparaison tout réu-
nis. Nous ne partageons pas toutes les idées de M. S. sur l'attitude de
Rabelais vis à vis de la Réforme et des réformateurs. Est-il exact, par
exemple, de dire (p. 338) qu'en traitant Calvin, comme il l'a fait, Tau-
leur dt Pantagruel n'avait fait qu'user de représailles, comme sïl était
admissible que Rabelais pût connaître le jugement énoncé par Calvin,
en i533, dans une lettre à François Daniel? On pourrait également
présenter quelques réserves sur plusieurs jugements formulés dans le
chapitre consacré au style.
En résumé, ce livre témoigne d'une connaissance profonde de Rabelais,
Il marque un progrès très sérieux dans l'écude de notre grand écrivain.
C'est un guide aussi sûr que commode. Le style en est chaud et vivant,
parfois seulement un peu trop familier. La fantaisie de l'auteur ne sait
pas toujours s'arrêter à temps. Félicitons-le de n'avoir pas craint de
citer les passages de Rabelais que d'ordinaire la critique n'ose guère
reproduire. 11 l'a fait avec tact et sans fausse pruderie. D'autre part,
certains hors-d'œuvre eussent été avantageuseme;it remplacés par des
développements plus complets sur les questions controversées. Il faut
noter çà et là quelques passages déclamatoires, des allusions aux événe-
ments contemporains qui ne sont rien moins que justifiées. Le ton de
l'auteur, chaque fois qu'il vient à parler de son époque, est vraiment
par trop pessimiste ^ Nos hommes d'état d'aujourd'hui traités de grands
inquisiteurs et de fils de Noël Beda ^ Il faut laisser ce langage aux
journaux. Que M. Stapfer se rassure en songeant que ceux qu'il mal-
mène si fort n'ont encore brûlé personne.
A. Lefranc.
1. Il faudrait citer à ce sujet de nombreux passages. Voir, par exemple, p. 294,
ce qui a été dit au sujet de la gymnastique. C'est tout à fait injuste.
2. Page 346. — M. S. parle des temples et des églises fermés par « ces faux amis
de la raison et ces faux libres-penseurs ». Il aurait bien dû nous donner l'énumé-
ration des églises et des temples ainsi supprimés. Que dire également du change-
ment cité comme sérieux d'un vers de la Fable : « Le petit poisson et le pêcheur. »
Franchement, M. S. va trop loin. 11 suppose une trop forte dose de bêtise à ses
contemporains.
\
d'histoirb et de littérature 9 3
6i. — E.es Maîtres de la Critique au xvii» siècle, Chapelain, Saint-Evrcmond,
Boileau, La Bruyère, P'énelon, par Auguste Bourgoing, docteur ès-lettres, pro-
fesseur agrégé au Lycée Michelet, chargé de la conférence littéraire de l'agréga-
tion de l'enseignement spécial de Paris. Paris, Garnier frères, 1889. In-12, 34a p.
Prix : 3 fr, i)o.
La critique dans Chapelain, Boileau, Fénelon, etc., est un sujet quel-
que peu usé et rebattu. Il y avait pourtant moyen de le rajeunir par la
nouveauté du style : c'est à quoi M. Bourgoing a pleinement réussi.
Les « ouais », les a ouf i , les 0 holà », les « mon Dieu, eh ! mon Dieu »,
les « Dieu merci », les « tout doucement, s'il vous plaît », agréable-
ment semés dans son ouvrage, montrent qu'il écrit sans apprêt, quoique
cependant les « encore que, encore est-il que » fassent parfois un sai-
sissant contraste avec cette aimable simplicité. Souvent il faut se
donner beaucoup de peine pour rencontrer le mot juste : s'il ne vient
pas à Tesprit, cela le remplace commodément, et il est facile à trouver.
M. B. a un faible prononcé pour ce petit mot : « en tout cela, après
cela, il avançait cela, que devons-nous penser de cela, cela est mince et
pincé, cela établi, etc., etc. A la page 258, toutes les phrases commen-
cent à peu près par on : « On se donne... on se défie... on aurait... on
Va considéré... on Ta trouvé... on a cru que... » M. B. n'écrit pas, il
cause avec ses élèves, je suppose ; cependant la variété de ton ne déplaît
pas, même dans l'abandon d'une conversation familière. Mais je ne
connais pas d'homme qui soit moins tourmenté que lui de la déman-
geaison du style. De là des phrases comme celle-ci : « Ce style (de Saint*
Evremond) est un bordeaux, en qui, à un fond solide, s'allie la délica-
tesse, un grand cru. — Révérence parler, Boileau ressemble à ces beaux
chevaux qui, froids des épaules, hésitent avant de partir, mais qui, une
fois en route, sont vifs et infatigables ». Je ne dis rien delà comparaison,
bien qu'elle sente par trop le vétérinaire ou l'homme d'écurie, mais t le
révérence parler » me semble tout-à-fait délicieux. 11 est douteux néan-
moins que « Boileau qui était bilieux comme tous les diables » (c'est
M. B. qui cause)^ l'eût trouvé de son goût. On n'est pas tenu dans la
conversation d'avoir ce qui s'appelle l'esprit de suite, je veux dire qu'il
n'est pas défendu d'aller de ci de là, et même de se contredire : aussi,
M. B. a-t-il largement usé de la permission. Saint-Évremond, dit-il à
la page 98, se moque de la poésie de son temps, et il ajoute, ce qui est
la vérité vraie « qu'il a fait des vers qui ne valent pas beaucoup mieux
que ceux dont il se moque ». Plus loin, p. 121, nous ne lisons pas sans
étonnement que ce même Saint-Evremond a, comme Voltaire, excellé
dans la poésie légère. M. Bourgoing (p. 32 1) loue Fénelon « d'être en
tout temps un critique sagace », et, dix lignes plus bas, il dit que <c sa
critique n'est pas sûre, qu'il a « ce mal-assis du sens propre, si l'on peut
dire, qui fait les novateurs ». Le mal-assis du sens propre est neuf,
mais que dire de ces contradictions singulières? Il prétend (p. 265] qu'il
ne serait peut-être pas impossible de rapprocher par bien des côtés Fénç-
94 REVUE CPxITIQUE
Ion et M. Renan : quel dommage que M. B. n'ait pas fait ce parallèle!
Il ne me reste plus qu'à relever quelques affirmations hasardées, quel-
ques erreurs, excusables d'ailleurs dans des causeries de cette espèce. Si
nous en croyons M. B., Chapelain aurait peu goûté Molière; cependant
dans une de ses lettres (t. Il, 820, édit. Tarn, de Larroque), il l'appelle
a le Térence et le Plaute de notre siècle ». Quel plus grand éloge en
pouvait-il faire? Il paraît aussi que Chapelain, lorsqu'il dressa la liste
des gens de lettres pensionnés « n'a pas résisté à la pression officielle de
Richelieu et de Colbert a. Remarquez que Richelieu mourut en 1642,
et que cette liste fut établie en i663. Enfin, M. B. consacre tout un
chapitre, je me trompe, une causerie, à démontrer, à prouver que
« Chapelain est vraiment l'auteur des trois unités ». Or en 1572
(l'auteur de La Piicelle n'était pas né), Jean de La Taille l'avait for-
mulée en ces termes : « Il fault tousjours représenter l'histoire et le jeu
en un mesme jour, en un mesme temps, en un mesme lieu », et je ne
cite ni J.-C. Scaliger, ni Vauquelin de La Fresnaye qui l'avaient
déjà imposée, en termes moins précis, il est vrai, aux poètes tragiques
et comiques.
Je ne crois pas que cet ouvrage puisse satisfaire les délicats, mais il
sera peut-être accueilli avec faveur par les aspirants à l'agrégation de
l'enseignement spécial ; eux seuls sont capables d'en goûter le style
simple et sans malice.
A. Delboulle.
62. — Ed. FiNOT. Port-Royal et Magny, avec deux plans de l'abbaye et plu-
sieurs gravures des monuments les plus remarquables. Un vol. in-8 de xiv-384 pa»
ges. Paris, Chamerot, 1888.
Cet ouvrage n'a pas la moindre prétention scientifique, car il a été
fait uniquement pour les gens du monde, pour les touristes qui désirent
visiter le vallon de Port-Royal des Champs et qui ont besoin d'un guide.
M. F. s'offre pour conduire les visiteurs, et, comme il connaît fort bien
la localité, il les renseigne très exactement. Il a même l'heureuse idée
d'avertir que Port-Royal est un des hameaux de l'antique paroisse de
Magny-les-Hameaux, que l'église paroissiale a hérité après 1709, de
nombreuses pierres tombales provenant du monastère détruit, et que
par conséquent les curieux feront bien, après avoir visité Port-Royal,
de diriger leurs pas vers Magny. M. F. s'est dit en outre, et avec raison,
que tout le monde n'a pas le loisir de lire, pour connaître l'histoire de
la célèbre abbaye, les dix volumes de don Clémencet, les six volumes
de Besoigne, les six ou sept volumes de Sainte-Beuve; aussi son guide
du visiteur débute-t-il par une notice historique développée qui offre un
intérêt véritable. Mais la partie vraiment neuve de ce travail est celle
qui concerne Magny, et l'on doit savoir gré à M. F. d'avoir transcrit
sur les originaux mêmes, en y joignant des annotations et des traduc-
tions, les belles épitaphes qu'il fallait chercher avant lui dans le Nécro-
I
d'histoire et de littérature q5
loge, dans le supplément au Nécrologe ou dans les Inscriptions de la
France, de M. de Guilhermy.
Le travail étant soigné, le livre est d'une lecture très agréable, et si les
amis de Port-Royal trouvent que M. F. n'est pas assez janséniste, le
lecteur peu au courant de ces questions voit avec plaisir un historien
qui cherche à être impartial, qui sait même (chose aujourd'hui si rare
surtout dans un certain monde), admirer le mérite, la vertu, l'héroïsme
jusque chez les adversaires des jésuites.
Le guide historique de M. F. est destiné à faire son chemin aujour*
d'hui que l'attention du public intelligent se porte avec un intérêt marqué
vers les hommes et les choses de Port- Royal. C'est, donc rendre service à
son auteur que de lui signaler un certain nombre de lapsus ou d'erreurs
qui déparent cette première édition. Il faut d'abord noter des fautes
d'impression en assez grand nombre : premiers épîtres (p. 21) Haud
ignOramalis, avec deux grosses fautes (p. 27); En dehors pour dans les
dehors (p. 36) ; Joie, joie, plein de joie, au lieu de pleurs de joie, dans
le fameux écrit de Pascal qu'on a appelé son amulette (p. 107); redibus
pour sedibus, dans un vers de Santeuil (p. 182), etc., etc. Ces inadver-
tances tiennent sans doute à ce que M. F. n'avait pas l'habitude de
corriger des épreuves; mais voici de véritables erreurs. Au temps de la
Fronde, la ville de Paris n'avait pas le bonheur de posséder le « conseil
municipal » que M. F. lui octroie, p, 160. Le roman grec de Théagène
et Chariclée n'est pas un a poème » comme on le dit p. 88; il est faux
que les écoliers du xvii'^ siècle manquassent de dictionnaires grecs
(p. 79), car les Racines grecques de Lancelot n'empêchèrent nullement
le débit des Schrevelius. Il ne faut pas non plus laisser croire que
Racine fit Athalie à Port-Royal (p. x), ou que ce même Racine fut
a envoyé par sa famille à Uzès » {p. 88).
Où donc M. F. a-t-il vu que Singlin n'approuvait pas les premières
Provinciales (p. 5o), alors que ce même Singlin est le Du Gas des
Lettres écrites par Pascal à Mlle de Roannez, en i656'? Où a-t-il vu
que la fistule lacrymale de la petite Périer ait mis huit jours à se guérir
après l'attouchement de la sainte épine (p. 11 5)? Voilà un passage que
Pascal aurait relevé avec vivacité. Au reste Pascal, Arnauld et Saint-
Cyran protesteraient avec non moins d'énergie contre un certain nom-
bre d'assertions que l'on peut voir dans le livre de M. F. (p. 21, 32, 94
et surtout 126). Mais il est inutile d'insister, car ces taches sont légères;
un peu d'attention les fera disparaître, et alors le livre sur Port-Royal et
Magny pourra rendre tous les services qu'on doit attendre des ouvrages
de ce genre. 11 présente surtout en fait d'illustrations une vue d'ensem*
bledu monastère avant 1709, et un plan détaillé qui seront fort utiles,
au visiteur d'abord, et même au simple lecteur qui veut pouvoir lire
avec fruit le Port-Royal de Sainte-Beuve.
A. Gazier.
I. Sainte-Beuve dit simplement que Singlin aurait, ;7^r^?^-»7, été effarouché er^
Usant la première Provinciale,
96 RKVUK CRITIQUE
63. — Etat niouuBtique de Bézlers nvaiit 17 99. Notices sur les anciens
couvents d'hommes et de femmes d'après des documents originaux, par Antonin
SoucAiLLE, correspondant du Ministère de l'Instruction publique, secrétaire de
la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, etc. Mémoire cou-
ronné par l'Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse.
Béziers, 1889, grand in-8 de 228 p.
M. Soucaille s'occupe successivement des couvents d'hommes (domi-
nicains ou frères prêcheurs, frères mineurs, pères de la Mercy, Jésuites,
Minimes, Carmes, ermites de Saint-Auguslin, capucins, prêtres de la
Mission, chanoines de Saint-Aphrodise, chanoines réguliers de Sainte-
Geneviève, chanoines de SS. Nazaire et Celse, chapelains du Saint-Es-
prit, Templiers et Hospitaliers, Antonins) ; des couve7its de femmes
(Sainte-Claire, Saint-Esprit, Sainte-Ursule, Sainte-Marie, religieuses
Hospitalières, filles de la Charité), des Confréries (Sociétés d'hommes :
pénitents Minimes, pénitents de la Miséricorde, pénitents Rouges, pé-
nitents Bleus, pénitents Noirs, pénitents Gris, pénitents Blancs, pèlerins,
confrérie du Saint-Sacrement, congrégations d'artisans) ; (Associations
de femmes : congrégation de Sainte-Elisabeth, sœurs du tiers ordre de
Saint-François, confrérie deN.-D. des Suffrages, confrérie des dames de
la Miséricorde), Cette longue énumération permet de dire que rarement
ville fut aussi richement pourvue que Béziers de couvents et confréries.
M. Soucaille a été le consciencieux historien de tant d'établissements et
d'associations. Les archives municipales de Béziers et les archives dé-
partementales de l'Hérault lui ont fourni de nombreux documents tan-
tôt analysés dans son récit, tantôt reproduits in extenso •. On regrette
de trouver dans un travail bien fait, quelques citations qui traînent par-
tout, comme les quatre vers de la Henriade sur le duc de Joyeuse de-
venu capucin (p. 109). Notons encore (même page) ces trois lignes su-
perflues : « Faut-il rappeler qu'à Tordre des capucins appartenait le père
Joseph, l'ami et le confident du cardinal Richelieu, et surnommé l'^"-
minence grise? » Chaque lecteur répondra : « Mais non, il ne faut point
rappeler ce que tout le monde sait. »
T. de L.
64. — Le Château de Versailles au temps de Marie Antoinette, 1 770-1 789, par
Pierre de Nolhac. Versailles, Bernard, 1889. In-8, 108 p.
M. de Nolhac, que nos lecteurs connaissent par d'autres études et qui
achève un livre sur Marie-Antoinette, vient de nous donner un travail
bien instructif sur le château de Versailles. Grâce aux états de logement
(il y en a sept), grâce aux plans et aux a registres des magasins », grâce
surtout à sa méthode rigoureuse qui lui permet de classer logiquement
I . M. S, aurait facilement trouvé quelques autres documents aux archives de la Haute-
Garonne, notamment en ce qui regarde les dominicains. l,es publications de M. l'abbé
Douaisauraiei^t pu lui fournir des indications utiles.
o'HISTOIRE KT DR LITTÉRATURK 97
tous les renseignements dont il dispose, il éclaire d'une vive lumière
rhistoire d'une époque du château qui n'est pas très connue et qui va
de l'arrivée de Marie-Antoinette aux journées d'octobre 1789. Il fixe
minutieusement les parties du palais où ont résidé M"'" du Barry,
j^me Adélaïde, la Reine et le Roi, les Enfants de France, M'^^s de Poli-
gnac et de Lamballe, Monsieur, Madame et le duc d'Orléans. Il
rectifie au passage quelques inexactitudes des historiens antérieurs
du château. Il reconstitue la fameuse scène de l'expulsion de Lauzun
(p. 38), et ritinéraire que suivit ce médisant de Besenval, lorsque Marie-
Antoinette le manda à la veille du duel entre le duc d'Artois et le comte
de Bourbon (p. 42-45).
Ces curieuses études présentent à un point de vue nouveau un tableau
du Versailles monarchique, fournissent à l'histoire anecdotique d'utiles
informations et faciliteront les recherches de détail à ceux qui étudient
le personnel de la cour à la veille de la Révolution. M. P. de Nolhac les
a fait suivre du texte intégral d'un état des logements du château
de Versailles, qui fut dressé sans doute en 1787 et qui donne
assez exactement Pétat des logements en 1789 (p. 77-103) ; il accom-
pagne cette édition de notes nombreuses, mais brèves et précises, où il
essaie, au moyen des anciens plans, quelques comparaisons avec l'état
actuel des lieux, et suit, à l'aide des documents de l'époque de Louis XV
et de Louis XVI, les changements opérés dans la distribution inté-
rieure du palais. Il a même pris la peine de rédiger un index des
noms (p. io5-io8), qui augmente encore l'utilité et la valeur de son
travail.
A. G.
65. — Les représentants du peuple en mission et la justice révolution-
naire dans les départements en l'an II, 1793-1794, par Henri Wallon, membre
de l'Institut. Tome III. 18S9. Paris, Hachette. In-8. 447 p. 7 fr. 5o.
M. Wallon poursuit ses études sur les représentants du peuple en
mission, et vient de publier le troisième tome de cet important ouvrage.
Ce volume est consacré au Sud-Est, à l'Est et à la région de Paris.
L'auteur nous transporte d'abord dans la région des Alpes et du Rhône,
puis à Lyon, dans le Vaucluse, dans la Bresse et la Franche-Comté,
dans les trois départements de l'Allier, de la Nièvre et du Cher, dans
la Bourgogne et la Champagne, enfin, dans la région voisine de Paris
(Paris, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Eure-et-Loir, Oise, Aisne,
Somme). On trouve dans ce tome, comme dans les deux précédents,
de nombreux détails puisés aux sources officielles, et, comme nous
l'avons déjà dit {1889, n»" 8 et 17), M. W. s'efforce de tout connaître,
l'imprimé et l'inédit. Il a fait de minutieuses recherches à Paris, au
dépôt de la guerre, au ministère des affaires étrangères, aux archives
nationales, aussi bien qu'en province. C'est ainsi qu'il a compulsé, à
Avignon et à Carpentras, les documents exposés par M. de Baumefort
98 REVUE CRITIQUE
et par l'abbé Bonnel dans leurs ouvrages spéciaux sur la commission
d'Orange. C'est ainsi qu'il a consulté, pour l'histoire du Lyon révolu-
tionnaire, outre les rapports de Maignet, de Couthon , de CoUot
d'Herbois et les papiers trouvés chez Robespierre, le livre de Salomon
de La Chapelle sur les tribunaux de Lyon et de Feurs, et les Prisons
de Lyon, de Delandine, dont il cite d'émouvants extraits ; pour TAu-
vergne, les études si instructives de MM. Mège et Boudet; pour Monl-
béliard, l'essai de M. Lods — et non Lod'{ (p. 237) -— sur Bernard de
Saintes, etc. Mais, selon son habitude, M. W. en a pris à son aise; il se
contente trop souvent d'ajouter les témoignages les uns aux autres ; il
laisse, comme on dit, parler les sources et se soucie peu d'arranger son
récit, de le disposer habilement, en un mot de faire œuvre personnelle
d'écrivain et d'artiste. Enfin ! il faut en prendre son parti, et, après
tout, savoir gré à M. W. de rassembler de toutes parts, sur un sujet
assez rebutant, un aussi grand nombre de documents et de citations.
Nous lui reprocherons, néanmoins, de ne pas avoir lu le livre de
M. Raoul Rosières, la Révolution dans une petite ville {iSSS), où il
aurait trouvé d'intéressants détails sur les actes de Delacroix et de
Musset à Meulan, ni les Etudes sur le Cher pendant la Révolution, de
M. Lenias (1887), qui lui auraient donné des renseignements sur la mis-
sion de Fauvre-Labrunerie et de Laplanche, et sur les actes des délégués
de Laplanche, Bonnaire et Labouvrie à Sancerre et à Vierzon. Pourquoi
(pp. 23 et 406) fait-il adresser à Keilermann une lettre de Danton à
Dubois-Crancé? Danton peut-il traiter Keilermann de « cher collègue »?
M. W. semble douter de Tauthenticité de la lettre, qui n'est qu'une
copie; mais qui ne reconnaît Danton à ces dernières lignes : « Si les
cultivateurs crient, demandent où ils iront vendre leurs denrées, dis
leur qu'ils aillent à Constantinople, s'ils le veulent. Distribue à force
les assignats, ne les compte pas, tout se retrouvera. »? Pourquoi, lors-
qu'il vient à parler (p. 69) des rapports de Bonaparte avec Robespierre
jeune et de sa mission à Gênes, n'a-t-il pas tiré parti du livre de M. Jung
[Bonaparte et son temps, 11,431-457)? Pourquoi n'a-t-il pas cité un
autre ouvrage du général Jung sur Dubois-Crancé, et le remarquable
article d'Albert Duruy, qui lui aurait appris que Lyon fut réduit par
l'offensive vigoureuse de Doppet? Pourquoi n'a-t-il pas dit (p. 3-4)
que la Convention avait envoyé, le 18 novem.bre 1792, des commissaires
à l'armée du Var et que ces commissaires étaient, outre Collot d'Her-
bois, Lasource et Goupilleau de Fontenay? Enfin, quelle mauvaise
grâce à reconnaître ce que doit l'armée d'Italie aux représentants! (p. 61).
Les commissaires n'eurent-ils pas raison de suspendre Anselme? N'ont-
ils pas remplacé Carteaux par Dugornmier, et, après la blessure de
Dommartin — cet officier que M. W. aurait dû nommer (p. 49) —
confié l'artillerie à Bonaparte? N'ont-ils pas marché devant Toulon
à la tête des colonnes d'assaut? N'ont-ils pas laissé agir Dumerbion et
Masséna? M. Wallon ne reconnaît-il pas qu'ils ont fait tout ce qu'ils
ont pu pour habiller et approvisionner les troupes?
A. Chuquet.
Il
O'HISTOIRB Et DE LITrÉRATURh 9^
CHRONIQUE
FRANCE. — M. J. LoTH va publier à la librairie Bouillon une Chrestomathie
bretonne (vi et 528 p.)
— La Revue de la Révolution cesse de paraître.
— M. l'abbé Guillaume, de Gap, publiera très prochainement le tome premier de
VHistoire générale des Alpes maritimes et cottiennes, du R. P. Marcellin Fournier,
continuée par Juvenis.
— Notre collaborateur, M. J. Roman, vient de faire paraître deux brochures intéres-
santes sur Y Expédition projetée par le comte de Provence contre Gap en 141 5 (Va-
lence, Céas. In-8°, i5 p.) et sur VExpédition des Provençaux en Dauphiné en i368-
l36g (Digne, Chaspoul. In-8°, 14 p.)
— Les vieux registres de l'Université d'Aix ont été découverts par M. Belin, rec-
teur de l'Académie, qui prépare, en deux volumes, une Histoire de l'Université d'Aix,
— Nous avons reçu des éditeurs lillois Desclée et de Brouwer un exemplaire de
l'édition revue et abrégée de la Vie du bienheureux Jean Gabriel Perboyre (in- 8*,
180 p.); on y remarquera les lettres qu'il écrivit de Chine et qui donnent de nom-
breux détails sur le Ho-nan et le Hou-pé.
— M. F, FouQUÉ a bien fait de publier dans la Revue scientifique et de tirer à part
un article sur la Nouvelle loi militaire et l'École Normale; il montre que la section
des sciences de l'École reçoit le plus rude coup, et il propose d'employer les élèves
de cette section au service de pyrotechnie et de donnner aux élèves de lettres la fonc-
tion de secrétaires-rédacteurs, ou mieux encore d'autoriser les normaliens, comme
les polytechniciens, à faire leur année de service en qualité d'officiers de réserve, en
identifiant les exercices militaires à l'École normale comme à l'École polytechnique.
ANGLETERRE. — M. A. Campbell Fraser, d'Edimbourg, va publier un volume
sur Locke (x Phiiosophical Classics for Engiish Readers »), et M. Sidney Webb, un
ouvrage intitulé Socialism in England (« Social and phiiosophical studies »).
— Le troisième volume de la nouvelle édition des Collected writings of De Quin-
cey, publiée par M. Masson, vient de paraître à la librairie Black. d'Edimbourg; il
contient des London Réminiscences et les fameuses Confessions of an Engiish Opium
Eater.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 24 janvier 18 go.
M. de la Borderie, élu membre libre en remplacement de M. Ch. Nisard, est in-
troduit et invité à prendre place parmi ses confrères.
M. Geft'roy, directeur de l'Ecole française de Rome, exprime, dans une lettre
adressée à 1 Académie, les regrets que cause la mort d'un membre de l'Ecole, dont
les travaux avaient été remarqués, M. Léon Cadier.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, M. Schefer, président, annonce que M. Eu-
gène Piot a légué à l'Académie la totalité de sa fortune, sous la réserve d'un petit
nombre de legs particuliers. L'Académie a accepté ce legs, sauf l'approbation du gou-
vernement.
L'Académie procède à l'élection d'un membre libre, en remplacement du général
Faidherbe. Le scrutin donne les résultats suivants :
i"' tour. 2° tour.
M. le D"" Hamy 1 5 voix. 27 voix.
M. Dieulafoy 14 — 3 —
M. le duc de la TrémoïUe , i3 — 12 —
42 votants. 42 votants.
M. le D' Hamy, conservateur du Musée d'ethnographie, est déclaré élu. L'électieil
sera soumise à l'approbation du Président de la Republique.
100 REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTERATURE
L'Académie nomme une commission chargée de présenter des candidats à la place
d'associé étranger, vacante par la mort de M. Cobet. Sont élus : MM. Renan, De-
lisle, de Rozière, Boissier.
M. l'abbé Duchesne lit une note sur la persécution exercée contre les chrétiens
dans l'Arabie heureuse au vi' siècle. M. J. Halévy, dans une suite de communications
faites l'année dernière à l'Académie, a soutenu que les véritables auteurs de ces per-
sécutions étaient, non, comme on l'a cru jusqu'ici, les juifs, mais les chrétiens ariens.
M. l'abbé Duchesne s'attache à réfuter la thèse de M. Halévy et à prouver qu'elle est
en contradiction, non seulement avec l'interprétation naturelle des textes déjà con-
nus, mais aussi avec des documents nouveaux, les inscriptions sabéennes rapportées
d'Arabie par M. Glaser.
M. Delisle a la parole pour une courte communication :
« Au mois de septembre dernier, dit-il, j'ai eu l'honneur de communiquer à l'Aca-
démie une notice sur des fragments d'un registre des enquêteurs de saint Louis qui
avaient servi de couverture à trois exemplaires de la Clirestomathie grecque publiée
en i8z3 par la librairie Delalain et que M. Alfred Richard, archiviste de la Vienne,
venait de donner à la Bibliothèque nationale. Je disais dans ma notice que, selon
toute apparence, d'autres feuillets du même registre avaient dû être employés par le
relieur chargé en 1823 de cartonner une partie de l'édition de la Clirestomathie, et
j'invitais les possesseurs de ce livre à vérifier la condition de leurs exemplaires. Mon
appel a déjà produit un résultat.
« Le R. P. Ingold a donné ces jours derniers à la Bibliothèque nationale, de la
part de M. l'abbé Delsor, curé de Nordheim (Alsace), un exemplaire de la Chresto-
mathie de 1823, dont la couverture était formée par un double feuillet du registre
des enquêteurs de saint Louis. Ce double feuillet s'intercale au milieu de ceux que
nous devons à la libéralité de M. Richard. Il contient une quarantaine de réclama-
tions présentées aux commissaires royaux dans les diocèses de Laon et d'Amiens. »
M. Wallon, secrétaire perpétuel, donne lecture de son rapport semestriel sur les
travaux des commissions de publication.
M. Philippe Berger communique une note sur une série de soixante-sept inscrip-
tions néo-puniques, de l'époque impériale romaine, qui ont été recueillies à Mak-
teur (Tunisie , par M. Bordier, vice-consul de France, et M. Delherbe. Ces inscrip-
tions sont très curieuses, soit par les symboles dont elles sont accompagnées
(notamment celui du poisson), soit surtout par les noms propres qu'elles renferment.
M. Berger a étudié ces noms, avec l'aide de M. Gagnât, et a reconnu dans presque
tous des noms romains déguisés sous une forme punique. Les symboles et le texte
des inscriptions font également penser à la religion punique telle qu'on la voit re-
présentée dans les écrits de saint Augustin.
Ouvrages présentés : — par M. Héron de Villefosse -. 1° Lejay (Paul), Inscriptions
antiques de la Côte-d'Or (fasc. 80 de la Bibliothèque de l'Ecole des hautes Etudes);
2" EspÉRANDiEU (Emile), Epigraphie romaine du Poitou ci de la Saintonge; — par
l'autenr : Barthélémy (Anatole de), Manuel de numismatique ancienne, 2* édition :
— par M. Bréal : Barth (Aug.), Bulletin des religions de /'/«de (extrait delà Revue
de l histoire des religions).
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du i5 janvier 18 go.
M. Adrien Blanchet lit un travail intitulé : Contribution à l'cpigraphie romaine
de Langres.
M. Héron de "Villefosse communique, de la part de M. Rochetain d'Avignon, un
petit vase en terre cuite trouvé aux baux près d'Arles, qui porte en caractères grecs
le mot Segomar gravé à la pointe et qui paraît être le nom de l'ancien propriétaire
du vase.
M. le lieutenant Espérandieu envoie à la Société communication de la découverte
d'un cachet d'oculiste nouveau portant le nom de Caius Julius Atilianus.
Errata. — P. 44, 1. 12 : ponctuer après : des autres. — Ibid., 1. 16 : / (et non A).
— Ibid., 1. 3i, effacer les mots : ut dinoscas qui auraient dû être placés avant :
quam... dans la note i. — La note i de la p. 47 doit prendre la place de la note 2
de la p. 46, et réciproquement.
Le Propriétaire-Gérant: ERNEST LEROUX.
Lb Pxiy., imprimerie Marchessou fils, boulevard ^aint-laurtnt, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
No 6 - 10 février — 1890
goiïimaire s 66. Brandt, Le ir.andaïsme. — 67. Kœnig, Les Ophites. — 68. La-
Loux et Monceaux, Restauration d'Olympie. — 6g. Espérandieu. Epigraphie
romaine du Poitou et de la Saintonge. — 70. Lejay, Inscriptions antiques de la
Côte d'Or. — 71. Vaillant, Epigraphie de la Morinie. — 72. Wulff, Le lai du
cor.— 73. Lettres de Henri IV à M. de Béthune, p. p. Halphen. — 74. Corres-
pondance politique de Charles Frédéric de Bade, I, p. p. Erdmannsdœrffer. — 75.
CoNDAMiN, Histoire de Saint-Chamond. — 76. Bertin, La Société du Consulat
et de l'Empire. — 77. Charpentier, Impressions de voyage en Russie. — Lettre
de M. Cartault et réponse de M. Salomon Reinach. — Chronique. — Académie
des Inscriptions. — Société des Antiquaires de France.
66. — I. Die mandaeîsclie Religion, ihre Entwickelung und geschichtliche
Bedeutung, erforscht, dargestellt und beleuchtet von Dr. A. J. H. Wilhelra
Brandt, Pfarrer der niederl. reform. Kirche. Leipzig, Hinrichs, 1889, in-8, p. xii
et 236.
67. _ 2, ï>îe Opliiten, ein Beitrag zur Geschichte des jûdischen Gnosticismus»
von Dr. AdoU" Hœnig, Rabbiner der israelitischcn Religionsgemeinde zu Sillein.
Berlin, Mayer und Mueller, 1889, in-8, 102 p.
I. Au premier abord le niandaisine semble n'être qu^uii produit du
gnosticisme : Manda d'hayé, le principe supérieur de la vie, répond à la
pwatç i;a)-?;ç, et le nom de Mandaya, sous lequel les Mandéens se dési-
gnent, est l'équivalent du grec Yvwar.y.oç, car ces mots détivent du verbe
vida' « savoir ». Cependant la pratique du baptême dans les eaux flu-
viales le rattache, d'un autre côté, aux sectes des Baptistes répandues
en Orient vers le commencement de l'ère chrétienne. Les livres des Man-
déens sont tellement obscurs et confus, ils renferment un tel chaos d'i-
dées, que de bons esprits ont renoncé à les comprendre, après en avoir
abordé Tétude, et se sont demandé s'il ne serait pas plus logique de cher-
cher chez les Mandéens eux-mêmes une tradition que leurs livres ne
reflètent plus que dans un brouillard épais. Petermann, dans son voyage
en Orient, dirigea ses efforts de ce côté, mais il se heurta aux réticences
pleines de mystères que les prêtres affectent vis-à-vis Tétranger, et ne re-
cueillit que des informations incomplètes. M. Siouffi fut plus heureux :
ayant rencontré à Bagdad un néophyte chrétien, fils d'un prêtre man-
déen, il consigna par écrit tout ce que celui-ci savait de la religion de
ses pères. Il résulte de Texamen de ces renseignements comparés entre
eux, conclut M. Brandt, que les prêtres mandéens ne possèdent aucune
tradition et s'en tiennent à leurs livres sacrés qu'ils comprennent mal.
C'est à ces livres qu'il faut s''adresser pour avoir une connaissance de la
religion de ce petit peuple ; malheureusement les copistes, qui parais-
Nouvelle série, XXIX. 6
102 REVUE CRITIQUE
sent avoir été aussi nombreux qu'ignorants, nous les ont transmis dans
un mauvais état.
Les livres que M. B. a eus à sa disposition sont : le Gen:{a « trésor »
ou Sùh'a rabba « le grand livre », connu vulgairement sous le nom de
Livre d'Adam, dont M. Petermann a donné une édition qui a fait dé-
laisser celle de Norberg; et le Qolasta, recueil de chants et d'enseigne-
ments sur le baptême et sur l'âme séparée du corps, publié avec luxe par
M. Euting. Il existe encore quelques traités moins importants qui sont
inédits et qui sont demeurés inaccessibles à M. Brandt.
Le mandaïsme esî-il une de ces religions mêlées que M. Kessler a
cherché à définir dans son premier volume sur Mani? M. B. évite cette
expression et suit la méthode historique ; après avoir cherché à recons-
tituer le noyau primitif de la religion, il en examine les développements
et distingue les éléments étrangers qu'elle a reçus. Les restes d'un an-
cien polythéisme sont encore visibles dans quelques traités du Genza
relatifs à la théogonie et à la genèse du monde terrestre. Pirâ, Ayar et
Mânà forment une triade analogue à celle d'Anu, Bil et Ea dans l'an-
cien système babylonien; d'autre part, les Outhras jouent le rôle de dé-
miurges. Dans la création du monde, Ptahil (quelquefois Gabriel) est
l'agent de Manda d'hayé, tandis que Adakas Mânâ représente un Ou-
thra. Rouha qadischta (le saint Esprit) et ses sept fils (les planètes), person-
nifient le principe du mal. Les Sept, à la demande de Ptahil, forment le
corps d'Adam qui ne peut se tenir debout jusqu'à ce que Ptahil lui com-
munique une parcelle de l'Esprit \
En opposition avec ce polythéisme s'est formée la doctrine mono-
théiste du Roi de la lumière, le principe du bien et l'antithèse du monde
des ténèbres. Dans ce système, la création du monde est exposée tout
différemment et la comparaison avec le système précédent ne laisse pas de
doute sur la priorité du polythéisme. Mais, après cette transformation,
comment les documents polythéistes ont-ils pu subsister dans le Genza
à côté des traités monothéistes? C'est que le peuple, pense M. B., tenait,
déjà à ce moment là, beaucoup moins aux dogmes qu'à ses usages tra-
ditionnels; dans le cas contraire, cette réforme qui ne fit qu'une brèche
au monde idéal des anciens Mandéens, aurait abouti à une nouvelle re-
ligion.
Les chapitres ii et m sont consacrés aux conceptions cosmologiques et
anthropologiques des Mandéens. Le chapitre iv renferme un historique
fort intéressant du mandaïsme. L'influence judéo-chrétienne est mani-
feste dans certains traités, dont un des plus curieux a rapport à saint
Jean-Baptiste. M. B. estime que ce document appartient au groupe po-
lythéiste, parce qu'il ne reflète aucune des idées de la doctrine du Roi
de la lumière. Jésus baptisé dans le Jourdain par saint Jean-Baptiste se
I. Comp. le mythe de Jaldabaoth chez lesOphites; v. l'ouvrage recensé ci-après :
Hœnig, Die Ophitcn, p. Sg, 52. Ruha (l'esprit), joue le rôle d'une femme, parce que
le mot est du genre féminin.
d'histoire et de littérature io3
transforme en Manda d'hayé apparaissant au saint qui, par ce moyen,
devient un héros du mandaïsme. Le nom de Nazaréens que les Man-
déens s'appliquent à eux-mêmes, ferait supposerque, dans leur croyance,
Manda d'hayé aurait donné ce litre à ses adeptes lors de son apparition
à saint Jean. Dans cette hypothèse, la nouvelle de la venue du Sau-
veur parmi les Juifs aurait été transmise aux Mandéens par une secte de
chrétiens qui s'appelaient Nazaréens. Mais comment concilier cette idée
avec la haine qui se fait jour dans le Genza contre Jésus et tout ce qui
lui touche de près? Celui-ci est traité de faux prophète et de sorcier ; il
est né de Rouha, Pincarnation du mal ; il fait partie avec Rouha des
planètes qui exercent une influence funeste sur le globe terrestre. M. B.
croit que cette haine s'est déclarée plus tard, lorsque les missionnaires
nestoriens cherchèrent à convertir au christianisme les Mandéens. Cette
conjecture n'est appuyée sur rien de positif; on serait plutôt tenté de
comparer le passage d'Origène ', d'après lequel les Ophites ne laissaient
pénétrer personne dans leurs réunions avant que le nouveau venu n'ait
prononcé des malédictions contre Jésus.
La seconde apparition de Manda d'hayé à Jérusalem et les pratiques
initiatrices de saint Jean Baptiste au Jourdain menaçaient d'éclipser la
première apparition de Manda d'hayé, à l'origine du monde. C'est alors
que se produisit la théorie du Roi de la lumière, formée autant des idées
personnelles de son auteur que d'emprunts faits au parsisme et sans
doute au christianisme. M. B. examine en détail cette théorie qui mar-
que la dernière étape du mandaïsme.
Dans le chapitre vi, M. B. revient sur les origines de la religion man-
déenne. A la religion naturelle sémitique rem.ontent Tidée du séjour des
dieux au Nord et la pratique du baptême fluvial ; cependant c'est au par-
sisme qu'est dû le dogme de la rénovation ou plutôt de la seconde nais-
sance par le baptême, p. 206. La philosophie babylonienne a révélé aux
Mandéens le monde souterrain et leur a enseigné les mythes relatifs â la
théogonie et a la genèse du monde. Ces mythes se retrouvent également
dans le gnosticisme qui, ainsi que l'a montré M. Kessler, n'est pas resté
étranger aux spéculations chaldéennes. Le parsisme a prêté au man-
daïsme le dogme de l'antithèse de la lumière et de l'obscurité symboli-
sant le bien et le mal, et les croyances relatives à la destinée de l'âme
après la mort, La doctrine du Roi de la lumière a déplacé la base du
développement religieux qui, de babylonien, est devenu parsi. Le ma-
lichéisme présente également des points de contact avec le mandaïsme,
quoiqu'il ne pratique pas le baptême. M. B. croit que, si l'auteur de la
loctrine du Roi de la lumière ne s'est pas servi lui-même des livres ma-
nichéens, son école a dû les mettre à contribution. Néanmoins les ca-
■actères principaux du manichéisme : la rédemption, le dualisme et l'as-
:étisme, n'ont pas pénétré chez les Mandéens.
Tels sont les résultats auxquels l'étude des livres mandéens a conduit
I. Contre Celse, IV, 28 ; comp. Hœnig, Die Ophiten, p. 46.
104 REVUE CRITIQUE
M. Brandt. Plusieurs hypothèses pourront soulever des doutes et appe-j
1er la contradiction; mais le grand mérite de ce travail est de nous!
donner, pour la première fois, un exposé clair et raisonné de la reli-
gion mandéenne. C'est un éminent service que M. B. a rendu aux scien-
ces religieuses, car les livres mandéens, écrits dans une langue accessible
à peu de personnes et dans un style obscur, risquent fort de n'être pas
souvent consultés; aussi est-il à désirer que M. B. qui est si bien pré-
paré, nous donne prochainement une traduction fidèle de ces livres '.
II. A l'opposé des Mandéens, les sectes gnostiques ont disparu avec
leur littérature et elles ne nous sont connues que par les livres chrétiens
ou juifs qui ont combattu leurs doctrines. Contrairement aux person-
nes qui voient dans les gnostiques des hérétiques chrétiens, M. Hœnig
soutient — c'est là l'objet de sa publication — que les premiers gnos-
tiques sont sortis du judaïsme et que ces premiers gnostiques étaient
les Ophites ou Naasséens, qui tirent leur nom du mythe biblique
du serpent apportant à l'homme la connaissance du mal. Cette secte
est au moins contemporaine du christianisme, si elle ne lui est pas
antérieure, 'Vers le commencement de l'ère chrétienne, en effet, la
question : D'où vient le mal? s'imposait d'une manière urgente et la re-
ligion monothéiste des Juifs ne pouvait pas lui donner une réponse sa-
tisfaisante. C'est ce problème que l'ophitisme a cherché à résoudre, sans
sortir d'abord du judaïsme. En dehors du mythe du démiurge Jalda-
baoth, ce système religieux ne renferme rien dont on ne trouve un écho
dans l'es Tamulds et les Midrasch, ainsi que M. H. le montre par de
nombreux passages empruntés à ces livres. Mais la théorie du démiurge,,
qui forme le caractère principal du gnosticisme, ne pouvait être acceptée
par les Juifs et elle fut la cause d'une séparation devenue inévitable.
Selon M. H. le gnosticisme pourrait être, comme le christianisme, sorti
de l'essénisme, mais avec cette différence que le premier prenait en coa-
sidération l'élément spéculatif, tandis que l'autre s'attachait davantage l|
l'élément religieux. M. Hœnig rejette toute influence étrangère ; cepen
dant il est difficile que, à l'époque de Philon d'Alexandrie et de JohanI
nan ben Zakkai, rhellénisme n'ait pas eu sa part dans cette réactior
contre le monothéisme étroit des Juifs. D'un autre côté, M. Kessler
comme nous avons eu occasion de le mentionner plus haut, a trouvé dan
les systèmes gnostiques des rapports évidents avec les anciens mythes dj
la Babylonie. 1
Ce livre témoigne autant des connaissances étendues de 1 auteur qu
I Voici quelques observations de détail : p. 3o, note 2. le mot maldld veut di:
comme en syriaque, « orateur » et n'est pas altéré de mamlelâ ; p. 46, dayaraj\
signifie « habitants « et non pas * demeures »; p. 60 la Monta-ne de fer se tro.
vait au nord-est de la mer Morte; v. Neubauer. Géographie du Taimud. p. 4PJ
J Derenbourg, Revue des Études juives, 1884, p. 27b; p. 107, nous ne connal
sons pas de mot syriaque petiia dans le sens d'hostie ; p. 12S Ourasclihvn n est p
une affreuse déformation de l'hébreu Jerouschalem avec le sens de « Our l'a accor
pli * mais répond au syriaque Ourischlcm et à l'arabe Ourischahm.
d'histoire et de littérature io5
de son jugement sain et critique, quelque doute que ces questions diffi-
ciles laissent encore planer dans l'esprit du lecteur.
Rubens D uval.
68. — V. Laloux et P. MoNCKAUX. Restam-atîon d'Olympîe. L'histoire, les
monuments, le culte et les fêtes. Paris, Quantin, 1889. In-4 àc 224 p. avec
10 planches hors texte et de nombreuses gravures '. Tiré à Doo exemplaires nu-
mérotés. Prix: 100 francs.
Ceux qui voulaient connaîLre les résultats des fouilles d'Olympie sans
dépouiller des collections de périodiques, en étaient réduits, jusqu'à
présent, à trois publications en langue allemande : 1° les Ausgrabungen
lu Olympia, recueil aussi coûteux qu'incommode de photographies
collées sur bristol, précédées d'un texte insuffisant; 2" une bonne com-
pilation de M. Boetticher, dans le format in-S», dont le texte vaut mieux
que l'illustration; 3'^ le remarquable article Olympia, publié par
M. Flasch dans les Denkmaler de Baumeister. On est heureux
de voir paraître en P>ance la première monographie vraiment satis-
faisante, spécialement destinée aux artistes et au grand public, où
un texte sobre et élégant, dû à M. Monceaux, sert de commentaire aux
belles planches exécutées soit d'après les originaux, soit d'après les
restitutions de M. Laloux. Ce dernier, ancien pensionnaire de l'Acadé-
mie de France à Rome, auteur d'une histoire résumée de Tarchitecture
grecque dont nous avons rendu compte (Rev. crit.^ 1889, I, p. 83),
a passé plusieurs mois à Olympie, de 1881 à i883', faisant abstrac-
tion du travail de ses prédécesseurs, il a pris une fois de plus toutes les
mesures, toutes les côtes, et il a exposé au Salon annuel, puis au Champ
de Mars en 1889, une restitution de l'Altis qui a été très justement
remarquée parmi tant d'excellents envois de ses collègues de la Villa
Medici. Presque tout est à louer dans les planches et dans les vignettes
de ce volume ; nous signalerons surtout les magnifiques photogravures
consacrées à la restauration générale de Tenceinte sacrée d'Olympie.
Même dans la série des vignettes, exécutées d'après des dessins à la
plume, il y a de petits chefs-d'œuvre, comme les vues publiées aux pages
44 et45. Nous de von s cependant présenter deux réserves graves à l'adresse
fj du travail de M. Laloux. D'abord, dans ses restitutions, il a singuliè-
rement abusé des décorations empruntées à la céramique; il en a fait
figurer sur le mur extérieur de la cella du temple de Jupiter, sans souci
du style de ces peintures trop archaïques pour le monument qu'elles
décorent, sans souci même de la vraisemblance, qui interdit de trans-
porter sur une muraille la décoration d'un vase. Notre seconde objec-
tion porte sur la planche intitulée : « Essai de restitution du Jupiter de
Phidias. » Elle est si mauvaise qu'on se demande vraiment si elle a
I. Par une négligence qui me paraît inexplicable, et qui rendra les renvois à ce
livre difficiles, ni les planches ni les vignettes ne sont numérotées. La table des
gravures, donnée à la p. 225, ne dislingue même pas les vignettes des photogravures!
I06 REVUE CRITIQl!E
pour auteur le même artiste que les autres. Rien n'y rappelle que Tori
ginal était en ivoire et en or ; Je modelé, au lieu d'être accusé d'une
manière un peu sèche, comme il convenait, est tout à fait vague et
nébuleux, même incorrect. Chose plus grave encore, les figurines d'or-
nement, peintes ou sculptées sur le trône du dieu, sont toutes égale-
ment inadmissibles et font l'effet de véritables contre-sens. Les pein-
tures sont empruntées à des vases qui peuvent remonter à l'an 600, les
sculptures à des motifs postérieurs d'au moins trois siècles, comme
celui des trois Grâces nues. C'est un recul marqué sur la restauration
de Quatremère, qui date pourtant de 181 3. Quand les 5oo exemplaires
de sa belle monographie auront trouvé acquéreurs, M. Laloux rem-
placera cette planche dans une seconde édition. En revanche, il n'est
guère possible de donner des reproductions plus satisfaisantes d'après
les statues des frontons et l'Hermès de Praxitèle, figuré ici, pour la
première fois en France, avec les jambes que lui a rendues un restau-
rateur. Parmi les vignettes, il n'y en a qu'une seule qui soit mauvaise :
c'est TAthéné de la métope du Louvre, reproduite à la p. 91.
Le texte de M. Monceaux mérite tout d'abord d'être loué pour sa vive
allure, sa bonne ordonnance, la discrétion que l'auteur a mise à ne;
pas le surcharger d'érudition. Toutefois, à cet égard, je trouve encore
qu'il a donné trop ou trop peu. Ses références, très capricieusement
choisies, manquent presque toujours de précision ; ainsi (p. 42, note 3),
les titres d'ouvrages anglais (non traduits) sont cités les uns en fran-
çais, les autres dans la langue originale, sans qu'on puisse saisir le
motif de cette inconséquence. De même (p. 86, note i), dans une note
bibliographique consacrée aux frontons, il n'y a presque pas un titre
qui soit transcrit d'une manière correcte ou complète'. Dans le même
ordre d'idées, il me semble que l'auteur a passé trop légèrement sur
toutes les difficultés pendantes, en se contentant de faire observer que
ces questions devaient rester litigieuses. Qu'il s'agisse de l'école à
laquelle appartiennent les frontons, de la disposition des figures du
fronton oriental, de la restauration de VHennès, c'est toujours, sous
des formes heureusement variées, la même conclusion : « Je n'en
sais rien, et, après tout, ça m'est bien égal. » Les gens du monde,
auquel ce livre s'adresse de préférence, concevront une idée fâcheuse
de l'impuissance ou de l'insouciance des archéologues. Entre plusieurs
opinions en conflit, il y en a toujours une à laquelle s'arrête un savant,
après les avoir toutes bien considérées : c'est celle-là qu'il doit prendre
sous son patronage et présenter au public, quitte à indiquer sommaire'
ment, s'il le juge nécessaire, celles qu'il repousse ou qui le satisfont^
moins.
Facile à lire, élégant, souvent spirituel, le style de M. M. subit
I. Le titre de l'ouvrage de Pinder, à la p. 210, note i, est tout à fait estropie'. II
fallait d'ailleurs citer, au lieu de ce travail vieilli, P. Gardner, Journ. Hell. Stud.
t. I, p. 210.
I
d'hISTOIRK et DR LITTÉRATURS IO7
cependant, plus qu'on ne le voudrait dans un tel livre, l'intiuence du
journal et du feuilleton. Il dit « partir au siège de Troie » (p. 5),
comme M. Ohnet dit « partir à la campagne » ; p. i3, il traduit les
[^.aa-îiYocpcpot par les Jouet tards, ce qui n'est ni joli ni exact (pourquoi
pas mastigophores on porte-verges?). P. 26 et 129, à deux reprises, il
nous parle de statues « appelées les Zanes dans l'argot d'Olympie » ;
mais Zâv ou Zâc, comme Aâv ou Aâ;, est une forme dialectale qui n'est
pas spéciale à Olympie (cf. Thés. Dîd. t. IV, p. 22, col. 2), et
l'on ne doit pas confondre un dialecte, qui est une langue particulière
à un groupe ethnique, avec un argot, qui est propre à une classe
sociale. De même encore (p. 64), parlant de la statue d'une jument,
M. M. observe : « Les Grecs savaient honorer le mérite, même à quatre
pattes. » Franchement, cela manque un peu d'atticisme, et M. M. en
conviendra lui-même à la réflexion. Je n'insiste pas, d'ailleurs, sur ces
taches légères, qui n'enlèvent pas à son exposition les qualités remar-
quables qu'une lecture, même superficielle, y fait découvrir,
La disposition du texte est bien entendue : une histoire d'Olympie
poussée jusqu'à la fin des fouilles allemandes; une topographie monu-
mentale et artistique, sorte de périégèse à la Pausanias, mais beaucoup
mieux ordonnée; enfin, une étude, qui est la meilleure partie du livre,
sur le culte et les fêtes. M. M. a fait des recherches sérieuses pour réfuter
la légende (née des confidences d'un pailikare mystificateur aux archéo-
logues allemands), d'après laquelle les fouilles de l'Expédition de Morée
auraient été suspendues sur l'ordre de Capodistria. Il met cette fâ-
cheuse interruption sur le compte des chaleurs, ce qui paraît tout à fait
vraisemblable. Rayet l'attribuait à la mésintelligence de Blouet et de
Dubois; j'ignore sur quel fondement, mais j'ai peine à croire qu'il n'y
ait pas là aussi quelque vérité. Dubois était un si bizarre personnage !
Dans l'histoire des tentatives faites par divers archéologues pour amener
la repiise des fouilles \ M. M. ne prononce pas le nom de Beulé, ce qui
est injuste. En parlant des plus anciens occupants d'Olympie (p. 4), il
fait aux Phéniciens une place très grande, à quoi ne l'autorisent ni les
monuments ni les textes. Pas une ligne d'écriture phénicienne n'a été
découverte à Olympie : c'est là un fait qui doit faire taire les
hypothèses. Dans la description de l'Altis, rédigée par M. Monceaux
avec le concours de M. Laloux, il y a plusieurs observations person-
nelles, par exemple sur le tracé de la voie triomphale (p. 5 5); sur les
21 boucliers de Mummius, que les auteurs placent sur l'architrave au-
dessus des colonnes (p. 74); sur l'hypèthre du grand temple, M. Laloux
ayant reconnu « au niveau du dallage, sous deux colonnes opposées, en
avant de la statue, deux petites ouvertures, peut-être celles des cani-
veaux par où s'écoulaient les eaux de pluie» (p. 94); sur l'emplacement
probable du théâtre (p. 145), etc. Je signalerai aussi deux remarques
I. Cette histoire est faite à l'aide de documents qui ont été réunis par un écri-
vain antérieur; M. M. a oublié ici de reconnaître sa dette.
io8
REVUK CRITIQUE
nouvelles touchant le fronton oriental (p. 87) : V Œnomaos tenait à la
main un arc et non une lance, le Pélops portait une cuirasse adaptée
après coup, dont M. Laloux croit avoir reconnu les traces. Dans l'in-
térêt du livre et des auteurs, on aurait voulu que ces nouveautés fussent
mieux en évidence et que certaines questions, comme celle de l'hypèthre,
eussent été traitées avec un peu plus de détail.
Tel qu'il est, dû à une collaboration intelligemment comprise, cet
ouvrage tiendra désormais une place honorable dans les bibliothèques
artistiques; je suis heureux d'ajouter que le prix en est modeste, le for-
mat maniable et qu'à cet égard, comme par son exécution matérielle,
il mérite de servir de modèle aux auteurs et éditeurs de monographies
qui veulent instruire le public sans le rançonner.
Salomon Reinach.
69. — E. EspÉRANDiEU. Epigi-apliie l'omaine du Poitou et de Iî« Sain-
toiige. Melle et Paris, 1889, in-8, 410 et un album de planches. A. Melle, chez
E. Lacure; à Paris, chez Thorin.
70. — P. Lejay. Insci-iptionis antiques de la Côte d'Or. Paris, 1889, in-8,
280 pages, chez Bouillon.
71. — V.-J. Vaillant. Epigrapliie de la Morinie. Boulogne-SUr-Mer, 1890,
262 p., avec planches et figures, chez Simonnaire.
Ayant renoncé à faire le Corpus inscriptionum latinariim de la
Gaule, en gros, nous le faisons en détail : c'était le seul parti honorable
qui nous restât à prendre. Les inscriptions de Bordeaux et de Nar-
bonne ont été réunies récemment par MM. Jullian et Lebègue, qui en
ont tiré un excellent parti; celles de Lyon viennent d'être rééditées par
MM. Allmer et Dissard, dans deux volumes où nous retrouvons le vail-
lant auteur des inscriptions de Vienne; voici maintenant trois recueils
locaux qui nous viennent des points les plus opposés de la France, du
Nord, de l'Est et de l'Ouest. C'est un signe excellent du développe-
ment qu'ont pris chez nous les études épigraphiques.
Un trait commun à ces trois publications, qui doit être signalé tout
d'abord, c'est que les auteurs ne se sont pas contentés de reproduire le
texte des inscriptions en caractères typographiques, ils en ont donné des
fac-similé, ou, tout au moins, ont-ils indiqué la forme des lettres les
plus caractéristiques. M. E. a dessiné lui-même tous les textes abor-
dables avec un talent que connaissaient déjà ses compagnons d'armes
épigraphiques d'Afrique ; M. V. a fait de même et a ajouté, ce qui est
mieux encore, une héliogravure; M. L. a simplement dressé une table
paléographique, ce qui peut suffire, à la rigueur. MM. E. et L. ont, de
plus, donné à la suite de leur livre des indices complets et méthodiques.
Tout cela est bien.
La partie la plus importante d'un travail de cette nature est évidem-
ment la reproduction du texte des inscriptions. Comment les trois
auteurs se sont-ils acquittés de cette part de leur besogne? C'est ce que
d'histoire et de littérature 109
je puis juger sainement pour MM. E. et L., ayant copié sur place les
inscriptions de Saintes et celles de Dijon. Je rendrai donc justice au soin
et à la conscience qu'ils ont apportés dans la recherche des textes et dans
leur édition. Sans doute, je pourrais signaler telle ou telle inscription où
je ne suis pas d'accord avec eux pour certains détails, mais cela ne prou-
verait qu'une chose, en supposant que la vérité fût de mon côté, qui est
que j'ai vu le texte sous un meilleur jour ou dans de meilleures condi-
tions qu'eux 1 ; je pourrais leur signaler aussi tel ou tel petit fragment qui
leur a échappé, par exemple, à Saintes, quelques lettres sur les deux
faces d'une base, dans Tamphithéàtre, ou, à Dijon, des débris de funé-
raires. Mais je laisse de semblables critiques à ceux qui n'ont jamais
publié d'inscriptions ou qui commencent à en publier, et qui, par suite,
regardent ces lapsus comme des péchés mortels : au reste, de semblables
critiques sont aussi aisées à faire qu'inutiles et malgracieuses. Je préfère
insister sur le service rendu par des recueils comme ceux dont il est
ici parlé et par ceux qui ont le courage d'entreprendre ces sortes de
publications singulièrement ingrates; il faut leur savoir infiniment de
gré quand ils les mènent à bonne fin.
Je veux aussi, si leur exemple trouve des imitateurs, ce qu'il faut
souhaiter, soumettre à ceux qui le suivraient quelques observations sur
la méthode employée jusqu'à présent pour de semblables travaux. Il
semble qu'il y aurait tout intérêt à la modifier, lorsqu'il s'agit de
recueils d'ensemble locaux. On a coutume, en pareil cas, de donner le
texte de chaque inscription, sa lecture, sa bibliographie, puis on ajoute
une dissertation plus ou moins longue, où l'on traite de toutes les ques-
tions qui touchent de près ou de loin à l'inscription publiée. Je n'ai rien
à dire sur les trois premiers points qui forment, à proprement parler,
la tâche d'un épigraphiste " ; je dois faire observer pourtant, pour en
revenir aux trois travaux de MM. E., L. et V., que la façon dont la
bibliographie a été comprise par M. L. est bien préférable à celle qu'a
adoptée M. E. Ce dernier nous obligea lire, avant le texte même de l'ins-
cription, tous les passages des auteurs qui en ont parlé avant lui, toutes
les lectures qui en ont été faites, j'allais dire toutes les bévues commises à
leur su)et. C'est oublier que la bibliographie est une médecine, néces-
saire pour rétablir le texte des inscriptions perdues, pour fixer la pro-
venance et l'historique de toutes, même de celles qui existent encore,
mais assez désagréable à avaler. L'auteur d'un livre doit prendre ce
soin pour ses lecteurs, leur prouver qu'il Ta pris, les mettre à même
de contrôler son travail, si bon leur semble, mais ne point leur impo-
1. C'est quelquefois le contraire qui a lieu. Ainsi j'affirme à M. E. que, lorsque j'ai
copié, à l'ancien musée de Saintes, le fragment qu'il a édité p. 261, cf. pi. XVII, le
petit fragment portant les lettres A E, qu'il me reproche d'avoir oublié, n'était pas à
sa place.
2. Je préfère l'ordre géographique adopté par M. L., dans le classement des ins-
criptions, à la division par catégories admise par M. E.; mais, pour de petits recueils
comme ceux-là, les deux méthodes peuvent être acceptées.
I 10 REVUE CRITIQUE
ser de force cette besogne. Quant au quatrième point, au commen-
taire dont on l'ait suivre les inscriptions, il me paraît nécessaire de
changer de manière. MM. E , L. et V. ont, ainsi que nous l'avons tous
fait, donné à la suite de chaque inscription leur avis sur la lecture de
certains mots, sur la restitution de certains autres, sur l'explication de
termes particuUers, ce qui est indispensable; puis ils ont ajouté, tou-
jours suivant l'usage, et à la façon d'un professeur qui enseigne, des
dissertations historiques ou archéologiques à propos des différentes ins-
criptions. L'un nous dit ce qu^étaient les beneficiarii ou les capsarii
dans Tarmée, nous explique, à propos d'une dédicace à Mercure, com-
bien son culte était répandu en Gaule et nous cite toutes les divinités
locales qui lui étaient identifiées, ou ce quêtait une civitas gauloise.
Celui-là, qui est M. L., est cependant discret dans ses développements.
Les autres sont plus abondants : ils font des dissertations sur les cachets
d'oculiste, sur les evocati, sur les milices provinciales, sur les légats
d'Aquitaine, sur les poids romains et les inscriptions qui y étaient
gravées, sur le culte de Jupiter Dolichenus , etc. Tout pourrait ainsi être
un prétexte à dissertation, où Ton ferait passer des livres entiers écrits
par soi ou plus souvent par les autres. Ce système était de mise à
répoque héroïque de Tépigraphie, quand il n'y avait ni manuels d'an-
tiquités, ni Corpus. Aujourd'hui que nous avons ces instruments entre
les mains, il y a mieux à faire que de recomposer des dissertations déjà
connues à propos des inscriptions, alors que ce sont les inscriptions
qui doivent être citées à propos des dissertations. Je concevrais donc un
Corpus local, composé de deux parties : la première comprendrait le
texte des inscriptions awec fac-similé photographique autant que pos-
sible, bibliographie et explication philologique du texte, tout cela net,
concis et sans fleurs; la seconde serait un travail personnel, où Ton
tirerait des textes réunis dans la première tous les renseignements qu'ils
contiennent. Au lieu d'éparpiller ces renseignements après chaque ins-
cription, on les réunirait et on tracerait ainsi un tableau, incomplet
peut-être, mais instructif de l'histoire, de l'organisation de la vie anti-
que d'une ville, d'un département ou d'une province. Il est bien en-
tendu, d'ailleurs, qu'on éliminerait de cet ensemble toutes les connais-
sances élémentaires que les lecteurs doivent posséder; on les rejetterait
en note, sous forme de références, pour ceux qui les voudraient acqué-
rir. De cette sorte, toutes les inscriptions, même les funéraires, seraient
commentées, mais méthodiquement et dans un ensemble où elles pren-
draient toute leur valeur. Actuellement, nous faisons comme des musi-
ciens qui composeraient une suite de variations sur chaque mesure d'un
thème, prise séparément, au lieu d'exécuter tout d'abord le thème pour
broder ensuite des variations sur l'ensemble. Avec le procédé que je
viens d'exposer, thème et variations viendraient à leur place ration-
nelle ; ceux qui ne sentent pas la nécessité des secondes s'en tiendraient
au premier, et ceux que le premier ennuie pourraient se dispenser d'y
prêter attention. R. Cagnat.
D HISTOIRE ET DE LITTERATUUK III
-2. — Le lai clw Coi'. Restitution critique, par Dr Fredrik Wulff. Lund et Paris,
1^88, in-8, v-ioi pages.
Après M. G. Paris ' et M. Suchier ~, il ne reste plus grand'chose à
dire de l'excellente publication de M. Wulfï. Je me borne à exprimer
une fois de plus le regret que la disposition typographique en soit peu
commode. Nous ne possédions de Tun des plus charmants ouvrages de
Tancienne littérature française qu'un mauvais texte diplomatique, im-
primé par Fr. Michel à la suite des recherches de F. Wolf Ueber die
Lais, Sequen\en iind Leiche (Heidelberg, 1841). M. Wulff reproduit
ce texte, soigneusement coilationné sur le manuscrit, et nous donne en
regard un essai de restitution de Toriginal, grâce auquel on pourra
désormais lire sans peine le joli poème de Robert Biket.
Le manuscrit Digby 86 a toujours au cas régime Artu. au cas sujet
hr^urs. Le \ correspond régulièrement en comique au th gallois, con-
servé dans l'anglais Arthur et rendu par t dans l'ancienne orthographe
et dans la prononciation française de ce nom célèbre. Cette particularité
ne semblera pas dénuée d'intérêt, si l'on pense avec quelle précision,
quelle exactitude pittoresques les paysages du Dartmoor ^, aux confins
de la Cornouaille et du Devon, sont décrits dans le Tristran de Béroul,
si semblable au lai du Cor et par la langue et par le style.
Ernest Muret.
73. — L.etti>es iiiétlites <Iu i-ol lleiii'i IV ù III. de Bétliune« ambassadeur
de France à Rome, du i8 octobre au 24 décembre 1601, publiées daprès le ma-
nuscrit de la Bibliothèque nationale, par Eugène Halphen. Paris, 1S89, grand
in-8 de 56 p.
Les lettres que contient la très élégante plaquette imprimée par
Jouaust, à trente exemplaires seulement, sont connues depuis long-
temps, car Berger de Xivrey, au tome V des Lettres missives, p. 744-
ySo, a eu soin de les signaler, analysant celles du 18 octobre et du
9 novembre et omettant, on ne sait pourquoi, six autres lettres qui sont
dans le même manuscrit ^. M. Halphen a eu raison de penser qu'il
serait utile au public en mettant à sa disposition les dépêches diploma-
tiques adressées à notre ambassadeur à Rome. La politique extérieure
de Henri IV, comme il le remarque, ne sera bien connue que lorsque
les documents qui l'expliquent seront sous les yeux des historiens ; les
1. Romania. XVII, p. 3oo.
2. Literaturblatt fur german. tind roman. Philologie, X, p. 56.
3. Cf. Rom., XVItl, p. 176.
4. M. Halphen dit très justement (p. 3) : « 11 est difficile de comprendre le plan
de publication de M. Berger de Xivrey, car souvent ayant dans les mains des recueils
de lettres authentiques et même autographes, il publie les unes et laisse les autres,
sans qu'il soit possible de déterminer les motifs de cette exclusion. » Combien de
fois, en étudiant le recueil des lettres missives, j'ai regretté que l'éditeur n'ait pas été
M. Halphen 1
I 12 REVUE CRITIQUE
instructions et les dépêches du roi à ses ambassadeurs sont évidemment
le point de départ d'une telle étude. Ces instructions et dépêches sont
nombreuses, car, ajoute-t-il « Henri IV a connu et dirigé les plus petits
détails de son administration au dehors et au dedans de son royaume.
C'est de l'ensemble de ces documents que sortira la véritable histoire
diplomatique de ce règne fécond. Les pièces, prises séparément, parais-
sent quelquefois de peu d'intérêt; réunies et se complétant les unes les
autres, elles éclairent des points qui ont échappé aux historiens ».
Les lettres à M. de Béthune montrent combien Henri IV cherche à
être agréable au pape Clément VIII, 11 fait mille efforts pour contenter
le souverain pontife, lequel était beaucoup moins conciliant. C'est
plaisir de voir la souplesse avec laquelle le roi gascon, si heureusement
secondé par cet autre gascon qui s'appelait le cardinal d'Ossat, cède et
cède encore, pour obtenir plus tard, à son tour, d'importantes conces-
sions. Sur bon nombre de points, le petit recueil de M. Halphen éclaire
et complète les admirables lettres du grand diplomate que je viens de
nommer. L'éditeur a joint aux huit lettres (i8 octobre-24 décembre
1601) des notes précieuses, et c'est avec une modestie qui va jusqu'à
l'excès qu'il présente en ces termes « à quelques amis » un recueil où il
a mis tant d'excellentes choses : « Qui donne ce qu'il a, qui fait ce qu'il
peut, fait ce qu'il doit. »
T. DE L.
74. — P-olitisclue Cor-respondenz Kai-1 Fi-iedi'iclis von Baden 1783-1S06,
hrsg. von der Badischen Historischen Commission, bearbeitet von B. Erd-
MANNSDŒRFFER. Ersttr Band, 1783-1792. Heidelberg, Winter, 1888. In-8, ix,
Olb p.
Voilà unedes plus remarquables publications d'archives que nous con-
naissons. L'éditeur, M. Erdmannsdôrffer, y a mis le soin, la conscience,
le savoir qu'on trouve dans ses travaux antérieurs. Il suit les. mêmes
principes que dans les volumes des Urkunden iind Actenstiicke de
Brandebourg. Non seulement il a fouillé les archives de l'Allemagne
(Carlsruhe, Berlin. Hanovre, Marbourg, Zerbst, Weimar, Wiirzbourg,
Vienne), et celles de notre ministère des Affaires étrangères. Mais il a
reproduit, dans ce premier volume, ses 549 documents avec un goût et
une habileté dont il faut lui savoir le plus grand gré. Il ne donne de
chaque lettre que l'essentiel, et se contente de résumer en petits carac-
tères certains documents dont il sufïït de connaître la teneur générale ;
il indique brièvement en lête de chaque pièce ce qu'elle contient; il met
au bas des pages des notes historiques, très suffisantes dans leur conci-
sion. Enfin, le volume étant divisé en trois parties, M. E. a fait précéder
chaque partie d'une introduction qui est, selon l'expression allemande,
orientirend. On ne sera donc jamais embarrassé dans Ja lecture de
cette correspondance qui traite de sujets fort divers et fort compliqués.
d'hisxoikk ai db littératuru Il3
Le volume commence à l'année 1783, à l'époque où le margrave
Charles-Frédéric de Bade attire l'attention, non plus seulement par son
administration qui fut si bienfaisante, mais par son rôle politique, par
sa « situation au milieu des grands intérêts du siècle ». On est attiré par
la noble figure de ce prince qui montre dans ses lettres la douceur et la
générosité de son caractère; Goltz le nomme avec raison un homme
sage et éclairé (p. 21 3) et Hertzberg, un des princes les plus patriotes et
les plus respectables de l'Allemagne (p. 41.)
Le ministre du margrave est moins sympathique; mais on le suit
avec intérêt, ce souple et infatigable Edelsheim, à l'esprit inquiet qui
fermente toujours, forge projets sur projets, entretient de tous côtés la
correspondance la plus active, et, selon le mot de Charles-Auguste,
voyage sans cesse « comme un ballon aérostatique » (p. 104). M. de Stein,
le frère du grand Stein, se moque, dans une lettre au duc de Weimar,
de cet « esprit qui jette de profonds et sublimes regards ministériels dans
l'empire des fantômes politiques » (p. 177). Mais quand Edelsheim
aurait été légèrement infatué de lui-même, il a inspiré de durables
affections; il écrit à Charles-Auguste et au margrave comme à de véri-
tables amis sur un ton cordial et familier; il sait, en outre, observer et
ne manque pas d'agrément dans le style. Il écrivait beaucoup, il est
vrai, et l'empereur Léopold lui dit un jour : Sie bringen sich mit dem
Tintenfass um (p. 384). Néanmoins ses jugements sont plus d'une fois
frappants et vrais. Il confie à Charles-Auguste que la tête du futur
Paul I ne lui semble pas faite pour porter une couronne autrement
qu'avec souci; « s'il devient et reste heureusement empereur, ma
physionomique me trompe absolument. C'est un homme tout à fait
contradictoire; bien et mal, raison et folie, arrogance, faiblesse, égoïsme,
tout cela germe, verdit et fleurit en lui, et parait sur son visage (p. 239).
Il mande le 12 mai 1784 du duc Charles Eugène de Wurtemberg :
« Depuis Gain on n'a pas d'exemple d'un tel mouvement perpétuel et
de tant de folies. Il veut maintenant passer pour un philosophe, pour
un chrétien qui se repent de ses péchés, pour un père du peuple qui
n'existe que pour ses sujets; il cache son sérail, il ne va plus au théâtre,
il a donné son piano, il parle toujours de ses vieilles sottises, achète de
vieilles bibles, a du reste plus d'ostentation que jamais, forme un corps
de mille hommes comme avant-garde d'une armée qui n'existe pas, et
ne cesse de mentir 0 (p. 74'. 11 raconte avec beaucoup de vivacité son
entrevue avec Léopold le Florentin (p. 384-385).
Citons encore, à côté du margrave de Bade et d'Edelsheim, l'honnête
et original Schlosser, le beau-frère de Gœthe, l'ancien bailli d'Emmen-
dingen, chargé d'une mission à Vienne et de la rédaction d'un code
badois, puis appelé à Carlsruhe et, en sa qualité de conseiller intime,
donnant désormais son avis sur les questions de politique intérieure et
extérieure. Edelsheim ne l'aime pas; il le regarde comme un homme
qui veut régner « coûte que coûte y>, comme un Plattfuss, et il regrette
I 14 REVUE CRITIQUE
de ne pouvoir obtenir son renvoi (p. 430). Mais Schlosser a parfois
d'excellentes idées. C'est lui qui prédit, dansun mémoire du 19 juin 1790
(p. 36 1) que Tinfluence de la Révolution française ne passera pas rapi-
dement, et qu'elle se terminera par la domination absolue d'un seul,
par une Despotie. Il fait prévoir la guerre et croit — comme Edelsheim
— qu'il n'y a que plaies et bosses à y gagner (p, 393) : « L'Autriche,
conclut-il, recouvrera l'Alsace et la Lorraine; mais la Prusse ne per-
mettra jamais un pareil agrandissement, et, lors même que la France
serait assez malheureuse pour faire de tels sacrifices, elle reprendra en
moins d'un demi siècle tout ce qu'elle aura — d'ailleurs très invrai-
semblablement — perdu. Que gagnera donc l'Empire à la guerre? Quel
aveuglement ! Le margrave doit prévenir toutes les mesures violentes s
(p. 374). C'est Schlosser, sans doute, comme le conjecture avec raison
M. E. qui, par l'intermédiaire de Pteffel, propose à Dumouriez (alors
ministre des affaires étrangères) une pleine neutralité entre la France et
le cercle deSouabe ; car, dit cet anonyme, « un des principaux membres
du ministère du margrave de Bade », les petits princes et états du corps
germanique « se déclareront contre une guerre de l'empire et se borne-
ront à demander une conférence pour l'arrangement amiable des pré-
tentions des princes possessionnés » (p. 452-453).
M. E. a, nous Favons dit, partagé le volume en trois parties. La
première est consacrée au Furstenbiind. Elle montre, comme on le
savait déjà, que a l'initiative du Bund est partie en un certain sens du
gouvernement du margrave ». Dès 1783, Charles-Frédéric songeait à
r ■i union des princes » et mandait au prince de Dessau que « les bons,
die Guten ans uns, devaient se rapprocher plus souvent ». Il veut, dit-il
dans un mémoire écrit de sa main, que Tunion « donne le ton en Alle-
magne, qu^elle donne l'exemple de la justice et de l'humanité, délivre
les arts utiles et le commerce de toute contrainte, facilite la circulation
des denrées, augmente la richesse du pays » (p. 186); on reconnaît Pami
de Mirabeau père et de Dupont de Nemours. Mais il ne vise pas seule-
ment un but politique; il pense en même temps à réaliser le projet de
Herder, à fonder une Académie allemande (p. i85-i86 et 1 90-191),
Il est en relations durant cette période avec le prince François de
Dessau, son intime ami; avec Charles-Auguste de Weimar, un de ceux
qui s'attachent avec le plus d'enthousiasme à Pidée de ï « union des
princes » et qui avait initié à ses secrètes négociations Knebel et
Gœihe; avec le duc de Deux- Ponts et l'évêque de Spire ; avec l'arche-
vêque de Mayence qui ose déclarer à Trautmannsdorf que « Charles-
Quint a été arrêté dans ses projets par une petite armée de confédérés
qui n'avait pour chef qu'un électeur de Saxe » (p. 100). La figure du
« petit » Dalberg apparaît déjà parmi toutes ces intrigues et manœuvres
diplomatiques.
La deuxième partie du volume traite des relations de Bade avec .^1
l'étranger {Auswartige Be\iehungen] avec la France, la Hollande, la
d'histoire et de littérature I I 5
Russie. La France négocie avec Bade à cause de la navigation du Rhin,
du transport des marcliandises, du droit d'aubaine, Dupont de Nemours
est à Paris le chargé d'affaires et, selon le mot de M. E., l'homme de
confiance du gouvernement badois. Il a déjà figuré dans la première
partie du volume, où il reproche à « Joseph II de mettre trop en avant
son aigle impériale » (p. 75) et fait un grand éloge de Vergennes — il
dit une fois que ce ministre « joint la réflexion allemande à la gravité
asiatique » (p, 270). Dupont ajoute à ses rapports de nombreux et remar-
quables détails sur la situation politique de la France. Il mande l'arres-
tation du cardinal de Rohan (p. 253) et les actes de rassemblée des
notables (p. 268 et 273-275). Dans une lettre du 27 décembre 1787, il
assure que, si la paix ne dure pas, la France fera un effort national qui
la relèvera plutôt que de l'abaisser (p. 284). A côté de Dupont paraît
quelquefois Butré, le physiocrate tourangeau, que M, Rod. Reuss a fait
tout récemment revivre.
Nous arrivons à la troisième partie du volume, la plus attachante,
qui a pour titre Bade et les commencements de la Révolution, de cette
Révolution qui devait faire du margraviat un grand duché et lui don-
ner un territoire compacte de deux cent cinquante lieues carrées. On y
voit les mesures énergiques que prend le margrave, de concert avec le
gouvernement de TAulriche antérieure à Fribourg, pour mettre à Tabri
delà, propagande stssu]txs(\m, comme dit Edelsheim, voient la désobéis-
sance à leur droite et à leur gauche et devant eux (p. SgS). On y voit ses
eff"orts pour conserver ses droits sur ses possessions de la rive gauche du
Rhin, sur les seigneuries de Beinheim et de Rodemachern. Il proteste
contre les décrets de l'Assemblée nationale, puis négocie avec le cheva-
lier de Ternant qui vient, au nom de Montmorin, offrir une indemnité :
soit les terres de la ville et de l'évêque de Strasbourg sur la rive droite
du Rhin, soit de l'argent comptant (p. 355), et, à cette occasion, Schlos-
ser, malgré Edelsheim et l'évêque de Spire, propose d'accepter immé-
diatement les propositions de la France : ce qui serait un Meistercoup
(p. 36i). Outre la question de l'indemnité, se présente la question des
émigrés. Condé organise son corps dans les environs de Rottweil, et
Mirabeau-Tonneau, sa légion à Ettenheim ; il faut éloigner les « ras-
semblements de troupes étrangères » (p. 408). Après une négociation
difficile avec l'abbé d'Eymar, Edelsheim réussit à faire quitter Ettenheim
à la légion de Mirabeau. Maisl'animosité croît des deux côtés ; Mackau
que Dupont nomme justement un étourdi (p, 129), prend une attitude
agressive ; le vieux Luckner vient au pont de Kehl menacer le margrave
de mettre son pays à feu et à sang s'il n'expulse pas au plus tôt les
aristocrates (p. 422). La guerre est déclarée. Que fera Bade? Une cor-
respondance s'engage entre Edelsheim, l'envoyé prussien Madeweiss,
le résident de Bade à Vienne, Mûhl, le comte Gôrtz, Jean de MûUer,
alors au service de l'électeur de Mayence et qui félicite Edelsheim
d'avoir « fait disparaître d'un coup de baguette toute une armée contre-
1 Ib REVUE CRITIQUE
révolutionnaire » (p. 429). En vain Maisonneuve , successeur de
Mackau, s'efforce d'empêcher Talliance de Bade avec TAutriche et la
Prusse; le 21 septembre le margrave signe une convention militaire
qui met un corps de 1,000 fantassins à la disposition des alliés et lui
promet « une complète indemnité aux dépens de la couronne de
France » (p. 5oo).
Le volume se termine par des extraits d'an journal manuscrit du
conseiller Meier qui contient de précieuses indications sur les disposi-
tions de la cour de Carlsruhe, sur l'effroi que jette dans le pays l'inva-
sion de Custine, et en général sur les sentiments qu'on éprouvait in
der tiirbulenten Epoque (p. 5o8). Il ne nous reste qu'à demander
pardon à M. Erdmannsdorffer de cet article si tardif et trop peu élogieux,
et à souhaiter la prompte publication du second volume qui sera
plus intéressant encore que son aîné, puisqu'il comprendra les an-
nées J793-1806 '.
A. Chuquet.
75. — Histoire de Snînt-CIiainond et de la ^eigneufie de Jnfez«
depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jouis, par James Condamix, pro-
fesseur à l'Université catholique de Lyon, membre de plusieurs sociétés savantes.
Ouvrage honoré de la souscription du Conseil général de la Loire. Paris, Picard,
1S90. In-4, xxxH et 748 pages.
La ville de Saint-Chamond doit être heureuse et fière. Elle a mainte-
nant son histoire complète, une histoire composée d' après les sources et
fondée sur les documents originaux, les parchemins, les terriers, les
livres de raison, une histoire où les descriptions du texte s'accompa-
gnent du précieux appoint des illustrations, de dessins, d'estampes, de
gravures qui font revivre les monuments du passé et reproduisent
l'aspect actuel de la petite cité. Voilà quinze ans que l'auteur de ce
grand et beau travail, M. James Gondamin, en réunit les éléments et
glane dans les bibliothèques et les archives toute sorte de renseignements
utiles, 11 a divisé son sujet en trois parties. La première partie a pour
titre Annales Samt-Chavionaises . L'auteur expose d'abord les souvenirs
de la domination 'romaine à Saint-Chamond, puis retrace l'apostolat
de saint Ennemond patron de la ville, et fait l'histoire de la seigneurie
qui appartint successivement aux comtes de Lyon et de Forez, aux
vicomtes de Lavieu, à la maison de Jarez (1185-1344), ^ la maison
Durgel Saint-Priest (1344-1577), aux Mitte de Chevrières, à la famille
de la Vieuville (1684) et au marquis de Mondragon (1768I. On remar-
quera les pages consacrées à Melchior Mitte de Chevrières, lieutenant-
I. Le volume accompagné d'une table des noms de personnes (due à M. Obser),
a été fait avec tant de soin qu'on a peine à y relever des vétilles, comme p. 74
CdsO^es pour Castries ; p, 89 Stahrembevg pour Siarhemberg; p, 253 Guichon pour
Guiche; p. 2-/6 Aloussîer pour Mousticr; p. 373 Rewbell pour Reubell ; — p. SSq
Rochambeau n'était pas encore maréchal à cette époque.
d'histoire et dk littérature 117
général du roi en Lyonnais et surnommé « père de la patrie », gouverneur
de La Rochelle (1628), chargé de missions diplomatiques à Mantoue, à
Bruxelles, à Londres et près des cours d'Allemagne, lieutenant-général,
« grand capitaine, disait Turenne, sous qui j'ai commencé à combattre
et qui m'aappris à commander » (p. 418), et, comme écrit M. C, le plus
illustre personnage dont Saint-Ghamond aitledroitdes'honorer (p. 439).
Mais M. C. ne se borne pas à signaler les faits et gestes de Melchior
Mitte ou les expéditions de Christophe de Saint-Chamond contre Anno-
nay et le baron des Adrets ; il rappelle de curieux détails relatifs aux
écoles publiques et à l'organisation de l'enseignement dans la ville de
Saint-Chamond au xvie siècle (p. 294-296), aux recluseries^ à la collé-
giale qui fut t étroitement mêlée aux affaires et à la vie publique de la
cité » (p. 395). Le chapitre sur Saint-Chamond pendant la Révolution
se lit avec intérêt ; la ville s'appela ^S^/'^-Chamond (sans f j, puis Vallée'
Rousseau; elle eut ses clubs, elle eut aussi ses victimes (p. 5o2-5o5), et
ses héros, entre autres le brave capitaine Fanget (p. Sog). M. G. ne
s'est pas arrêté là ; il a raconté les faits les plus saillants qui se sont
passés à Saint-Chamond dans les trois premiers quarts de ce siècle :
rétablissement du premier chemin de fer, la donation de Dugas-Mont-
bel qui légua sa bibliothèque à la ville, — car le traducteur d'Homère est
né à Saint-Chamond (p. 545-547), l'inondation de 1834, etc. — La
deuxième partie de Touvrage expose le commerce et l industrie à
Saint-Chamond {Idi houille, le fer, les soies, la teinture). M. C. retrace,
d'après les études de MM. Gruneret Brossard, ce qui a trait aux mines
de charbon; il fait connaître, en les classant d'après l'ordre chronolo-
gique d'installation, les forges et les usines; il raconte l'histoire du
commerce des soies fondé au commencement du xv^ siècle par les
Gayotti et qui valut à Saint-Chamond le nom de « métropole des
lacets »; enhn il consacre quelques pages à la teinture de Saint-
Chamond dont la réputation tient avant tout à la qualité des eaux du
Gier et de ses affluents ; ces eaux sont tout à fait propres au « décreusage t>
des soies (p. 649). — Une troisième partie traite des dépendances du
pays de Jare:^ : M. G. décrit le mont Pilât, le Gier et les ruisseaux
qu'il reçoit, les alentours de Saint-Chamond : Isieu, Saint-Julien,
Saint-Martin, la Valla, etc. ; il termine par diverses pièces justificatives.
L'ouvrage de M. J. Gondamin est une des études d'histoire locale les plus
consciencieuses que nous connaissons ; l'auteur ne cesse de produire des
preuves, et on peut lire au bas des pages ses références et les explica-
tions qui ne pouvaient entrer dans son texte, sous peine de l'alourdir; il
a tiré un très bon parti des matériaux considérables qu'il avait assemblés,
et l'on n'a pas besoin d'être Saint-Chamonais pour trouver plaisir
à son récit; enfin ce livre d'histoire est en même temps une oeuvre
d'art et de luxe, et l'on ne saurait croire la quantité d'illustrations
qu'il renferme : ces dessins du vieux temps, ces vues du Saint-
Chamond moderne, et des gravures comme le Saut du Gier et
I l8 REVUE CRITIQUE
tant d'autres, rehaussent singulièrement la valeur du volume \
A. C.
76. — l.a Société tlu Consulat et de l'Euipires par Ernest Bertin. Paris,
Hachette, 1890. I11-8, t et 344 p. 3 fr. 5o.
Ce livre est dédié à M. Léon Say. Il contient, non pas comme le fe-
rait supposer le titre — un tableau complet de la Société du Consulat
et de l'Empire, — mais tout simplement six études d'ailleurs plus litté-
raires qu'historiques : Lucien (d'après ses mémoires publiés par Jung);
Mémoires et Lettres de M™* de Rémusat; Mémoires de Metternich;
Davout (d'après la publication de M'"'' de Blocqueville) ; M.^^ de Custine
(d'après M. Bardoux, ce sénateur à la « chaude et vibrante parole » et
cet écrivain qui « vit par l'étude et la méditation dans l'ancienne société
française »). M. Bertin a, dans ces six études, éclairé, non sans esprit et
sans finesse, quelques aspects de l'époque, et notamment la cour de Na-
poléon; il écrit avec agrément; il montre joliment comment M™^ de
Rémusat et la maréchale Davout aimaient chacune leur mari ; il sait
peindre la grâce mélancolique et passionnée de M^^e de Custine. Mais
pourquoi fait-il de Frédéric Guillaume II, roi depuis six ans déjà, un
prince royal de Prusse (p. 169) et nomme-t-il une célèbre juive Lié-
vin au lieu de « Levin »? (p. 336).
C.
•jn, — D' A. Charpentier. HtussîscSie ^Wandei'bilder. Oldenburg et Leipzig,
Schulze, 1889. Un vol. in-32 de 191 pp.
Ce petit livre est écrit sans prétention. L'auteur ne paraît pas con-
naître à fond la langue russe - : mais c'est un observateur intelligent;
il ne se contente pas de décrire les localités qu'il visite : il s'efforce de
faire connaître également la société au milieu de laquelle il a vécu,
particulièrement les Allemands de Russie dont il constate la solide or-
ganisatiofi. Ses notes sur Pétersbourg, Moscou, Nijny Novgorod, Ka-
zan, Samara et la Crimée se lisent avec intérêt; elles pourront servir
de supplément au guide Baedeker pour la Russie. On aurait tort d'ail-
leurs d'y chercher autre chose que des renseignements pratiques et des
impressions personnelles.
L. L.
1. Il y a de ci de là trop d'histoire générale; c'est l'écueil du genre. P. 5o6 qui
est Kellennaim? Serait-ce Kellermann? Il n'a aucun droit à figurer parmi ceux qui
«firent merveille » en 1794, avec Jourdan, Hoche et Pichegru.
2. Quand on sait le russe à fond, on ne change pas le genre des mots les plus
usuels. Ainsi (p. q5) osier, lac, lisez opero. Ceci n'est pas une simple faute d'impres-
sion : l'auteur met au masculin l'adjectif qui accompagne osier.
d'histoire ht de littérature 119
Lettre de M. Cartault et réponse de M. Salomon Reinach.
Deux mots seulement à propos de l'article de M. S. Reinach.
D'après M. S. R., les groupes dits « d'Asie Mineure » sont faux, les figurines iso-
lées fausses, les vases faux. Où sont ses preuves? A-t-il démontré d'une façon sé-
rieuse, par l'examen de la terre, qu'un seul de ces monuments ne soit pas antique .'
A-t-il même essayé de délimiter d'une façon précise la catégorie des terres-cuites qu'il
met en suspicion ' ?
Il a déclaré jadis qu'il connaissait le faussaire ^ et que celui-ci serait prochaine-
ment en prison; le faussaire est-il sous les verrous'? — Il parle aujourd'hui de
révélations fort piquantes; que ne nous les donne-t-il ♦?
Tout ceci n'a rien à faire avec la méthode scientifique. Je ne m'arrêterais pas à
cette polémique si je ne la considérais comme désastreuse pour nos collections na-
tionales. Actuellement le Louvre pourrait se composer une série de monuments uni-
ques ^. On ne les lui présente même plus ^. Quand ceux-ci vont dans des collec-
tions françaises, il n'y a que demi-mal ; mais souvent ils s'en vont à l'étranger '^ . J'ai
vu partir ainsi récemment deux statuettes merveilleuses et que je regretterai long-
temps. M. S. R. sait-il où elles sont aujourd'hui et de quoi je veux parler **?
A. Cartault.
CHRONIQUE
FRANCE. — M. B. Melzi vient de publier un Nouveau dictionnaire français-
italien et italien-français, qui nous paraît commode el utile; il renferme en effet un
grand nombre de termes techniques, de néologismes, de locutions populaires; il
comprend dans la nomenclature italienne beaucoup d'archaïsmes et les mots les plus
usités du dialecte toscan; il donne fréquemment des exemples. (Paris, Le Soudier,
1889. In-80, 539 et 56i pages).
ALLEMAGNE. — Les archives de Gœthe et de Schiller (Gœthe-Schiller ArchivJ,
deWeimar, se sont enrichies d'un nouveau trésor. L'arrière-petit-fils de Wieland,
M. Reinhold, leur a donné les papiers de son grand-père, le célèbre philosophe C. L.
Reinhold, gendre de Wieland. Ces papiers comprennent 200 lettres de Wieland et
1. Voir mes articles de la Classical Review, 1888, p. i 19 et suiv., p. i53 et suiv.
Je n'ai pas une ligne à y changer. J'ai dit depuis, dans mes Chroniques d'Orient de
là Revue archéologique, ce qu'il m'a paru opportun d'y ajouter.
2. Je n'ai jamais déclaré cela.
3. Malheureusement non. C'est un malin.
4. Parce que cela ne me convient pas. M. Cartault écrivait en 1887 qu'il connais-
sait la nécropole asiatique d'où provenaient les groupes, qu'il avait passé tout auprès
au cours de ses voyages, mais qu'il lui était interdit de la nommer. Aujourd'hui, il
déclare que la nécropole n'est pas asiatique, mais attique. Qu'il nomme donc la né-
cropole asiatique et les plaisants informateurs dcjnt il tenait ses renseignements con-
fidentiels.
5. Notre cher Louvre est en de bonnes mains.
6. Parce que, dès i883, on a envoyé promener ceux qui en présentaient.
?• Tant pis pour l'étranger. Mais aucun musée n'achète plus de groupes. Le con-
servateur de Berlin a caché au fond des tiroirs ceux qu'il avait acquis avant 1887.
8. Je ne le sais pas du tout.
Salomon Reinach.
120 REVUE CRITIQUE D^HISTOIRK ET DE LITTÉRATURE
d'autres letucs de Charles Auguste, de Schiller, de Kant, de Fichte, de Jean Paul,
etc. C'est ainsi, dit le Centralblatt, que ces archives s'étendent de plus en plus et
nous pouvons espérer que sous la direction de M. B. Suphan, elles deviendront
comme le centre de la période classique de la littérature allemande du xviiie siècle,
— La librairie Deichert, d'Erlangen, publie une revue mensuelle, \?i Neue Kirch-
liche Zeitschrift, qui doit remplacer l'ancienne « Zeitschrift fur Protestantismus und
Kirche «; directeur : M. G. Holzhauser; collaborateurs : MM. Frank, Buchrucker,
von Burk, Frommel, Haussleiter, Klostermann, Koehler, Koenig, Kolbe, Kûbel,
Krummel, Loeber, Luther, Rabus, von Scheurl, Schlier, H. Schmidt, Schnedermann,
Seeberg, Staehlin, von Strauss und Torney, Volck ; programme : « servir de centre
à tout le travail théologique qui se fait dans l'église luthérienne»; conditions d'à- i
bonnement : 2 mark 40 par trimestre.
— On annonce la mort du libraire viennois Braumûller (3o décembre 1889); dej
l'éditeur de Gotha, E.-F.-M. Perthes; de W. Mùller, professeur de langue et littéra-
ture allemande à l'Université de Goettingue(3 janvier),
ITALIE. — Vient de paraître à Florence, chez l'éditeur Sansoni, le i3« fascicule
des Consulte délia Repiibblica fioventina, publiées par M. Alessandro Gherardi. Ce
fascicule va de la p. 481 à la p. 620, et du 17 octobre 1290 au 22 décembre de la
même année. La principale affaire dont il soit question pendant ces deux mois est
celle d'Arezzo, si importante pour une ville qui n'avait presque qu'une banlieue et
qui aspirait à s'étendre, à se donner de l'air.
I
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 3 1 janvier i8go.
M. le Secrétaire perpétuel donne lecture d'un décret, en date du 29 janvier, pa
lequel le président de la République a approuvé l'élection de M. le d' Hamy, en qua
lité de membre libre de l'Académie, en remplacement du général Faidherbe.
M. le d"^ Hamy est introduit et invité à prendre place parmi les membres de l'Aca-
démie. , , , j- j • 1 1 j
M. le Secrétaire perpétuel donne lecture des lettres des candidats a la place de
membre ordinaire, vacante par la mort de M. Pavet de Courieille. Ces candidats
sont MM. Philippe Berger, sous-bibliothécaire de l'Institut; Louis Courajod, consei-
vateur au musée du Louvre; HomoUe, professeur suppléant au Collège de France
R, de Lasteyrie, professeur à l'Ecole des chartes; et Rémi Siméon, auteur de la tra-
duction des Annales de Chimalpahin.
L'Académie se forme en comité secret,
Julien Havet,
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 22 janvier i8go.
M. l'abbé Thédenat lit une note de M. l'abbé Batiffol relative à des manuscrits grecs
conservés en Italie. ,
M. Durrieu explique comment le tableau aujourd'hui connu sous le nom ue la
Belle FcrronVere, n'est pas celui à qui cette désignation convient et à qui tous les
inventaires l'ont régulièrement attribuée avant le commencement de ce siècle. .
M, Héron de Villefosse présente des ampoules de pèlerinage en terre cuite origi-
naires d'Ephèse. , , 1 ,
M. l'abbé Mûiler appelle successiveme.it l'attention de la Société sur des braceiei;
gaulois en bronze et un cylindre à pendeloques bruissantes découverts dans le depar
iement de l'Ain, sur une représentation ancienne de la crucifixion en cristal grave
et sur un document daté de iô36 intéressant la biographie de Callot.
M. Mowat signale la découverte à Helden (Limbourg;, d'une grande plaque en «
gent doré de l'époque franque représentant une lutte contre des bêtes féroces. 1
Le Propriétaire-Gérant: ERNEST LEROUX.
'" Le Puy, imprxinerie Marchessou fils, boulevard Samt- Laurent, 23.
I
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
No 7 - 17 février — 1890
Sommaire î 78. Delff, Histoire du rabbi Jésus de Nazareth. — 79. Hogarth,
Dévia Cypria. — 80. Garofalo, Les fastes des tribuns du peuple. — 81. Campaux,
De la critique du texte d'Horace. — 82. Tite-Live, xxvi-xxx, p. p. Luchs. — 83.
De Vries, Un manuscrit du De Senectute. — 84. Dcellinger, Contributions à
l'histoire des sectes du moyen-âge. — 83. Luzio, L'Arétin à Venise. — 86. Pra-
DEL, Un marchand de Paris au ivi* siècle. — 87. Ledieu, Le livre de raison d'un
magistrat Picard. — 88-89. Carré, Le Parlement de Bretagne après la Ligue ;
L'administration municipale de Rennes au temps de Henri IV. — 90. Molière,
X, p. p. Mesnard. — gi. Dumortier, Lettres de Liguori. — 92. Recueil de folklore,
de science et de littérature bulgare. — 93-94. Sanders, Causeries d'un lexicogra-
phe et Nouveau choix de synonymes. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
— Société des Antiquaires de France.
yB. — Die Gescliiclite des Ral>bi Jesu» von IVazaretli. Kritisch begrûndet,
dargestellt und erklaert, von D'. H. K. Hugo Delff. Leipzig, W. Friedrich, 1889,
In-8, XVI et 429 pages.
Ce livre est de ceux quMl ne faut ni déprécier, ni surfaire. L'auteur se
plaint qu'on ne fasse cas en Allemagne que de ce qui sort des univer-
sités. C'est là ce qui arrivera bientôt aussi chez nous. Le fait d'appar-
tenir à quelque établissement de haut enseignement est une garantie de
préparation; à défaut d'originalité, on est assuré de trouver un certain
niveau dans la discussion, de la méthode dans la façon d'alléguer les .
faits. Chez les personnes qui vivent en dehors des cercles officiels d'é-
tude, il peut y avoir des vues nouvelles, mais la mise en œuvre laisse
parfois à désirer.
Nous nous empressons de dire que ce n'est pas le cas de VHistoîre
du rabbi Jésus de Na:{areth. L'auteur fait preuve d'une information
suffisante; son exposition est précise et, tout en faisant bien voir qu'il
s'adresse avant tout au grand public, il donne toutes les indications qui
permettent aux gens du métier de se rendre compte des motifs qu'il a de
soutenir telle ou telle thèse. L'ouvrage se compose de deux parties, à
peu près d'égale longueur, une discussion critique et une vie de Jésus
proprement dite ou, plus exactement, un aperçu des principaux mo-
ments, dont l'intelligence est nécessaire à qui veut comprendre la car-
rière du fondateur du christianisme.
Ce qu'il y a d'assez nouveau dans le présent livre, c'est que l'auteur a
trouvé une voie ingénieuse pour concilier entre eux les Évangiles, sans
rompre en visière avec les résultats le plus généralement admis par les
écoles critiques. Pour M. Delff, les Synoptiques sont l'œuvre de gens de
culture médiocre et d'intelligence simple qui ont recueilli et transmis
Nouvelle série, XXIX. 7
123 REVUE CRITIQUE
les parties les plus populaires de renseignement de Jésus, tel qu^il le
donnait aux gens de la Galile'e; non seulement ils se sont attachés à
l'élément populaire, mais ils ont fréquemment matérialisé la pensée de
Jésus, en même temps qu'ils négligeaient ceux des événements qni ont
un théâtre autre que la Galilée et les bords du lac de Génésareth. A eux
trois, en un mot, ils forment TÉvangile populaire et galiléen. VEvan-
gile selon S. Jean, tout au contraire, est l'œuvre d'un homme instruit,
d\\n théologien, lequel habitait Jérusalem quand Jésus y est venu faire
séjour à plus d'une reprise; ce personnage, qui n'est pas l'apôtre Jean,
mais un disciple du second degré, a recueilli les discours et entretiens
tenus à Jérusalem dans les cercles savants et où le fondateur du chris-
tianisme exposait sa pensée tout entière à des hommes capables de l'en-
tendre. Le disciple jérusalémite a donné, d'autre part, au cadre de la
carrière de Jésus, un aspect plus vrai et plus exact en relevant l'impor-
tance et le nombre de ses séjours dans la capitale. Ainsi le 4° évangile
est un témoin fidèle à la fois pour la doctrine et la vie de Jésus ; il y a
lieu cependant d'écarter certains développements théologiques et toute
une série d'additions qui sont le fait de l'auteur.
Nous arrivons ainsi aux résultats suivants : le cadre d'un aperçu de
la carrière du fondateur du christianisme sera fourni par le 4P évangile,
ainsi que le fond de sa doctrine. La partie galiléenne de la vie de Jésus
a son document dans les Synoptiques. Dans le document johannique, il
y a lieu de faire la part du développement ultérieur de la théologie ;
dans le document synoptique-galiléen, il faut tenir compte de la défor-
mation qu'ont subie les faits et les discours.
Assurément une tentative d'harmonistique telle que celle-ci n'a pas
les inconvénients de ce qu'on nous proposait autrefois, rétablissant à
tout prix l'accord au prix des pires violences faites aux textes, au goût
et au bon sens. On peut même mesurer par là le progrès fait dans l'in-
telligence des questions. Il n'en reste pas moins que ces combinaisons
continuent d'avoir un caractère singulièrement personnel, par suite, ar-
bitraire. Les vues émises ont quelque chose de plausible et ne provo-
quent pas une violente contradiction; mais on ne saurait dire qu'il y
ait là rien qui approche d'une démonstration proprement dite.
M. Vernes.
79. — D. G. HoGARTH. Oevia Cyprîa. Notes of an arcbseological journey in
Cyprus in 1888. With map and illustrations. London, Frowde, 1889. Gr. in-8
de vn-124 p.
Ce joli volume contient une description de la pointe septentrionale
de Chypre, l'ancien royaume de Salamis, accompagnée d'une bonne
carte et de photogravures. L'auteur a également insisté sur les restes de
l'antiquité et sur ceux du moyen âge, mais toutes ses informations tou-
chant cette dernière période sont dues aux ouvrages de M. de Mas-
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE I3D
Latrie. Il y a quelques inscriptions inédites, par exemple p. 24 une
dédicace à Apollon MupTaxr,;. A ce propos, M. Hogarth retire sa conjec-
ture au sujet d'une ville de Melantha (Athenaeum, 16 juin 1888) et
explique le surnom d'Apollon Me7vav6toç, dans les inscriptions paphien-
nes, par l'herbe médicinale dite {;.îXavOtov, une variété du pavot. J'ai
donné ailleurs mes raisons de croire que l'épithète MsXivB-.oç se rattache
à la ville arcadienne de MsXa'.vai (Rev.des Et. gr., 1889, p. 225). L'ex
plication suggérée par M. Hogarth s'appuie du nom d'Aphrodite [j.\j7:q-
péB'.ç (de Tamandier), qui paraît dans une inscription de Melusha pu-
bliée par M. de Cesnola; mais en admettant que cette explication soit
juste, il ne s'ensuit pas que d'autres épithètes locales des dieux à Chy-
pre doivent s'expliquer par le règne végétal. M. Hogarth rappelle inci-
demment la curieuse épithète ;xaY£ipioç attribuée à Apollon sur une ins-
cription de Pyrla (Dialektinschriften ^ n" 120). Il n'essaie pas de
l'expliquer ; pour ma part, je suis disposé à y voir une grécisation d'un
mot sémitique analogue à -i^'S, lumineux (d'où le nom propre Meïr),
de "i^N', lumière. L'équivalent du y et de ïalepli n'a rien de surpre-
nant. Il y a encore dans le livre de M. H. quelques inscriptions en
caractères chypriotes indigènes, par exemple à la p. 32. A la p. 63 est
publiée une dédicace grecque à des xpeos'jXa/wSç par un chef de bureau et
son commis; Téditeur ne connaît pas le travail de M. Dareste à ce sujet
(Bull. Corr. Hell. t. VI, p. 241), sans quoi il ne dirait pas que le mot
XpsoçûXa^ est nouveau (cf. ibid. p. 244). Une inscription mutilée de Soli
(p. î 14) est datée ït\ IlaûXo-j... za-rou ; il est très vraisemblable, comme
l'a reconnu M. H., qu'il s'agit du Sergius Paulus des Actes., XIII, ce
qui donne à ce texte une grande importance historique.
A Larnaca-tis-Lapithou (p. 11 3), 'M. H. s'est assuré que l'épithète de
Poséidon sur une inscription connue (Le Bas-Waddington n" 2779) se
lit Napv[a]y.'.oç et non Aapv[i]-/.'.oç. « Cela dissipe, ajoute-t-il, l'illusion
agréable que Larnaca serait un nom antique. » Il me semble que cette
conclusion est erronée. Napvr/.'.o; a pu devenir Aapva/.iO(; par dissimilation,
comme Bononia a donné Bologna.
Le volume se termine par une liste des gouverneurs proconsulaires
de Chypre (p. 1 16),
Salomon Reinach.
80. — Fr.-P. Garofalo. I fasti rteS tribunî délia plebe délia republica romana,
Catania, 18S9, in-8, 122 p. Typographie Galati.
Que dire de la brochure de M. Garofalo, qui demande dans sa préface
l'indulgence de la critique, en faveur de <c son âge, du cercle très limité
de ses études et du manque des ressources scientifiques que fournissent
les grands centres »? Qu'il en a moins besoin qu'il ne le croit. Ses fastes
seront utiles, comme tous les ouvrages de ce genre, surtout parce que
ce travail n'a jamais été fait, au moins d'ensemble. Les textes sont dé-
124 REVUE CRITiQUB
pouillés avec soin, et les renseignements qu'on peut en tirer, convena-
blement réunis. Mais il manque à la fin un index des noms d^hommes,
qui puisse guider les chercheurs. Privé de cet appendice, le livre perd la
moitié de sa valeur. Uauteur peut réparer cette lacune en publiant les
fastes des édiles qu'il nous promet.
R. C.
81. — Ke îîs crîtjfjue <îu texte ci»Ho«-ace au xix° siècle, par Antoine Cam
FAUX, professeur honoraire à la Faculté des lettres de Nancy; Paris et Nancy,
che^ Berger-Levrault et C'", 1SS9, in-8, 24 pages.
Le défaut de ce travail intéressant est que le titre promet plus que le J
livre ne contient : c'est simplement un exposé du rôle, en ce qui touche
Horace, des hypercritiques de ce siècle, Peerlkamp en tête, puis Lehrs,
Gruppe, Ljungberg, suivi d'une réfutation de leurs méthodes; exposé ^
clair, suffisamment nourri, impartial; réfutation nette et courtoise. Cela
est bien quelque chose et garantit la brochure de M. Campauxdu repro-
che d'inutilité, mais ne justifie pas le titre, d'après lequel on attendrait,
en outre, une exposition de la querelle de MM. Keller et Lucien Mûller,
et l'opinion de l'auteur sur les mss. et les éditions importantes. M. G.
annonce, pour paraître prochainement, une étude sur la critique
du texte d'Horace avant Feerlkamp : si elle ne porte que sur le même
champ restreint, s'il n'y est question que des audaces de Guyet, du P, {
Sanadon, etc., M. G. devra modifier le titre, trop général, afin de ne pas
préparer à ses lecteurs une déception d'autant plus vive que sa science
et son talent rendent ses omissions plus regrettables.
Une observation de détail : p. 8, les hendécasyllabes bien connus de
Furius Bibaculus sur Valérius Gaton sont inexactement cités : au lieu
de Cato grammaticus, M. Gampaux écrit Grammaticus Cato, ce qui
fait un vers faux.
Frédéric Plessis.
82. — T. Liuii aî> îiï»bo coUdîSta libri. Apparatu critico adi^cto, edidit Augus-
tus LucHs. Vol. IV libros XXVI-XXX conlinens. Berolini, apud Weidmannos, ,
1889, x-2g5 pp. In-8. Prix : 3 M. M
M. Luchs a fait paraître, il y a dix ans, des mêmes livres deTite-Livcl
une grande édition critique dont le regretté Harant avait fait en soaj
temps le compte rendu ici même. Il y a quelques mois, j'annonçais ur^
troisième volume (paru avant les deux premiers), contenant les livres
XXI-XXV. 11 semblait continuer l'œuvre entreprise en 1878, bien que
publié dans un autre format et sur un autre plan, ce qui n'était pas très]
étonnant pour un ouvrage allemand. Mais nous avons maintenant les]
livres XXVI-XXX formant un quatrième volume de l'édition minor.
M. Luchs aura donc donné une grande édition de la deuxième moitié]
I
k
D HISTOIRE KT DE LITTERATURB 123
a
de la troisième décade (grand in-S") et une édition plus maniable de
l'ensemble (petit in-8°j.
Le présent volume n'est guère qu\ine réduction : il ne dispensera pas
de recourir à l'ouvrage paru antérieurement. C'est là qu'il faudra aller
chercher la liste des manuscrits avec leur date, le stemme et le sens des
siglesS", 2% Z^, S^ enfin Pexplication dudit stemme (préf. pp. vi et lx).
Ces trois genres d'indications devraient toujours se trouver en tête d'une
édition critique : trois pages auraient suffi à M. L. pour satisfaire à
cette obligation. Il y a dans une pareille omission un sans-gêne vis-à-vis
du public, assez habituel dans les livres de ce genre, mais tout à fait
condamnable. Il semble que les éditions critiques n'aient d'autre but
que l'ahurissement du lecteur.
De même, dans bien des cas, la leçon du Spirensis à ses divers degrés
est loin d'être évidente; M. L. se contente de faire suivre les sigles
énigmatiques il', -^ etc., d'un point d'interrogation encore plus énig-
matique. Ce n'est qu'en se reportant à l'apparat de la grande édition
qu'on peut se rendre compte de la valeur de ces témoignages; la repro-
duction intégrale des initiales représentant les mss. compris dans la
formule synthétique n'aurait pas demandé beaucoup plus d'espace.
Ces réserves n'enlèvent pas sa valeur à ce volume. Comme on peut
s'en rendre compte par la liste des différences entre les deux éditions
(pp. viii-x), le te.Kte n'a pas été simplement réimprimé. M. Luchs
paraît cependant n'avoir pas faibli dans sa confiance au Spii'ensis, ou à
ce qu'on croit être le Spirejisis; les articles de M. Riemann auraient dû
l'ébranler. L'apparat critique a été amélioré et a reçu la mention des
conjectures les plus récentes.
Paul Lejay.
83. — S. G. De Vries. Exercîtationes ptilaeograpliicas in Bibliotheca
universitatis Lugduno-Batavœ instaurandas indicit (Inest commentatiuncula de
codicc Ciceronis Cat. Maj. Ashburnhamensi, nunc Parisino). Lugduni Batavo-
rum, Brill, 1889, in-8, 46 p.
On sait que la critique du De Senectute s'appuie, avant tout, sur le
Parisinus 6332 ; ensuite sur deux mss. de Leyde : un Vossianiis 12 (L)
qui porte le nom de P. Daniel, et un Vossianus 79 (V), qui sans porter
ce nom, a dû aussi appartenir à Daniel. A ce fonds se joindra désormais
un ms. de Tours du ix^ s., égaré, grâce à Libri, dans la collection
Ashburnham, et maintenant rentrée la Bibliothèque Nationale. M. De
Vries donne de ce ms. une collation complète (p. 23-381. Afin qu'elle
puisse compléter plus commodément les publications récentes de
M. Bast. Dahl sur les mss. du De Senectute ^, M. De Vries, de même
que M. Dahl, a pris comme base l'édition MûUer, et il a fait dresser un
I. Ce sont deux brochures désormais indispensables pour toute étude critique sur
cetrailé : I, Codices Leidenses, Christiania, t885; II, Codices Parisini, ibid. 1886.
Ilb REVUE CRITIQUE
tableau (p. 44) où sont réunies les variantes des trois mss. par rapport
à P. — En parcourant ces leçons, on remarque surtout l'accord du nou-
veau ms. avec le premier Vossianus (L) ^.
On a avant la collation (p. 1 1 et suiv.), une description détaillée du
ms. et quelques remarques sur les confusions de lettres qui lui sont
habituelles et sur son système d'orthographe. La conclusion de M. De
Vries est qu'on aurait tort d'exagérer Pautorité du Parisinus , qu'il
est en plusieurs passages interpolé, et que la leçon des trois autres
mss., quand ils sont d'accord, mérite la préférence. — M. De Vries
annonce qu'il publiera prochainement sur quelques passages du De
Senectute un nouveau travail pour lequel il utilisera des notes et des
collations de Boot.
Em, Thomas.
84. — Igii. V. Dœllinger. OeîtfSige zui- Sekten^esobiclite des Mittcl>
altéra. Erster Theil, Geschichte der gnostich-manichceischeii Sekten, i vol.
in-8, vi-25y pages. — Zweiter Theil, Dokumenîe vornehmlich zur Geschichte der
Valdesier und Katharer, i vol. in-8, ix-jSô pages. Miinchen, 1890, G. H. Beck.
Depuis longtemps déjà, M. I. v. Dôllinger s'occupe à réunir les do-
cuments que les bibliothèques publiques nous ont conservés sur la doc-
trine des Cathares ; il a commencé ses recherches dans la ville même où
il habite, à Munich; puis, il a parcouru, pendant les vacances scolaires,
les principales bibliothèques de l'Europe, Paris, Vienne, Florence, Rome,
etc., et, à chaque fois, il a rapporté une ample moisson de pièces inédi-
tes. Dans la seconde partie de son ouvrage, de beaucoup la plus longue,
il nous donne des extraits souvent fort étendus de soixante-douze ouvra-
ges différents relatifs aux Cathares ou à d'autres sectes analogues. Ces
extraits sont fort curieux et on les lit avec beaucoup de profit : certaine-
ment un historien ne trouverait nulle part ailleurs tant de matériaux
amassés sur les idées religieuses et morales des hérétiques du moyen-
âge. Mais, il faut bien le dire, tous ces documents se suivent sans
aucune méthode, selon le hasard de la découverte : on aurait aimé que
l'auteur nous les présentât soit dans un ordre chronologique, soit dans
un ordre logique, et on lui en veut de ne point nous avoir donné de fil
conducteur à travers ces nombreux écrits, d'origine et de nature fort
différentes. M. v. D. aurait aussi dû nous fournir quelques renseigne-
ments sommaires sur les manuscrits d'où il a tiré ces pièces. Il publie,
par exemple, quinze pages empruntées au manuscrit latin 4269 de laj
1. Comme leçon intéressante, je signale surtout l'omission des mots du g 26 fin :\
discebani-antiqiii ; aussi dans 83, celle des mots : nec tanqiiam-recoxerit qui man-
quent aussi dans L'. — Les mots de la lin du g 67 : cum id ci videa'.is interpolés]
de seconde main dans les meilleurs mss. après tamen du commencement de 65,»
représentent la copie à faux d'un repère et peuvent servir à déterminer l'étendue de
la page ou de la feuille: dans un des archétypes. — P. 42. Les derniers mots sur!
145, 34-33, contiennent sûrement une erreur ou un lapsus.
D HISTOma ET DS LITTERATtJRÊ 12'J
Bibliothèque nationale de Paris ; il ne nous dit absolument rien sur ce
Codex et se borne à donner à son extrait pour titre « Acta inquisitionis
Carcassoizensis contra Albigenses a. i3o8 et i3og. » Mais il eût été
bien inte'ressant pour le lecteur de savoir qu'il s'agit ici du registre de
Geofïroi d'Ablis, dont M. Charles Molinier a donné naguère une analyse
dans son ouvrage sur l'Inquisitioti dans le midi de la France. Un peu
plus loin, de la page 97 à la page 25 1, je lis des extraits du Codex Va-
iicamis 11° 4o3o, Je vois bien qu'il s'agit ici d'enquêtes faites par les in-
quisiteurs du Languedoc au début du xiv« siècle; je devine que ce
Codex est l'un des plus curieux de ceux qui subsistent des archives in-
quisitoriales ; mais l'éditeur a négligé d'en mettre en lumière la valeur
historique. Une petite introduction eût été indispensable en tête de
chacun de ces soixante-douze documents. La publication y eût certaine-
ment gagné en netteté : nous n'osons pas insister sur ces critiques, car il
faut être reconnaissant à M. v. D. de la peine qu'il a prise de copier ces
pièces, et du soin qu'il a mis à les éditer.
Ces pièces publiées dans la seconde partie doivent servir de preuves à
la première partie où M. v. D. a étudié la doctrine des Cathares. Sans
doute l'historien pourrait en tirer une foule d'autres renseignements,
par exemple sur la procédure et sur la pénalité des tribunaux d'inqui-
sition; mais ces résultats ne seraient qu'accessoires; l'auteur a voulu
avant tout montrer en quoi consistaient les idées religieuses des Albi-
geois et cette préoccupation explique pourquoi il a choisi tel extrait de
préférence à tel autre. Est-il parvenu, dans cet exposé dogmatique, à des
conclusions nouvelles? Nous n'oserions l'affirmer. M. Charles Schmidt
a traité en 1849 le sujet avec une autorité si grande, avec une sûreté
d'érudition telle qu'en dépit des nouveaux documents mis au jour, il a
peu laissé à découvrir à ses successeurs.
M. V. D. commence par nous raconter l'histoire des pauliciens de
l'Arménie; il les suit jusqu'au x^ siècle où l'empereur Jean Zimiscès
les transporta en Thrace. Là ils ne tardèrent pas à se mêler à d'autres
hérétiques, les bogomiles; pourtant tandis que les pauliciens ne cessè-
rent de croire à un dualisme absolu, les bogomiles admirent que
Dieu avait créé la matière et que celle-ci n'avait reçu de l'esprit malin
que la forme." Après ces plus anciens hérétiques, l'auteur arrive à ceux
que l'on découvrit à Orléans et au nord de la France au début du
xi^ siècle. Il essaie à son tour d'expliquer leur origine. Il prétend que
des Manichéens, partis de l'Afrique après Tinvasion des Vandales, se
seraient établis en Gaule; que, dans la suite des temps, d'autres les au-
raient rejoints ; qu'ils auraient formé une communauté longtemps igno-
rée du pouvoir et de l'Eglise. Seulement, sous une influence extérieure,
leurs dogmes se seraient modifiés; cette influence aurait été exercée par
les sectes des pauliciens et des bogomiles, vers la fin du x'' siècle, à un
moment où se sont multipliées les relations de l'Orient et de l'Occident.
Cette explication ne me semble point meilleure que celles qui ont été
128 REVUE CRITIQUE
données précédemment; on ne saisit point comment ces manichéens
ont pu échapper à la surveillance vigilante des missi dominici de
Charlemagne : le zèle inquiet de quelque membre du clergé les
aurait certes découverts plus tôt. Le problème de Porigine et de la filia-
tion des doctrines gnostiques et manichéennes continue de nous pa-
raître insoluble. M. v. D. au moins nous fait bien connaître en quoi
consistaient les opinions de ces hérésiarques du xi*^ siècle; puis, dans
trois nouveaux chapitres, il nous présente Pierre de Bruis et son disci-
ple Henri qui, au début du xii° siècle, agitèrent le midi de la France (il
voit, ce semble, avec raison, en eux des Cathares, contrairement à l'opi-
nion de M. Schmidt); Eon de TEtoile, dont les prédications eurent la
Bretagne pour théâtre; enfin Tanquelin et son disciple Evermacher qui
cherchèrent à se faire adorer dans le bassin du Rhin. Ici s'arrête la
partie historique du livre. La fin contient l'exposition des dogmes
de ces hérétiques qui se partageaient en plusieurs partis : les Alba-
nenses, les Coiicore^enses^ les Bag-nolenses (M.v. D. veut faire venir
ces noms d'Alba dans le Piémont, de Concoreggio près de Monza, de
Bagnolo près de Lodi; l'hypothèse est séduisante, mais point sûre).
L'exposition est claire et nette, autant qu'il est possible en ces sortes de
sujets, et l'analyse est exacte. En résumé, M. v. DoUinger nous donne :
1° une série de documents inédits de grand prix, mais mal disposés et
sur lesquels nous aurions désiré de plus nombreux renseignements;
2° une étude pas très neuve, mais consciencieuse, claire et remplie de
faits .
P. -S. — Nous avions déjà écrit cet article, quand nous est parvenue la
nouvelle de la mort de M. v. DoUinger. Nous n'avons point à appré-
cier ici le rôle que joua le célèbre chanoine dans les affaires ecclésiasti-
ques de notre époque ; mais nous devons rendre hommage au travailleur
infatigable, à l'auteur de tant de curieuses publications sur l'histoire de
l'Eglise. Jusqu'au dernier jour, il est resté sur la brèche, comme le prou-
vent les deux importants ouvrages dont nous venons de rendre compte.
Ch. Pfister.
85. — Luzio (Alessandro). ï^îetro Aretîiio neî pi'imi kuoî aniii a Vcnezia
e la coric; dei Gonzaga, Un vol. in-8, viii-i35 pp. Turin, Lœscher, i888. 4 fr.
Un travail destiné dans l'intention primitive de l'auteur à compléter
les recherches d'Armand Baschet sur la jeunesse de l'Arétin à la cour
de Rome, s'est développé jusqu'à devenir une biographie complète et
nouvelle du fameux sonnettiste. C'est un fragment de cette biographie
que M. Luzio nous donne aujourd'hui. Dans cette étude de 57 pp.,
appuyée sur quarante-quatre documents inédits publiés ici intégrale-
ment, et suivie de curieux appendices, M. L. étudie une courte période,
de quatre années ( (527-1 53 1) qu'il appelle justement le moment déci-
d'histoire et de littérature 129
sif de la vie de TArétin : c'est Te'poque où, après la mort de Giovanni
de Medici et Tinsuccès des démarches de Frédéric de Gonzague pour ré-
concilierlepoèteetClément VII, l'Arétin s'établità Venise(25 mars 1327)
et où, après plusieurs brouilles et réconciliations avec la maison de Gon-
zague, il finit par rompre complètement avec le marquis Frédéric et
s'installe décidément à Venise. M. L. met justement en lumière, d'une
part, la générosité mal récompensée et la tolérance « vergognosa », selon
lui, des Gonzague à l'égard du poète, à qui ils donnent la pleine conscience
de sa force, de l'autre le cynisme égoïste de l'auteur des Ragionamenti.
Ce volume abonde en piquants détails sur la vie de PArétin ; sa passion,
en 1 52 1, pour Isabella Sforza, que protège bénévolement Frédéric de
Gonzague, et qu'il chante dans des vers presque impossibles à citer et
qui eu disent long sur ses mœurs :
Corne di novo è fatto l'Aretino
Servus servorum al sesso feminino (p. 23) ;
ses démarches pour obtenir du pape et de l'empereur un privilège d'im-
pression ^onx Marfisa, en décembre 1529 et janvier i53o(p. 29-30];
son amitié avec le Titien qui peint l'admirable portrait des Uffi^i
(p. II sqq.); la maison de l'Arétin à Venise, son luxe, ses amis, ses re-
lations avec Lorenzo Veniero, l'illustre auteur de la Puttana Errante
(p. 41 sqq.). Les appendices sont consacrés : 1° aux tentatives de jeu-
nesse d'Arétin pour devenir peintre; 2° à son récit semi-burlesque du
sac de Rome dans les Ragionamenti ; 3" aux poèmes obscènes de Ve-
niero, le Trentuno délia Zajjfeta et la Puttana Errante (cités quand
c'est possible, analysés et munis d'éclaircissements. Venier a voulu se
venger dans le premier poème de Elena Ballerina, que le Tarifât
i535 appelle cara e bella, mais de « cervel sciocco e leggero » ; dans le
second, de la Zaffetta, pour un refus offensant. L'Arétin, en iSSj, ven-
gea la Zaffetta de ces injures. M. L. se plaint du secret rigoureux avec
lequel la Bibliothèque nationale de Paris garde les éditiops originales
de ces œuvres classiques en leur genre) ; 4° aux fêtes offertes à Venise au
duc de Milan en i53o, décrites par l'ambassadeur milanais Agnello
dans une lettre que publie JVI. Luzio. Il faut souhaiter que M. Luzio
donne bientôt la suite de cette biographie de l'Arétin, où il renouvelle
si complètement les travaux antérieurs de Mazzuchelli, Chasles et au-
tres.
L -G. Pélissier.
80. — iTn marcliantl de Paris au seizième siècle (i564-i588), par Ch. Pradel^
Toulouse, 1889, in-S de 27 p.
On conserve dans les archives des hospices civils de Toulouse les pa-
piers d'un marchand de Paris qui était venu s'établir en la première de
ces villes vers le milieu du xvi® siècle. Ces papiers se composent de vo-
lumineux dossiers de procès, et de trois à quatre mille lettres d'affaires
I
I.-«0 REVUE CRITIQUE
commerciales, qui embrassent une période de 24 années (i564 à i588).
Un des membres les plus laborieux de l'Académie des sciences, inscrip-
tions et belles-lettres deToulouse, M. Charles Pradel, a courageusement
entrepris le dépouillement de toutes ces liasses : il y a trouvé les corres-
pondances de divers négociants, des premières maisons de Paris, avec Si-
mon Lecomte, « marchand et bourgeois de Paris », Ces négociants
étaient, entre autres, des teintuiiers célèbres, les frères Canaye, les frères
Gobelin, de gros marchands, comme Charpentier, fils d'un échevin de
Paris, et Rouillé dont les descendants devinrent marquis de Boissy ^
Joignez-y de nombreux commerçants d'Anvers, de Bordeaux, de Lyon,
etc. faisant acheter à Toulouse les pastels si renommés du Lauragais.
M. Pradel a fort bien débrouillé le chaos de tant de vieux papiers. Il en a
fait une analyse intéressante d'où se détache la biographie de Lecomte, le-
quel, quoique catholique, fut sur le point d'être, en ces temps si troublés,
exécuté comme huguenot, ainsi que l'avait été Philippe Canaye (octobre
1 568). Cette biographie est fort curieuse. On apprendra avec plaisir que
Simon, qui avait si fort couru le risque de la pendaison, fonda, plus tard,
à Toulouse une société moitié épicurienne et moitié philanthropique, à
laquelle il donna le titre d'abbaye de Bonvoiiloir. Il devint naturellement,
en sa qualité de fondateur de la singulière association, Grand-Abbé et
superintendant de Tabbaye, président des festins rabelaisiens égayés par
des vers bachiques. Celui qui avait déjà frisé la corde faillit être brûlé
vif, victime de son appétit, car il fut accusé d'avoir fait rôtir un quartier
de chevreau un jour d'abstinence. Comme les preuves manquèrent, il
en fut quitte pour le bannissement, les frais de justice et une amende de
i5oo écus. La piquante notice de M, Pradel est suivie de divers docu-
ments inédits 2.
T. DE L.
87. — Le Livre de Raison d'un Magistrat picard (1601-1602), par Alcius
Ledieu, conservateur de la bibliothèque communale d'Abbeville. Abbeville, ap.
G. Paillart, 1889.
Cet opuscule de 5 i pages, dont 28 sont prises par l'Introduction,
coûte 3 francs : c'est ce qu'on peut appeler « une belle attrapouère »,
comme on disait au xvi* siècle, et comme on dit encore aujourd'hui dans
la Picardie. Je ne crois pas, en effet, qu'on puisse publier un Livre de
Raison plus insignifiant que celui-ci, et, quoi qu'en dise M. Alcius Le-
dieu, la divulgation des notes de ce Philippe de Lavernot, président de
1. Simon avait été employé dès son bas âge, dans la maison de Jean Rouillé, dra-
pier de Paris, beau-frère des Canaye et des Gobelin.
2. Comptes des fournitures et frais exposés par Simon Le Comte pour les affaires
de feu Philippe Canaye {ibGcj); passeport (27 mars 1576); commission du roi dei
Navarre en faveur de Simon Lecomte (6 mars i582); Attestation sur les vie, mœurs]
et religion catholique du même [prisonnier à la conciergerie du palais à Toulouse],]
ô décembre i586.
d'histoire et de littérature i3i
la sénéchaussée de Ponthieu, ne contribuera pas, mais pas du tout, à
ressusciter sa mémoire. Ce n'était pas la peine en vérité de perdre son
temps et du papier à relever j'eligieusement des faits tels que celui-ci ;
a Je me mets à genoux (une grande cérémonie avec Te Deum était célé-
brée à l'église Saint-Vulfran d'Abbeville) devant le dit lieutenant géné-
ral, qui, par ce moyen, ouit la messe derrière moy, sans se pouvoir seu-
lement mettre a genoux, dont il avoit grant despit ». Hélas! une
querelle de préséance n'a jamais été chose rare, et que prouve-t-elle, si-
non une vanité imbécile? Philippe de Lavernot note un jour que jouant
avec un nommé Lempereur, il perd six testons au trictracq ; un autre
jour il écrit que sur les quatre heures du matin il a commencé à pleu-
voir, et que la pluie sans aucune relasche a continué jusqu'à la nuit.
Le mercredi, 17 octobre 1601, il ne bouge pas de son étude le long du
jour, et le dernier mercredi de ce même mois, il mentionne qu'il est allé
à la messe aux Capuchins, qu'il a vu sa tante de Huppi et le sieur Har-
mant, ce qui est d'un grand intérêt pour la postérité. Le jeudi 3 jan-
vier 1602, la veuve Filleau lui envoie un plat de sel blanc; le même
jour il donne un escu à Plantart (un de ses domestiques sans doute) sur
les huit qu'il lui devoit, et il ajoute : reste sept, pour prouver peut-être
qu'il savait faire une soustraction.
Ces citations suffisent amplement, je crois, à démontrer le néant de
cette publication.
A. Delboulle.
88. — I. Le Pai>Ieinent de Bretagne après la Ligue (iSgS-iôlo), par
Henri Carré. Paris, Quantin, 1888, i vol. in-8 de v\n-56g pages.
89. — 2. Rechei'elies sur l'administration municipale de Rennes au
temps de Henry IV, par le même. Paris, Quaniin, 1888, i vol. in-8 de
q6 pages, avec deux planches.
L Ce dont il faut tout d'abord complimenter M. Carré, c'est des divi-
sions nettes de son ouvrage. Il comprend cinq parties. La première est
consacrée aux origines du Parlement de Bretagne; la seconde au per-
sonnel de ce Parlement; la troisième aux usages et règlements qui le
concernaient, aux privilèges des magistrats, à leurs devoirs, à leurs re-
lations entre eux; la quatrième à la compétence judiciaire du Parle-
ment ; la cinquième enfin au rôle du Parlement en matière politique et
dans la police générale de la Province, Précédé d'une bibliographie, le
volume est en outre suivi d'une carte des juridictions royales classées
par présidiaux et d'un tableau de ces mêmes juridictions avec leur per-
sonnel.
L'histoire du Parlement de Bretagne à l'époque dont s'est occupé
M. C, est dominée par un grand fait : c'est la lutte, tantôt sourde, tan-
tôt à l'état aigu, entre les deux éléments dont se composait le corps, les
originaires et les non-originaires. Soit en effet que l'on se méfiât des
sentiments d'une province réunie à la couronne depuis un temps rela-
iSz REVUE CRITIQUE
tivement court, soit que Ton voulût qu\me partie au moins des magis-
trats fut placée au-dessus des coteries et des divisions locales, il y avait
au Parlement de Bretagne des offices français et des offices bretons. Les
titulaires des premiers étaient dits non-originaires ; la qualification
d'originaires s'appliquait à ceux des seconds. La division fut surtout
accentuée pendant la période des guerres civiles et leligieuses de la fin
du xvie siècle. Les non-originaires tinrent plutôt le parti de la Ligue;
les originaires restèrent attachés au Roi et, dans la suite, firent valoir
leur fidélité pour demander l'extension des charges qui leur étaient ré-
servées. Ces divisions persistèrent après les guerres civiles et donnèrent
même lieu à des luttes quelquefois piquantes, toujours passionnées,
dont M. C. fournit un exemple dans le récit qu'il fait du procès du
procureur général ' J.-J. Le Febvre, sieur des Roussières (i6o5).
L'auteur ne se laisse pas fréquemment aller à raconter ainsi quelques-
uns des épisodes de la vie intime du Parlement de Rennes. Son livre est
une étude d'institutions pure, où les faits historiques n'interviennent
que rarement (entrées de grands personnages, etc.), pour servir de com-
mentaire aux détails sur l'organisation en quelque sorte théorique du
Parlement que M. C. a déduite d'un examen très patient et très appro-
fondi des documents. On pourrait même trouver qu'ils n'interviennent
que trop rarement. On aimerait à voir fonctionner sous ses yeux ce
mécanisme dont M. G. a très habilement et très laborieusement démonté
les ressorts. L'austérité un peu aride de l'œuvre y eût gagné plus
d'agrément et de vie. Mais, telle qu'elle est, elle n'en fait pas moins
honneur à celui qui l'a écrite. On y voit à merveille comment se recru-
tait le personnel judiciaire de l'ancienne France, quelles nuances subti-
les et d'autant plus âprement gardées différenciaient entre eux les mem-
bres du corps judiciaire, quelle énorme influence, à la fois publique ~ et
privée, mettaient entre leurs mains les lois, les traditions et les mœurs,
et enfin comment ils l'exerçaient.
2. La seconde étude du même auteur est claire, substantielle, plus
courte, mais plus vivante que la précédente
Après une rapide esquisse de la topographie, de la population, de
l'industrie et du commerce de Rennes à la fin du xvi^ siècle, M. C. ana-
lyse l'organisation municipale de la ville, pour montrer enfin comment
elle fonctionnait. Trois pouvoirs vivaient côte à côte à Rennes, non
sans qu'il en advint parfois quelques froissements : i» le pouvoir royal,
représenté par le gouverneur, son lieutenant et ses connétables; 2° le
pouvoir judiciaire, car les membres du Parlement de Bretagne avaient
une autorité politique et des pouvoirs de police et, comme le dit M. C,
1. V. aussi dans les Annales de Bretagne (janvier 1887) un article du même au-
teur sur la réception de Le Febvre comme procureur général au Parlement de
Bretagne (t6o3).
2. C'est avec raison que M. C. signale l'enregistrement et la publication par le
Parlement du traité de Vervins. V. p. 439.
d'histoire et db littératorb i33
ils a se montrèrent de plus en plus entreprenants pour résoudre nombre
de questions dont la solution appartenait à la Communauté »; 3° le
pouvoir municipal proprement dit, où la Communauté représentait le
pouvoir législatif, et ses officiers (procureur-syndic, miseurs, contrô-
leur, greffier, etc.), le pouvoir exécutif.
Je reprocherais à l'auteur de ne pas nous avoir exposé, au moins
brièvement, l'origine et le développement de cette Communauté. Il eut
été du plus haut intérêt de voir comment une ville, dont les privilèges
municipaux ont pour origine une simple autorisation du duc Jean IV
de Bretagne de lever le o devoir de cloison » ou taxe pour Pentretien des
murailles, put, dans la suite des temps, les consolider et les étendre.
M. G. eût pu donner ainsi une idée plus nette de la composition de la
Communauté, sur laquelle il a peu de renseignements, et aussi de ses
pouvoirs. Ces derniers ne durent jamais être très étendus. La ville de
Rennes ne semble pas s'être rapprochée à aucune époque des villes du
midi de la France, jouissant de privilèges politiques très importants et
presque d'une quasi-indépendance. C'est ce que M. Carré aurait pu
mettre en lumière en remontant aux origines. Mais, dans les limites
trop restreintes où il s'est volontairement enfermé, son étude reste très
intéressante. C'est un chapitre très clair, très solide et bien informé de
la vie municipale dans l'ouest de la France au début du xviie siècle.
Louis Farges.
90. — Paul Mesnard. Œuvres de Alollèi'e, nouvelle édition, revue sur les
plus anciennes impressions, et augmente'e de variantes, de notices, de notes, d'un
lexique des mots et locutions remarquablss, d'un portrait, de fac-similé, etc.
Tome dixième, Paris, Hachette ; un vol. in-S de 486 p.
Ce io'' volume, qui contient la Notice biographique sur Molière,
termine heureusement une publication de la plus haute valeur, com-
mencée par Eugène Despois, il y a seize ans, et continuée à dater de
1878 par M. Paul Mesnard. Encore un peu de patience, et lorsque pa-
raîtront la Notice bibliographique, actuellement sous presse, et le Lexi-
que en préparation, nous aurons un Molière digne à tous égards du
Racine de M. Paul Mesnard. Mieux que personne, M. P. M. était à
même de composer cette Notice biographique, puisqu'on lui doit déjà
celles de Racine, de M'"^ de Sévigné, de La Fontaine enfin. Celle de
Molière est faite sur le même plan, avec le même soin scrupuleux, et
elle rendra les mêmes services. Assurément la tâche du biographe était
facilitée par les innombrables travaux dont la vie et les œuvres de Mo-
lière ont été l'objet depuis Grimarest jusqu'à nos jours, mais l'abon-
dance même des matériaux pouvait être un embarras pour leur mise en
œuvre. Il y a dans la vie de Molière bien des points obscurs, et le bio-
graphe se trouve assez souvent en présence d'affirmations contradictoi-
res, soutenues quelquefois avec beaucoup de chaleur par ceux qui les
1^4 ftEVUE CRITIQUE
ont hasardées. M. P. M. a su marcher avec la plus grande circonspec-
tion au milieu de toutes ces difficultés; il n'affirme jamais qu'à très
bonnes enseignes; il élimine résolument les hypothèses; il cherche à dé-
gager la vie du poète de toutes les légendes accumulées par les féti-
chistes modernes. Trop volontiers on cherchait des indications sur le
caractère de Molière dans ses oeuvres mêmes, et J.-B. Poquelin se trou-
vait être tour à tour Arnolphe, Alceste, Clitandre, Dorante, Chrysale
même; M. P. M. s'est mis en garde, et avec raison, contre ce système de
conjectures; là comme ailleurs, comme quand il a dû aborder l'histoire
si délicate du mariage de Molière avec Armande, fille ou sœur de Made-
leine Béjart, il a fait preuve d'un tact et d'une sagesse bien rares à notre
époque. Les moliéristes à outrance le lui reprocheront peut-être, ceux
qui se contentent d'aimer et d'admirer notre grand comique sauront
gré à M. P. M. de sa franchise et de sa circonspection.
Il y a bien des parties neuves dans cette biographie de Molière, et
certains points d'histoire littéraire, qui n'avaient été touchés qu'en pas-
sant, ont attiré l'attention de M. Mesnard. On ne lira pas sans intérêt
les observations qu'il a faites relativement à don Garcie de Navarre, ce
pastiche si curieux du don Sanche d'Aragon, de Pierre Corneille; l'imi-
tation est même plus directe que ne l'a dit le nouveau biographe (p. 237)
et elle mériterait une étude à part.
Quant aux critiques de détail que peut soulever la lecture de ce livre,
elles sont en bien petit nombre, et c'est un plaisir de ne rien trouver à
reprendre dans un si gros volume. Voici pourtant deux ou trois obser-
vations minuscules que je crois pouvoir adresser à M. M. 11 dit, p. 21,
que les élèves du collège de Clermont étaient au nombre de 1,800 en
1643, et c'est un jésuite belge qui lui sert de garant; mais dans un
document officiel émané des jésuites mêmes du collège de Clermont ',
il est dit que cet établissement avait, en 1646 il est vrai, « plus de deux
mil escoliers ».
Page 170 et suivantes, M. M., amené à parler de ce prince de Gonti, qui
ne fut pas le camarade de Molière chez les Jésuites, croit pouvoir repor-
ter à la fin de l'année i656 sa conversion définitive; il résulte de docu-
ments manuscrits que j'ai sous les yeux, et en particulier d'une vie très
détaillée de l'évêque d'Aleth avec des lettres du prince à Pavillon et de
Pavillon au prince, que les premiers symptômes de changement se pro-
duisirent dans le courant de i655, que la conversion était opérée à la fin de
décembre, et que Conti était déjà un pénitent quand il revint à Paris en
mars i656 -. Ces détails ont leur importance, car la fameuse quittance
donnée par Molière, le 24 février i656, aurait ainsi un caractère tout
particulier. Le gouverneur du Languedoc, chassant les comédiens de sa
province, était bien obligé de les payer, et si, en cette occurrence, Conti
1. Moyens d'opposition que les Jésuites ont fait signifier à la maison de Sorbonne
pour empêcher la clôture de la rue des Poire'es, 1G46J 16 p. iri-40.
2. Vie ms. de M, d'Aleth, livre II, ch. 2,-\,
DHISTOIRK Kl DE LITTERATURE l35
contraignit les États à faire les frais, on en voit bien la raison: il se se-
rait reproché d'employer ainsi une somme de 6,000 livres qu'il desti-
nait à des restitutions bien autrement importantes à ses yeux. Il est
donc infiniment probable que la disgrâce de Molière est du com-
mencement de i656 au plus tard, et qu'il faut faire remonter à cette
date les premières colères du poète, celles qui l'ont amené à faire don
Juan et Tartuffe.
Le grand, le seul défaut de la Notice sur Molière, c'est qu'elle a 450 pa-
ges qui se suivent sans interruption. Pas un chapitre, pas une de ces
divisions qui permettent de se reposer et au besoin de se retrouver.
Toutes les notices de la collection Régnier ont dû être composées de la
sorte, c'était la règle; mais combien elles seraient plus goûtées du
grand public s'il avait été possible de les disposer autrement! Celles
de M. P. Mesnard resteront, on peut le prédire sans crainte de se
tromper, car ses éditions de Racine et de Molière sont vraiment défini-
tives ; et il serait à souhaiter que la patrie française eût des récom-
penses pour les érudits qui rendent de tels services à notre littérature
nationale.
A. Gazier.
91. — DmiORTiER. Lettres de S. Alpîionao — M. de Lîguori, etc. (traduites
de l'italien par). Partie 1 : Correspondance générale. Tome II : Pendant l'épisco-
pat (1762-1775). Un vol. in-8, 5ii pp. Lille, Desclée, de Brouwer, 1889.
C'est un livre de piété plus que d'histoire. Les 374 lettres qu'il con-
tient sont presque toutes adressées à de respectables inconnus, chanoi-
nes, archiprétres, jésuites, religieuses, et traitent de matières de mysticité
et de dogmatique. Les lettres de recommandation, de sollicitations y
sont nombreuses et peu intéressantes. A noter quelques appels au bras
séculier. (L. 396,472, perquisitions chez un libraire; 5o8 bis, 524, etc.)
les lettres relatives aux crises de la vocation du P. Melchionna (L. 414,
417, 421, 416, 419, 422, 460, 520, etc.), quelques lettres de direction
spirituelleà Brianna Carafa (L. 528, 53o, 538, 543, 546, 55o, 553, 534,
555 etc.) et les lettres à son frère H. de Liguori sur le choix d'une
femme. (L. 374, 379.) «Vous êtes avancé en âge. Si elle est trop jeune e'^
« qu'elle veuille résider toujours à Naples pour aller tous les soirs
« dans le monde, elle n'aura pas de peine à trouver quelque sigisbée à
« la mode. Dès lors elle ne pourra guère vous supporter, et vous en se-
« rez réduit ou à l'enfermer bien vite dans un couvent ou à vivre dans
« de continuels soucis. » Et ailleurs : « (choisissez) celle qui pourra vous
« causer le moins d'inquiétudes en ce temps où ces dames ont coutume
a d'avoir plusieurs maris. » On voit que l'évêque avait pour la Dame
un mépris schopenhauérien, et ce témoignage sur le sigisbéisme est cu-
rieux. — L'édition est soignée, mais il faudrait identifier les correspon-
dants de Liguori, supprimer une grande quantité de billets inutiles et
l36 REVUE CRITIQUE
mettre plus de pre'cision dans les sommaires très vagues des lettres, à la
table des matières. La traduction est bonne et l'on n'y rencontre que peu
d'italianismes.
L.-G. P.
92* — Sbornlk nn IVarocIi Oumotvorenia, Naiika i Knijina. Kniga I. (Re-
cueil de Folkolore, de science et de littérature, publié par le Ministère de
l'Instruction publique bulgare. Tome I, un vol. in-Sdeiii, 3iô, 177, 263, i6d pp.
Sofia, imprimerie de l'État.
La littérature bulgare est la plus jeune des littératures slaves : depuis
l'émancipation partielle de la Bulgarie elle a fait des progrès considéra-
bles. Les imprimeries se sont multipliées à Sofia, à Roustchouk, à Philippo-
poli,à Varna, àSliven. Celle que l'État possède à Sofia peut lutter pour la
bonne exécution des travaux avec les meilleures du continent : le présent
recueil lui fait grand honneur. Ainsi que Pindique le titre, il est édité
sous les auspices du Ministère de Plnstruction publique de la princi-
pauté. Son prix modeste (5 francs) le met à la portée de toutes les caté-
gories de lecteurs. — Il comprend dans la première partie : un travail
de M. Schichmanov sur le rôle de l'ethnographie en Bulgarie, de
M. Dragomanov sur le sacrifice des enfants, de M. Iliev sur la numis-
matique bulgare, des lettres inédites de Veneline, des observations mé-
téorologiques, dans la seconde, un roman et des poésies, — dans la troi-
sième des contes, des chants, des formulettes, des énigmes etc. Chaque
partie à une pagination spéciale. Nous ne pouvons que féliciter le gou-
vernement bulgare de cette intéressante publication.il y a quelque temps,
il a fait publier des instructions sur la manière de recueillir les docu-
ments de la littérature populaire. Il faut se hâter; car avec les transfor-
mations sociales et économiques qui s''opèrent dans les pays bulgares,
certains de ces documents auront bientôt disparu.
Louis Léger.
93.^ I . Aus <lei* ^Vei*kstatt eines '^VcKrterl.ucIisclii'eîbers. Plaude-
reien, von Daniel Sanders. Un volume in-8, xix et 54 pp. (Avec la photographie
de l'auteur). Berlin, Lûstenœder, 1889.
04, — 2. Bausteîiie zu einem "Wœrt.ei*bueli sinn%'ei"wandter Aus-
dr-iiclte îm OeulseJien. Ein Vermsechtniss an das deutsche Volk, von
Daniel Sanders. Un vol. in-8, 3jb pp. Berlin, Lûstenœder, i88g.
L C'est à Poccasion du yo" anniversaire de sa naissance que M. San-
ders a publié ces causeries. Elles introduisent le grand public dans
Patelier, ou comme on dit vulgairement, la cuisine d'un lexicographe,
indiquant la manière de procéder pour le dépouillement des textes, la
confection des fiches, etc. Il y a un point qui intéresse également les
hommes de science : ce sont les raisons et les circonstances qui ont
amené l'auteur à devenir lexicographe. Il était directeur du petit gymnase
d'histoire et de littérature i37
d'Alt-Strelitz, lorsque parurent les premières livraisons du dictionnaire
de Grimm. M. S. publia contre cet ouvrage deux brochures d'une cri-
tique sévère mais juste, il faut bien le reconnaître, quoi qu'on pense de
la violence du ton ; elles provoquèrent un véritable toile dans la paroisse
romantique de Grimm. Car il fut un temps oti critiquer, contredire
Grimm était chose dangereuse ; on se rappelle encore l'excommunica-
tion majeure lancée par le cénacle, il y a quelque vingt-cinq ans, contre
Aug. Schleicher, à l'occasion de son livre Die deutsche Sprache^ qui
était sur divers points en contradiction avec l'orthodoxie courante.
C'est aussi grâce à cet état des esprits que les livres élémentaires pour
l'enseignement de Tallemand sont tous, aujourd'hui encore, tellement
arriérés. Celui qui écrira un jour, après Raumer, l'histoire des études
germaniques, constatera certainement combien de fois des considéra-
tions d'ordre romantique ont primé celles d'ordre réellement scienti-
fique, dans la méthode et dans l'œuvre de Grimm. Cela explique, soit
dit en passant, pourquoi la philologie romane a été immédiatement, et
est peut-être maintenant encore, un quart de siècle en avance sur son
aînée, la philologie germanique.
Mais revenons à notre auteur. Quelque temps après l'apparition de
ses deux brochures, une librairie lui proposa d'entreprendre un diction*
naire allemand pour un public plus étendu que celui de Grimm, et de
dimensions moins vastes. Après quelques hésitations, M. Sanders
accepta. C'a été un sujet d'étonnement pour tous que la rapidité avec
laquelle il composa une oeuvre aussi consciencieuse, aussi solide que
son grand dictionnaire en trois volumes, auxquels il ajouta plus tard
un quatrième comme supplément. C'est un service immense rendu non
seulement au public lettré, mais aussi aux continuateurs du diction-
naire de Grimm.
IL Ce nouveau choix de synonymes fait suite aux deux recueils
déjà publiés par l'auteur. Comme dans les précédents, M. Sanders n'y
a traité que des mots qui manquent encore dans les ouvrages du même
genre, ou qui y sont traités d'une manière insuffisante. La disposition
des matières est claire, et un index alphabétique renvoie également au
recueil précédent.
Alfred Bauer,
CHRONIQUE
FRANCE. — Les Discours prononcés ie 24 décembre 1889 au cimetière Mont-
martre sur la tombe de M. Ernest Havet ont été réunis en une brochure. On y trouve
les discours de M. Bouillier, président de l'Académie des sciences morales et politi-
ques ; de M. Renan, administrateur du Collège de France; de M. Albert Réville, pré-
sident de la section des sciences religieuses de l'école des Hautes-Études ; de M. Gas-
ton BoissiER, président de l'Association des anciens élèves de l'Ecole Normale; de
l38 REVUE CRITIQUE
M. Emile Deschaxel, au nom de la famille et des amis. Un portrait; très ressem-
blant, d'Ernest Havet accompagne la brochure.
— M. E. Savous vient de publier à la librairie Leroux un volume d'Etudes sur la
religion romaine et le 7noye)i âge oriental (un vol. in- 12°). Ce volume renferme,
entre autres études, d'intéressants essais sur l'introduction de l'Europe slave et fin-
noise dans la chrétienté, et les idées musulmanes sur le christianisme.
— La librairie Thorin fait paraître le tome II du Culte chei les Romains de
J. Marquardt, traduit de l'allemand en français par M. Brissaud, professeur à la
Faculté de droit de Toulouse (gr. in-8° raisin, 10 fr.)
— M. Léon G. Pélissier a publié et tiré à part de la « Revue alsacienne » des let-
tres de soldats intéressantes (Berger-Levrault. In-S», 12 p.)- Comme il dit, les au-
teurs de ces lettres écrites en 1792 et en 1793 représentent trois types curieux :
l'un, Auguste, soldat à l'armée des Vosges, est « le beau parleur, l'ancien raisonneur
de club et de cabaret, mais il a un patriotisme fervent, l'entrain militaire, l'élan des
croyances révolutionnaires, le diable au corps ». L'autre, soldat de l'armée du Var,
aigri, nullement tenu en haleine par la présence de l'ennemi, est redevenu clubiste •
il suspecte les chefs et dénonce les camarades. Le troisième, soldat de la phalange
marseillaise et héros de l'armée départementale, est un brave bourgeois qui écrit à
sa femme le jour de sa fête et qui envoie de quoi acheter des gâteaux à son petit
Tisté; « il a quelque chose de M. Prudhomme et de Tartarin ».
ALLEMAGNE. — L'éditeur Herder, de Fribourg en Brisgau, a fait paraître le
deuxième volume de l'ouvrage du d'' Pastor, Geschichtc der Pœpste seit dem Aus~
gang des Mitîelalters (1889. In-8% C87, p. 10 mark; c-ç. Revue, 1889, n" i i). Nous
aurons occasion de revenir sur cet important travail qui conduit l'histoire de la pa-
pauté jusqu'à la mort de Sixte IV. Un Nachwort de polémique accompagne le vo-
lume, avec une pagination spéciale de 38 pages.
BELGIQUE. — M. Paul Bergmans a fait insérer dans le Bulletin des séances de
l'Académie royale (classe des lettres), et tirera part sa notice sur Antonius Matkias,
d'Anvers, imprimeur belge du xvi^ siècle. Il a non seulement résumé le travail de
Van der Meersch (i856), mais d'après les pièces de Mondovi et de Gênes et d'après
les impressions de Mathias qu'il a vues à la Bibliothèque nationale de Paris, il a donné
de nouveaux détails sur les Belges établis à la tin du xv" siècle en Italie. Mathias
arriva à Gênes en 1472 avec Lambert Laurenszoon de Delft, s'associa avec Balthasar
Cordero, transporta ses presses à Mondovi, revint à Gênes en 1473 où on le re-
trouve en compagnie d'un imprimeur belge du nom de Henri d'Anvers, puis vendit
(23 mai 1474) tout son matériel à Michel Scopus d'Ulm. Est-il le Mathaeus Flander
qui exerçait l'art typographiqne à Saragosse vers 1475? Quoi qu'il en soit de cette
conjecture de M. Bergmans, on saura désormais que le premier imprimeur de Gê-
nes fut, non pas un Allemand (Mathias Moravus. d'Olmutz), mais un Belge, l'Anver-
sois Mathias.
BULGARIE. — MM. Kostov et Michev viennent de faire paraître à Sofia une
Chrestomathie pour l'étude de la littérature en 2 vol. in-80. Elle renferme, outre
un certain nombre de morceaux originaux, des fragments des principaux auteurs
français, anglais, allemands, russes, polonais, etc. Il est à remarquer que notre lit-
térature classique y tient fort peu de place. Possuet ne figure pas dans l'éloquence
sacrée; Voltaire, dans la partie consacrée à l'histoire. L'éloquence politique est re-
présentée par des fragments de Mirabeau et de Gambetta. En revanche, les auteurs
ont fait une large part à la littérature populaire de leur pays. Ces deux volumes ee
recommandent à tous ceux qu'intéresse la jeune littérature bulgare. Les mêmes au-
d'histoire et de lîttékaturr i3g
leurs ont publié un Manuel de littérature qui est le commentaire perpétuel de la
Chrestoraathie.
— M. A. Odin, privat-docent et lecteur de langue française à l'Université de
Halle, est nommé professeur à l'Université nationale bulgare de Sofia.
ÉTATS-UNIS. — Il existe à Bloomington, dans l'état de Missouri, un Plato Club,
dont les membres, au nombre de neuf, comme les Muses, se réunissent régulière-
ment pour étudier les œuvres du grand philosoplie. Cette société se compose d'un
carré de quatre demoiselles, d'un triangle de trois dames; le sexe barbu n'est repré-
senté que par une ligne, formée d'un docteur et d'un professeur. Le club célèbre
tous les ans le jour de la « descente sur terre » de Platon par un banquet, disons
mieux, un symposion. A l'imitation des platoniciens de Florence, on a identifié le 7
de Thargélion avec le 7 novembre. L'année dernière, environ cinquante convives se
réunirent dans la maison deM"i*Julia P. Stevens pour fêter cet anniversaire. Il y eut
de la musique, des lectures, des discours, de la prose et des vers. Le bouquet de la
fSte était une improvisation du docteur Hiram K. Jones, de Jacksonville (Illinois) ; il
avait pris pour sujet le Banquet de Platon et il développa cette thèse que les person-
nages introduits par le philosophe représentent chacun un principe ou une idée. La
fôte se donne dans la maison d'Agaihon dont le nom signifie le Bien : aussi Socrate,
c'est-à-dire la Sagesse, est-il couché près de lui. Pausanias est la Tempérance, Phè-
dre est le Beau, Aristophane signifie la bonne apparence. Nous lisons dans le
deuxième cahier de la Bibliotheca Platonica (cp. Revue, i88g, n' 46^ que le dis-
cours du docteur Jones excita un indicible enthousiasme et tira des larmes de tous
les yeux.
HONGRIE. — Les philologues hongrois commencent à publier leurs ouvrages en
latin. M. H. Némethy vient de publier une édition des fragments d'Euvémère sous
le ihre : Eukemeri reliquiae, colle git proie gomenis et adnotationibus instruxit Gey^a
Némethy (Budapest, 1889). L'ouvrage se divise en cinq chapitres intitulés : i. Quaes-
tiones Euhemereae. 1. Testimonia veterum. 3. Euiiemeri reliqidae. 4. Adiiotatio-
lies. 5. Index librorum ad Euhemerum periinentium. De plus un index des noms.
— M. R. Weiss a fait paraître une étude intitulée : De digammo in hymnis ko-
mericis Qjiaestiones. C'sst un travail de statistique philologique dans le genre des
Etudes homériques de Hartel. L'auteur y a fait preuve de beaucoup d'érudition et de
patience.
— On annonce la mort, à l'âge de 32 ans, de M, Eugène Abel, professeur de lit-
térature grecque à l'Université de Budapest. Philologue distingué, il avait fait paraî-
tre chez Calvary, à Berlin, une édition de Colluthus, de Jean de Gaza, des Lithica
d'Orphée, des Hymnes homériques et le premier volume des Scolies de Pindare.
Outre cela, il s'occupait de l'histoire des humanistes hongrois et a donné une édition
d'Isota Nogarola, puis une description des manuscrits de la Corvina. Il était membre
de l'Académie hongroise.
ISLANDE. — Cinq érudits, Hannes Thorsteinsson, Jon Thorkelsson, Olafur Da-
VIDHSSON, Palmi Palsson, et Vald. Asmundarson vont publier une revue de folklore
et de littérature irlandaise qui aura pour titre Huld et paraîtra par fascicules. Il pa-
raîtra au moins un fascicule par an. Trois fascicules formeront un volume. On s'a-
bonne pour un volume chez l'éditeur Sigurdur Kristjansson, à Reykjavik. Prix de
chaque fascicule : 2 couronnes.
ITALIE. — M. Angelo Soleuti et notre collaborateur M. P. de Nolhac préparent
en commun, pour cette année, chez l'éditeur Roux, de Turin, un volume sur le
voyage de Henri III en Italie, à son retour de Pologne, en 1574. Le travail est con-
duit sur des sources entièrement nouvelles, récits contemporains et pièces d'archives.
140 REVUE CRITIQUE d''hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
M. Solerti publiera également en 1890, chez Zanichelli, de Bologne, le premier vo-
lume des Opère minori in versi de Tasse, dont il a entrepris une édition critique
d'après les éditions anciennes et les autographes.
RUSSIE. — MM. Attaï et Riabinine, l'un professeur, l'autre étudiant à l'Institut
Lazarev des langues orientales, viennent de faire paraître à Moscou une traduction
du Livre de Kalilah et Dimnah (un vol. in-S»), de 290 pages. Cette traduction est
précédée d'une préface de M. Riabinine, sur les origines et l'histoire de ce recueil,
et accompagné d'un tableau synoptique, qui montre comment il s'est répandu dans
les littératures européennes. Dans les langues slaves il existe une version slavonne
du xiii« siècle (Stephanile et Jklimlai) et une version tchèque de i528.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 7 février iSgo.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, M. le président annonce que M. le chevalier
de Sickel, professeur honoraire de l'Université de Vienne, a été élu associé étranger
de l'Académie, en remplacement de M. Cobet.
L'Académie procède ensuite à l'élection d'un membre ordinaire en remplacement
de M. Pavet de Courteille. Deux tours de scrutin ont lieu et donnent le résultat sui-
vant :
!«' tour. 2<^ tour.
M. de Lasteyrie 1 5 voix. 28 voix.
M. Homolle ,.... 8 — 4 —
M. Courajod 8 — 3 —
M. Ph. Berger 4 — i —
M. Siméon i — i —
36 votants 36 votants.
M. de Lasteyrie est élu. L'élection sera soumise à l'approbation du président de la
République.
M. Théodore Reinach communique un texte de l'historien grec Eusébios, mal in-
terprété jusqu'à présent. Vers le milieu du m* siècle après notre ère, à l'époque des
invasions des Francs en Gaule, ceux-ci, que l'historien désigne sous le nom de Cel-
tes d'Outre-Rhin, assiégèrent la « ville des Tyrrhéniens », dans la province de Lug-
dunaise. Grâce à un système de réservoirs et de pompes à incendie, ils parvinrent à
préserver leurs machines contre les projectiles incendiaires que leur lançaient les
assiégés. M. Th. Reinach pense que par le nom de ville des Tyrrhéniens l'historien
grec a voulu désigner la ville de Tours. 11 est curieux de voir les Francs, dès leur
première apparition dans l'histoire (^58), posséder des notions aussi avancées d'art,
militaire et de poliorcétique.
Ouvrages présentés : — par M. Georges Perrot : Henry (Charles), Application de
nouveaux instruments de précision (cercle chromatique, rapporteur et triple décimètre
esthétique) à F archéologie {extra'n de la Revue archéologique) ; — par M. Schlumber-
ger : Engel(A.) et Serrure (R.), Répertoire des sources imprimées de la numismati-
que française, tome m ; — par M. l'abbé Duchesne : Gregory (Caspar-René), 2^ fas-
cicule, Novitm Testamentum greaece, Frôle gomena, t. 111.
Julien Havet.
t
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DEFRANCE^'
Séance du 2g janvier 18 go.
M. de Barthélémy lit une note de M. le baron de Baye sur la nécropole d'Habj
blingbo. t
M. d'Arbois de Jubainville donne comn.unication d'une lettre de M. Boyer, agent^
voyer, signalant l'existence, sur le territoire de Peraumont près Coussey {Vosges)p
d'un monument mégalithique, dit la pierre aux œufs.
M. Blanc, chargé'de mission en Tunisie, communique des photograptiies de mo-
numents qu'il a recueillies au cours de ses explorations. ,
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Lb Puy, imprimerie Marchcssou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
Tjo 8 — 24 février — 1890
SonixnaSi-a : gb . De Markoff, Monnaies arsacides et sassanides de l'Institut des
langues orientales de Pétersbourg. — 96. Schûrer, Histoire du peuple juif à
l'e'poque de Je'sus-Christ. — 97. Bienwald, Les manuscrits d'Antiphon. — 98.
Pellisson, Cicéron. — 9g. Fichot, Statistique monumentale de l'Aube. — 100.
Bryce, L'empire germanique et l'empire allemand. — 10 1. Sommervogel, Le vé-
ritable auteur des Monita sécréta. — 102. E. Molinier, Venise, ses arts décoratifs,
musées et collections. — io3. Litzmann, Schiller à lena. — 104. Ed. Favre, Mé-
morial des cinquante premières années de la Société d'histoire et d'archéologie de
Genève. — io5-io6. Kerviler, Répertoire de bibliographie bretonne, I, 8 et Re-
cherches sur les députés de la Bretagne à l'Assemblée constituante. — 107. Wulff,
Un chapitre de phonétique. — Chronique. — Académie des Inscriptions. — Société
: des Antiquaires de France.
95. — Monnaies arsacides, subarsacides, sassanides etc. de l'Institut des lan-
gues orientales, décrites par Alexis de Markoff. S. Pétersbourg, i8Sg, in-8, xvn,
XX, i36 p. II pi.
L'Institut des langues orientales à Pétersbourg possède une collection
I numismatique importante, qui a été créée en 1826 par Adelung. Un
premier catalogue des monnaies musulmanes, décrites par Dorn, a paru
j en deux parties en 1877 et 1881. M. A. de Markoff, conservateur au
musée de l'Ermitage, chargé de continuer ce travail, vient de donner la
description des monnaies arsacides et sassanides qui forment, comme
l'on sait, les deux premières classes de la numismatique orientale. —
Après une introduction historique sur l'origine et la formation de la
collection russe et une riche et très complète bibliographie de tous les
ouvrages et mémoires concernant la matière, Tauteur aborde la des-
cription de la série parthe.
La collection de l'Institut russe comprend 680 pièces arsacides à
légendes grecques, et environ une centaine de monnaies à légendes
araméennss ou proto-pehlvies, émanant des feudataires ou rois des pro-
vinces qui relevaient du Grand-Roi, et qui sont connus chez les auteurs
orientaux sous le nom de Molouk-et-taouâïf. Le Musée possède la
série presque complète des arsacides, sauf quelques lacunes, notamment
sous le rapport des tétradrachmes, qui ne commencent qu'assez tard
sous Phraate IV, le seizième Arsace, alors qu'on en connaît pour pres-
que tous les rois antérieurs. M. de M. suit l'ordre et la classification de
Percy Gardner dans son catalogue du British Muséum. C'est certaine-
ment un excellent guide, mais il y avait quelques modifications à intro-
duire dans les attributions, depuis le remarquable travail de von
Gutschmid (Geschichte Irâns, 1888), que M. de M. aurait peut-être
Nouvelle série, XXIX. 8
I
142 REVUE CRITIQUE
pu Utiliser davantage. L'auteur a bien fait de placer sous chaque roi les
petites monnaies de bronze en assez grand nombre, jusqu'ici fort négli-
gées à cause de leur module, et qui sont cependant fort intéressantes.
En dehors des monnaies connues des Molouk, que possède l'Institut,
il faut signaler une très belle série de 40 pièces remarquables par leurs
légendes sémitiques. M, de M. n'a fait aucune tentative de lecture, il '
nous dit seulement (p. 49) que « ces monnaies, d'une époque incertaine,
émanent de rois mazdéens ayant régné dans une contrée inconnue de
riran ». Malheureusement aucune de ces pièces n'est gravée sur les
deux planches qui accompagnent l'ouvrage et aucune référence n'est
faite aux publications antérieures, en sorte qu'il est impossible de se
rendre compte de ce que peuvent être ces monnaies. On peut croire,
toutefois, qu'elles forment une variété de celles qui ont été signalées par
Fraehn, Stickel et Tiesenhausen (collection Strogonof). C'est du moins
ce qui semble résulter de la description donnée par l'auteur, comme du
fac-similé des légendes. L'alphabet, tout en étant différent de celui des
monnaies arsacides, n'est pas sans analogie avec l'alphabet des inscriptions
de Bahbehan, Teng-i-Botân, etc., dont la date est probablement anté-
rieure à l'époque sassanide, ce qui pourrait fournir un point de repère
pour nos monnaies et permettre d'en placer l'émission vers le in° siècle
de notre ère, dans le Khorassan et jusqu'à TOxus. C'est là, en tous cas,
un phénomène fort curieux à étudier pour l'histoire de l'écriture dans
l'Asie centrale. Il en est de même des monnaies frappées dans la Sog-
diane quelques siècles plus tard, sous les derniers Sassanides ou ai
commencement de l'Hégire, et dont l'alphabet possède encore des formel
particulières distinctes du précédent. Ces dernières pièces ne sont con-'
nues que depuis l'expédition russe à Khiva et à Samarcande, c'est,]
M. P. Lerch qui les a le premier déchiffrées en 1878. On sait qu'il a lu
Bokhara-Khodddi , mais cette lecture n'est peut-être pas définitive.
La deuxième partie du Catalogue est consacrée aux rois sassanides»
Elle comprend la description de 5oo pièces, plus une soixantaine de,
monnaies à légendes pehlvies, frappées par les gouverneurs arabes de làlj
Perse. L'auteur a suivi Mordtmann pour la classification et la chrono4|
logie. Les règnes de Firouz, de Cobad I^"" et des deux Khosroës sont'
particulièrement riches; par contre, il y a quelques lacunes dans là
collection, notamment pour la série des Bahram et les derniers Sassa-
nides. Sous le rapport du monnayage d'or, qui généralement est très]
rare, l'Institut ne possède que deux médailles de Sapor II et une del
Firouz. Si la lecture Khusriidi du n° 3og est certaine, elle trancherait]
l'orthographe du nom de Khosroës, ou plutôt d'une des variantes de cej
nom, que l'on trouve sous les trois formes Khusrui, Khusrudi eiKliiis-
rub (sans compter l'arabe Kesra].
Nous nous bornerons à ces quelques remarques en attendant Ia|
seconde partie de l'ouvrage, qui devra contenir la justification de cer-
taines attributions monétaires. Mais, dès à présent, nous ne pouvom]
à
d'histoire et de littérature 143
que rendre un juste hommage à ce premier travail qui représente un
labeur considérable et dénote chez son auteur une connaissance pro-
fonde de la numismatique perse.
E. Drouin.
I
g6. — Gescliichte des JûdiseSien Volkes im £eltaltei' Jlesu Clirlstis
von D' Emil Schùrer. Zweite neu bearbeitete Auflage des Lehrbuchs der Neiites-
tamentlichen Zcitgeschichte. Erster Theil, erste Haslfte. Leipzig, Hinrichs'sche
Buchhandlung, 1889. In-8, 256 pages.
Les Allemands ont, beaucoup plus que nous-mêmes, l'habitude de
publier leurs oeuvres par cahiers. C'est un procédé très légitime pour ras-
surer le public sur l'état d'avancement d'une œuvre; mais, comme Tau-
teur, ce qui est parfaitement naturel, renvoie souvent au second cahier
du volume son introduction ou avant-propos et sa table des matières,
le critique se trouve momentanément dépourvu d'indications qui lui se-
raient fort utiles. Disons donc aujourd'hui ce que nous savons, sauf à
compléter nos indications quant la suite de l'ouvrage nous parviendra.
M. Schiirera publié il y a quelques années un Maiiuel d'histoire pour
l'époque du Nouveau Testament^ litre embrouillé pour exprimer une
idée fort claire et répondre à un besoin généralement ressenti, qui est,
lorsqu'on aborde l'étude des origines du christianisme, de posséder un
ensemble de renseignements sur les conditions historiques, géographi-
ques, etc., où se trouvait alors la Palestine. Un théologien protestant
de langue française, M. Stapfer, nous a donné dans le même ordre d'idées
un volume intitulé La Palestine au temps de Jésus-Christ qui contient
de très bonnes parties. Je n'ai point sous la main le livre de Schûrer dans
sa première édition et n'ai pas conservé le souvenir de ses divisions. Je
dirai seulement qu'il a reçu un accueil très favorable, qu'on a rendu
unanimement hommage à son mérite et qu'il a tout de suite été considéré
comme une œuvre classique, dont les bibliothèques théologiques ne
peuvent plus se passer. Aujourd'hui, comme on le voit plus haut, le
titre se lit Histoire du peuple juif à V époque de Jésus-Christ^ ce qui
est beaucoup plus satisfaisant et ne permet pas de s'égarer sur les limites
assignées par l'auteur à son sujet.
Le présent cahier contient une longue introduction principalement
consacrée à l'indication et à la discussion des sources, puis le commen-
cement de la première partie, qui traite de l'histoire politique de la Pa-
lestine de 175 avant J.-C à i35 après J.-C. L'auteur annonçant à bref
délai la publication de la seconde moitié de ladite première partie, nous
préférons renvoyer à ce moment l'examen de l'ensemble du premier
volume, nous bornant pour aujourd'hui à une simple annonce.
M. Ver NES.
144 • REVUE CRITIQUE
97. — A. BiENWALD, Bîo Cfîppsîîiiio ot Oxonîeiisi Antiphontis, Diiiarchi
Lycurgi codicibus; diss. inaug. Gœrlitz, iSSg, 40 p. in-8.
M. Bienwald s'est surtout proposé de combattre les conclusions de
M. Graffunder ^ sur la valeur relative des deux manuscrits principaux
d'Antiphon, V Oxoniensis et le Crippsianus, M. Graffunder défend,
avec plusieurs critiques, la supériorité du Crippsianus; il se fonde, en
particulier, sur la valeur personnelle du copiste de ce manuscrit. M. B.
reprend, au contraire, la thèse de Maetzner, Blass, Jernstedt, cic,
tlièse que j'ai soutenue moi-même dans mon Essai sur Antiphon. 11
montre que le copiste du Crippsianus est loin d'avoir la valeur qu'on
lui attribue; la plupart des corrections qui lui sont personnelles sont,
ou non justifiées, ou telles que le premier venu, pourvu qu'il sût un
peu de grec, pouvait les faire, ou enfin dues parfois à une fausse intel-
ligence du texte. La démonstration avait déjà été faite par Blass, et il
est à espérer que l'on n'y reviendra plus. M. B. étudie ensuite rapide-
ment l'ordre des mots, l'hiatus, l'omission ou l'emploi de l'article, tlc.^
dans les deux manuscrits. Il arrive ainsi à une conclusion déjà bien des
fois exprimée. C'est qu'il est impossible de négliger aucun de ces deux
manuscrits; il faut, au contraire, les compléter, les corriger l'un par
l'autre, puisque c'est seulement par leurs données combinées qu'on
pourra espérer retrouver, dans une certaine mesure, le texte de l'arché-
type dont ils dérivent tous deux. On le voit, la dissertation de M. Bien-
wald n'apporte pas beaucoup d'éléments nouveaux dans l'étude de la
question. Mais elle a le mérite de grouper, généralement avec clarté,
la plupart des arguments en faveur de l'Oxoniensis disséminés jus-
qu'ici dans diverses études ou éditions.
Ch. CUCUEL.
98. — Cîcéi'on, par M. Pellisson. Paris, Lecène et Oudin. In-8, 208 p. i fr. 5o
(10 gravures).
Ce volume a paru dans la collection des classiques populaires, éditée
par la librairie Lecène et Oudin et dirigée par M. E. Faguet. Il se com-
pose surtout d'analyses et de traductions^ habilement disposées et mises
en œuvre. Ce sera, croyons-nous, une lecture de vacances, à la fois
agréable et utile, pour nos élèves de l'enseignement secondaire.
L.
gg. — Stiitistiffue inoiiuniciitalc du département «le l'Auhe» pai*
Charles Fichoï. Paris, chez l'auteur, og, "ue des Sèvres, deux volumes gr. in-8,
494 et 562 pages, avec de nombreuses planches, 1884-1888. Prix : 120 fr.
Le département de l'Aube est bien connu des archéologues qui font
I. Graffunder, De Grippsiano et Oxoniensi Antiphojitis, Dinarchi, Lycurgi codici-
bus. Berol, 1882.
d'histoire et de littérature 145
du moyen âge et de la Renaissance l'objet de leurs études : ses églises,
les tombeaux et les vitraux qui les décorent ont fourni le sujet d'articles
et de planches dans bien des recueils divers. Jusqu'à présent, quatre
ouvrages, y compris celui dont on vient de lire le titre, ont eu pour
objet l'ensemble des monuments figurés de ce département.
Le premier remonte à un peu plus de cinquante ans. C'est le
Voyage archéologique et pittoresque dans le département de VAube
et dans Vancien diocèse de Troyes, publié sous la direction de A. -F.
Arnaud, peintre, un volume in-folio, avec de nombreuses planches,
Troyes, 1837. Le second a paru sous le titre à' Album pittoresque
et monumental du département de l'Aube ; c'est un volume grand in-
folio, qui a vu le jour à Troyes en i852 ; M, Fichota fait les dessins ; on
doit le texte à M. Aufauvre. Le troisième, qui date de 1861 et qui n'est
qu'un mince in-quarto, est le Répertoire archéologique du départe-
ment de VAube, imprimé en 1861 et qui fait partie du Répertoire
archéologique de la France, publié par le Ministre de l'Instruction
publique.
Je suis Fauteur du dernier de ces livres. M. Fichot, si honorable-
ment connu comme dessinateur dans le cercle des érudits qui s'intéres-
sent à l'archéologie française, a pris le plan du Répertoire archéologique
et, suivant comme cet ouvrage l'ordre des arrondissements et des can-
tons, il étudie, commune par commune, les monuments figurés du
département de l'Aube. Toutefois, il laisse de côté les cim.etières romains
et mérovingiens et tout ce qui est antérieur au moyen âge. Il a donné
à sa description beaucoup plus de développement que le Répertoire
archéologique. Dans celui-ci, les vingt-huit cantons du département de
l'Aube occupent cent quarante-trois pages; dans la Statistique monu-
mentale de M. F., huit cantons ont fourni la matière de plus de
mille pages. L.& Répertoire archéologique ne contient pas une planche,
et la Statistique monumentale offre à ses lecteurs un nombre de plan-
ches que je n'ai pas eu la patience de compter, presque autant que de
pages, environ un millier.
Quand on vient de lire, dans le Répertoire archéologique, l'article
consacré à une commune et qu'on parcourt ensuite l'article correspon-
dant à celui-là dans la Statistique monumentale, on éprouve une sen-
sation semblable à celle de la vision d'Ezéchiel; il semble voir un
squelette décharné dont les os se recouvrent instantanément de chairs
vivantes et colorées. Le lecteur me pardonnera de lui faire part de la
jouissance que j'éprouve quand dans le livre de M. F. je vois se dresser
de nouveau devant mo>i tant de jolis monuments, que j'ai si souvent
admirés et que, dans le Répertoire archéologique, j'étais réduit à
décrire en termes si brefs et si secs.
M. F. ne s'est pas contenté de dessiner l'ensemble des monu-
ments, leurs détails, les portails, les vitraux, les rétables, les chaires à
rêcher, les pierres tumulaires ; il les a décrits et il a été en cela plus
146 RICVU!'. CniTlQUE
hardi, avec raison, Je crois, qu'en i852, lorsqu'il publiait, en s'aidant
delà plume de M. Aufauvre, l'Album pittoresque et monumental du
département de l'Aube. M. Aufauvre était un élégant journaliste; il
eut même, dans le chef-lieu du département de l'Aube, Thonneur d'être
préféré comme rédacteur d'un journal local par ses concitoyens, en 1 842,
à Charles Blanc, le futur directeur des Beaux-Arts, 1848-1852, le futur
membre de l'Institut. Charles Blanc fut destitué et Aufauvre lui suc-
céda, comme p>lus habile et moins cher. On donnait trois mille francs à
Charles Blanc, Aufauvre se contenta de dix-huit cents. Mais, s'il
était grand journaliste, Aufauvre était médiocre archéologue. M. F.
a eu raison de ne pas recourir de nouveau à une collaboration comme
celle-là pour exposer au public le sujet de ses dessins.
Son ouvrage est un complément indispensable du Répertoire archéO'
logique. Il est beaucoup plus complet pour les détails et pour les
monuments les plus modernes. Toutefois, je manquerais à mes habi-
tudes et à la tradition de la Revue critique si je ne parlais ici de quel-
ques points sur lesquels je ne partage point la manière de voir de
l'auteur.
M. F. a négligé à peu près complètement la bibliographie de
son sujet. Il ne mentionne à peu près nulle part les travaux anté-
rieurs dont les divers monuments étudiés par lui ont été précédemment
Tobjet. Com.me exception très rare, on peut citer dans le tome II,
p. 280, la note où, à propos d'un reliquaire de l'église de Villemaur,
M. F. constate qu'il est l'auteur de la planche du Voyage archéo-
logique (1837, il y a cinquante trois ans), qui représente ce reliquaire
(M. F. n'est pas tout jeune); or, dans cette planche, moins bon
paléographe alors qu'aujourd'hui; il a, nous dit-il, écni Marie Magda-
lene pour Marie virginis. Cette observation est de fort bon goût. Mais
il aurait peut-être été à propos de dire, trois pages plus haut (p. 278),
que des deux châsses de Villemaur, reproduites dans la planche II,
celle du bas, en cuivre doré et émaillé (xii'^ siècle), ornée de figures nom-
breuses, a déjà fait l'objet d'une planche dans le chapitre Emaux, du
Portefeuille archéologique de la Champagne, par Alfred Gaussen. La
planche d'Alfred Gaussen est d'une valeur artistique moindre que la
planche de M. F., mais l'inscription placée au-dessus de la tête du
Christ en croix IHS XPS est bien plus lisible chez Alfred Gaussen que
dans la planche de M. F., où le dernier mot XPS est écrit XFS.
A la page 210 du tome II, M. F. a consacré seize lignes à la des-
cription d'un tableau peint en i858 par Valton, peintre troyen. Ce
tableau représente saint Liébault, patron de l'église d'Estissac, et une
inscription latine orne celte peinture. Cette inscription n'est pas autre :|
chose qu'une notice de la charte qui porte le numéro 358 dans les
Diplomata de Pardessus, t. II, p. 142 : « Litterœ fundationis raonas-
terii sancti Aniani Floriacensis prope Aurelianensem civitatem a sancto
Leobaldo abbate, Ghlodovecho secundo régnante, annoDomini D CL. »
DSHSTOIRE KT DK HTTÉRATURB I47
A ce propos, M. F. cite un auteur troyen du xvii* siècle, Des-
guerrois, La Saincteté chrestienne , qui a discuté la question de
savoir si saint Liébault a été fondateur d'ordre ; M. F. aurait peut-être
mieux fait ou de ne rien dire, ou s'il tenait à parler, de renvoyer soit
aux Diplomata de Pardessus, soit à Bréquigny, Table chronologique
des diplômes, t. I, p. 46.
Deux des édifices anciens du département de l'Aube sont l'église de
Saint-Lyé et celle de Moussey. L'église de Saint-Lyé a été l'objet d'un
mémoire dans la Revue archéologique, de mai 1860 (nouvelle série,
1. 1, p. 289-293). Ce mémoire est accompagné de deux planches, conte-
nant Tune une élévation de la façade, l'autre un plan de la nef de
l'église. Dans ces deux planches, on trouve distinguées les parties
anciennes de l'édifice et les additions. Le plan présente une particularité
singulière, ainsi décrite dans Isl Revue archéologique (p. 291) : « La
a tour occupe la moitié méridionale de la cinquième et dernière travée
a de la nef [à partir du chœur]; elle est carrée ; elle a quatre mètres de
« côté, ce qui est la moitié de la largeur de la nef, piliers compris... La
« porte occupait naturellement le milieu de la façade. Il eût été dis-
« gracieux de la placer autrement, mais il en résultait que l'angle nord-
K est de la tour était évidé à la base et ne reposait que sur le trumeau
« de la porte. Or, ce trumeau offrait un appui fort peu solide... il en est
« résulté au bout de quelque temps des lézardes encore visibles dans la
<( tour et la nécessité de murer la partie de cette porte ouverte dans la
oc base de la tour. On s'en est dédommagé en élargissant cette porte du
« côté du Nord. » Voici le passage correspondant chez M. F., t. i,
p. 1 54 : « La tour, sur sa façade, occupe la moitié de la première travée
« de la nef. Sa base repose sur le mur de cette dernière et sur un pilier
« massif de style romand Elle servait autrefois d'entrée à l'église, mais
a depuis bien des années, on a muré ses arcades et consolidé sa base au
« moyen de sarcophages qui rappellent les monuments funéraires des
« temps mérovingiens. » Suit le dessin de la muraille formée de ces
débris. Cette dernière indication manque dans l'article de la Revue
archéologique et dans le Répertoire qui en est le résumé. Ainsi, le tra-
vail de M. F. est sur ce point plus complet que le mien, mais
l'article de la Revue archéologique expose une doctrine qu'il aurait
peut-être été à propos de citer, ne fût-ce que pour la contester.
Dans le Répertoire archéologique, j'avais constaté que l'église de
Saint-Lyé a dans la nef neuf mètres de hauteur jusqu'au plafond, et
treize mètres cinquante jusqu'à la sous-faîtière de la charpente autre-
fois apparente. M. F., qui reproduit mes chiffres, commet, p. i56, une
petite erreur : g Cette grande nef, dit-il, mesure neuf mètres de hauteur
« et treize mètres cinquante de largeur. » Treize mètres cinquante,
I. A l'angle nord-est. La tour à l'origine avait au nord deux supports seulement :
le trumeau de la porte occidentale de l'e'glise au nord-ouest, et le pilier massif,
d2nt parle M. Fichot, au nord-est.
148 REVUE CRITIQUB
c'est, je crois, à peu près la largeur de la grande nef de Notre-Dame de
Paris. Non, la nef de Saint-Lyé a six mètres et quelques centimètres
de large, et treize mètres cinquante sont la hauteur jusqu'à la sous-
faîtière de la charpente.
M. F., t. I, p. 430, date de la fin du xn" siècle les parties anciennes
de Téglise de Moussey. A la page 106 àw Répertoire, je lésai datées du
commencement de ce siècle. La différence est peu de chose, et il est fort
possible que M. F. ait raison. Cependant, il ne dit rien d'un des motifs
principaux qui m'ont décidé. C'est que ces parties de l'édifice, au
lieu d'être en moellons de craie de moyen appareil, sont en petit
appareil de pierres dures, silex, semble-t-il. Quoi qu'il en soit, la notice
de M. F., sur l'église de Moussey, est infiniment plus complète que la,
mienne. M. F. consacre à cet édifice neuf pages et dix planches; dans!
le Répertoire archéologique, on trouvera vingt-cinq lignes.
Je conclus que le livre de M. Fichot a sur les parties correspondantes!
du Répertoire archéologique de l'Aube une très grande supériorité,
quelles que soient les critiques de détail que puisse lui adresser un écri-
vain, combattant peut-être à son insu pro arts et focis, comme le
signataire de cet article. La Statistique monumentale du département
de l'Aube par M. Fichot a obtenu de l'Académie des Inscriptions
une des distinctions les plus hautes dont elle puisse disposer au con-
cours des antiquités de la France, et jamais cette distinction si honorable
n'a été plus méritée.
H. d'ArBOIS de JUBAINVILLE. ■
100. — James Bryce. Le saint empire i-omain germanique et l'Empire
actuel d'Allemagne, traduit de l'anglais par Emile Doraergue et précédé
d'un préface de Ernest Lavisse, i vol. in-8, XLi-596 pages. Paris, Colin, 1890.
M. James Bryce, professeur de droit à l'Université d'Oxford, membre
de la chambre des communes, ancien sous-secrétaire d'Etat des affaires
étrangères dans le ministère Gladstone en 1886, s'est posé dans cet ou-
vrage l'une des questions les plus intéressantes de l'histoire générale,
tant du moyen âge que des temps modernes. 11 a recherché quelles idées
ce mot « empire » a éveillé dans l'esprit des hommes, aux diverses gran-
des époques de Phistoire. Que pensait-on de ïEmpire, quand en l'année
476 le faible Romulus Augustule annonça sa démission au sénat; quand,
le jour de Noël de l'année 800, le pape Léon III posa une couronne
d'or sur la tête de Charles, roi des Francs-, quand, à près de deux siè-T
clés de distance, le 2 février 962, Jean XII répéta la même cérémonie
en faveur du souverain d'Allemagne, Otton I"'? Plus tard, quellea
élaient les prétentions et de Frédéric I" Barberousse et de Frédéric IIj
lorsqu'ils allèrent s'emparer à Rome de la couronne impériale? Qui(
voulait au juste Henri VII, quand, en i3i2, il se fit couronner à Saintf j
Jean de Latran? Que signifie le titre de « imperator electus » dont s^
d'histoire et de LITTERATURE I49
revêtit Maximilien I" et qu'après lui prirent les souverains allemands,
aussitôt après leur couronnement, et sans faire le voyage de Rome? En-
fin qu'est-ce que Tempire allemand actuel qui a été ressuscité en 1871
dans la galerie des glaces de Versailles, en faveur de Hohenzollerii,
après que depuis l'année 1806 les Habsbourg eurent renoncé à cette
qualité? On saisit toute l'importance d'un pareil sujet : à vrai dire, il
constitue une philosophie complète de l'histoire d'Allemagne, de l'Italie
et des pays occidentaux de l'Europe. Pour le traiter, il fallait une grande
connaissance des détails de l'histoire; un esprit plié à l'étude des textes
et assez libre de préjugés pour ne rien ajouter aux documents anciens,
pour ne point substituer ses conceptions personnelles à celles des hom-
mes du moyen âge; une intelligence capable de saisir l'essentiel sous
l'accessoire, l'idée sous la masse énorme des faits ; le goût de ces géné-
ralisations philosophiques, qui ne se perdent point dans le vague, mais
qui, en condensant les phénomènes historiques, restent claires et préci-
ses. M. J. B. possède en partie ces rares qualités : c'est dire que
son livre est remarquable; il est fortement pensé et il fait penser.
Nous signalons comme tout à fait dignes d'attention le chapitre où il
montre l'influence de la doctrine du réalisme sur la théorie de l'em-
pire; celui où il nous fait voir comment la découverte de l'Amérique a
fait crouler les anciennes idées; celui où il expose comment la Réforme
a achevé de détruire la vieille conception d'une religion et d'un empire
universels. Il y a aussi dans son livre un très grand sentiment du pit-
toresque. M. B, a parcouru la plupart des endroits où ont vécu ses hé-
ros; il a visité les églises, les palais, théâtre des événements qu'il raconte ;
dès lors, il nous dépeint souvent un paysage ou bien un monument ar-
tistique avec un soin fort scrupuleux; et ces descriptions rendent ses
récits plus vivants_, ou donnent à ses réflexions générales une netteté
plus grande. Nous avons dit tout le bien que nous pensions de cet ou-
vrage; on nous permettra d'en signaler quelques défauts. L'auteur
n'a pas attaché toujours assez d'importance à l'exactitude minutieuse dans
le détail ; quelques noms propres sont mal transcrits; on lit à différentes
reprises P/e/re d'Andlo au lieu de Pierre d'Andlau ; quelques dates sont
fausses; ainsi le royaume des Burgondes n'a pas été fondé en 406 (p. 5^5) ;
pour la première fois ces barbares ont été transportés dans la Savoie en
443 ; les renvois manquent de précision (par exemple Malchus ap. Pho-
tium, in Corp. Hist. By:[ant) ou nous indiquent de vieilles éditions
(le liber pontificalis et le codex carolinus sont encore cités d'après Mu-
ratori). Quelques erreurs sont plus graves et déparent vraiment un livre
excellent à tant d'égards. Je lis, p. 22 « Le consulat fut un triomphe
pour Clovis : son fils Theodebert (sic), après avoir conquis la Provence,
sa francisque au poing, la reçut en don des mains de Justinien. » C'est
là une pure invention de l'auteur. Je trouve encore p. 45. « Les armées
franques ne furent pas moins favorisées de l'autre côté du Rhin. La
victoire de Tolbiac amena la soumission des AUamans, qu'imitèrent
l50 REVUE CRITIQUE
leurs alliés les Bavarois, k Mais Tolbiac, s'il est vrai que la bataille de
496 se soit livrée en cet endroit, est sur la rive gauche du Rhin. Puis,
je lis, p. 94 : « L'armée de Charlemagne se composait de Franks... ces
vastes domaines qui s'étendaient de TEbre jusqu'aux Carpathcs, de-
l'Eyder au Liris ont été le prix de la valeur franke et étaient en-
core régis exclusivement par des vices-rois et des officiers d'origine-
franke. » M. B. qui cite de temps en temps Waitz, n'a certainement pas
lu les chapitres que l'écrivain allemand a consacrés à l'armée carolin-
gienne ; il saurait que le service militaire pesait sur la terre, et n'était le
privilège ou l'obligation d'aucune race spéciale. A la p. 416, l'auteur
prétend que Maximilien l^r voulut se faire élire pape : les travaux
d'Ulmann ont fait justice de cette légende. Nous n'insistons pas
davantage; ces exemples prouvent que l'érudition de M. B. n'est pas
toujours très sûre; certainement, chez lui, l'érudit est inférieur au pen»
seur et au philosophe.
Mais même la partie philosophique de son livre appelle certaines ré-
serves. M. B. est un protestant convaincu et il le laisse trop paraître. Il
éprouve une certaine joie à flétrir tous les dogmes que Luther et Calvirï
ont rejetés; il n'est pas toujours impartial pour le pape auquel il ne
cesse de reprocher son souci de se procurer un domaine temporel. II
écrit par exemple cette phrase qui n'est pas juste : « Les convoitises pour
les richesses et les pompes de ce monde, s'ajoutant à la perspective nais-
sante d'une principauté indépendante, entraînèrent les papes dans une
longue série de fraudes et d'intrigues. » (p. 55) M. B. est aussi un admi-
rateur trop chaud de cet empire allemand dont il nous a résumé les des-
tinées. Nous lui pardonnons son enthousiasme rétrospectif pour l'em~
pire de Barberousse et de Frédéric II; mais nous avons lu avec peine
le chapitre consacré à l'Empire de 1871, sans contredit le plus faible de
l'ouvrage. M. B. a flétri le partage de la Pologne « la plus grande des
calamités publiques )> (p. 452); il n'a trouvé nulle parole de commiséra-
tion sur le sort de l'Alsace-Lorraine; il n'a pas voulu voir de quel poids
le nouvel empire, centralisateur et militaire, pesait sur ses sujets et sur
l'Europe. Nous pouvons le regretter : mais cela ne nous empêchera pas
de rendre justice à son livre, l'un des plus profonds que nous ayons lus
depuis longtemps.
Nous ajoutons que la traduction de M. Emile Domergue est très élé-
gante et qu'elle est précédée d'une remarquable préface de M. Lavisse.
Celui-ci résume avec beaucoup d'art les principales idées de M. B. et y
ajoute des réflexions personnelles fort curieuses, avec un rare bonheur .
d'expressions, — méditez par exemple ce qu'il dit de l'influence de Char- i
lemagne sur Napoléon I". Ce sont là autant d'attraits qui, joints à la '
très haute valeur de l'ouvrage, assureront à M. Bryce de nombreux
lecteurs en France. f I
Ch. Pfister. i
D'HISTOIRB et DK LITTÉRATURB l5l
joi. ï^e -véritable auteui- «les Slonita seci-el», par le R. P. Carlos
SoMMERVOGEL. Bruxclles. Alfred Vromant, i8go, grand in-8 de 8 p.
Feu le P. Van Aken, publiant, en 1881, dans le recueil beli^e inti-
tulé: Précis historiques, une étude complète sur le célèbre pampliler,,
qui, aux yeux des ennemis de la Compagnie de Jésus, est le plus formi-
dable acte d'accusation porté contre elle, disait : « L'auteur prenait
bien ses précautions pour rester inconnu. Il y réussit, car aujourd'hui en-
core, malgré toutes les recherches de la bibliographie moderne, ce point
est demeuré enveloppé de mystère. » — Ce mystère désormais n'en est
plus un, déclare le grand bibliographe auquel il appartenait d'annoncer
une aussi intéressante nouvelle aux curieux et chercheurs. Parmi les
importants ouvrages inédits publiés par l'Académie de Cracovie, ajoute-
t-il, on remarque une histoire écrite par le P. Jean Wielewicki, inti-
tulée : Historiciim diariwn domus professœ S. J. ad S. Barbaram Cra^
coviœ. Ce Journal, d'une grande valeur pour l'histoire politique de la
Pologne et pour celle des Jésuites de ce pays, comprend une période de
58 ans (1579-1637). Trois volumes ont déjà paru et renferment les an-
nées 1579 à 16 19. Wielewicki est témoin des faits qu'il rapporte ou, du
moins, les puise à des sources contemporaines. Ses assertions sont dignes
de toute confiance. Il affirme que l'auteur des Monita est le P. Jérôme
Zahorowski et il donne des détails très précis sur ce personnage (né en
Volhynie), professeur de classes inférieures au collège de Sandomir, et
qui, mécontent de ses supérieurs, commença, dès le mois d'août 161 3, à
lancer dans le public des lettres remplies des plus graves accusations
contre la Société de Jésus. Reconnu comme l'auteur de ces lettres par le
P. Jean Wielewicki, alors recteur de Lemberg, l'historien dont nous
venons de parler, il fut chassé de la compagnie et se vengea de cette
expulsion en publiant (août 1614) le libelle : Monita privât a Societa-
tis Jesu. Le P. Sommervogel termine en ces termes l'analyse des récits
du religieux qui, mêlé à toute l'affaire, a si bien pu la dévoiler entière-
ment : « Il est donc désormais avéré que les Monita sont de Zaho-
rowski. Son nom avait, depuis longtemps, été mis en avant, comme
celui du prétendant le plus sérieux à cette triste paternité, mais les preu-
ves n'étaient pas suffisantes. »
T. DE L.
102. — iMoLiNiER (Emile), v^enîse, ses arts décoratifs, ses musées et ses coUeciions,
Un vol. grand in-4, iv-299 pp. Paris, Librairie de l'art. [Bibliothèque interna-
tionale de l'art]. 23 frs.
En résumant à peu près tout ce qui a été écrit sur l'art décoratif et
industriel vénitien et en y ajoutant ses propres observations, intéres-
santes toujours et le plus souvent Justifiées, M. Molinier vient de com-
poser un livre qui sera utile à tout visiteur de Venise. Après une intro-
duction sur l'art vénitien en général (p. 137) et une courte description
132 REVUE CRITiQUE
du Musée Correr, principal centre de son étude, il étudie: (p. 37-104) le
bronze, les médaillcurs et les plaquettistes, en insistant sur la porte de la
sacristie de S. Marc, dont une bonne reproduction est donnée en frontis-
pice, et sur les margelles de puits, cette singularité si pittoresque de l'art
vénitien ; (p. io5-t27), l'orfèvrerie; (il décrit entre autres monuments la
Pala d'Oro, le Trésor de S. Marc, les reliquaires du bras de S. Geor-
ges et de la Flagellation ; (p. 128-181) la poterie et la faïencerie; c'est
un des plus intéressants chapitres du livre; on remarquera l'histoire
précisée des origines de la faïencerie vénitienne, et la belle discussion
pour l'attribution du fameux service du Musée Correr, que M. M. re-
vendique, à bon droit senible-t-il, pour Niccolô da Urbino, potier ori-
ginaire de Castel Durante (p. 134-148); (p. 182-220) la verrerie, la
mosaïque et l'émail sont traités avec moins de développement. M. M.
insiste sur les vitraux de S. Maria Gloriosa de' Frari, et définit très
Justement les caractères des verres vénitiens du xv'^ siècle; (p. 221-240)
les arts du bois, la tarsia, la certosina, les cassoni viennent ensuite, avec
les cadres des peintures vénitiennes et les plafonds du palais ducal et de
l'Académie; il est question dans le même chapitre, un peu trop briève-
ment et un peu confusément peut-être, des coffrets en os, des cuirs re-
poussés, et de la reliure : tout cela est un peu mêlé. La ferronnerie
(p. 241-255), les soieries et les velours (p. 255-272) auraient aussi pu
être plus complètement étudiés. Le dernier chapitre (p. 274-293), con-
sacré aux manuscrits vénitiens à miniatures, et où il est question des
miniatures byzantines, des registres des confréries et corporations, des
commissions de fonctionnaires, et aussi des gravures sur bois vénitien-
nes, est insuffisant, et aurait pu être retranché. — Je ne reprocherai à
cette inépuisable mine de renseignem.ents, à ce guide aussi artistique
qu'érudit, qu^un peu de confusion : on ne sait trop si c'est l'art décora-
tif à Venise en général, ou seulement au Musée Correr, que l'on étudie.
Les monuments du Musée Correr sont certainement décrits et étudiés
beaucoup plus complètement que les autres : de là un manque de pro-
portions parfois choquant. Le vrai titre du volume aurait été : études
sur les collections du Musée Correr, et aperçus sur les autres œuvres
d'art vénitiennes. Il est fâcheux que M. M. n'ait pas fait pour les prin-
cipaux dépôts artistiques de Venise, le court historique qu'il a fait
pour le Musée Correr. — L'introduction est assez peu rattachée au reste
du livre : on y cherche en vain une idée générale de Tart vénitien qui
montrerait ce qu'ont été à Venise les rapports des arts industriels et dé-
coratifs avec les beaux arts proprement dits, une synthèse du milieu his-
torique qui en montrerait le développement simultané. — M. M. est
sévère pour le Songe de Polyphile. Il écrit (p. 287) : a quelque réputation
qu'ait THypnerotomachia du dominicain Francesco Colonna, réputa-
tion que nous ne pouvons plus guère comprendre aujourd'hui, si Von
tente de se l'expliquer en parcourant son texte insipide. j> Il me semble
qu"'on a récemment réhabihté l'œuvre étrange de F. Colonna (Cf. Fin-
d'histoire et de littérature i53
troduction de Cl. Popelin à sa traduction de rHypnerotomachia.
Paris, i883). — Je terminerai par deux remarques adressées moins
à Fauteur qu'à l'éditeur : i» il est fâcheux qu'on n'ait pu arriver à pla-
cer les planches mieux en regard du texte qui les concerne, ou qu'on
ne les ait pas accompagnées de renvois aux pages du texte explicatives.
Il en est plusieurs, notamment dans le chapitre de la Faïence, qu'il est
très malaisé de retrouver; 2° le nombre des illustrations est inexacte-
ment indiqué; le titre annonce « 2o5 gravures dans le texte et plu-
sieurs eaux fortes. » Il y dans le volume, si je sais compter, 3 eaux
fortes, 7 gravures hors texte (dont quelques-unes assez médiocres) et
193 gravures dans le texte, (y compris deux vues du Foridaco dei Turchi
et un croquis du dernier turc qui Tait habité, que nous avions déjà ren-
contrés dans la Ga:{ette des Beaux-Arts^ avec quelques autres planches).
— Ces bien légères observations n'ôîent rien à la valeur du travail de
M. Molinier, qui restera le tableau le plus complet et le plus clair de
l'art décoratif et industriel à Venise.
L. G. P.
io3. — Scliîller in lena, eine Festgabe zum 26 Mai 188g aus dem deutschen
Seminar, von B. Litzmann. lena, Mauke, 1889. In-8, i36 p, i mark 80 {z fr. 25).
Petit livre agréable et instructif. Il comprend trois chapitres. Le pre-
mier (p. 1-93) expose la vie de Schiller à lena d'après sa correspondance,
ses cours à l'Université, ses relations avec la société de la ville (les famil-
les Paulus, Griesbach,Schutz, Hufeland, G. de Humboldt, Fichte), ses
travaux, poésies, drames, études de philosophie et d'histoire. La deu-
xième partie (p. 74-124) est consacrée aux maisons qu'habita Schiller,
— on nous en donne de jolies reproductions (la Schrammei, la maison
du coin du marché, celle de Griesbach et le pavillon de la Leutra). La
troisième partie (p. i25-i36) contient tous les documents que M. Litz-
mann a pu trouver sur l'a activité académique » de Schiller : appel du
poète à lena, sa réponse, le programme de ses cours d'après le Catalo-
gus praelectionum. Tel quel, le nouvel ouvrage de M. Litzmann sera,
comme il l'espère, un iidéle et sûr guide pour qui voudra connaître
l'existence de Schiller à lena.
A. C.
104.— miémori»! des cinquante premières années de la Société d'iiistoire et d'ar-
chéologie de Genève, 1808- 18S8, par Edouard Favre, vice-président. Genève,
Jullien. Paris, Fischbacher, 1889. In-8, x et 435 p.
Ce volume, aussi complet que possible, utile non seulement pour
rhisroirc de la Société, mais pour celle de Genève et de la Suisse, com-
prend deux parties. On trouvera dans la première partie Phistoire de la
104 REVUE CRITIQUE
Société, la liste de ses membres, le Sommaire de ses procès-verbaux i,
la série de ses Publications — cette dernière liste, accompagnée de
détails biographiques minutieux, est l'œuvre de M. Th. Dufour. — La
seconde partie renferme le procès-verbal de la séance du 2 mars 1888
qui célébra le cinquantième anniversaire de la Société (discours de
MM. Dufour et Chaix et rapport de M. Ch. Le Fort), et deux tables,
l'une, la table méthodique, où sont classées méthodiquement toutes les
communications qui figurent dans le Sommaire des procès-verbaux;
l'autre, la table alphabétique, qui contient les noms de tous les mem-
bres et la mention de ce qu'ils ont fait pour la Société, ainsi que des
références au Sommaire des procès-verbaux : ces deux tables se com-
plètent donc Tune par l'autre. Le volume se termine par des additions
et corrections. Il est orné des portraits de neuf membres de la Société
(entre autres Rilliet, Roget, Le Fort) qui « par leur érudition et leur
dévouement ont le plus contribué à sa prospérité ». Il faut remercier
la Société d'avoir décidé, à l'occasion de son cinquantenaire, la publi-
cation de ce volume; elle a ainsi laissé un document inappréciable pour
ceux qui voudront plus tard retracer la vie intellectuelle de Genève au
xrx*' siècle. Il faut aussi remercier M. Ed. Favre, notre ancien collabo-
rateur, vice-président de la Société, d'avoir si patiemment, si conscien-
cieusement, recueilli et mis en ordre les matériaux de ce Mémorial ; le
travail était ingrat et absorbant ; il a dû, ce nous semble, coûter au
moins deux années d'assidu labeur; félicitons M. Edouard Favre et
sachons lui gré de sa persévérance et de son zèle érudit.
G.
105. — Répertoire général de liio-biklîograpliie bretonne, par René
Kerviler, bibliophile breton, avec le concours de divers érudits. Livre premier.
Les Bretons, H'"" fascicule. Bli-Boi. Rennes, Plichon et Hervé, 1889, in-8 de
160 p.
106. — Recherches et notices sur les députés de la Bretagne aux états géné-
raux et à l'Assemblée Nationale Constituante, par le même. Rennes, chez les
mêmes libraires, 1888-1889, 2 vol. in-8 de 426 et 3i4 p.
M. Kerviler continue, avec une persévérance toute bretonne, la
publication du Répertoire déjà souvent mentionné et loué ici. Les
articles les plus importants du nouveau fascicule sont les articles Blin
(p. 2-8), de Blocquel (p. ii"i4), de Blois (p. i5-25), Boaistuau (p. 38-
45). Ge dernier article est particulièrement curieux. M. K. y complète
les études publiées sur ce fécond écrivain par M. A. de la Borderie,
en 1870, dans la Revue de Bretagne et de Vendée, et, en 1887, dans
I. Ce Sommaire énumère toutes les communications présentées, quelle qu'en soit
la nature ou l'importance. M. Favre signale les moindres faits dont on a parlé. Il
fait suivre les communications imprimées d'une indication qui permettra de les
consulter facilement. Pour celles qui n'ont pas été publiées, il a mentionné l'endroit
où l'on pouvait trouver sur le même sujet des détails fournis par l'auteur de la
communication ou par d'autres membres de la Société.
d'histoire et de littérature I 5 5
le Bibliophile Breton. C'est ainsi qu'il indique (p. 41), d'après un exem-
plaire de sa propre bibliothèque, une première édition (de i558) du
Bref discours de l'excellence et dignité de l'homme, que le nouvel
acade'micien croyait de iSSq seulement. En ce même article, qui sera
un régal pour tous les bibliophiles, M. K. relève quelques erreurs des
critiques et bibliographes. Il constate, par exemple, que François-
Victor Hugo, qui a montré (t. VII de sa traduction de Shakspeare, 1860),
qu'une des Histoires tragiques de Boaistuau est la source où a puisé
Tadmirable auteur de Roméo et Juliette a défiguré son nom et l'a
sans la moindre preuve présenté comme un gentilhomme. Il reproche
aussi à Quérard (Supercheries littéraires dévoilées, t. II, p. 678, à
Tarticle Launay] d'avoir cru ce nom supposé par un contrefacteur et
de ne s'être pas douté que c^était réellement celui d'une terre possédée
par Boaistuau.
M. Kerviler, au début de son important ouvrage sur les députés de la
Bretagne en 178g, rappelle que Tordre de la noblesse et une fraction de
l'ordre du clergé refusèrent de se faire représenter aux États- Généraux.
Seuls le tiers-état et le clergé du second ordre, c'est-à-dire les curés,
obéirent aux lettres de convocation. La représentation bretonne se
composa donc uniquement de la classe inférieure, aussi bien dans l'or-
dre ecclésiastique que dans Tordre civil. Le groupe breton exerça une
influence considérable sur les événements de Versailles 1. Ce groupe
méritait une étude approfondie ; il la méritait d'autant plus qu'aucun
travail sérieux n^avait été consacré à la députation bretonne de 1789.
M. K., qui avait été péniblement surpris de rencontrer dans les recueils
bibliographiques et même dans les recueils de sa province natale, si peu
de notices sur les membres de cette députation, n'a pas « hésité à entre-
prendre la série complète de ces portraits, pensant qu'il y aurait profit
pour nos contemporains à suivre, à près d'un siècle de distance, les
destinées de tous ces fondateurs du nouvel ordre de choses ».
L'auteur n'a, selon sa constante habitude, rien négligé pour nous
faire bien connaître ses compatriotes d'il y a cent ans. Son recueil, où
Ton trouve tout d'abord (p. i3-i5) une liste des députés bretons aussi
exacte que Test peu celle qui a été donnée par M. Antonin Proust ~, est
1. M. K. ajoute (p. 6) : « La popularité du député de Rennes, Le Chapelier, qui
présida la fameuse séance du 4 août, fut même telle un instant, que j'aurai occasion
de citer un curieux pamphlet intitulé : Vie du roi Isaac Chapelier, chef de la qua-
trième race, qui ne me paraît pas avoir été suffisamment connu par les historiens
de cette mémorable époque. » Voir sur ce pamphlet divers passages de la notice sur
ce député, une des plus considérables du recueil (t. II, p. 71-101). Une autre notice,
bien considérable par son étendue comme par sa valeur, est la notice sur Lanjuinais
(Ibid., p. i3-58.)
2. Ceci, dit M. K. (p. 12), en parlant de ses minutieuses recherches « nous permet de
rectifier notablement les tableaux de la députation donnés par M. A Proust dans les
Archives de l'Ouest, tableaux auxquels on ne peut accorder que médiocre confiance,
tellement ils contiennent d'erreurs de noms de lieux et de personnes, sans compter
l56 REVUE CRITIQUE
excellent à tous les points de vue. C'est l'œuvre non seulement d'un
travailleur consciencieux, mais aussi d'un juge impartial i.
Pour faciliter les recherches, M. K. a cru devoir adopter l'ordre
alphabe'tique, en mêlant dans une seule liste tiers-état et clergé. Comme
il nous en avertit (p. i8), il ne s'arrête pas longuement à décrire les
faits connus de tout le monde, ni à reproduire certaines biographies
qu'on peut trouver partout, mais il s'attache aux détails intimes, aux
correspondances inédites, à tout ce qui, en un mot, peut « mettre en
relief le caractère de l'homme et les services rendus ». Sur une centaine
de notices dont se compose l'ouvrage (43 dans le tome I, 58 dans le
tome II), il n'en est presque pas qui ne contiennent quelque document
inédit, tantôt reproduit, tantôt analysé. Les registres de baptême ont
été fouillés avec succès et ont fourni des dates précises 2. Des archives
départementales et municipales de la Bretagne, surtout des archives
particulières, ont été extraits en grand nombre des lettres, des mémoi-
res, dont le biographe a fait le plus heureux emploi. Contentons-nous
de citer entre tant de pièces nouvelles (et sans parler de beaucoup de
pièces imprimées, mais tellement rares qu'elles sont à peu près introu-
vables), un fragment du Journal des Etats Généraux, rédigé par le
député de Lannion, Baudouin de Maisonblanche (I, p. 22-27) 3, un autre
fragment des mémoires du greffier Blanchard (p. 42-43), divers extraits
des mémoires du député Fleury (p. 804, 3og, 3 11), une autobiographie
de Dom Pierre-Jean Lebreton (II, p. 62), des lettres de L.-Fr. Legendre
(p. 1 31-140), etc. On devine toutes les rectifications apportées par
M. Kerviler dans les travaux de ses devanciers, notamment dans les
articles de la Biographie bretonne •^. Je suis trop l'ami de l'auteur pour
oser insister sur le grand mérite de son travail. Laissons-le louer par
les omissions, les confusions de titulaires et de suppléants, et les inexactitudes dans
les chiffres de la députalion des diocèses ou des sénéchaussées. Qui reconnaîtrait, à
moins d'être doué de double vue, Locminé dans Louimé, Banalec dans Balance,
Crozon dans Kron^out, le château du Taureau dans le château du Favreau, Le
Guillou de Kerincuft" dans Leguiou de Kerinavf, Tréhot de Clermont dans Trébol
de Clermont, Le Deist de Botidoux dans Jean de Deust, etc. »
1. Voir (p. i8-2oi les loyales déclarations de M. K., lequel, par ses ancêtres, a
« pied dans les deux camps ».
2. Voir, par exemple et pour nous en tenir au tome l'"", les actes de naissance de
l'abbé Allain (p. 28), de Baco de La Chapelle (p. 41), de Baudouin de Maisonblanche
(p. 53), de i'abbé J. Binot (p. 77), de J.-J. Bodinier (p. 92), d'Etienne Chaillon
(p. 127), de Couppé de Kervennou (p. 1961, de J. de Germon des Chapelières
(p. 204), etc.
3. Ce fragment est une préface écrite au moment même de la convocation des
États-Généraux, et où est très bien décrits la situation de la Bretagne en ce moment.
4. Une de ces rectifications est amusante (I, p. 343). Le député Gérard s'occupe à
la tribune, le 11 décembre 1789, des droits de détail sur les vins et eaux-de-vie.
Le piquant, remarque M. K., c'est que les tables du Moniteur (I, 58o) ont écrit
droits de bétail, et tous les recueils biographiques, y compris celui de M. Levot,
reproduisent imperturbablement cette jolie coquille. Me permettra-t-on de dire que
cela donnait à M. K. le droit de citer le serviim pecus?
d'histoire et de littérature iSj
les hommes politiques, par les historiens, par les simples curieux qui
auront tant à profiter de ce riche ensemble d'informations nouvelles.
T. DE L.
J07. Un Chapitre de Ptionétique avec transcription d'un texte
i^ndalou, par Fredrik Wulff. Lund, C. W. K. Gleerup, 1889, 5o pages et deux
tableaux hors texte. (Extrait du Recueil offert à M. Gaston Paris le 9 août 1S89).
Cet opuscule se compose de deux parties distinctes. Dans la première,
M. F. Wulff, le phonéticien suédois déjà si avantageusement connu,
expose d'une façon provisoire le système de notation phonétique auquel
il travaille depuis de longues années en collaboration avec le D' Ivar
Lyttkens. Dans la seconde, il transcrit d'après cette méthode un texte
de trois pages, autrefois noté par lui dans le sud de l'Espagne, et il
accompagne cette transcription de remarques intéressantes.
La notation phonétique exposée ici est, dans ses traits essentiels, un
développement du système de Sweet, dont le Handbook of Phonetics a
marqué, comme on le sait, un progrès réel dans l'histoire de la science.
Il faut d'ailleurs reconnaître que, particulièrement en ce qui concerne
les voyelles, M. W. est arrivé à des résultats encore beaucoup plus nets,
ne séparant plus, comme le faisait Sw^eet, des voyelles qui ont de l'affi-
nité pour l'oreille, et laissant aussi des places libres pour la notation de
toutes les nuances intermédiaires. Théoriquement, la méthode est donc
sinon parfaite, du moins très voisine de la perfection. Reste la pratique :
et, sur ce point, il est bien difficile de ne pas faire certaines restrictions.
Tout d'abord, le nouvel alphabet proposé par M. W. ne comprend pas
moins de 61 voyelles et de ï36 consonnes : ces chiff"res, assurément,
n'ont rien d'exagéré, si l'on songe à la variété de sons et d'articulations
qu'il s'agit de noter; il n'en est pas moins vrai qu'il faut trouver 200
caractères environ pour constituer cet alphabet. M. W., préoccupé
des exigences matérielles et typographiques, n'a employé, à l'exception
de trois ou quatre caractères empruntés à l'alphabet des langues du
Nord, que des caractères romains, italiques ou grecs : mais il est forcé
naturellement de les employer tantôt debout, tantôt renversés. J'avoue,
pour ma part, que cette profusion de caractères renversés devient à la
longue une fatigue intolérable pour l'œil : puis, que de chances d'erreur
n'engendre-t-elle pas? Ainsi, dans le tableau qui est à la p. i5 (colonne
des Permutations, dernier carreau), je trouve un to qui est pour un (o.
Si, dans un tableau oii chaque caractère a sa case spéciale, dont les
épreuves ont évidemment été revues soigneusement par l'auteur, il peut
déjà se glisser une erreur, que sera-ce lorsqu'il s'agira d'imprimer de la
sorte des pages entières? Puis, alors même qu'on serait sûr de leur cor-
rection parfaite, la lecture, je le répète, en sera pénible ; il est plus
difficile qu'on ne croit d'avoir simultanément présente à l'esprit la
valeur conventionnelle de 200 caractères. Les auteurs de ce système se
l58 niiVUE CRITIQUE
sont bien euK-mémes rendu compte de cette difficulté, et ils ont essayé
d'y obvier dans une certaine mesure en indiquant dans une colonne
spéciale de leurs tableaux ce qu'ils appellent les permutations, c'est-à-
dire, pour Tusage courant, la représentation possible de plusieurs sons
voisins par un caractère unique : les voyelles se trouvent ainsi réduites
à 26, ce qui est un allégement considérable; mais il reste toujours 102
consonnes, ce qui est beaucoup. Dirai-je que dans ces simplifications
tout ne me paraît pas très heureux? Il est difficile, par exemple, d'ad-
mettre dans la série principale II la permutation de ô et de 0, c'est-à-
dire la représentation par un caractère unique des sons qu'on entend
dans les mots fr. bonne et seul. J'ajouterai enfin qu'on ne saisit pas
bien pourquoi il n'a pas été tenu compte dans les exemples donnés de
la nasalité des voyelles françaises : comment les mots gagne et bande
peuvent-ils être simultanément donnés comme représentant le son 2??
Je ne comprends pas davantage les mots im et rond donnés comme
exemples des sons 0? et ô. Il y a là quelque chose qui nécessiterait tout
au moins un supplément d'explication.
J'arrive au texte andalous, qui forme, comme je l'ai dit, la seconde
partie de cet opuscule. M. W. l'a recueilli, il y a déjà huit ou neuf ans,
dans un voyage en Espagne, et il l'a noté de façon à reproduire aussi
fidèlement que possible la prononciation usitée à Grenade. On pourrait
peut-être regretter que la publication en soit si tardive, ce genre de tra-
vaux n'étant pas de ceux qui réclament le « nonum prematur in anniim »
dont parle quelque part l'auteur. Toutefois, M, W. est un observateur
si scrupuleux et si sagace que nous avons bien des chances pour avoir
là trois pages qui fixent, dans ses nuances délicates, la phonétique
actuelle du pays de Grenade : ce travail ne peut donc qu'être accueilli
avec faveur, il vient compléter sur certains points l'étude capitale qu'a
publiée autrefois H. Schuchardt sur le parler andalous (Die Cantes
Flamencos, dans la Zeitschrift fur Rojn. Philologie, V, p. 249-322),
et cette contribution est d'autant plus utile que, si l'on en excepte le
Portugal et la Catalogne, l'étude phonétique des divers dialectes de la
péninsule Ibérique est encore bien peu avancée — on s'en aperçoit dans
la belle Grammaire des Langues Romanes que publie en ce moment
W. Meyer. Après avoir noté son texte, M. W. le fait suivre de remar-
ques intéressantes et précises sur les 18 voyelles et les 28 consonnes
dont se compose, d'après lui, la phonétique de Tandalous tel qu'on le
parle à Grenade. La plus intéressante et la plus développée de ces
remarques est celle qui concerne la dégénérescence de la sifflante dentale
dans le sud de l'Espagne. H. Schuchardt avait déjà signalé qu'en Anda-
lousie s se transformait en une pure aspiration dans des mots comme
Bios, mismo, devenant respectivement Dioh et mihmo : serrant de plus
près encore la question, M. W. n'admet cette transformation que pour
s finale, dans Dioh, par exemple, et en arrive à conclure que \'s suivie
d'une consonne devient la spirante nasale correspondant à cette cou-"
11
d'histoîrh: et dk littératurr 159
sonne, mismo devenant en réalité mimmo, où m désigne une m sourde,
et ainsi de suite. Il y a beaucoup de pénétration dans toute cette ana-
lyse et dans les exemples allégués. J'aime moins les deux pages qui
suivent, où l'auteur, entraîné par le désir d'établir un parallèle, a
effleuré l'histoire de l'amuïssement de 1'^ en ancien français. Il eût
peut-être fallu traiter d"'une façon plus complète ce point délicat, ou se
dispenser de l'aborder ici, ce qui était en somme très permis : on s'étonne
aussi en lisant la note bibliographique de la page 45, de ne pas y voir
figurer la dissertation connue de W. Koeritz, Das s consonant ini
Fran^oesischen [Strasbourg, 1886), dissertation où les divers problèmes
relatifs à cette question ont été sinon résolus, au moins posés d'une
façon précise et méthodique. Mais enfin, ces deux pages, si elles n'y
ajoutent pas grand chose, n'enlèvent rien non plus au travail de M. W.
J'en dirai autant de l'historiette qui clôt l'opuscule : l'auteur raconte
comment sa jeune fille Britta en est arrivée à prononcer par des degrés
successifs la sifflante dentale. En tous cas, ces petits détails suffiraient à
prouver — si nous ne le savions déjà — que M. Wulfî apporte beau-
coup de zèle et de conscience à ses études sur la phonétique.
E. BoURCIEZ.
CHRONIQUE
FRANCE. — Notre collaborateur M. René Gagnât vient de faÎTe paraître son
Année épigraphique pour 1889. On sait que cette publication annuelle contient les
principaux textes épigraphiques qui ont paru, dans les différentes revues françaises
et e'trangères, au cours de l'année écoulée. L a R<;vue en a signalé l'an dernier toute
l'uiilité.
ALLEMAGNE, — M. Hugo Gering qui publie la Zeitschrift fur deutsche Philolo-
gie, s'est adjoint son collègue à l'Université de Kiel, M. Oscar Erdmann, comme
co-directeur du recueil.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 14 février 18 go.
M. le Secrétaire perpétuel donne lecture d'un décret par lequel M. le président de
m-Hin^" f'"^ ? approuvé l'élection de M. R. de Lasteyrie, à la place de membre
orainaire laissée vacante par la mort de M. Pavet de Courteille
M. de Lasteyrie est introduit et prend place.
demi. n,?'7;.'^''"',''"'' '^^- '^^'°'^ française de Rome, adresse au président de l'Aca-
n:iî an n„ '^ relative a diverses nouvelles archéologiques Dans le Ghetto, on a
d^ine dÀ t^nlc' ^^^^" 'i"" portique, bases, tûis de colonnes, etc. La démolition
de pLrr^ A ^"'..entouraient le château Saint-Ange a fait uécouvrir divers engins
riP TK.^;! ^V ^'''^'^' "otamment aes boulets de pierre. M. Audollent. menibre
tienri.P h;" de retour dune campagne d'exploration en Afrique, qu'il avait en-
ont^relevÏHr'f ' ^^•"'^ M- Letaille, ue l'Ecole des hautes études : lel explorateurs
Se dlL!, '^■"^§'0" saharienne, le p an d'un camp romain, et ont recueilli une
se -ne Knf V/ n a"" ^'"'^^^ '^"?" ?"'" '^" '°'^^^^ romains sur les murs d'une ca-
iZl\ Z.?- ^^^'^°y ajoLite qu'un ancien membre de l'Ecole de Rome, M.Arthur
îuri'èmPSiifpn? '? moment des fouilles en Espagne, dans l'ancienne Bétique,
=>ur 1 emplacement présume de la ville antique de Munda.
l6o REVUE CRITIQUE D^HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
M. de Barthélémy communique des recherches chronologiques sur les monnaies
gauloises. 11 étudie successivement différents groupes : les monnaies du sud-ouest
de la Gaule; les monnaies du sud-est; les monnaies d'or: les monnaies de Mar-
seille. Pour chacun de ces groupes, il s'attache à déterminer la date la plus ancienne
à laquelle on peut en faire remonter les origines.
M. R. de Maulde lit un mémoire sur la chronique de Barthélémy de Loches, qui
fournit des renseignements précieux pour l'histoire de la fin du xv° siècle. Cette
chronique fut écrite en i52o; l'auteur avait recueilli des témoignages contemporains
qu'il est seul à reproduire et qui donnent à ses récits un grand intérêt. On ne pou-
vait soupçonner jusqu'ici la valeur de l'ouvrage, parce que l'édition qui en a été
donnée par Goaefroy, dans V Histoire de Charles VIII, est fautive et incomplète.
M. de .Maulde, en la comparant avec le manuscrit conservé à la bibliothèque du Va-
tican, a reconnu que Godefroy a, non seulement corrigé ou modilîé arbitrairement
le texte de l'auteur, mais encore supprimé un grand nombre de passages, qui sont
souvent des plus importants, notamment dans le récit de la bataille de Saint-Aubin-
du-Gormier.
M. de .Maulde se propose de donner une nouvelle édition de la chronique de Bar-
thélémy de Loches, d'après le manuscrit du Vatican.
M. Maspero lit une note de M. Robiou, intitulée : Détermination chronologique
d'une double date égypto-babylonienne.
Il y a quatorze ans, M. Robiou a publié, dans les Mémoires présentés par divers
savants à V Académie des inscriptions, une étude étendue sur le calendrier macédo-
nien des Lagides. Il a mis particulièrement en lumière une révolution qui fut opé-
rée dans ce calendrier, entre le temps des premiers Ptolémées et le ii' siècle avant
notre ère, et d'où il résulta que le premier jour du mois de dios, qui tombait en au-
tomne, fut transféré au printemps. M. Robiou signale une confirmation de ce fait,
que lui fournit une inscription grecque récemment publiée par M. Néroutsos et si-
gnalée dans la Revue des études grecques (septembre ibSg). D'après ce texte, le
!«'■ Iiyperbérétaios de la g' année d'un certain roi d'Egypte (le nom est perdu) répon-
dait au 7 pharmouthi du calendrier égyptien. 11 ne peut être question, dit M. Robiou,
que de la 9e année de Ptolémée Atilète, et l'inscription doit être datée d'avril 72
avant notre ère. Il y a d'ailleurs dans le texte une légère erreur de calcul, inais elle
est aisée à expliquer et à corriger.
M. VioUet commence la seconde lecture de son mémoire sur le régime successo-
ral appelé tanistry.
Ouvrages présentés : — par M. Gaston Paris : i° Jusserand, English wayfaring
life in themiddle âges; 2° Varia provincialia. Textes provençaux, en majeure par-
tie inédits, publiés et annotés par Camille Chabaneau; — par M. l'abbé Duchesne :
Fabre (Paul), le Polyptyque du chanoine Benoit (n» 3 des Travaux et Mémoires des
facultés de Lille] ; — par M. Maspero ; 1° Harrisse (H.;, Christophe Colomb, les
Corses et le gouvernement français; 2" Virey iPhilippe), Quelques observations
sur l'épisode d'Aristée, à propos d'un monument égyptien; — par M. Delisle : Mar-
tin ;H.;, Catalogue général des manuscrits de la bibliothèque de l'Arsenal, tome V;
— par M. Schefer : Guidi (Ignazio), Grammatica elementare délia lingua amaritia.
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 5 février 18 go.
M. Omont, membre résidant, lit une note sur un testament grec du moyen âge;
c'est le testament de l'un des dignitaires de la cour de Constantinople, le protospa-
thaire Eustathe, qui vivait au milieu du xi^ siècle.
M. Vauvillé, associé correspondant, présente une bague ancienne trouvée à Mon-
tigny-l'Engrais (Aisne).
M.vi. le commandant Maurice de Vienne et Etienne Michon sont élus associés cor-
respondants.
M. Adrien Blanchet, associé correspondant, communique la photographie d'une
afiique en argent du Musée de Copenhague.
M. l'abbé Duchesne, membre résidant, traite la question de l'époque de la fonda-
tion des évêchés en Gaule et conclut qu'à la fin du n* siècle l'église de Lyon devait
être le seul existant.
M. de Crèvecœur. associé correspondant, communique un anneau trouvé à la
Bourboule ;Puy-de-Dôme).
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Lb Puy, imprimerie Alarchessou fits, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 9 - 3 mars — 1890
Sommaire s loS. HoFFMA?iN, Le Mediceus de Virgile. — loq. Wageningen, Les
Géorgiques. — iio. Sabbadini, Etudes critiques sur l'Enéide. — m. Cicéron,
Discours, p. p. Nohl. — i [2. Courdaveaux, Comment se sont formés les dogmes.
— ii3. GoTTLOB, La fiscalité pontificale au xv« siècle. — 114. Debidour, Les
Chroniqueurs. Froissart, Commines. — ii5. De Nolhac, Veltori et Signonio. —
116. Eyssette, Histoire administrative de Beaucaire. — 117. Conférences de la
Société dart et d'histoire du diocèse de Liège, II. — 118. Papiers de Barthélémy,
p. p. Kaulek, IV. — 119. Pattison, Essais. — Chronique. — Académie des Ins-
criptions, — Société des Antiquaires de France.
108. — I. Max Hoffmann. Dev codex Mediceus pi. xxxix, n. i des Vergilius.
Berlin, VVeidmann, 1889. In-4, xx-36 pp. Prix :3 m.
109. — 2. De Vergili Georgîeis, scripsit L van Wageningen iunior. Traiecti
ad Rhenum, apud I. van Bœkhoven, 1888, 191 pp. in-8.
iio. — 3. Remigio Sabbadini, studî critîcî »ulla Eneidej interpretazioni,
question! grammaticali, composizione, cronologia. Lonigo, Gaspari, 1889,
176 pp. in-8.
I. — Le célèbre manuscrit de Virgile, conservé à la Laurentienne, n'a
pas été l'objet d'un travail sérieux, depuis qu'en 1741 Foggini Ta publié
lettre par lettre. Ribbeck n'a fait que reproduire dans son apparat criti-
que les indications de Foggini, et souvent d'une manière peu exacte :
c'est ainsi que, par une inadvertance singulière, il n'a pas tenu
compte pour les Géorgiques des additions et corrections que Foggini a
mises à la fin de son livre.
Pendant un séjour à Florence en 188 1, M. Hoffmann a longuement
examiné le manuscrit et l'a coliationné; il publie aujourd'hui une partie
des résultats de ce travail.
Il fait à nouveau, et d'une manière qui semble définitive, la descrip-
tion du précieux manuscrit dans une série de chapitres où il traite de
son aspect extérieur et de son histoire, de ses caractères paléographi-
ques, de son âge, des corrections et de la ponctuation. Le Mediceus b,
formé sans doute originairement deux volumes, dont les cahiers étaient
numérotés en deux séries différentes (I-XV, A-N) ; on sait que le pre-
mier cahier a disparu aujourd'hui. L'écriture en est bien connue,
même de ceux qui n'ont jamais mis le pied à la Laurentienne, par de
nombreux fac-similés : M. H. n'aurait pas dû citer seulement la planche
de Zangemeister et Wattenbach et mentionner aussi les belles repro-
ductions de la P al aeo graphie al Society et de la Paléographie des
classiques latins de M. Châtelain '. M. H. donne une liste étendue des
I. Pal. Soc, pi. 86 (tome 1); Châtelain, pi. LXVI. Ce dernier fac-similé paraît
un peu réduit.
Nouvelle série, XXIX. 9
l6i REVUE CKITIQUK
sigles et des ligatures. Suivant lui, deux copistes au moins se sont par-
tagé la besogne; le premier a transcrit la première moitié (quaternions
U-XV = Ed., VI, 48 — JEn. V, fin.) et le dernier cinquième environ
(dernier feuillet du quaternion H à la fin -=1 yEn. X, 322-XII, fin,);
les quaternions A-D (= jEn. VI, i-VIII, 117) sont certainement
d'une autre main; il est enfin probable qu'un troisième personnage est
le copiste du reste (quaternions E-H, i" 7'-" ). M. H. n'a pas mis moins
de soin à distinguer les conecieurs; en éliminant les surcharges d'épo-
que tardive, il croit pouvoir en compter neuf différents. L'histoire du
manuscrit est la partie la plus faible de sa dissertation : il est loin de
donner une liste complète et suivie des possesseurs connus et commet
encore l'erreur d'y comprendre le cardinal de Garpi. Les travaux les
plus récents sur ces questions semblent lui avoir échappé ^ Sur l'âge
du ms., M. H. est loin d'être afïirmatif : il ne s'explique pas bien clai-
rement et paraît osciller entre le i'^^' siècle et le commencement du
moyen âge. On ne saurait être plus prudent. Autant qu'on peut en juger
par des photographies, le ms. ne me semble pourtant pas antérieur au
commencement du v siècle. Quant à l'écriture des scolies, que Zange-
meister et Wattenbach rapportent à l'an 600 environ, M. H. la croit
encore plus moderne.
La deuxième partie du travail de M. H. est la liste complète des
variantes de M pour les Églogues, les Géorgiques et les livres I et VI
de l'Enéide. Il a entièrement séparé les variantes du texte des correc-
tions et a eu pleinement raison. Les corrections d'un même manuscrit
ne peuvent avoir de valeur pour la critique que groupées ensemble : on
doit les traiter comme si c'étaient les variantes d'un autre manuscrit.
C'est d'après ce principe que M. H. sépare ces corrections suivant les
différentes mains qu'il a cru reconnaître. On ne saurait trop inviter
l'auteur à publier le reste de sa collation dans la même forme que le
présent fascicule.
L'impression est d'une exécution irréprochable. Pour indiquer les
leçons du ms., l'imprimerie Breitkopf et Hârtel a emprunté à l'Académie
de Berlin une partie des caractères qui ont servi à l'impression du Gains
de Studemund et en a fait fondre d'autres pour se rapprocher davantage
de l'écriture du ms.
2. — La brochure de M. van Wageningen iunîor comprend trois
chapitres : date de la composition des Géorgiques, critique de passages
isolés, sources des Géorgiques. Voici ses principales conclusions : Virgile
se serait préparé à écrire son ouvrage en 721/33 et 722/32, il l'aurait^
écrit dans les trois années suivantes, et ce serait à la fin de cette période|
en tout cas avant le mois de janvier 727/27, qu'il l'aurait lu à Octave,J
en train de soigner sa gorge à la campagne, après le triple triomphe d^
725/29; enfin en 727/27, le poète aurait revu son œuvre et changé Idj
I. On peut consulter P. de Nolhac, la Bibliothèque de Fulvio Orsini, pp. 272-273
ou la notice de la planche LXVI de M. Châtelain.
d'histoire et de littérature i63
passage relatif à Gallus. Dans ce système, la publication doit se placer
au commencement de l'année 728/26. Ces dates sont établies sur les
données de la vie du poète et sur les allusions historiques de son ou-
vrage. Peut-être ce dernier genre de considérations conduit-il M. van W.
iunior à solliciter les textes un peu vivement ; je mentionnerai les rai-
sonnements qu'il bâtit sur les premiers vers des Géorgiques (I 24 et ss. ;
p. 14). Mais en général la démonstration est claire et assez plausible.
M. van W. iiinior croit que Varron est la principale source du poème
de Virgile. Il combat donc à la fois la théorie de Morsch, qui fait de
Nicandre le guide habituel de l'écrivain latin et celle de Korche, qui
énumère les auteurs les plus variés, depuis Hésiode jusqu'à Aristote
et Théophraste sans donner la préférence à aucun. Je crois M. van W.
- iunior dans le vrai, pour des raisons générales qu'il n'a pas données. On
se figure difficilement Virgile, quelque passion de savoir qu'on lui
suppose, les yeux fixés continuellement sur toute une bibliothèque et
tirant des livres les plus divers une marqueterie destinée à faire le tond
de son travail. C'est bien plus le fait d'un érudit comme Varron, « le
plus savant des Romains » . Le livre de Varron avait de plus pour Virgile
tout l'attrait d'un livre nouveau ^ Enfin, à chaque époque, il existe un cou-
rant d'idées commun sur les choses de science et de métier, auquel cor-
respond un ensemble de formes de langage communes à tout le monde.
Des auteurs qui ont écrit séparément peuvent ainsi employer la même
terminologie sans qu'on puisse conclure à des emprunts, Virgile a dû
en bien des cas n'être que l'écho de la tradition scientifique de l'anti-
quité et par suite être amené à employer les mêmes formules que ses
devanciers sans les avoir lus. Je croirais donc que le fond des Géorgiques
est dû à Varron, pour les points où l'expérience de Virgile avait besoin
d'être complétée. Cela n'exclut pas le recours à un auteur spécial le cas
échéant, par exemple à Aratus pour la fin du premier livre. Quant aux
ornements et aux détails de style, les poètes grecs dont la mémoire de
Virgile était pleine les lui fournissaient abondamment.
Je ne dirai rien du deuxième chapitre contenant les interprétations
nouvelles et les conjectures. C'est un recueil de petites discussions de
détail, écrites un peu longuement, comme le reste, et dans lesquelles
tout n'est pas neuf.
3. — Le même reproche peut être adressé à la première partie de la
brochure de M. Sabbadini. Je noterai seulement les observations relati-
ves à II, 48 : aliquis = alius quis ; IV, Sji (interrogations); V, 97 :
tot= totidem; VI, SSg (ablatif); IX, 140 (ordre des mots); IX, 418
(coordination pour subordination); XI, i53 : lit déclaratif; — et les
corrections : IV, 256, 258, 257 (transposition et suppression de ad, v.
257); IV, 485 : ut pour et; VIII, 346 : testatumqiie ; X, 280 : iiirist.
Les observations grammaticales portent sur sedenim, arma dei Volca-
nia, primus, ultra, deinde et le datif « dynamique ». Les qualités que
I. Cf. L. Havet, Véloge de l'Italie, Rev. de phil., VIII, p. J44.
164 REVUE CRITIQUE
j\ii signalées dans le commentateur du de qfîciisse retrouvent ici.
Les deux dernières parties sont d'un intérêt plus général et se com-
plètent l'une par Pautre. Dans l'une, M. S., en étudiant la composition
l'Enéide dans ses menus détails, détermine la chronologie relative des
chants et des morceaux importants. Dans l'autre, en se fondant sur les
données historiques contenues dans le poème et les rapports de cette
œuvre avec celles de Properce, Tibulle, Horace et Tite-Live, il établit
ce qu'on pourrait appeler la chronologie absolue de PEnéide. Il résulte
clairement de ce travail que les vues de Ribbeck sur le II I« livre ne sont
plus défendables. Bien loin d'avoir été composé l'un des premiers, il a
été écrit le dernier, d'un seul jet, après que tous les autres étaient ébau-
chés. Les livres ébauchés le plus tôt furent les livres I, II, IV, VI,
VIII, IX (avant 26) et tout le reste n'est pas postérieur, en première
rédaction, à 24. Des onze années assignées par les anciens à l'Enéide
six seulement avaient été consacrées à la composition, les cinq autres à
la révision. Cette révision était loin d'être également avancée. Le
groupe VIII-XI est celui qui demanderait encore le plus de retouches.
Il résulte de là une conclusion intéressante sur la façon de travailler du
poète : il était lent, non à composer, mais à se corrriger.
Ces résultats sont fondés sur une infinité de discussions minutieuses
dans lesquelles je ne pourrais entrer sans dépasser les limites d'un
compte-rendu. Je remarquerai seulement combien je suis étonné de
voir M. Sabbadini défendre l'authenticité des vers : Ille ego qui
qiiojîdam, etc. Ils me paraissent l'œuvre d'un grammairien assez mala-
droit et assez peu maître de sa langue. Il faudrait ajouter à la liste des
chants dont l'ébauche est la plus imparfaite dans l'état actuel, le
VP chant. C'est ce qu'on verra clairement, si M. Louis Havet se décide
à publier les résultats de son cours au collège de France en 1886-1887.
Paul Lejay,
1 1 1 . — Bibliotbeca script. Gi-aec. et Rom. éd. cur. Car. Scbenkl.
M. Xulli Ciceronis Orat. selectae schol. in usum éd. H. Nohl. Vol. IV. Pro
L. Murena. Pro P. Sulla. Pro A. Licinio Archia orationes. Vienne et Prague :
F. Tempsky, Leipzig: G. Freytag. Grand in-12, 1889. Ed. major. Praef. v-xii.
Add. Gorrig. xiu-xtv. Argum. xiv-xvi. Texte 1-106, notes critiques au bas des
pages, i-iob p., 80 pf. Ed. minor. i 5o pf.
J'ai eu déjà occasion de parler d'un des Cicéron de M. Nohl dans la
collection de M, Schenkl '. Remarquons dans ce nouveau volume
l'heureux changement apporté à la disposition extérieure; le texte est
moins dense; les marges plus grandes; les notes plus espacées; les ca- ||
ractères ont plus de corps ; pour la clarté, pour le plaisir et le repos des fj
yeux il y a tout avantage. — Pour ce qui regarde notre volume, les édi- ij
leurs ne se sont décidé qu'au dernier moment à doubler le travail princi- fj
I. Voir dans cette Revue le t. XXVI, p. 49.
d'histoire et de littérature i65
pal d'une édition purement classique; de là dans la préparation quelque
flottement; après avoir retranché certaines leçons [Prœf. p. ix et suiv.),
M. Nohl a dû en reprendre quelques-unes qu'il adonnées à Y Addenda.
Ici comme dans les volumes précédents, le texte repose sur un clas-
sement nouveau et métliodique des mss. L'avantage sera apprécié surtout
de ceux qui ont lu le Pro Murena dans l'édition de Zumpt. Quelqu'utiles
que soient les recensions de C. W. Miiller, le progrès est ici considéra-
ble, et il saute aux yeux. Je ne puis entrer ici dans le détail, ni citer,
même à titre d'exemple, quelques-unes des conjectures rares et judi-
cieuses de M. N. ; qu'il me suffise de remarquer d'une manière générale
qu'on retrouvera ici les qualités que tout le monde a louées dans
les ouvrages précédents de M. Nohl : sa mesure en toute chose, sa pru-
dence, et avant tout sa netteté de décision et la clarté de son exposition,
dans les préfaces comme dans l'apparat critique. — J'avoue trouver très
commode et très discret Tusage des italiques. Grâce à elles on peut sui-
vre le discours sans se reporter sans cesse aux variantes et l'on est as-
suré cependant de ne rien omettre de nécessaire. Peut-être M. N. ferait-
il bien d'avertir au commencement de chacun de ses volumes du sens
qu'il donne à certains signes typographiques : par exemple aux astéris-
ques qui, dans son texte, indiquent non pas une altération, mais la
suppression d'un mot des mss. Quel est le sens ailleurs d'une série de
points? P. 4, 27 on ne comprend pas bien quelle était exactement la
leçon de Lag. 9.
Dans le Pro Sulla., M. N. croit avec Mûller que Halm a trop donné
d'importance au Tegernseensis'.— L'apparat critique du Pro Archia est
très clair et contient tout l'essentiel. Comme trait caractéristique de la
critique de ce discours, remarquons que pour M. Nohl, l'accord des de^
teriores avec V Erfurtensis peut prévaloir contre le témoignage du ms.
principal le Gemblacensis.
Em. Thomas.
112. — Comment se sont fci-niés les dogmes? Conférences sur l'histoire de
l'Eglise faites dans les loges de France et de Belgique, par V. Gourdaveaux. Paris,
Fischbacher, 1889; in- 12, xiv et 482 pages.
Quand nous avons — ce qui, si nous avons bonne mémoire, nous
est arrivé plus d'une fois en cette même place — exprimé le regret de
voir M. Gourdaveaux mêler des préoccupations polémiques à l'exposé
des questions de l'histoire religieuse, ce n'est pas que nous soyons assez
naïf pour croire que le moment viendra où les querelles entre théolo-
giens et philosophes seront absorbées dans le besoin supérieur de tirer
au clair les faits et les idées et disparaîtront, pour ainsi dire, dans une
suprême synthèse. Non, il faut de la polémique, comme il faut de
I. Voici la règle suivie par M. N. pour ce discours : « eclectica ratione in his !i-
bris adhibendis opus est, in qua sibimet ipsi satis facere difficile est nedum aliis. »
i
166 REVUE CRITIQUE
l'apologétique; seulement, nous les voudrions voir reléguées à Textrême
gauche et à l'extrême droite et n''intervenir que discrètement — nous
laisser même parfois caresser la douce illusion qu'elles ont cessé d'in-
tervenir — dans les problèmes que soulève soit l'origine de la Bible, soit
rélaboration du dogme. Cela, M. C. ne nous le permettra point. Du
plus loin qu'il nous voit, il embouche la trompette guerrière et déploie
son drapeau, et. sur ce drapeau, nous lisons : « Le libéralisme est un
dans tous les pays, car partout il est la résistance de l'esprit d'examen
à la domination d'une Eglise, quelle qu'elle soit d'ailleurs, qui a la
prétention d'asservir les âmes à des dogmes indémontrables, et les corps
à l'organisation sociale qui dérive de ces dogmes. »
Mais, puisque polémique il y a, nous voudrions qu'elle prît partout
et toujours pour modèle les œuvres de M. Courdaveaux, c'est-à-dire -
qu'elle se présentât avec le cortège d'informations exactes, de citations
précises, avec les mérites de discussion claire et vivement menée, que
nous ne relevons pas aujourd'hui pour la première fois.
Nous exprimerons aussi notre satisfaction de voir que des loges -a
maçonniques, au lieu de se borner à de brutales négations, ou de s'en
tenir à un dédain qui est pire encore, ont pris plaisir à provoquer et à
entendre une discussion solide et approfondie sur des matières difficiles
et peu connues.
Nous avouons ne pas nous rendre très bien compte du titre et du
sous-titre adoptés par l'auteur ; ils nous semblent de nature à donner
une fausse idée de l'œuvre : le premier, en annonçant une revue des
principaux dogmes et de leur formation; le second, en faisant pressentir
un aperçu des grands faits de l'histoire de l'Eglise. Mais, un coup
d'œil jeté sur la table des matières et sur la préface mettra bientôt le
lecteur au clair. Ce sont, en réalité, des études séparées, mais qui se rat-
tachent toutes à une préoccupation commune : ruiner les prétentions de
l'Église à rinfaillibilité doctrinale.
Les principaux morceaux sont consacrés à Thistoire de la Bible, aux
prophètes de l'Ancien Testament, au péché originel et au dogme de la
Trinité.
Nous sommes bien souvent d'accord avec l'auteur sur les faits eux-
mêmes, mais nous nous entendrions moins aisément sur l'interprétation
qu'il en donne et sur les conséquences qu'il en tire. Comme nous le
disions tout à l'heure : puisqu'il faut de la polémique, qu'on en fasse
toujours avec la sincérité et la science de M. Courdaveaux !
M. Veunes.
I
Il3. — Adolf GOTTLOB, A^us dei» Caméra apostolica ties 1^ Jalirhun-
derts. Ein Beitrag zur Geschichie des paepstlichen Finanzwesens und des eiicien-
deii Mittelahers. i vol.in-b", 3 17 pages. Innsbruck, Wagner, 1S89.
Si l'on veut savoir quelles étaient avant la Réforme les exigences d
la fiscalité pontificale, dit avec beaucoup de raison M. Gottlob, il y a un
il
11
il
dViISTOIRE et DR LITTÉRATURE 167
moyen bien simple : gardons-nous avec prudence de toute déclamation,
et ouvrons les registres de comptabilité qui se trouvent aux archives du
Vatican et à celles du royaume d'Italie; après les avoir consultés, nous
ne dirons plus que le pape percevait des sommes immenses et épuisait la
chrétienté, mais bien que de tel chef il touchait par année tant de florins
ou de ducats; nous remplacerons ainsi des données vagues par des chif-
fres précis. Le raisonnement est fort juste et, pour encore mieux nous
convaincre, M, G. nous énumère quels livres de comptes des papes
nous ont été conservés, depuis le pontificat de Martin V, à la fin du
grand schisme, jusqu'à celui de Jules II inclusivement (ii novembre
141 7-21 février i5i3). Ce sont environ i5o volumes de introitus et
exitiis où sont notées toutes les sommes entrées au jour le jour dans les
caisses du souverain pontife avec l'indication de toutes les dépenses; des
libri mandatorum ou bulletarum où sont inscrits les mandats de paie-
ment adressés, au nom du pape, par le camerarhis au thesaurarius; des
libri sanctae criiciatae où l'on a relevé la part que touchait le saint
père dans la dime de la croisade; des libri annatorum où sont consi-
gnées, chaque an, les redevances que payaient au saint siège ceux qui
entraient en possession d'un bénéfice ecclésiastique. Tous ces livres
constituent des documents de premier ordre; ils sont une véritable
mine pour l'érudit que ne rebutent point les chiffres arides et qui sait
tirer de tous ces nombres de curieuses conclusions pour l'histoire géné-
rale. Après avoir dressé la liste de ces registres, M. G. nous montre, dans
un second chapitre, la constitution de la caméra apostolica ; il nous in-
dique les attributions des fonctionnaires qui y étaient employés ; il nous
donne les règles de comptabilité qu^ils devaient suivre et il nous ap-
prend comment le contrôle s'exerçait sur eux. C'est la meilleure partie de
Touvrage, celle où Ton trouve le plus de faits nouveaux. Le troisième
chapitre a trompé notre attente. Nous pensions que Fauteur nous ferait
connaître tous les revenus que touchait au xv° siècle le souverain pon-
tife; sans doute il nous livre quelques détails intéressants sur l'adminis-
tration financière de l'état romain, sur les inféodationsdans le territoire
de Saint-Pierre, sur les impôts indirects comme les droits de douane,
la gabelle, la mine d'alun deToIfa; mais nous aurions surtout désiré sa-
voir à quels moments on a perçu des dimes pour la croisade et à com-
bien de ducats elles se sont élevées à chaque fois, et aussi quelles som-
mes sortaient chaque année des différents royaumes, France, Allemagne,
Angleterre, etc., pour grossir, sous prétexte d'annates, de grâces expec-
tatives, de denier de saint Pierre, etc., les coffres de la papauté. Ici
M. G, s'est dérobé; au lieu de nous fournir des chiffres, il nous
décrit les résistances que les États opposèrent à la fiscalité pontificale et
encore commet-il une grave erreur, en soutenant, malgré les nombreux
travaux publiés en France, l'authenticité de la pragmatique de saint
Louis (p. 199). Il nous avoue du reste qu'il n'a parcouru que rapide-
ment, faute de temps, les registres dont il a si bien montré Tintérêt his-
l68 RKVUE CRiTIQUB
torique. Un nouveau voyage à Rome lui eût permis de compléter ses
notes et de faire, au lieu d'une esquisse, un véritable tableau des reve-
nus de la caméra apostoltca ; \\ est vraiment dommage qu'il ne l'ait
pas entrepris.
Ch. Pfister.
114. — Classiques s>opuIaii-es édités par H. Lecène et H. Oudin. Les Chroni-
queurs, deuxième série. Froissart, Commines, par Debidour, doyen de la Faculté
des Lettres de Nancy. Paris, in-8, 1890, 2 36 p. Prix ; i fr. 5o.
Ces éditions populaires des classiques du vieux et du moyen français
auront-elles quelque succès? Je le souhaite, mais je n'y crois guère. Les
romans épicés qui paraissent quotidiennement dans les journaux à
cinq centimes ont pour la multitude des attraits irrésistibles, et l'en-
seignement positif qu'on donne dans les écoles primaires n'est guère
propre à susciter des admirateurs à Villehardouin, à Joinville, à Frois- ^|
sart, ou à ces vieux trouvères qui chantaient la gloire de Gharlemagne
« à la barbe florie », et les exploits de ses douze pairs. La vieille France j^
et ses historiens ne sont plus guère en faveur; en aime-t-on davantage
la France moderne? J'ai lu à 1 âge de onze ou douze ans le Roman de
Fierabras imprimé à Épinal sur du mauvais papier buvard, avec quel
intérêt passionné, je m'en souviendrai toujours. Le duel héroïque, inter-
minable, d'Olivier et du Sarrasin, m'arrachait des larmes, et j'avais
pour leur bravoure chevaleresque une égale admiration. Quelles bonnes
journées m'a fait passer la merveilleuse histoire des quatre fils Aymon,
l'enchanteur Maugis, le fameux cheval Bayard, le vieux Bueves d'Ai-
gremont qui ne voulait pas prêter l'oreille aux conseils pacifiques de laJ
duchesse, sa femme, qui la renvoyait brutalement dans sa chambre avec
ses pucelles, sous prétexte que son mestier, à lui, était de frapper de
l'espée, et Renaud assommant d'un coup d'échiquier Bertolais, lequel
furieux de perdre au jeu, l'avait appelé traître et renégat! Ah ! les beaux
contes et les merveilleux récits! Quelle idée saisissante ils me laissaient
de ce fier moyen âge, de ces rudes guerriers vêtus de fer qui ne faisaient
pas plus de cas de leur vie que de celle d'autrui! J'oubliais leur vio-
lence, leurs emportements sauvages, pour ne plus voir en eux que des
héros fidèles à l'amitié jusqu'à la mort, esclaves de leur serment, et qui
réparaient dans le sang les affronts faits à leur honneur. Il me semble que
si l'on m'avait mis alors dans les mains une traduction des Chroniques
de Froissart, j'y aurais pris aussi un plaisir extrême, car elles ne sont pas
autre chose qu'une sorte d'épopée homérique, où les mœurs violentes,
les passions, les vertus et les vices du moyen âge sont exprimés avec un
relief puissant, ou si l'on aime mieux « peints sur place avec de simples,
mais fortes couleurs. » L'âme du peuple est comme celle de l'enfant :
elle aime les beaux récits, les longues descriptions, les tableaux de sièges
et de batailles, en un mot, l'histoire racontée comme une légende, et se
çoucie fort peu de la critique. C'est ce que M. Debidour semble n'avoir
d'histoire et de littérature 169
pas compris : son livre n'est pas et ne peut pas être un livre populaire,
parce que la critique y tient une trop grande place. On croirait volon-
tiers qu'il a été fait pour des aspirants au baccalauréat, plutôt que pour
de braves gens qui n'ont reçu qu'une instruction médiocre. Au lieu
d'un chapitre où il est traité oc des chroniqueurs intermédiaires entre
Joinville et Froissart », ne valait-il pas mieux donner la description
tout entière de la bataille de Poitiers, avec le texte très légèrement ra-
jeuni? Ce n'est pas assez de citer çà et là vingt lignes, trente lignes du
chroniqueur : il ne fallait pas craindre de donner de longs extraits. L'é-
pisode du siège de Calais, l'amour du roi Edouard pour la comtesse de
• Salisbury,le voyage de Froissart à Orthez, à la cour de Gaston Phœbus,
étaient, entre bien d'autres, des morceaux faciles à détacher de l'ensem-
ble. Un autre chapitre intitulé t Chroniqueurs intermédiaires entre
Froissart et Commines », ne me paraît pas moins superflu que celui
qui ouvre le volume. Il n'y a que ceux qui ont fait leurs humanités, et
parmi ceux-là les esprits curieu\', qui pourraient s'intéresser a la Chro-
nique du bon duc Loys de Bourbon, à Jean Chartier, au Journal d'un
bourgeois de Paris, à Monstrelet, à Chastellain, à Jean Molinet. Tous
ces historiens ou chroniqueurs sont morts et bien morts pour le peuple.
Il se souvient peut-être encore de Commynes, parce qu'il a été l'histo-
rien d'un roi qui a laissé après lui comme une trace légendaire; le meil-
leur moyen de le faire connaître était de citer de longs passages tirés de
son histoire, sans les accompagner d'aucun commentaire. Une chose
encore bien inutile a été de donner le texte même des morceaux extraits
de Froissart et de Commynes, et de les faire suivre d'une traduction.
Cette dernière seule suffisait; il y a d'ailleurs dans Commynes des pages
entières où la langue est aussi facile à comprendre que celle du xvii« siè-
cle.
Comme ouvrage populaire, ce livre, à mon avis, est tout à fait man-
qué. S'il eût été destiné, je le répète, à des lettrés ou à des demi-lettrés,
il ne serait pas sans intérêt, ni sans utilité. Quelques erreurs et affirma-
tions hasardées mériteraient pourtant d'être relevées : Henri IV (p. i3o)
n'a jamais dit que « Plutarque lui souriait toujours d'une fraîche nou-
veauté )), et il y a longtemps déjà que M. Debidour devrait savoir que
ce passage est extrait d'une lettre fabriquée par un faussaire. L'édition
de Monstrelet par MM. Beaune et d'Arbeaumont (p. no, en note), est
qualifiée d'excellente : ce n'est pas l'opinion des connaisseurs, et parti-
culièrement de M. Henri Stein. Dans le chapitre sur « la Vie de Com-
mines », il eût été bon de renvoyer à un opuscule intéressant de
M. Fierville, publié en 1881, chez Champion, et intitulé : a Docu-
ments inédits sur Philippe de Commynes»; on y trouve de très curieux
détails biographiques sur l'historien de Louis XI.
A. Delboulle.
jyO REVUE CRITIQUE
ii5. — P. de NoLHAC. Piei'o vettorî et C«i'lo stgonîo. Correspondance aTCC
t'ulvio Orsini. Rome, imp. Vat, 1889, in-4 de 66 p.
On analysait récemment ici-même Touvrage que M. de Nolhac a con-
sacré à l'étude de la Bibliothèque de Fulvio Orsini (1889, 11° 46). Irir-
dépendammentdes renseignements bibliographiques qui le remplissent,
ce livre contient deux ou trois chapitres intéressant l'histoire littéraire
de ritalie au xvi^ siècle. Ce sont \ts preuves de ces chapitres qu'on trou-
vera dans la nouvelle publication de Fauteur, parue d'abord dans les
Studi c documenti di storia e diritto. Les trois noms ici groupés, dit-
il, c sont peut-être les plus dignes de mémoire du groupe italien de leur
temps. On chercherait difficilement en Italie, au moment où ils vécu-
rent, surtout après la mort de Panvinio et de Paul Manuce; un philolo-
gue comme Vettori, un historien comme Sigonio, un archéologue!
comme Orsini. » La correspondance entre Vettori et Orsini ici publiée
va de i566 à i582 et compte 48 numéros; on y trouvera des détails sur
les découvertes du temps, fouilles et manuscrits, sur les travaux des
deux savants et notamment la préparation de la célèbre édition de FeS"
tus donnée par Orsini. L'éditeur n'a pas trouvé de lettres d'Orsini à Si-
gonio; celles de ce dernier, au nombre de vingt-sept, vont de i563 àl
i583,- il parle, dans les dernières, de la Consolatio qu'il avait fabriquée
et mise en circulation sous le nom de Cicéron, par une supercherie'
indigne de lui et de tout le reste de sa carrière.
L.
116. — Histoire administrative de Beaueaire depuis le XIII« siècle jusqu'à i
la Révolution de 1789, ouvrage composé presque en entier sur des documents i
inédits, par Alexandre Eyssette. Beaueaire, Elisée Aubanel, 1889, 2 vol. 476, (
5 16 et Lxxi pp.
Les monographies d'histoire locale touchent toujours par un point )i
quelconque à l'histoire générale ; à ce titre, elles méritent qu'on leur 11
accorde quelque attention, mais elles offrent un intérêt tout particulier i
quand elles ont pour objet une ville d'un passé long et célèbre, pour i
auteur un homme compétent et amoureux de son sujet; c'est le cas de i
la monographie dont il est ici question. Beaueaire, dont le nom ancien :
Ugernum^ est déjà mentionné au 1" siècle de notre ère, a été, pendant i
tout le moyen âge, un des marchés les plus fréquentés de l'Europe; t
l'auteur de son histoire, M. Alexandre Eyssette, est un de ces hommes \i
qui consacrent à leur petite patrie tous leurs loisirs et toutes leur force» :
disponibles. En 1837, M. A. E. débutait par une étude sur Y Antique
Ugernum, en 1867 il publiait un fragment considérable de l'histoire
de Beaueaire et qu'il fût maire, conseiller général de sa ville natale, oqj
qu'il rendît la justice à Pondichéry — il a été en effet conseiller à h
cour d'appel de l'Inde et a publié un ouvrage sur le droit hindou — il
continuait à accumuler les documents sur Beaueaire, si bien qu'à s»|
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE I7I
mort, en 1886, il laissait en partie imprime'e, en partie manuscrite jet
inachevée son histoire administrative de Beaucaire. C'est cette œuvre
que, avec un soin pieux, son neveu M. Gaston Eyssette, professeur au
Lycée du Puy, a terminée et qu'il fait paraître aujourd'hui.
Cette œuvre, d'une étendue considérable, est divisée en sept livres
répartis en deux volumes. Ces sept livres sont précédés d'un avant-
propos historique résumant Thistoire de Beaucaire jusqu'en i63i et
suivis d'un Appendice contenant des notes et des pièces justificatives.
Le livre 1" traite du consulat et de Tadministration générale de la
commune. Sous les comtes de Toulouse, Beaucaire a six consuls qui
délibèrent avec l'assistance d'un conseil; mais on ne sait rien du sys-
tème électoral ni de l'administration supérieure à cette époque. Après
la soumission de Beaucaire à Louis VIII tous les pouvoirs sont concen-
trés dans les miains des officiers de la couronne; des syndics, élus en
présence du sénéchal, remplacent les consuls. En i334, les nobles se
séparent des bourgeois et la scission dure jusqu'en 1465 ; Louis XI ré-
tablit le consulat. Le chapitre sur la constitution consulaire contient
des détails très curieux; des tableaux bien drtssés permettent de com-
prendre le mode d'élection assez compliqué des quatre consuls et du
conseil de ville. Le livre II fait connaître l'ancien personnel adminis-
tratif; on y voit défiler le capitaine de la ville, les défenseurs des pâtu-
rages, les lévadiers et les robiniers, fonctionnaires à qui le Rhône lais-
sait peu de loisirs, les voyers, les estimateurs-jurés, les gardes fruits, les
inspecteurs des halles, les mesureurs, les inspecteurs des andrones, les
auditeurs des comptes, le clavaire, l'archiviste, le notaire de la com-
mune, les juges conservateurs. Le livre III a pour objet les anciens
privilèges de Beaucaire et de ses corporations; le livre IV traite de la
topographie. Dans le V% intitulé Mélanges de statistique et de bio^
graphie, sont réunies des notices sur la peste, les inondations et sur
diverses notabilités beaucairoises. Le Vl° livre donne des listes chro-
nologiques des consuls, syndics, viguiers, etc.; le Vile est rempli par
les chartes et les pièces justificatives.
Cette analyse suffit à donner une idée de l'intérêt que présente cet
ouvrage; ce qu'elle ne dit pas, et ce qu'il faut ajouter, c'est que pour
une bonne part les renseignements réunis par M. E. sont inédits; ils
ont été pris dans les archives municipales de Beaucaire ou dans les
archives particulières des familles de Roys, de Porcelet, du Puy, de
Clausonnette. Quelques-uns de ces documents ne laissent pas que d'avoir
une saveur toute locale; je signale aux gens curieux le règlement de
police édicté par P. Scatisse en iSyS et tout spécialement les articles
relatifs aux marchands de vins pour les empêcher — déjà! — de mouil-
ler leur marchandise, et aux courtisanes de se promener sans un signe
au bras gauche « sub pœna perditionis raiipœ superioris, sous peine de
la perte de leur robe de dessus. » Les matériaux intéressants et nom-
breux réunis par M. A. E. ont été mis en œuvre avec art et sont pré-
172 REVUE CRITIQUE
sentes sous une forme agréable. En publiant le travail de son oncle
M. G. Eyssette n'a donc pas seulement bien mérité des Beaucairois,
comme il le souhaite modestement, il a rendu service à tous ceux qui
s'intéressent aux études historiques ^.
Z.
117. — Conférenees de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège.
Deuxième série. Liège, Demarteau, 1889. In-8, xxvi et 045 p.
Ce volume comprend six conférences : I. Le bilan de la Révolution
française, par M. G. Kurth ; II. La fin de la nationalité liégeoise, par
M. Am. de Ryckel ; III. La Révolution française à Liège et les beaux-
arts, par M. J. Helbig; IV. Destruction de la cathédrale de Saint-
Lambert par la révolution liégeoise, par M. G. Francotte; V. Un type
de révolutionnaire liégeois, N. Bassenge, par M. F. Gonne ; NI. La
Révolution française à Liège et les classes populaires, par M. J.
Demarteau. Les premiers et les derniers mots de l'étude de M. Kurth
suffisent à marquer l'esprit du volume : « La Révolution a fait ban-
queroute ; elle n'a point payé ses dettes au genre humain; elle a man-
qué à tous ses engagements ; elle avait tout promis et n'a rien donné
(p. iii-iv). Nous rappellerons ses exploits dans le pays de Liège; nous la
montrerons détruisant, avec une nationalité dix fois séculaire, les ins-
titutions les plus libres du monde; nous mettrons sous les yeux des
Liégeois les ruines qu'elle a accumulées dans le domaine de l'art, de la
charité, de l'enseignement; nous ferons connaître les personnages répu-
gnants qui ont été ses instruments et ses complices (p. xxvi). » Nous
voilà prévenus. Aussi lirons-nous dans l'essai de M. de Ryckel qu'il
n'existait pas de griefs sérieux contre le gouvernement du prince-évêque
de Liège, et nous n'y lirons pas les représailles exercées par le prince de
Méan. M. Helbig nous dira que l'Exposition a célébré une faillite
déclarée au tribunal de l'histoire, et que la tour Eiffel a commencé par
la confusion des idées, comme la tour de Babel a fini par la confusion
des langues (p. 70). En racontant la destruction de Saint-Lambert,
M. Francotte s'écriera qu'il ne faut ni oublier ni pardonner ce grand
crime des révolutionnaires de Liège (p. iio). M. Gonne fera de Bas-
senge un homme qui a le « délire de la haine » et qui pousse des « rugis-
sements dignes d'Hébert ou de Marat » (p. i3i). M. Demarteau accusera
la Révolution d'avoir retardé d'un siècle l'instruction du peuple lié-
geois, d'avoir violé ou supprimé toutes les libertés populaires, renversé
I. Je ne veux pas dire que ce livre soit absolument sans reproche : la composi-
tion est un peu lâche; il eût mieux valu fondre dans un seul appendice, les chapi-
tres VI, VII, et l'appendice proprement dit; — le chapitre sur la topographie eut gagaé
à être éclairé par une carte; — le lieu d'origine de Peire Cardinal aurait dû être élu-
cidé par l'auteur; — l'errata aurait dû être complété, il y faudrait par exemple ajou-
ter brebris, I, p. 184, apercevant, I, p. 4o5 et le vers si mal coupé, I, p. 407, etc.
d'hjstoirb et dk littérature 173
les institutions protectrices de l'ouvrier, restreint son travail, abaissé son
salaire, etc. (p. 147J. Cela dit, — et tout en reconnaissant la justesse de
plusieurs de leurs appréciations, —nous louerons volontiers le soin que les
auteurs du volume ont mis à leurs conférences et leur ardeur à chercher
et à trouver des documents historiques; ils ont, comme dit M. Helbig,
emprunté la méthode de M. Janssen pour mettre en lumière les événe-
ments de la révolution liégeoise (p. 36), et les pièces qu'ils ont tirées des
archives seront utilement consultées par d'autres. M. de Ryckel repro-
duit une relation du temps sur le meurtre de trois prêtres français, et le
récit du docteur Bovy sur le bombardement de Liège en 1794 (pp. 20-
25). M. Helbig cite le rapport officiel du pillage du palais des princes-
évéques, énumère les églises détruites dans la ville, les tableaux envoyés
à Paris et donne in extenso, d'après les archives municipales de Lille,
la liste des pièces d'argenterie emmenées par Waleff après la prise
de Liège (pp. 42-43,49-50-52-60). M. Francotte reproduit le rapport de
Defrance, le chef de la « commission destructive de la cathédrale », et
raconte avec le plus grand détail la démolition de Saint- Lambert.
M. Gonne retrace d'intéressantes particularités, inédites pour la plupart,
de l'existence de Bassenge, et, si M. Demarteau accuse aussi vigoureu-
sement les patriotes liégeois que les envahisseurs français, s'il fait peser
la responsabilité des événements sur Chestret et Fabry autant que sur
les commissaires de la Convention, s'il charge les deux hommes qui ont
« troué la digue » avec la même furie que les émigrés chargeaient
Necker et Lafayette, il a du moins réuni dans son étude une foule de
documents sur les corporations religieuses de Liège et leur avoir, sur
le culte, le décadi et la proscription des prêtres, sur les impôts de la
Révolution et les assignats, sur le travail, les salaires et le prix des den-
rées, sur la misère générale, les soulèvements et le brigandage (les gar-
roteurs), sur la carrière de Chestret et de Fabry. Il faut donc, malgré
tout, remercier les auteurs de ce volume où l'historien delà Belgique et
de Liège trouvera de précieuses informations. Les fautes matérielles sont
rares : p. 17 et 116, il est singulier que des Belges écrivent Jemmappes
et Jemmapes pour a Jemappes »; id., l'armée autrichienne ne fut pas du
tout « culbutée » près de Waroux ; p. 20, il est inexact de dire que « dès
le 2 mars 1793, les Autrichiens et les Prussiejis marchaient sur Liège » ;
p. 45, on nous dit sérieusement, d'après la duchesse d'Abrantès, que
Cambacérès dans son exil, en quelque lieu qu'il fût, se réveillait soudain
à l'heure où il avait condamné Louis XVI et que « le spectre de sa vic-
time se dressait devant lui «; p. 81, lorsque, le 4 mars, les Français
battirent en retraite, les patriotes ne proclamaient sûrement pas « la
trahison de Dumouriez », que tout le monde appelait à grands cris pour
réparer le désastre; p. 1 17, ce n'est pas une « faible minorité » qui vota
la réunion de Liège à la France ; p. 1 19, on voudrait plus de détails sur
l'emprisonnement de Bassenge et le schisme qui s'éleva à Paris entre les
Liégeois réfugiés (Borgnet qu'on nomme injustement p. 321, note, un
174 REVUE CRITIQUE
historien aux « cliapitres indigestes », a très bien insisté sur ce point);
p. 265, la letlre du volontaire angevin a été forgée par Grille ; p. 334-
33/, on aura beau dire; puisqu'il était impossible de conserver Tindé-
pendance nationale, Chestret, Fabry, Bassenge et leurs amis ne pou-
vaient faire autre chose que de demander l'annexion à la France.
M. Demarteau leur reproche d'avoir « refusé de s'associer aux Belges
en haine de la religion et par amour du philosophisme »; mais les
Belges étaient-ils unis? Y avait-il le moindre espoir de constituer la
nationalité belge, lorsque Anvers et Louvain refusaient d'envoyer leurs
députés à l'assemblée de Brabant, lorsque les provinces n'arrivaient pas
à lever une armée nationale belge? Ce n'est pas seulement le « fana-
tisme de l'impiété francolâtre » (sic) qui détermina Liège, non plus que
le pavs de Franchimont qui le premier prononça le vœu de réunion, à
se jeter dans les bras de la France, ce fut la nécessité; ce fut la pensée
de ce grands intérêts et avantages n» ; la France seule pouvait protéger,
défendre Liège contre le prince-évéque et l'empire germanique. C'est ici
qu'il fallait citer Dumouriez (III, 218) « se trouvant un trop petit pays
pour former un Etat particulier, se méfiant de la disposition des Belges
qui ne voudraient pas sacrifier leur religion et leur clergé, se voyant en
avant de tout, sans places fortes, leur pays aisé à envahir, les Liégeois
crurent que, devenant Français, la république défendrait leur liberté »'.
En terminant, remercions les auteurs du volume, et surtout M. Kurth,
de leur sympathie pour la France. C'est avec ^t douleur » que M. Kurth
constate la diminution de notre population et prévoit, pour un avenir
qui n'est pas trop éloigné, le moment où la France aura vingt millions
d'habitants, pendant que l'Allemagne en comptera quatre-vingts;
« voilà, dit-il, qui résoudra d'une manière imprévue, mais irrésistible
et définitive, la question de savoir à qui appartiendra l'Alsace-Lor-
raine » ! (p xvn). Que M, Kurth déteste la République et la Révolution ;
qu'il s'imagine que notre avenir est sombre parce que « Trompette et
Coquelin sont des personnages »; nous n'avons pu lire sans émotion,
et nous lui en savons le gré le plus vif, les lignes suivantes : « Douce
France ! Se pourrait-il qu'un jour l'Europe dût apprendre à se passer de
loi ! Certes, il manquerait quelque chose au monde, le jour où la place
de la France sera vide dans la famille des peuples chrétiens, et rien ne
remplacerait cette nation héroïque et charmante, cette race spirituelle
et sublime qui faisait briller sur la civilisation européenne quelque
chose comme le sourire d'une éiernelle jeunesse! »
A. Chuquet.
I. Autres bagatelles : p. 60 : le 2 février 1793, Bassenge n'était pas « agent duj
Directoire»; p. cSi : ce fut le 5 et non le i5 mars que Gobourg occupa la ville ;j
p. 116 : comment un des auteurs met-ii au 27 novembre la première entrée dciS
Français dans Liège que tons les autres placent avec raison au lendemain 28?
d'histoire et de littérature 175
i,;^. Papiers de BavthéSemj-. (192-179, p. p. Kaulek. IV. Paris, Alcan,
iSSc)). In-8, 658 p. 18 francs.
Voici le quatrième volume de ces Papiers de Barthélémy que
M. Kaulek publie régulièrement avec soin et conscience '. Ce volume
commence, sans un seul mot d'introduction, au mois d'avril 1794 et
finit au mois de février 1795. Comme les précédents tomes, il renferme
un grand nombre de lettres très succinctement analysées et quel-
ques dépêches et rapports in-extenso. On remarquera particulièrement,
parmi les pièces que M, K. a reproduites en leur entier, celles qui sont
signées de Barthélémy, de Bâcher, de Rivalz, de Venet. Elles donnent
sur les événements des informations prises de tous côtés, très souvent
fausses, parfois même ridicules, mais parfois très précieuses. Enfin, et
surtout, elles retracent les dispositions de la Prusse, les pourparlers
qui doivent amener la paix de Bâle, les missions de Schmerz, le
« voyageur » de Môllendorf, et de Meyenrinck, l'adjudant-général du
vieux maréchal, l'arrivée du comte de Gohz, ministre plénipotentiaire
de Frédéric Guillaume II et du secrétaire Harnier, leurs premiers entre-
tiens avec Bâcher et Barthélémy. Le volume se termine par une table
analytique très complète, et dont nous remercions M. Kaulek ; mais
pourquoi fait-il du duc Albert de Saxe-Teschen deux personnages,
V archiduc Albert et le duc de Saxe-Teschen, et pourquoi écrit-il
RUgel le nom du général-major Riichel et à deux pages de distance
(p. 317 et 319) Poissac et Boissac •?
A. C.
iiQ. — Essays by the late SBarU Pattisou. CoUected and arranged by Henry
Nettleship, m. a. 2 vol. in-8. Oxford, Clarendon Press, 1889, de vii-494 p. et
447 P-
L'article que j'ai publié dans la Classical Reviens {vo\. III, p. 3o8)
me dispense d'insister longuement sur les Essais posthumes de M. Mark
Pattison qu'un ami fidèle et respectueux vient de recueillir et de confier
à la a Clarendon Press ». Je ne répéterai pas les observations que m'a
suggérées la partie la plus intéressante peut-être de ces deux volumes et
les menues additions que j'ai cru pouvoir y faire. Mais il est utile de
i.Cp. sur les trois volumes pre'cédents iîei'we 1887, n" 48; 1888, no33 ; 1889, n" 6.
2. P. 29, Werdi, lire Woerth (le Woerth de 1870); p. 120, Wolky, Wolski ;
id. Ingelstrœm, Igelstrœm; p. i52, Liechsthal, Liestal ; p. 176, Barss, Barsch; id.
Badoffski, Badowski ; p. 234, Hannoncourt, Hariioncourt; p. 255 (et ZdS)^ Eustache,
Eustace;p. 3^6, Demoutier, DeMoiistier; p. 347, Li/ca^o«,Loucadou ; p. 395(et44i),
Dahlberg, Dalberg ; p. 422, Veisey, Vecsey; p. 446, Giindersblum, Gunteisblura ;
p. boi. Lamarck, Lamarque; p. 534, Benfeldan, ]àiix\iQ\A ; p. 571, Altœna-, k\\oï\d,-^
p. io5, qu'est-ce que Ruhlsheim, village du Bas-Rhin? p. 352 (et suiv.)« le docteur
Kerner » a été l'objet d'une attachante biographie d'Ad. Wohlwill, Georg Kerner
(Hambourg, 1886); p. 336, Forstenbourg était un bâtard du duc de Brunswick et,
comme disait Massenbach, le Vendôme de ce Henri IV (cp. Valmy, p. 198).
176 REVUE CRITIQUE
faire connaître davantage en France ce recueil. Ce sont des essais à la
façon anglaise, articles de revue, courtes études bien composées et claires
sur des questions de valeur, toutes à propos d'un ouvrage récemment
paru. Mais on trouve presque partout la marque d'un jugement original,
informé, et qui n'a pas attendu le livre, qui est l'occasion de son article,
pour être au courant du sujet. De là un mérite qui dépasse la simple
vulgarisation et laisse de l'intérêt à des pages dont la plupart, au point
de vue de l'information, ont déjà vieilli.
Plusieurs essaisdeM. Pattison se rattachent à l'histoire des études dans
l'université d'Oxford et à l'histoire religieuse moderne du Royaume-
Unis et de l'Allemagne. Celles-ci échappent entièrement à ma compé-
tence et je les signale seulement pour mémoire; la personnalité reli-
gieuse de l'auteur et ses idées anglicanes y sont nettement marquées.
Mais le plus grand nombre des travaux réunis ici intéresse la France et
surtout notre littérature du xvje siècle, qui avait dans M. P. un admira-
teur passionné. On y lira une étude sur Grégoire de Tours (t. I, p. 1-29),
qui date de 1844, d'après Michelet et Aug. Thierry et qui est bien un
peu ancienne, une autre sur Huet, évêque d'Avranches (p. 244-305),
plus spécialement dirigée dans le sens théologique et qui n'a plus guère
de valeur aujourd'hui, une troisième sur « la tragédie de Calas » (t. II,
p. 177-210), d'après le livre d'Ath. Coquerel. Pour le xvi^ siècle, la sé-
rie est plus riche; on réimprime ici « Calvin à Genève », article publié
dans la Westminster Revien/ de i858, une « Vie de Montaigne », parue
dans la Quarterly de la même année et esquissée d'après les travaux de
Griin et de Payen, une étude sur Muret, du Times, d'après le livre plus
récent de M. Dejob. Enfin, les pages les plus importantes sont consa-
crées aux Estienne et à Joseph Scaliger.
L'essai sur les Esiienne f7"/ze Stephenses, t. I, p. 67-123) a pourpoint
de départ le mémoire de Léon Feugère que couronna l'Académie fran-
çaise et qui fut réimprimé en 1864 dans les Portraits littéraires du
xvi* siècle de l'auteur. L'écrivain français y est traité avec une courtoise,
mais réelle sévérité; M. P. établit qu'il fait des développements sur des
livres qu'il n'a pas lus, qu'il n'est aucunement familier avec l'époque
qu'il étudie et qu'il manque de la condition essentielle pour s'occuper
des Estienne, la connaissance du grec. La conclusion est d'intérêt géné-
ral et mérite d'être traduite : « Quand M. Feugère, dans un essai qui a
reçu la haute sanction de l'Académie française, se montre incapable de
distinguer entre le blanc et le noir en matière de philologie classique,
nous sommes obligés de songer que le plus élevé des éléments de cul-
ture fait défaut à l'éducation de la première nation d'Europe. Si l'A-
cadémie française regarde la production d'un bon exercice de français
comme l'objectif de ses concours annuels, elle a raison de décerner ses
couronnes à des essais comme celui de M. Feugère. Mais comme cela
tend à maintenir en France le niveau superficiel de sa critique histori-
que actuelle, on peut regretter que l'Académie sanctionne de son appro-
d'histoire et de littérature 177
bation de si faibles productions de seconde main ». Le passage n'a pas
perdu toute actualité; notre critique ne mérite peut-être plus aujour-
d'hui, il est vrai, le reproche du savant recteur de « Lincoln Collège »,
mais l'Académie française ne peut pas se vanter d'avoir été pour beau-
coup dans ce progrès.
Où je ne fais aucune difficulté de me ranger à l'avis de l'auteur, c'est
quand il déclare que les Français de notre temps témoignent d'une in-
différence coupable à l'égard des grands philologues qui ont honoré leur
pays au xvi« siècle. C'est à peine si quelques monographies, dont plu-
sieurs insignifiantes, leur ont été consacrées, tandis que tant d'autres
points moins importants de l'histoire littéraire nationale ont été l'objet
de recherches considérables. Rien de sérieux, par exemple, n'a été tenté
sur les Estienne depuis le travail de M. P., et, pour Joseph Scali-
ger, c'est encore la présente étude (t. I, p. 132-195), provoquée par le
livre de Bernays, qui constitue le tableau le plus juste que nous possé-
dions, sous forme abrégée, de l'œuvre immense de ce savant. Deux
fragments d'une biographie complète, l'un relatif à la jeunesse de
Scaliger, Tautre à ses relations avec la famille Chasteigner de la Roche»
posay (p. 196-243), attestent que l'auteur songeait à donner un pendant
â son grand ouvrage sur Casaubon. Il est très regrettable que l'ouvrage
soit demeuré inachevé; mais nous devons savoir gré à M. Pattison
d'avoir si patiemment travaillé à la gloire de nos grands hommes,
à une époque où ils étaient dédaignés chez nous ou plutôt victimes de
cette admiration de convention aussi vaine que l'oubli.
P. de Nolhac.
CHRONIQUE
FRANCE. — La librairie Leroux va publier pour la Société asiatique les
Chants populaires des Afghans recueillis par M. James Darmesteter. Cet ouvrage
considérable, depuis longtemps annoncé, se compose de trois parties : i°le texte des
chants, au nombre de 1 16, recueillis à la frontière afghane en 1886 ; ils sont répartis
sous cinq chefs : chansons historiques, chansons religieuses, légendes romanesques,
chansons d'amour, moeurs et folklore. Elles sont toutes inédites, aucun texte popu-
laire n'ayant encore été recueilli, bien que les Anglais soient établis dans le pays de-
puis quarante ans; 2° ia traduction avec un commentaire philologique et historique
qui forme une véritable encyclopédie de la vie afghane; 3° une introduction sur la
langue, l'histoire et la littérature des Afghans où l'auteur expose le résultat de ses
recherches. L'étude sur la langue est une véritable grammaire historique de l'afghan
faite sur le modèle de la grammaire historique du persan du même auteur : la con-
clusion est que l'afghan n'est point, comme on l'admet généralement, un dialecte
intermédiaire entre l'Inde et la Perse, mais un dialecte purement et exclusivement
iranien et que dans la famille iranienne il appartient à la famille zende. « Tout s'ex-
plique comme si l'afghan était dérivé du zend ou d'un dialecte très voisin du zend » :
1 afghan est le descendant direct du zend arachosien. M. Darmesteter recherche en-
IjS REVUE CRITIQUE
suite les origines des Afghans qu'il suit jusqu'à l'époque d'Alexandre, et expose l'or-
ganisation des écoles populaires de poésie chez les Afghans. La Revue critique re-
viendra plus à loisir sur ce vaste travail.
— Notre collaborateur Henry Harrisse vient de publier chez Welter une fort in-
téressante et spirituelle brochure intitulée Christophe Colomb, les Corses et le gou-
vernement français (in-S°, 32 p.). On sait que les Corses prétendent que l'illustre
navigateur est né à Calvi. Mais, comme le démontre surabondamment M. H. : i» on
n'a jamais trouvé à Calvi l'acte de baptême de Colomb; 2° il n'y avait pas un seul
Corse avec Colomb au temps de la découverte de l'Amérique; 3» Colomb n'est ja-
mais allé en Guinée et n'a jamais donné en l'honneur de son pays natal, le nom de
Cap Corse au Cap Coast actuel; 4.* dans tous les écrits sur lesquels s'appuie l'abbé
Casanova, — qui veut à tout prix faire naître Colomb à Calvi — on ne trouve pas un
seul mot sur celui qu'il nomme le « héros des mers », ni sur sa prétendue naissance
à Calvi, etc. Mais ce qui navre, comme dit M. H., c'est que le Temps ait imprimé
sérieusement que le président des Etats-Unis allait octroyer le titre de citoyens amé-
ricains à tous les Corses; c'est que le président Grévy ait autorisé par décret l'é-
rection de la statue de Colomb sur la place de Calvi; c'est que le ministère de l'ins-
truction publique ait souscrit quatre fois et par centaines d'exemplaires au Christo-
phe Colomb, Français, Corse et Calvais de l'abbé Peretti. M. H. accompagne cette
substantielle brochure de notes et preuves documentaires ainsi que de très impor-
tants documents extrinsèques et historiques (p. 21-24) et de documents intrinsèques
el notariés (p. 25-3o), qui démontrent irréfutablement que Domenico Colombo, tisse-
rand génois, père de Christophe, est né à Quinto, à quelques kilomètres de Gênes;
qu'il a constamment vécu dans l'enceinte de Gênes du i<î'' avril 1439 au moins jus-
qu'au 28 septembre 1470, et après; que sa femme Susanna Fontanarossa est née au
Bisagno, dans la banlieue de Gènes; que Christophe Colomb, fils aîné de Domenico
et de Susanna, naquit dans l'enceinte de Gênes entre le3i octobre 1446 et le 3 1 oc-
tobre 145 1, On félicitera vivement, M. Harrisse d'avoir ainsi rétabli la vérité, et
l'entière vérité; on dira de son travail ce qu'il dit du travail [Le berceau de Christo-
phe Colomb et la Corse), de l'abbé Casablanca qui a su s'élever au-dessus de l'a-
mour-propre de clocher : « C'est à la fois un bon livre et une bonne action ».
— Nous avons reçu de la librairie Desclée et de Brouwer (Bruges, 1890. In-S°,
21 5 p.), une Vie du père Damien, de la congrégation des Sacrés-Cœurs, par le R. P,
Philibert Tauvel, avec une introduction de son frère le R. P. Pamphile de Veuster,
de la même congrégation. Le père Damien a été l'apôtre des lépreux de Molokai, une
des îles Sandwich.
— Dans une brochure intitulée Le P. Guevarre et la fondation de l'hôpital géné-
ral d'Auch (« Annales du Midi », II, i8go, pp. 81-94), M. Ch. Joret prouve que
le père Guevarre a installé l'asile d'Auch et rectifie certaines inexactitudes de la bio-
graphie qu'il avait consacrée au charitable jésuite.
— MM. Henry Carnoy et Alcius Ledieu fondent une Revue du N'ord de la France
(Paris, rue Vavin, 33; une livraison de 32 pages par mois; prix de l'abonnement
annuel, 10 fr., et pour tous les fonctionnaires civils, ecclésiastiques ou militaires,
8 fr.). La Revue du Nord de la France exclut les questions politiques et religieu-.j
ses; elle traitera de l'histoire provinciale ^t de l'histoire locale, n'oubliera pas liij
langue et la littérature du moyen-âge, les œuvres des trouvères, les mystères, ieS'
fabliaux, les beaux-arts, le folklore ou traditionnisme, etc. ; ce sera « une revue se-,
rieuse » et elle demande « l'appui et la collaboration active de tous les travailleurs. »•
ANGLETERRE. — Vient de paraître, à Londres, chez MM. Swan Sonnenschein,
a short Comparative Grammar of Greek and Latin for Schools and Collèges, by.
i
d'histoire et de litteraturb 179
Victor Henry, Deputy-Prof essor of Comparative Philology in ihe University of
Paris..., Authori;(ed translation from îhe Second French Edition by R. T. EUiott,
M. A., Lecturer in Classics and Comparative Philology at Trinily Collège, Mel-
bourne. Cette traduction, exécutée par un jeune savant qui lui-même eût été par-
faitement capable d'écrire une œuvre originale, et revue feuille à feuille par l'auteur,
se présente au public anglais sous les auspices de MM. A. H. Sayce, H. Nettleship
et E. R. Wharton, de l'Université d'Oxford.
AUTRICHE. — Il s'est fondé à Vienne une Société Grillparzer ou Grillpar^^erge-
sellschaft, qui veut mieux faire connaître le poète par la création de bibliothèques,
par des conférences sur Grillparzer, par des représentations de ses pièces, par la pu-
blication d'un Annuaire ou Jahrbiich. Le président de la Société est M. Rob. ZiM-
mërmann; les membres du Comité fondateur sont MM. Carrière, de Munich, Sauer,
de Prague, Schœnbach, de Gratz, Volkelt, de Wûrzbourg, Levinsky, Wilbrandt,
Glossy. L'ami de Grillparzer, Bauernfeld, a été nommé premier membre d'honneur.
Adresser les adhésions à M. Em. Reich, Vienne, II, Czerningasse, 7.
— M. K. Patsch vient de publier une étude de douze pages (Pragtie, Ehrîich) sur
le premier mariage de Wallenstein, Albrecht von Waldsteins erste Heirat.
SUISSE. — La Société d'histoire suisse a l'intention de donner une nouvelle édi-
tion de y Urbaire autrichien qui date du roi Albert et que Pfeiffer avait publié en
i85o dans la collection de la Société littéraire de Stuttgart. Elle fait appel aux direc-
teurs d'archives et de bibliothèques, ainsi qu'aux particuliers qui poun aient fournir
des pièces complémentaires. Ces pièces devraient être adressées à la direction des
archives d'État du canton de Zurich. Des communications sur l'auteur présumé de
rUrbaire, Burcard de Frick, seraient aussi les bienvenues.
— Le XVII« tascicule (Ville fasc. du deuxième volume) du Schwei^erisches Idioti-
kon, de MM. Fr. Staub, L, Tobler, R. Schoch et H. Bruppacher, vient de paraître
(Frauenfeld, Huber) ; il va de halb à hin.
— La Bibliothèque Universelle et Revue Suisse est bien près d'être centenaire ;
elle entre dans sa 95^ année.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 21 février 18 go.
M. Flandin, consul de France, écrit à l'Académie que, pour se conformer aux dé-
sirs de son père, M. Flandin, décédé en septembre dernier, il se propose d'oftrir à
l'Institut les dessins et notes recueillis par celui-ci au cours des fouilles dont il
avait été chargé par le gouvernement.
M. Senart met sous les yeux des membres de l'Académie les reproductions de
quelques statues, de style gréco-indien, découvertes récemment par le capitaine
Deane, dans les fouilles dirigées par lui à Sikri, dans la vallée du tlcuve de Caboul.
Une des statues représente un type absolument nouveau, celui du bouddha émacié
par les austérités auxquelles il se livre, avant d'obtenir l'intelligence parfaite. 11 si-
gnale en même temps une inscription publiée dans un des derniers numéros de
VIndian Antiquary . Elle accompagnait une sculpture de style indo-grec. M. Senart en
reciihe la lecture, mais il constate que la date reste provisoirement douteuse, à cause
de l'insuffisance du fac-similé. Il riutache à ce monument quelques observations gé-
nérales au sujet de l'influence que l'art classique peut avoir exercée sur l'art indien.
11 estime que M. Fergusson a trop rabaissé l'âge de bien des sculptures ou autres
monuments gréco-inaiens du nord-ouest de l'Inde : à son avis, c'est l'hellénisme
arsacide qui a été l'intermédiaire principal entre l'Orient et l'Inde, et c'est au i''' et
au u<= siècle de notre ère, au temps de la domination puissante de Kanishka et de
l8o REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTERATURE
ses successeurs, que l'influence occidentale s'est exercée, sur l'art indien, de la façon
la plus sensible. C'est aussi à la même époque que doivent appartenir les œuvres
les plus importantes et les plus caractéristiques qui nous ont été conservées de la
sculpture indo-scythique.
M. Edmond Le Blant signale deux communications qui viennent d'être faites à
l'Académie d'archéologie chrétienne à Rome.
On sait que souvent les prières prononcées sur les tombes des religieuses
rappellent la parabole des dix vierges; il en est de même de leurs épitaphes. La dé-
funte y est comparée aux vierges sages et l'on prie le Seigneur de lui donner une
rlace au milieu d'elles Une fresque des catacombes romaines, signalée autrefois par
Bosio et récemment examinée à nouveau par M" Wilpert, témoigne de la même
pensée. Au milieu du tableau tigure une femme en prièie, au-dessus de laquelle est
écrite son épitaphe; à sa droite sont les cinq vierges portant des flambeaux allumés;
à gauche, selon la gravure de Bosio, on les verrait encore toutes cinq assises au
banquet céleste 11 a été reconnu qu'ici la gravure reproduit mal la fresque : quatre
vierges seulement sont assises au festin et réservent la place vide à la défunte de-
bout devant elles. C'est un fait nouveau dans l'iconographie chrétienne. Il y a là
comme une traduction faite pour les yeux des vœux exprimés par cette prière du
sacramentaire de saint Gélase, Transeat in numerum sapientium puellarum, et par
les oraisons nombreuses où l'on demande à Dieu, pour les morts, une place au fes-
tin céleste.
Dans les fouilles de Saint-Valentin, à Rome, M. Marucchi a trouvé un fragment
d'inscription où il faut reconnaître, semble-t-il, l'épitaphe d'un juif converti, qui
aurait changé de nom au baptême.
locus? PascaSïl
Q.VI NOMEN HABVIT IVDA
....zDVS SEPTembns
M. Lecoy de la Marche lit une notice intitulée : le Bagage d'un étudiant en
Un boursier de Sorbonne, Guillaume de Vernet, ayant été trouvé mort près de
Château-Landon, sur la route de Nevers à Paris, en 1347, on inventoria dans le
plus grand détail ses effets, son costume et tout ce qu'il portait sur lui. On trouva
dans ses valises des vêtements, des livres, divers ustensiles tels que des couteaux,
une écritoire, des tablettes d'ivoire sculptées, son testament, l'adresse de sa chambre
à Paris, un nécessaire de voyage contenant des ciseaux, un cure-dents d'argent, un
canif, un peigne d'ivoire, etc. La description de tous ces objets, jointe à l'énuméra-
tion des pièces de monnaie que l'étudiant avait dans sa bourse, fournit les plus cu-
rieux renseignements sur la manière dont s'habillaient et voyageaient les écoliers
aisés du xiv siècle.
M. James Darmesteter, professeur au Collège de France, commence la lecture d'un
travail intitulé : La grande insaiption de Kandahar.
M. Violiet continue la seconde lecture de son mémoire sur le régime successoral
appelé tanistry.
Ouvrages présentés : par M. Gaston Paris : Darmesteter (Arsène), Reliques scien-
tifiques, recueillies par son frère; — par M. Delisle : Lettres de Peiresc aux frères
Dupuy, publiées par Ph. Tamizev de Larroque, tome II; — par M. Oppert : Keil-
inschriftliclie Bibliothek, herausgegeben von Eberhard Schrader.
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 12 février 18 go.
M. L. Courajod en présentant une histoire de l'abbaye d'Orbais (Marne), par Dom
du Bout, publiée par M. Et. Héron de Villefosse, insiste sur l'importance des docu-
ments mis au jour dans ce volume et sur les faits nouveaux qu'ils révèlent au sujet
du grand mouvement historique dont on est redevable aux bénédictins du xvii° siè-
cle.
M. le Président annonce la présence à la séance de M. A. Evans, fils de M. John
Evans, associé étranger de la Société. M. A. Evans présente un petit bronze antique,
représentant un bélier couché qui a peut-être servi d'encrier.
M. Evans présente en même temps trois médaillons d'argent de Syracuse.
M. Audollent met sous les yeux des membres de la Société plusieurs photogra-
phies qu'il a laites au cours o'une récente mission en Algérie. L'une de ces photo-
graphies représente l'Afrique personnifiée, les trois autres une victoire ailée. Ces
deux objets appartiennent au Musée de Consiantine.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy^ imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
Il
i\
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 10 — 10 mars — 1890
Sommaire : i2o. Le livre d'amour de Tirouvallouva, trad. par Barrigue de Fon-
TAiNiEU. — 12 1. Breusing, La solution de l'énigme de la trière. — 122. De La
Ville de Mirmont, La Moselle d'Ausone. — 125. Olivier de La Haye, p. p. Gui-
GUE. — 124. Lesigne, Jeanne d'Arc. — 126. Zdekauer, Etudes sur Pisloie. —
126. PouY, La baron Hogguer. — 127-129. Aulard, Actes du Comité de salut
public, H; La Société des Jacobins, 1; Mémoires de Louvet. — i3o. Richet, La
chaleur animale. — i3i. Falsan, La période glaciaire. — i'i2. Beaunis, Les
sensations internes. — Correspondance. — Chronique. — Académie des Ins-
criptions. — Société des Antiquaires de France.
120. — B.e BJvre do I'Ajuoui- de Tirouvallouva, traduit du tamoul par G. de
Barrigue de Fontainieu. Paris, Alphonse Lemerre, 1889, in-8, xix, 124 pages.
Ce « Livre de l'Amour » n''est que la troisième section des Koural
de Tirouvallouva, l'ouvrage qui, dans Tlnde dravidienne et méridio-
nale, répond à peu près au Livre de Manou de Tlnde aryenne, bien que
en différant notablement et construit sur lin tout autre plan. Koural
signifie « vers » ou « distiques»; Toeuvre de Tirouvallouva se compose
de i,3oo de ces distiques, groupés 10 par 10; ce qui fait que l'ouvragé
entier compte i3o chapitres. L'économie de ce poème moral repose sur
ce qu'on appelle en sanscrit le trivarga, c'est-à-dire les trois conditions
de la vie humaine : le devoir — les affaires — l'amour. C'est de cette
troisième partie qu'on nous offre aujourd'hui une traduction nouvelle.
Pourquoi la troisième partie? Avons-nous ici le début d'un travail
qui commence par la tin? Ou s'agii-il du choix exclusif de cette partie
du texte tamoul? Et, dans ce cas, pourquoi cette préférence? A-t-on
voulu combler les lacunes des traductions anglaises faites par des mis-
sionnaires qui ont cru devoir « expurger » les Koural? Mais Lamairesse
avait déjà pris ce soin; il nous a donné une traduction complète. Je
n'insiste pas; mais je ne puis me dispenser de faire des réserves sur
l'excuse qui termine l'avant-propos : lasciva pagina... vita proba.
Je ne crois pas que la réserve dans la conduite dispense de la réserve
dans le langage. On peut, avec une pareille excuse, autoriser bien des
excès.
Si la peinture que Tirouvallouva fait de l'amour est caractérisée par
de grandes hardiesses, il faut dire aussi qu'elle est présentée sous une
forme originale et dramatique; c'est toute une histoire qui se déroule,
soit en monologues, soit en dialogues, entre l'Epoux (ou l'amant),
l'Epouse (ou l'amante) et la confidente de celle-ci. Venant le second, le
traducteur s'est attaché à serrer le texte de très près ; il a surtout visé à
Nouvelle série, XXIX. , lo
l82 REVUE CRITIQUE
l'exactitude, et, par là, il a évité les défauts de la traduction de Lamai-
resse, généralement prolixe et tournant à la paraphrase. Mais, par cela
même, il n'a pas toujours pu éviter l'obscurité, de sorte que, en plus
d'une rencontre, son devancier a sur lui l'avantage de Taisance et de
l'élégance, sinon d'une rigoureuse exactitude. Le lecteur sera peut-être
bien aise, tant pour se faire une idée de l'auteur que pour apprécier les
mérites respectifs des traducteurs, de lire parallèlement quelques-unes
de ces sentences.
Lamairesse. B. de Fontainieu.
De même que les ténèbres, pour se ré- De même que la nuit apparaît à la fin
pandre, attendent la disparition de l'astre du jour, de même survient la pâleur,
du jour, de même la pâleur profite de lorsque cessent les étreintes de l'époux
l'éloignement de mon époux pour couvrir (p. 43}.
mon corps <p. 189).
Les larmes de douleur que vous arrache Tu songes à celui qui s'en est allé au
le souvenir de votre mari absent ont dé- loin, nous laissant dans l'affliction, et
truit l'éclat de vos yeux; aujourd'hui il tes yeux sont honteux des fleurs odori-
est éclipsé par celui des nénuphars qu'il férantes !... (p. 61).
surpassait autrefois (p. 194).
La bouderie de celles qui nous chéris- L'eau sous un ombrage est douce;
sent est aussi délicieuse que l'eau cou- chez les amants la bouderie est douce
lant sous l'ombrage (p. 204). (p. 91).
Je lui dis : Il n'est point d'amour égal « Nous nous aimons plus que per-
au nôtre. Aussitôt elle me boude, se mé- sonne » ai-je dit. Elle est devenue bou-
prenant sur le sens de mes paroles (p, deuse répétant : « Plus que personne,
^oS). plus que personne » (p. 94).
i
i
Evidemment, la traduction nouvelle réfléchit mieux le texte original;!
elle est essentiellement consciencieuse et fidèle. Néanmoins, le lecteurfl
qui a entre les mains la traduction antérieure y recourra quelquefois
volontiers.
M. B. de F. a mis à la suite du « Livre de l'Amour » quelques cha-
pitres du Naiadiyar, autre traité de morale en tamoul, et des notes peu
nombreuses, brèves, mais substantielles, dont quelques-unes sont expli-
catives, mais se référant pour la plupart à des variantes ; ce qui indique
le soin avec lequel ce travail a été fait. Le volume est accompagné d'un
portrait de Tirouvallouva.
On lira avec intérêt la savante notice que M. Julien Vinson a mise I
comme avant-propos en tête du travail de son élève. Il y traite, entre
autres questions, de la personnalité de Tirouvallouva, dont le nom,
ordinairement traduit : « divin paria », semble désigner un homme de
condition très infime. M. Vinson pense que cette interprétation est
sujette à caution et que la légende qui s'y rattache n'est guère admis-
sible. Toute sa discussion peut se résumer dans cette phrase : la vérité
est que nous ne savons rien de positif sur l'auteur des Koural (p. xn).
Tirouvallouva, en effet, semble désigner, comme Manou, un personnage
indéterminé.
L. Feer.
d'histoire et de littérature i83
12 1. — Dîe Lœsung des Xrierenrsetsels, die Irrfahrten des Odysseus nebst
Ergaenzungen und Berichtigungen zur Nautik der Alten, v. Dr. A. Breusing,
Direktor der Seefahrtschule iu Bremen. Bremen, C. Schûnemann, i88g, in-8,
VI-124 p.
M. A. Breusing vient d'ajouter trois nouveaux chapitres à sa Nautik
der Alten ^ Comme il joint à une connaissance approfondie des choses
de la mer un grand souci de l'information philologique, c^est actuel-
lement rhomme qu'il y a le plus d'intérêt à écouter dans le dialogue qui
se poursuit sur l'archéologie navale, entre les marins et les philologues
de profession.
Laissant de côté le chapitre x consacré â relever des attaques souvent
injustifiées ^, et le chapitre xi sur la géographie nautique d'Homère,
j'arrive à la partie capitale du livre, la solution de l'énigme de la trière
(ch. XII), Cette solution, la voici :
Les trières des anciens présentaient trois files horizontales superpo-
sées de sabords de nage, et étaient pourvues de trois garnitures de rames
différentes par les dimensions et le poids. Les plus courtes étaient ac-
tionnées par les matelots encore inexpérimentés, les thalamites ; les
moyennes, par les zygites déjà plus habiles; les plus longues et les plus
lourdes par les marins les plus expérimentés, les thranites. Chaque
rame était manceuvrée par un seul homme, et il n'y a jamais eu plusieurs
rameurs assis sur un même banc.
Mais — sauf peut-être pour la parade — il n'y a jamais eu plu-
sieurs rangs de rameurs superposés manœuvrant ensemble.
L'invention de la trière par les Corinthiens a consisté en ceci : ayant
remarqué que dans une mer agitée les avirons bas sur l'eau étaient diffi-
ciles à manier, ils garnirent leurs navires de trois rangs de sabords
ayant chacun des rames de dimensions de plus en plus grandes : en eau
calme, on se servait des rames inférieures; en temps de houle, des rames
moyennes; en haute mer et dans les batailles, c'est la rangée supérieure
d'avirons qu'on utilisait, en bouchant avec des askômes les sabords infé-
rieurs, si bien qu'il n'y avait jamais qu'une file de rames en action.
1. V. Revue critique àw 5 mars iSSS, p. 186-92.
2. P. 6. Le passage de Thucyd. 7, 12, est bien expliqué au point de vue nautique;
mais ïïôsroTat ne signifie pas que les équipages ont souffert du manque de nourriture.
Le mot est expliqué plus loin : ils ont été décimés par la cavalerie ennemie en
s'éloignant pour aller au bois, à la maraude, à l'eau. P. g sq. Voici, selon moi, le
sens du passage d'Aristoph. Cheval, v. 409-441. Kléon. Je vais souffler en tem-
pête... Mardi, de saucisses : Eh! bien, je carguerai mes saucisses (plaisanterie pour
mes voiles) et je fuirai devant le flot... Démosth. Et moi je veillerai à la sentine,
si ie navire fait eau Démosth. Attention! Mollis l'écoute; il souffle en vent
du N.-E Démosth. Lâche tes cargues! Le vent souffle moins fort. — Ce sont-là
tout simplement les précautions et les commandements du capitaine qui essuie un
grain. P. 16. Dans Aristoph. Cheval, 'jbcj et Plutarq. Pomp. y3 le verbe :iaîc/.Sâ//stv
n'est pas suffisamment traduit par gouverner vers; il signifie venir bord à bord;
cf. Polyb. 1, 22, 0 et i5. 2, 12.
184 REVUK CRITIQUE
Il n'y avait pas un nombre d'hommes correspondant au nombre des
avirons. On pouvait équiper une trière avec cinquante, cent rameurs.
On mettait au besoin des zygites sur les rames thranites ou sur les rames
thalamites, des thalamites sur les rames zygites.
Tel est ce système; il me semble inacceptable pour les raisons sui-
vantes :
1° Sans doute les monuments figurés ne doivent être consultés qu'avec
circonspection, et il faut tenir compte des inexactitudes que l'auteur a
commises soit par l'insuffisance des moyens d'exécution, soit par parti-
pris, soit par ignorance. Mais dans la trière de l'acropole qui est un
relief de la bonne époque, je ne saurais voir, comme ledit M. Breusing,
une simple image d'Epinal ; or, sur la photographie que j'en possède
et sur le moulage qui se trouve à l'Ecole des Beaux-Arts, les trois rangs
de rames me paraissent nettement visibles : celles du rang inférieur
sont même munies de leurs askômes. La seule difficulté, c'est que, sauf
les rames thranites, elles ne semblent pas extérieures aux préceintes
hori:{ontales ; cela peut tenir à ce que Tartiste n'a pas voulu les mettre
sur le même plan que les rames thranites. — Sur deux fragments de
vases d'époque primitive représentant des navires % on voit très nette-
ment en action deux rangs de rameurs superposés; ici la naïveté même
du peintre nous garantit suffisamment contre tout soupçon de fantaisie,
2"^ Dans Polyen 5, 22, 4, Diotimos débarque une partie de ses équi-
pages qu'il place en embuscade pour surprendre Fennemi. Le lende-
main, atîn qu'on ne s'aperçoive pas du lait, il ordonne à ses rameurs
d'actionner tantôt un rang de rames, tantôt un autre. Dans quel but?
Pour que l'ennemi pense que tous les rameurs thranites, zygites et
thalamites sont à leur poste, et que, s'ils n'agissent pas tous ensemble,
c'est parce qu'on exécute des manœuvres particulières, mais qu'au mo-
ment voulu ils donneront tous à la fois. Si on n'avait jamais manœu-
vré qu'un rang de rames à la fois, où serait la ruse? — Un passage
particulièrement concluant, c'est celui de Xénophon Hellén. 2, i, 18.
Une flotte est surprise pendant que les équipages sont à terre: on rembar-
que à la hâte le plus de monde possible, mais il faut combattre avant que
tous les matelots soient à bord, de sorte que parmi les trières les unes ne
pouvaient actionner que deux rangs de rames, les autres un, et que les
autres étaient tout à fait vides, « a? \iv> twv v£wv c(-/.poTC'. Yicrav, œ. ci H-ivô-,»
•/.pc-cc, aï o£ TcavTEAû; 7.îvx(. m Dans le système de M. B. où est le désavan-j
tage pour les deux premières catégories de navires, puisqu'on ne met-j
tait jamais en mouvement qu'un rang de rames à la fois?
3° Les historiens et les scholiastes nous parlent toujours des thranites,!
des zygites et des thalamites comme de classes de matelots distinctes. |j
Pourquoi ces dénominations si persistantes, si les rames thranites avaient*
été manœuvrées aussi bien par les zygites que par les thranites propre-
ment dits, les rames thalamites par les zygites aussi bien que par les-
j. De quelques représentations de navires... p. A. Cartault, pi. 4.
I
d'histoire et de littérature i85
thalamites? On aurait simplement distingué les vieux matelots et les
jeunes; or, ce n'est pas ce qui a lieu.
En résumé, M. B. a rompu, à la fin de son livre, l'accord si heureu-
sement inauguré dans le reste, entre la philologie et la science nau-
tique. La raison qui l'a déterminé à prendre une résolution aussi
grave est particulièrement la suivante : « Il est impossible, dit-il, de
faire manœuvrer en même temps, avec ensemble, des avirons de dmien-
sions aussi différentes que ceux des trières : il y a là une impossibilité
matérielle, —p. 83, eine thatsiichliche Unmoglichkeit »,et sur une pa-
reille question le dernier mot doit appartenir au marin.
Sur ce terrain je ne puis suivre M. B. n'étant pas moi-même suffi-
samment compétent. Toutefois, je remarque que la figure de la page
1 15, qui sert à la démonstration, me semble fautive. Si la poignée de
la rame inférieure décrit dans le mouvement de la nage une course de
deux pieds, pourquoi supposer que la poignée de la rame supérieure
doit nécessairement en décrire quatre? Les bras de l'homme sont une
quantité invariable ; que la rame supérieure soit plus longue et plus
lourde, l'amplitude du mouvement de la poignée sera toujours la
même. Le mouvement du rameur supérieur ne sera pas plus étendu,
il sera simplement plus lent; mais qui empêche le rameur inférieur le
se régler sur ce mouvement?
Je persiste à croire que la solution du problème doit être cherchée
ailleurs : en ne superposant pas les files horizontales de rameurs dans
un plan vertical, mais en rapprochant de plus en plus les files supé-
rieures de l'axe longitudinal du navire, en plaçant les rameurs corres-
pondants de deux files horizontales de manière que le premier de la
file supérieure soit un peu en avant ou en arrière du premier de la
file immédiatement inférieure et ainsi de suite, on doit pouvoir cons-
truire un navire qui ne soit pas trop élevé sur l'eau et dont les avirons
n'aient pas des dimensions trop inégales pour ne pas rompre la ca-
dence '. Ce n'est pas mon affaire de donner des chiffres; mais je
I . C'est là la disposition que je considère comme la disposition antique ; si elle a été
abandonnée au moyen-âge, c'est qu'elle offrait des inconvénients. Or, prenez dans la
trière le thranite, le zygite et le thalamite correspondant de chaque file, et, au lieu
de les placer sur des sièges de hauteurs différentes, placez-les sur un même banc
oblique à la quille du navire (ils étaient déjà en ordre oblique ; vous n'avez fait que
supprimer la hauteur): vous aurez un des bancs de la galère du moyen-âge, armée
de rames alla Zeuj^ile. Maintenant que les trois rameurs sont sur le même banc, on
peut remarquer qu'au lieu d'actionner trois avirons légers, ils actionneront plus
utilement un seul aviron de grandes dimensions ; vous aurez un nouveau système,
les galères armées de rames alla Scaloccio. Entre les trois systèmes, ils n'y a pas
d'interruption logique, mais un passage rationnel de l'un à l'autre. En réalité, on
n'a pas procédé aussi simplement, puisque les anciens ont d'abord exagéré la su-
perposition en hauteur des rangs de rameurs pour arriver aux polyères ; celles-ci
n'ayant pas répondu aux espérances qu'on avait conçues, on en est revenu à des
navires plus simples, mais reposant toujours sur l'étagement des files horizontales
de rameurs — aux liburnes de la Dalmatie et aux dromons byzantins. De ceux-ci
l86 RKVUE CRITIQUR
souhaite vivement que M. Breusing examine de nouveau le problème
avec ces données; il est plus capable que personne de le résoudre ; mais
actuellement, ce n'est pas la solution qu'il nous en donne; c'en est la
négation.
A. Gartault.
I
122. — D. M. Ausonii Mosella, La Moselle d'Ausone, édition critique et tra-
duction française précéde'es d'une introduction, suivies d'un commentaire expli-
catif et ornées d'une carte de la Moselle et de fac-similés d'éditions anciennes,
par H. DE LA Ville de Mirmont, maître de conférences à la Faculté des Lettres
de Bordeaux. Bordeaux, imprimerie Gounouilhou, 1889.
M. de la Ville de Mirmont, qui s'occupe depuis plusieurs années
d'Ausone et qui a sur la Moselle une thèse en préparation, nous donne
aujourd'hui un avant-goût de son travail en faisant paraître une édition
du poème. En un temps où les éditeurs sont généralement peu disposés
à publier les textes antiques avec tout l'appareil de la science, ou du
moins ne se résignent à le faire que pour certains ouvrages classiques,
inscrits sur les programmes universitaires, nous ne saurions trop féli-
citer M. de la V. de M. de la confiance qu'il a su inspirer au proprié-
taire du journal la Gironde à Bordeaux, ni assez faire honneur à M.
Gounouilhou du désintéressement scientifique qu'il a montré. LaMoselle
est imprimée non seulement avec un soin scrupuleux et une correction
rare, mais encore avec luxe, dans un format élégant et en caractères
choisis, propres à réjouir Tœil d'un bibliophile. Nous ne sommes pas
habitués à voir ainsi traiter les auteurs anciens avec les mêmes hon-
neurs typographiques que nos poètes à la mode.
Une substantielle introduction de 275 pages ouvre le volume. Dans
une première partie, M. de la V. de M. donne la liste des manuscrits
qui ont conservé le texte de la Moselle ; il en étudie l'origine et les
classe suivant leur valeur relative, avec un relevé des diflérentes leçons
particulières à chacun d'eux, d'après les recensions de Boecking, de
Schenkl et de Peiper. La seconde partie est beaucoup plus développée;
c'est aussi la plus personnelle. Grâce à la complaisance de plusieurs
bibliophiles et philologues bordelais, entre autres de M. Dezeimeris,
l'auteur a pu avoir entre les mains la plupart des éditions de la Moselle
parues depuis trois siècles. Il les a coUationnées avec un soin méticu-
leux, notant jusqu'aux variantes orthographiques et jusqu'aux fautes
d'impression, cherchant pour chacune d'elles à déterminer le manuscrit
qui a servi de base et appréciant la valeur du texte ^. Une partie de ce
travail avait déjà été faite par Boecking, Schenkl et Peiper; mais, en le
aux galères du moyen-âge le passage s'est fait comme je l'ai indiqué. Il y a là une
marche logique qui me paraît jeter un jour singulier sur l'ensemble de l'histoire de
la marine à rames.
I . Pour toutes les éditions importantes, M. de la V. de M. donne un fac similé du
titre ou de la première page.
D^HISTOIRE ET DE LITTERATURE 187
reprenant dans le détail, M. de la V. de M. a constaté bien des erreurs,
des omissions, des inexactitudes. En ce qui concerne la filiation des édi-
tions, son étude est surtout intéressante. Elle rectifie en efTet des préjugés
fâcheux et détruit certaines réputations usurpées, notamment celle de
Scaliger comme éditeur et commentateur d'Ausone. M. de la V. de M.
ne ménage pas Scaliger et, toutes les fois qu'il en a Toccasion, il ne
manque pas de le fustiger (p. cxxiii-clxiv; cf. p. 90). Rien de plus
curieux que la longue et instructive comparaison qu'il établit entre
l'œuvre de Scaliger et celle de Vinet, comparaison qui est tout à
riionneur de celui-ci.
Pour établir son texte, M. de la V. de M., à l'exemple de Boecking,
de Schenkl et de Peiper, se fonde principalement sur le Satigallensis,
mais sans s^astreindre à le suivre toujours. Plusieurs leçons sont em-
pruntées aux autres mss., en particulier au Bruxellensis et au Rhenau-
giensis. Cette méthode est légitime, les cinq mss. de la Moselle déri-
vant plus ou moins directement d'un archétype commun et pouvant par
conséquent se compléter ou se rectifier l'un par l'autre. C'est, du reste,
la méthode qu'ont suivie les derniers éditeurs allemands. Mais, si M. de
la V. de M. procède d'après les mêmes principes critiques que ses
devanciers immédiats, si d'autre part il met, comme de juste, leurs
travaux à profit, le texte qu'il nous offre s'écarte en plus d'un point de
I celui de Schenkl ou de Peiper. C'est ainsi qu'il revient à certaines leçons
abandonnées par eux et dont quelques-unes sont bonnes, comme fractis
(v. 257), }îervis (v. 091), superno (v, 470. — A l'appui de superno, on
aurait pu citer Virgile, Enéide, vi, 658-659 • i^nde superne — plurimiis
Eridani, etc., d'autant plus que le v. 471 est aussi imité d'un vers de
j Virgile relatif à l'Éridan). Au v. 80, le retour à la leçon haud me paraît
moins heureux; la Justification en est d'ailleurs bien subtile. 11 me sem-
ble que dans la voie conservatrice où il était entré, M. de la V. de M.
aurait pu aller plus loin qu'il ne l'a fait. Ainsi, au v. 68, la leçon des mss.
talis pictura peut parfaitement se défendre avec la correction de Barth,
nota, au heu de tota. Pictura est ici à sa place au milieu d'une descrip-
fion pittoresque, où le poète accumule les couleurs (cœrulea, viridem,
riibra, albeiites), où il marque les contrastes des tons, ainsi que les
oppositions de l'ombre et de la lumière (liicetqiie, latetque, distinguit).
De même, je ne vois aucune raison pour rejeter la leçon de tous les mss.
conexa ou conexa (v. 248)-, les bâtons de lignes sont souvent faits de
tiges fiées ensemble bout à bout, ce qui permet d'avoir un manche plus
long. Enfin, au v. 290, pourquoi ne pas conserver la leçon magnum?
Scaliger et ceux qui l'ont suivi écrivent magni, parce qu'ils pensent au
« grand roi ». Mais l'expression magmis rex, pour désigner le roi de
Perse, n'est pas usitée (cf. Diction, de Georges}.
Il serait trop long de passer ici en levue les corrections que M. de la
V. de M. a introduites dans son texte et qui proviennent les unes des
critiques antérieurs, les autres de conjectures personnelles. Plusieurs
l88 REVUE CRITIQUE
sont inutiles ou contestables (v. iSg : defessa; — v. 149 : additiir —
\\ 206 : dum Sjpectat transive dies; — v. 307 : metagenis) . D'autres,
comme cccrula cautes (v. 3i6), servator (v. 387), Aiigusti pater et
natus (v. 450), sont très plausibles et améliorent singulièrement le
texte.
. La traduction est d'une exactitude scrupuleuse, d'une allure assez
libre, d'un tour généralement élégant, malgré certaines longueurs qu'il
était d'ailleurs bien difficile d^éviter du moment qu''on se faisait une loi
de traduire aussi littéralement que possible. P. 5, v. 48-49 : l'emploi
des deux impératifs tapisse:^, éte^ide^ semble faire supposer qu'il y a
deux opérations distinctes. En réalité, il ny en a qu'une. Il s'agit ici
des pavements en mosaïque, dont l'art était originaire d'Asie-Mineure
(d'où Phrygiis crustis), et non pas, comme il est dit au commentaire
(p. 56), de dalles de marbre incrustées de pièces rapportées. Pour faire
une mosaïque, on prépare en effet le sol avec un enduit, et, quand on
en a bien aplani la surface {sola levia), on incruste les petits cubes les
uns à côté des autres, si bien que l'enduit disparaît sous une sorte de
semis (consere) qui une fois sec forme une croûte et comme un par-
quet de marbre. Consere tendens équivaut à tende consito solo; — p. 6,
V. 5 1-52 : j'ai de la peine à comprendre « les excès fous d'une indigence
qui se }~é jouit de sa ruine ». Il est vrai que le texte à cet endroit est
intraduisible. Les deux vers ne seraient-ils pas un souvenir de la pensé
de Lucain (Phars, I, iô5),fecunda virorwn paupertas? Et ne pourrai
on pas conjecturer quelque chose comnit fecunda nepotum — lœtaqUi
fortiinis ubi luxuriatur egestas? — p. 7, v. 65 : ingenuijontes s\s,m^Q,
je crois, ici comme dans Lucrèce (cf. Munro, t. II, p. 52) les sources
qui naissent du fond. Ce sens convient bien à vibrantes aquas, qui
indique non pas le mouvement régulier du courant, lequel a simple-
pour effet d'incliner les herbes (cf. v. 64), mais la sourde agitation de
la source cachée qui les soulève; — p. 18, v. 187-188 : la traduction
est peu nette. Ausone s'excuse de son indiscrétion qui en réalité n'en
est pas une; car son tableau n'est qu'une pure imagination (credam,
V. 171), venant de lui (pro parte), et qui est sans conséquence : que le
fleuve garde son mystère; — p. 19, v. 194 : que signifie pour un lec-
teur français le payv.pre absent tremble? — v. 38o, p. 37 et 109 : non
pas a Rome mère de l'empire », mais Rome métropole de la colonia
Aiigusta Treverorum ».
Le volume se termine par un commentaire explicatif, où M. de la V.
de M. justifie, toutes les fois que cela est nécessaire, son texte et sa tra-
duction et où il cherche à résoudre toutes les difficultés de géographie;
d'histoire, d'ichthyologie que soulève l'étude de la Moselle. On y trouvi
également une dissertation intéressante de M. P. Tannery sur l'ombr»
des pyramides d'Égvpte (à propos du vers 3i3). Les notes sont parfo|
un peu longues, mais elles sont si nourries et si instructives qu'elles n
fatiguent pas la curiosité du lecteur. Pour l'intelligence de l'itinérair
5l
1
d'histoire et de littérature 189
dWusone, M. de la V. de M. a joint à son édition une excellente carte
du bassin de la Moselle, dessinée par M. JuUian 1.
En somme, quelles que soient les chicanes de détail qu'on puisse
faire, le travail de M. de la V. de M. témoigne d'une érudition solide,
d'une critique judicieuse et, ce qui n'est pas à dédaigner, d'un goût
littéraire fin. L'auteur n'a pas seulement traduit et commenté son poète:
on sent qu'il a vécu avec lui dans l'intimité d'un commerce prolongé,
qu'il l'aime et voudrait le faire aimer. On ne peut pas en dire autant
de tous ceux qui publient des textes antiques,
Jules Martha.
!23. — Olîviei- de B.a Haye. Poëme sur la grande peste de 134S, publié par
Georges Guigue, archiviste de la vilie de Lyon. Henri Georg, 1888. In-12, xl-
234 p. Prix : 12 fr.
L'an mil CGC quarante et huit
Régnant alors de bon courage
Le roy Phelippe, preux et sage,
les médecins de la Faculté de Paris rédigèrent une consultation pour
combattre une des plus grandes épidémies du moyen-âge, une maladie
dont bien <i la tierce partie dou monde morut », dit Froissart. Le
poëme publié par M. Guigue n'est sans doute que la traduction ampli-
fiée de cette consultation, Ce n'est qu'au troisième chapitre que le tra-
ducteur (f translate de mot à mot, à la lettre ou bien près », en l'année
1425 le livre que Philippe de Valois « fit compiler. » Dans les deux
premiers il explique à sa manière comment cette pestilence a grevé le
monde
Par tous les climatz a la ronde
Et miz a mort, avant droit aage
t]ent millions d'umain lignage.
Le fléau a été envoyé par Mercure, Saturne et Mars dont les planètes
par « mauvaises conjonctions » lirent élever en abondance,
Parmy l'air diverses matières
Qui portèrent l'infection
Par toute terre et région.
C'est déjà, en germe, la fameuse théorie des microbes : elle mettra
plus de quatre cents ans à sortir de l'œuf. Les signes et « arguments »
par lesquels on peut, suivant la faculté, pronostiquer les mortalités à
venir, sont aussi incertains, aussi vagues que les fameux oracles de Del-
phes. Lorsque l'air est « caligineux, obscur et trouble », lorsque les
comètes apparaissent « volans en l'air legierement », qu'il y a multitude
de rainettes ou de petits crapaux, ou que « de grosses vapeurs et grans
fumées par dedens la terre engendrées » viennent à sortir subitement
I. Je ferai seulement observer que, sur un point, les données de la carte ne sont
pas tout à fait d'accord avec celles du poème qui semble placer Tabernœ (Bern-
<:astel) en dehors des frontières de la Belgique (v. 10).
igo REVUE CRITIQUE
quand on voit les oiseaux abandonner leurs œufs et leurs nids, ce sont
là les signes avant-coureurs de l'épidémie. Malheur alors aux hommes
qui sont trop replets, à tous ceux qui ne savent pas se gouverner, qui
abusent du repos, du travail ou des veilles! « La passibilité » de la na-
ture humaine est telle qu'elle obéit promptement « à l'influence des
corps celesliaux », et par suite surviennent toutes sortes de mutations
dans notre organisme. Comme on le voit, a l'inclyte faculté de Lutèce »
ne se compromet guère : elle se compromet encore moins dans la liste
de remèdes qu^elle prescrit aux malades. Le principal est de choisir
pour se préserver « de la boce ou pestilence » un air pur, exempt d'hu-
midité, éloigné des marais, des fosses et des cimetières. Qu'on fasse des
fumigations de cyprès, de romarin, d'oliban, de marjolaine et de « ci-
péron; qu'on arrose les chambres d'eau froide et de vinaigre, et le fléau
ne franchira pas le seuil de la maison. Quant aux pauvres qui « ne
peuvent a mie ces choses faire », ils n'ont qu'à prier Dieu le débonnaire
de vouloir bien les préserver de mal et d'ofîense. Pour eux la Faculté ne
se met pas en frais d'invention. En revanche le régime qu'elle prescrit ]
aux riches fait venir l'eau à la bouche : elleleur recommande les viandes
friandes, savoureuses, les lapereaux, les chapons, les gelines, perdrix, fai-
sans, les entremets confits « d'espices aromatisans, » les poissons de tendre
et légère substance avec les fruitsj« de plaisant acétosité. » Qu'ils se gardent
cependant de boire des vins trop forts, trop chaleureux ; qu'ils se fassent
saigner, ventouser et prennent de fréquentes purgations, surtout s'ils
ont t les corps rudes et fors. » Si, en suivant ce régime, ils ne s'aban-
bandonnent pas aux émotions trop vives, aux plaisirs de l'amour, à la
joie, à l'espérance, à la tristesse, s'ils se réconfortent surtout avec « des
electuaires de haut pris », composés des plus fines et des plus rares épi-
ces, la Faculté répond de leur salut.
Ce poème, publié d'après le manuscrit de la bibliothèque du Palais
Saint-Pierre, ne vaut pas grand'chose par le style. L'auteur qui donne
énigmatiquement son nom, Olivier de La Haye (voir la p. 167) s'excuse
de n'être pas savant dans le « langage de France », en prétextant que
sa mère « estoit pure Brete », et il ajoute, non sans raison, que les ter-
mes de médecine
Sont trop merveilleux et divers
A faire rime et joliz vers.
Il a fait suivre son poème d'un glossaire des termes techniques qu'il a
employés, lequel est très précieux pour l'histoire de notre langue. On y
trouve les mots altérable, aptitude, centre, contingence, consistance,
directif, /iimiger, mastiquer^ etc. qui n'ont pas d'historique ou n'ont
qu'un historique insuffisant dans le dictionnaire de Littré. Seulement
il est fâcheux que le traducteur ne comprenne pas toujours ou définisse
par des à peu près les vocables très curieux de l'ancienne médecine. Le
devoir de l'éditeur était de tâcher à les éclaircir : c'est ce qu'il n'a fait que ^j
très imparfaitement.
A. Delboulle.
DHISTOIRB ET DE LITTERATURB igi
124. — Ernest Lesigne. La fin d'une légende. Vie de .leanne tî'Afc.
I vol. in-i2, 252 pages. Bayle, Paris, 1889.
II est évident pour nous que l'histoire de Jeanne d'Arc telle qu'on la
raconte couramment est légendaire. Pas plus que M. Lesigne, nous ne
saurions admettre que Jeanne seule eût sauvé la France. Le roi Char-
les VII et ses conseillers, par leur habileté politique ; les généraux
comme Richemond, La Hire etc, par leur courage; les états généraux
et provinciaux, par leurs sacrifices pécuniares, ont concouru pour une
très forte part au salut du royaume. Si la Pucelle était venue plus tôt,
si elle avait trouvé un roi plus indolent, des soldats moins aguerris, une
artillerie moins perfectionnée, une nation moins résignée à fournir des
subsides, elle eût échoué et elle serait rentrée dans l'obscurité, comme
tant d'autres voyantes de cette époque. Mais elle est arrivée au moment
opportun, et son apparition a précipité l'œuvre de la délivrance : sans
connaître, comme on l'a prétendu, les règles de la stratégie, elle s'est
battue avec courage, elle a entraîné les soldats à la victoire, elle a été
blessée et elle est morte pour la patrie. Certes ce sont là des motifs suf-
fisants pour justifier les éloges qu^on lui accorde à notre époque, et les
nombreuses statues qu'on se propose de lui élever.
M. L. n'a pas gardé cette juste mesure. Il a voulu dérober toute gloire
à la bonne Lorraine ; il a fait d'elle une hallucinée et rien qu'une hallu-
cinée. Bien plus, il a soutenu que Jeanne n'a jamais été brûlée. Le 3o
mai 143 1, on aurait donné lecture à la Pucelle de la sentence. 1 Les juges
ecclésiastiques prièrent la justice séculière d'agir doucement avec elle,
c'est-à-dire de ne la condamner ni à la mutilation des membres ni à la
mort. » Puis Jeanne aurait disparu (comment, M. L. néglige ce détail);
dans tous les cas, on la retrouva un peu plus tard mariée à un che-
valier lorrain, Robert des Armoises. Ainsi, celte fameuse Claude qui,
en i4?6, prit dans les environs de Metz le nom de Jeanne du Lis,
serait la véritable Jeanne d'Arc !
M. Lesigne n'a pas voulu se moquer de nous; il est très-sérieux dans
son livre. Son éditeur nous apprend que, pendant plusieurs années, il
s'est livré à « un travail opiniâtre », à « des recherches soutenues. » Lui*
même laisse entendre qu'il a « totalisé tout un monde de documents. »
lia en effet lu certains traités de médecine d'où il a tiré quelques dé-
tails pathologiques fort déplaisants: mais il ignore, à coup sûr, les chro-
niques historiques et les ouvrages modernes traitant du même sujet ; il ne
connaît même pas de nom MM. Siméon Luce et de Beaucourt ; il a
fort mal lu Valletde Viriville; sans quoi, comment aurait-il pu écrire :
« Il n'y a jamais eu de fausse Jeanne d'Arc. M . Vallet de Viriville fait cette
confusion dans sa traduction du procès de condamnation de Jeanne; mais
il a loyalement reconnu son erreur, dans son Histoire de Charles VII. »
Nous n'avons pu découvrir cette rectification dans VHistoire de Char-
les F//(t. IL p. 366 et ss.) D'ailleurs l'/Zw^o/rerfe Charles VII, termi-
née en i865, est antérieure au Procès de condamnation de Jeanne d'Arc
192 REVUE CRITIQUE
traduit du latin et publié chez Didot en 1S67. On devine que Fau-
teur, étant aussi mal informé, a commis de nombreuses erreurs. Il fait
naître Jeanne en 1409 (en réalité elle est venue au monde le 6 janvier
1412); il prétend que Domrémy appartenait au duc de Bar (la plus
grande partie du village relevait de la châtellenie française de Vau-
couleurs] ; il écrit Marcey pour Maxey; il parle d'un traité conclu en
141 8 entre le Dauphin Charles et le duc de Lorraine, etc. etc. Il est
inutile d'insister davantage sur un livre aussi mauvais que prétentieux.
Ch. Pfister.
125. — Lodovico Zdekauer. stutlî PistoicsS, fasc. I. Un vol. in-8 de 73 pp.
Torrini, Sienne. 2 fis.
M. Zdekauer, qui a publié en 1888 \t Statutum potestatis communis
Pistorii, et qui prépare l'édition du Codice Diplomatico Pistoiese^
publie simultanément des études critiques sur divers points de Phistoire
de Pistoie, dont le présent volume est un premier spécimen. Les deux
travaux qu'il contient ont du reste été publiés déjà dans les Studi
Senesi, t. V, fasc. III-IV, et t. VI fasc, L — Dans la première étude
Focaccia de Cancellieri ed il cap. VI délie Istoric Pistoiesi (pp. 7-16).
M. Zd. établit au moyen d'un document retrouvé par lui dans PAr-
chivio del commune de Pistoie, Opéra di S. Jacopo, cod. I (mise.)
f. 119 et qui est une sentence au criminel du podestat datée du 3i oc-
tobre 1293 : 1° Tautorité du chap. vi des Ist. Pist. pour le récit de
l'assassinat de Delto di S. de' Cancellieri Neri; 2" la date de cet assas-
sinat (octobre 1293). La série de déductions par laquelle il essaie de
fixer à 1267 (au lieu de 1272), la date de la formation des partis à
Pistoie me semble un peu trop hypothétique. — Dans la seconde étude
// consiglio XVI. to di Dino di Miigello (pp. 17-52). M. Zd. s^'efTorce
de rattacher cette consultation, donnée au sujet d'un appel de cautions
en paiement d'une amende de 3, 000 fr. par le podestat de Pistoie, à
l'assassinat de Bertacca de' Cancellieri, père de Focaccia, par Fredo (ou
Fredi) di Detto di S. de' Cane. C'est vraisemblable. M. Zd. fait une
généalogie très complète, un peu confuse, des Cancellieri du xiii« siècle
et étudie la situation juridique du bâtard d'après le statut de Pistoie, et
la valeur de la consultation de Dino. Ces deux études constituent une
importante contribution à l'histoire de Pistoie au xiii^ siècle et donnent
envie de voir paraître bientôt de nouveaux fascicules de ce livre. Les
pp. 53-73 de celui-ci sont occupées par huit documents du xiii« siècle
extraits de TArchivio de Pistoie et relatifs soit à la famille des Cancel-
lieri soit aux querelles des Neri et des Bianchi. — Le style italien de
M. Zdekauer est généralement correct, mais il est facile toutefois d'y
reconnaître l'origine étrangère de l'auteur. La correction typographique
de ce volume aurait pu être plus soignée.
L. G. P.
D HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE ig3
126.— lUémoireilu baron Hoëguei», financier-diplomate, concernant la France
et la Suède 1700 à 1767, publié avec des notes et documents inédits relatifs aux
relations du Baron avec la célèbre actrice Desmares, par F. Pouy. Amiens,
Delattre-Lenoel, 1890, 1890, in-8 de 40 p.
M. F, Pouy constate tout d'abord qu'on chercherait en vain dans un
livre français un article un peu étendu concernant le baron Antoine
Hogguer, et cependant, dit-il, ce financier diplomate doit être cité parmi
ceux qui ont rendu de grands services à la France dans ses moments
de détresse et de crise publique, sous Louis XIV, et pendant la mino-
rité de Louis XV, sous la régence. Il nous apprend ensuite que les
ancêtres du banquier sont d'origine suédoise et qu'ils se fixèrent en
Suisse, où naquit A. Hogguer vers 1680; que, dès 1711, Louis XIV
récompensa les doubles services du financier et de l'agent de diplomatie
secrète en érigeant pour lui en baronnie la terre de Presles, comprenant
les seigneuries de Combreux et Vignoles, avec leurs dépendances, le
tout situé près de Tournont (Seine-et-Marne); enfin qu'il décéda sans
postérité à Vaugirard, le 10 janvier 1767.
Après nous avoir donné ces indications, M. F. reproduit un mémoire
fort curieux qu'il a trouvé chez un marchand de vieux papiers et dans
lequel Hogguer fournit divers détails sur sa famille, notamment sur
son frère aîné ',sur ses propres aventures^, sur plusieurs grands person-
nages avec lesquels il fut en relation, les contrôleurs généraux des
finances Chamillart et Desmnrets, le duc de Chevreuse, le duc de
Noailles, le garde des sceaux d'Argenson, Law ^, le Régent, le baron de
Gortz, ministre du roi de Suède à Paris, l'abbé Dubois, quMl juge aussi
durement que le jugeait la princesse Palatine, les frères Paris, le cardi-
nal Fleury, etc. L'éditeur a enrichi le mémoire d'annotations excellentes.
Les dernières pages de la brochure sont les plus piquantes, comme
le laisse facilement deviner leur titre : Desmares Christine Antoinette
Charlotte^ actrice à la Comédie française, ses relations avec le finan-
cier Hogguer. M. P. a rédigé ces pages d'après de nombreuses pièces
manuscrites qui se trouvent aux Archives nationales, dans les cartons
relatifs aux atiaires d'Hogguer et à sa déconfiture. Ajoutons que cette
déconfiture fut amenée par les folles dépenses du financier amoureux
de la belle actrice qui avait inspiré au Régent une si vive passion. Parmi
ces dépenses signalons 11,600 livres pour étoffes d'or et tie soie,
1. « Mon aîné fait sa résidence à Coppet, petite ville de Suisse, dont il est baron
et seigneur, et doit succéder incessamment à mon père dans les fonctions de ministre
du roy de Suède auprès des cantons » (p. 10).
2. Le narrateur nous apprend (p. 1 1) qu'il passa en France à l'âge de 16 à 17 ans,
que son père lui remit cent mille écus, que le premier usage qu'il fit de cette
somme fut des plus heureux, car, s'étant trouvé à Bordeaux, il gagna en moins
d'un mois près de douze cent mille livres.
3. Hogguer (voir la page 18 de son Mémoire) donna au duc d'Orléans, qui Tavait
consulté, un avis défavorable aux dernières entreprises de Law, lequel ne lui par-^
donna jarnais un « pronostique qui ne s'est trouvé que trop juste ».
194 REVUE CRITIQUE
8,600 livres pour étoffes de tentures fabriquées à Amiens, 12,000 livres
pour travaux de peinture à l'hôtel de la rue de Varennes qu'allait
acheter un peu plus tard (6 août 1742) le duc de Villeroy.
T. DE L.
127. — Recueil des idoles tlu Coniîté de salut public avec la correspon-
dance officielle des représentants en mission et le Registre du Conseil exécutif
provisoire publié par F. -A. Aulard. Tome deuxième, 22 janvier 1793 — 3i mars
1790. Paris, Hachette, 1889. Gr. in-8, 63o p.
128. ~ Lo >*<>ciétê «Ses .Bîicolvîns, recueii.de documents pour l'iiistoire du club
des Jacobins de Paris, par F. -A. Aulard. Tome I, 1789-1790 Paris, Jouaust,
Noblet, Quantin, 1S89. ln-8, cxxvi et 494 p.
12q. — HïêîHoîj'es de B^otïvet de Couvi'aS sur la îtêvoluîion ffançaîse,
première édition complète avec préface, notes et tables, par F. -A. Aulard. Paris,
Jouaust, 1889. Deux volumes in-ib, xxviii et 256, 285 p. 6 francs.
Le deuxième volume du Recueil Aulard n'a pas tardé à suivre le
premier. Il s'étend du 22 janvier 1793 au 3i mars 1793. Il ne com-
prend pas seulement les procès-verbaux du comité de défense générale ; il
renferme aussi la correspondance officielle des représentants en mission
et les actes du conseil exécutif provisoire. Tous ces documents sont,
comme dans le premier tome, réunis d'après Tordre chronologique,
jour par jour, et accompagnés de notes instructives (cp. i^evi^e, 1889,
n° 40). On remarquera les p, 302-317: M. Aulard a reconstitué avec
beaucoup de peine et de patience, d'après la correspondance des com-
missaires et les pièces relatives à leurs faits et gestes dans la pro-
vince, la liste complète des conventionnels qui appartinrent à la
grande mission du 9 mars 1793 et des départements dans lesquels ils se
rendirent. Il ajoute à sa liste les titres des rapports imprimés dont ces
missions ont été l'objet et dit en peu de mots ce que les rapports nous
apprennent. Nous n'insistons pas davantage sur ce volume qui mérite
par l'exacte reproduction des documents, par le soin de l'annotation,
par son excellente table des matières, les mêmes éloges que son devan-
cier, et nous souhaitons que M. Aulard nous donne prochainement le
troisième tome de cette publication si importante et si précieuse. Mais
nous ne voulons pas la quitter, sans montrer par un seul exemple de
quelle utilité elle peut être. Ouvrez le Moniteur et lisez dans le compte-
rendu de la séance du 19 mars 1793 ce résumé d'une lettre des commis-
saires de la Convention en Belgique : 1 Ils annoncent qu'ils ont destitué
de ses fonctions le général... pour avoir négligé de mettre à exécution
le décret du i5 décembre. » P. 366 de son volume, M. Aulard nous
communique le texte de la lettre des commissaires et de leur arrêté de
destitution : ils ont destitué, non pas un général, mais un capitaine,
non parce qu'il n'exécutait pas le décret, mais parce qu'il l'exécutait
trop bien, pour n'avoir pas « empêché des profanations et des dégâts à
Sainte-Gudule ' m.
I. Lire p. m, Saint-Fief el non F. Fief; — p. 169, Bruix ctnon Bruis ; — p. 292,
Dornach et non Donnuch; — p. 332, Eickemeyer et non Echmayer ; — p. 355,
d'histoire et dk littérature Î95
En même temps qu'il fait paraître les Actes du comité de salut public
et des « missionnaires » de la Convention, M. Aulard publie un autre
Recueil de documents pour l'histoire du club des Jacobins de Paris.
Il divise ce recueil en trois parties : 1° de 1789 au i^r juin 1791,
moment où commence à paraître le journal qui rend compte, d'une
manière suivie, des séances des Jacobins; 2° du i"'' juin 1791 à la fin
de décembre 1793, moment oti ce journal cesse sa publication ; 3° de la
fin de décembre 1793 au 21 brumaire an III ou 11 novembre 1794,
moment où le club des Jacobins est fermé définitivement. Un Appendice
contiendra quelques textes sur les diverses sociétés politiques, club du
Manège, club du Panthéon, etc., où l'on voit revivre, sous le régime du
Directoire, l'ancien club des Jacobins. Mais, fort justement, M. A. ne
reproduit pas tous les textes qui se rapportent à Thistoire des Jacobins;
le nombre des volumes serait infini. Il ne réimprimera même pas le
Journal des Jacobins, de crainte de doubler l'étendue de sa publication,
et il se bornera à une analyse succincte de la feuille qu^on trouve d'ail-
leurs dans les grandes bibliothèques. Avant tout, il veut essayer de
suppléer, pour les deux premières années, ainsi que pour la dernière
année, à l'absence du Journal des Jacobins, et, pour la période même
où parut le Journal., il tâche de combler les lacunes qui s'y trouvent
(cp. Introd. p. cxxiv). Voici le premier volum.e relatif aux deux an-
nées 1790 et 1791. M. A. y a reproduit : 1° des discours publiés par
I ordre de la Société ou par l'initiative et aux frais d'un de ses orateurs;
2" des extraits de son procès-verbal qu'elle publiait dans des circons-
tances importantes ; 3° des parties de sa correspondance active, impri-
mées à part ou dans des journaux; 4° des renseignements sur ses
séances épars dans les journaux; 5° des pamphlets contre-révolution-
naires. Tous ces documents et opuscules nous renseignent sur le club
des Jacobins de Paris et sur l'idée qu'on s'en faisait. On y remarquera
le discours de Mosneron de l'Aunay sur les colonies et la traite des
noirs (p. 9-17), deux discours du fameux Peyssonnel sur la situation de
l'Europe (p. 17-28) et sur l'alliance de la France avec la Suisse et les
Grisons (p. 79-98), les Réflexions de Loyseau sur le plan de constitution
judiciaire de Du Port (p. 42-58) et son Opinion sur le mode de respon-
sabilité des agents du pouvoir exécutif (p. 1 16-129), ^^ projet d'adresse
I
Alost et non Alon ; — p. 383, Prûm et non Priinn; — p. 388, Sontag et non
Sonteg ; — p. Sgi, Beauvert et non Beauvais ; — p. 4qt, mettre 25 au lieu de i5;
— q. 494 et 544 on trouve la même lettre deux fois reproduite; — p. 464, la lettre
de Delacroix n'est donnée qu'en analyse, la voici textuelle presque en son entier :
« Si l'armée de Belgique ne reçoit pas des renforts, l'évacuation est inévitable.
Danton vous donnera à cet égard tous les renseignements nécessaires... Je vous
engage à prendre les mesures nécessaires pour l'approvisionnement de nos places
frontières devant lesquelles nos troupes vont se retirer incessamment. II serait peut-
être bon de faire travailler dès à présent à relever le camp de Maulde qui nous est
d'une très grande utilité. Songez au salut de l'armée; vous n'avez pas un instant à
perdre, et je crains bien que, malgré votre zèle et votre activité, vous ne soyez pas
à temps ».
ïg6 REVUE CRITIQUE
de Grouvelle sur le duel (p. 225-239), ^^^ idées de Carra sur l'organisa-
^on de l'armée (p. 241-246), l'Eloge de Loustallot par Camille Desmou.
lins (p. 288-297), la Requête de Reine Audu arrêtée après Taffaire des
5 et 6 octobre (p. 329-33o), le discours prononcé par La Harpe sur la
liberté du théâtre (p. 409-420), un mémoire de Chépy sur la délégation
de l'accusation publique (p, 404-437), etc. Des pamphlets terminent le
volume. M. A. a eu, en outre, Theureuse idée de reproduire des extraits
du Journal authentique du duc de Chartres qui fut présenté au club
le 22 octobre 1790 (p. 325) et nommé membre du comité des présenta-
tions (p. 345). Mais ce qu'il faut surtout louer dans son volume, c'est
V Introduction. M. A. donne d'abord tout ce qu'il a pu recueillir sur le
Club breton de Versailles, « réunion toute privée, secrète et réservée
aux seuls députés ». Puis il montre que ce Club breton devint la
Société des amis de la constitution établie à Paris aux Jacobins Saint-
Honoré à la lin de 1 789. Il décrit le local ou mieux les différents locaux
de la Société et reproduit le Règlement rédigé par Barnave, la liste
des membres imprimée le 21 décembre 1790, les trois listes des Socié-
tés affiliées parues en mars, mai et juin 179 t- Enfin, après avoir exposé
la législation des clubs, il cite et apprécie les ouvrages relatifs à This-
toire générale des Jacobins, livres et journaux. Ces dernières pages de
l'Introduction sont nourries, judicieuses et constituent une excellente
étude des sources ; on lira notamment avec grand profit tout ce qui
concerne la rédaction du Journal des Jacobins 1.
I. P. 2o5 Gouget des Landes, dont M. M. ignore la date de naissancel
avait, de son propre témoignage, trente-huit ans en 1793. — P. 4.00 lira
Sauer et non Saur. — La liste générale des membres du club renferme
des noms que M. A. a essayé de restituer et d'identifier. Je lui soumets les
notes suivantes. Aubrémé : D'Aubremé (ou d'Aubremez) réfugié belge; Aubviet
Aubrié, envoyé en 1792 dans les départements pour y propager l'esprit public;
Aiidibert-Caille : nommé comm.issaire de la marine et du commerce à Amsterdam à
la fin de 1792 ; Aii.iiffred : AudiftVet, employé à la Bibliothèque et collaborateur de
la Biographie universelle; Barbayitane : Y'ugeX.-^&i-hanldtne. (cp. sts Méni. p. 19);
Barneville : commissaire des guerres à l'armée d'Harviile en i7o3; Eéne^ei : Béne-
zech ; Bose ou Bo^e : Bosc ; Bresson : le futur député des Vosges à la Convention;
Brichard : il est mort sur l'échafaud ; Broglie (Victor) : il était prince, et non duc;
Buxot : Buzot; Canchois : Cauchois; Chanchat : Chauchat; Chapelle : le composi-
teur; Colot : siàrement Collot d'Herbois (cp. p. lxxviii); Damour : employé au bu-
reau du chiffre ; Dechapt : l'abbé Ghapt de Rastignac ; Delbecq : d'Elbhecq; Dou-
trepont : d'Outrepont, avocat et réfugié belge; Fevelat : missionnaire en Vendée et|
consul à Danzig ; Ilyon : Hion, commissaire à Troyes (cp. kvtntl. Lundis révol.
206); Lagarde : successeur de Noël à la rhétorique de Louis le Grand, employé au j
Comité du Salut public, etc.; Laqmante : Laquiante, le notaire de Strasbourg;,
Mendou^e : chef de bureau aux affaires étrangères; Metman : agent de la nati«
française en Belgique (avec Bourdois et Chépy) ; Meusnier : le célèbre général et ac
démicien ; Ailles : le correscondant et ami de Maretet de Le Brun ; Œlsner : l'éc^
vain allemand ; Papion : sans doute Papillon; Pascal : secrétaire de Dumourie^
Patris : commissaire de section, officier municipal, chef de bureau du chiffre
Comité de salut public; Robert : le journaliste et conventionnel; Rochejean ■
grand-vicaire terroriste de Blois; Ru^illy : Razilly; Sandelin ; avocat et, conu
d'histoire et dk littératurk 197
A ces publications de M, Aulard s'ajoute une édition nouvelle des
Mémoires de Louvet. Les éditions antérieures ne contenaient pas une
première partie des Mémoires composée par Louvet à Saint- Emilion et
demeurée entre les mains de Mi'je Bouquey. Lorsque le girondin, réfu-
gié dans le Jura, se remit à écrire, il refit cette première partie, mais
très brièvement et en laissant de côté de curieux détails. Les pages rédi-
gées à Saint-Emilion, achetées par la Bibliothèque nationale, signalées
et décrites par Dauban et Vatel, analysées déjà par M. A. dans la i^evo-
lution française, paraissent aujourd'hui pour la première fois, en tête
des Mémoires de Louvet, à la place des pages sommaires qu'il avait
écrites après coup. M. A. a donc le droit de dire que cette édition des
Mémoires est la première qui soit complète. Il y joint le texte de trois
pamphlets de Louvet contre Robespierre et les Montagnards (II, p. 84-
271). On relira volontiers, dans une édition joliment imprimée par
Jouaust, ces Mémoires dramatiques où Louvet a retracé la fuite des
Girondins, la résolution désespérée qui le pousse de Périgueux à Paris,
son voyage terrible à travers la France, son séjour à Paris, sa retraite
dans les montagnes du Jura à deux pas de la frontière. M. A. a fait pré-
céder les Mémoires d'une préface (p. i-xxviu) oti il apprécie le talent
souple et ingénieux de Louvet et raconte d'une façon très intéressante
les péripéties de son existence. Il a divisé en dix chapitres ce texte « très
touffu et où, faute de point de repère, les recherches sont très diffici-
les ». Il a mis des notes historiques au bas des pages et rédigé un index
alphabétique qui est complet et rendra des services ^.
A. Chuquet.
i3o. — Ch. RiciiET. t,a ctiaîeuB* animale. (Biblioth. scient, internat., t. 65).
Paris, Alcan, 1889, Soy p. in-8. 6 fr.
i3i. — A. Falsan. iLa péi-iotlc glaciaire, étudiée principalement en France et
en Suisse (id., t. 66), ibid., 364 p. in-8. 6 fr.
i32. — H. Beaunis. Les ecnsations inlei'nes (id., t. 67), ibid., 256 p. in-8. 6 fr.
I. Personne n'ignore la compétence de M. Ch. Richet en matière de
chaleur animale. On pouvait donc être assuré que le sujet serait savam-
Saint-Remi, réfugié beige; Saiitereau, directeur de !'« Almanach des Muses »,
liomme de lettres, un des précieux auxiliaiees de M.d'Hauterive; Sauthonay : pour-
quoi pas « Santhonax »?; Schlaberndorf (et non Schlabrendorf : l'original révolu-
tionnaire décrit par Rist, Mém. 1, 263-263 et par Avenel, Lundis revol., 81; Sii-
tières : envoyé à Metz avec Paris et Fréron par le conseil exécutif en septembre 1792
(Recueil Aulard, I, 38 1); Schiiut;^ : Schmutz, jacobin de Strasbourg et archiviste des
aftaires étrangères; TI:omassi)i : encore un Strasbourgeois; Venniuac : Verninac;
Vitry- : employé, comme Févelat, au bureau des fonds du ministère des aftaires
étrangères.
1. L'annotation est peut-être un peu maigre. Tome I, p. 20, lire « sauvant » au
au lieu souvent et p. 23 Dazincourt au lieu de D'A;:[incour. A l'index, art. Beysscr
mettre 169 à la place de 168 et 1 12 à la place de 12 ; Es tienne était, non pas « com-
missaire du Conseil exécutif», mais» général » de la légion des Sans-Culottes de
Bruxelles.
igS REVUE CRITIQUE
ment et complètement traité, et l'attente n'est point déçue. J'y mets une
seule restriction : l'excellence du fond eût gagné à être appuyée d'une
perfection égale de la forme; or, il est manifeste que nous avons devant
nous des leçons et des notes de cours qui réclamaient un remaniement.
La preuve en est d'abord dans un défaut général de composition : l'au-
teur annonce deux grandes divisions de son sujet (divisions factices d'ail-
leurs, comme le prouve tout Poiivrage), et ne traite expressément que
la première. La preuve en est ensuite dans le manque d'indications pré-
cises des sources où puise l'auteur ; sans lui demander ce qu'il appelle
« des amas indigestes de documents, qui sont le plus souvent stériles »,
il y avait place pour quelques renseignements de bibliographie, tant
historique que contemporaine, dans un livre qui est mieux que de la
simple vulgarisation. La preuve en est enfin, sans parler de certaines
recommandations techniques trop minutieuses, qui sont tout au plus à
leur place dans un cours i, dans l'apparence un peu lâchée d'une élo-
quence parfois familière et souvent désordonnée.
IL Le livre de M. Faisan est tout à fait bon. Les faits y sont décrits^j
et les théories y sont exposées et discutées avec une remarquable netteté.
L'abondance des renseignements historiques et la précision des infor-
mations bibliographiques font de cet ouvrage un répertoire peut-être|
unique, où les géographes de la nouvelle école, pour ne pas parler des.
géologues, trouveront à faire leur profit. Je ne puis exprimer qu'un'
regret, c'est que la théorie de la concentration du soleil, sous sa forme
la plus nouvelle, y soit exposée avec trop de sobriété; peut-être y avait-
il lieu d'intervenir d'une manière plus expresse et plus décidée dans laj
discussion soulevée par les travaux récents de M. de Lapparent.
IIL II vaut mieux le dire tout franchement : les « Sensations internes »
ont été une déception pour ceux qui connaissent et apprécient à sa
valeur la science remarquablement instruite de M. Beaunis. Ce n'est
pas qu'on n'y retrouve les qualités distinguées qu'on sait à l'auteur^
une intelligence très ouverte et très cultivée, et une sûreté très attentive
et maîtresse d'elle-même en tout ce qui est de pure physiologie ; mais les
parties proprement psychologiques laissent après elles l'impression de
je ne sais quoi de vide et d'inachevé. La faute n'en est pas à un manque
de connaissances et de réflexion psychologique, mais sans doute à la
hâte manifeste avec laquelle cette esquisse a été tracée ~. Personne ne tient
quitte M. Beaunis de l'étude complète et approfondie que mérite le sujet.
Lucien Herr.
1. P. i3. Il faut se servir d'un thermomètre d'une précision absolue; p. i6, il
faut se tenir en garde contre les fautes d'impression des ouvrages où l'on puise;
p. 17 « de part la moyenne (de la température du chien) nous ne pourrons évidem-
ment savoir quelle température aura tel chien donné », etc.
2. Comment M. Beaunis laisse-t-il imprimer deux fois, à deux pages de distance
(p. 100 et 102) William Jones pour James ? Il est clair que ce n'est pas là une faute
d'impression-, c'est une erreur de mémoire qui dénote une rédaction précipitée.
à
D^HISTOIRE ET DE LITTERVIUKIi igg
CORRESPONDANCE
La Revue critique (no 8, p. i52), orthographie Songe de Polyphile. La faute
est commune, et M. Mûntz lui-même écrit toujours Polyphile dans son « Histoire de
l'art pendant la Renaissance ». C'est pourtant un véritable contre-sens. Il faut écrire
Poliphile (amant de Polia). J'ai sous les yeux le beau volume de i56i, Paris, pour
Jacques Kerver à la Licorne; partout on lit Poliphile et sur le titre d'abord Hypne-
rotomachie ou Discours du Songe de Poliphile déduisant comme Amour le combat
à l'occasion de Polia. — A. Roussel.
Je n'ai pu revoir à temps l'épreuve de mon article sur le récent fascicule de l'ou-
vrage de M. ScHûRER, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi (cp.
n» 8, p. 143). Mais les renseignements qui suivent, ne seront pas, je crois, inutiles.
La première édition (1874), formait un volume de 696 pages, divisé en une histoire
politique et un tableau de la vie intérieure du peuple juif . Dès 1886, la seconde partie
a paru en une deuxième édition, en un volume de 884 pages, sous le titre Die in-
neren Zustaende Palaestinas iind des jûdischen Volkes im Zeitalter J. C. L'ou-
vrage sera donc complet, lors de la publication du fascicule annoncé qui terminera
l'histoire politique. Le livre, sous sa nouvelle forme, aura plus que doublé au grand
profit des travailleurs. — M. V.
CHRONIQUE
BELGIQUE. — Une Société d'histoire et de géographie s'est fondée à l'Université
de Liège. Elle a pour but d'approfondir, au moyen de réunions hebdomadaires,
d'une bibliothèque et de la publication d'un bulletin périodique, l'étude de l'histoire,
de la géographie et des sciences qui s'y rattachent. Le premier Bulletin de la Société
(Liège, imprimerie liégeoise. In-80, 67 p.) vient de paraître. Il contient les articles
suivants : i° P. Fredericq, L'emploi des langues dans la Belgique du passé ; c'est
le résumé d'une conférence; selon M. Fredericq, il faut mettre, comme dans l'an-
cienne principauté épiscopale de Liège, comme dans la confédération helvétique, les
deux idiomes, français et flamand, sur un pied complet d'égalité; — 2° Abel LEFRA^'C,
Notes sur la nation d'Allemagne à l' Université de Paris au xv^ siècle : M. Lefranc
a trouvé aux archives nationales de Paris quatre registres des comptes de la nation
d'Allemagne, comptes qui ont conservé la liste exacie et complète des étudiants te-
nus de payer une cotisation selon leur bourse ou somme nécessaire à leur entretien;
il fait à ce propos quelques remarques fort instructives sur le rôle de la nation, sur
la nationalité des étudiants, sur le parti qu'on peut tirer de ces listes; il donne enfin
le compte qui va de la Saint-Mathieu de 147 1 à celle de 1472 et qui « donne mieux
que tout autre exposé, une idée de l'organisation de la nation germanique à cette
époque, de ses charges, de ses obligations, et de l'ensemble de son budget » ; — 3°
E. B., Les bibliographies des bibliographies ; — 40 H. Boddaert, Contribution à
l'étude de l'œuvre politique des ducs de Bourgogne dans les Pay^s-Bas : M. B. mon-
tie que Charles le Téméraire, levant des taxes sur le Franc de Bruges, répondait à
toutes les récriminations en invoquant un intérêt national ; il se sentait chef d'un
200 RKVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTERATURE
état unifie, el comme roi des Belges; l'opposition, des communes tut réactionnaire,
inintelligente, et surtout antinationale(p. 52-53); — 5° Camena. d'Almeida, Les forets
et les climats : « La forêt est un agent modérateur; elle atténue les climats extrêmes,
entretient l'humidité, rend le cours des eaux plus régulier et les inondations moins
fréquentes ».
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 2 j février i8qo.
M. .lames Darmesteter termine sa communication sur la grande inscription de
Candahar .
L'épigraphie de l'Afghanistan était restée jusqu'à présent, dit M. Darmesteter, in-
connue, le pays étant fermé aux Européens, et les Anglais, lors de leurs deux ex-
péditions, en 1839 et en 1879, ayant négligé de prendre des copies des inscrip-
tions qu'ils rencontraient. Mais M. Darmesteter vient d'obtenir indirectement
copie d"une grande inscription p)ersane de Candahar, souvent signalée par les voya-
geurs. Ce texte lui a été communiqué par l'entremise d'un agent politique anglais
du Béloutchistan, le lieutenant William Archer, qui en a fait prendre copie, sur sa
demande, par le correspondant indigène du gouvernement de Candahar.
La première partie de l'inscription date de 1322; elle a été gravée pour commé-
morer la prise de Candahar par l'empereur Bâber, événement décisif dans la carrière
de ce prince, car Candahar lui ouvrait la route de l'Inde et c'est à la suite de cette
conquête qu'il s'empara de tout pays et fonda l'empire du Grand-Mogol.
La seconde partie de l'inscription est de l'an 1598 de notre ère, c'est-à-dire du
temps de l'empereur Akbar. Elle contient un résumé de l'histoire de Candahar, de-
puis Bâber jusqu'à Akbar, et une liste des provinces et des villes principales de
l'empire du Grand-Mogol.
M. Joseph Halévy commence la lecture d'une série de remarques philologiques
sur les textes araméens qui viennent d'être publiés, par les soins de l'Académie et
particulièrement de M. le marquis de Vogué, dans la dernière livraison du Corpus
inscriptionum semiticarum.
M. le marquis de Vogué est heureux de constater que, s'il y a quelques diversités
entre les interprétations proposées par M. Halévy et celles qui avaient été données
par les auteurs du Corpus, c'est uniquement sur des points d'ordre secondaire.
M. VioUet termine la seconde lecture de son mémoire sur le régime successoral
appelé tanistry.
Ouvrages présentés : — par M. de Barthélémy : Boudet fMarcellin), la Source
minérale gallo-romaine de Coren et son trésor (extrait du Bulletin de l'Académie
des sciences, belles-lettres et arts de Clermont-Ferrand) ; — par l'auteur : Schlum-
BERGER, Un Empereur romain au x' siècle, Nicéphore Phocas.
Julien Havet.
I
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du i g février.
M. de Villefosse offre à la Société, de la part de M. C.-J. Penon, associé corres-
pondant, un mémoire intitulé « Etudes sur les origines de Marseille ».
M. Guitfrey fait une communication sur une médaille de François II de Carare
qui reprit Padoue en iSgo.
M. l'abbé Thédenat communique un petit mortier en marbre appelé akonè par les
médecins grecs et coticula par les médecins latins. Il porte sur un tranchant le nom
Tulius. Ce petit monument, fait assez rare, possède encore son pilon.
M. Homolle établit, grâce aux inventaires de Délos, que la domination des Athé-
niens dans cette île a pris fin en l'année 3 1 5-3 14.
M. Courajod entretient la Société d'un buste en marbre représentant Dominique
de Vie, vicomte d'Ermenonville, vice-amiral de France, sculpté par Guillaume Dupré
en 1610. Ce monument avait fait précédemment partie du Musée des Petits-Augus-
tins.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Fuy, imprimerie Marchessou /ils, boulevard Saint-Laurent, 33.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 11 - 17 mars — 1890
iSomniiiîre : i33. Meisterhans, Grammaire des inscriptions atiiques. — 134.
GuRLiTT, Pausanias. — i35. Juvenal, p. p. Wagner. — i36. Juritsch. Otton de
Bamberg.— ii-] . Du Bois de La Villehabel, La légende de Saint Yves. — i38.
Parfouru, Deux bourgeois d'Auch à la cour de France. — iSq. Laugel, Rohan.
— 140. BiRCH-HiRSCHFELD, Histoiie de la littérature française. — 141. Lebarq,
Histoire critique de la prédication de Bossuet. — 142. Geiger, Annuaire de
Gœthe, X. — Lettre de M. Bourgoin et réponse de M. Delboulle. — Chronique.
Académie des Inscriptions. -— Société des Antiquaires de France.
l33. — Meisterhans. Gi-ammatîk dei* attîscUen laiseSii'îfteii, 2* édition
Berlin, Weidmann, 1888, xu-237 p.
Cette nouvelle édition de l'excellent livre de M. Meisterhans est,
comme on pouvait s'y attendre, considérablement augmentée; le nom-
bre des pages en a doublé; l'auteur a ajouté une grande quantité de
faits recueillis dans les inscriptions attiques publiées depuis 1 885, et,
avec la conscience qui caractérise le vrai savant, il a su mettre à profit
les critiques faites à sa première édition par divers recenseurs, notam-
ment par M. Riemann; certains auteurs n'ont pas la même modestie.
M. M. y a gagné de rendre son ouvrage plus nécessaire encore, s'il est
possible, à tous ceux qui s'occupent du dialecte attique. La Grammaire
des Inscriptions attiques devra sans doute, comme tous les ouvrages
de ce genre, être tenue au courant; mais elle n'a plus à enregistrer que
des faits de détail, elle est pour ainsi dire complète maintenant, et les
desiderata que Ton pourrait signaler sont de peu d'importance. Par
exemple, on apprendrait avec plaisir, au § yS, si les inscriptions atti-
ques nous donnent des témoignages particuliers sur les verbes qui n'ont
que la forme moyenne du futur, et sur ceux dont le futur actif et le fu-
tur moyen sont également usités. — Le parfait 'uéOrj/.x est bien signalé
au g 74, 6 ; mais l'emploi isolé de àvaTsOrjy.îv en regard de Taor. àvé6r(y,Ev,
CIA. II, 835, 45, devrait être mentionné § 86 ^ à la syntaxe du par-
fait. Mais ces légères critiques, et celles que l'on pourrait encore faire
en entrant dans les moindres détails, ne sauraient prévaloir contre le
soin et la conscience que M. Meisterhans a apporté au perfectionnement
de son œuvre '.
My^
I . Ajouter à l'erratum de la page x : § 32, i 5 c lire Toùii/yjziizoj; au lieu de to6-j;ï)z. ;
§ 3o, 1, b lire Ojpo/.j.ij/.lii avec deux /.; § 72, i, lire sy/îy/i^îT^at et non i-/)s)..; § 78,
6, Tr,)iij.xyo\j au lieu de T...//y.'j; § 8g, 8 et notes 1678 et 1679, rétablir la date 284 au
lieu de 285 pour l'inscr. CIA, II, 314; note 532, le premier mot doit être lu [j^ârJoTr-
Tjsov et non \/.'J-]po~TO-j ; note 1182, avant-dernier mot iooj).r,Orrj, lire y,S.; note 1Ô77,
û:'TCTJ/(ov, lire ix/.zj/ioj. — Pourquoi M. M. écrit-il pp avec le double esprit.'
Nouvelle série, XXIX. 11
I
202 REVUE CRITIQUE
134. — GuRLiTT (Wilhelm). Uebor i*ausanisis, Graz, Leuschner u. Lubensky,
1S90, 494 p. in-8.
Nous exprimions ici même, il y a trois ans (Revue critique, 1887,
n° 38), en rendant compte de Touvrage de M. Kalkmann sur Pausanias
le Périégète, Topinion que ce livre n'e'tait pas de nature à rallier tous
les suffrages, et que le procès de Pausanias, au lieu de toucher à sa fin,
entrait plutôt dans une phase nouvelle, La violence de l'attaque appelait ^
en effet une riposte. On pourrait même s'étonner que cette riposte se fût
fait si longtemps attendre, si l'on ne savait avec quelle science et quelle
habileté M. Kalkmann avait rédigé son réquisitoire. Il ne suffisait pas
de répondre à un pareil travail par des réserves et des doutes, par des
objections plus ou moins timides : il fallait une réfutation, qui ne fût
ni moins habile ni moins savante.
M. W. Gurlitt a mis près de quatre ans à réunir les matériaux de
cette contre-enquête, et, non content de présenter au public des maté- ^
riaux, il s'est donné la peine de les classer méthodiquement, suivant "'
une idée maîtresse, en un mot de faire un livre. Malgré Taridité du
sujet et la multiplicité des détails, ce livre se lit sans peine d'un bout à
l'autre, et pourtant, pas une des preuves que l'on peut demander à un Û
travail de ce genre n'est épargnée au lecteur. Le secret de cette compo- l
sition lumineuse est dans un système de notes fort bien entendu : placées
à la suite de chacun des six chapitres que contient le volume et impri- j
mées en caractères plus fins, ces notes peuvent se consulter aisément,
grâce à la précaution excellente qu'a prise l'auteur d'indiquer, pour
chacune d'elles, le numéro de la page à laquelle elle se rapporte, et
aussi, en caractères plus gros, le sujet traité dans cette note. Quelques-
uns de ces appendices sont considérables. Enfin, M. G. n'a pas ménagé
les index : il nous donne une table des matières très complète, une liste
des mots grecs, une autre des noms d'auteurs anciens, avec Findication
des passages de chacun d'eux, enfin un index des inscriptions.
Nous n'avons loué encore dans le livre de M. G. que la clarté de la
mise en œuvre. La méthode ne nous paraît pas moins satisfaisante.
M. G. répond à M. Kalkmann et aux partisans de la même thèse en
attaquant leur principe même, c'est-à-dire l'idée qu'ils se font de Pau-
sanias, de son caractère et de son œuvre. C'est en effet par la base que
pèche toute la théorie nouvelle : Pausanias est-il un périégète ou un
romancier? un voyageur qui a vu, ou un compilateur qui a lu? Pour
répondre à ces questions, M. G. commence par interroger Pausanias
lui-même, c'est-à-dire par rechercher dans son livre tout ce qui concerne
sa patrie, la composition et le but de son ouvrage, ses voyages, ^^^Jl
sources où il a puisé, sa manière de citer les auteurs; en un mot, il sôlj
fait de lui une idée qu'il résume en ces termes : « Vers le milieu du
second siècle après J.-C, un Grec de Lydie, que nous pouvons appeler |B
Pausanias, d'après la tradition des manuscrits et les citations de son
I
i
D^HISTOIRE ET DE LITTERATURE 20 3
livre relevées dans divers auteurs, entreprit d'écrire un « Guide en
Grèce », où il voulut consigner dans un ordre topographique les plus
importantes (-à àzioXo-^ù-za-x) des curiosités (6E0)p-/)[;,a':a) qui existaient
encore de son temps {Xe'.z6\j.t'fci], et les traditions Çki-{Q:) qui se ratta-
chaient à ces monuments. Dans cette intention, il visite les contrées et
les villes de la Grèce, rassemble dans ses voyages des notices de toutes
sortes, recueille des renseignements, et dresse, en faisant un choix, la
liste des monuments remarquables, avec Pindication de leur état actuel.
En même temps, il se sert largement des écrits relatifs à son sujet. Il
compose et publie d'abord la partie de son ouvrage qui concerne TAt-
tique et la Mégaride; le reste ne paraît que plus tard. Mais les inter-
valles mêmes qui séparent la composition de ses différents livres n'ont
rien changé en général au plan de l'œuvre, n'en ont pas modifié le but,
n'ont pas fait abandonner à l'auteur sa méthode de description; ils ont
seulement rendu nécessaire une série de suppléments au premier livre;
de plus, on peut reconnaître dans les parties ultérieures une disposition
plus commode des matières, un style plus coulant et quelque différence
dans l'appréciation de certains mythes... L'auteur imite surtout Héro-
dote, et cherche par là à donner à son style une couleur archaïque; ses
idées religieuses se rattachent presque exclusivement aux mystères
d'Eleusis » (p. 53-54).
Après avoir tracé ce portrait de Pausanias, M. G. se demande si la
conception d'un tel personnage offre en elle-même quelque contradic-
tion, quelque invraisemblance : est-ce que cette figure n'est pas con-
forme à l'idée qu'on peut se faire d'un homme de ce temps? Quels traits
conteste-t-on? Est-ce la possibilité de ses voyages? Est-ce l'intention
qu'il aurait eue de recueillir sur place des traditions, et d'y joindre des
indications tirées d'oeuvres littéraires? Ou bien, ce qui serait plus grave,
les livres dont il prétend se servir n'existaient-ils plus alors? Les monu-
ments qu'il cite avaient-ils disparu? Ou leur état réel, tel que nous
pouvons nous le représenter d'après d'autres données, est-il en contra-
diction avec ce qu'il en dit? Ces questions amènent l'auteur à contrôler
l'autorité de Pausanias par une comparaison détaillée avec les résultats
des fouilles modernes. Les chapitres III, IV et V contiennent une cri-
tique approfondie de la description du Pirée, d'Athènes et d'Olympie,
c'est-à-dire des villes que les fouilles nous font le mieux connaître; et
la conclusion de ce travail est celle-ci : il n'est pas vrai que Pausanias
décrive un état de choses antérieur à son temps; il n'est pas vrai qu'on
puisse fixer dans l'histoire une date à partir de laquelle la description
des monuments, chez notre auteur, change tout à fait de caractère; en
d autres termes, il n'est pas prouvé que Pailsànias nous trompe en se
donnant pour un témoin oculaire des monuments qu'il signale dans
5on livre.
Nous nous garderons bien d'opposer aucune objection fondamentale
a cette conclusion, qui nous paraît en somme fort vraisemblable. Mais
204 RKVUE CRITIQUIC
il est permis de rester un peu sceptique sur l'emploi de preuves qui,
par leur nature, devraient être décisives, et que, de part et d'autre, on
continue à invoquer avec une égale confiance : si les fouilles d'Olympie
n'ont pas éclairé la question d\ine manière définitive, il est douteux que
des découvertes archéologiques offrent jamais des données plus com-
plètes et plus méthodiquement étudiées. On voudrait espérer que Del-
phes jettera un jour quelque lumière nouvelle sur ces problèmes
obscurs.
Am. Hauvette.
i35. — B>. Bunii Guuenalis Saiui-H3. Erkiairt von Andréas Wagner. Zweite
umgearbtiitete Autlage. Leipzig, Teubner, 1889, xxxn-3i3 pp. in-8.
Ce serait une erreur de juger des modifications apportées par M. Wa-
gner à son Juvénal d'après le compte des pages; leur nombre ii^est pas
sensiblement plus élevé dans la deuxième édition que dans la première]
Mais on peut dire qu^il n'y a presque pas une ligne qui ne porte des tral
ces de la révision sérieuse que M. W. a fait subir à son livre. L'introduc]
tion a été entièrement refaite d'après les travaux nombreux qui ont pari
depuis 1873 sur l'œuvre et l'époque de Juvénal. Le commentaire a étél
remanié; les annotations ont été abrégées et resserrées; des références à]
des ouvrages modernes un peu vieillis ou indiqués dans l'introduction, j
nombre de rapprochements avec les auteurs anciens faciles à faire à l'aide
des lexiques et des dictionnaires de tout genre ont disparu. On a ainsi
gagné de la place pour un très grand nombre de notes nouvelles, de tellefl
façon qu'on peut appeler vraiment ce commentaire un commentaire
perpétuel'. L'apparat critique abrégé qui occupait les dernières pages'
a été placé sous le texte, à la grande satisfaction du lecteur. On regrettera
la suppression des indices grammaticaux, métriques, etc. de la première
édition; la seconde ne présente plus qu'une liste des noms propres,
M. Wagner annonce, il est vrai, un Lexicon Iiiuenalianum : puisse-t-il
ne pas trop tarder.
P.-A. L.
t35. _ Georg Juritsch. Gescliîclite <les BiscIioffS Otto I von Bainberg»
«les l»ominorii-Ai>osteIs (1102-1139). I vol. in-8, xvi-479 pages. Gotha,
Pcrthes, 1889. , •.
L'évéque Otton I^r de Bamberg est Tune des personnalités les plus
curieuses de l'Allemagne, au début du xn" siècle. Non-seulement il se||
I. M. W. a fait effort, surtout dans l'introduction, pour faire entrer dans ses expli-,
cations les renseignements fournis par l'épigraphie. Cette partie du commentaire estj
restée néanmoins assez faible. C'est ainsi qu'il aurait pu identifier les deux fcmmesf
désignécsXlV, 25;cf. L. Renier, Mem. Ac. Insci: XXVI, 1, p. 291, n. i. Qui nous
donnera pour Juvénal une lable des noms de personnes comparable à l'admirable
index dressé par Mommsen pour l'édition Keil de Lettres de Pline i
I
d'histoire et de l;ttékatuhe 2o5
signale dans l'intérieur de son diocèse par de nombreuses réformes, in-
troduisant la règle de Hirschau au monastère de Michelsberg, construi-
sant l'abbaye d'Aura où bientôt Ekkehard écrira sa chronique, etc.,
mais encore il est mêlé à tous les grands événements de son époque; il
prend notamment une part très active ù la dernière phase de la que-
relle des investitures, Il avait appartenu à la chapelle de Henri IV;
néanmoins, une fois promu au siège de Bamberg, il sut se faire agréer
par le saint siège, et, jusqu'à la fin de sa vie, il suivit une politique
moyenne, également éloignée des excès des deux partis en présence; il ne
lança pasl'anathème contre Henri IV et ne maudit point sa mémoire,
après sa triste fin; quand, en Tannée ii i i, Henri V tint Pascal II pri-
sonnier dans la ville de Rome, il apporta quelque soulagement à la
triste situation du pape et mérita d'obtenir de lui lepalliwn. Il fut Pun
de ceux qui contribuèrent le plus à faire signer le concordat de Worms,
qui termina cette longue lutte : ce fut à Bamberg même que les pré-
lats allemands se réunirent, le jour de la Saint-Martin 1 122, pour don-
ner leur assentiment à cet acte si justement célèbre.
Cette conduite montre toute Fhabileré d'Otton; mais ses deux voya-
ges en Poméranie, en 11 24 et en 1 128, nous sont garants de sa piété et
lui ont valu à bon droit le titre de saint. 11 pénétra en missionnaire dans
ce pays, qui dépendait à ce moment de la Pologne, et le premier il éta-
blit des stations chrétiennes chez ces Slaves du continent aussi bien que
dans les îles situées à Fembouchure de l'Oder. Une vie d'Otton de Bam-
berg présente, par suite, un grand intérêt; nous ajoutons que les sources
ne font pas défaut pour cette oeuvre. Dans le codex Udalrici^ beaucoup
de documents concernent ce prélat; dans la chronique d'Ekkehard, on
peut retrouver ses sentiments sur la politique de son époque; puis trois
moines du xii^ siècle, Ebon et Herbord, de Tabbaye de Michelsberg
(dans Jatié, Momimenta bambergensia), et un anonyme qui habitait
selon toute apparence l'abbaye de Priiiiingen près cie Ratisbonne (voir
édition Koepke dans les Monumenta. Script, t. XII), nous ont laissé un
récit de ses exploits. On conçoit donc que le sujet ait tenté de nombreux
écrivains, et qu'il ait fait naître une toule de dissertations, notamment
sur les rapports des trois biographes les uns avec les autres.
M. Juritsch qui arrive le dernier ^, est le meilleur et le plus complet
des historiens d'Otton ; son livre est fait avec un très grand soin ; il
connaît tous les documents et il les manie avec art; son style coloré,
parfois un peu déclamatoire, rend la lecture de l'ouvrage attrayante.
Nous ne recommanderons à Fauteur que de mieux veiller à l'identifica-
tion des noms propres de géographie. Il parie à la page i6r d'une ah-
bayc de Haselbach en Alsace; il faut lire Haslach; il n'est d'ailleurs
pas bien sûr que dans les chartes de Henri II et de Conrad II il s'agisse
de l'abbaye alsacienne. Il cite à la page 2o3 Beureliaciim non loin de
I. Ou à peu près. M. Looshorn, dans le second volume de son Histoire de l'évéché
de Bamberg paru à Munich en 1889, a consacré un long cliapitre à l'évêque Otton.
206 REVUE CRrTIQUE
Mouzon ; c'est aujourd'hui Brévilly près de la Chiers, canton de Mou-
zon (Ardennes). Ce sont là de très petites taches ; nous avons relevé ces né-
gligences, parce qu'il nous fallait bien faire quelques critiques, ne tût-ce
que pour donner plus de prix à nos éloges.
Gh. Pfister.
iSy. — l>a Légende merveilleuse de Monseigneur Sainct Yves, Ornement de
son siècle, iMirouer des Ecclésiastiques. Advocat et Père des poures, veufves et
orphelins, Patron universel de la Bretaigne-Armoricque, i253-i3o3, imité des
Légendaires Bretons, par le v" Arthur Du Bois de l\ Villerabel. Illustrations
de Paul Chardin. Rennes, Hyacinthe Caillière, 1S89. Un vol. in-4, i58 p. 12 fr.
Littré, dans ses heures de loisir très rares et par manière de distrac*
tion, s'est amusé à traduire en vers, dans la langue du xni* siècle, d'ar
bord le premier chant de V Iliade, puis V Enfer de Dante. Pour exécuter
« ce petit travail de marqueterie », comme il l'appelle, il faut avoir lu
une grande quantité d'anciens textes, sinon on s'expose à faire des bar-
barismes, des anachronismes de langage, ou à user de tournures de
phrases qui contrastent de la façon la plus bizarre avec celles de notre
vieil idiome. Littré qui le connaissait si bien, qui en avait acquis un
sentiment très vif par les lectures les plus variées, n'a pourtant réussi
qu'à moitié dans ces essais. A son insu le français moderne s'est glissé
dans sa traduction de Dante; le lecteur est tout étonné d'y rencontrer
des mots comme « fracas, claquer, christianisme », auxquels il n'a
même pu donner un historique dans son Dictionnaire. On y trouve
encore « empoisser, enceinte, remoiirir, embarrasser^ sylvestre », et
beaucoup d'autres vocables qui sont inconnus aux xiii^ et xiv^ siècles. I
s'est même servi de mots qui paraissent n'avoir jamais existé, tels que
V. fluncel. guiance, niiileux » , ow leur a donné des acceptions qu'ils n'ont
pas dans le vieux français. Je citerai seulement poltron, terme qui n'a
pas d'autre sens que celui de « croupe, derrière », par lequel il traduit
c il petto =la poitrine ». A l'exemple de Littré, M. de La Villerabel a
entrepris de mettre en vieux français la Légende de saint Yves, « cet
avocat qui n'était pas un voleur », et le premier de sa profession qui ait
été canonisé. L'idée était heureuse : raconté dans la langue de nos pè-
res, le merveilleux nous semble tout simple, tout naturel. L'auteur a,
dit-il, édulcoré son escripl du suc d'excellents autheurs... J'arrête ici
M. de La Villerabel. Dans quel glossaire du moyen-âge a-t-il trouvé
édulcorer? S'il n'y avait que ce mot-là, mais il y en a des centaines
d'autres qui appartiennent aux xv^, xvi", xvn** et xvni^ siècles, de ma-
nière que chaque page du livre ressemble tout-à-fait à un habit d'Arle-
quin. On n'a jamais dit nuptial diW xiv"^ siècle, mais noceable ei peut-être
nocal; quant au verbe éduquer il est des plus modernes, ainsi que les
noms « robin = homme de robe, condisciple, galoubet, historiette. » Je
ne crois pas qu'on puisse rencontrer avant le xvi^ siècle des exemples de
a ululer, rutiler, halluciner, tracasserie, parangonner, prosa'ïque, chi
d'histoire et de littérature 207
mérique, barde, agonisant », pas plus que la locution « rabattre le ca-
quet. » Adlaisi, Adelaisi = qui a du loisir, ne date aussi que de cette
époque. Je voudrais savoir dans quel texte ancien ou même moderne
M. de La Villerabel a trouvé « forbeux — fourbe, cahoteux =^ (\m ca-
hote? »L^orthographe, au bon vieux temps, était moins variable qu'on ne
le croit généralement : je n'ai jamais vu s bachelerie, assaisonner, acerte-
ner, menée, » écrits « baschellerie, assaiczonner, ascertener, mesnée. »
Ces menues critiques montrent, et c'est tout ce que je voulais prouver,
qu'il est très difficile de faire un bon pastiche du vieux français; elles
n'empêcheront personne de lire avec intérêt les légendes gracieuses dont
ce volume est rempli, d'autant plus que le texte est très soigné, et qu'il
est encore embelli par les jolis crayons de M. P. Chardin.
A. Delboulle.
i38. — Voyage de deux Iiourgeois d'Aucli à la cour de France en iSîS et
i529, par Paul Parfouru, archiviste du département du Gers. Auch, Foix, 1889,
grand in-8 de 16 p.
Deux comptes en gascon (mélangé de quelques mots français), con-
servés dans les archives de la mairie d'Auch, contiennent un état dé-
taillé des dépenses d'un double voyage fait en i528 et 1529 à la cour
de France, où résidaient alors fleuri d'Albret, roi de Navarre, comte
d'Armagnac, et sa femme, Marguerite d'Angoulême, sœur de Fran-
çois Je'-. M. P. Parfouru nous donne une excellente analyse de ces docu-
ments qui se recommandaient à lui, comme ils se recommandent à
nous, par leur date, par l'idiome dans lequel ils sont écrits, par les per-
sonnages de marque qui s'y trouvent mentionnés. Les deux bourgeois
auxquels la ville d'Auch confia la mission d'aller plaider à Paris sa
cause, au sujet du siège de la Sénéchaussée qui avait été transportée à
Lectoure, Raymond de Bonnecaze, licencié en droits, et Bernard Ga-
bandé, sieur duFagel, se mirent en route le 14 juillet i528, après avoir
acheté trois chevaux 1, deux sacs en basane pour serrer les papiers et
une malle de voyage : ils emportaient la somme de 400 livres et étaient
escortés d'un page et d'un laquais. Ils allèrent souper et coucher à Con-
dom; ils dînèrent le lendemain à Nérac; ils passèrent ensuite à Dama-
zan, Marmande, Monségur, Saint-Émilion, Guîtres, Barbezieux, Vi-
vonne, Poitiers. Chàtellerault, Amboise, Blois, Orléans, Étampes,
Montlhéry ~. Le retour en Gascogne s'effectua par une route plus directe.
• — _ — . « —
1. Sur les infortunes de ces chevaux, l'an qui, trop faible, dijtêtre renvoyé de Né-
rac à Auch, l'autre qui tomba malade à Saint-Germain, 'x que era marfondut » et
qu'il fallut terriblement droguer, voir p. 7 et 8.
2. Le prix des repas variait d'une étape à l'autre : le dîner coûtait i5, 16 ou
17 sous, et le souper (avec coucher) i livre 5 sous ou i livre 6 sous et quelques de-
niers tournois. Voir p. 8-9 l'indication de diverses petites dépenses que tout sollici-
teur était tenu de faire dans les antichambres, les bureaux et chez les hommes de
loi.
208 RKVUK CRITIQUE
C'est presque le tracé actuel de la voie ferrée de Paris à Agen par Li-
moges. Le voyage avait duré 60 jours et coûté 184 livres. En témoi-
gnage de leur satisfaction, les consuls firent don à leurs députés d'une
somme de 72 livres, à titre d'honoraires (12 sous par jour). Mais comme
les habitants de Lectoure, menacés dans leurs intérêts, firent, de leur côté,
d'activés démarches pour conserver le siège convoité par la ville voisine,
un second voyage à la cour devint nécessaire. Raymond de Bonnecaze
repartit, accompagné, cette fois, de Guilhem de Authon ou Dauton.
L'itinéraire fut quelque peu différent. M. Parfouru reproduit (p. 12-
14) les articles du compte qui ont trait au séjour du député gascon à
Amboise, où la cour résidait alors. 11 y a là de fort curieux détails que
Ton voudra lire dans la brochure du savant archiviste.
T. DE L.
iSg. — Bienry «le Rohan. Son rôle politique et militaire sous Louis XIII
(i573-i638), par Auguste Laugel. Paris, Pion, 18S9, in-8, vii-445 p. 7 fr. 5o.
On peut différer d'avis quant à la manière d'écrire un livre. Mais,
s'il est une règle généralement admise, c'est -bien l'obligation pour tout
auteur quelque peu sérieux, de réunir les éléments d'une question avant
de songer à la traiter. M. Laugel s'est affranchi de ce principe. Y a-t-il
lieu dès lors, de s'étonner que son œuvre n'apporte aucune contribution
nouvelle à l'histoire des règnes de Henri IV et de Louis XIII?
Etranger à la bibliographie de son sujet, dédaigneux par système des.
sources manuscrites les plus indispensables, il apporte, par surcroît, unej
légèreté, à tout le moins étrange, dans l'identification des noms propres
qui se présentent au cours de son récit. Quelques dépêches inédites
d'une importance discutable — empruntées aux archives de Venise et
de Chantilly, marquent en somme le seul progrès réalisé par l'auteur
sur son devancier, M. Henry de la Garde. Celui-ci obtint jadis un prix
de l'Académie française pour son Histoire de Rohan. A mérites égaux,
M. Laugel pourrait briguer une distinction supérieure. Il est vrai que
l'on est en droit de se demander ; laquelle?
ROTT.
1^0. — Adolf iiiRCH-HlRSCHFELD. Gesel»îclite ïBei' ri'jinsEOesîsielien I>îttei"»>
tui" »eit Antamg «les XVI. Jahrhunderts. Erster Band. Das Zeiiaher der
Renaissance. Stuttgart, i88g, in-8, 3o2 et 5o pages.
il
L'histoire de notre littérature, depuis quelques années, excite de l'autre
côté du Rhin un intérêt qui ne s'épuise pas ; de 1878 à 1884, M. Ferdi-
nand Lotheissen en a fait un tableau curieux et étudié pendant le,
xvn^ siècle, et voilà que M. Adolf Birch-Hirschfeld lui consacre unj
premier volume, qui sera vraisemblablement suivi d'un nombre d'au-
tres assez considérable. Que se propose au juste le savant écrivain ? Ilj
II
d'histoire et de littérature
209
a cru inutile de nous le dire ; mais à en juger par le titre, l'ouvrage qu'il
entreprend pourrait aller, sinon jusqu^à nos jours, du moins jusqu'au
milieu de ce siècle. Gomme le premier volume s'arrête à la Pléiade, on
voit que beaucoup d'autres devront lui succéder. Mais sans préjuger ce
que M. A. B.-H. compte faire à l'avenir, voyons ce qu'il a déjà fait et
examinons ce qu'il nous donne aujourd'hui dans le premier volume,
qui est aussi le premier livre, de son ouvrage.
Ce livre, consacré au « siècle de Louis XII et de François I*"" », se
compose de six chapitres : le premier traite de a l'humanisme et de la
Réforme », le second de « la littérature dramatique », le troisième fait
rhistoire de « l'école des rhétoriqueurs », le quatrième parle de « Ma-
rot et de son école » ; « Lyon et la cour de Marguerite »>, tel est le titre
du cinquième » ; enfin dans le sixième, M. A. B.-H. retrace l'historique
du « roman et de la nouvelle ». Cette division simple et logique témoi-
gne déjà de la connaissance approfondie que l'auteur a de son sujet; la
manière dont il l'a traité le montre encore mieux. Partout M. A. B.-H.
apparaît également bien renseigné; au courant des dernières et des plus
importantes publications, il en a condensé et reproduit la substance
dans son livre; on y trouve un écho fidèle et sûr de tout ce qui a été
dit et pensé sur les écrivains français de la première moitié du xvi« siècle.
On sait quelles influences diverses ont agi sur le mouvement des es-
prits à cette grande époque; l'étude de l'antiquité — l'humanisme, —
et la Réforme sont les deux plus importantes ; c'est par elles aussi que
commence M. A, B.-H.; le chapitre qu'il leur a consacré, s'il n'est pas
le plus long, est un des meilleurs de son livre ; sous sa forme concise, il
nous fait très bien connaître les forces nouvelles qui vont transformer la
pensée humaine, ainsi que les écrivains qui les mettent en action. Éru-
dits et réformateurs, philosophes et novateurs nous sont présentés en
quelques mots qui les peignent.
M. A. B.-H, n'a pas moins bien résumé l'histoire de la poésie dra-
matique dans les vingt et quelques pages où il en raconte les diverses
phases; moralités, sotties, farces, représentations italiennes, pièces lati-
nes, il n'a rien omis des manifestations différentes de cet art qui va se
transformer sous l'influence de la Renaissance. Puis vient l'histoire de
l'Ecole des Rhétoriqueurs. Si l'on excepte Jean le Maire, on sait com-
bien furent médiocres les écrivains et surtout les poètes de cette école;
M. A. B.-H., preuve de son impartialité et de sa sympathie pour son
sujet, en parle sans mépris et le jugement qu'il porte sur les chefs et les
disciples est aussi équitable que sensé. Marot n'est pas moins bien
apprécié, ni sa vie moins bien racontée. Le réveil de la poésie qui se
manifeste avec lui, l'influence italienne qui se fait alors sentir et qu'il
subit en partie, ainsi que celles de la Réforme et de l'humanisme sont
fort bien caractérisés. Ses disciples Charles Fontaine, Mélin de Saint-
Gelais, François Habert ne sont pas moins bien jugés dans les quelques
pages qui en traitent.
2IO REVUE CRITIQUE
Le chapitre qui a pour titre « Lyon et la cour de Marguerite » est un
de ceux qui m'ont offert le plus d'intérêt ; c'est peut-être celui où il y a
le plus d'originalité. Le rôle de Lyon est parfaitement détini et son im-
portance littéraire appréciée. La personnalité de Marguerite d'Angou-
léme était plus connue ; M. A. B.-H. a su conserver tout son attrait à
cette figure sympathique et curieuse, dont Paction bienfaisante et paci-
ficatrice se fait sentir sur tout ce qui l'entoure. On retrouve encore, à
la fin du chapitre consacré au roman et à la nouvelle, la reine de Na-
varre, en sa qualité d'auteur de VHeptaméron, oeuvre que M. A. B.-H.
a étudiée fort longuement, et jugée avec une bienveillance peut-être
excessive. Il a passé d'autant plus rapidement sur les autres auteurs de
nouvelles, même sur Bonaventure Despériers, dont l'étude forme, avec
celle de VHeptaméron, le dernier paragraphe de ce chapitre. Des deux
autres, le premier traite des origines du roman chevaleresque et en par-
ticulier de l'Amadis, l'autre de celles du roman populaire, ce qui con-
duit naturellement au Gargantua et à Rabelais.
L'étude consacrée au célèbre écrivain est la plus longue et la plus
importante du livre, comme il en est lui-même la personnalité la plus
considérable. Les renseignements ne manquent pas sur l'auteur du Gar*
gantua ; mais la légende coudoie à chaque instant la vérité, et celle-ci
est bien souvent difficile à démêler; M. A. B.-H. a fait habilement le
départ entre le faux ou le fictif et le vrai, et il a donné de Rabelais une
biographie aussi bien composée qu'intéressante. 11 n'a pas moins bien
apprécié sous ses diff^érents aspects le Gargantua; le jugement qu'il
porte sur cette œuvre étrange est aussi équitable que sympathique; il
en met aussi bien en lumière les grandes qualités que les défauts. On le
voit, M. Adolf Birch-Hirschfeld possède de la littérature de son sujet,
comme du sujet lui-même, une profonde connaissance. C'est par l'étude
consciencieuse qu'il a faite des hommes et des choses que se recommande
surtout son livre; il est peut-être écrit d"'un style un peu terne; mais il
est bien composé, et le tableau intéressant et curieux qu'il nous offre du
mouvement littéraire en France pendant la première moitié du xvi^ siè-
cle nous fait désirer vivement que l'auteur ne nous fasse pas trop atten-|.
dre la suite de cet excellent manuel.
Ch. J.
141. — Histoire ci-îtique tie la prédication de Bossuet d'après les ma-
nuscrits autographes et des documents inédits, par l'abbé J. Leuarq, docteur
ès-lettres. — Société de Saint-Augustin, Desclée de Brouwer et C'', Lille et Paris,
1888, in-8, Tcx-469 pages.
La soutenance de cette thèse a obtenu en Sorbonne un succès d'autant
plus honorable que parmi les professeurs, tous dévots de Bossuet, dont
se composait le jury, il s'en trouvait deux, MM. Gazier et Croiset, qui
ayant eux-mêmes — le premier surtout — étudié les manuscrits des
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 2 f I
Sermons^ pouvaient d'une façon plus particulière apprécier les efforts
faits par M. l'abbé L. pour en élucider le texte et en établir Tordre
chronologique.
Cette partie d'érudition est en eflfet la plus étendue, comme la plus
estimable, de l'ouvrage de M. L., et elle mériterait ici un examen minu-
tieux. N'ayant pas les manuscrits à ma disposition, je dois me borner
quant à présent à faire connaître par une analyse générale le plan et le
contenu de cet intéressant travail.
Un index des documencs employés donne d'abord au lecteur une idée
des recherches que M. L. a dû faire un peu partout pour réunir la
matière même de son étude. Car si le gros des manuscrits de Bossuet
se trouve à Paris et à Meaux, il y en a aussi dans plusieurs collections
provinciales, publiques ou particulières, à Juilly, à Dijon, à Nancy, à
Limoges, en Normandie (chez M'"^ Floquet), en Auvergne (chez M.
Choussy). Et qui sait — bien que M. L. n'ait rien pu trouver à Téiran-
ger — s'il ne se cache pas encore quelques sermons en Belgique et en
Angleterre? M. L. a fait sans doute une abondante récolte: vingt-quatre
manuscrits retrouvés dont on n'avait que l'imprimé souvent fautif; un
sermon entièrement inédit pour la fête de la Conception; le troisième
point d^un sermon de 1654 pour Pâques; une Prœfatio inEvangelia...
Mais ces découvertes ne seront pas les dernières. Les fureteurs de biblio-
thèques ont toujours le devoir de diriger de ce côté leurs recherches, et
le droit d'espérer des surprises heureuses. Je leur signale le troi-
sième chapitre de la seconde partie de l'ouvrage de M. L. ; ils y trou-
veront rutile indication de tous les desiderata qui restent à combler.
L'ouvrage se divise en deux parties : V Histoire générale de la prédi-
cation de Bossuet et V Histoire particulière de tous les sermons conser-
vés ou perdus.
Le titre de la première n'en exprime pas très clairement le contenu :
ce sont en réalité des considérations générales sur la méthode de com-
position de Bossuet prédicateur, telle que les manuscrits nous en révè-
lent les procédés ordinaires. C'est ainsi que, dans le premier chapitre,
M. L. nous fait assister à ce qu'il appelle \di préparation éloignée des
sermons, autrement dit les lectures et les méditations dans lesquelles
Bossuet cherchait à l'avance l'aliment de sa parole sacerdotale. Cette
préparation, nous savions déjà, — ne fût-ce que par l'une de ces cu-
rieuses confidences que Bossuet consent parfois à laisser tomber du
haut de sa chaire, — qu'elle devait être sérieuse et savante; les recher-
ches des critiques modernes, en particulier de MM. Floquet et Gandar,
l'avaient plusieurs fois confirmé. Mais M. L. réussit à mettre en évi-
dence, plus précisément que l'on n'avait encore fait jusqu'ici, la
patience prévoyante avec laquelle Bossuet amassait les matériaux qu'il
devait plus tard mettre en œuvre. C'est ce que prouvent, en parti-
culier, des cahiers de Remarques morales et ^''Extraits des Pères,
cahiers que Dom Déforis avait infidèlement et incomplètement repro-
2 1 2 RBVUE CRITIQUB
duits. Étudiés de plus près, ils contribuent à nous faire plus exactement
apprécier le caractère propre et si souvent méconnu d'un génie essen-
tiellement laborieux. L'abbé Le Dieu prétendait, par exemple, que « le
long d'un Avent ou d'un Carême, Bossuet ne se préparait que
dans l'intervalle d'un sermon à l'autre », et, sur sa foi, Ton pouvait
s'imaginer le grand orateur chrétien composant ses sermons à peu près
en aussi grande hâte que Molière ses ballets pour la cour. Les docu-
ments retrouvés, examinés à nouveau et datés par M. L.^ nous appren-
nent au contraire à n'en pas douter qu' « avant d'entrer dans la compo-
sition des discours d''une de ses principales stations, Bossuet en avait
arrêté dans son esprit la série complète ». Cette légende d'un Bossuet
improvisateur s'était sans doute formée à l'origine pour la plus grande ]
gloire de son éloquence; mais il n'y a pas à en regretter la destruction; ;
la vérité vraie est tout aussi honorable à son génie. :
Voici une autre rectification. M. Gandar — un fervent admirateur de i;
Bossuet, cependant — ne croyait pas pouvoir affirmer qu'il fût « bel- \
léniste « en sortant du collège, et pensait qu'il ne l'était devenu a à |
fond » que beaucoup plus tard. « A fond » peut-être, mais, sans faire de
Bossuet un philologue, il n'en est pas moins incontestable que des notes j
autographes, écrites de i655 à i666, nous le montrent dès cette époque j
lisant très soigneusement les Pères grecs. Quelque menues que puissent )
paraître aux indifférents ces remarques de détail, ceux-là ne s'en plai-
gnent pas qui pensent que l'on n'a pas encore rendu assez de Justice à
la science et à la conscience dont Bossuet a fait preuve, dans presque il
tous les genres où Ta poussé son activité entreprenante.
Ajoutons que ces Extraits présentent quelquefois des canevas entiers
qui devraient reprendre rang dans la série chronologique des sermons.
M. L. leur donnera assurément une place dans l'édition qu'il prépare
des œuvres oratoires de Bossuet.
La date prochaine de cette publication me dispense d'énumérer toutes
les additions et tous les changements qu'une nouvelle étude des manus-
crits a fournis à M. L. Ses contributions à l'établissement du texte sont
nombreuses, et l'on comprend la satisfaction fière avec laquelle il se
vante, très justement, d' « une assez belle moisson ». Tout en nous
faisant assister, d'après les manuscrits, à l'élaboration d'un sermon de
Bossuet, M. L. relève les erreurs commises par les éditeurs, depuis
Déforis jusqu'à Lâchât, dans la reproduction des autographes, erreurs
fréquentes surtout dans les avant-propos et dans les exordes dont les
diverses rédactions ont été souvent confondues. Après M. Gandar, il a
travaillé à discerner ces interpolations maladroites, qui parfois faussent
gravement, dans une œuvre de Bossuet, le fond comme la forme. C'est
peut-être, en effet, à ces amalgames inintelligents qu'il faut attribuer
en partie l'impression produite par les plans de Bossuet sur des juges
difficiles, qui regrettent de n'y pas trouver cette netteté de Bourdaloue.
Il est vrai qu'il pourra se faire aussi, après l'expurgation définitive du
DHISTOIRK ET DE LITTÉRATURE 21 3
texte, que tel discours très touffu, dont les théologiens admiraient im-
prudemment la substantielle richesse et la plénitude doctrinale, se
trouvera peut-être trop allégé pour mériter cette louange, quand on
l'aura dégagé de la « contamination » d'un autre sermon que la har-
diesse des premiers éditeurs y avait adjoint d'autorité.
Quant à ces corrections dans le détail du texte, qui sont la récom-
pense de l'âpre travail de la recension des manuscrits, le second cha-
pitre de la première partie nous offre un choix des plus notables. Et les
restitutions de M. L. paraissent souvent déûniny es ; je ne dis pas toujours.
C'est ainsi que dans un passage du sermon de 1660, sur V Honneur, le
texte accepté par M. Gandar, par M. Gazier et par moi — sans enthou-
siasme du reste et avec des essais d'interprétation plus laborieux, j'en
conviens, que lumineux — portait ceci (il s'agit d'un concussionnaire
enrichi et avare) : « Il tient bonne table à ses mines, à la ville et à la
campagne; cela paraît libéralité... j» M. L., au mot mines, X'cts peu clair,
substitue le mot ruines qui ne me satisfait pas davantage. Le mieux est
peut-être ici d'admettre, avec M. Gazier, une inadvertance inintelligible
de la plume de Bossuet, et d'abandonner comme un locus desperatus ce
lapsus irréparable. — Une correction plus incontestablement heureuse,
c'est, dans l'//bm£?7/e de la femme adultère, la substitution des mots
suivants: « Commencement de l'âme pécheresse, Timide, tremblante »
à ceux-ci : « Commerce de l'âme pécheresse. Plus de semblance », que
M. Lâchât avait imprimés sans sourciller. Cette acception inusitée du
mot semblance^ attribuée à Bossuet, aurait sans doute inquiété, bien
inutilement, les lexicographes de l'avenir.
Dans la seconde partie de sa thèse, M. L. s'occupe, après MM. Vail-
lant, Floquet et Gandar, de la chronologie des sermons. Combien c'est
là une utile entreprise, non seulement pour l'histoire du génie de Bos-
suet, mais pour celle de la langue, du style et de la pensée au xvn* siècle,
il est superflu, je pense, de le faire ressortir. Or, pour déterminer la date
des sermons de Bossuet qui subsistent, on s'était servi presque unique-
ment jusqu'ici des allusions historiques ; de la comparaison à.Q.s pas-
sages similaires dans des sermons sur le même sujet ou sur des sujets
analogues; des indications que peuvent donner la langue et le style;
de celles qu'offrent le caractère de l'écriture et l'aspect matériel du
manuscrit. Aces différents modes d'investigation, M. L. en ajoute un
nouveau : la considération de l'orthographe. Si l'on n'y avait pas,
jusqu'à présent, recouru, c'est que l'on s'accordait à regarder l'or-
thographe de Bossuet comme très incertaine et très capricieuse.
Or, M. L. croit pouvoir affirmer d'abord que ce n'est guère que
jusqu'en 1657 ^^^ l'orthographe des Sermons est irrégulière; à partir
de cette époque, elle ne varie presque plus, selon lui, jusqu'à sa mort.
1657 est la date où, entre les deux systèmes orthographiques qui se
partageaient encore à ce moment les suffrages des lettrés — le système
phonétique et le système étymologique — Bossuet fait définitivemeni
I
214 REVUE CRITIQUE
son choix. Il se rallie à Torthographe étymologique, qui a prévalu ;
c'est elle qu'il défend à l'Académie contre Torthographe phonétique, et
qu^il observe exactement dans son écriture journalière.
Est-ce à dire qu'antérieurement à 1657, il eût toujours pratiqué un
phonétisme constant et exclusif? Non assurément, et si Ton prenait
pcle-méle les pages écrites par lui depuis 1643 (date à laquelle remon-
tent ses plus anciens autographes), jusqu'en 1657, on le verrait, dans
ces quatorze années, écrire tour à tour et, parfois, dans le même sermon :
temps et tans, même et mesvie, nôtre et nostre, hureiix et heureux,
sambler et sembler, projeté et prophète, feblesse et faiblesse, Provi-
dance et Providence, ateîidre et atantij, etc. Mais ce désordre, selon
M. L., n'est qu'apparent; ces « fluctuations » ont eu leur loi, qu'il
pense avoir découverte, et dont voici, résumée d'après lui, la formule
historique : « Les premiers manuscrits de Bossuet {1643) ne portent pas
trace de phonétisme. Bossuet, au sortir de rhétorique, se conforme
tout naturellement à l'orthographe commune, à l'orthographe étymo-
logique, à laquelle l'avaient formé ses premiers maîtres, les Jésuites de
Dijon. » Mais « au collège de Navarre, il trouve » (peut-être, car M. L.
ne nous cite pas de noms) a des logiciens qui préconisent le système
phonétique ; il en essaye, il s'y façonne insensiblement. Il y a » dans
ce sens « une progression croissante de 1646 à i65i, jusqu'à la fin de
ses études théologiques, et quand il part, en i652, pour son canonicat
de Metz, il est acquis à la méthode des réformateurs. » Mais cependant
« il ne s'obstine pas à marcher contre le courant général. On aperçoit
bientôt des symptômes de relâchement, et les particularités les plus
significatives vont s'effacer les unes après les autres, de sorte que, vers
la fin de i653, dans un ensemble d'aspect phonétique, les formes
étymologiques feront de fréquentes réapparitions. En i656, le retour à
l'orthographe usuelle est un fait accompli. »
N'y a-t-il pas une assez grande part d'hypothèse dans cette ingénieuse
histoire des variations de l'orthographe de Bossuet? Et la double pro-
gression, tantôt croissante, tantôt décroissante, que M. L. assure y
reconnaître, si large et si élastique qu'il l'ait faite, n'est-elle pas encore
trop étroite et trop précise? Ne faut-il pas tenir un bien plus grand
compte (et ce que je dis ici de l'orthographe, je le dirais de l'écriture), l|
des revenez-y persistants aux anciennes habitudes, comme aussi des ^j
étourderies inconscientes d'une plume toujours pressée, dont nous
n'avons, en somme, que les brouillons rapides et négligés? Et puis, le-
nombre des manuscrits sûrement datés avant 1657, et qui sont les*
points de départ de cette chronologie orthographique, est-il assez con-
sidérable pour servir de base à des généralisations solides? Voilà les ■
scrupules que le « tableau synoptique et comparatif», fort bien fait du H
reste, que M. L. ajoute à son ouvrage, n'a pas suffi à dissiper, ni chez ^
ses juges, je crois, ni chez ses lecteurs ; voilà les questions qui peut-être
auraient besoin d'être encore débattues avant d'user, en toute sûreté de
d'histoire El OS, LITTÉRATURE 21 5
conscience, dans le classement des manuscrits de date inconnue, des
principes posés par M. Lebarq. Et, sans entrer ici dans un examen dont
je n'ai que des éléments très insuffisants, je me demande seulement si,
dans ces inductions, M. L. a toujours évité, comme il l'assure, jusqu'aux
apparences d'un cercle vicieux. Je vois, par exemple, que, pour nous
démontrer les changements successifs du « t » euphonique dans les
manuscrits des Sermons, M. L. s'appuie (p. 109) sur de certains écrits,
tels que la Méditation sur la Brièveté de la vie ou le sermon sur la
Bonté et la rigueur de Dieu, dont il rétablira plus loin la date (pp. 120
et 126), précisément en se fondant surtout, à ce qu'il semble, sur l'ab-
sence ou la présence de ce t euphonique. Je n'oserais donc, jusqu'à plus
ample informé, affirmer aussi catégoriquement que M. L. que les
a oscillations » de Bossuet dans son orthographe « peuvent constituer
pour les sept années de 1648 à î655 une donnée chronologique frè^
sûre et très précise ». Que les observations ingénieuses et nouvelles
faites par M. L. sur l'orthographe puissent nous empêcher d'attribuer
à la période antérieure à 1657 un sermon postérieur, ou réciproque-
ment; que, pour les sermons antérieurs à 1657, elles puissent apporter
un supplément utile aux lumières, assez rares du reste, qui nous vien-
nent d'autre part, je n'y contredis pas... Mais ce qui est vrai surtout, et
ce que M. L. a grande raison de déclarer lui-même (p. 108), c'est que,
dans le délicat travail de conjecture sur lequel doit s'édifier le classe-
ment chronologique des Sermons, il convient de n'être pas exclusif et
de ne point isoler les uns des autres les renseignements obtenus
par les divers moyens d'enquête dont nous disposons. Composition,
style, allusions historiques, écriture, orthographe, tout cela contribue
à nous éclairer; rien de tout cela n'y suffit. Chacun de ces procédés
peut servir aux autres d'appoint et d'auxiliaire ; aucun d'eux n'a, ce me
semble, à lui seul une valeur très sûre et très précise..
Il ne me paraît pas, du reste, que, dans sa pratique habituelle, M. L.
se soit départi, par esprit de système, même pour les sermons antérieurs
à 1657, de cet éclectisme intelligent, qui seul peut dormer des résultats
un peu certains. Dans les deux cent cinquante pages qu'il consacre à
déterminer la suite chronologique des Sermons, il use concurremment
des diverses méthodes que MM. Vaillant, Floquet, Lâchât, Gandar ont
employées. Ce qui ne l'empêche pas de contredire parfois aux conclu-
sions auxquelles ils étaient arrivés. Il serait malaisé de le suivre dans ce
long défilé de notices particulières qu'il consacre à chacun des sermons,
l'un après l'autre. Notons seulement qu'il parvient assez heureusement à
dissimuler Taridité de ces monographies critiques, par des citations bien
choisies et par des renseignements historiques sobres et instructifs.
J'ajoute quen outre de l'intérêt qu'il a su donner à l'exposition de ces
recherches exactes, son livre aura encore l'avantage de permettre à ses
lecteurs d'établir dans les éditions de Bossuet qu'ils possèdent un ordre
chronologique dont les données manquent dans la plupart d'entre
2 I 6 REVUE CRITIQUE
elles ou sont fort insuffisantes dans celles où l'on s'est risqué à indiquer
des dates.
Une conclusion où l'auteur se propose de montrer dans la prédica-
tion de Bossuet « l'unité d'inspiration et de pensée, la variété et le
progrè's de l'éloquence », est peut-être la partie de l'ouvrage qui, malgré
de judicieuses observations de détail, me semblerait la moins nette et la
moins substantielle. Je sais du reste, aussi bien que M. L. et que tous
ceux qui touchent à Bossuet, que, s'il est aisé d'étudier par le menu
tels ou tels de ses ouvrages, c'est uns autre entreprise que d'apprécier
d'une façon générale et d'ensemble le développement de son activité
intellectuelle, ne fût ce que dans un seul des genres où elle s'est appli-
quée. On risque fort de ne satisfaire qu'à demi les autres et soi-même,
lorsqu'on essaie soit de définir, même vue d'un seul côté, cette pensée
dont la réflexion est si profonde et le rayonnement si vaste ; soit d'analy-
ser, même dans un seul de ses emplois, cette forme si riche et si hardie, où
le travail entre pour beaucoup, et où pourtant la sincérité et la nature
débordent. Il y a là une variété, avec des apparences de contradiction,
qui déconcerte la critique et semble défier ses formules.
Alfred Rébelluu.
142. — Gœtlie Jahi'bueli hrsg. von Ludwig Geigee. X^' Band. Frankfurt ain
Main, Literarische Anstalt, Rûtten u. Lœning, 1889. In-8, vm et 348 p. 10 maïk.
Le dixième volume du Gœthe Jahrbuch que nous a donné l'an der-
nier M. Ludwig Geiger, renferme cette fois encore de précieuses com- il
munications tirées des archives de Gœthe. *|
Nous trouvons, sous la rubrique Neiie Mittheiliingen : 1° des lettres
de Gœthe, de Christiane, de Riemer, de Vulpius à Auguste de Gœthe,
étudiant en droit à Heidelberg (1808-1809); 2" le « commencement
d'un roman fantastique î> écrit de la propre main de Lenz et communi-
qué par M. Weinhold; 3° des lettres et un discours de Gœthe qui ont
trait à la direction du théâtre; 4° un mémoire de Knebel sur la littéra-
ture allemande; 5" comme dans les précédents volumes, divers témoi-
gnages des contemporains de Gœthe sur le poète. -Atj
J'insiste seulement sur le roman de Lenz et sur le mémoire de
Knebel. Lenz aima la sœur de Gœthe, Cornélie Schlosser. Il raconte sa
passion et ses péripéties dans le Journal que publie M. Weinhold
(p. 46-70] et qui a pour titre « conversion morale d'un poète décrite
par lui-même ». Ce journal comprend quinze monologues plus ou moins
courts, où Ton retrouve le Lenz qu'on connaissait déjà, capricieux,
excessif, prenant pour des réalités les rêveries et les extravagances, les
Aiisschweifungen, comme il disait, de sa folle imagination, amoureux
de trois femmes à la fois, de Cléophé Fibich, d^Henriette de Waldner
et de Cornélie. Il voit Cornélie à Strasbourg; ii^ s'imagine qu'elle est
venue pour le voir et connaître de près le célèbre Lenz; il croit avoir
d'histoire et de littérature 217
produit sur elle une impression ineffaçable, et lorsqu'elle revient à
Emmendingen, il lui écrit des lettres passionnées qu'il n'ose envoyer de
peur qu'elles ne tombent entre les mains du mari. En réalité, Cornélie
ne l'avait nullement encouragé; elle avait écouté avec indulgence les
confidences de Lenz qui lui révéla son amour pour Araminte-Gleophé;
elle l'avait traité — Lenz l'avoue lui-même — comme un petit garçon
imberbe (ohnburtigen Buben) qui l'intéressait parce qu'il faisait des vers
et des drames, parce qu'il était l'ami de son frère et de son mari; le
seul sentiment que Lenz lui ait jamais inspiré, est une sympathie mêlée
de pitié. Mais Lenz s'était mis en tête qu'il aimait Cornélie et que
Cornélie l'aimait. Un jour, il écrit à Schlosser qu'il part pour la Lor-
raine; mais il prend le chemin d'Emmendingen et arrive soudain chez
le bailli. Il croyait que Cornélie soupirait après lui, qu'elle se désolait
de son absence, qu'elle avait appris avec douleur la nouvelle de son
départ, et il se figurait, dit-il, entrer en conquérant dans une ville sou-
mise. Il avoue qu'il se trouva trompé (betrogen), répudié, repoussé,
exclu (ausgeschlossen) . Cornélie était malade, elle l'accueillit une seule
fois et avec mépris (mit Verachtung), puis défendit sa porte. Lenz
partit, confus, contrit, l'oreille basse, et regagna Strasbourg, Il recon-
naissait que Cornélie avait raison et qu'elle ferait un mauvais échange,
si elle acceptait son amour, l'amour d'un fou (die Liebe eines Wahu'
n^it^îgen) contre le plus noble trésor (den edelsten Sellât^}, l'amitié et
le respect de son mari. Il ne cessait de l'aimer, mais il l'aimait comme
une madone. Il glorifiait sa vertu, son éloignement de tout ce qui a
l'apparence de pompe et de vanité, sa modération, son « grand cœur ».
Il la nommait l'idole de sa raison, sa première et sa meilleure amie, son
amie la plus sacrée, son amie morale, son amie céleste, sa muse, son
Uranie, la Minerve qui le protégeait de son égide, celle qui guidait son
cœur et opérait sa conversion morale (moralische Bekehrung^ de là le
titre de l'opuscule). Pourtant il revint à Emmendingen, en compagnie
de Gœthe. Il retrouva Cornélie malade et alitée. Mais la vue de son
frère fit sur M"« Schlosser une impression salutaire; elle se leva le len-
demain. De nouveau Lenz l'admira; de nouveau il remarqua, comme
il le dit naïvement et sans jalousie, la « tendresse volontaire, naturelle,
libre de Cornélie pour son mari », une tendresse qui était plus que
l'amour commandé par le devoir (mehr als pflichtvollj et qui la pous-
sait à aider Schlosser avec une véritable patience angélique à porter les
fardeaux de la vie. Mais il n'aurait pas été Lenz s'il n'était retombé dans
sa ridicule passion. De retour à Strasbourg, il s'imagina derechef que
Cornélie l'aimait parce qu'elle lui avait prêté un exemplaire de Pétrar-
que, et il écrivit ce Poète où il épanchait son cœur. Il voulait le donner
à Cornélie pour lui montrer l'espèce d'homme bizarre et drôle qu'il
était (die seltsame drolligte Art Menschen). Il n'osa l'envoyer. Mais
lorsqu'il fit sa fugue à Weimar en 1776, il emporta son manuscrit et
le confia avec d'autres papiers à Gœthe qui le conserva et qui, naturel-
lement, ne la jamais publié.
2l8 RKVUE CRITIQUR
Le Mémoire de Knebel sur la littérature allemande était destiné à
M™« de Staël qui devait s'en servir dans le livre qu'elle projetait sur
l'Allemagne. Mais Bottiger garda le manuscrit, que M. K. E. Franzos
publie aujourd'hui dans le Gœthe-Jahrbuch (p. 1 28-1 35). On y trouvera
beaucoup d'esprit et des appréciations justes et importantes, mais aussi
des jugements sévères et singuliers : en l'an 1804 Knebel fait Péloge
d'Uz et de Gotz, passe Schiller sous silence, blâme Goethe plus qu'il ne
le loue, et fait un éloge enthousiaste de Wieland et de Herder ; Wieland,
dit-il, est l'écrivain le plus accompli de toutes les nations modernes et
Herder a parlé la langue de la véritable éloquence.
Après les Neue Mittheilungen viennent, comme toujours, dans 1' « An-
nuaire de Gœthe », les Abhandlungen. Ce sont : un curieux article de
M. H. Dechent sur les querelles des ecclésiastiques de Francfort avec les
Annonces savantes ou « Frankfurter gelehrte Anzeigen », une étude de
M. H. Schreyer sur le manuscrit à'Hermann et Dorothée et sur les
remaniements que fît le poète à son idylle épique, un travail intéressant
de M. J. Minor sur les classiques et les romantiques.
Des Mélanges, une chronique et une bibliographie terrilinent ce
volume, très digne de ses aînés. La bibliographie, complète et fort soi-
gnée, fait le plus grand honneur au directeur de l'Annuaire, qui suit si
attentivement, si patiemment le mouvement des études gœthéennes.
Les Mélanges renferment un certain nombre de remarques ingénieuses,
entre autres, sur des vers de Jerjr et Bately (Ellinger) ; sur la scène de
la reconnaissance dans i'Iphigénie à Delphes (Morsch) ; sur le roman
dans la langue des fleurs (Seufîert); sur la traduction des « Essais sur la
peinture », de Diderot (L. Geiger); sur le général de Hoffmann, grand
oncle du poète (Alex. Dietz).
A. Chuquet.
Lettre de M. Bourgoin et réponse de M. Delboulle.
Monsieur le Directeur,
Permettez-moi d'adresser quelques mots de réponse à un article bibliographique ||
paru sur mon livre : Les maîtres de la critique au xvii« siècle, dans votre numéro
du 3 février dernier. 11 me serait facile de prendre à partie l'auteur sur l'ensemble
de son travail, je ne lui reproche que son manque de probité. Voire impartialité ne
peut me refuser de motiver ce reproche :
1' Extraire d'un ouvrage de trois cents pages certaines façons de parler familières,
quatre ou cinq interjections qui s'y trouvent, et donner à supposer au lecteur qu'il
les y rencontrera à chaque ligne, c'est là un procédé peu honnête;
2° Détacher de son contexte une expression et prouver par là qu'elle détonne, c'est
encore un procédé peu honnête. M. Delboulle s'oft'ense, par exemple, que j'aie com-
paré le style de Saint- EvremonJ à un « grand crû de Bordeaux »; mais en criti-
quant cette expression, il se garde bien de rappeler comment j'ai été amené à l'em-
ployer. J'ai écrit : « Le style de Saint-Evremond, ;;owr emprunter une comparaisott
qui n'eût pas déplu à l'ami du comte d'Olonne, n'est ni un Ai fumeux, ni un bour-
DHISTOIRB ET DE LITTKRATL'RK 219
gogne généreux, c'est un bordeaux etc.. » M. D. a sciemment tronqué ma phrase,
pour le besoin de sa cause. Fi, c'est laid !
3° M. D. fait, sans pédanterie, sans vain étalage d'érudition, comme en passant,
remarquer au lecteur que Richelieu est mort en 16^2. Je ne l'en blâme pas, c'est si
rare d'allier la modestie à la science! Mais pourquoi veut-il que j'aie prolongé les
jours du ministre de Louis XIII jusqu'en i663.' Dans la phrase incriminée où je
parle de la pression officielle que Richelieu et Colbert auraient exercée sur Chape-
lain, je fais allusion à celle qu'aurait subie le vieux critique, non seulement en dres-
sant la Liste des gens de lettres, mais encore en écrivant, quelque vingt-cinq ans
auparavant, Les Sentiments de r Académie sur le Cid. Il n"est pas besoin d'être clair-
voyant, il faut être simplement honnête pour s'en rendre compte.
M. D. est pourtant un délicat, il nous l'affirme lui-même, puisque mon livre, qui
n'a pas l'heur de lui plaire, ne plaira pas aux délicats, si quid veri augurât. Allons,
soyez délicat, M. Delboulle, et malheureux, comme le sont tous les délicats, et si,
c'est possible, soyez aussi plus honnête. Par la même occasion, rafraîchissez, rajeu-
nissez votre critique; elle a quelque chose d'acide et de vieillot qui fait peine.
Auguste BouRGom.
Je n'ai que quelques mots à répondre à cette airhable lettre. Ma critique, dit
M. Bourgoin, est « aride et vieillote » : il voudrait évidemment nous faire croire que
la sienne est « plantureuse et juvénile. » On en a pu juger par les passages de son
livre que j'ai cités très exactement . Je lui permets donc de se chanter à lui-même des
triomphes tant qu'il voudra et de maudire son juge. Ses ergoteries n'affaiblissent
aucune de mes critiques, aucune de mes remarques, et il se garde bien, par exemple,
de parler de son fameux chapitre : « Chapelain est vraiment l'inventeur des trois
unités. » Mais ce n'est pas d'aujourd'hui que se fâchent les gens dont on a le cou-
rage de relever les contradictions, les erreurs ou les lourdes bévues : aussi les inju-
res et la colère de M. Bourgoin me laissent tout à fait indifférent.
A. Delboulle.
CHRONIQUE
RUSSIE.— M. Tratchevsky commence dans le Recueil de la Société impériale his-
torique de Saint-Pétersbourg la publication des Documents relatifs aux rapports di-
plomatiques de la Russie et de la France à l'époque de Napoléon L Ce recueil com-
prend les années 1800 à 1802 : la plupart des documents cités sont en français ; l'in-
roduction et l'index sont en langue russe. Cette importante publication formera
trois ou quatre volumes.
— Il paraît à Moscou une Revue de philosophie et de psychologie, sous la direction
de M. N. Grot, professeur à l'Université de cette ville.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 7 mars iSgo.
Le ministre de l'Instruction publique invite par lettre l'Académie à présenter deux
candidats pour la chaire d'épigraphie et d'antiquités sémitiques au Collège de France.
L Assemblée des professeurs du Collège a présenté à l'unanimité M. Clermont-Gan-
neau en première ligne et M. Philippe Berger en seconde ligne.
I^^^^^'lémic des sciences transmet à l'Académie des inscriptions un mémoire de
M. bd. Schneider, ingénieur en chef de la province de Scutari d'Albanie, sur des
antiquités préhistoriques découvertes dans la province d'Alep et aux environs d'An-
tioche. Ce mémoire est renvoyé à l'examen de M. Alexandre Bertrand.
I
220
REVUE CRITIQUE d'hISTOIRK ET DE LITTÉRATURE
M. Hamy signale à l'Acadcmie les j^rands travaux exécutes récemment pour le dé-
blaiemeni de quelques-unes des ruines les plus importantes du centre de Java. Les
monuments en question peuvent remonter au v* siècle de notre ère. Ils sont d'une
architecture élégante et bizarre, qui s'inspire de celle de l'Inde. Encombrés d'une
végétation puissante, disloqués par les tremblements de terre, ils n'avaient pu être
étudiés jusqu'ici que très imparfaitement. Le déblaiement qui vient d'en être fait a
permis de les photographier. M. Hamy fait passer sous les yeux de ses confrères les
vues de quelques-unes de ces belles ruines. Il signale à leur attention des statues,
particulièrement remarquables par la finesse du travail et la beauté des types qu'elles
reproduisent.
M. H. -M. -P. de la Martinière, chargé d'une mission d'exploration archéologique
au Maroc, rend compte des recherches et des fouilles qu'il a faites sur l'emplacement
de la ville antique de Lixus. dans la Tmgitane. 11 rapporte de cette première campa-
gne une série de documents divers, ttls que photographies, plans de l'acropole et des
murailles phéniciennes, etc.
^L le vicomte H. -François Delaborde communique une notice sur la chronique
dite du Religieux de Saint-Denis . On désigne habituellement sous ce nom un ou-
vrage latin qui ne comprend que l'histoire du règne de Charles VI. M. Delaborde
montre que cet ouvrage n'est que la dernière partie d'une œuvre beaucoup plus éten-
due, dans laquelle l'auteur avait raconté toute l'histoire du monde chrétien; depuis
les origines de la monarchie française. Une grande partie de cette vaste compilation
historique est perdue ; les fragments conservés sont, d'une part, la chronique de
Charles VI; d'autre part, l'histoire des années 769 a 1270, contenue dans les deux
manuscrits de la bibliothèque Mazarine, n*» 553 et 534.
Ouvrages présentés: — par M. Boissier : Giovanni (V. di). la Topografia antica
di Palermo dal secolo X al XV {■} vol.) ; — par M. Delisle : i» Plaintes et Doléances
de la province de Toiiraine aux Etats-Généraux, publiées et annotées par M. Charles
DE Grandmaison ; 2* Du Bout (dom), Histoire de l'abbaye d'Orbais, publiée par
M. Etienne Héron de Villefosse; — par M. Gaston Paris : Regnaud (Paul). Esquisse
du véritable système primitif des voyelles dans les langues d'origine indo-euro-
péenne ; 2" les Grandes Lignes du vocalisme et de la dérivation dans les langues
indo-européennes; — par M. de Boislisle : Baudrillaut (Alfred), Philippe V et la
cour de France, tomel; — par M. Georges Perrot , Bulletin de correspondance hellé-
nique, décembre i'S8g (contenant une lettre de Darius, fils J'Hystaspe, dont la traduc-
tion grecque a été découverte par MM. G. Cousin et G. Deschamps); — p,ir M. Bréal :
I 0 LoTH Chrcstomathie bretonne ; 2° Collection de reproductions de manuscrits, pu-
bliée par L. Clédat : Classiques latins, I, Catulle, manuscrit de Saint-Germain-des-
Prés ; 3° Revue de philologie française et provençale, tome III, fascicule 4 (conte-
nant des léponses adressées à M. Clédat par divers savants, sur l'accord du participe
passé en français); — par M. Barbier de Meynard : Fulcrand, Notice sur le généra.
Faidherbe.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANGE
Séance du 26 février.
M. Lecoy de la Marche donne lecture d'un mémoire relatif au bagage d'un étudian
en Sorbonne trouvé mort sur la grande route de Nevers à Paris, près de Château
Landon en 1437. L'inventaire de ce bagage fait connaître par le menu comment vi
valent les écoliers aisés de ce temps.
M. Adrien Blanchit présente une anse de vase qui, après avoir fait partie de la col
lection Benjamin Fillon, appartient aujourd'hui à M. Paul Rattier. M. Fiilon pensa'
qu'il fallait voir dans la figure principale de ce bronze remarquable, la Gaule assis
dans l'attitude de la douleur. M. Blanchet indique les rapprocliements qui doiven
être faits avec les figures du grand camée de France.
M. Héron de Villefosse communique une lettre de M. Duvernoy, conservateur d
musée de Montbéliard, relative aux antiquités trouvées à Mnndeure. M. de Villefosf
fait remarquer l'intérêt qu'il y aurait a dresser une liste des objets anciens trouvi.
dans les musées d'Europe ou dans les collections particulières.
M. de Lasteyrie lit une lettre de M. Palustre au sujet de la communication c
M. Roman, publiée dans le Bulletin de la Société, iur l'écusson qui existe dans lacoi
de l'Ecole ues Chartes.
^L l'abbé Tiiédenat présente de la part de M. Maire le dessin d'une inscription rc
maine funéraire trouvée il y a quelques mois à Clermont-Ferrand.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le r'uY, iir.yrimerie Marchessou ftls, boulevard Samt-Laureut. 2.y.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 12 - 24 mars — 1890
Sommaire : 143. Meister, Les dialectes grecs. — 144, Ouvré, Démosthène. —
145. Ullrich, Tibulle. — 146. Chantepie de La Saussaye, Manuel d'histoire des
religions. — 147. Richter et Kohl, Annales de l'Empire allemand, L — 14S.
JouBERT, La baronnie de Craon. — 149-150. Castellani, L'imprimerie à Venise
et son origine. — i5i. Lyon, L'idéalisme en Angleterre au xvin^ siècle. — i52.
AuRioi., La défense du Var. — Lettre de M. Brandt. — Chronique. — Académie
des Inscriptions.
143. — R, Meister. liïe griechischen Dialekte, tome 2, Gœttingen, Van-
denhœck et Ruprecht, i88g, xii-35o p.
M. Meister continue, après un assez long intervalle, la publication
f| de son ouvrage sur les dialectes grecs ; il a adopté, dans le tome II, les
types spéciaux de r, et de w employés dans le recueil de Collitz, com-
mencé deux ans après le premier volume. Chose à remarquer, cette
yiite aurait gagné à paraître quelques mois plus tard (la préface est de
ars 1889); M. M. aurait alors connu le Bull, de corresp. hell. du
ois d'avril 1889, et l'inscription de Tégée publiée par Bérard aurait
\ modifier ses opinions sur quelques points, et beaucoup enrichi ses
atistiques, notamment pour ce qui concerne la déclinaison. Ce second
volume, qui contient l'éléen, l'arcadien et le cypriote, se recommande
par les mêmes qualités que le premier : sérieuse et sûre connaissance des
«sources, examen approfondi des faits, clarté et précision dans l'analyse
des formes ; il est difficile de mieux mettre en lumière la structure gé-
nérale en même temps que les traits caractéristiques d'un dialecte. Ce
n'est pas qu'il n'y ait quelques réserves à faire; M. M. est d'une extrême
hardiesse dans ses conclusions, qui sont parfois appuyées sur des formes
douteuses, surdes exemples d'insuffisante autorité, sur des lecturesou res-
titutions purement conjecturales. Il est très vraisemblable, par exemple,
que le dialecte de la Triphylie était en quelques points distinct de celui
de l'Elide ; mais les exemples d'après lesquels M. M. établit cette distinc-
tion ne sont pas tous probants. La forme "AXtiç, connue seulement en
dehors de l'épigraphie, est la seule invoquée pour justifier l'assertion
suivante (p. 11) : a suff. nominal triph. -ci-, éléen -xi» », d'où la con-
clusion (p. 52) : « le suff. nominal -ti- ne s'assibile pas dans l'ancien
éléen ». Comment se fait-il alors qu'on lise xoGapci dans un texte nette-
ment caractérisé comme éléen (p. 10), et qui remonte (p. 17) au moins
au ve siècle (Collitz, t. I, n" 11 56)? On pourrait d'ailleurs opposer
que AXxiç est une très ancienne forme immobilisée dans ce seul mot
devenu nom propre, et la différence des dialectes, en ce point du moins,
Nouvelle série, XXIX. 12
222 REVUE CRITIQUE
devient alors très problématique. Il n'est pas plus sûr d'affirmer (p. 12)
« triph. àvofo-, éléen àvipe », car cette seconde forme ne repose que sur
une conjecture, le second a n'étant rien moins que certain ■. M. M.
lui-même est obligé de faire remarquer (p. 58), « combien variée et
peu conséquente est, dans la plupart des cas, l'orthographe des inscrip-
tions d Olympie. » Il est donc au moins prématuré de conclure, sur la
foi d'un seul témoin ou de témoins suspects, que telle ou telle forme
est éléenne, telle autre triphylienne. La même observation serait à
faire au sujet de la théorie sur l'élision, en éléen, des formes de l'article
terminées par une consonne; théorie chancelante qui repose unique-
ment sur des restitutions hypothétiques ou d'incertaines interprétations
(v. d'ailleurs, p. 3 17, la note de la page 44). Cette tendance à formuler
des règles sans y être suffisamment autorisé se remarque dans tout le
cours de l'ouvrage ; je n'en citerai plus qu'un exemple : p. 261, sec-
tion IV (par erreur VI) du § 14, on lit ceci : « Dans l'écriture syllabique
cypi:iote, la nasale devant une explosive n'est pas exprimée quelque-
fois à la fin du substantif, devant un pronom qui s'y rapporte ou devant
l'article répété. » Or, M. M, ne cite que trois exemples à l'appui, et il
n'y en a que trois ; deux sont des lectures propres à l'auteur, et le troi-
sième est une transcription qui lui est également personnelle. Ces cas
étant ailleurs expliqués par la règle fondée sur eux, qui ne voit qu'il
y a là une véritable pétition de principes? — Je me bornerai maintenant
à un petit nombre de rectifications. P, 1 10, [£>Jvav]ooiy.6vTûiv n'est pas à
sa place parmi les thèmes en -0-. P. 200, 1. 6, supprimer « été » dans la
citation française. P. 257, la forme primitive du parfait de xto) serait
*':£7:cia et non *T^izoia.. P. 270, 'AXajj.JTrpijiTa'. et 'AXaaiwxai sont par
erreur rangés parmi les thèmes en -a- féminins. P. 258, note 1, M. M.
fait remarquer fort justement que le sens de 7:oTtt|/a6w, au vers 1214 des
Trachiniennes, est « mettre (le feu) à, allumer » ; mais il a le tort d'ajou-
ter « sens non compris par les commentateurs » ; en France, allumer
est le sens universellement reconnu, et il n'est pas une traduction, même
en vers, qui se soit méprise sur l'exacte valeur du mot. La note de
M. Meister ne saurait donc s'adresser qu'aux commentateurs d'Outre-
Rhin.
My.
144. — oémosthène, par H. Ouvré, maître de conférences à la Faculté dei
Lettres de Bordeaux. Paris, 1890, Lecène et Oudin, 287 pp. in-8.
Le Démosthène de M. Ouvré fait partie de la collection des Classique
populaires dont MM. Lecène et Oudin ont eu l'heureuse idée d'entre
prendre la publication. C'est donc essentiellement un ouvrage de vulga
I. J'ai pris moi-même à Olympia, au printemps de 1880, des copies de toutes i<
inscriptions alors découvertes, copies soigneusement revues sur des estampages
comparées avec le fac-similé de VAvch, Zeitung,
d'histoire et de littérature 2 23
risation ■. Mais qu'on ne se méprenne pas sur notre pensée. Il est sou-
vent aussi difficile, pour ne pas dire plus, d'écrire un bon ouvrage de
ce genre que de composer une dissertation érudite sur tel ou tel point
de philologie ou de linguistique. Bien entendue, la composition d'une
œuvre de vulgarisation demande de longues et patientes études, la
connaissance de tout ce qui a paru d'essentiel sur le sujet, une lecture
attentive et personnelle de l'auteur dont on s'occupe. Ces avantages,
M. O. les possède à un haut degré. On sent en le lisant qu'il connaît
fort bien les opinions des autres ; mais il ne les adopte pas les yeux
fermés. La note personnelle se fait souvent entendre, discrète et modeste,
comme il convient quand on parle après des hommes comme Blass,
Schaefer, et Weil.
L'affection raisonnée qu'éprouve l'auteur pour son héros ne le rend ni
trop indulgent pour lui, ni trop sévère pour ses rivaux. Il sait admirer
et louer Eschine, et il avoue avec franchise n'être pas pleinement con-
i vaincu du parfait désintéressement de Démosthène. Dans les questions
si controversées que soulève le Discours pour la couronne, il ne cache
pas non plus la façon trop habile pour n'être pas quelque peu suspecte
, dont Démosthène présente sa défense. Mais il prend nettement position
I contre toute une école allemande quand il s'agit de juger la conduite de
Démosthène dans les débats qui précédèrent la bataille de Chéronée.
|l Nous pensons en avoir dit assez pour faire apprécier le livre à sa juste
valeur. Il y aurait assurément quelques critiques de détail à faire : les
dates sont un peu clairsemées; on voudrait quelquefois plus de clarté :
ainsi dans ce qui concerne le discours j^oz/r les Rhodiens ; le style, en
général très soigné, est parfois légèrement tendu. Mais, en résumé, le
livre de M. Ouvré sera agréable à lire pour les lecteurs bénévoles, pro-
fitable aux étudiants, et utile, en plus d'un cas, même aux professeurs.
Ch. CUCUEL.
I
145. — studia Tibulliana. De libri secundi editione, scrips. Richard Ullrich dr.
phil. Berolini, W. Weber, 1889, in-8, 86 p.
La question de l'authenticité d'une partie du recueil qui nous est
parvenu sous le nom de Tibulle, l'ordre des pièces du livre l^"^, la date
de l'édition des deux premiers livres ont donné lieu à de grandes di-
vergences de vues entre les critiques — divergences bien naturelles,
puisque sur ces divers sujets les preuves directes manquent. C'est de la
date de l'édition des deux premiers livres que s'occupe M. R. Ullrich,
non sans toucher à bien des points connexes. Je me bornerai à indi-
quer en quoi je me rapproche et en quoi je m'éloigne de lui.
I. Le plan de l'ouvrage est très simple : I. Athènes au iv" siècle. — II. Les débuts
de Démosthène. — Ili, Les premières Philippiques. — IV. Démosthène et Eschine;
le discours sur l'ambassade. — V. Démosthène et Philippe. — VI. Le discours pour
la couronne. Les dernières années de Démosthène. — Conclusion.
2,^ RKVUE CRITIQUE
L'enchaînement le plus vraisemblable des choses me paraît le sui
vant : TibuUe a fait la connaissance de Messala avant l'an 3i. Ei
Tan -^1, à l'occasion de son élévation au consulat, il lui a adresse soj
panégyrique K Messala est parti avec Octave et a combattu avec lui
Actium Renvoyé en Occident, il a emmené TibuUe dans sa campa^
gne d'Aquitaine - en l'an 3o. Il est revenu à Rome et repart, au
printemps de l'an 29 pour TOrient. TibuUe, qui l'avait suivi après bien
des hésitations, a dû s'arrêter malade à Corcyre. C'est là qu'il a écrit
l'élégie III du livre I^r \ De retour à Rome dans le courant de 1 an 29,
il s'y installe définitivement et compose l'élégie I.
Jusqu'ici je suis d'accord avec M. U. pour l'ordre des élégies du
1er livre Ici je me sépare de lui. A l'ordre qu'il propose : V, II, VI.
je substitue le suivant: II, V1,V. Je ne crois pas comme lui que
Délia fût veuve au moment de la pièce III, au pouvoir d un amant ri-
che dans la pièce V, récemment mariée dans la pièce IL Ce sont la des
complications inventées par les commentateurs.
Les choses me paraissent beaucoup plus simples : Délia est une plé-
béienne appartenant au demi-monde et pourvue d'un mari peut-être assez
complaisant. TibuUe a fait sa connaissance en 30/29. Il la quitte cepen-
dant pour suivre Messala. Malade à Corcyre, il se rappelle avec ivresse
leurs entrevues 3 sans paraître songer au mari ; mais il serait bien éton-
nant qu'il en parlât. De retour à Rome, il songe à reprendre le cours de
ses amours, mais il rencontre tout de suite des difficultés, Ii. I, v. 56. Et
sedeo duras janitor ante fores; en effet DéUa est mariée. Ce sont ces
difficultés oui sont peintes dans la pièce II étroitement apparentée avec
la pièce I dont elle développe le v. 56: v. 5 Namposita est nostrœcus-
todia durapuellœ. Les soupçons du mari sont éveillés; il s'agit de le
tromper Bientôt Délia se refroidit et songe à un autre VI v. 539. Jam
mihi tenduntur casses: jam Délia furtim Nescio quem tactta callida nocte
fovet TibuUe - par plaisanterie - menace de faire aUiance avec le
mari pour la surveiller, mais conserve bon espoir. Suit naturellement
la pièce V qui complète et explique la pièce VI. Le mscioquis dont il est
question dans la pièce VI est maintenant dans les bonnes grâces de De
lia v 17 fruitur mine aller amore : c'est un homme riche. Mais il est
déjà menacé par un rival et TibuUe lui prédit qu'il sera remplace a sor
tour Ainsi se termine le roman. La pièce VII datée par le triomphe d.
Messala est antérieure au 7 de3 calendes d'octobre 27. Quant aux troi
élégies à Marathus, il n'y a pour les mettre avant plutôt qu après ci
après plutôt qu'avant le cycle de DéUa que des ^^^^^^^^^V^'î^'^wL
^On a daté l'édition du I- livre en se servant des .v.d^Ovid^^T^^
X Bien que l'œuvre soit faible, le plus simple est encore d'admettre l'^"'h^";';'H
2. L'élég. X a été écrite auparavant dans des circonstances que nous ne connais
"7 uX jamais eu avec Délia que des rapports furtifs facilités par la mère de celU
ci. C'est à une de ces entrevues qu'il fait allusion i, III, v. 8-^ sq.
d'histoire et de littérature 225
II, 463/4 legiturque Tibullus Et placet et jam te principe' notus erat.
Octave a été appelé prince du sénat en l'an 28, Auguste le 1 7 avant les
calendes de février 27 — début de son principat. Les critiques ont voulu
qu'à ce moment TibuUe fût déjà connu : notus erat. Mais la pièce VII
étant postérieure même à la seconde de ces dates, le I^'" livre n'était pas
édité, — grosse difficulté; les élégies à Délia auraient été connues par des
révélations; quelques-unes auraient été publiées à part, etc. M. U. re-
pousse avec raison ces hypothèses ; mais il a tort d'essayer de fixer à l'aide
du passage d'Ovide la date de l'édition du V'^ livre. Ce sont deux choses
qui n'ont — quoi qu'il en dise — aucun rapport. Voici en effet le sens des
vers en question : Ovide exilé — en partie pour l'immoralité de sesœuvres
— essaie de montrer à Auguste qu'il est frappé à tort, qu'une foule de poè-
tes ont commis avant lui le même méfait sans être châtiés. Arrivant à 'l'i-
bulle, il cite complaisamment toute une partie de la pièce VI et ajoute :
legiturque Tibullus tl placet — tandis que lui est banni. Ici il s'aper-
çoit que son raisonnement est faible; Auguste pouvait répondre : Ti-
buUe est mort : que puis-je contre lui? Aussi s'empresse-t-il d'ajouter
et jam te principe notus erat, c'est-à-dire et tu étais déjà empereur
quand il était connu ". Autrement dit: il a vécu sous ton principat, de
28 ou 27 à 19 — période où il s'est fait connaître par ses vers — et tu
n'as pas sévi contre lui. Ce passage ne donne donc aucun renseignement
sur la date de la publication du l^'^ livre, dont nous savons seulement
qu'une pièce la VI I^ est datée de l'an 27. C'est peut-être en 27 — mais
peut-être aussi dans l'une des années suivantes que le livre a paru. Il va
sans dire que les subtilités de M. U. sur le sens de 7îotus erat — était
connu ou était célèbre — tombent d'elles-mêmes.
Quant au deuxième livre, M. U. se fait fort de démontrer ailleurs que
les pièces qui le composent ont reçu du poète la dernière main et ne sont
pas uniquement des matériaux publiés tels quels après sa mort. — At-
tendons cette démonstration. — M. U. se donne beaucoup de peine
pour prouver que dans Ov. Am. III, 9, 3i sq. Sic Nemesis longum, sic
Délia nomen habebunt, Altéra cura recens, altéra primus amor, Né-
mésis et Délia désignent non pas les deux maîtresses du poète, mais sont
les titres de ses deux premiers livres. L'interprétation me semble inad-
missible à cause des qualificatifs cura recens qI primus amor. Le sens
est : « Comme la guerre de Troie, comme le travail de Pénélope ont été
immortalisés par Homère, ainsi Némésis et Délia seront immortelles
grâce à Tibulle. » M. U. pense qu'en l'an 19 Ovide avait connaissance
des deux premiers livres de Tibulle. Cela est à la rigueur possible. Mais
le second peut avoir été édité par un ami de l'auteur très peu de temps
après sa mort. — Ovide décrivant les obsèques de Tibulle v fait figurer
ses deux maîtresses : v. 5 3 sq. Délia descendens <ifelicius n inquit
î amata sum tibi : vixisti dum tuus ignis eram » Cui Nemesis : « quid »
'xit's. tibisunt mea damna dolori ? Me tenuit moriens déficiente manu. »
I. Et non pas : il était déjà célèbre au début de ton principat.
220 REVUE CRITIQUE
M. U. montre justement qu'il ne faut voir là qu'une figure et que Délia,
par exemple, brouillée depuis longtemps avec Tibulle, n'a pas suivi son
convoi. Mais il ne me paraît pas bien saisir le sens de la réplique de Né-
mésis; même dans ses moments d'émotion Ovide aime trop à s'amuser de
son sujet pour se priver de faire une remarque malicieuse. Cest juste-
ment là ce qu'il a fait. Dans un élan d'amour, Tibulle avait souhaité de
mourir dans les bras de Délia : i, I, 59 sq. Te spectem, supreina mihi
cum venerit hora; Te teneam moriens déficiente manu. Or il était mort
ayant unemaîtresse; maiscen'était plusDélia. C'estceque fait remarquer
Ovide avec une pointe d'ironie; il n'y a aucune raison pour ne pas voir
dans Némésis le dernier amour de Tibulle. Toutes les tentatives de
M. Ullrich pour placer après la composition du second livre le cycle de
Sulpicia, les élégies problématiques à Glycéra — qui se placent aussi
bien avant — , pour établir que le deuxième livre a dû paraître en l'an 24,
sont de pures conjectures qui ne sauraient prévaloir contre le témoi-
gnage formel d'Ovide : Némésis a été le dernier amour de Tibulle et
son deuxième livre, son dernier ouvrage.
A. Cartault.
146. — Lelirbucli dei* ReIî§;ionsgescliicl)te, von P. D. Chantepie de la
Saussaye. Second volume. Freiburg in B., J. C. B. Mohr, 18S9; in-8, xvi et
406 pages.
Le second volume du Manuel d'histoire des religions ne s'est point
fait attendre et l'œuvre se trouve aujourd'hui complète. En rendant
compte naguère du premier volume, nous y avons loué de solides qua-
lités tout en faisant des réserves sur quelques points. Ce volume, on s'en
souvient, traitait des Chinois, des Egyptiens, des Babyloniens-Assyriens
et du développement religieux dans l'Inde. M. G. de la Saussaye nous
expose aujourd'hui les religions des Perses, des Grecs, des Romains, des
Germains, et en dernier lieu, ITslamisme.
Il nous paraît que tous ces chapitres sont traités d'une façon satisfai
santé. L'espace accordé à l'auteur lui a permis de dire l'essentiel et di
donner à la discussion une place suffisante. En ces matières, où tant d^
points sont douteux et mal éclaircis, le caractère trop succinct de l'œuj
vre est un inconvénient. L'Islamisme seul nous semble présenté d'un'
façon un peu sommaire.
L'ensemble de ce Manuel constitue une œuvre solide., judicieuse, bieij
informée. Le patronage sous lequel il paraît, lui assure immédiatemer]
un nombreux public et l'on peur prévoir que la présence d'un ouvragj
de cette nature dans la <? Collection de manuels théologiques » de lai,
brairie Mohr, présence qui est une innovation, provoquera plus d'u
enseignement sur la matière dans les facultés de théologie. Ce sera
un honneur mérité pour M. Chantepie de la Saussaye ; ce sera aussi uj
honneur pour le pays et le haut enseignement auquel il appartient. G'ej
d'histoire bt de littérature 227
la Hollande qui a fondé l'enseignement de l'histoire des religions; c'est
elle qui en a résumé les principales données dans le livie de M. Tiele,
professeur à Leyde, et dans celui de M. de la Saussaye, professeur à
Amsterdam. En France, nous aurions à signaler comme symptôme en-
courageant de ce même mouvement l'apparition d'une nouvelle Revue
des Religions, dirigée par des prêtres et qui s'adresse avant tout au
clergé catholique.
M. Vernes.
147. — G. RiCHTER et H. KOHL. Annalen des deutschen Reiclis im Zeit-
alter der Ottonen und Salier. Erster Band. von der Begrûndung des
deutschen Reichs durch Heinrich I bis zur hœchsten Machtentfaltung des Kai-
sertums unter Heinrich III. Halle a. S., Buchhandlung des Waisenhauses, in-8,
426 pages, 1890.
Avec ce volume commence la troisième partie de l'ouvrage qui porte
le titre général : « Annalen der deutschen Geschichte im Mittelalter. »
La première partie, consacrée aux Mérovingiens, avait paru en 1873 ;
la seconde, comprenant deux fascicules et traitant de la période carolin-
gienne et du règne de Conrad I", s'était fait attendre pendant un assez
long temps. Le début de la troisième suit de près la seconde. Il se sub-
divise en deux livres : Tun, qui est l'œuvre de M. Kohi, s'occupe des
règnes des princes saxons et de celui de Henri H de Bavière; Tautre,
dû à M. Richter, a pour objet la période des deux premiers franco-
niens. C'est un plaisir pour nous que de signaler ce travail; il en est
peu qui puisse rendre aux historiens d'aussi grands services. Une table
chronologique résume les événements ; pour chacun d'entre eux, vous
trouverez un renvoi à une longue note; là sont cités et reproduits par-
fois intégralement les textes des anciens chroniqueurs qui nous en ont
conservé la mémoire. S'il y a des difficultés pour l'interprétation de
CCS textes, MM. Kohi et Richter vous les signalent, et, d'une façon
sommaire, s^efîorcent de les lever. Ainsi, grâce à eux, vous êtes mis
très rapidement au courant de la science : vous avez sous les yeux,
avec leur solution, tous les matériaux nécessaires pour vous former
une opinion personnelle.
Pour la période traitée dans le présent volume, MM. Kohi et Richter
ont trouvé de grands secours dans les Jahrbùcher des deutschen Reichs.
Au premier abord même, il semblerait qu'ils n'eussent eu qu'à résumer
les ouvrages de Waitz sur Henri I", de Dûmmler et Kopke sur Otton
le Grand, de Hirsch sur Henri II, de Bresslau sur Conrad II, de Stein-
dorff sur Henri III, sans parler de la vieille collection des annales des
empereurs saxons, entreprise sous la direction de Ranke. Mais ils ont
voulu tout contrôler par eux-mêmes, et sont assez souvent arrivés à des
résultats nouveaux et originaux; ils ont aussi pu faire leur profit des
publications récentes, dont la plus importante et la plus parfaite est
celle des diplômes des princes saxons, édités par Sickel.
228 REVUE CRITIQUE
Nous devons pourtant présenter une critique assez grave aux auteurs
de cet ouvrage, à la fois si utile et si excellent. Ils ignorent complètement
les récents travaux français qui ont été publiés sur la même période. Eux
qui relèvent avec tant de soin les plus peùts programmes et les moin-
dres dissertations imprimés en Allemagne, ne citent point l'ouvrage de
M. Luchaire sur les premiers Capétiens, où ils auraient trouvé de
très utiles indications sur les entrevues des souverains français et alle-
mands. L'édition des lettres de Gerbert, faite par M. Julien Havet,
leur aurait pu rendre de grands services; mais peut-être n'avait-elle pas
paru quand ils ont rédigé le règne d'Otton III. Il nous a aussi déplu
que leur livre soit daté du jour anniversaire de la bataille de Sedan, ce
qui n'ajoute certes rien à sa valeur scientifique. En revanche, nous
avons vu avec satisfaction la dédicace à M. de Giesebrecht; le grand
historien que l'Allemagne vient de perdre méritait cet honneur.
Ch. Pfister.
148. — Histoire de la baronnie de Craon de iSSa à 1626, d'après les archi-
ves du chartrier de Thouars (fonds Craon), par André Joubert. Angers, Germain
et G. Grassin et Paris, E. Lechevalier, i888, i vol. in-8 de tiii-ôoo pages.
Il y a deux parties bien distinctes dans le nouvel ouvrage de M. André
Joubert : l'histoire de la baronnie de Craon et les pièces justificatives,
qui forment à elles seules près de la moitié du volume et sont, pour la
plupart, fort intéressantes.
Ce fut Marie de Sully, fille de Louis de Sully et d'Isabeau de Craon,
qui apporta la terre de Craon à la maison de La Trémoille, par son
mariage avec Guy VI, fils de Guy V, grand panetier de France. Très
menacé à l'époque des guerres des Anglais, le Craonnais fut occupé par
l'armée du Roi pendant la Ligue du Bien public. Les doctrines de la
Réforme s'étant introduites en Anjou dès l'épiscopat de François de
Rohan (1499-1532), il paraît certain que, vers le milieu du siècle, il y-
avait à Craon un groupe important de religionnaires. C'est grâce à sa
connivence que les huguenots occupèrent la ville le 18 mai i562 et y
brûlèrent Féglise de Saint-Nicolas. Craon ne fut rendu aux catholiques
que le 27 septembre, quand La Chesnaye Laillier et René de Scépeaux
se rangèrent à leur parti. La ville et son territoire furent d''ailleurs agités
et désolés pendant toutes les guerres de religion. Le 1 1 septembre iSSg,
André Goulay, sieur de la Guinebaudière, capitaine du château de
Craon, y fut tué par des prisonniers révoltés, égorgés à leur tour, près-
qu'aussitôt après, par la garnison et la population réunies. La Ligue
confia la garde de Craon à Le Cornu du Plessis, qui désola le pays par
ses exactions, et le siège de la ville par les Royaux n'aboutit qu'à leur
défaite par Mercœur (23 mai i 5q2). Mais ce n'était là qu'un succès par-
tiel. La partie était définitivement perdue pour la Ligue et Craon,
comme le reste du pays, devait être compris dans la grande œuvre de
d'histoire et de littérature
229
pacification et de relèvement dont Henri IV fut l'instrument, mais qui
fut souhaitée, désirée et accomplie par la France entière. Mayenne ayant
fait sa soumission et Mercœur préparant la sienne, Le Cornu du Plessis
dut songer à les imiter. Le 20 février iSgS, le Roi liai accorda des
a Articles » qui furent confirmés par des lettres enregistrées au Parle-
ment, le 28 mars de la même année. Presqu'aussitôt après les Angevins
demandèrent la démolition du château de Craon. Henri IV l'ordonna
en septembre 1604. La place ne fut cependant pas tellement ruinée que
du Plessis de Juigné, qui commandait à Craon pour le prince de Condé,
ne s'y retranchât solidement en 161 5. Ce n'est qu'après la vente de la
baronnie à Louis d'Aloigny, baron de Rocheiort (1620), que les restes
de l'ancien château furent convertis en habitation de plaisance par le
nouveau seigneur.
L'analyse que nous venons de faire du livre de M. André Joubert
suffit à montrer tout l'intérêt qu'il présente pour l'histoire locale. Il
sera une mine précieuse de renseignements sur Craon et le Craonnais.
Il est regrettable que l'œuvre pèche par la composition et le style. Elle
manque de divisions nettes et elle est encombrée de détails inutiles qui
en rendent la lecture pénible. C'est une critique d'ailleurs qui pourrait
s'adresser à bien d'autres qu'à M. A. J. Il fut un temps où les docu-
ments n'étaient qu'un prétexte à des développements prétendus litté-
raires. Les plus grands noms de la littérature historique du commence-
ment de ce siècle sont moins qu'on ne le croit à l'abri de ce reproche,
mais c'est surtout en province que sévissait l'épidémie. Tous ceux qui
ont consulté des recueils provinciaux un peu anciens savent qu'on y
retrouve abondamment tout le bric-à-brac du moyen âge romantique,
douceâtres légendes soi-disant religieuses ou amoureuses, chevaliers de
romance et troubadours de pendule. Aujourd'hui, le vent a changé.
Sous 1 influence d'une réaction légitime, on s'est mis à la chasse du
document avec ardeur, avec passion. On fait plus que le respecter, on
en a le culte. C'est assurément un grand progrès, mais il ne faudrait
cependant pas oublier qu'il ne suffît pas à une pièce d'être inédite pour
être intéressante, que les documents sont d'importance fort inégale et
méritent l'attention à des degrés fort divers. En tout état de cause, ils
doivent être soumis à la critique. Si l'on se borne à les publier, ils ne
prennent toute leur réelle valeur qu'éclairés par des notes et. des com-
mentaires-, si l'on se décide à les mettre en œuvre pour en tirer un récit
original, il faut les contrôler les uns par les autres, s'en servir et non
pas les servir, en un mot rester maître de ses matériaux et de son sujet.
Ce sont là vérités de sens commun, mais l'occasion et le moment sont
peut-être favorables pour les rappeler, alors surtout que le zèle et la
conscience de la plupart de nos érudits méritent qu'on leur parle avec
une entière franchise.
Louis Farges.
2:>o
REVUE CRITIQUE
149. — La Stampa in Venczia dalla sua origine alla morte di Aldo Manuzic-
seniore, ragionamento storico di Carlo Castellani. Venise, Ongania, 1889, in-8-
de XLV111-134 p. Prix : 8 fr.
150. — l>'oi"îgîne tetlcsea o i'oi-îgine oinnrïcso tîell' iu'venzîone della.
$)taiupa, testimonianze e documenti raccohi e iilustrati da C. Castellani.
Venise, Ongania, 1889, in-8 de 67 p. Prix : 4 fr. (Les deux ouvrages ens. : lo fr.)
La Stcvnpa in Vene^^ia est une des contributions les plus utiles ap-
portées en ces dernières anne'es à l'histoire de l'imprimerie. Venise a
été, en effet, pendant la Renaissance, le centre italien le plus important
de l'art typographique; c'est le véritable berceau de la typographie
grecque et le nombre considérable de perfectionnements qui y furent
apportés à l'invention venue d'Allemagne, faisait dire à Conrad Ges-
ner : Non minor virtiis est tiieri et perjïcere rem inventant quant re-
perire. C'est par centaines de mille (près d'un million de volumes, dit
Aug. Bernard) qu"il faut compter les exemplaires mis en circulation
par la typographie vénitienne dans les trente dernières années du
xv^ siècle. M. Castellani a choisi cette période de prodigieuse activité
pour sujet de son étude ; il a résumé les résultats apportés par les docu-
ments connus et par ceux qu'il a lui-même découverts. Il commence
à l'arrivée à Venise, en 1469, de Jean de Spire, porteur des procédés
nouveaux de fabrication du livre ; il passe en revue ses successeurs im-
médiats, insistant, comme il convient, sur l'œuvre de Nicolas Jenson,
dont il réimprime le testament avec un texte un peu différent de celui
de M. Stein. Mais il dépasse bientôt la fin du xv* siècle et la partie ca-
pitale de son sujet est l'œuvre d'Aide Manuce, qu'il suit jusqu'à sa
mort en i5i5. Ce sont des pages substantielles qu'il nous donne, plus
exactes, somme toute, et plus instructives dans leur brièveté que le livre
très surfait d'Ambroise Firmin-Didot. On peut regretter que le travail
de l'auteur ait été terminé avant la publication d'une collection nom-
breuse de documents inédits, Les correspondants d'Aide Manuce
(Rome, 1888), qu'il mentionne d'ailleurs avec la plus grande bienveil-
lance ; il aurait pu en tirer parti pour obtenir sur plusieurs points
cette précision qu'il recherche; il y aurait trouvé, pour ne citer qu'un
exemple, le moment précis du mariage d'Aide, qui reste encore dans !e
vague à sa p. 53. Il y aurait surtout complété ses indications sur les
rapports d'Aide avec le monde littéraire de son temps ; et, pour ma
part, je l'engagerais à supprimer divers noms, tels que ceux de Guil-
laume Budé et d'Angelo Colocci, de la liste des savants qui ont eu avec
Aide des relations directes. Les contemporains du grand imprimeur ne
sont pas oubliés, et l'auteur met paiticulièrement en lumière cet Otta-
viano Petrucci, qui a donné à Venise l'honneur d'inventer des types
mobiles pour l'impression de la musique figurée. Je ne parle que pour
mémoire de la dissertation où l'auteur fait définitive justice de la tra-
dition qui attribue l'invention de l'imprimerie à Pamfilo Castaldi de
Feltre; cette légende n'est guère sortie du pays où elle est née. L'ou-
f
î
d'histotre et de littérature 23 I
vrage esc complété par un index très complet, un appendice de docu-
ments tirés des archives des i^rarf et une liste chronologique des typo-
graphes vénitiens de 1469 à i5i5. Un tel travail ne pouvait être mené
à bien que par l'examen direct des monuments de Tancienne imprime-
rie italienne et à portée de cette magnifique bibliothèque de Saint-
Marc, aussi riche en incunables qu'en manuscrits, dont M. C. sait si
bien faire valoir tous les trésors.
— Sans avoir la même importance, le second travail du préfet de la
Marcienne intéressera d'une façon particulière les bibliographes. La
question de l'origine de Timprimerie y est traitée à fond ; les témoi-
gnages des XV'' et xv!*" siècles y sont recueillis en plus grand nombre
qu''ailleurs, cités intégralement et soumis à la critique. Ce n'est pas,
comme le titre pourrait le faire croire, une simple réimpression d'une
brochure que la Revue critique annonçait, l'an dernier, du même au-
teur (t. I, p. i5o); le cadre est fort élargi, et M. G. présente ici des
conclusions personnelles. Ces conclusions ont eu la bonne fortune
d'être appuyées à temps par la mise au jour, due à M. Dziaticko, de l'ori-
ginal égaré du procès intenté à Gutenberg, en 1455, par Fust et Peter
Schôffer L'auteur analyse ce document en appendice et montre qu'il
met hors de doute l'attribution de la découverte à Gutenberg. C'est ce
qu'enseignent tous nos manuels ; mais il faut lire le travail de M. Cas-
tellani pour se convaincre qu'une démonstration nouvelle de cette vé-
rité n'était nullement inutile.
P. DE NOLHAC.
l5i. — G. LvoN. L'idéalisme en Angleterre au xviii* siècle. Paris, Alcan,
i888, 4.S1 p. in-S. jfv. 5o.
Le livre de M. Lyon a été accueilli, en Ai:igleterre et en France, avec
la faveur qu'il mérite. Les qualités sautent aux yeux : le sujet est étudié
minutieusement; des chapitres comme ceux sur Burthogge, Norris,
Samuel Johnson sont neufs; ceux sur Malebranche et Berkeley sont
faits de première main, avec une parfaite connaissance des sources;
l'article sur Collier a été relu avec plaisir, et la trop courte étude con-
sacrée à Hume n'est pas sans intérêt. Le tout est bon et complète sur
plusieurs points, sans le faire oublier, l'ouvrage de M. Leslie Stephen.
Voilà pour les éloges; voici les critiques. Les premiers l'emportent cent
fois sur les secondes; c'est une raison pour ne rien dissimuler de celles-
ci.
La première, c'est que le titre ne s'adapte pas exactement à l'ouvrage.
Les deux premiers chapitres traitent de Descartes, de Hobbes et de
Locke; le troisième est consacré à Burthogge, qui vit à peine, s'il les
vit, les premières années du xviue siècle; le chapitre sur Malebranche,
qui est le centre véritable du livre et dont tous les grands ouvrages
avaient paru avant 1700, nous met à la page lyS. Voilà donc un peu
2 32 REVUE CRITIQUE
plus du tiers de l'ouvrage consacré au xvii= siècle, surtout français.
Avec Taylor, Norris, Collier et Berkeley, nous sommes en pleine Angle-
terre du xviii^ siècle. A la page Sji, nous passons en Amérique, où
nous restons, avec Samuel Johnson et Jonathan Edwards, jusqu'à la
page 443. Nous avons donc dans un ouvrage de 481 pages, 245 pages,
plus de la moitié, étrangères soit au xvni« siècle, soit à l'Angleterre,
c'est-à-dire, de toutes façons, au sujet qu'annonce le titre.
Le sujet véritable, et c'est ma seconde critique, c'est, au moins pour
les trois premiers quarts du livre, Malebranche et les sources cartésien-
nes de l'idéalisme anglais. Or ce biais est certainement inutile en ce qui
concerne Berkeley, qui s'explique par lui-même et par Locke, non par
Malebranche, et il est certainement dangereux, en ce qui concerne
Taylor, Norris et Collier. Un centre secondaire d''influence ne doit
pas être transformé en un centre principal d'action. La méthode qui
consiste à isoler les hommes du milieu sentimental et intellectuel
dans lequel ils vivent et à s'attacher uniquement aux filiations
érudites qui se croisèrent accidentellement dans leurs cerveaux, cette
méthode peut fournir de bons résultats lorsqu'elle s'applique à des
esprits de premier ordre, et d'utiles monographies lorsqu'elle s'ap-
plique aux autres; elle ne donne point d'histoire générale. Les créateurs
philosophiques valent par eux-mêmes, parce qu'ils dirigent l'histoire;
les esprits de second ordre, qui ne sont que des intermédiaires et des
effets, flottent dans l'histoire qui les entraîne. Je persiste à croire qu'on
comprend aussi incomplètement des hommes comme Taylor, Norris ou
Collier que des hommes comme Toland ou Shaftesbury, lorsqu'on perd
de vue la réaction théologique, superstitieuse et cléricale de l'Angleterre
à demi rationaliste et intellectuellement désorganisée de l'époque de
Guillaume et d'Anne.
La troisième critique, qui découle de la seconde, s'en prend égale-
ment à un défaut de méthode. Il s'agit de trouver au xvii"= siècle, en
France et en Angleterre, les germes d'où se développera l'idéalisme de
Malebranche,. puis des Anglais. J'ai quelque défiance à l'égard d'une
méthode qui cherche dans des doctrines construites et bien conformées,
comme celles de ûescartes et de Locke, les « virtualités » de doctrines
qui seront, sur quelques points essentiels, la contrepartie de celles'là.
Je comprends les essais d'interprétation philosophique d'une doctrine,
mis à part tout souci de l'exactitude historique, comme le Descartes de
M. Natorp; ce n'est pas de l'histoire, c'est franchement autre chose. Je
comprends moins la douce sollicitation des textes, qui les respecte, tan-
dis qu'elle les viole. Je prends le Descartes de M. Lyon : « Qu'on les
parcoure (les méditations) même superficiellement, on ne pourra ne pas
êire frappé de la persistance avec laquelle s'y élève, pour défier la dia-
lectique réaliste ce que nous appelons dans notre langage moderne le
doute transcendantal » (p. 26). C'est vrai de la méthode. C'est inexact
de la doctrine. Je continue : dans la deuxième méditation, il est dit de
d'histoire et de littérature 2 33
la cire: « quand... je la considère toute nue, il est certain que... je ne la
puis néanmoins concevoir de cette sorte sans un esprit humain ». D'où
M. Lyon conclut : « Combien il serait aisé, en pressant un peu ces
riches paroles, d'y reconnaître un sens bien voisin du subjectivisme
qu'exposera le Traite de Berkeley de la connaissance humaine... Ils
conviennent Tun et l'autre en ceci d'essentiel : point de morceau de
cire que pour un esprit » (p. 27). La citation n'est pas comprise : à la
lire, et la page qui précède (1" édition française, p. 29 sq.) d'une manière
moins « superficielle », on en voit aisément le sens : il ne faut point
qu'un philosophe tire des occasions de douter (qu'il est occupé à cher-
cher) des formes et termes de parler du vulgaire; la connaissance évi-
dente et parfaite de ce qu'est la cire, la seule à laquelle il convienne de
s'attaquer, n'est pas la connaissance par le moyen des sens ou de la
puissance Imaginative, mais bien celle qui résulte d'un examen exact
de ce qu'elle est. a Certes, il seroit ridicule de mettre cela en doute, car
(\m(sic) auroit-il dans cette première perception qui fust distinct et
évident, et qui ne pouroit pas tomber en mesme sorte dans le sens du
moindre des animaux? Mais quand je distingue la cire d'avec ses formes
extérieures, et que... je la considère toute nue, certes... je ne la puis
concevoir de cette sorte sans un esprit humain. » C'est-à-dire que la
connaissance claire et distincte est celle qui se fait par le moyen de la
raison qui appartient à l'homme seul. Il y a cela, et il n'y a que cela.
— Plus loin : <» Ne disons pas que le monde dont sa physique a besoin
est un pur intelligible ; contentons nous d'afïirmer qu'f/ doit ressembler
d'aussi près que possible à un univers exclusivement idéal » (p. 37).
« Les méthodes qu'il applique à l'étude de la nature ne s'accommodent
que d'une matière aussi spiritualisée que possible » (p. 38). Nous voilà
en pleine « sollicitation ». Plus loin : n Le soupçon d'une productivité
intérieure, propre à la pensée humaine... perce de plus en plus dans la
Correspondance » (p. 40). On voudrait des preuves, qu'on a peine à
trouver soi-même. M. Lyon dit, en concluant (p. 44) : « Si une inspira-
tion hautement immatérialisie anime à ce point l'œuvre de Descartes,
d'où vient cependant que nombre de ses admirateurs s'y trompèrent? »
Je pense qu'ils ne se trompèrent pas. — Je me hâte d'ajouter que cette
critique porte surtout contre le chapitre relatif à Descartes et aussi, à
un moindre degré, contre le Hobbes, le Locke et un peu le Burthogge
(notamment pp. 85, 86) de M. Lyon. Elle disparaît sitôt que nous nous
trouvons en plein idéalisme ou, plus exactement, en plein immatéria-
lisme.
C'est là ma quatrième critique, qui est la plus importante, parce
qu'elle s'adresse à l'esprit général du livre et à son inspiration philoso-
phique. Idéalisme, pour M. Lyon, est exactement synonyme d'immaté-
nalisme. A quoi j'objecterai que tout idéalisme n'est pas immatérialiste,
et que tout immatérialisme n'est pas nécessairement idéaliste. Si ce
n était là qu'une question d'usage et de définition de mot, ou même s'il
234 REVUE CRITIQUE
n'y avait là qu'une attitude d'esprit personnelle à M. Lyon et sans effets
manifestes dans son présent ouvrage, il n'y aurait pas lieu d'insister sur
cette critique; ce qui m^ oblige, c'est que le manque de distinctions
nettes l'a conduit à forcer la doctrine idéaliste de Malebranche dans le
sens du phénoménisme immatérialiste où il voyait la conséquence
nécessaire de ses prémisses, à déterminer incomplètement la position
historique de Berkeley et de Hume, et, sans parler des inexactitudes de
détail, trop nombreuses pour être toutes relevées i, à interpréter la
doctrine de Kant d'une manière qui n'est pas la vraie. — J'indique briè-
vement le sens général de cette critique qui voudrait être développée.
1° Tout idéalisme n^est pas immatérialiste. — Le mot idéalisme
signifie d'abord la doctrine qui affirme Texistence d'une réalité supra-
sensible et y voit la source et la cause d'existence de la réalité sensible.
Cette doctrine, qui est dans ses traits généraux celle de Platon, de
Malebranche et de Leibniz, n'est pas un immatérialisme, car : i" Teffort
même tendant à réduire un ordre de choses à un autre atteste la
croyance profonde à la réalité de l'un et de l'autre ; i° cette réduction,
qui repose tout entière sur l'interprétation mystique du mot être^ s'ef-
force uniquement d'établir que Tordre idéal est autrement et est plus
que l'autre, étant admis qu'ils sont l'un et l'autre; 3° toutes ces doc-
trines, à supposer même qu'elles réduisent la réalité sensible à n'être
qu'un non-être, qu'une limite, qu'un phénomène, restent toujours des
philosophies de l'être, c'est-à-dire qu'elles maintiennent comme point
de départ le dualisme substantialiste de l'être et du connaître. Une
matière idéalisée ou théologiquement divinisée n'est pas la matière
niée. Ces doctrines ne sont pas immatérialistes. — D'où suit, au point
de vue spécial qui nous occupe, que la philosophie de Malebranche, à
supposer qu'elle soit un idéalisme, n'est pas un immatérialisme, ne
tend pas logiquement à l'immatérialisme et ne prépare pas, absolument
parlant, l'immatérialisme de Berkeley.
L'idéalisme, en second lieu, au sens moderne et strict du mot, est la
I. En voici quelques-unes : Il n'est pas exact que Kant ait substitué « à la simple
observation empirique la réflexion pure » (p. 471); Kant, dans la Critique, fait œuvre
d'analyste logicien; le rôle de l'expérience reste entier dans les domaines qui sont
les siens; Kant en affirme plus que personne la validité, que tous ses efforts tendent
à justifier. Il n'est pas exact qu'il maintienne contre Hume « la valeur de l'expérience
a priori »; il n'eût compris ni la chose ni le mot. Il n'est pas exact qu'il édifie une
métaphysique « avec le scepticisme pour base >•>; il n'est un sceptique qu'aux yeux
du dogmatisme vulgaire ; son rationalisme est critique en un sens, dogmatique en un
autre. Il n'est pas exact qu'il admette « des synthèses a priori préalables à la plus
élémentaire expérience » ; autant vaudrait reprocher aux lois de la gravitation d'être
préalables à la chute d'une pomme. Il n'y ù enfin rien de moins exact que les phrases
vraiment surprenantes que voici : « Les notions abstraites... régnent souverainement
dans les trois Critiques. Elles peuplent la pensée humaine, la nature, le ciel, sous !l
les noms divers de catégories, de formes a /^n'orf, d'idées pures, d'impératifs. » Kant 1
est étranger à cette fantasmagorie. Ces concepts, ces formes et ces idées peuplent la
pensée, c'est-à-dire que la pensée les retrouve dans les objets qu'elles constituent, cl
dans ses propres démarches qu'elles dirigent. — J'en omets diverses autres.
d'histoire et de LITTÉRATURK 2 35
doctrine qui débute par déclarer vaine toute spéculation relative à l'être
des choses, et se place au cœur même de la connaissance pour chercher
la raison de l'être en tant qu'il est connu, et non plus la cause de l'être
en tant qu'il est. Cette doctrine, que Kant inaugure, n'est pas immaté-
rialiste, car : i° elle accepte comme étant donnée avec des caractères
d'objectivité qui mettent sa validité hors de doute, la forme spatiale,
temporelle et généralement matérielle de certaines d'entre nos repré-
sentations; 2" même lorsqu'elle cherche dans des éléments intellectuels
la raison de l'intelligibilité (et non plus la raison de l'existence), de la
réalité sensible immédiatement donnée, elle poursuit une explication et
non plus une réduction, c'est-à-dire qu'elle conserve aux données sen-
sibles immédiates leur caractère d'irréductibilité; 3° à supposer même
que ce qu'elle conserve d'irréductible dans le contenu immédiat de la
sensibilité externe ne soit qu'une sorte de limite fuyante de la pensée,
cette doctrine reste une théorie immanente et moniste du connaître,
c'est-à-dire qu'elle ignore la distinction du dedans absolu et du dehors
absolu. Ignorer l'extériorité absolue n^est pas nier l'extériorité. Nier la
validité de toute spéculation relative à un soi-disant en soi des choses
n'est pas nier la matière. Une doctrine qui considère la matière comme
donnée en fait et fondée en droit n'est pas une doctrine immatérialiste.
— D'où suit, au point de vue spécial qui nous occupe, que la philoso-
phie de Kant, qui est un idéalisme, ne continue en aucune façon l'im-
matérialisme de Berkeley.
2° Tout immatérialisme n'est pas idéaliste; — je veux dire, toutes les
doctrines que M. Lyon considère comme immatérialistes ne sont pas des
idéalismes. Hume et Stuart Mill, qui sont des phénoménistes psycho-
logues, ne sont pas idéalistes. Hume, qui n'est pas un fils authentique
de Berkeley et qui est le père authentique de Kant, est un analyste
psychologue, comme Kant est un analyste logicien. De même que lui,
dégagé du préjugé de l'être, il considère comme concret et donné le
contenu immédiat de la conscience ; comme lui, il en étudie la forma-
tion et la structure, mais par d'autres moyens. Kant est un idéaliste,
parce qu'il est un logicien et un aprioriste, c'est-à-dire parce qu'il se
pose la question de l'objectivité des choses en tant qu'elles sont con-
nues, et qu'il la résout logiquement et métaphysiquement au bénéfice
de la pensée, parce qu'en un mot il cherche et croit trouver le sens et la
valeur métaphysiques de la connaissance. Hume est un réaliste et un
empiriste, parce qu'il s'en tient à l'histoire de la connaissance et à la
critique psychologique de sa genèse. Hume et Stuart Mill ne sont à
aucun titre des idéalistes. — Mais ils ne sont pas davantage des imma-
ténalisies, car ce n'est pas répondre négativement à la question de
l'existence extérieure que d'éliminer la question de l'extériorité absolue,
comme fait Hume, que de la considérer comme éliminée, comme fait
Stuart Mill.
Ainsi l'idéalisme dogmatique — qui est à peine un idéalisme— s'épuise
2 36 REVUE CRITIQUB
dans la réduction jamais achevée d'un ordre de l'être à l'autre; il n'est
donc pas immatérialiste; l'idéalisme critique et le phénoménisme —
qui n'est pas un idéalisme — cherchent dans l'un des ordres du connaître
l'explication, logique ou psychologique, de l'autre; ils ne sont donc
pas immatérialistes. Que reste t-il donc à l'immatérialisme?
Il reste Beikcley, qui est seulde son espèce, parce qu'il est hybride.
C'est que le développement historique que raconte M. Lyon est double
et non pas unique, comme il le fait. Berkeley est à la croisière des deux
voies qui viennent l'une de Locke, l'autre des idéalistes cartésiens. De
ceux-ci et surtout de son éducation théologique, il reçoit la doctrine de
la primauté de l'ordre supra-sensible ; il reçoit aussi, et c'est l'essentiel,
l'état d'esprit dogmatique, le souci de l'être des choses, la répugnance
théologique pour le donné inintelligible et irréductible. De Locke, il
reçoit la méthode de la critique psychologique et génétique des concepts.
Son effort tout entier consiste à appliquer à l'être la méthode critique
valant seulement dans les limites du connaître; sa philosophie tout
entière est l'adaptation illégitime de raisons psychologiques aux réalités
ontologiques; il se dépensera à réduire par une critique psychologique
l'extériorité absolue qui ne se laisse point déduire. D'où la parfaite soli-
dité apparente de ses argumentations; elles sont merveilleusement
liées, mais elles reposent toutes sur le sophisme de la \j.it:xîx'j'.i; tic, ôcXas
Y^voç. Il fallut la netteté d'esprit peu superstitieuse de Hume pour en
venir à bout.
Et il fallut un esprit infiniment grossier pour donner la formule naïve
de ce qu'il y a d'absurde, c'est-à-dire de radicalement illogique dans
l'immatérialisme conséquent : c'est Schopenhauer s'émerveillant de voir
l'univers entier, et les espaces infinis tenir à l'aise dans l'étroite boîte
crânienne. C'est une caricature, mais qui ressemble.
J'arrive à ma cinquième et dernière critique, la plus superficielle de
toutes. Elle tient en un mot : le style de M. Lyon est joli, très joli,
mais trop joli. En voici quelques exemples : Locke « n'aurait fait... -'
qu'un bien mauvais cartésien, à juger de ce qu'il eût été, disciple, par ce i
qu'on le vit opposant » (p. 5j). « Arnauld, mort en 1694, ^^ désarma
point pour cela; car, en 169g, deux lettres posthumes de lui, etc. »
(p. 102, n. 4). Le philosophe a le devoir <i de prendre de ces traces
attentivement note » (p. i3i). En maints autres passages, la langue de
M. Lyon, toujours colorée, souple et aimablement capricieuse, a de ces
affaissements qui distraient un moment. On ne s'arrêterait point à rele-
ver ces minuties si la grâce un peu trop parée du vêtement ne fardait
parfois au point de le cacher le sérieux de la pensée.
Lucien Herr.
%
d'histoire et de littérature 237
i52. — Documents militaires du lieutenant-général de Campredon. l.a défense
du Van et le passage des Alpes, lettres des généraux Masséna, Suchet, etc.,
lettres diverses annotées et publiées par Ch. Auriol (avec quatre cartes). Paris,
Pion, 1890. In-8, XII et 426 p. 4 fr.
Après nous avoir donné les documents et notes de Campredon sur la
défense de Danzig (cp. Revue, i88g, n^ 9], M. Auriol publie les pièces
relatives à la défense du Var et au passage des Alpes qu'il a trouvées
dans les papiers du général. Ces pièces, sauf quelques fragments d'Iti-
néraire, ne sont pas de la main de Campredon : elles se composent de
lettres de Masséna, de Suchet et autres (par exemple, de Vallongue,
dont la correspondance a été cofnmuniquée à M. A. par le général
baron Berge). M. A., suivant sa méthode antérieure, y a joint des let-
tres contenues dans les Récits sur l'histoire de Nice du chevalier To-
selli, ou tirées de la correspondance du Premier Consul (lettres de Bona-
parte et des généraux de l'armée d'Italie). Ces documents, ainsi juxtaposés,
montrent, comme dit M. A., les causes légitimes de Tinaction de Mas-
séna au début de la campagne de l'an VIII, Tinfluence qu'exerça Tatti-
tude de Suchet sur le succès définitif, les obstacles que rencontrèrent des
généraux à peine secourus et placés dans une situation difficile. M. A.
n'a pas voulu faire un récit ; il se contente de donner des documents,
tout en les interprétant quelquefois et en reliant les chapitres du volume
par des sommaires consciencieux ; il écrit pour « ceux qui cherchent dans
l'histoire, non pas un délassement, mais une base certaine à leurs tra-
vaux. » De même que dans son précédent volume, il imprime en gros
caractères tout ce qui est citation textuelle dedocuments authentiques, et
en petits caractères les renseignements puisés à d'autres sources. Il main-
tient — et nous regrettons et blâmons ce procédé par trop commode —
l'orthographe des noms propres telle qu'elle est dans les documents eux-
mêmes. Mais à quoi bon un Index des noms qui n'indique pas les
pages où se trouvent ces noms? De quelle utilité peut être cette liste
toute sèche? Et ne fallait-il pas, dans cet Index, écrire les noms selon
leur véritable orthographe? M. Auriol sait-il que Radat^ki est le célèbre
Radetzky? P. 173 le général Mainoni n'était pas un « officier d'origine
italienne » ; il est né à Strasbourg en 1752. Ajoutons que le livre com-
prend quatre parties : L'armée de réserve et l'armée d'Italie; Défense de
la Ligurie-, La défense du Var et le passage du Saint-Bernard; Gênes
et Marengo.
A.C.
Lettre de M. W. Brandt et réponse de M. Rubens Du val.
Permettez-moi de présenter les observations suivantes à propos de l'article que
M. Rubens Duval a consacré à mon livre sur la Religion mandéenne (n° du 10 fé-
vrier).
P. 102, je lis : « Pirâ, Ayar, Mânâ forment une triade analogue à celle d'Anu, Bil
238 REVUE CRITIQUE
et Êa dans l'ancien système babylonien. » — C'est au contraire l'assertion de M. Kess-
ler que j'ai réfutée comme incompatible avec les textes mandéens dont il s'agit
(voyez p. 28, 184) ».
La note an bas de la même page semble impliquer qu'on chercherait en vain
chez moi le mythe des Ophites, auquel se rapporte la légende mandéenne sur la
création de l'homme. M. Duval avouera que dans mon livre, p. 189 suiv., se trou-
vent mentionnés non seulement les textes ophites, mais en sus les autres textes pa-
rallèles des différents systèmes gnostiques '.
P. io3, mon opinion que la haine contre Jésus et tout ce qui lui touche de près
s'est déclarée par opposition aux missionnaires nestoriens est rejetée comme une
« conjecture... appuyée sur rien de positif. » Qu'on me permette de dire que cette
opinion n'est pas du tout une conjecture, mais le résultat direct et clairement iné-
vitable des textes mandéens cités par moi p. 142-145, où sont décrites les allures
des missionnaires célibataires : résultat appuyé en outre par le fait démonstratif que
dans tous les passages haineux du Genzâ contre le christianisme, ce dernier est dé-
signé par les termes techniques de l'église édesséenne 3,
Quant au mot malala, c'est en mandéen verbe et non pas orateur : presque partout
où il se trouve, le sens de la phrase défend de le prendre pour le mot syriaque. Voici
une des difficultés du mandéen qui montre que la ressemblance avec le syriaque est
souvent trompeuse. L'éiymologie mandéenne a ses formations propres, et pour le
mot en question, M. Duval en sera convaincu quand il aura comparé les variantes
recueillies par M. Noeldeke, Mandaeische Grammatik g 70 *.
L'explication du nom Ourashlam = « Our (le diable) l'a accompli », est due à
M. Petermann; mais je conviens qu'elle est à délaisser, parce que : 10 cette expli-
cation est tout à fait superflue, et 2° il lui manque un appui dans les traités du Genzâ,
où la fondation de la ville de Jérusalem n'est jamais attribuée à ce démon Gur. — La
traduction de dayârê (non pas dayarâyé!) a déjà été rectifiée par moi-même, voyez
p. 235.
Je ne terminerai pas cette lettre sans remercier M. Duval d'avoir parlé de mon ou-
vrage avec tant de bienveillance.
W. Brandt.
CHRONIQUE
FRANCE.— Nous recevons le premier no an Bulletin des Musées^ Revue mensuelle
publiée sous le patronage de la direction des Beaux-Arts et de la direction des Musées
nationaux, par E. Garnier et L. Benedite (Paris, librairie Léopold Cerf, 12 francs
par an). L'avant-propos, signé de M. P. Mantz, nous apprend que cette nouvelle re-
vue a pour but d'établir entre les conservateurs de musées, critiques, amateurs, etc.
1. Cette triade résulte du passage suivant du Genza traduit par M. B , p. 24 . u Aïs da war das
Pirâ in dem Pirâ, und als da war das Ajar in dem Ajar, und als da war der grosse Mânâ der
Herrlichkeit. > R. D.
2. M. B. ne parle de Jaldabaot, p. 190, que comme instigateur du déluge. Il m'était donc bien
permis, à propos de la création d'Adam, de renvoyer le lecteur au livre de M. Hœnig. R. D.
3. Les Mandéens se rencontrent avec les Op'nites dans leur haine contre Jésus; était-ce donc par
réaction contre le Nestorianisme que les Ophites avaient conçu cette haine? Que vient faire l'église
d'Edesse, qui était jacobite, dans une question de mission nestorienne? R. D.
4. Malgré l'autorité citée par M. B., il me paraît difficile d'admettre que malala soit pour mam-
lela, et signifie « verbe » au lieu de » orateur ». — R. D.
d'histoire et de littérature 239
« le lien fraternel qui n'existe pas et de compléter notre outillage en mettant en nos
mains le précieux instrument d'informations qui, tous les jours, manque à notre la-
beur. »Quoi qu'en pense M. Mantz, il nous semble que la nécessité de cette publica-
tion ne se faisait pas sentir. L'indication des acquisitions récentes des Musées trou-
verait tout naturellement sa place, à l'abri du patronage administratif, dans la Re-
vue archéologique et dans la Ga:^etle des Beaux-Arts, pour ne citer que ces deux
périodiques qui embrassent tout le domaine de l'art et de l'archéologie. C'est ainsi
qu'en Allemagne le Jahrbuch des Archaeologischen Instituts publie les acquisi-
tions d'objets antiques et que le Jahrbuch der k. k. Sammîungen fait connaître
les autres. Les travailleurs ont beau protester contre la création encombrante
de Revues nouvelles; il ne semble pas que les administrations en aient cure. Le
premier fascicule du Bulletin des Musées contient une seule gravure, aussi mau-
vaise que possible, d'après le couvercle d'une boîte à miroir du Musée du Louvre ;
on ne peut que regretter de voir sacrifier ainsi un monument qui méritait mieux.
Les autres notices, se rapportant aux sujets les plus divers, font de ce Bulletin une
sorte de capharnaum dont ils montrent suffisamment l'inutilité.
— M. Michel Bréal publie en tirage à part, sous le titre « Premières Injluences
de Rome sur le monde germanique », deux articles du « Journal des Savants » (oct.-
nov. 1889), écrits à l'occasion du nouvel ouvrage de M. S. Bugge, Studien iiber die
Entstehung der nordischen Gœtter- und Heldensage. Ce travail promet d'être pour
la lexicographie germanique ce que furent pour l'étymologie latine les ingénieuses et
suggestives études par lesquelles M. Bréal a ramené à un emprunt du latin en grec
un si grand nombre de formes latines dont on s'obstinait en vain à chercher l'ori-
gine et les concordances phonétiques indo-européennes. Rien a priori n'est plus
plausible que sa conjecture : Platon déjà enseignait que les mots grecs qui ne s'ex-
pliquent point par le grec doivent trouver leur raison d'être chez les barbares; la
marche inverse est encore bien plus naturelle, et il serait vraiment surprenant que
Latins et Germains eussent vécu si longtemps côte à côte sans presque rien échan-
ger que des termes savants ou techniques. Partant de cette idée, M. B. n'hésite pas à
attribuer à l'emprunt direct des mots tels que le gothique rathjô (compte, lat. ratio),
les adjectifs allemands kur^, lang, wahr, etc., et même — ce qui d'ordinaire offre
plus de difficulté — des suffixes dérivatifs comme le gothique -duth-, qui, au point
de vue sémantique, équivaut au latin -tûdô et en serait conséquemment issu. (L'em-
prunt admis, ce serait plutôt au suffixe latin -tût-, de servitûs, qu'il faudrait le rap-
porter ; car, l'accent latin demeurant intact dans le transport en gothique, le résultat
prévu par la loi de Verner serait mathématiquement -duth-; mais les deux suffixes
latins -tût- et -tûdô n'en font qu'un sans doute à l'origine.) Les mots baûrgs (lieu
fortifié) et skip (navire), appartiendraient à une couche d'emprunts antérieure et
préhistorique. L'argumentation est conduite avec cette élégance persuasive que le
maître sait allier à la solidité.
— Vient de paraître un volume nouveau de la Vie privée d'autrefois de M. Alfred
Franklin (Paris, Pion. In-S", m, 244 et 41 p.). H est consacré à Yhygiène et com-
prend quatre chapitres: xiie-xvi' siècle, xvi« siècle, xviie siècle, xvme siècle. C'est un
des volumes les plus curieux et les plus piquants de la série et on y remarquera
r^;;;7e)i^jce qui renferme certains renseignements à la fois utiles et scabreux.
— M. Henry Lemonnier, qui supplée cette année M. Lavisse à la Sorbonne, a fait
tirer à part sa leçon d'ouverture qui a pour titre Les origines des temps modernes
et la Renaissance et qui avait paru dans le n" du i5 janvier de la <i. Revue internatio-
nale de l'enseignement ».
240 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 14 mars i8go,
M. Layard, élu associé étranger de l'Académie, adresse au secrétaire perpétuel une
lettre de remercîmcnts.
M. GcflVoy, directeur de l'Ecole française de Rome, donne, par une lettre adressée
au président de rAcadcmie, des détails sur les dernières découvertes faites à Pompéi.
Outre deux nouvelles empreintes decadavies, dont les moulages en plâtre sont main-
tenant exposés, on a trouvé l'empreinte d'un arbuste, avec ses branches, ses feuilles
et ses fruits. Le moulage a pu en être opéré et on a reconnu un laurier dont les
baies ne mûrissent qu'à la fin de l'automne. On doutait jusqu'ici, à cause du désac-
cord des manuscrits de Pline, si l'éruption du Vésuve avait eu lieu le 24 août ou le
.j3 novembre : la preuve est maintenant en faveur de cette dernière date.
En terminant, M. Gefl'roy signale l'importance d'un nouveau recueil, dont la pu-
blication vient d'être commencée par l'Académie royale des Lincei, sous le titre de
Moniimenti antichi.
M. Schefer, président, annonce à l'Académie la mort de l'un de ses correspondants,
M. Deschamps de Pas.
L'Académie procède au vote pour la présentation de deux candidats à la chaire
d'épigraphie et d'antiquités sémitiques au Collège de France.
M. Clermont-Ganneau est présenté en première ligne, M. Philippe Berger en se-
conde ligne.
M- l'abbé Duchesne lit une notice intitulée : Une martyre africaine inconnue. Il
appelle l'attention de ses confrères sur un texte hagiographique qui vient d'être pu-
blié tout récemment, la Passion de sainte Salsa, martyre à Tipasa, en Maurétanie.
Cette sainte, une jeune fille chrétienne de quatorze ans, déroba, dit-on, une idole
païenne pendant une fête et la précipita, du haut du promontoire qui domine la ville
de Tipasa, dans la mer. Massacrée par les païens et jetée à son tour à la mer, elle
fut rencontrée par un navire provençal, dont le capitaine lui donna la sépulture. Un
sanctuaire lui fut plus tard consacré sur l'emplacement du temple de l'idole détruite.
Ce récit est curieux pour l'histoire et la topographie antique de la côte africaine. On
y trouve notamment des détails sur la révolte du prince maurétanien Firmus, au
temps de l'empereur Valentinien.
M. de la Martinière, terminant sa communication sur les rechsrches archéologi-
ques entreprises par lui au Maroc, dans l'ancienne province de Tingitane, met sous
les yeux des membres de l'Académie, d'abord des objets recueillis sur l'emplacement
de la ville antique de Lixus, puis des plans et levés topographiques et des photo-
graphies des diverses enceintes de la ville, depuis l'antiquité jusqu'à l'époque byzan-
tine. Il communique ensuite une grande photographie de la basilique de Volubilis,
autre ville antique où il a recueilli un grand nombre d'inscriptions romaines. M. de
la Martinière insiste sur le concours etHcace que lui a prêté le repiésentant de la
France à Tanger, M. Patenôtre : c'est grâce à l'intervention de M. Paienôtre qu'ont
été obtenues du sultan les autorisations nécessaires pour commencer et poursuivre
les fouilles.
M. Théodore Reinach communique une étude sur le temple d'Hadrien à Cyzique,
oeuvre colossale de l'art gréco-romain, que certains auteurs comptaient au nombre
des sept merveilles du monde. L'édifice est aujourd'hui entièrement ruiné, mais il
n'en était pas ainsi au xv^ siècle. Cyriaque d'Ancône, à cette époque, en vit encore
une grande partie debout et en nota avec précision les mesures. Ses notes, retrou-
vées par M. J.-B. de Rossi et communiquées à M. Th. Reinach par M. Georges Per-
rot, lui ont fourni tous les éléments nécessaires pour restituer le plan et l'élévation
du monument. Les colonnes, au nombre de soixante-deux, étaient des monolithes
de 21 mètres de hauteur, les plus grands qui aient existé. Le fronton était décoré
d'une série de statues et d'un buste colossal d'Hadrien. Cyriaque avait copié même ,
une inscription qui donne le nom de l'architecte : il s'appelait Aristénète.
Ouvrages présentés : — par M, Barbier de Meynard : Vernes (Maurice), les Résul-
tats de l'exégèse biblique ; — par M. Siméon Luce : Lefranc (Abel), Un règlement
intérieur de léproserie au moyen âge-, — par M. Senart : Oppfrt 'Gustave), On the
original inhabitants of Bliaratavarsa or India, 2' partie, the Gaudians ; — par M. G.
Oppert : Amiaud (A.) et Scheil (V.), les Inscriptions de Salamanasar 11, roi d'Assy-
rie ; — par M. 'VioUet : Declareuil, la Justice dans les coutumes primitives; — par
M. Gaston Paris : d'Arbois de Jubainville et J. Loth, Cours de littérature celtique,
IV : les Mabinogion, par J. Loth, tome II; — par M. Schefer : 3° Darmesteter
(James), Chants populaires des Afghans; 2° Yacoub Artin Pacha, l'Instruction publi-
que en Egypte.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le fuy., imprimerie Marchessou Jils, boulevard Saint- Laurent, s3.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 13 - 31 mars — 1890
Sommaire: i53. James Darmesteter, Chants populaires des Afghans. — 154.
Johnson, Bibliothèque platonique, II. — i55. Couat, Aristophane et l'ancienne
comédie attique. — i5b. Tozer, Les îles de l'Archipel. — iSy. Tougard, Les
saints du diocèse de Rouen. — i5S. Auerbach, La question sociale au xv' siècle.
— 159. Pai.éologue, Vauvenargues. — 160. Miintz, Les archives des arts. — 161.
WL DuQUET, Paris, le quatre septembre, Chatillon. — Lettre de .M. Psichari. —
^ Chronique. — Académie des Inscriptions. — Société des Antiquaires de France.
i53. — (Société Asiatique. Collection d'ouvrages orientaux, 2« série.) Ohants po-
pulatres des Afghans, recueillis par James Darmesteter. — Paris, Imp.
Nat., E. Leroux, 1888-90. In-8, xii, ccxviii, 299 et 228 pp., plus 3 pp. de faux-
titre, titre et dédicace au commencement, et 2 pp. de faux-tiire et titre en ca-
ractères arabes à la fin (da Pushtankhwà da sha'r hâr u bahâr).
Cet ouvrage, le plus considérable, le plus digne d'attention à tous
égards, de ceux que M. J. Darmesteter a rapportés de sa fructueuse
mission dans l'Inde et l'Afghanistan britannique, paraît beaucoup plus
tard qu'il n'entrait dans les prévisions de l'auteur et du public. Mais
nous n'aurons rien perdu pour attendre, et, tout au contraire, les lettrés
qui feuilletteront ce beau livre, comme les orientalistes qui l'étudieront
â fond, s'étonneront qu'une œuvre aussi im.portante, aussi parfaitement
équilibrée en toutes ses parties, ait pu être élaborée et mise au point en
un temps aussi court. Il faudrait plus d'un article, et sans doute aussi
plus d'un critique, pour en donner une idée exacte et complète ; mais
il a déjà été annoncé et sommairement analysé dans ce volume de la
r- Revue (p. 177); le littérateur, l'historien, l'ethnographe, le folk-loriste
savent ce qu'ils y trouveront de renseignements précieux et inédits ou
d'exquises perles de poésie populaire : qu'il me soit donc permis — et
pour cause — de restreindre mon horizon et de me borner à mettre en
lumière les données nouvelles, précises et sûres dont les travaux de
M. J. D. ont enrichi la linguistique indo-européenne.
Aussi bien, ce faisant, aurai-je encore sous les yeux une notable par-
tie de ce grand ouvrage; car l'introduction ne comprend pas moins de
218 pages, soit près d'un tiers du livre, près de la moitié si l'on tient
compte de ce que la 2^ partie est la traduction et le commentaire de la
^*; et, sauf les dernières pages, où l'auteur caractérise à grands traits la
poésie des Afghans et en classe les différents genres, sauf un précis his-
torique qui, à travers d'obscures vicissitudes de conquête, d'asservisse-
ment et d'anarchie, rattache les nâvaueç d'Hérodote aux Pushtûn (mon-
Nouvelle série, XXIX. i3
242 REVUE CRITIQUE
tagnards) de nos jours, toute cette introduction est essentiellemer
linguistique. Jamais le problème afghan n'avait été abordé à la fois avec
une aussi grande abondance de documents modernes et une connais-
sance aussi approfondie des langues anciennes auxquelles l'afghan doit
être comparé : aussi les solutions qui en avaient été proposées jusqu'à
présent n'étaient-elles tout au plus que des pierres d'attente. Celle de
M. J. D. est définitive.
Pour la faire bien comprendre, il est indispensable d'en exposer briè-
vement les antécédents. Le peuple que, d'un nom probablement persan
et d'ailleurs mal expliqué, nous appelons à tort Afghan, et qui se
nomme lui-même Pushtûn (dialecte du sud) ou Pukhtûn (dialecte du
nord), a été de fort bonne heure, dès la seconde moitié du vii'^ siècle,
converti à l'islamisme et a reçu avec lui un fonds de légendes hébraï-
ques qu'il s''est merveilleusement approprié: soit foi naïve, soit désir de
se relever aux yeux des conquérants et des convertisseurs par l'attesta-
tion d'une origine commune, il a rattaché son passé aux généalogies bi-
bliques, et, complètement dépourvu d'histoire, s''en est tabriqué une apo-
cryphe où figurent les noms glorieux de David et de Salomon. Ces
noms y apparaissent sous leur forme arabe, ce qui eût pu donner l'éveil
aux savants occidentaux; car enfin, si les Afghans les eussent tirés d'un
fonds traditionnel à eux propre et transmis en leur langue, il était peu
vraisemblable qu"*ils y eussent présenté exactement les mêmes particula-
rités de vocalisme que chez les tribus du Hedjâz. Mais il faut croire que
l'ethnographie d'antan n'y regardait pas de si près : sur la foi de ces lé-
gendes et du type sémitique très accusé, paraît-il, chez certains Afghans,
mais que des croisements arabes suffisent à expliquer, on les accepta bel
et bien en masse pour des Sémites, comme on tint pour sémitique leui
langue surchargée d''emprunts étrangers. Il n'y a pas un demi-siècle que
Dorn et Ewald commencèrent à éventer la supercherie et montrèren
le peu de fond qu'il convenait de faire sur les contes de nourrice.'!
qu'un peuple indo-européen de langue, sinon tout entier de race, aval
substitués à la tradition à Jamais perdue de ses origines.
Le sémitisme une fois écarté, une autre question se posait, plus intél
ressante et plus ardue : le pushtu appartenait à la famille indo-euro]
péenne, et plus spécialement à la branche asiatique ou aryenne de ceti
famille; mais quelle division y occupait-il? Etait-ce un idiome indierj
ou éranien, ou mixte? Habitant de temps immémorial les deux versan'
des monts Soliman, aux confins de la plaine du Sindh et du platea
d'Eran, les tribus afghanes semblaient le chaînon indécis unissant h
deux groupes ethniques qui les peuplent. Ajoutons que, comme il arri^j
toujours à des peuplades barbares en contact avec des civilisations supij
rieures, elles avaient pris de toutes mains et s'étaient créé un lexiqi
composite, tout bigarré dhindoustani et de persan, de nature à dérout
la plus consciencieuse sagacité. Aussi les linguistes se divisèrent ; 1
uns, frappés de l'extrême fréquence en afghan des consonnes cacumin
D^HISTOIRK ET DE LITTERATURE 2^3
les (cérébrales), qui caractérisent le sanscrit et, à un bien plus haut de-
gré, les langues prâcritiques, constatant en outre, dans la dérivation
secondaire, Texistence de suffixes notoirement prâcrits et, dans la syn-
taxe, l'usage de tournures que reproduisent les langues modernes de
rinde, inclinèrent versTorigine indienne; les autres, attribuant ces par-
ticularités à Pemprunt direct, firent observer que, si Ton en faisait abs-
traction, le pushtu revêtait une physionomie nettement éranienne, et
même paraissait se rattacher plus étroitement au rameau oriental (zend
ou bactrien) qu'au rameau occidental ou perse de l'éranisme; d'autres
enfin s'efforçaient de maintenir la balance égale et faisaient de Tafghan
une langue intermédiaire, un type de transition. Disons tout de suite
que cette dernière solution off^rait aussi peu de surface que la plupart
des théories éclectiques; car, à la distance énorme à laquelle il fallait
faire remonter les affinités préhistoriques, et étant donnée l'extrême res-
semblance du sanscrit et du zend, une langue intermédiaire entre eux
aurait grande chance d'être soit le sanscrit soit le zend, ou de ne se dis-
tinguer de l'un ou de l'autre que par des différences devenues imper-
ceptibles à travers les altérations séculaires qui les auraient recouvertes^
Restaient les deux opinions extrêmes, toutes deux fortement repré-
sentées : M. Spiegel, l'éminent éraniste, penchait pour le prâcritisme;
M. Fr. Mûller, le grand voyageur de la Novara^ concluait en faveur
de l'éranisme. quand parurent, à huit années de distance (1864-1873),
deux grammaires pratiques et détaillées de la langue afghane. La pre-
mière, celle du capitaine Raverty, sauf un malencontreux retour vers
l'hypothèse sémitique, n'affichait aucune prétention scientifique et
formait le complément obligé d'un lexique et d'une chrestomathie res-
tés jusqu'à présent encore indispensables à quiconque s'y veut initier.
Celle du docteur Trumpp, au contraire, aussi pleine de règles minu-
tieuses qu'une grammaire latine écrite par un cicéronien, apportait
en outre à la thèse prâcritique le renfort d'un grand nombre d'argu-
ments qu'avait fournis à l'auteur sa rare connaissance des dialectes hin-
dous. C'est elle qui m'a servi de base, mais pour arriver à des conclu-
sions tout opposées, dans ces Etudes a/ghajies (iSSi-ïSS>2] queM. J. D.
a bien voulu mentionner, avec trop d'indulgence, dirai-je; mais d'au-
cuns penseront peut-être qu'il devait bien cette réparation à un essai
hâtif que son livre va reléguer dans l'oubli.
Quoi qu'il en soit, M. J. D, n'est point venu du premier coup à la
solution que j'avais cru entrevoir. Plus on sait, moins vite on affirme.
Il a longtemps hésité, et lui-même nous rappelle qu'en 1887, dans un
document officiel, il se ralliait à un prâcritisme mitigé. Mais cette thèse
surannée n'a pas tenu devant sa méthode sincère et impeccable, et voici,
dans toute leur netteté, ses conclusions d'aujourd'hui, qui seront la
science de demain : — l'afghan, une fois déblayés les éléments hétéro-
gènes qui l'ont envahi, est éranien, exclusivement éranien , comme
l'anglais apparaît exclusivement germanique lorsqu'on a passé au crible
244 REVUE CRITIQUE
les mots savants et les importations normandes; — il appartient à l'é-
ranien oriental et dérive, soit du zend lui-même, soit d'un dialecte très
semblable au zend de Zoroastre, le \end arachosien; — il est donc au
zend ce que le persan actuel est au perse des Achéménides, à cela près
toutefois quMl a subi un moindre travail de désorganisation analytique,
et, pour tixer les idées en prenant le latin comme représentant le stade
linL;uistique du zend et du perse, le persan en serait au stade d'analy-
tismedu français actuel, tandis que l'afghan représenterait assez bien ce-
lui du français deïEulalie ou de la Chanson de Roland; — seulement
le pehlvi, ce précieux anneau de transition entre le perse et le persan,
nous manque entre le zend et Tafghan; mais, au fait, il est ici bien moins
nécessaire, puisque Tafghan, moins corrompu que le persan, est à lui-
même son propre pehlvi : — bref, « l'afghan nous offre pour le zend ce
témoin moderne qu'on lui cherchait en vain et que l'on pouvait déses-
pérer de jamais trouver, et les tribus sauvages de la passe de Khaibar,
les fanatiques Musulmans des monts Sulaimàn, ont conservé sur les
lèvres, mieux que les Parsis de Bombay, la parole des Mages antiques
et de Zoroastre ».
Certes, il est bien curieux de voir toute une race, nomade, illettrée,
sans cités ni monuments, conserver à travers les âges l'irréfragable té-
moin d'un passé ethnique, politique et religieux dont elle a perdu jus-
qu'au plus vague souvenir; mais surtout il est satisfaisant pour l'esprit
humain de constater que de pareilles exhumations sont possibles, et ins-
tructif de suivre la filière des recherches qui y ont abouti.
M. J. D. commence par faire le départ des nombreux éléments em-
pruntés par l'afghan au persan, à Parabe et à Phindoustani. Ce travail
préliminaire était indispensable, s'il ne voulait s'exposer, comme Pa-
vaient fait ses devanciers, à étayer toute une théorie de la langue afghane
sur des mots non afghans. De plus, les transformations que l'afghan
avait manifestement fait subir aux termes par lui empruntés, devaient
mettre le linguiste surla voie des principalesloisphonétiquesdela langue, I
sauf à les vérifier subsidiairement sur les éléments indigènes, en même
temps qu'elles l'éclairaient sur le caractère phonétique primitif et pur de |
Tafghan. De cette première étude se dégagent déjà les faits suivants : —
i'' l'afghan laisse intacts les phonèmes persans, ce qui crée une pré-
somption générale d'identité entre les systèmes phonétiques des deux
langues; — 2° il modifie tous les phonèmes caractéristiques de l'arabe,
ce qui achèverait, s'il était nécessaire, de ruiner la légende sémitique ; —
3** il ne montre de consonnes cacuminales que dans les mots emprun-
tés à l'hindoustani, ce qui brise l'unique lien phonétique par lequel il
semble se rattacher aux langues prâcritiques.
Ces points acquis, l'auteur compare, consonne à consonne, les deux
systèmes phonétiques de Pafghan et du vieil-éranien (zend et perse). Il
établit, par exemple, que l'afghan ne possède plus aucune des explosives
aspirées qui caractérisent le sanscrit et qu'ont maintenues les langues d|
d'htstoire et de littérature 245
l'Inde, qu'en revanche il a développé, comme l'éranien, des continues
aspirées telles que son kh, qui vaut ■/ du grec moderne, et non 7 du
grec ancien, qu'à s initial sanscrit devenu h en éranien, il répond par h,
à cv sanscrit par sp éranien (sk. çvan- « chien », zd spaka, afgh. spai},
etc.j; que, par suite, l'afghan n'est point indien, mais éranien. Rétrécis-
sant encore la limite qu'il vient de tracer, il démontre que, si l'afghan
est éranien, il n'est ni pehlvi ni persan, et qu'on ne peut dès lors le rat-
tacher au rameau perse, que toutes ses affinités le reportent vers le zend
ou un dialecte voisin, et il formule alors à bon droit la conclusion ma-
gistrale, que j'ai déjà transcrite en remplaçant par l'indicatif d'affirma-
tion son trop modeste conditionnel.
La morphologie, comme il arrive souvent, est moins décisive que la
phonétique : elle indique bien, à n'en pas douter, que le pushtu est éra-
nien, mais elle ne le rapproche guère plus du zend que du perse. En
tout cas, sa déclinaison l'éloigné beaucoup du persan moderne, qui a
perdu la notion du genre grammatical et remplacé tous les cas par des
prépositions. L'afghan, par une exception étrange à la rigueur des lois
phonétiques, a gardé le souvenir de l'ancien contraste -as- -â qui distin-
guait le masculin du féminin en aryen, alors pourtant qu'il a laissé tom-
ber toutes les autres finales : ici la nécessité sémantique semble avoir
prévalu sur l'usure phonétique; mais évidemment cette explication n'en
est pas une, et il vaudrait la peine de rechercher les actions d'analogie
qui ont pu préserver ou ramener les finales condamnées. De plus, l'af-
ghan conserve une déclinaison à deux cas, toute pareille à celle du fran-
çais du moyen âge, sauf toutefois, si mes souvenirs sont exacts, — M. J.
D. ne s'en explique pas expressément — que son cas direct est à la fois
nominatif et accusatif, son cas oblique procédant essentiellement du gé-
nitif ancien. Dans la conjugaison aussi, l'afghan est plus pur : tandis
que le persan s'est refait une conjugaison active nouvelle, en transférant
le sens actif aux formes de la construction passive que le pehlvi déjà
faisait prévaloir en les obscurcissant, l'afghan maintenait intacte la
distinction des deux constructions active et passive et continuait à
employer concurremment l'une et l'autre. Il faut lire les détails de ce
remarquable processus, qui montre une fois de plus combien une langue
sauvage peut rester pure, et combien de barbarismes peut s'assimiler une
langue élégante et raffinée.
L'étude de la dérivation n'est pas moins suggestive. L'afghan a deux
participes passés, l'un sans suffixe apparent (kar « fait », fm. kra, pi.
kra), l'autre avec un suffixe -/ (kra « fait », fm. kral-a, pi. kral)^ qui
ont fait longtemps le désespoir des interprètes : si le premier, comme
l'indiquait la théorie, devait contenir, à l'état latent, le suffixe indo-eu-
ropéen -iô- des verbaux, le second était donc le produit d'une suffixa-
tion secondaire : quelle pouvait bien être cette formation participiale
nouvelle greffée sur une ancienne? M. Fr. Miiller pensait à un redou-
blement du suffixe -fd-,et restituait un préafghan *kar-tata-\ pour moi,
246 REVUE CRITIQUE
je croyais avoir trouvé en Éran un pendant au participe latin en -iû-
rus, jusqu'à présent isolé, et en dépit de la différence de sens je posais
*mv-tara v mortuus » = moritilrus. M. J. D. fait bien voir que ces
deux formes ne sont, en quelque sorte, que des doublets phonétiques, et
se ramènent l'une et l'autre au, suffixe -tô- : dans certaines positions, le
t devait tomber; dans certaines autres, permuter en / ; de là, deux dé-
sinences différentes, que l'analogie a confondues et parfois superposées.
En même temps qu'il identifie ces deux formes dissemblables, il sépare
nettement deux formes absolument identiques en apparence, le participe
passé en -a/ et l'infinitif en al, dont l'homophonie ne laissait pas que
d'être embarrassante : l'infinitif se ramène au nom d'action indo-euro-
péen en -tî-, et c'est un simple accident phonétique, la chute de la finale
atone, qui l'a fait ressembler extérieurement au participe.
C'est par cette délicate et brillante application de la méthode linguisti-
que à un idiome jusqu'à présent réfractaire, que M. J. D. a mérité de
formuler des conclusions qui demeureront. Les seuls traits de la mor-
phologie afghane que l'on ait signalés comme prâcritiques ou néo-hin-
dous, sont, ou bien illusoires, ou communs aussi au néo-éranien : le
participe en -al n'est point le participe en -il de l'hindi, puisqu'il est le
produit d'une évolution phonétique bien constatée en afghan même ; la
tournure passive « par moi lettre écrite », substituée à « j'ai écrit la let-
tre », n'est point celle que les dialectes prâcritiques ont reçue en héii-
tage du sanscrit des conteurs — - ou lui ont transmise, je ne me charge
pas de décider ce point — {râjnoktam au lieu de râjovâca), puisque le
pehlvi a la même construction, et que le verbe persan, sorti du verbe '|
pehlvi. Ta reçue de lui, sauf à Toblitérer plus tard. Il n'y a rien enfin *
que d'éranien dans Tafghan.
Ce résultat n'est point le seul que nous devions à la patiente investi-
gation de M. James Darmesteter. Lorsqu'une langue nouvelle entre dans
le canon scientifique et retrouve ainsi ses origines effacées, la science i
qui les a retrouvées se met à son école et recueille à son tour tout ce
qu'elle en peut apprendre. Ainsi, l'arménien a complété nos données sur
le vocalisme proethnique, et l'albanais tient peut-être en réserve quel-1
que découverte qui éclairera la période ténébreuse où le germanique et \
le letto-slave ne formaient encore qu'une seule unité linguistique. Mieux
classé qu'eux, puisqu'il se rattache à une famille nombreuse et bien
connue, tandis que l'éranien et l'albanais semblent condamnés à l'isole-
ment, l'afghan, ce zend vivant, animera pour nous le zend mort — si
bien mort que les Parsis ne comprenaient plus leurs livres saints avant
que l'exégèse européenne les leur expliquât. — Il a déjà commencé : le
n-\o\.ztndva\dvare, qu'on traduisait vaguement « bien, bien-être », d'a-
près la glose pehlvie, mais signifiant « embonpoint » selon la traduc-
tion de Néryosengh, se voit confirmer ce sens par celui de l'afghan
wâ-{da. Au point de vue phonétique, l'une des grandes lacunes de nos
documents crâniens, c'est l'absence de l'accent, si minutieusement ob-
II
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 247
serve au contraire dans la transmission des textes védiques : bien que
l'accent sanscrit soit en général très pur, il serait parfois intéressant de
le contrôler; il le serait surtout^ de savoir si l'accent aryen avait subi
dans le domaine éranien des altérations particulières. Qui sait si l'obser-
vation attentive des dégradations vocaliques et des chutes de syllabes de
l'afghan ne nous permettra point de restituer l'accent du dialecte zend
d'où il est issu? Ainsi le contraste phonétique de pldr (père) et de jprôr
(frère), semble refléter fidèleipent le contraste tonique de épater- et
*bhrdte7~- (skr. pitdr- bhrdtar) ; mais il se pourrait aussi que la quantité
de la première syllabe fût seule en cause. La conservation des désinences
féminine et masculine -a- -as ne viendrait-elle pas de ce qu'elles appa-
raissaient surtout dans les verbaux en -tô-, parfaitement conservés, on
Fa vu, en afghan, et de ce que là elles étaient proethniquement frappées
de l'accent, comme en témoignent encore le sanscrit, le grec et le gothi-
que? Je soumets sans y insister cette conjecture à l'auteur i.
L'ouvrage est dédié à la mémoire d'Arsène Darmesteter. Que n'a-t-il
assez vécu, cet aîné à qui les succès de son frère tenaient plus à cœur
que les siens propres, assez du moins pour voir cette œuvre achevée et
applaudir au progrès qu'elle inaugure, puisqu'une destinée jalouse le
condamnait à ne point achever la sienne?
V. Henry.
154. — Bibllotheca plaionica, éd. by Thos. M. Johnson. I, 2. Osccola, Mo,
Un. St. 1889.
M. Johnson me fait l'honneur de répondre aux quelques lignes que
j'ai consacrées à sa première livraison [R. Cr. i88g, n° 46); il veut bien
trouver cette notice « somewhat curions ». Je disais que certains indices
donnaient à penser que c'était là plutôt une entreprise d'évangélisation
mystique qu'une publication scientifique. 11 me répond que c'est bien
[| cela; je n'en demande pas davantage. Il revendique en outre le droit
d'appeler divin et Platon 1, et Plotin, et encore Porphyre, s'il lui plaît.
Il C'est évidemment son affaire.
' Cette seconde livraison débute par la traduction des six premiers cha-
pitres du Traité de Damascius (est-il aussi divin, Damascius i') 11 n'est
pas dit si l'on se propose de le donner ainsi tout entier. Il comprend
maintenant, depuis la publication de M. Ruelle ^\ et si l'on admet sa
manière de voir, 460 chapitres. A raison de 6 par livraison, cela fait de
la copie pour environ douze ans et demi, ce qui suppose, de la part des
lecteurs, une constance toute religieuse.
1. On se fait presque scrupule de relever des lapsus comme ô/jLÔyXozroi (p. lxui,
'• b), « j; du grec et du latin » (p. lxx, en bas), « le Chien et les deux Lices » (p. 236,
1. 3, lire u la Lice et sa Compagne »), tivo (p. 236, 1. 12, lire too).
2. Il me fait dire qu'il est « out of fashion » de gratifier Platon de l'épithète de
divin ; je n'ai pas dit un mot de cela.
3. M. Ruelle nous prie d'informer M. Johnson qu'il tient à sa disposition les feuil-
les de la première partie de son édition. — N. D. L. R.
248 REVUE CRITIQUE
Viennent ensuite trois lectures faites au « Symposion ». du 7 novem-
bre dernier. C'est, comme on nous le fait savoir, la date adoptée pour
la « Platonic célébration » par la société, composée classiquement de
neuf muses, dont deux hommes. M'"" Julia P, Stevens est d'avis, comme
les Florentins, que le 7 Thargélion correspond au 7 novembre. Cette
opinion est un fait, et il est de l'essence des faits de n'être pas contesta-
bles. — De ces trois lectures, la première, de M. Winter, dont nous
connaissons déjà la manière, et la seconde, de M"* Stevens, manquent
évidemment de calme; la troisième de M. Johnson, nous apprend qu'il
n'y a pas grand'chose à attendre d'une génération qui tient Spencer
pour un philosophe, et Howells pour un romancier. — On nous donne
ensuite le récit de la « célébration », où nous trouvons un morceau de
poésie bien extraordinaire en l'honneur de Platon, et une « éloquente »
improvisation d'un D' Hiram K. Jones, qui débute en déplorant de
n'être lucide que le matin. Après quelques pages de M. Ribot sur l'ex-
tase (extraites de son livre sur l'attention), et deux autres articles de
mince valeur, le tout finit par une lettre de M. Barthélémy Saint-
Hilaire à l'éditeur. Ici une note nous apprend que M. Barthélémy Saint-
Hilaire est l'auteur « d'une des meilleures traductions » d'Aristote, ce
qu'en effet nous ignorions; la lettre elle-même célèbre les louanges de
Cousin et de sa (?) traduction de Platon, et nous apprend qu'il n'eut
pour ainsi dire pas de devanciers (alors qu'il connaissait fort bien ceux
qu'il avait, et savait les utiliser sans scrupules). — N'oublions pas le-
plus beau de l'affaire : une note pleine de mystère annonce aux Plato-"
niciens que l'on s'occupe à prendre des mesures pour que « le siège de
lancienne académie, à Athènes, Grèce, » soit soustrait à la main des
profanes. « 11 n'y a pas de bonne raison, est-il ajouté, pour que l'école
platonicienne ne se reprenne pas à fleurir au lieu même où elle a pris
naissance, et pour qu'elle ne redevienne pas, comme jadis, le berceau de
la Science et de la Sagesse pour le monde entier. » 11 n'y a pas de bonne
raison, en effet; — mais les étranges gens !
Lucien Herr.
i55. — CouAT. Ai-istopliane et l'ancienne Comédie attique. Paris, Lecène
et Oudin, 1886, in-8 de 392 pages. Prix : 3 fr. 5o.
Dans cet ouvrage, M. Couat s'est proposé de répondre aux questions
suivantes : « Qu'était-ce qu'un poète comique à Athènes, au v^ siècle
av. J.-C? Qu'étaient les événements, les hommes, et les idées dont il
avait à parler? Dans quel esprit en u-t il parlé? Pourquoi ne pouvait-il
en parler autrement? » (p. 2), Après une courte introduction sur les
origines de la comédie, et un aperçu des conditions spéciales où se
trouvait le poète, il passe en revue les jugements d'Aristophane sur les
institutions, sur les personnages officiels, sur les dieux, sur l'éducation,
sur l'état des mœurs, sur les luttes entre riches et pauvres. Toutes ces
d'histoire et de littératurb 249
analyses sont fort exactes, et nous donnent une idée nette des peintures
et des opinions de l'auteur. M. Couat ne se contente pas de nous ap-
prendre ce qu'il pensait; il tâche aussi de déterminer dans quelle me-
sure il se rapproche ou s'éloigne de la vérité. Il le fait avec sobriété,
comme il convenait, mais avec précision. Il montre, par exemple, que
les attaques du poète contre la démocratie ne portent pas toujours à
faux, et que Thucydide s'accorde sur bien des points avec lui. Mais il
ajoute avec raison que pour être impartial il aurait dû opposer aux tra-
vers et aux vices qu'il relève chez les démocrates, ceux de ses amis les
aristocrates, lesquels, à ce qu'il semble, ne valaient pas mieux. De
même il remarque qu'Aristophane se montre également impitoyable
pour Périclès et pour Hyperbolos, pour Cléon et pour Cléonyme, c'est-
à-dire pour les a protagonistes », et pour les « comparses. » Entre eux
tous, « il ne fait presque pas de différence. Il suffit qu'ils aient tous
servi la démocratie pour qu'ils soient tous dignes du même mépris. »
(p. 170). Par contre, tous les hommes du parti adverse sont loués ou
épargnés par lui. S'il y a jamais eu à Athènes un mauvais citoyen, c'est
assurément Alcibiade; pourtant il n'est ici nommé nulle part, et rien
rie prouve qu'Aristophane ait songé à lui dans les Nuées ou ailleurs.
Ce silence n'est guère à l'honneur de son indépendance d'esprit, et il
justifie toutes les défiances.
Quoiqu'il n'étale pas son érudition, M. C, on le sent, connaît à fond
son sujet. Il a surtout le mérite d'en apercevoir toutes les difficultés,
de s'y arrêter, et d'en chercher la solution. Dans le chapitre consacré à
la religion, il ne manque pas de se demander pourquoi Aristophane
traite avec tant d'irrévérence les dieux et leurs prêtres. Il était dange-
reux d'aborder une pareille étude après M. Jules Girard. Ce n'est pas
un mince mérite, de la part de M C, que d'avoir su y mettre un peu
du sier. Il s'est occupé aussi des rapports d'Aristophane avec Socrate.
Il a bien établi que le poète, du moment qu'il voulait jeter un philo-
sophe sur la scène, était forcé de choisir celui-là de préférence à tout au-
tre; il a été naturellement très injuste envers lui, parce qu'il a été
obligé de le prendre « tel que le voyaient beaucoup de ses concitoyens »
(p. 281); et M. C. pense, contrairement à une opinion très répandue,
qu'il a largement contribué à la condamnation de Socrate. « C'est lui,
dit-il, et non Mélitus ou Anytus, qui a rédigé l'acte d'accusation... Son
excuse, c'est qu'il ne l'avait pas compris » (p. 3ii).
Il est un point qui a nécessairement attiré l'attention de M. C. : Aris-
tophane, sous un régime démocratique et dans des représentations de
gala, a constamment poursuivi de ses critiques les plus virulentes les
gens en place, les institutions, et le peuple lui-même. Les fragments
que nous possédons des autres poètes prouvent qu'ils faisaient tous de
même. Il semble que ce fût là une loi du genre, et le peuple, qui, d'or-
dinaire, n'était pas endurant, toléra longtemps cette licence, l'encoura-
gea même par ses applaudissements. Quelles sont les raisons de cette
2 5o REVUE CRITIQUE
singulière anomalie? M. C. observe en premier lieu que a les autorités
préposées au théâtre appartenaient toutes aux classes aisées » (p. 38),
C'était un des archontes fjui décidait si une pièce serait jouée ou non ;
or il est visible que ces magistrats sortaient généralement de l'aristocra-
tie. En outre, le succès de la comédie dépendait pour une large part de
la bonne volonté du chorège chargé de la monter à ses frais, et les cho-
règes étaient toujours des riches, puisqu'ils avaient chaque fois à dé-
penser en moyenne quinze cents francs. Enfin, les prix étaient décernés
par une commission de cinq membres tirés au sort. Le sort sans doute
n'était pas ici le pur hasard, et on ne laissait pas au premier venu le soin
d'apprécier la valeur littéraire des comédies. Nous savons que les juges
de ces concours se trompaient rarement ; c'étaient donc des gens de
goût, des esprits cultivés, par suite des hommes de la haute société.
Pour tous ces motifs, le poète était amené à flatter les opinions, les
préjugés de cette classe, hostile le plus souvent à la démocratie, et il se
pliait d'autant plus volontiers à cette exigence que c'était là le milieu oii
il vivait habituellement^ même quand il était d'une humble origine.
M. C. ajoute que parmi les spectateurs beaucoup avaient l'humeur fron-
deuse. Tels étaient les étrangers qui avaient à se plaindre de la lour-
deur de l'empire athénien, les paysans de l'Attique, plus conservateurs
que les citadins, et presque tous les individus riches ou aisés. Quant à
la masse des citoyens, elle n'était pas fâchée de s'égayer aux dépens des
personnages que le poète bafouait, et pour qui, bien qu'ils fussent ses
chefs, elle témoignait, soit à l'assemblée, soit à l'armée, peu de respect. J
Rire d'eux était faire acte d'indiscipline, et les Athéniens ont été le plus •
indiscipliné de tous les peuples. On ne sentait pas d'ailleurs encore les
inconvénients de la liberté excessive qu'on accordait à la comédie. On
essaya bien de la restreindre à deux reprises, en 440 et en 415 ; mais on
n'alla pas jusqu'à fermer le domaine de la politique au poète comique,
et on ne tint pas la main à ce que la loi fût obéie. Peut-être se figurait-
onqueces railleries étaientsans conséquence, et que, si elles blessaient les
hommes, elles n'atteignaient pas les institutions. La révolution de 41 1
et la tyrannie des Trente dissipèrent cette illusion. On comprit alors
que la démocratie devait se défendre contre les abus d'une liberté qui
en somme n'était pas inoffensive, et on finit, au début du iv^ siècle, par
interdire la comédie politique. J'emprunte à M, Couat toutes ces ré-
flexions, dont quelques-unes ont une certaine nouveauté. Je regrette
seulement qu'il ne les ait pas développées davantage.
Aux mérites du fond, le présent ouvrage joint ceux de la forme. Il est
plein d'agrément, et se lit avec un vif intérêt. Le style manque parfois
de légèreté; mais il a de la netteté, de la fermeté, de la verve et de la sa-
veur. On dirait que l'auteur a, sans le vouloir, tiré profit de son long
commerce avec Aristophane. Il lui a emprunté plusieurs de ses qualités,
et il a réussi par là à écrire un livre tout à fait digne du sujet.
Paul GUIRAUD.
Il
d'histotre et de littérature 25 I
i55. _ xhe islands of tlie Aegean, by the Rev. H. P'anshawe Tozer. Oxford,
Clarendon Press, 1S90. In-8 de xii-3Ô2 p., avec cartes et vignettes.
Il est peu de personnes qui, ayant voyagé dans l'Archipel, n^éprou-
vent de temps à autre la nostalgie de ces lieux charmants. Pour elles, la
lecture du livre de M. T. ne sera pas moins agréable qu'elle l'a été pour
moi, car il est écrit avec chaleur, avec Tinstinct du détail caractéristique,
et ses descriptions, quoique fort courtes, sont toujours vivantes. Qu'on
n'y cherche pas d'ailleurs un complément aux ouvrages indispensables,
quoique vieillis, de Ross, de Fiedler, de Lacroix : ce sont des notes à
l'usage du grand public, dont une partie considérable a déjà paru, sous
forme de correspondances, dans VAcademy de iSyS et de 1886. On y
trouve un peu de tout, géographie comparée, histoire ancienne et mo-
derne, folklore, botanique et géologie, mais ce ne sont guère que des
indications; quelques-unes rendront service au futur auteur d'une mo-
nographie sur l'Archipel, et je citerai comme particulièrement intéres-
sante la petite étude consacrée à la terre rouge de Lemnos, la Ar^pt'a y^
de Dioscoride. Comme M. T., j'ai été fort surpris, lors de mon voyage
à Lemnos, de ne trouver presque personne qui en eût entendu parler :
il y a là une superstition près de s'éteindre. Les chapitres relatifs à Lem-
nos, Thasos, et Samothrace sont les plus développés et l'on y rencontre
quelques indications utiles qui manquent à la description des îles de
la mer de Thrace, publiée il y a trente ans par M. Conze. J'avoue
toutefois, étant donné le talent de M. Tozer, que ces notes de touriste
ont été une déception pour moi. Elles viennent grossir, sans utilité
appréciable, une littérature déjà bien volumineuse et retarder le jour où
l'on nous donnera cette description scientifique de l'Archipel qui est un
des besoins les plus vivement ressentis de la science. J'ai noté un certain
nombre d'inexactitudes. P. 12, il est faux que le lac sacré de Délos soit
généralement à sec, usually dry ; je ne crois même pas que cela arrive
jamais. P. 43, la superstition qui fait de mardi un dies nefastus n'est
nullement particulière à la Crète. P. 5i, M. T. dit que le mot îxoc, n'a
survécu en grec moderne que dans la formule de salutation r^oWà xx
lv(] caç ; il oublie le mot ècpéxoç, qui est très usité. P. 112, il parle de
graffittes dans la grotte d'Antiparos « d'où nous concluons que la vulga-
rité consistant à écrire son nom dans des lieux célèbres n'est pas entiè-
rement nouvelle »; je crois que la statue de Memnon nous avait appris
depuis longtemps la même chose. P. i56, M. T. décrit, d'après Chand-
1er, les sculptures taillées dans le roc au lieu dit ï Ecole d'Homère à
Ghios, et prétend qu'il n'en reste aucune trace; c'est une erreur, car ces
sculptures ont été étudiées, de notre temps, par M. Conze (Philologiis,
t. XIV, p. i56), et par M. Studniczka (Mittheil. des d. Inst.^ t. XIII,
p. i63). P. 268, l'auteur allègue des découvertes de monnaies à l'appui
de l'identification d'Héphaestia de Lemnos avec Palaeopoli; c'est donc
qu'il ignore les deux inscriptions qui ont mis cette synonymie hors de
252 REVUE CRITIQUE
doute, postérieurement au voyage de M. Conze (Bull, de Corresp.
Hellén., t. IV, p. 642; Revue arcliéoL, i885, t. II, p. 90.)
Salomon Reinach.
157. — I^e» Snints du diocèse de Rouen, par l'abbé A. ToUGAUD, docteur
ès-letU'es. In-8, i6 p. Paris, Ernest Dumoiit. Prix : i fr.
Cette petite plaquette sera consultée avec profit par les hagiographes,
et surtout par ceux qui s'intéressent à l'histoire ecclésiastique du diocèse
de Rouen. J'y relève quelques tristes souvenirs de la Révolution : le
22 avril on célèbre l'anniversaire du martyre de S. Bucaille, laboureur
de Thionville, massacré en lygS pour n'avoir pas voulu assister à la
messe d'un prêtre constitutionnel ; le 7 septembre, celui de l'abbé d'An-
fernet, de Bures (dans Tarrondissement de Neufchâtel-en-Bray), sup-
plicié à Rouen.
A. D.
i58. — H.-B. AuERBACH. Die sociale Krage Im fùnfzelinten Jlalirliun-
dert mit besonderer Bezugnahme auf das Vogtland. Géra, 1889, brochure in-8
de 34 pages.
Sur l'Erzgebirge s'appuie un plateau assez pauvre que traversent
l'Elster et la Mulde ; c'est le Vogtland. Il est partagé entre plusieurs
dominations, le royaume de Saxe auquel appartient la circonscription
de Plauen, les deux principautés de Reuss, avec Schleiz, Greiz et Géra,
un tronçon de Saxe-'Weimar, avec Berga, etc. Cette contrée possède
une société des antiquaires (altertumsforschendes Verein) qui tient des
assemblées solennelles, et, dans ces assemblées, un orateur fait une lec-
ture (vortrag) sur quelque point de Thistoire locale. Cette tâche était
échue en 1889, au 21 août, à M. H. Auerbach, qui a pris pour sujet :
la question sociale au xv^ siècle. Il apporte quelques document nou-
veaux sur les redevances que payaient, à cette époque, à leurs seigneurs,
les paysans du Vogtland. Mais c'est tout ce que nous pouvons louer
dans sa brochure. Le reste n'est que pure déclamation. L'auteur pense
que la religion protestante seule, avec l'aide du chancelier de l'Allema-
gne, avec l'appui du jeune empereur, résoudra un jour la question
sociale; le catholicisme a été impuissant au xv° siècle à secourir le
paysan opprimé : comment prétenderait-il de nos jours tendre la main à
l'agriculteur et à l'artisan ? Il est inutile d'insister sur de pareilles élucu-
brations, qu'a dictées le plus étroit zèle religieux.
Ch. Pfister.
D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE 2:>0
139. — Les Grands écrivains français. Vauvenargues, par Maurice Paléologue.
Paris, librairie Hachette, 1890. i vol. in-i6, 164 pages. Prix : 2 fr.
On n'apprendra dans ce petit livre rien de nouveau sur Vauvenar-
gues, et je ne dis pas cela pour le déprécier, tant s'en faut. C'est un bon
résumé et, ce qui ne gâte rien, élégamment écrit, de tout ce qui a été
dit de meilleur sur cet écrivain mûri avant l'âge par les déceptions, par
la maladie et les épreuves de tout genre. S'il est quelqu'un qui montra,
selon les expressions de Bossuet, qu'une àme forte est toujours maîtresse
du corps qu'elle anime, ce fut bien ce jeune homme qui, à vingt-neuf
ans, le corps tout perclus de douleurs, garda jusqu'à sa dernière heure
de souffrance, une inaltérable sérénité, sans jamais tomber dans la misan-
thropie d'un La Rochefoucauld ou dans l'ironie malicieuse d'un La
Bruyère. M. Maurice Paléologue s'est attaché particulièrement à mettre
en lumière la vertu de Vauvenargues, à faire ressortir le caractère de
l'homme, revêtu d'honneur et de loyauté dans un siècle où la platitude
et la servilité nourrissaient la plupart des gens de lettres. Cette vertu
fut celle d'un stoïcien, car Vauvenargues resta toujours neutre en ma-
tière de dogme. Quoique très lié avec Voltaire, il n'approuva jamais le
ton railleur qui commençait à régner dans les polémiques religieuses
de ce temps. Il était, je crois, de ces esprits délicats qui, comme le dit
M. Renan, auraient mieux aimé être croyants qu'incrédules de mauvais
goût. S'il eût vécu plus longtemps, il n'est pas douteux néanmoins
qu'il eût pris le parti des novateurs, tout en étant l'adversaire des fana-
tiques ; mais comme le royaume de ce monde n'appartient qu'aux vio-
lents, il aurait été certainement en butte aux défiances des uns, à la
haine des autres. S'imagine-t-on bien quel rôle politique aurait pu
jouer dans cette fin d'un siècle si troublé un moraliste qui conseillait
de a préférer la vertu à tout », et qui avec le précepte donnait l'exem-
ple? La mort prématurée a peut-être été pour lui un bienfait : il n'a
laissé que des regrets, et son nom ne sera pas livré aux disputes, mais à
l'estime et à l'admiration de la postérité.
A. Delboulle.
160. — Eug. MûNTZ. Les Archives des Arts. Recueil de documents inédits ou
peu connus. Première série. Un vol. in-.S de 19Ô pp. Paris, librairie de l'Art.
Prix : b frs.
Je reprendrais volontiers, à propos de ce nouveau volume de notre
infatigable confrère, la comparaison que M. de Nolhac faisait ici même
à l'apparition de son livre « Les collections des Médicis au xv^ siècle. »
Ici encore, c'est le maître d'une riche collection qui y introduit des vi-
siteurs, qui leur donne tout loisir de tout admirer, et qui pique leur
curiosité sans la satisfaire. Dans cette galerie qui va de Giottino à
Bailly et Monnoyer, tout est intéressant et presque tout est à sa place.
L unique réserve que je fais porte sur l'article Une lettre du grand
Condé à L. Holstenius (p. 89), dont la présence ici n'est motivée par
2 54 REVUE CRITIQUE
aucune autre raison sans doute que le désir de M. Mûntz de l'imprimer
quelque part; mais je puis assurer à M. M. que le peu aimable biblio-
thécaire de la Barberiiie n'avait rien d^un artiste. Quant aux lettres de
Peiresc publiées p. i83 sous le titre Les collections de Fabri de Pei-
resc. M. M. aurait également pu les abandonner à Téditeur des Lettres
de Peiresc. A ceb près, il n'y a qu'à choisir dans le volume de M. M.,
entre les notes sur les ateliers de tapisseries à Urbin et Milan, utiles
appendices à son Histoire de la tapisserie, les lettres de Melioli, Titien,
Vivant Denon, Horace Vernet, etc., les comptes des Portes de Ghiberti,
les recettes et dépenses de l'Académie de Peinture et de Sculpture au
xviiie siècle, ou plutôt il n'y a qu'à ne pas choisir, car tous ces docu-
ments, presque tous savamment annotés et illustrés, sont curieux et in-
téressants. Le seul défaut que je trouve à ce livre, c'est son existence
même : car le nombre de ces documents « inédits ou peu connus » est
encore considérable, et le nombre des séries des Archives de l'art pro-
met d'être très grand. Ce qui abonde ne vicie pas, et ce n'est certes pas
moi qui me plaindrai de voir publier des documents, mais l'inédit a ses
ennemis. — Pour ses futures séries, M. M. me permettra de lui signaler,
pour terminer, diverses pièces conservées dans des manuscrits de la
Bibl. Corsini qui ont peut-être échappé à ses recherches : Cod. i658 :
Informazione sopra l'azienda délia fabrica di S. Pietro in Vaticano
(1657); le même recueil signale, mais ne contient plus, un rapport:
Délie cagioni délie rovine délia facciata e campanile del Tempio Va-
ticano e suoi rimedii, écrit en 1645, Cod. 1660, fol. 56, des notes adres-
sées à Bottari pour son commentaire aux vies de peintres de Vasari
(une note placée en tête indique les auteurs de ces notes : Giacinto Fos-
sombroni, cav. Guarresi Lod. e. Franc" de Giudicis mi somministra-
rono queste notizie per le note del Vasari. Bottari semble, d'ailleurs,
s'en être peu servi.) Cod. 1271, f. 70 : Etat de la maison de S. A. R. le
grand duc de Toscane en l'/'ij '• on y trouve la mention du personnel
des galeries grand-ducales et de ses appointements. Cod. io5i (f. 176)
une dissertation de Passeri sur deux majoliques du musée de Pesaro
attribuées à Raffaele del Borgo. Ibid , fol. 191, le catalogue du Salon
de Rome en 1736, « nel cortile di S.Gio Decollato. » Cod. 85 r, divers
documents d'un intérêt plutôt archéologique qu'artistique. Cod. 32 G ( 5,
un document relatif au séjour à Rome du peintre Wicar. Les testaments
de cardinaux pourraient fournir à M. M. de précieux renseignements
sur l'histoire et l'identification des tableaux des xvi^ et xvn« siècles sur-
tout : il y a un grand nombre de ces documents à la bibl. Corsini et
surtout à la bibl. Vallicelliane. — A la bibliothèque Méjanes, M. M.
trouvera aussi beaucoup de pièces intéressantes sur l'histoire des œuvres
d'art : je me borne à le renvoyer au catalogue des mss. de la Méjanes
qui va paraître incessamment. — Ce n'est donc pas la matière qui fera
défaut à M. Miintz, et, quand on connaît la maîtrise de l'ouvrier, on
ne peut que s'en applaudir.
L.-G. Pélissier.
d'histoire et de LITTÉRATIRE 255
loi. — Guerre de 1870-187 1. I»aris, le quatre septembre et Chatillon, 2 septem-
bre-ig septembre, avec quatre cartes des opérations militaires, par Alfred Duquet.
Paris, Charpentier, iSgo. In-8, 352 p. 3 fr. 5o.
M. Duquet a suivi la mêine méthode que dans ses volumes précédents
(cp. Revue, 1888, n*^* 3 et 8) ; il n'avance rien qui ne soit appuyé par
des notes nombreuses, et, en le lisant, on peut à tout instant vérifier
les sources, contrôler les dires et les appréciations de l'auteur : méthode
excellente et fort précieuse pour tous ceux qui ne se contentent pas
d'affirmations et qui veulent des preuves, des faits certains.
Ce volume est consacré aux événements qui se sont passés du i^"" au
ig septembre. L'auteur nous décrit d'abord la Chute de l'Empire et la
révolution qui amène au pouvoir les députés de Paris; mais il regrette
que cette révolution inévitable ait été « souillée par l'envahissement du
corps législatif et ternie par la proclamation illégale de la République »
(p. jy). Il retrace ensuite la Marche des Allemands sur Paris et fait le
plus grand éloge de la retraite du général Vinoy : « pourquoi Vinoy
n'était-il pas à Metz, à la place de Bazaine » (p. loi)? Puis, après
avoir raconté l'occupation de Reims, ^explosion de la citadelle de Laon
et la « virile détermination » du garde d'artillerie Henriot pour qui « le
désastre du Vengeur n'était pas un simple morceau de lecture à l'usage
des écoles primaires ' », la première résistance de Soissons, le combat
de Mesly et l'escarmouche de Dame-Rose, il entame un des chapitres
les plus intéressants de son livre, Quinze jours de politique [p. 130-174).
M. D. a, quelques pages plus haut, montré Trochu faisant à Pimpé-
ratrice une promesse qu'il ne tient pas, n'empêchant point l'invasion
du Palais Bourbon, ne recouvrant son activité et sa parole que pour
réclamer la présidence du nouveau gouvernement (p. 66); il le définit
« chef d'une République sans en désirer le triomphe, général ne croyant
pas à ses soldats, gouverneur d'une place assiégée et considérant la
résistance comme inutile et condamnée d'avance » (p. i32). Jules Favre
lui paraît ressembler à Trochu ; lui aussi croyait « que les phrases
remplacent les faits et que l'Allemagne pouvait être repoussée au moyen
d'entrevues, de circulaires et de proclamations » (p. 140). Picard,
« Parisien sceptique et gouailleur, eut le flair de deviner tout de suite
la nullité militaire de Trochu ». Je renvoie le lecteur aux portraits de
MM. Jules Simon, Jules Ferry, Rochefort et au jugement d'ensemble
que porte M. D. sur ces hommes d'opposition, devenus hommes de
gouvernement (p. 144 et suiv.).
I. L'équipage du Vengeur n'a pas voulu, comme semble le croire M. Duquet,
s'engloutir plutôt que de capituler; il suffit de lire le rapport de son capitaine
Renaudin, reproduit par Jal dans son Dict. crit. et par Moulin (Les marins de la
République). « Il s"était battu avec acharnement, dit Chevalier, et coula peu de temps
après avoir été amarjné, entraînant dans Tabimc non seulement les blessés, mais
une partie de son équipage {Hisl. de la marine franc, sous la première République,
1886, p. H2.)
256 REVUE CRITIQUE
Mais revenons, comme dit M. D., aux questions militaires et, des
premiers actes du gouvernement, de la vaine revue du i3 septembre,
des pèlerinages à la statue de Strasbourg, arrivons au combat de Châtil-
lon. L'auteur explique très bien la panique des zouaves; il retrace
d'une façon fort intéressante la résistance héroïque du ib^ de marche et
l'abandon définitif du plateau ; il distribue l'éloge et le blâme : les
soldats allemands se sont plus mal battus que dans les affaires d'Alsace,
de Lorraine et des Ardennes; mais la journée eut sur l'avenir delà
défense une influence fatale et entraîna l'investissement complet de la
capitale (p. 219, 223, 227). « Et oui, nous avions la position centrale et
la supériorité numérique; et oui, l'état-major prussien agissait avec un
sans-géne parfait; et oui, en se disséminant à l'infini pour barrer tous
les passages, les Allemands commettaient, à leur tour, la grande faute
commise par les stratégistes de la cour des Tuileries, au commencement
de la guerre, quand ils avaient voulu couvrir en même temps nos
frontières de l'Est, depuis Thionville jusqu'à Belfort; et oui, tout cela
est vrai, mais, une dernière fois, il nous aurait fallu faire de la guerre
et pas de politique, aller à l'exercice et non au club, au combat et non
à la revue, avoir foi et non douter, savoir diriger une armée, et ne pas
croire que l'Algérie, Malakoff et Solferino étaient le dernier mot de la
tactique moderne; il aurait fallu faire le contraire de ce que faisait la
population parisienne, et être l'opposé de ce qu'étaient les généraux
chargés de la grande mission de conduire 3oo,ooo Français à la bataille
suprême » (p. 2 32).
U entrevue de Ferrières suit le combat de Châtillon; M. D. la raconte
après avoir esquissé la situation diplomatique de la France; Jules
Favre, dit-il, ne fut qu <(' un brave homme, ahuri, naïf, ému, n'ayant
pour toute arme, contre son redoutable adversaire, que des phrases de
rhétorique sentimentale » (p. 259). Mais quoique cette entrevue témoi-
gne chez le ministre des affaires étrangères « d'une grande dose de
simplicité », elle n'a pas nui à la France; tout le monde d'ailleurs vou-
lait la guerre à outrance, et « ce refus de se rendre au vainqueur, après |
les catastrophes qui nous avaient broyés , était le fait d'un grand ^
peuple » (p. 259).
Le siège commence, et dans le dernier chapitre du volume, Paris
place de guerre, M. D. fait un tableau exact des divers éléments de la
défense, décrit la situation de la « place », ses fortifications, sa garni-
son, son armement, ses ressources de tout genre, son personnel. Il juge,
malgré l'abandon de positions nécessaires, que les défenses de Paris
étaient formidables ; mais s'il y avait beaucoup d'hommes, il y avait peu
de soldats, et Trochu ne sut pas se servir de et peu de soldats (p. 3 14).
Les Allemands ne croyaient pas enlever Paris de force; « ils comptaient,
non sur la puissance de leurs moyens militaires, mais sur les démago-
gues et la faim » (p. 325).
Voilà le volume nouveau de M. D., brièvement analysé, et l'on
I
d'histoire et de littérature aSy
conçoit que nous avons laissé de côté une foule de curieux détails. Ce
qui constitue, en effet, la haute valeur des ouvrages de M. Duquet,
c'est qu'il a tout consulté et qu'il dit tout, sinon dans le texte, du moins
dans les notes. Son livre nous dispense presque de lire ce qu'ont écrit
ses devanciers, car il reproduit leurs passages les plus saillants et leurs
appréciations les plus topiques. On le blâmera même de faire aux histo-
riens qui l'ont précédé la part si belle et de s'eff"acer si volontiers pour
son compte personnel.
Le trait essentiel de ce volume, comme des volumes antérieurs, c'est
la sévérité des jugements, et quelquefois on trouvera M. D. trop rigou-
reux -, il devrait méditer ce mot de M'^^ Roland qui le rendrait peut-être
plus indulgent, que « la justesse d'esprit et la fermeté de caractère sont
rares » et que a peu d'hommes sont propres aux affaires et encore moins
à gouverner. » Mais lisez avec attention son texte et ses notes, et souvent,
très souvent vous lui donnerez raison, et le féliciterez de se placer
comme il dit, au dessus des choses, des gens, des partis, et d'écrire sans
souci des colères qu'il soulève. Qu'il se rassure toutefois : si on l'ac-
cuse d' « hérésie » et de « crime » pour qualifier de sottise et d'attentat
l'invasion du Palais Bourbon au 4 septembre, il ne sera pas, comme il
le croit, excommunié pour avoir dit que la garde nationale ^ pérora plus
qu'elle n'agit. »
Ce que nous reprocherons à M. D., c'est de ne pas garder le « calme »
qu'il veut pourtant « s'imposer » en racontant les événements de l'épo-
que contemporaine. Certes, il n'a pas tort d'exprimer les angoisses que lui
inspire l'avenir; mais s'attendait-on à lire dans une œuvre d'histoire que
« la campagne contre le capital a repris avec violence grâce à Tor Israé-
lite, et aux libertés de la presse et de la parole » et que la ruine de la
France est inévitable « si le peuple et la bourgeoisie, éclairés d'un rayon
de bon sens, ne se réunissent pas contre leurs ennemis mortels : les
manieurs d'argent et leurs complices » ? (p. i65).
Il est bon néanmoins qu'un historien ose librement, hardiment, comme
fait M. D., dire sur les événement et les personnages ce qu'il croit être
la vérité. C'est chez M. D. qu'on trouvera, en un récit d'ensemble, ce
qu'il faut penser des maires de Paris, (p. 146-147). Il montre que Du-
crot voulut « primer Vinoy » et il insiste fortement sur l'irritation de
ce dernier qui voyait la défense « compromise par l'indécision de Tro-
I chu et la présomption de Ducrot » (p. 180). Comme il se moque de lu
revue du i3 septembre que Trochu, avec un « charlatanisme indigne
d'un officier français », proclamait un grand spectacle (p. i56), et de
l'illusion des bonnes gens qui croyaient, après le 4 septembre, que le
mot de République suffirait à repousser l'invasion et qu'on n'avait qu'à
clianter la Marseillaise à pleins poumons pour faire reculer l'Allema-
gne! (p. 272-273). Il n'hésite pas à imprimer qu'à Châtillon « Ducrot,
Renault, Appert, de Caussade furent aussi coupables ou incapables les
les uns que les autres. » (p. 201) et que Trochu « ne daigna ni se mon-
2 58 REVUE CRITIQUA
trer ni donner un ordre pendant toute la journée » (p. 202). Il remarque
amèrement que les généraux qui « avaient emporté les ouvrages de Tot-
lebcn à Sébastopol, n'avaient jamais médité sur IMmportance des fortifi-
cations improvisées par le grand ingénieur russe » (p. 272). Il relève
sans pitié les fautes commises par le gouvernement de la défense natio-
nale : l'appel des mobiles de province, l'élection des officiers par les sol-
dats, la résurrection de la garde nationale à qui Trochu «distribua libé-
ralement des certificats de capacité militaire » au lieu de la former et de
Paguerrir peu à peu, la liberté de former des corps de trancs-tireurs.
Nous ferons encore à M. Duquet, en terminant notre article, de me-
nues critiques. Il exagère, ce nous semble, les mérites et services de Pa-
likao. Il devait citer, à propos du gouvernement s'enfermant dans la
capitale au lieu de gagner la province, le témoignage de Chanzy u
{p. i52l, nommer Ducrot l'évadé de Pont-à-Mousson et non « Pévadé
de Sedati ^) {p. 180; cp. p, 175), écrire Aronssohn (p. Sy et i3i au lieu
de Arronsohn et de Arhonnson), Meusnier et Aubert (p. 807 au lieu de
Meunier et AiiberJ. Enfin, on trouvera trop rigoureux le jugement
qu'il porte sur Ducrot au combat de Châtillon. Mais son volume est
l'œuvre d'un érudit très consciencieux, très au courant, qui veut appli-
quer à l'histoire militaire comtemporaine la méthode de MM. Aubry
et Rau dans leur Droit civil français (p. 2) et qui joint à une immense
lecture et à un habile arrangement de ses matériaux une franchise rare
« avec laquelle il ne craint pas de crier toutes les vérités. »
A Chuquet.
Lettre de M. Psichari.
Je ne voudrais pas laisser ignorer aux lecteurs de la Revue critique la découverte
importante que nous devons à M. Gabriel Ledos (Bibl. de l'Ec. des Chartes, 1889,
livr. 6, 678 suiv.)
M. Gabriel Ledos nous apprend que Simon Portius était Grec et catholique. C'est
le résultat auquel m'avait conduit une courte analyse de la grammaire de cet auteur,
réimprimée et commentée, sur mon conseil (p. n de l'Introd.), par M. Wilhelm
Meyer. Notamment en ce qui concerne la nationalité de Simon Portius, S. Portius
nous dit lui-même qu'il est grec : voy. S. Portius, éd. W. Meyer, Paris, 1889, p. XX:
(11. 32-37)-xxi (II. 1-5).
M. Gabriel Ledos dédaigne ce témoignage. En revanche, il enrichit la critique
d'un principe nouveau : il est, dit-il (p. 67g), d'une méthode dangereuse de demander 1
de pareils renseignements à des livres aussi impersonnels qu'une grammaire (cf. J
S. Portius, op. cit. p. xxi, 1. i à 2),
11 est vrai que M. Gabriel Ledos saisit à ce propos l'occasion précieuse de relevé:
avec la plus fine ironie une distraction de ma part : réflexion faite, je ne trouve pas
d'autre terme Je ne connais pas l'âge de M. Gabriel Ledos, ni ses travaux. lis
doivent être jeunes.
Il est grand dommage pourtant qu'en signalant cette distraction, M. Gabriel Ledos
en ait eu une lui-même. P. 67g, il nous déclare que o> ro'ù 6aùu.aroi est une « ex-
i
i
d'histoire et de littérature 259
pression grecque vulgaire n. Pour se convaincre du contraire, il aurait suffi d'ouvrir
un dictionnnaire ; je ne dis pas une grammaire, c'eût été un raffinement 1 .
Jean Psichari.
CHRONIQUE
FRANCE. — M. L. Clédat, professeur à la Faculté des lettres de Lyon, vient de
publier un Manuel d'orthographe. Ce n'est pas qu'il ait la superstition de cette
science, au contraire. Ainsi débute la préface : « De très bons esprits pensent que
notre orthographe pourrait être beaucoup simplifiée, rendue plus logique, débarras-
sée des puérilités et des règles arbitraires qui la faussent. Mais en attendant que la
réforme se fasse, nous avons voulu rendre service à ceux qui sont obligés d'appren-
dre ou d'enseigner toutes ces minuties. » Et voici comment cette même préface se
termine : « Nous espérons que ce livre, où nous nous bornons cependant à constater
des faits, sans ies commenter, fournira de bons arguments aux partisans de la ré-
forme orthographique, et nous souhaitons vivement que notre manuel d'orthographe
puisse être considérablement réduit après la prochaine édition du Dictionnaire de
l'Académie. » Le livre (162 p. in-i'.i) se compose nécessairement de listes à appren-
dre par cœur ou à consulter; les notes sont le sel de l'ouvrage, car elles font ressor-
tir les anomalies. Texte ; « Imbécillité Avec deux /, malgré imbécile. » Note : « Tan-
dis que mobilité s'écrit avec une / comme mobile, et tranquillité avec deux / comme
tranquille. »
— M . André Joubert nous envoie une nouvelle brochure : Le marquisat de Cha-
teau-Gontier de 1684 a / 6 90 (Laval, Moreau); il y retrace, d'après un ancien regis-
tre inédit : i'» les mouvances féodales du marquisat en 1684; 2° les poursuites diri-
gées contre les vassaux du marquisat, de 1684 à à 1690.
— Signalons également un tirage à part de l'article que M. Abel Lefranc a publié
dans le tome VIII des « Mémoires de la Société académique de Saint-Quentin », sur
Un règlement intérieur de léproserie au xiu" siècle; c'est un règlement promulgué
pour la maladrerie de Noyon par l'évêque de la ville entre i25o et 1272; il entre
dans de minutieux détails sur l'ameublement et le costume, sur les occupations jour-
nalières des frères et des sœurs, etc.
— Nous avons reçu le tome premier de la Correspondance secrète du comte de
Mercy-Argenteau avec l'empereur Joseph II et le prince de Kaunit:^, publiée par le
chevalier Alfred d'ARNETH et M. Jules Flammermont. (Paris, Hachette, gr. in-80,
494 p.). Il renferme 223 lettres, la première, datée du 6 décembre 1780, la dernière,
du 27 décembre 1785. La publication appartient à la collection des documents iné-
dits relatifs à l'histoire de France. L'introduction qui devra être reliée en tête du
premier volume, paraîtra en un fascicule séparé, en même que le second volume.
I. Je regrette une autre inexactitude de M. Gabriel Ledos : je n'ai jamais plaisanté sur les éco-
les de théologie (cf. p. 679); j'ai dit que S. Portius n'y avait pas « beaucoup profité de ses leçons
de latin » (Introd., op. cit., p. xxv, 1. dernière). On peut enseigner très bien le grec dans les lycées :
cela n'implique pas nécessairement que M. Gabriel Ledos l'y ait appris.
26o RKVUE critiqup: d'histoire et de littérature
ACADÉMIE DtS INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 21 mars iSgo.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, M. Théodore Reinach termine sa communi-
cation sur le temple d'Hadrien à Cyzique. Il examine l'inscription qui nous a conservé
le nom de l'architecte Aristénète ; il réussit, en interprétant les indications données
par Cyriaque d'Ancône, à en restituer le texte en vers grecs, et il en donne la tra-
duction suivante : « Celui qui m'a fait surgir du sol, aux frais de toute l'Asie, à grand
renfort de bras, c'est le divin Aristénète. » On constate ici, une fois de plus, que
les temples consacrés à la divinité des empereurs étaient élevés, le plus souvent, par
l'initiative des provinces et à leurs frais.
M. Flouest signale à l'Académie un pilier de grès, sculpté, à quatre faces, qui vient
d'être découvert à Mayence. Chacune des faces porte la figure d'un dieu et celle
d'une déesse, sa parèdre. Le plus intéressant de ces quatre groupes est celui qui
représente une Diana veiiatrix avec le dieu gaulois connu des savants sous le nom
de « dieu au maillet. » M. Flouest expose les raisons pour lesquelles il reconnaît
dans ce dieu le Dis pater que les Druides, au dire de César, donnaient pour père
à la race gauloise. Il rattache ce mythe aux traditions des religions primitives de
l'Asie, traditions qui étaient parvenues en Gaule, ajoute-t-il, en dehors de toute in-
fluence gréco-romaine.
Ouvrages présentés : — par M. Georges Perrot : Bulletin de correspondance hellé-
nique, 1890, n° 1 ; — par M. A. Croiset : Houssaye (Henry), Aspasie. Cléopdtre,
Tnéodora ; — par M. Delisle : 1° Les Poètes limousins jugés par Baluze. lettre iné-
dite à François d'As^uesseau publiée par Emile du Boys ; 2° Lettres inédites de B. de
LA MoNNOYE à Nicolas Thoynard,^ publiées par Emile du Boys ; 3° Petite Chronique
de Vabbaye de Bonneval, deSSy à io5o environ, publiée par René Merlet; — par
M. Oppert : Strassmaier, Babylonische Texte, Vil : Inschriften von Cyrus, Kœnig
von Bcibylon ; — par M. Schefer : Correspondance des deys d'Alger avec la cour de
France^ i5jg-i 83o, publiée par M. Plantet.
Julien Havet
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANGE
Séances des 5 et 12 mars 18 go.
M. Roman signale la découverte faite au mois d'aoiât 188g à Riotier 'Hautes-Al-
pes', de diverses antiquités en bronze : ces objets ont été trouvés dans une source
ferrugineuse située près de la voie romaine.
M. Omont lit une note sur un projet de réunion des églises grecques et latines en
1327 et sur la mission du dominicain Benoît de Côme envoyé à cet effet par le roi
de France Charles le Bel et par le pape Jean XXII auprès de l'empereur de Constan-
tinople, Andronic II Paléologue.
M. E. Petit soumet le dessin d'une cheminée du xvi« siècle qui se trouve au châ-
teau de Jouveney près Noyers (Yonne).
M. Michon met sous les yeux de la Société des poids anciens récemment acquis
par le Musée du Louvre.
M. le baron de Baye lit un rapport sur le congrès réuni à Moscou à l'occasion de
la fête jubilaire de l'association archéologique de cette ville.
M. Roman présente cinq bagues en or trouvées en Dauphiné; deux de ces bagues
datent de l'époque romaine et l'une d'elles porte une inscription.
M. l'abbé Thédenat communique une fibule en forme de semelle avec l'inscrip-
tion AVESEVDE trouvée par M. l'abbé Morillot à Beire-le-Chatel.
M. Courajod signale l'existence d'une fabrique de faux ivoires anciens qui a inondé
de ses produits la France et les pays voisins, et continue sa production.
M. P'iouest indique certains caractères qui doivent faire distinguer, parmi les au-
tels trouvés en Gaule, ceux que l'on doit rattacher à l'influence de la mythologie ro-
maine et ceux, au contraire, qui appartiennent à la religion indigène. Ces derniers,
par leurs formes allongées, pourraient conserver un souvenir dis menhirs et autres
monuments analogues.
M. Ruelle signale un manuscrit de la Bibliothèque nationale qui contient un texte
correct d'Hermias (scholies sur le Phèdre de Platon) permettant de corriger la publi-
cation faite anciennement d'après le manuscrit de Munich.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX. ^
Le Puy, inifrimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 2.?.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE Et DE LITTERATURE
No 14 - 7 avril •- 1890
Sommaire t 162. Catulle, p. p. Postgate. — i63. Gasqdet, Henri VIII et les
. monastères anglais. — 164. Levasseur, La population française, I. — i65. Wal-
lon, Les représentants du peuple en mission, IV. — 166. Perrero, La maison de
Savoie. — 167, Jellinek, Loi et ordonnance. — 168. Carnio, L'âme humaine, —
i6ci. W. ScHMiDT, La conscience. — 170. Ed. de Hartmann, La théorie de la
connaissance. — 171. H. Vergé et de Boutarel, Table du compte-rendu des
séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques. — Chronique.
— Société des Antiquaires de France.
162. — Gaî Valei-i Catulli cni-mina recognovit Joh. P. Postgate. Londoni, G.
Bell et fil., 1889. Petit in-12, xn-8q p.
Une nouvelle édition de Catulle était-elle bien nécessaire? M. Post-
gate l'a pensé, moins peut-être dans le but de nous donner un joli
volume d'une lecture attrayante et un résumé substantiel de l'apparat
critique de Schwabe (2« édit., 1886), que d'introduire dans le texte les
conjectures qu'il avait proposées dans la Mnemosyne, N, S., XIV,
p. 433 sq. et dans \q Journal of Philologj- , XVII, p. 226 sq. et XVI II,
p. 145 sq. Quand, dans une centaine de conjectures on en trouve une
qui s'impose, il faut se déclarer satisfait; avec M. Postgate, cette pro-
portion est dépassée. Très heureuse est la correction de II, 5 sq. Gum
desiderio meo nitenti Carum nescio quid lubet jocari Et solaciolum sui
doloris, Credo, et quo gravis acquiesçât ardor. V ut cum... acquiescet.
Jusqu'ici le sens et la construction grammaticale clochaient également.
La correction de Schœll — la meilleure — approchait du but sans y
atteindre. J'adopterais également volontiers XXII, 7, Novi umbilici
[ef] lora, rubra membrana. — XXXVI, 9 sq. Et haec pessima sic puella
vidit Joco se lepido vovere divis. V Et hoc (heec w) pessima se puella
vidit Jocose lepide vovere divis. Joco se lepido est de Scaliger. — GVII,
3 sq, Quare hoc estgratum nobis quoque, Carior auro, quod te resti-
tuis, Lesbia mi cupido. V Carius auro. M. P. a eu également raison
d'admettre dans son texte quelques corrections excellentes de ses prédé-
cesseui-s. VI, 12, B. Schmidt mis sur la voie par Baehrens : Jam tu ista
ipse nihil va/e5 (mieux vales nihil) tacere. V. Nam ni ista (inista O) pre-
valet nihil facere. Catulle déclare à Flavius qu'il est trop discret; on
sait qu'il a une maîtresse, d'après le remue-ménage qu'on entend chez
lui et aussi par l'aspect de sa personne. C'est le v. 12 qui fait la transi-
tion 1. — XLI, 7, Frôhlich suivi par EUis et Bliasrens. Non est sana
I. En revanche, au v. 7, je me refuse à rapporter tacitum à te. Le sens est : ton lit
a beau ne pas pouvoir parler, il crie tes méfaits. Tacitum clamât est une antithèse
"voulue.
Nouvelle série, XXIX. 14
202 REVUE CRITIQOB
puella, nec rogare Qualis sit solet œs imaginosum (le miroir) V et yma-
ginosum. Il s'agit d'une personne laide qui met ses faveurs à trop haut
prix. Le passage très tourmenté par les critiques a ainsi retrouvé un
aspect satisfaisant. Sur d'autres points, je ne serais pas d'accord avec
M. P. XXXI, 12. Gaudete vosque o liquidœ lacus undae. Je préfère la
leçon des mss. lydiîc (ou avec Scaliger lydii), et l'allusion savante, même
dans un poème familier, me paraît convenir à Catulle. — Dans le
poème LXIII, Catulle fait successivement Attis du masculin et du fémi-
nin, pour des raisons assez subtiles et qui ont naturellement échappé
aux copistes quand ils n'étaient pas guidés par la métrique. Attis mas-
culin avant la mutilation doit ensuite être toujours du féminin, e.Kcepté
v. 55, parce qu'il se reporte au temps où la mutilation n'avait pas eu
lieu, et v. 78 et 80, parce que Cybèle le voyant en état de révolte ne
veut pas reconnaître en lui le signe distinctif de ses prêtres Le mas-:
culin dans la bouche de Cybèle est une sorte d'excommunication. —
Je rejetterais purement et simplement le v. 63, qui n'est qu'une expli-
cation misérable du v. 62, qui, malgré la correction de M. P., n'offre
pas de sens (adulescens et ephebus disent la même chose) et qui inter-
rompt la suite des idées. Peut-être faudrait-il sacrifier aussi le v. 62. —
LXVIII *, V.145. Sed furtiva dédit mira munuscula nocte. Mira attend
encore une correction : média? — LXXXIH, v. 6. Je conserverais la
correction de J. Lipse coquitur-, loquitur de V provient de la fin du
V, 4, obloquitur. Le sens est le suivant : si Lesbie m'avait oublié et ne
parlait pas' de moi, c'est qu'elle serait guérie — sana esset; du m.oment
qu'elle en parle, c'est qu'elle ne l'est pas. Uritur et coquitur est opposé
à sana esset ; il faut là deux mots qui expriment la persistance de la
passion; loquitur ne signifie rien.
M. P, est très au courant des travaux récents sur Catulle; ses correc-
tions sont souvent ingénieuses. Actuellement nous possédons toutes les
ressources nécessaires pour la constitution du texte de Catulle, c'est-à-
dire les collations exactes de O., de G '.et de T. L'édition de M. Schwabe
ne laisse pas grand'chose à désirer sous ce rapport. Malheureusement,
les meilleurs mss. sont récents et la tradition fautive. Le seul moyen
d'essayer d'améliorer le texte est donc celui qu'a pris M. P., et sa ten-
tative est louable.
A. Cartault
l63 - Ileni-Î Vin and tlie englis.1» monasterîes, an aUempt to illustrât
ihe history of their suppression, by F. A. Gasquet, O. S. B., Londres, vol.
1888; vol. II, 1889, chez John Hodgcs (Catholic Standard library).
Cet ouvrage a reçu en Angleterre le meilleur accueil. Suivant Lusag
I Je saisis l'occasion de signaler ici aux lecteurs de la Revue la reproduction ph
toliihographique par les procédés de M. M. Lumière du ms. G qui vient de parait
dans la collection des reproductions de manuscrits par L. Clédat : classiques latm
Catulle, manuscrit de Saint-Germain des-Prés (Biblioth. nat., no 14137), pieceûea u
étude de M. E. Châtelain. Paris, E. Leroux, 1890, VII, p. 36 f^
d'histoire et de littérature 263
l'éditeur a fait précéder le 2^ volume de quelques a avis de la presse »
sur le premier, et c'est un chœur d'éloges très nourri. — « Trenchant
writer , formidable historical scholar », dit le Star. « Splendid addi-
tion ta oiir history, dit VUniverse. Punch lui-même estime que le
livre du P. Gasquet sera a very valuable workfor historical référence.
— Et ce ne sont point là des réclames vulgaires : le compte-rendu le
plus favorable a paru dans Y Academy , et il est signé James Gairdner.
Cette unanimité des suffrages est d'autant plus significative que le
P. G. est moine de l'ordre de saint Benoît, qu'il a dédié son œuvre au
pape Léon XIII et qu'il a écrit dans un pays protestant pour détruire
une des légendes les plus tenaces et les plus chères au protestantisme
anglican.
Depuis le xvii^ siècle, en effet, on a cru fermement dans l'Angleterre
protestante que la suppression des monastères par Henri VIII avait été
légitimée en son temps par la paresse, par les vices odieux des moines.
On disait que c'avait été une triste nécessité. On invoquait tradition-
nellement, à l'appui de cette opinion, l'autorité d'un mystérieux
Blackboule, compilation des enquêteurs désignés par Henri VIII pour
examiner l'état des monastères vers i525 : ce Blackbook aurait contenu
de si effroyables révélations que le Parlement indigné aurait, après en
avoir pris connaissance, supplié le roi de détruire ces lieux de débauche.
Sans doute, le Blackbook ne se retrouvait pas, mais on expliquait le
fait, avec Tévêque Burnet, en accusant l'entourage de Marie Tudor
d'avoir fait disparaître ce recueil de témoignages accablants pour le pa-
pisme. Le violent réquisitoire lancé par Burnet dans son History of
the Reformation contre les moines anglais du xvf siècle avait été jus-
qu'à nos jours universellement admis comme l'expression de la vérité
historique : de là le mépris opiniâtre pour le monachisme qui est enra-
ciné au fond du cœur des anglicans : teachingfirst imbibed and latest
lost.
Le P. G. a entrepris de critiquer d'une manière scientifique la tradi-
tion populaire, déjà combattue sur quelques points par le canon Dixon,
l'éminent auteur de YHistory ofthe Chiirch of England. 11 a dépouillé
à cet effet les collections inédites du Record Oflnce, où il a retrouvé
l'importante correspondance des enquêteurs d'Henri VIII. Il a réuni
tous les témoignages contemporains; il les a pesés; il les a comparés;
et, en laissant constamment la parole aux textes originaux, il a détruit
sans effort les croyances communes. Son livre est très probant, et d'une
éloquence singulière, malgré sa simplicité. Je ne crois pas qu'il y ait de
monographie plus solide dans la littérature historique anglaise. Il y en
a peut-être de plus conformes au goût insulaire. Il n'y en a pas où brille
une érudition aussi élégante et aussi sûre, tant de sagesse et de bon
goût.
Le premier volume est consacré à la narration des épisodes prélimi-
naires qui préparèrent, depuis l'avènement d'Henri VIII, la spoliation
204 REVUE CRITIQUE
des monastères (ch, i-vii, Cardinal Wolsey and the monasteries, the
Hoir Maid of Kent, the Friars Observant, the Carthusians, etc.), et
surtout à rhistoite et à lu critique des « visitations » ou enquêtes faites
à partir de i535 sur l'ordre d'Henri VIII dans les monastères d'Angle-
terre. Ces enquêtes furent menées, sous Fautorité de Thomas Cromwell
par les docteurs Richard Layton et John London, et par Thomas Legh,
assistés du notaire John ap Rice. - Le P. G. examine d'abord, comme
il convient, la crédibilité de ces agents de Cromwell (ch. xi) ; c étaient
des hommes peu scrupuleux, très grossiers, bassement courtisans, et
Cromwell les tenait de court. Layton ayant eu l'imprudence de dire du
bien de l'abbé de Glastonbury, fyt réprimandé en haut lieu; il s'excusa
aussitôt de son « excessive and indiscrète praise », dans une lettre qui
est un chef-d'œuvre de servilité (i, 439). Son opinion a priori sur les
moines, et il ne s'en cachait pas, était que tliej- be ail Jalsejeigned,
hrpocrital knaves, Thomas Legh était un jeune homme, fastueux,
brutal et vénal, c Les moines en avaient grand peur, dit le notaire ap
Rice, he useth siich rough fashion with them. » Il prenait plaisir à
rudoyer ses justiciables et à raconter sur les nonnes des historiettes scan-
daleuses, to makeyou laugh. Quant à London, c'était un déterminé
pillard, a J'ai saisi, écrivit-il à Cromwell, le presbytère de Noteley abbey
avec son verger et son jardin : it will do well for anyfriend ofyours ».
C'est sur la foi de ces trois personnages que la postérité a cru longtemps
aux abus extraordinaires du monachisme anglais au xvi« siècle. Nouj
avons leurs rapports et leurs lettres, les Comperta, le Blackbook de Te-
vêque Burnet. Le P. G. fait (ch. ix), la critique intrinsèque de ces do-
cuments. Il n'a pas de peine à montrer que, même abstraction faite ai
la moralité de leurs auteurs, ils n'ont absolument aucune valeur. L'en-
quête fut achevée en si peu de temps qu'il est impossible de croire qu elh
ait été conduite avec soin. Cent cinquante-cinq monastères furent vis|
tés en quelques mois, et des énormités furent relevées à la charge *
plus d'une centaine. Les commissaires avouent du reste dans les Comi
verta que la seule source de leurs renseignements, de leurs accusations
est le « bruit public ». Us n'ont donc fait que compiler et peut être em
beUir des rancunes malveillantes; nulle part ils n'ont cherché a recueil
lir des preuves. A Chiksand, Bedfordshire, Layton, par exemple, visita u
couvent de Gilbertines; il « ne put rien tirer des sœurs » ; il n'en accuJ
pas moins deux de ces religieuses d'incontinence, dans les Com];erf^, si
la dénonciation d'« un vieux bedeau ». Remarquez que les accusatiot
portent en majorité sur des fautes personnelles et secrètes, vivemei
niées par les inculpés, et presque impossibles à prouver autrement qi
par l'aveu des coupables. — Aussi bien, les Comperta des commissair
ne semblent avoir persuadé personne ; on les soumit pour la forme .
Parlement; mais tout le monde savait bien que l'enquête n avait «1
qu'une comédie dont le dénouement — la suppression des monastère», |
était décidé d'avance. Les calomnies accumulées par Legh et Layton
d'histoire et de littérature 2 65
furent certainement prises au sérieux par personne, pas même par le roi,
pas même par Cromwell, encore moins bien entendu, par Legh et Lay-
ton eux-mêmes.
Nous ne pouvons résumer ici tous les arguments présentés par le
I P. Gasquet. Il suffit de dire que sa conclusion paraît inattaquable (p. 378).
« On suppose généralement que la principale cause de la suppression a
j été l'état désespéré d'immoralité où les monastères étaient tombés. La
vérité est que l'argent d'une confiscation a été le seul objet que Henri VIII
et son ministre aient eu en vue. Quant aux charges produites par Lay-
ton et consorts, ce sont des assertions sans preuves; elles pèsent ce que
doivent peser les assertions de pareils hommes. »
Ce n'est pas à dire que la discipline ait été parfaite dans tous les cou-
vents anglais au commencement du xvi" siècle. Il n'y a pas de siècle où
les dignitaires de l'Eglise n'aient gémi sur le relâchement des mœurs,
sur les vices et l'ignorance des clercs et des moines, ou de quelques clercs
et de quelques moines. Pendant l'âge d'or du monachisme celtique en
Grande-Bretagne, saint Gildas ne se plaignait-il pas amèrement du dé-
sordre des monastères? Au temps de saint Louis, l'archevêque de Rouen,
Eudes Rigaud, ne trouva-t-il pas à condamner paternellement beaucoup
d'ignominies dans les abbayes et les prieurés de Normandie? Les évo-
ques d'Angleterre, comme tous leurs frères de la chrétienté, avaient cou-
tume de « visiter » et de surveiller les moines de leurs diocèses, et nous
y avons des « visitations m épiscopales du xvi« siècle où les erreurs et les
vices du clergé régulier sont sévèrement dénoncées et reprises. Le P. G.
ne l'ignore pas (i, 333) ; il cite les enquêtes épiscopales^ et s'abstient sa-
gement d'une apologie sans réserves. Mais il compare aussi les enquêtes
des évéques avec celles des commissaires de Cromwell, et il tire de cette
comparaison un dernier et décisif argument pour établir la mauvaise
foi et les exagérations énormes du Blackbook. — Il lui arrive très rare-
ment, du reste, de se laisser aller à un parti pris de réhabilitation; il a
trop de jugement pour vouloir blanchir sans preuves tout ce que Legh
et Layton ont noirci sans preuves. 11 me paraît cependant avoir cédé à
cette tendance dans quelques cas particuliers, notamment en faveur de
l'abbé de Langdon, accusé par Layton d'avoir entretenu une femme dans
sa cellule (i, 36o). Les textes témoignent ici, en bonne critique, de la cul-
pabilité de l'abbé, qui, d'ailleurs, se rallia plus tard et reçut une pen-
sion d'Henri VIII. Si incroyable que soient dans l'ensemble les Com-
perta de Layton, cet homme so éloquent in accusations, comme dit son
collègue Legh, quelques parcelles de vérité peuvent s'y rencontrer; et
1 anecdote de l'abbé de Langdon, saisi en flagrant délit, paraît bien de
celles qui ont été vécues.
Le deuxième volume traite de la procédure, des incidents et des résul •
tats de la dissolution des monastères. On y trouvera le meilleur récit
qu'on puisse lire des rebellions des comtés du Nord en i536 (Pilgri-
'^Jage of Grâce, ch, m). — L'ouvrage se complète par des cartes (distribu-
266 REVUE CRITIQUE
tion géographique des maisons des différents ordres en Angleterre au
moment de la suppression) et par des appendices excellents.
J'ai dit ailleurs, et c'est ici le lieu de répéter, que ce livre est très sug-
gestif pour d'autres encore que ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'é-
tablissement de la réforme en Angleterre. Il y a, à deux siècles de dis-
tance, une similitude remarquable entre le procès pour la suppression de
l'ordre du Temple par Philippe le Bel et le procès de la suppression des
monastères par Henri VIII. Guillaume de Nogaret est un autre Tho-
mas Cromwell. Ce sont, dans les cas, les mêmes passions, les mêmes
calomnies, les mêmes violences hypocrites, longtemps amnistiées par
l'histoire. Le P. Gasquet vient de faire justice de la légende propagée
par l'évêque Burnet. Il est temps d'arrêter la circulation des légendes
accréditées sur la politique de Philippe le Bel par les théoriciens de la
monarchie absolue.
Ch. V. Langlois.
164. — La population française. Histoire de la population avant 1789 et
démographie de la France comparée à celle des autres nations au xix^ siècle,
précédée d'une introduction sur la statistique, par E. Levasseur, membre de
l'Institut. T. I. Paris, Rousseau, ibSg. In-8, iv-468 pp.
Notre époque procède à une curieuse répartition du travail scientifi-
que. A mesure que le champ des investigations s'élargit, chaque groupe
de travailleurs non seulement se cantonne dans un territoire distinct, i
mais s'efforce d'en faire un centre privilégié, une curtis dominica, une
sorte de cour seigneuriale de laquelle relèvent les régions limitrophes.
Toute branche du savoir humain est élevée ainsi à la dignité de science^
et si l'on persévère dans cette voie, l'enchevêtrement finira par devenir
extrême. Voici une science nouvelle, la démographie. Elle s'est déta-
chée de la statistique sous prétexte que celle-ci se livre à des constata-
tions matérielles et ne découvre pas de lois. J'avoue ne pas voir ce qu
empêche la statistique d'être raisonnée; en tout cas, pourquoi créer um
science nouvelle? L'ethnographie ne suffisait-elle pas? Pourquoi aus?
considérer l'histoire et jusqu'au droit comme de simples auxiliaires d
la démographie? N'est-ce pas renverser les rôles?
Je n'insiste pas et d'autant moins que si ces critiques me sont sug
gérées par le livre de M. Levasseur, elles ne s'y adressent pas directe
ment. M. L., en effet, n'est pas le promoteur de la démographie cons
dérée comme science distincte, et il a sagement encadré la partie de se
ouvrage qu'il appelle Démographie comparée entre l'histoire et la stj
tistiqucc Les titres et sous-titres transcrits en tête de cet article sutfiseij
déjà à le prouver.
Ce n'est donc pas à une œuvre de démographie pure que nous avoij
affaire, dans la pensée même de son auteur, mais à une œuvre mixtj
L'introduction retrace l'histoire de la statistique, le livre I" est u;
d'histoire et de littérature 267
histoire abrégée de la population française, tant au point de vue des
éléments ethnographiques dont elle se compose que des vicissitudes
politiques qui ont influé sur son nombre et sur son état matériel ou
moral ; le livre II (dont une partie seulement se trouve comprise dans
le volume paru) est consacré à Tétat et au mouvement de la population
française contemporaine , comparée à la population des principaux
États étrangers; enfin, le livre III doit traiter des lois de la population
et de l'équilibre des nations; il se rattachera étroitement à l'économie
sociale et à la politique, comme le livre premier se confond souvent
avec l'ethnographie et Thistoire.
Pour mener à bien une telle entreprise, il fallait une grande sûreté de
vue, une grande netteté de pensée et d'exposition, la profonde habitude
de se mouvoir au milieu des dangers de la statistique, surtout un esprit
d'une assez vaste portée pour embrasser l'ensemble sans sacrifier la
rigueur du détail. M. L. avait prouvé maintes fois à quel degré éminent
il possède ces qualités si rares; il nous en fournit une preuve nouvelle.
Je ne m'arrêterai, pour présenter quelques observations et formuler
quelques réserves, qu'au livre I^^' de Touvrage, le seul qui rentre direc-
tement dans le cercle de mes études. M. L. a voulu y condenser les
recherches des historiens et des ethnographes, et, avec leur aide, déter-
miner, ne fût-ce que par hypothèse ou conjecture, les chiffres successifs
de ]a population de la France. Je reconnais que la difficulté était
grande; je comprends même que l'auteur, animé du désir de fixer des
chiffres, se soit parfois contenté de données douteuses et imparfaites;
mais nVst-il pas à craindre que l'apparence de précision mathématique
n'égare bien des lecteurs? Ne valait-il pas mieux avouer la plupart du
temps qu'en l'état actuel des connaissances aucun chiffre ne pouvait
être posé ?
Je choisis comme exemple l'époque de Charlemagne. M. L. a étudié
à nouveau en économiste et en statisticien le polyptyque ^ d'Irminon,
et il a calculé qu'à le prendre pour base, la population de la France en-
tière ne se serait élevée qu'à 5,284,000 habitants. Il remarque aussitôt
que la composition des domaines de Saint-Germain-des-Prés (formés en
grande partie de forêts) explique cette faible densité, qui doit dès lors
être considérée comme exceptionnelle ; il ajoute que la population fixée
sur la partie non boisée du domaine est par contre infiniment plus dense
qu'on ne saurait l'admettre pour la moyenne générale, puisqu'elle
dépasse même la densité actuelle; mais alors, que reste-t-il du calcul
proposé? Quelle conséquence, proche ou lointaine, peut-on en tirer?
Quelle valeur, même approximative, y peut-on attacher? M. L., pour-
tant, ne l'abandonne pas ; il en fait comme le premier échelon d'une
approximation nouvelle. 11 faut faire entrer, dit- il, en ligne de compte
la population plus dense des villes, il faut avoir égard à la double cir-
I. M. L. écrit polyptique contrairement à l'usage. Je lui signale aussi une faute
d'impression notable page 146 : Sully au lieu de Suger.
268 REVUE CRITIQUE
constance que le Midi a été moins ravagé que le bassin de la Seine, le
Nord davantage, et cette combinaison d'hypothèses et de réserves doit
faire ressortir la population de la France sous Charlemagne au chiffre
de 8 à 9 millions d'habitants. Pourquoi pas sept? Pourquoi pas dix?
Pour le x'= et le xi*^ siècle, M. L. n'avance pas de chiffre ; il se con-
tente de dire : « On est autorisé à croire que, durant les ix*, x* et xi« siè-
cles, la population de la Gaule diminua. Les conditions semblent avoir
été plus favorables à partir de la seconde moitié du xi* siècle : la popu-
lation a dû augmenter de nouveau (p, 141). e Les deux termes de cette
proposition peuvent être acceptés provisoirement, quoique avec beau-
coup de réserve, mais les raisons sur lesquelles M. L. se fonde, telles
notamment que le peuplement exceptionnel des couvents par la crainte
de la fin du monde en l'an 1000, ou que le nombre des croisés sont les
unes inexactes, les autres sujettes à caution.
L'auteur ne trouve un terrain un peu plus solide pour ses calculs
qu'au commencement du xiv^ siècle : c''est le célèbre état des a paroisses
et feux des bailliages et sénéchaussées » en i328, qui le lui fournit. La
solidité toutefois de cette base est plus apparente que réelle. Comment
calculer, en effet, à l'aide de cet état, la population de la France entière,
alors que Ton ignore et le territoire auquel il s'applique et le chiffre
moyen d'habitants réprésenté par un feu? Bureau de la Malle avait été
conduit à un chiffre de 34,625,299 habitants, en prenant pour coeffi-
cient des feux 41/2 et en rapportant l'état au domaine royal qui, à ses
yeux, représentait à peine le tiers de la France de 1 829 (époque où D. de
la Malle écrivait). — M. L. trouve le chiffre de 84 millions invraisem-
blable, et il adopte dès lors de préférence une moyenne de 4 habitants
par feu. Quant au territoire, il estime qu'il ne comprend pas seulement ^1
le domaine royal, mais aussi des paroisses situées en dehors du domaine
et astreintes à payer un impôt par feu au roi. Il propose donc de cal-
culer la superficie d'après le nombre des paroisses. Rien de mieux, si
nous possédions le chiffre des paroisses de la France en i328, mais ce
chiffre est inconnu, et pour y suppléer M. L. prend le chiffre des
paroisses existant en 1790, soit 42,800. Il conclut que les 24,000
paroisses qui figurent à l'état de i328 représentaient plus de la moitié
des paroisses de la France, soit plus de la moitié du territoire. II y
aurait donc eu environ 43,000 paroisses, 4,800,000 feux, 20,000,000
d'habitants.
Ce qui fait, à mes yeux, la faiblesse du calcul, c'est que l'un de ses
éléments principaux est séparé des autres par un intervalle de près de
cinq cents ans, sans qu'il soit tenu aucun compte des données intermé-
diaires. Est-il légitime d'accepter pour constant le chiffre de 43,000
paroisses, quand Froumenteau compte, au xvi'^ siècle, 1 32, 000 paroisses
et clochers? Je ne prétends certes pas qu'il faille s'appuyer sur ce der-
nier chiffre, mais il démontre du moins que la notion de la paroisse a
singulièrement varié au cours des siècles et qu'elle n'était certainement
d'histoire et de littérature 269
pas en l'an i328 ce qu'elle a été en 1790. Remarquez encore que le
nombre de feux indiqué par Froumenteau en i58i est de 3,5oo,ooo,
ce qui, pour retendue actuelle de la France, représenterait un total de
5 millions de feux. On arrive ainsi à un chiffre de population supérieur
à celui de i328, quand tout, au contraire, démontre que la population
a considérablement diminué en France depuis le xiv« siècle jusqu'à la
fin du xvi''. M. L. lui-même le reconnaît en partie et il n'hésite pas
davantage à se servir de Froumenteau pour déterminer le nombre de^
habitants de la France en i58i.
En réalité — c'est la conclusion qui se dégage pour moi de la première
partie de l'ouvrage de M. L. — l'investigation, la critique des sources,
l'élaboration des renseignements statistiques qu'elles contiennent ne
sont pas assez avancées encore pour permettre d'évaluer la population
de la France aux diverses périodes de son histoire. Ce n'est qu'à partir
du xvme siècle que l'évaluation devient possible. Autant il serait injuste
de reprocher à l'auteur d'un ouvrage d'ensemble de n'avoir pas comblé
une telle lacune, autant faut il souhaiter que des études régionales,
embrassant un espace de temps plus ou moins étendu, soient entreprises
pour la faire disparaître. Je compte montrer moi-même, pour le xi'' siè-
cle, que la tâche n'est pas irréalisable.
Je me suis attaché à la partie historique du livre de M. L. La partie
contemporaine échappe davantage à ma compétence : elle m'a frappé
par la richesse des informations et le talent de les mettre en œuvre.
L'auteur se retrouve sur un domaine où il est passé maître.
Jacques Flach,
i65. — L,B» repi-éeentant» du peuple en mission et la justice révolution-
naire dans les départements en Tan II, I7q3-i794, par Henri Wallon, membre
de l'Institut. Tome quatrième. Paris, Hachette, 1890. In-8, 455 p. 7 fr. 5o.
Le quatrième volume de l'ouvrage de M. Wallon sur les représen-
tants du peuple en mission, a suivi de près le troisième (cp. Revue,
n" 5). M. W. expose, en sept chapitres — XXVI-XXXII de tout l'ou-
vrage — les missions aux armées depuis le début de la guerre jusqu'à
fin de la campagne de 1794 et dans les deux départements du Rhin.
Ce tome comprend donc deux parties distinctes : i" les campagnes de
la frontière du Nord ; 2° l'Alsace. Mais dans la première partie, M. W.
perd quelquefois de vue son sujet. Il fait plutôt l'histoire des campagnes
que celle des représentants. Il écrit (p. 3o), que les commissaires de la
Convention, ne manquaient pas à l'armée de la Belgique, et il ajoute
qu'ci ils se trouvaient sans doute fort effacés par le général, mais avaient
pourtant leur rôle auprès de lui ». M. W. ne met pas ce rôle en assez
pleine lumière; dans son livre, les commissaires devraient effacer le gé-
néral.
N y a-t-il pas en effet, dès le commencement, une foule de détails su-
270 REVUK CRlTIQIÎ<i
perflus? Les actes et les rapports des commissaires ne disparaissent-ils
pas au milieu de la narration diffuse des faits de guerre? M. W. ne sait
pas sacritier une partie de ses notes ; il les donne toutes, il en accable le
lecteur ; il se reluse à garder par devers lui ses extraits longuement amas-
sés. Mais devaii-il reproduire des pièces qu'on trouve déjà au iWo;7z7ez<r,
dans Ternaux, dans le recueil Aulard, et ailleurs encore? A quoi bon
raconter de nouveau la campagne de l'Argonne, la querelle de Keller-
mann et de Custine, etc. ? Les 27 premières pages du volume pouraient
être aisément réduites à neiif qm seules appartiennent au sujet (pp. 10-
i3, i5, 25-27). Pourquoi narrer si amplement l'invasion delà Hollande,
révacuation de la Belgique, la perte du camp de Famars, les démêlés de
Custine et de Bouchotte? Pourquoi citer la lettre de Beurnonville, du
18 décembre 1792, qui a été reproduite tout au long par M. Camille
Rousset? N'est-il pas évident que M. W., ne serrant pas assez son récit
des batailles et des sièges, ne met pas en relief l'activité des commissai-
res et ne marque pas leur intervention en traits frappants et vigoureux?
Pourtant ce défaut est bien moins sensible dans les pages consacrées à la
fin de 1793 et à 1794. Mais il faut remarquer que les représentants
jouent désormais un rôle plus énergique, plus efficace, et queCarnot se
trouve au premier plan.
D'ailleurs cette première partie du volume n'est pas exempte de fautes
de détail, et M. W. qui relève malignement quelques taches dans le re-
cueil Aulard, a commis plus de légèretés et d'erreurs quMl le croit. 11
place Servan au ministère de la guerre alors occupé par DeGrave(p. 3). —
Il croit avec Thiers (comme si Thiers qui ne vaut que par l'ensemble avait
quelque autorité sur les points de détail !) que ^0,000 Prussiens ont en-
vahi la France, quand tout le monde sait que l'armée de Frédéric-Guil-
laume II ne comptait que 36, 000 hommes (p. 7). — Il dit que Lamou-
rette proposa le premier d''envoyer des commissaires aux frontières (id)
et il ignore que Pastoret avait dès le 3o juin, demandé à la Législative
d'envoyer à l'armée des commissaires chargés de vérifier l'état des ap-
provisionnements et de recueillir tous les renseignements nécessaires à
la surveillance des actes administratifs et à la confection de bonnes lois
militaires. — Il ne comprend pas du tout la situation hiérarchique de
Dumouriez en juillet et dans les premiers jours d'août (p. 9) ^ — H
met Lafayette qui commandait l'armée du Nord à la tête de l'armée du i
Centre (p. 1 1) et s'imagine que le vaniteux Kellermann voulait exercer j
son commandement sous « les auspices de Luckner » (p. 14) ~, qu'il a
risqué la bataille de Valmy — qui fut, selon Texpression du colonel
Miot, accidentelle — et soutint seul (M. W. oublie Stengel à droite et
Chazot à gauche), la fameuse canonnade (p. 17). — Il écrit sérieusement
1. Il était aux ordres de Dilloii, son ancien, et par contre-coup de Lafayette, après
avoir refusé de suivre Luckner à Metz.
2. Il consentait à servir sous Luckner à condition que Luckner, généralissime des
trois armées, fût à Châlons, et loin de lui, Kellermann.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 27 I
que, dans la poursuite des Prussiens, Beurnonville savait « entraîner
ses soldats » (p. 2 3 et 34), Beurnonville qui fit trois lieues en cinq jours!
Mais comment M. W., dans ce volume consacré aux représentants du
neuple, a-t-il raconté l'arrivée des commissaires qui viennent proclamer
la République au milieu des combattants de Valmy? « Dans une lettre
suivante, écrit-il froidement, ils disent qu'ils ont recueilli les justes ré-
clamations des soldats, parcouru les lignes de l'armée, harangué les
troupes — c'est une monnaie dont ils ne manquaient pas ». On remar-
quera la pointe d'ironie qui termine la phrase. Nous le regrettons pour
M. W. ; mais il eût mieux fait de lire avec attention le Moniteur du
I et' octobre, les Mémoires àt Dumouriez, la page 619 du tome II de
V Histoire de Sainte Menehouldde Buirette, la lettre d\m correspondant
allemand d'Archenholz (Minerva, janvier 1793, p, 173), et alors il eût
représenté Prieur de la Marne haranguant les soldats de sa « voix d'ai-
rain » qui portait au loin dans la plaine de Braux Sainte-Cohière, leur
annonçant l'abolition de la rovauté, leur disant, en montrant de la main
le camp prussien de Hans à une lieue de là, que la patrie comptait sur
leur courage et sur leur haine des despotes, puis poussant son cheval
vers les officiers qui murmuraient, et leur criant de se retirer s'ils n'a-
vaient pas le courage de défendre la nation ; il eût décrit l'enthousiasme
des troupes qui accueillaient les commissaires aux cris de Vive la Ré-
publique et de Vive la Convention nationale; il eût retracé le « prompt
effet » de l'arrivée des représentants et leur influence sur l'armée qui
« passa de l'état constitutionnel à l'état républicain, avec la rapidité d'un
torrent 1. »
Mais poursuivons la liste de nos errata. M. W. croit que Dumouriez
confia le soin de la poursuite des Prussiens à Beurnonville (p. 26), qui
mena l'armée française à Valenciennes, dans une direction opposée. —
II place, au 27 septembre le commencement du siège de Lille (id.)^ alors
que la tranchée fut ouverte le 25, et au même 27 (p. 27), la sommation
qui eut lieu le 29. — Il dit (p. 3o) que « plusieurs commissaires de la
Convention avaient accompagné Dumouriez en Belgique » : il oublie
que l'Assemblée, sur la proposition de Barère, leur avait ordonné de re-
gagner Paris, et il n'a cure d'un mot de Labourdonnaye qu'il citeà cette
même page; s'il fallait envoyer des commissaires, c'est qu'il n'y en avait
pas encore, et d'où sont datées les lettres que M. W. cite inutilement
en note? De Dunkerque, de Calais, de Lille; pas une, de Belgique; ce
qui prouve que nul commissaire n'avait suivi l'armée. — Il fait du
commissaire-ordonnateur Petit Jean un « agent de la Trésorerie » et un
« payeur-général » et parle de l'abbé d'Espagnac, comme d'un homme
« prêt à traiter d'une foule de choses que son titre ne comportait pas »
(p. 38); que M. W. se consulte lui-même sur Petit Jean (p, 84, note, et
Hist. du trib. rév., IV, 487) et qu'il lise sur l'abbé d'Espagnac le livre
de M. de Seilhac (Tulle, 188 1). — Il prétend que Dumouriez venait à
I. Expression de Dumouriez. Mém., 1823, tome III, p. Sg.
272 RRVUE CRITIQUE
Paris pour exposer deux choses : la situation de la Belgique et le plan
de sa prochaine campagne (p. 43); et le renversement de Pache et du
Comités des achats ! — Il n'a pas lu sur le père de Paul de Kock, le ré-
volutionnaire batave, l'article d'Avenel (p. 59). — Il ignore qu'au
4 février il était question, non plus de «l'expédition deZélande » (p. 61),
mais de Maestricht et de Venloo. — 11 écrit que Danton proposa la
réunion de la Belgique « sur une lettre de Miranda d (p. 62), ce qui est
bien étonnant, au lieu de dire : sur une lettre de Waleff annonçant le
vote de Liège et communiquée par Miranda. — 11 affirme (p. 71) que
Danton, chargé « de faire retirer la lettre du 12 mars », n'y put rien,
et il oublie la lettre du 21 mars qui contenait, en somme, une demi ré-
traction. — 11 se figure que Proly, Dubuisson et Pereyra ont « surpris ■»
les intentions de Dumouriez et que la Convention « ne pouvait pas atten-
dre davantage » (p. 73), alors que Dumouriez ne cachait pas ses intentions,
Et, qu'après la lettre du 28 mars, avant de connaître l'entretien deTour-
nay, le Comité de défense générale avait déjà résolu de mander le géné-
ral à la barre. — Il cite sur le « soulèvement » des Belges, non pas Bor-
gnet, mais... Ihiers! (id.J. — Il met à Lille Dubois Dubais, collègue
de Lesage Senault, au lieu et place de Carnot (p. yb) ^. — Il fait du com-
mandant de Dunkerque, Pascal Kerenveyer, deux personnes, l'une qu'il
nomme Pascal^ l'autre qu'il nomme Kenveyer (p. 84). — Il assure que
la légion du Nord qui date de 1792 et qui fit la campagne de Belgique
et de Hollande, avait été « organisée par Westermann pour aller com-
battre en Vendée » (p. 91). — Il fait enlever par les Autrichiens « les
représentants qui sortaient de Maubeuge », lorsque Drouet seul fut fait
prisonnier [p. 146) 2. — Il ne connaît pas le Custine et Houchard de Gay-
Vernon et passe totalement sous silence la mission de Billaud-Varenne
qui arriva le 9 août 1794 a l'armée de Houchard, fit arrêter Des Bruslys
et emporta les registres de l'état-major à Paris (Gay-Vernon, p. 229*
23l).
Voilà pour la première partie du volume. Dans la seconde qui traite
delà Révolution en Alsace, nous trouvons aussi quelques fautes. Tout
d'abord, M . W. n'est pas absolument au courant ; il cite le Schneider àt
Heitz et le Livre bleu; mais il ne connaît pas la Cathédrale de Strasbourg
de R. Reuss, les iVofe^ biographiques d'Etienne Barth, l'ouvrage de Sein-
guerlet sur Strasbourg, les travaux de Guerber et de Klelé sur Hague-
nau, les études de Bardy sur Belfort. D'où tient-il que Rouget de Lisle
composa la « Marseillaise » che\ le maire Dietrich (p. 299)? — 11 ne
mentionne pas le rôle de Philibert Simond, savoisien, lui aussi, comme
Monet, et, comme Monet et Laveaux, implacable ennemi de Dietrich
(p. 3oo). — H laisse croire que Monet, qui ne fut élu procureur-général
syndic qu'en novembre, occupait déjà ces fonctions importantes aux
journées de septembre (id). — Il prétend que Dietrich « s'était constitué
1. Erreur très grave, la plus grave peut-être du volume.
2. « Petite perte que celle là! » remarque l'auteur.
I
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 273
prisonnier à TAbbaye » (p. 3oi), tandis que Dietrich se constitua pri-
sonnier le 5 novembre 1792 à Saint-Louis, à l'extrême frontière du
Haut-Rhin, après avoir annoncé son intention trois jours auparavant
au commissaire civil du département. — II n'a pas bien vu quel était le but
de l'adresse des délégués de Strasbourg, Baudreville et Engel (il fallait
les nommer), qui se présentèrent à la Convention le 23 décembre; ils
protestent qu'ils n'ont rien de commun avec Dietrich — « on le savait
de reste », ajoute M. W., — mais sans esprit d'hostilité contre l'ancien
maire, et s'ils demandent l'envoi de commissaires, c'est pour apaiser le
conflit entre la municipalité et le général CoustarJ, pour avoir à Stras-
bourg des juges qui « voient tout et observent tout avec impartialité,
qui soient accessibles à tout le monde et qui rendent justice à tous », et
non point pour donner témoignage de leurs attaches jacobines, comme
le croit M. Wallon (p. 3o2-3o3). — Plus loin, M. W. ne donne pas les
noms des pétitionnaires courageux du 17 mars 1793 (Liebich et Lauth)
qu'il compare d'ailleurs, et assez joliment, au paysan du Danube (p. 307).
— Il transcrit très mal certains noms de lieux alsaciens : Oberschijfols-
heim pour Oberschaeffolsheim (p. 346), Oberehnheim, pour Obernai
(p. 346), Volschwiller pour WoUschwiller (p. 362), et Sosolsheim pour
Saessolsheim (p. 370).— Il fait du commandant de Lauterbourg, Mill-
ier, un commissaire (p. 372). — Il a trop de confiance dans le témoi-
gnage de Nodier. — Mais tout ce récit fait honneur à un homme qui n'a
point pâli sur les alsatiques révolutionnaires; s'il n'offre rien de nou-
veau, il est exact, clair, assez impartial, et, dans l'ensemble, c'est un
louable travail, sans éclat, sans grande distinction, il est vrai, mais en
somme, excellent comme résumé.
Selon son usage, M. W. qui ne veut rien perdre, a fait suivre d'^^-
pendices le texte de son quatrième tome. Certains de ces appendices sont
intéressants, comme le siègede Valenciennes, les indications supplémen-
taires sur les missions, la notice relative à Dentzel, le récit des faits et
gestes de l'agent Garnerin. Mais à quoi bon la note sur le général Biron
depuis la publication du Talleyrand en ijg2 de M. Pallain ? A quoi
bon les notes sur l'armée de Lafayette au 10 août, sur l'Argonne, sur le
siège de Lille .-> A quoi bon l'extrait de Heitz? Tout cela est connu, et
M. 'W. y laisse encore, assez malencontreusement, échapper quelques
fautes et y oublie certains faits importants. Il dit qu'un capitaine autri-
chien (d'Harnoncourt), annonça l'arrestation de Lafayette à Clerfart —
c'est à Saxe-Teschen. — Il semble croire (p. 404) que les décrets de l'As-
■ semblée et les lettres du ministre de la guerre ont déterminé la fuite de
Lafayette, et, ne s'en tenant qu'à la correspondance oflScielle pour ex-
pliquer « le triomphe de la Révolution du 10 août au sein de l'armée »,
il ignore la revue du i 5 passée par Lafayette, les compagnies de canon-
niers, les volontaires de l'Allier, les grenadiers de Mayenne-et-Loire
refusant le serment, les émissaires, entre autres Westermann, arrivant
de Paris et quelques-uns se déguisant en recrues, Lafayette laissant avec
274 REVUE CRITIQUE
sa naïveté habituelle distribuer aux troupes les journaux de la capitale
et mettre à la poste des pétitions contre lui, l'artillerie enfin se pronon-
çant et le colonel Galbaud refusant d'assister à la réunion de Douzy pro-
voquée par Stengel. — Il ne sait pas que Servan n'a point été « ramené»
à Diilon et s'est constamment, non sans raison, détié de ce général de
cour (p. 405). — 11 écrit les Grands-Illettes pour les 4 Grandes Islettes »,
s'imagine que Dumouriez a « quitté » Grandpré le 10 septembre — ce
qui n^était qu'une fugitive idée du général, — substitue les Prussiens
aux Autrichiens dans le combat de la Croix-aux-Bois, oublie que Prieur,
Beaupuy, Broussonnet, appartenaient à la Législative et les baptise
« collègues », du commissaire du pouvoir exécutif Billaud-Varenne
(p. 407). — Il mentionne les grenadiers au lieu des carabiniers à la
journée du 20 septembre (p. 408) et transforme Kalkreuth en Keith
(p. 41 3), Rheinfels en Rheinfeld (p. 414), Gertruydenberg en Gertruy-
denbourg (p. 422). — 11 croit que Danton « avait à cœur de se prému-
nir du témoignage de ceux qui l'avaient vu en Belgique » (p. 416), alors
qu'il s'agit de Delacroix; car c'est Delacroix qui demande ces témoigna-
ges, et si notre auteur avait bien lu X^Procès des dantonistes de M. Ro-
binet (p 264), il ne commettrait pas cette erreur et ne citerait pas une
lettre de Carnot déjà citée par le biographe dantonien. — Enfin, dans sa
note sur le siège de Valenciennes, M. W, a fait du directeur (en réalité
a lieutenant-colonel faisant les fonctions de sous-directeur »)de l'artille-
rie, Lauriston, un directeur de V agriculture et en accusant d'erreur
Verdavaine, il tombe lui-même dans une autre erreur : Tholosé et Boil-
laud, dit Verdavaine, étaient lieutenants généraux; non, reprend M. W.,
ils étaient adjudants-généraux ; c'étaient de simples généraux (p. 429) ;
Boillaud était général de brigade et Tholosé, directeur des fortifications,
faisait les fonctions de général de brigade 1.
Remarquons encore, pour épuiser nos critiques, que M. W. a sûre-
ment un parti-pris. Il est ennemi de la Révolution, et son hostilité se
fait trop voir. Pourquoi rappeler le mot a le cléricalisme, c'est l'en'
nemi? » (p. 64). — Est-il de bon goiit et de toute exactitude de nommer
I. Autres errata. Lire p. 16, Choderlos et non Chanderlos ; — supprimer p. 40,
le B devant Beurnonville ; — lire p. 5o, Oberndorf et non Obevendorff ; — p. 52 (et
p. 408), Deprez-Crassier et non Després, p. 62, Varlet et non Varley ; — p. 102,
Fabre-Fond (frère de Fabre d'Églantine et non Fabre/oiid ; —p. i3{, l.eVeneuret
non Levcneur. d'Hangest et non Dangest; — p. 142, Werwicq et non Werwick] —
p. 174, Enionnot et non Emoinot: — p. 188, Bouxwiller et non Bouxvillers; —
p. 262, Hal et non Hall; — p. 278, Schweigenheim et non Siveigenheim ; — p. 280,,
Trippstadt et non Tripstadi; — p. 344, Geispolsheim et non Geispol:{heim ; — p. 345,
Bodenhans et non Bodenhaus, Bodemer et non Bodmer; — p. 346, Spiesser et noa
Spiescr; — p. 375,Altkirch et non Allkirck ; — p. 383, Willibald Wachier et non
Willibad Wuchler; — p. 408, Sparre et non Spare; — p. 429, Blaquetot et non
Blactot, Dembarrere et non Danbarere, Boillaud et non Boileau; — p. 43 i, Durkheim
et noa Turkheim ; — p. 43 1 , pourquoi mettre au bas de ce déshonorant billet des ini-
tiales qu'il est si aisé de compléter en se reportant à la liste de la p. 428, et qui ne
devinera sous H. de Cr. Hamoir du Croisier?
I
d"'histoire et de littérature 275
les jacobins, maîtres du pouvoir et adversaires de Schneider, les oppor-
tunistes de Strasbourg? (p. SyS). — Je ne discuterai pas les deux pages
— rien que deux pages ! — où M. W. juge, à la fin de la première par-
tie du volume, les commissaires de la Convention aux armées de 1792,
de 1793 et de 1794. Il ne leur reconnaît d'autre mérite que d'avoir fait
vivre les soldats, de leur avoir procuré des munitions, des armes, des
souliers, et leur reproche d'avoir fomenté l'indiscipline, désorganisé les
corps, semé la défiance contre les officiers, enlevé aux soldats leurs
meilleurs généraux (p. 295-296). Mais — sans me faire l'avocat des
commissaires, sans approuver les agissements d'un Duquesnoy et en
déclarant avec Gay-Vernon (voir Ciistine et Houchard, p. 99-103), que
la plupart des représentants ont montré des vertus patriotiques et des
qualités guerrières, mais qu'ils se sont mêlés de tout, qu'ils ont élevé
écharpe contre écharpe et pouvoir contre pouvoir, qu'ils ont introduit
l'espionnage et la délation, et que s'ils ont causé plusieurs succès, ^ la
France doit ses plus durables triomphes au génie de ses généraux et à
l'héroïsme de ses soldats » — encore faut-il, comme Gay-Vernon, ren-
dre justice aux missionnaires de la Convention, et je répondrai à M. VV.
par M. W. lui-même; nous lisons p. 75, que les commissaires ont
a rendu les plus signalés services », lors de la trahison de Dumouriez;
p. 82, qu'ils ont « bien rempli leur rôle » à l'armée des Ardennes ; p. 87,
qu'ils ont « eu la prudence de ne point peser sur la résolution de Dam-
pierre » ; p. io5, qu'ils n'ont <i négligé aucun moyen d'aider à l'action
militaire »; p. 1 19, qu'ils « voyaient clair dans la situation »; p. i35,
qu'ils n'omettaient aucun détail du service ; p. 198, qu'ils ont donné à
Hoche le commandement supérieur; etc. Enfin, quel est l'organisateur
de la victoire, sinon Carnot, c'est-à-dire, comme le nomme M. W., 0 un
représentant en mission permanente auprès des armées »? 11 y eut des
généraux destitués ; mais combien étaient incapables ! Beaucoup le fu-
rent comme nobles; mais qu'on se reporte à cette époque où régnait un
esprit de défiance que M. W. lui-même regarde comme « motivé »
(p. 221) '.
Ce 4* tome est donc, comme les précédents, un recueil de documents,
recueil consciencieux, précieux, indispensable à tous ceux qui étudient
la période révolutionnaire, plein de renseignements de toute sorte —
à condition que l'auteur publie un index à la fin de son dernier volume.
Qui ne remerciera le vaillant et vénérable érudit de réunir tant de dé-
pêches et de rapports ou d'en reproduire des morceaux considérables?
Qui ne lui saura gré de citer tant de correspondances de représentants
et de généraux, de compléter les lettres de Hoche mutilées par Rousse-
I. Je voudrais que toutes les fois qu'on jugera le rôle des commissaires de la Con-
vention aux armées, on se souvienne de ce mot qui m'a toujours frappé. Il a été
prononcé par un officier supérieur de l'armée qui vit de près les actes de Bazaine et la
capitulation de Metz. « J'ai regretté hautement, à Metz, de ne pas voir arriver les an-
ciens commissaires de la Convention aux armées qui faisaient tomber les têtes des
Benéraux et ne leur laissaient d'autre alternative que de vaincre ou de mourir! »
2/0 REVUE CRITIQUE
lin, d'énumérer les pièces remarquables des cartons, de semer ainsi pour
les travailleurs une foule d'indications? Mais abstraction faite des erreurs
dues à la rapidité de la rédaction et presque pardonnables dans tout tra-
vail de cette longueur et de cette importance, abstraction faite de docu-
ments inutiles et de détails qui grossissent le livre en pure perte,
abstraction faite d'un certain penchant à ignorer les travaux des contem-
porains et, sous prétexte de u voir les choses par soi-même », à ne consul-
ter que les documents, sans se soucier si d'autres les ont déjà mis en
œuvre, et à se croire infaillible et omniscient parce qu'il consulte les
pièces des archives, nous regrettons que M. Wallon ne prenne pas un
peu plus de peine pour mieux ordonner sa matière, y mettre plus d"art,
de mouvement et de vie, y faire saillir l'essentiel. Comme dans les tomies
antérieurs, le récit est un peu terne et trop souvent manque de vivacité et
de chaleur. Il ne suffit pas de fouiller les dépôts des ministères et de
publier des pièces ou des extraits de pièces, de compulser les brochures
de répoque et de donner la cote de l'exemplaire de la Bibliothèque na-
tionale; il faut se faire lire par quelques uns, et lorsqu'on peut et veut
employer si noblement, si utilement ses loisirs, ne point se borner à
n'être qu'un simple instrument de travail.
A. Chuquet.
i56. — Perrero Domenico). Gli ultimi reali dl Savoia fiel ramo primo-
genito ed il piincipe Carl«-AIbei>to di Cai-ignano. Studio storico SU
documenti. Un vol. in-8 de xx-463 pp. Turin, Francesco Casanova. Frs. 6.
Ce livre est une étude très documentée et très approfondie sur une période
fort importante de l'histoire de la maison de la Savoie: celle delà Restau-
ration, des luttes entre l'absolutisme, représenté par Victor-Emmanuel I
et Charles-Félix, et les idées libérales de Charles-Albert de Carignan,
jusqu'au triomphe de celui-ci par le choix que Charles-Félix fit de lui
en 1825 comme héritier de la couronne. Sur beaucoup de points, l'au-
teur renouvelle les connaissances antérieures : il explique bien le carac-
tère de Victor- Emmanuel et réussit à le disculper en partie des reproches
de petitesse d'esprit, d'incapacité militaire et de débonnaireté politique
qu'on lui adresse; il prouve que Maria-Teresa n'a pas été une ennemie
systématique et haineuse de Charles-Albert et une fervente amie de l'Au-
triche, et qu'elle n'a pas ruiné les finances du pays ; il expose les causes
de la Révolution de 1821 d'une manière fort neuve et intéressante, ainsi
que les vrais motifs de l'abdication de Victor-Emmanuel. Pour être
moins original, il n'en est pas moins intéressant en racontant la vie
aventureuse de la mère de Charles-Albert, la jeunesse de ce prince, ses
relations et ses luttes avec ses cousins. Il y a donc beaucoup à appren-
dre dans cette étude. Mais la lecture en est rendue extrêmement confuse
par de graves défauts de composition : l'auteur n'expose pas les faits, il
discute le récit qu'en a fait, dans sa Jeunesse du Roi Charles Alberts
il
D HlSTOlKh. KT DK LITTÉRATURE 277
M. Costa de Beauregard ; il ne fait pas un récit complet, mais une suite
de dissertations critiques, rattachées chacune à un chapitre ou à un
texte de son devancier; il faut, pour comprendre M. Perrero dans cer-
tains passages, avoir sous les yeux le livre de Costa, par exemple pour
le chapitre relatif à la famille de Montléart (p. 8 sqq ). Là même où il
n'est pas entraîné à la suite de JVl. Costa à des digressions sans lien, il
n'y a aucun ordre dans son livre : le récit de l'abdication de Victor-
Emmanuel précède l'histoire des causes de cette abdication. Celui des
débuts du règne de Charles-Félix est placé juste avant le tableau de son
enfance. Le chapitre XV est consacré à l'histoire des relations de
Charles-Albert et de Charles-Félix, de 1821 à 1824, et le chapitre XVI
à celle de l'Émigration de 1821. L'ouvrage, si intéressant et par certains
côtés si utile de M. P., perd beaucoup à ce manque de méthode et à ce
souci de réfutation du livre de Costa, qui, a dit Errera, « sembra pesare
corne im inciibo » sur son travail. Il faut dire que la plupart des criti-
ques de P. contre Costa sont justes, et qu'un certain nombre de por-
traits et de tableaux sont tracés d'une façon pittoresque et vivante.
_'_ L. G. P.
167. — Gesetz und Verordnung. Staatsrechtliche Untersuchungen auf
rechtsgeschichtlicher und rechtsvergleichender Grundlage von Dr. Georg Jelli-
NEK, Professer des Staatsrechtes an der Universitaet Wien. Freiburg i. B. 1887,
Mohr, I vol. in-8dexv-4i2 pages.
Cet ouvrage contient une partie historique et une partie théorique.
Nous n'analyserons ici que la partie historique. L'auteur s'est appli-
qué à retracer le mouvement des idées politiques particulièrement en
ce qui concerne la distinction entre les lois et les décrets, distinction
aujourd'hui familière à tous. Son exposé est intéressant : il pourrait
être plus complet. Les documents mérovingiens et carolingiens notam-
ment eussent été interrogés avec fruit : on sait, en effet, que pendant la
période franque, l'idée de loi se distingue d'une manière fort remar-
quable de l'idée d'ordonnance ou de décret : en d'autres termes, la lex
et les capitula ne sont point identiques '. L'influence des théories an-
glaises et, en particulier, celle de Locke sur la formation du système de
Montesquieu est nettement indiquée. Celle de Rousseau sur nos concep-
tions et sur notre nomenclature politique est heureusement mise en re-
lief. Rousseau avait dit : L'objet des lois est toujours général. « J'en-
tends que la loi considère les sujets en corps et les actions comme
abstraites, jamais un homme comme individu, ni une action particu-
lière. Ainsi la loi peut bien statuer qu'il y aura des privilèges, mais
elle n'en peut donner nommément à personne... En un mot, toute
fraction qui se rapporte à un objet individuel n'appartient point à la
puissance législative. On voit encore que la loi, réunissant l'universa-
1. Cf. Thévenin, Lex et capitula, contribution à l'histoire de la législation carol.,
Paris, 1878.
278 REVUE CRITIQUE
lité de la volonté et celle de l'objet, ce qu'un homme, quel qu'il puisse
être, ordonne de son chef, n'est point une loi, ce qu'ordonne même le
souverain sur un objet particulier n'est pas non plus une loi, mais un
décret: ni un acte de souveraineté, mais de magistrature, » Voilà bien
ce qui différencie dans le droit moderne les lois et les décrets.
Les pages i3o-i8o, consacrées à l'histoire du procédé financier que
nous appelons le budget (Angleterre, France, Belgique, Allemagne,
Autriche) sont fort intéressantes. Le lecteur diligent y joindra l'ex-
cellent livre que vient de publier M. Stourm : Le budget, son histoire
et son mécanisme.
L'auteur ne semble pas, je le répète, avoir interrogé toutes les sour-
ces d'informations qui lui étaient ouvertes. Ainsi les auteurs du moyen
âge dont les théories sont souvent identiques à celles des écrivains an-
glais, m'ont paru sacrifiés. Bracton et Fortescue veulent être rapprochés
de théoriciens du continent qui ne sauraient être passés sous silence.
MM. Ch. Jourdain! et Paul Janet ^ eussent ici fourni à Pauteur
d'excellents résumés et eussent été pour lui des guides très utiles. L'im-
portante étude de Gierke sur Althusius, consultée d'ailleurs avec fruit
par M. Jellinek, ne saurait remplacer certaines lectures.
L'exposé du droit public français que nous devons à M. Lebon, excel-
lent ouvrage trop peu connu chez nous, a été mis à profit par l'auteur.
En revanche, il n'a pas utilisé l'œuvre si remarquable de M. Lefebvre 3.
Paul ViOLLET.
168. — L. Carnio. Ble Monsclienseele. Wien, Konegen, i88g, 118 p. in-8.
169. — Wilh. ScHMiDT. Das Gewissen. Leipzig, Hinrichs, 1889, 876 p. in-8.
7 m. 20.
170. — Ed. von Hartmann. Das Grundproblem der Erkenntnisstheorîe.
Leipzig, Friedrich, 1889, 127 p. in-8. i m.
I. C'est une naïve et innocente chose que la brochure de M. Carnio.
Quand un homme convient avec candeur qu'il n'a ni savoir-faire ni
connaissances étendues, qu'il se défend d'avoir aucune prétention scien-
tifique, qu'il aime les hommes, tout simplement, qu'il déplore leur dé-
sunion, et que des « dizaines d'années » de réflexion lui ont enfin mon-
tré dans l'idée de la spiritualité de l'âme Pinstrument de leur réconci-
liation définitive, il y aurait de la cruauté à lui demander compte d'autre
chose que de ses intentions. Les doux philanthropes sont devenus chose
rare, et d'autant plus exquise. La paix de leur cœur doit être sacrée.
IL M. W. Schmidt est un théologien semi-orthodoxe qui nous ra-
1. Mémoire sur la royauté française et le droit populaire d'après les écrivains du
moyen âge dans Excursions historiques et philosophiques à travers le moyen âge,
pp. 5i 1-558.
2. Paul Janet, Histoire de la science politique dans ses rapports avec la morale,
2 vol. ^Hl
3. Ch. Lefebvre, Études sur les lois constitutionnelles de J8y5, Paris, 1882. ^■1
d'histoire et de littérature 279
conte l'histoire de la conscience morale; pour beaucoup de gens, c'est
assez dire Voici qui donnera aux autres une idée de sa méthode histo-
rique. Il débute par le stoïcisme; puis viennent Aristote, Platon, So-
crate, les orateurs, et ainsi de suite jusqu'à Homère; puis les Romains,
puis les races primitives, les Chinois, les Égyptiens, etc.; puis l'ancien
et le nouveau Testament, puis l'ère chrétienne. Il est aisé de voir qu'il a
débuté par relever tous les passages du nouveau Testament où figure le
mot cuvci'oTjCiç, besogne facile et inutile; le reste est là pour l'œil ; le tout
est peu de chose.
III. M. de Hartmann abuse du droit qu'on a de parler et défaire
parler de soi. Il expose pour la vingtième fois ses idées en matière de
théorie de la connaissance, sans une ligne vraiment nouvelle. Il va de
soi que cet exposé est bien fait; il faudrait être stupide pour ne pas finir
par être parfaitement maître d'idées qu'on ressasse depuis vingt ans.
Lucien Herr.
171. — Séances et travaux de rAcadémie des sciences morales et politiques
(Institut de France. — Table alphabétique et bibliographique des ma-
tières et des auteurs figurant dans les i3o premiers volumes du compte-rendu,
par MM. Henry Vergé et P. de Boutarel, sous la direction de M. Jules Simon,
secrétaire perpétuel de l'Académie. Paris, Picard, 1889. in 8, vu et 3o8 p. 5 francs.
On saura le plus grand gré à MM. Henry Vergé et P. de Boutarel
d'avoir dressé cette Table du Compte-rendu des séances et travaux de
l'Académie des sciences morales et politiques. Elle est à la fois synthéti-
que et analytique. Cherchez un mot désignant une matière et vous
trouverez l'énumération de tous les auteurs qui en ont traité. Cherchez
le nom d'un auteur, et vous trouverez tous les sujets dont il a entretenu
l'Académie. MM. V. et de B. ont même groupé sous des dénominations
générales, histoire, morale, administratioji, statistique, la plupart des
documents du Compte-rendu et donné aux mots concours, discours, let-
tres, rapports sur les concours, les titres complets de toutes les espèces
correspondantes avec les noms de leurs auteurs. Ils font, en outre, figurer
dans leur table les auteurs d'ouvrages dont on a rendu compte à l'Aca-
démie, en renvoyant de leurs noms au nom du rapporteur. On conçoit
l'utilité de cette Table. MM. V. et de B. ont naturellement eu soin de
donner en tête du volume la liste des abréviations dont ils ont fait
usage ainsi que la concordance des volumes et des années. Ils nous di-
sent que la présente Table n'est que la mise au point d'une première
édition publiée en 1873 par M. Charles Vergé. Mais ils ont très bien et
très nettement suivi la méthode de leur devancier, et grâce à eux, les
travailleurs pourront, en feuilletant ce livre, trouver aisément tous les
renseignements sur les séances de l'Académie des sciences morales et
politiques et sur les sujets si divers qu'a traités la docte compagnie de
1843 a 1888.
G.
28o RrVTTF, CRITIQUE D'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
CHRONIQUE
FRANCE — Sous \e ùtvc Documents inédits pow set-vii- à l'histoire de la Révolution
dans la Loire-Inférieure (Vannes, impr. Lafolye, i8qo. In-8», i5 p.), M. André Jou-
BERT a publié une lettredu Directoire delà Loire-Intérieure au ministre de l'intérieur
Roland. Cette lettre est datée de juin 1792. Roland reprochait aux administrations
leur retard à accuser réception des lois, leur négligence à publier les instructions,
et il leur demandait des renseignements sur l'état du département. Le Directoire pro-
teste contre les imputations du ministre et trace un tableau très intéressant de la si-
tuation critique de la Loire-Inférieure ; les causes principales des difficultés sont
« les opinions religieuses et l'assiette des nouvelles contributions ». M. Joubert joint
à ce document une lettre du citoyen Haumont relative aux prêtres non assermentés
et datée du 7 germinal an V.
ALLEMAGNE. — La librairie Hinrichs nous envoie le 2« fascicule du vol. III de
la 8' éd. maior du Nouveau Testament de Tischendorf, publiée sous la direction de
M. C. R. Gregory avec le concours de M. Abbot. Il nous est difficile de parler d'un
livre dont nous n'avons qu'un cahier commençant à la p. 441 et dont les lo pre-
mières pages sont consacrées à des rectifications et additions aux parties précéden-
tes. La réputation de Tischendorf ne peut que gagner à être soutenue par M. Gregory,
d'après le peu que nous pouvons en juger. Ce fascicule contient la notice des mss.
en minuscule et des lectionnaires. Un 3* fascicule complétant l'ouvrage paraîtra dans
l'année. (Nouum Testamentum graece, rec. C. Tischendorf; edit. octaua maior. Vo-
lumen lll, Prolegomena scripsit C. R. Gregory additis curis Ezrae Abbot; pars al-
téra, pp. 441-800. In-80, 1890).
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séayice. du i g mars 18 go.
M. Roman communique le dessin d'un sceau en cire rouge de Jean Dolée, avocat
du duc d'Orléans au siège de Tours, appendu à une quittance datée du 21 septembre
1418. 11 constitue un rébus, car le type est composé des lettres I et D, d'une aile ,^
placée entre deux E. Il en rapproche la devise du dauphin, fils de Charles VI, en
l'honneur de sa maîtresse la Cassinelle ainsi composée un K, un cygne et une aile
d'oiseau.
M. Durrieu signale dans le même ordre de faits une devise peinte sur les marges |j
d'un livre d'heures appartenant à la Bibl. nationale; elle consiste en une aile passée '«1
à travers une couronne^qui porte écrite les mots sans et ne puis; elle doit donc se lire .;'j
« sans elle ne puis ». \\
M. Adrien Lilanchet présente une photographie d'un bas-relief italien qui provient '^j
de l'Italie centrale et appartenant à M. P. Rattier. 11 représente une tête vue de pro- V
fil et couverte d'un casque dont le cimier est formé d'un dragon; au-dessus du buste
on lit : P. SCPIONl. Ce bas-relief présente une grande ressemblance avec un mo-
nument connu sous la domination de Victoire de' Florence. M. Blanchet croit de-
voir rapprocher ces bas-rcliefs de certaines têtes casquées du recueil Vallardi attribué
à i'écolc de Léonard de Vinci.
M. Durrieu donne lecture d'une communication de M. Grellet Balguerie au sujet
d'une découverte, faite aux environs de Saint-Aignan-en-Guès (Loiret), de construc-
tions anciennes qui paraissent les restes d'un cirque ou d'un théâtre romain.
M. Babelon commence la lecture d'un mémoire de M. de Laigue, consul à Cadix,
sur l'origine phénicienne de cette ville.
M. Mciwat fait une communication sur un fragment d'inscription antique trouvé
dans la maison habitée par Pétrarque à Vaucluse.
M. Flouest lit une lettre de M. Counahaye donnant des détails sur les fouilles
qu'il a entreprises aux environs de Suippes : des restes de peintures murales impor-
tantes ont été mises au jour et on a pu enlever une peinture représentant une bac-
chante. La villa qui contenait ces ornementations devait dater du m» siècle.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le t'uy, imprimerie Marcliessou fils, boulevard Saint-Laurent, 3.3.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 15 - 14 avril — 1890
Sommaire î 172-174. Pxzzi, Firdusi, Le Livre des Rois; L'épopée persane;
Chrestomathie persane. — 175. H. Houssaye, Aspasie, Ciéopâtre, Theodora. —
176. Conrad de Hirschau, Dialogue, p. p. Schepss. — 177. Walther, Science ou
chiistianisme. — 178. Viollet, Histoire des institutions politiques et adminis-
tratives de la France, I. — 179. (^hotard, Louis XIV, Louvois, Vauban et les
fortifications de la France d'après des lettres inédites de Louvois adressées à
M. de Chazerat. — uSo. Al. Bertrand, La psychologie de la doctrine de l'effort et
les doctrines contemporaines. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
172. — Italo Pizzi : Firtluei. 11 libro dei Rei poema epico recato del Persiano in
versi italiani; Torino, Vincenzo Bona, 8 vol. in-12, 1886-1888.
173. — lu'Epopea t'ersiana, e la vita e i costumi dei tempi eroici di Persia,
Studi e ricerche; Firenze, tipografii éditrice di L Niccolai ; i vol. in-8, 1888.
174. — Chi-estoniatliie persane avec un abrégé de la grammaire et un diction-
naire; Turin, Hermann Lœscher, i vol. in-8, 1889.
M. Italo Pizzi, professeur à l'Université royale de Turin, est un des
représentants les plus actifs et les plus brillants de la jeune école orien-
taliste d'Italie. L'Italie, dyns le renouvellement des études orientales et
la création de la philologie comparée, qui marque ce siècle, a donné
à la science deux de ses plus grands noms : Amari et Ascoli. Mais
l'Italie, comme la France, n^a guère pu citer jusqu'à présent que
de ces individualités puissantes et créatrices, mais isolées, qui honorant
leur pays sans fonder une tradition ni laisser une école. En Italie,
comme en France, on a essayé dans les quinze dernières années de sus-
citer l'esprit de tradition et de fonder ces écoles, instrument nécessaire
de la recherche, sans lesquelles Tesprit de la science, fût-il représenté
dans un pays par le génie le plus original, reste étranger au pays même.
Les efforts très louables que nous avons faits en France pour créer une
tradition scientifique dans l'ordre des études orientales et philologi-
ques, n'ont pas été très heureux jusqu'à présent. Souhaitons à nos
frères d'Italie un meilleur succès : Fortiinam ex aliis...
Les travaux de M. Pizzi sont un heureux symptôme dans ce sens, et
voici trois ouvrages qui, à des titres divers, méritent d'être connus du
public de la Revue critique. Le premier, et le plus considérable par le
volume, la traduction du Livre des Rois^ est certainement celui qui
fera le plus pour rendre populaire en Italie le nom de M. Pizzi. Il y a
quelques années, quand on annonça qu'un jeune savant italien entre-
prenait une traduction en vers des soixante mille distiques du Livre
des Rois, il y en eut beaucoup qui hochèrent la tête en disant, les uns :
Nouvelle série, XXIX. i5
282 REVUE CRITIQUK
Cui bono? les autres : A quand la fin? A ces derniers, tout d'abord
M. Pizzi a répondu victorieusement : en 1886 paraissait un premiei
volume de six cents pages; sept autres de même taille suivaient régu]^
lièrement de quatre en quatre mois, et 1888 voyait la fin de la colossale
entreprise, à laquelle M. Mohl avait usé quarante-cinq ans de sa vie
sans en voir la fin.
La traduction même, naturellement, avait pris plus de trois ans à
faire. Elle avait occupé dix-huit ans M. Pizzi, mais à travers bien des
vicissitudes de conception et de style. M. Pizzi était encore étudiant
quand il se mit à l'œuvre et publia en 1868 dans le Rivista Orientale
l'épisode de Rustem et Akvân ; il en publia à diverses reprises de nou-
veaux épisodes, en 1 877 (Raconti epici del Libro dei Rei di Firdusi), et
en 1882 (Avventure di un Principe diPersia). En 1882, il était arrivé
au milieu de sa tâche, au trente millième distique. A ce moment, il
reconnut qu'il avait tait fausse route dans la méthode suivie et que tout
était à refaire. 11 refit tout. Il y a une chose phis admirable que le cou- ^
rage qui entreprend une pareille œuvre : c'est l'héroïsme qui la recoin- i
mence. M. Pizzi, dans ses premiers essais, avait suivi la décevante
méthode de la paraphrase élégante. Il n'est pas toujours facile de traduire
fidèlement un Oriental si on veut le rendre intelligible : mais si pour
être compris il a besoin d'être paraphrasé, vous pouvez vous épargner
la peine de le traduire ; c'est qu'il ne la mérite pas, ou, au cas le plus
favorable, qu'il n'a rien à dire à vos compatriotes, et en ce cas laissons
tranquilles et lui et eux. Firdusi n'est pas dans ce cas: c'est le plus tra-
duisible des Orientaux : c'est un poète, mais c'est un conteur, et moins
le traducteur s'interpose entre lui et nous, mieux nous le comprenons.
C'est en général la méthode qu'avait suivie M. Mohl qui, il est vrai,
traduisait en prose. C'est la méthode à laquelle s'arrêta M. Pizzi, après
avoir traduit tel épisode dans trois systèmes différents.
La traduction de M. Pizzi, il n'est pas besoin de le dire, intéresse le
public lettré italien auquel elle est destinée plus que les Orientahstes en
aénéral. Nous n'avons qu'à rendre hommage à l'exactitude de la tra-
duction et à remercier Fauteur d'avoir suivi le texte de Calcutta plutô
que celui de Paris, dont nous avons déjà la traduction complète. Quan
à la valeur littéraire de sa traduction, il y aurait impertinence de la par
d'un étranger de Papprécier ; nous nous contenterons de laisser parle
un juge autorisé, le maître de la poésie italienne contemporaine
« Uendécasyllabe blanc, écrit Carducci, conduit selon les traditions d
l'école classique, s'y déroule correct, sans être guindé, digne, varie d ir
tonations et d'amplitude, autant que le permet le caractère de cett
poésie épique et orientale. Au large courant de cette poésie la Muî
italienne d'aujourd'hui ne ferait pas mal d'aller, ne fût-ce que pour ^
laver les pieds de l'eau fangeuse de certains ruisseaux auxquels elle e
habituée. » . i- -^ n'm
Firdusi, en terminant le grand œuvre qui avait rempli sa vie, n 01
D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE 283
bliait pas de remercier Ali de Dîlem, qui faisait des copies de son poème
(nassdkhj et Bû Dolaf qui le récitait frâvi) : qu'aurait-il dit du traduc-
teur lointain qui devait passer vingt ans de sa vie à répandre sa gloire
dans un siècle et chez un peuple lointain ? A tout le moins eût-il répété
le vœu du roi Daius : « Si tu lis ces textes au peuple, qu'Ormuzd te soit
ami! »
L'Epopea Persiana est une intéressante introduction à la traduction
du Livre des Rois. Elle se compose de deux parties : la première traite
de l'histoire de l'épopée, la seconde de la vie et des mœurs des héros de
Firdusi. Dans la première partie, Fauteur aborde successivement les
origines de la légende épique, dont il analyse les éléments, éléments
mythologiques et éléments historiques. 11 reconnaît très justement que
les divs contre lesquels luttent les héros ne sont pas toujours des êtres
surnaturels, mais les races barbares aborigènes, contre lesquelles la
colonisation aryenne a à lutter, les dasyus de l'Iran : il ne faut pas les
confondre avec les Touraniens, lesquels représentent une forme de civi-
lisation ennemie, mais organisée et reconnue : le Touranien est l'étran-
ger, ce n'est pas le barbare, comme les Divs de Mazandéran. M. Pizzi
distingue aussi dans l'ensemble de l'épopée des cycles indépendants mal
fondus : le cycle de Féridun et de Zohak est le plus ancien, étant encore
engagé dans le naturalisme mythique. Puis viennent le cycle du Seistan
(Sam, Zal et Rustem ^) ; le cycle de Segsar et de Mazandéran ; celui de
Syâvush et des Goderzides; celui de Khosru et d'Afrasyab; celui de
Gushtasp et celui d'isfendyar. M. Pizzi met bien en relief l'indépen-
dance de ces cycles, dont le plus important, celui du Seistan, semble
avoir été primitivement formé dans un esprit hostile à celui du cycle
avestéen. Comme il le montre bien, le cycle de Gushtasp, qui contient
déjà des additions si récentes (toute l'histoire de ses aventures en Rûni
est, au moins dans sa forme présente, imprégnée d'éléments grecs et
conçue dans Tesprit du pseudo-Callisthène et du cycle d'Alexandre);
ce cycle de Gushtasp, même dans sa partie la plus essentielle, la lutte
contre Arjasp, nous transporte dans un milieu très différent de celui de
Khosru et d'Afrasyab, et qui semble un milieu historique. La lutte
n'est plus une lutte de race entre Iran etTouran; Arjasp, dansl'Avesta,
n'est jamais appelé Touranien (Tura); c'est un Hvyosna : ce n'est
pas une lutte de race, c'est une lutte de religion entre les adorateurs de
Mazda et les adorateurs des Daêvas. M. Pizzi observe, comme jadis
M. Spiegel, que dans le Shah Nameh Arjasp est dit Pêghû ni:{hâdi<. ori-
ginaire du Pégou», ce qui ne peut guère signifier que Bouddhiste. La lutte
de Gushtasp contre Arjasp serait donc la lutte de l'Iran mazdéen contre
les Bouddhistes de l'Ouest. Elle est cela certainement dans le Shah
Nameh: l'est elle déjà dans l'Avesta ? Si la réponse est affirmative, la
I. A propos du nom pehlvi de Rustem, Ràdastdm, observons que le mot peut se
lire aussi Rôdastalim, ce qui rapproche le nom de Rustem de son surnom Tehem-tan :
Tehem-tan= Takhmà-tanu ; Rustem ^= Raodas-taklima.
284 REVUE CRITIQOR
date de cette partie de TAvesta se trouve fixée au plus tôt aux derniers
siècles avant Tère chrétienne. Nous reviendrons alors sur cette question
intéressante.
De la Chrestomathie persane, nous dirons seulement que c'est de
toutes lesChrestomathies persanes la plus séduisante que nous connais-
sions. M. Pizzi, qui ne séparé pas le lettré de l'érudit, a rassemblé dans
son livre la fleur de la poésie persane (la prose y est assez pauvrement
représentée). Il a fait une large part à cette admirable poésie des Sama-
nides et des prédécesseurs de Firdusi, dont M. Ethé a si diligemment
recueilli les fragments trop rares, et qui, à nos yeux, marque l'apogée de
la poésie persane. Une traduction de cette chrestomathie ferait une an-
thologie slire de charmer les lettrés et qui devrait tenter M. Pizzi ',
175. — Henri Houssaye. Aspasie, tléopâtre, Tliéodora. Paris, Calmann
Lévy, 1890. In-8 de iii-336 p. Prix : 3 fr. 5o.
Ce livre, écrit avec agrément, se compose de trois essais, dont le pre-
mier et le troisième ont déjà paru dans la Revue des Deux-Mondes. Ils
ont pour sujet Aspasie, Gléopâtre et Théodora a la triade des grandes
femmes d'amour des temps anciens. » Aspasie est dédiée à M. Leconte
de Lisle, Théodora à M. V. Sardou et Cléopâtre à M. Alex. Dumas
« qui a peint Gléopâtre en ses avatars multiples, depuis Marguerite Gau-
tier )usqu''à la princesse de Bagdad ». Voilà bien des dédicaces académi-
ques pour un court volume!
Le principal tort de M. Houssaye, c'est de broder sur les textes et d'y
ajouter des détails imaginaires. Ainsi Plutarque dit que Gléopâtre
« voyant que les plaisanteries d'Antoine n'avaient rien que de commun
et qu'elles sentaient le soldat, lui répondit sur le même ton, sans aucun
ménagement et avec la plus grande hardiesse ». {Antoine, c. xxvni, tr.
Ricard). — Citons maintenant les broderies de M. Houssaye (p. 123):
e Voyant bien que les façons d'Antoine étaientgrossières et brutales, qu'il
avait la plaisanterie triviale et la parole fort libre, elle se mit tout de
suite au même diapason. .. Elle plaisantait en termes cyniques, chantait
des chansons erotiques, récitait des priapées. Elle se querellait avec son
amant, provoquant et rendant les injures et les coups. Rien ne plaisait^
tant à Antoine que de voir cette ravissante petite main le menacer et lej
battre et de retrouver dans cette bouche divine, faite pour la musique
des chœurs de Sophocle ou des odes de Sappho, des mots qu'il avait en-
tendus dans les corps de garde de la porte Esquiline et dans les bouges
innommables de Suburre. » M. H, se fie vraiment trop à la crédulité de
ses lecteurs lorsqu'il ajoute en note : « Cf. Plutarque, xxviii, xxx. >'
I. Il est regrettable que les textes soient transcrits en caractères romains; c'est ur
mauvais service rendu aux débutants et un mauvais tour joué aux autres. 11 n'y a pa:
de langue où une transcription romane déroute autant qu'une langue écrite dan;
l'alphabet arabe.
d'histoire kt de littérature 285
Peut-être à côté des Plutarque expurgés que l'on connaît, en existe-t-il
de pimentés que M. H. connaît seul.
La manie de broder a joué d'autres mauvais tours à M. Houssaye. Il
nous parle, à la p. 5 , d'une troupe d'éphèbes où se trouvent Aristophane,
Conon et Thrasybule, et que le péripolarque conduit devant l'autel
d'Agraule ; mais le péripolarque n'a rien à voir avec les éphèbes du
v" siècle. A la p. 7, il nous montre Aspasie « causant philosophie avec
Anaxagore, morale avec Socrate, hygiène avec Hippocrate. » Ce dernier
trait est délicieux : l'imagination de M. H. lui représente Hippocrate
comme un médecin du beau monde, discourant microbes aux Jive
o'clock de ces dames. P. i33, M. H. veut nous convaincre que Cléopâ-
tre était vraiment amoureuse d'Antoine pendant les trois années où elle
vécut loin de lui (3g-36 av. J,-C.). Aucun texte ne l'affirme, mais
« Shakespeare le dit et la parole de ce grand peintre du cœur humain,
de ce génie si miraculeusement compréhensif, peut bien suppléer sur ce
point au silence d'un Dion Cassius ou d'un Paul Orose. » Le choix du
nom de Paul Orose est sans doute dicté par l'euphonie. La description
du palais de Cléopâtre (p. 116) est d'une exubérante fantaisie, où les
luxes de tous les temps se confondent comme dans les riches ameuble-
ments des gens sans goût. Quelquefois, les additions de M. H. ne sont
que plaisantes. 11 nous assure (p. 7) que Périclès baisait au front As-
pasie, quand il sortait et quand il rentrait, mais Plutarque, qu'il cite en
note, se sert des mots àairâî^eaBai et vtaxaçiAsTv, qui ne localisent point les
tendresses de Périclès.
Les références de M. H. prêtent encore à d'autres critiques. On
trouve des renvois comme ceux-ci : « Cf. Hirtius et Appien » (p. 85).
a Pétrone, Aulugelle et Athénée passim n (p. 119). M. H. n'est pas
heureux non plus dans ses citations d'ouvrages modernes. A propos
de l'ostracisme de Damon, après avoir indiqué en note les témoi-
gnages anciens, qui signifient seuls quelque chose, il ajoute : « Para-
dys, De ostracismo, p, 52. » Ce livre, publié en 1793, ne vient ici
que pour éblouir les lecteurs, mais il est certain qu'il ne les éblouira
pas tous. Lorsque M. H. cite (p. 60) : t Kiepert, Topographie der
alten Alexandrie », il prouve qu'il n'a jamais vu la couverture d'un
opuscule dont il donne si inexactement le titre. Mais c'est à la der-
nière page du livre qu'on trouve l'erreur la plus amusante où soit
tombée l'érudition de M. Houssaye. « Tous les chroniqueurs, Théophane,
Cédrénus, Paschal, Zonare, rapportent à la disgrâce subie par Bélisaire,
etc. ». Ce chroniqueur Paschal m'était inconnu. Comme M. H. cite
souvent (sans doute de seconde main) la Chronique Paschale, je conclus
qu'il a attribué cette chronique au nommé Paschal, comme les poèmes
homériques à Homère. Tels sont les dangers de l'érudition d'emprunt.
M, H. n'est pas bien informé de ce qui touche à l'histoire de l'art.
Parlant du buste du Museo Pio Clémentine qui porte l'inscription As-
pasie^ il écrit (p. 32 1) : « Le buste voilé du Vatican appartient à l'art
286 REVUE CRITIQUE
romain. La coiffure et rajustement sont purement romains ». C'est là
une complète eneur, mais M. H. ignore éi^alement qu'un buste du Lou-
vre (n" 393) et un autre de Berlin (n» 266), ont été considérés avec beau-
coup de vraisemblance comme des portraits d'Aspasie (Bernoulli, Arch.
Zeit., 1877, P- ^^) ^- P"^'^ '^ parle, d'après Gronovius, d'un « camée
représentant une Athéné casquée et portant Tinscription 'AaTriaou ». Or,
d'abord, ce prétendu camée est une intaille; en second lieu, la signa-
ture 'Ac-act'cu y est parfaitement lisible et Brunn a montré depuis long-
temps que Gronovius, en donnant la lecture fausse 'Aaxâaou, a simple-
ment copié Canini, qui avait commis cette erreur en 1 699. On est étonné
de voir M. H. qualifier Aspasios de « sculpteur v, mais Tétonnement
disparaît quand on se reporte à Sillig, Catal. artif., p. 100 (cité par
M. H ), où Aspasios est mentionné comme « scalptor gemmae ». La
traduction de scalptor par sculpteur est certainement peu tieureuse.
J'aurais encore bien de petites erreurs à noter. Cléopâtre essaie (p. 95)
de a plaire au divin Jules » ; mais Jules ne fut divin que lorsque per-
sonne ne pouvait plus lui plaire, La femme de Ménippos obtient pour
son mari « le grade de stratège » (p. 27) ; la stratégie n'est pas un
« grade », mais une « magistrature », ce qui est tout différent. Je n'ai
pas compris sans peine la bévue étrange qui fait écrire à l'auteur quel-
ques lignes plus haut : « On accusait la Milésienne de faire de la mai-
son de Périclès un véritable diktérion, rempli de courtisanes. » Dikté-
rion m'a rendu rêveur, car ce mot désigne seulement une localité de
Samos et, dans la basse grécité, un ambon. Mais M. H., à la p, 6, dans^
un de ces tableaux de fantaisie qui lui coûtent si peu, avait montré « les
dictériades, un brin de myrte entre les lèvres. » Or, dans un seul pas-
sage d'Athénée, dont le texte est peut-être corrompu, BearripiiBeç paraît
bien signifier courtisanes (le brin de myrte est dû a l'imagination de
M. H.); l'auteur en a hardiment conclu que, puisque ozvAvripidq = 'Kopr'q,
oeixTYjpiov peut bien signifier xopvetov. Et voilà comment on enrichit le
Thésaurus d'Henri Estienne ^î
Arrêtons-nous. Quand M. Henri Houssaye voudra de nouveau exer-
cer sur des sujets antiques ses incontestables qualités d'écrivain, il fera
bien de changer de méthode, de se méfier des connaissances rapidement
acquises et de s'inspirer de M. Gaston Boissier plutôt que de Chaussard
et de Jules Janin.
Salomon Reinach.
1. L'analogie de ces bustes avec celui du Vatican est incontestable; M. BernouUi
a d'ailleurs eu tort de révoquer en doute l'authenticité de l'inscription que porte ce
dernier.
2. Les fautes d'impression, surtout dans les citations grecques, sont inr.ombrables.
Mais il n'y a pas que des fautes d'impression. Nous trouvons Ly^bie (p. 148)
et Lybique {p. 5i); Letronne est deux fois appelé Letrone (p. 328, 33o) ; !'« aboyant
Anubis » est traduit par « lairantis Anubius » (p. i35); une monnaie de Cléopâtre
porte K/c07râT/PK /5st!ri).i5y. (p. 325).
Il
^
d'histoire et de littérature 287
iy5. — Conrad! Hirsaugiensîs dialogus isupei- auctores sive Didas-
calon. Eine Literaturgeschichte aus dem XII Jahrhundert, erstmals hisggb.
V. Dr. G. ScHEPSs. Wûrzburg, A. Stuber, 1889, in-8, 84 p.
M. G. Schepss publie pour la première fois, d'après un ms. de Wûrz-
burg, un opuscule du moine Conrad de Hirschau, qui vécut environ
de 1070 à I i5o. Cet opuscule est fort intéressant pour l'histoire de l'en-
seignement, de la connaissance de l'antiquité et de l'état des esprits au
xii^ siècle. C'est un dialogue entre un maître et un élève, où le maître
après un petit cours de littérature théorique (sur le sens des mots livre,
prose, rythme, mètre, etc.), passe en revue tous les auteurs latins
qui formaient alors le cycle des études d'un homme instruit, depuis
Donat, où l'on apprenait la grammaire, les distiques de Caton, Esope,
Avienus où l'on apprenait la morale, Sedulius, Juvencus, etc., où l'on
apprenait les éléments de la religion, jusqu'à Cicéron, Horace, Virgile,
Lucain, etc.. Bien que la connaissance des auteurs latins fût bien
incomplète et bien défectueuse, bien qu'on les étudiât tous d'après des
règles immuables — matière de l'œuvre — intention de l'écrivain —
profit moral de la lecture — Conrad nous apparaît comme un esprit
distingué pour son temps : absolument dévoué aux intérêts de la foi,
il soutient pourtant avec vivacité l'utilité de l'étude des auteurs pro-
fanes. Un point que M. Schepss a bien mis en lumière dans sa préface
et dans ses notes, c'est l'usage alors constant de travailler de seconde
main. Conrad s'appuie indirectement sur Isidore de Séville, directement
sur le commentaire (encore inédit) de Théodule, par Bernard d'Utrecht.
Ainsi, la science allait sans cesse se corrompant, sans qu'on eût l'idée
de la renouveler en puisant aux sources.
L'édition, conforme au texte du ms., sauf quelques corrections évi-
dentes, paraît faite avec soin.
A. Cartault.
177- — "^.VUsenschaft oder Cliristentum? Wer denkt schaerfer? von Dr. Fr.
Walther. Stuttgart, Kohlhammer, 1889; in-12, ii3 pages.
L'auteur de cette brochure est frappé de la contradiction qu'il remar-
que chez les libres penseurs entre leurs prétentions philosophiques et
les nécessités de l'action pratique. Il y a là, d'après lui, une dualité à
laquelle on ne saurait échapper que par un retour au christianisme.
Sans être complètement dénué d'intérêt, cet « appel », c'est ainsi que
M. Walther le désigne lui-même, ne contient rien de fort nouveau. Le
ton en est chaleureux, mais c'est plutôt celui de la prédication que de la
discussion scientifique.
M. V.
288
REVUE CRITIQUE
lyS. — Histoire des institutiontai iiolitîqucs et ndminietratives de la
Fi-anee, par Paul Viollet. T. l. Période gauloise. Période gallo-romaine.
Période franque. Paris, Larose et Forcel, iSuO.
Depuis que l'histoire du droit a repris faveur, depuis que les juris-
consultes ont recommencé à en comprendre l'importance et que les
historiens se sont jetés à Tenvi sur les institutions, comme s'ils venaient
de découvrir un champ neuf à défricher, nous avons assisté à l'éclosion
d'œuvres de toute nature, fort inégales de mérite, de conception fort 1
opposées. Beaucoup de jurisconsultes, incomplètement préparés aux
études historiques, n'ont pas su se défaire d'habitudes d'esprit excellen-
tes pour étudier les législations contemporaines, dangereuses pour recons-
tituer un état juridique entièrement dissemblable du nôtre. Pour eux, le
texte est la base. L'interpréter suivant les règles de la dialectique d'école,
le concilier avec les documents contradictoires, suppléer à ses lacunes;
par des arguments afortiori ou a contrario, finalement échafauder unei
théorie qui se rattache plus ou moins étroitement aux théories dites
romaines ou germaniques, tel est à leurs yeux, le rôle de Thistorien
du droit. Les historiens, de leur côté, s'imaginent volontiers que le,
droit est affaire de bon sens, qu'on peut traiter des anciennes institu-
tions de la France sans avoir approfondi les législations de Tanti-
quilé grecque ou romaine et sans être apte, dans le présent, à résoudiej
la moindre question juridique; que les documents pris en eux-mêmes
donneront leur sens naturel, qu'enfin, loin d'avoir besoin d'un bagage]
juridique, Thistorien doit se féliciter de n'en avoir pas, et de pouvoir:
ainsi décrire le passé sans préoccupation d'école et sans parti pris.
N'avons-nous pas vu des historiens de profession le prendre de haut
avec le droit et les jurisconsultes, comme si ignorer le droit était la
première condition requise pour traiter de son histoire!
Il n'est pas ditïicile de montrer combien ces deux tendances sont
l'une et l'autre funestes. Le jurisconsulte ne donne pas au fait la place
souvent prépondérante qui lui revient dans les institutions anciennes;
il ne se rend pas compte que le texte écrit qui nous est parvenu a par-
fois été lettre morte dès l'instant où il fut édicté; il applique à l'étude
de l'histoire des procédés qui ne sont admissibles que pour une législa-
tion positive d'un État fortement constitué. L'historien, à son tour, s'il
n'est pas doublé d'un jurisconsulte, ou bien ne parvient pas à dégager le
droit du fait, ou bien tombe dans des méprises, commet des contre-sens
juridiques, dont il est le seul à ne pas s'apercevoir, qui déparent et
faussent les œuvres les plus éclatantes.
Des ouvrages parus depuis une vingtaine d''années, il en est un petit
nombre qui échappent à ces reproches, qui aient réalisé l'indispensable
alliance de la science du jurisconsulte et de la science de l'historien. Les
exemples se présenteraient d'eux-mêmes sous ma plume; je préfère dire
tout de suite que le livre de M. "Viollet, dont je m'occupe, de même que
son Précis de l'histoire du droit français, paru en 1886, consacrés,
d'histoire et de littérature 289
celui-ci aux sources et au droit privé, celui-là au droit public, rentrent
dans les heureuses exceptions. C'est dire, mieux que par des formules
élogieuses, la grande estime où je le tiens; c'est donner aussi aux criti-
ques que je puis avoir à faire leur vraie signification et leur Juste
portée. Elles ne sauraient, dans ma pensée, abaisser le rang d'élite que
je lui assigne. La distinction est nécessaire, on la néglige trop souvent.
L'auteur, dans sa préface, expose sa conception philosophique de
l'histoire des institutions. Il a raison. Il nous initie ainsi à la pensée
maîtresse qui circule à travers tout l'ouvrage et en unit les parties, il
nous met en main le til conducteur qui Ta dirigé lui-même à travers
les faits et les lois. Peut-être seulement nous a-t-il donné deux fils au
lieu d'un. Ramené ,en effet, à ses termes simples, cet exposé renferme
deux séries de propositions, ou divergentes ou contradictoires. Pour
plus de clarté, je les résume et les mets en regard.
PREMIERE SERIE
1 . Toute constitution viable d'un peu-
ple suppose son assentiment, exprès ou
tacite. C'est donc le peuple lui-même
plus que la forme de la constitution
qu'il faut étudier (p. i).
2. Tout corps de nation est dans un
état permanent d'évolution (p. i-ii).
3. Cette évolution se fait suivant des
lois nécessaires qui ont leur source dans
la volonté divine (p. ii-iii).
4. Donc, l'assentiment ' donné par un
peuple à sa constitution n'est qu'apparent
ou inconscient (p. ii-in).
Donc encore, on a tort d'attribuer une
action profonde à des individualités, aux
« grands hommes », sur la formation des
institutions (p. vi).
I. N'est-ce pas ce que M. V. appelle
ailleurs la souveraineté du peuple ?
DEUXIEME SERIE
I. L'histoire du droit s'efforce de dé-
couvrir les lois qui président à l'évolu-
tion des sociétés (p, u-iii).
2. Toute société naît, grandit et meurt
(P V).
3. Les lois qui président à cette évo-
lution sont de simples hypothèses (p.
viit).
4. Les deux lois principales que four-
nit l'observation des sociétés sont : une
loi de division progressive du travail et
des fonctions, et une loi de centralisa-
tion progressive.
Suivant la première, les fonctions se
multiplient à mesure que les sociétés
vieillissent, aux dépens et de la souve-
raineté du peuple et du pouvoir exécutif
(roi ou président parlementaire\ p. iv-v 1.
Suivant la seconde, les forces se con-
centrent en même temps que les fonc-
tions se divisent (p. v) 2.
Le point où ces deux lois atteignent
leur maximum d'intensité correspond à
la mort des sociétés.
1. Cela veut dire, si j'entends bien, que
V administration se substitue au peuple
et au roi, considérés comme souverains.
2. L'administration, en d'autres ter-
mes, se centralise et devient omnipo-
tente à mesure qu'elle multiplie ses
rouages.
290 REVUE CRITIQUA
Si M. V. ne s'est pas rendu compte de la contradiction qui règne
entre ces deux séries de propositions, c'est, qu'au fond, les deux conclu-
sions auxquelles elles aboutissent se concilient dans son esprit. A ses
yeux, l'Etat qui se centralise aussi bien que l'homme de génie qui pré-
side à la destinée d'un peuple se mettent en travers des lois naturelles,
des lois divines; ils ont une volonté propre qu'ils entendent substituer
au libre jeu de ces lois; ils sont donc des rebelles qui fatalement doi-
vent être brisés, l'État centralisé entraînant en outre dans sa perte la
société entière. Soit dans la préface, soit dans le corps de l'ouvrage,
M. 'V. laisse sur ces divers points entrevoir clairement sa pensée.
P, VI : a II me semble parfois que quelques-uns de ces « grands
« hommes » doivent une partie de leur vaine gloire aux efforts violents
qu'ils ont faits pour lutter contre certains phénomènes historiques, pres-
que aussi irrésistibles que les phénomènes physiques ; cette lutte inégale
a fait leur grandeur. »
P. 369 : « De grandes choses se peuvent faire, lorsqu'il n'y a plus
d'Etat ou presque plus d'État, t
P. 459 : a La théorie de l'anarchisme a sa part de vérité ; l'anarchie
spontanée est vraiment la matrice des constitutions. »
P. 462 : « Qu'il me suffise d'avoir marqué en quelques lignes les
grandes choses préparées, sans nul effort d^esprit, par ces hommes
grossiers .. que ne gênait aucune législation encombrante, aucun Etat
envahissant. »
P. v : « Cette force centrale... envahissante par nature comme tout
organisme vivant... absorbe peu à peu toutes les puissances secondai-
res... Plus une société s'avance vers cette centralisation extrême, plus
elle s'approche du terme fatal, de la mort. »
Ainsi, les grands hommes sont des obstacles qui contrarient et com-
promettent l'évolution normale des sociétés politiques, la formation
d'un État centralisé est une maladie inévitable qui paralyse le corps ^j
social et finit par le détruire.
Cette double conclusion me paraît bien contestable. Et d'abord, ne
serait-il pas surprenant que le rôle des individualités les plus fortes fût
précisément le plus stérile? Est-ce là une conception que l'histoire,
l'histoire de notre droit surtout, suggère ou légitime? Je ne le crois pas.
Prenons un exemple. M. Y. parlant des efforts de Charlemagne pour
endiguer la féodalité et rétablir l'empire, s'exprime ainsi :
« Endiguer cette féodalité naissante et rétablir l'empire romain,
c'était une pensée politique ; c'était une de ces œuvres grandioses, telles
que les conçoit un homme de génie ; ce n'était pas un de ces faits
engendrés d'eux-mêmes par les nécessités nouvelles et les besoins nou-
veaux, nécessités et besoins plus puissants que les plus puissants cer-
veaux... Il (Charlemagne) fut grand, mais son œuvre éphémère. Il passa
comme un de ces astres irréguliers dont l'apparition imprévue vient
éclairer inopinément le firmament et y laisse une longue traînée de
d'histoire et de littérature 291
lumière. L'œuvre échoua » (p. 256-257). Ce jugement est-il équitable?
L'action de Charlemagne a-t-elle été purement négative, son rôle éphé-
mère et de simple apparat? S'est il borné, comme un vain météore, à
éblouir les yeux du monde qu'il a traversé et de la postérité lointaine?
Qui ne voit, au contraire, que si la féodalité a pu s'organiser comme
état politique, c'est grâce aux cadres que Charlemagne lui-même lui
avait légués? Qui ne voit surtout que la formation des nations prend
sa source dans cette puissante fusion qu'il avait tentée et dans la cohé-
sion qu'il a donnée aux parties à défaut du tout? N'est-il pas certain
encore que le prestige qui a permis aux Capétiens de refaire l'unité de
la France, c'est en grande partie dans les grands souvenirs laissés par
Charlemagne, dans les grands services rendus par lui, qu'ils l'ont puisé?
Si je passe aux deux lois historiques formulées par M. V., je cherche
en vain leur fondement dans la marche de nos institutions. Sont-ce
donc les fonctions — au sens politique du mot — qui se sont multipliées
à mesure que la société vieillissait ? Ne sont-ce pas plutôt les besoins et
les services — au sens économique? Comment soutenir ensuite que la
multiplication des fonctions, c'est-à-dire la formation d'une administra-
lion complexe, se serait faite aux dépens soit de la royauté, soit de la
souveraineté du peuple? Enfin, quant à la loi de centralisation pro-
gressive (plus exactement de concentration des pouvoirs aux mains de
l'Etat), je ne saurais souscrire à la pensée qu'un Etat centralisé corres-
pond nécessairement à un état de décadence de la société. Sous Tancien
régime, l'unité féconde de la France ne s'est opérée que grâce à la cen-
tralisation, et de notre temps la constitution de l'État a assuré à tous
les biens inappréciables de la sécurité, de la tolérance, du respect de la
liberté individuelle, du bon fonctionnement de la justice, biens inconnus
au moyen âge, au sein de cette « anarchie spontanée » que M. V. me
semble trop regretter. Sans doute, la centralisation excessive, ou mieux
Textension abusive des attributions fondamentales de l'État, pourrait
anéantir jusqu'à ces avantages eux-mêmes, mais c'est là un État que les
socialistes sont seuls à rêver aujourd'hui.
Pour résumer cette discussion trop longue, j'indiquerai en quelques
mots la conception que mon esprit se forme de l'histoire politique : elle
mettra davantage en lumière les points qui me rapprochent et ceux qui
me séparent de M. "V".
Je suis tout disposé à reconnaître que la charte constitutionnelle d'un
peuple n'est que le vêtement — ou trop ample ou trop serré ou exacte-
ment ajusté — qui recouvre le corps politique; que c'est le corps
lui-même qu'il faut étudier, dans ses organes vitaux, si l'on veut
connaître la constitution réelle. Ces organes ont leur point de
départ et leur aboutissant dans la nature humaine : ils se diversi-
fient sous l'influence de la race, du climat, des événements exté-
rieurs, des traditions, et sous l'action aussi d'hommes de génie qui
reunissent comme en un faisceau les forces de leur temps et font accom-
292 REVUE CRITIQUE
plir à la société ce que, dans l'ordre des phénomènes physiques, on a
appelé un saut de la nature. — L'expression « lois historiques » ne cor-
respond qu'à une relation de cause à effet; elle sert à constater que les
mêmes actes entraînent les mêmes conséquences; de sorte qu'en se
plaçant à un point de vue élevé ces « lois » pourraient se ramener toutes
à ce commun principe : la violation des préceptes de la morale a sa
sanction aussi nécessaire et aussi logique que la violation des lois de
l'ordre physique. — Le côté philosophique du rôle de l'historien con-
siste à suivre à travers Timmense multiplicité des faits et des institu-
tions, des sentiments et des idées, ces rapports de cause à effet, dont le
retour périodique, dans des conjonctures semblables, éclaire la route de
Phumanité.
Je reviens à l'ouvrage de M. V., pour l'examiner plus en détail.
M. V. y donne place à une théorie qu'il a développée récemment
devant l'Académie des inscriptions et belles lettres. La succession au
trône se serait réglée chez les Francs d'après un mode spécial qu'il
appelle tanistry, nom sous lequel il pense l'avoir retrouvé dans l'an-
cienne Irlande. Ce régime successoral consiste dans l'exclusion des des-
cendants par les collatéraux. Je ne connais pas le mémoire de M. V. ;
il n'a pas été publié; mais le résumé qu'il en donne ne me convainc
pas, et je m'en tiens à l'opinion ancienne de Lehuërou. Cette opinion
n'a pas été exactement rapportée par M. V. (p. 247, note 2). Lehuërou
ne parle pas seulement d'absence de représentation, il ne rapporte pas
seulement les textes qu'il cite au partage de la succession d'un auteur
commun. Au contraire, il a fort bien vu que les frères l'emportent tout
aussi bien sur les fils de leur frère prédécédé dans la succession de
celui-ci. Voici ses propres termes : « Cette prétention des frères au par-
tage exclusif de la succession de leur frère était très conforme, et à
l'esprit général des institutions germaniques, et aux passions du cœur]
humain 1. » Mais Lehuërou considère que c'est là un état de fait plutôt
que de droit : « Il semblerait, dit-il, que le préjugé populaire fût en
faveur des oncles, uniquement parce qu'ils étaient plus forts et plus
capables, et que dans tous les cas la question dépendît moins du droit
que des circonstances ~. » Je crois de même qu'il ne s'agit pas ici d'une
succession de plein droit. Remarquez, en effet, que pour régler la suc-
cession au trône l'élection se combine toujours avec l'hérédité. Il fal-
lait être à la iois parent et élu. Dans de telles conditions, il est naturel
qu'on ait donné la préférence au plus apte, que le collatéral, puissant
guerrier, l'ait emporté sur le fils en bas âge ou de moindre valeur, et
cela d'autant plus que la cohésion de la famille primitive, la solidarité
étroite qui en unissait tous les membres sans distinction reléguait à
l'arrière-plan la proximité des degrés. En somme, les fils n'étaient pas
primés en droit par leurs oncles, pas plus qu'ils ne les primaient d'une
1. Lehucrou, Institutions carolingiennes, p. 104.
2. Ibidem.
d'histoire et de littérature 293
façon absolue. Seulement, en fait, les oncles avaient dans la pluralité
des cas l'avantage de l'âge et de la puissance acquise et l'emportaient
ainsi sur leurs neveux. Le texte de Grégoire deTours, que M.V. allègue
et qu'il déclare « le plus probant en faveur de l'idée de tanistry ■», loin
d'appuyer son système, confirme ce que je viens d'énoncer; car la rai-
son décisive qui légitimait la cause de Gondoald à ses propres yeux et
aux yeux de ses partisans, c'est qu'il était le seul qui fût en état de gou-
verner le royaume : « Qui regnum ilium regcre possit 1. »
Un problème d'une grande importance historique — l'origine des
communes — est abordé dans ce volume. Ici encore, je ne puis me ral-
lier à l'opinion de M. V. Il faut citer :
« Dans plusieurs de ces petits milieux francs primitifs, les pacages
sont communs, la forêt commune, les eaux communes et le nouveau
venu y aura sa part : il faut donc qu'il soit autorisé par tous à la rece-
voir. N'est il pas évident que ces biens communs nécessitent quelques
mesures communes, un certain ordre, une certaine réglementation ? Il
suffit enfin d'un peu de réflexion pour apercevoir d'autres intérêts col-
lectifs... Si l'on entend par commune la représentation permanente et
organisée d'un groupe local, ce ne sont point là des communes : mais
si on songe que cette représentation permanente n'a pas d'autre objet
que celui d'assurer le bon fonctionnement de l'activité locale, on s'aper-
çoit que chez ces Francs, l'activité locale, la liberté locale que la
commune aura pour objet de protéger et de sanctionner, existe déjà ..
Le mouvement communal sera donc, au xi" et au xii^ siècle, un réveil,
une renaissance plutôt qu'une naissance, une organisation plutôt qu'une
création » (pp. 3i3->3i4). M. V. ajoute qu'à côté de ces sortes de com-
munes franques, les municipalités romaines se sont conservées un cer-
tain temps comme un doublet (pp. 3 14-31 5), mais qu'elles ont perdu
successivement toute réalité objective et sont devenues de vains fantô-
mes. C'est donc la commune franque qui l'emporte et, par surcroît, elle
donnera jusqu'à son nom à la commune du moyen âge, car ce nom
(le neutre « commune », dans le sens à'ordo et plebsj, ne le trouve-t-on
pas dès le vii^ siècle dans une formule de Marculf ? (p. 3 18).
J'ai d'abord des réserves à faire sur l'exisience, à l'époque franque,
d'une propriété commimale des forêts, des pacages et des eaux. Je touche,
je le sais, à une question épineuse qui passionne et obsède les érudits mo-
dernes, qui a fait couler des flots d'encre, sans que la source paraisse près
de tarir. Je ne m'y engagerai pas avant. Je veux rendre attentif à ce seul
point qu'on a été beaucoup trop prompt à admettre l'existence des biens
communs, qu'on a trop souvent considéré comme tels des biens non ap-
propriés, des res nullius La méprise était d'autant plus facile que la ter-
minologie romaine qui a servi pour la rédaction des lois germaniques s'y
prêtait mieux. Les Romains appelaient res commîmes les choses indi-
i. Grégoire de Tours, VII, 36, (Edit. Arndt (i885}, p. 317.)
2g4 REVUE CRITIQUE
vises, soumises à une propriété collective ^, et res omnium communes
les choses livrées à l'usage de tous, placées hors du commerce -, en
d'autres termes n'appartenant à personne, tout en pouvant sous de cer-
taines conditions, être Tobjet d'une détention à titre précaire 3, C'est
pour avoir perdu de vue cette distinction qu'on a cru apercevoir des
forêts communes là où il n'y avait en réalité que des forêts livrées à
l'usage de tous. Ainsi le texte même de la loi des Ripuaires cité par
M. V., p. 3 19, note 2, qui paraît au premier abord ne pouvoir désigner
qu'une torêt indivise^ peut fort bien s'appliquer à une forêt non appro-
priée. Comme le démontre, en effet, le rapprochement avec la loi sali-
que •', il ne faut pas lire : « Si quis Ribuarius in silva communi seu
régis vel alicitjus, locata materiamen, etc.; » mais : « Si quis Ribuarius
in silva communi seu régis, vel alicujus locata materiamen vel ligna
fissa abstulerit. « Le texte tout entier vise manifestement, au lieu d'une
atteinte à la propriété foncière, collective ou privée, une soustrac-
tion d'un objet mobilier, acquis par occupation ou droit d'usage. A plus
forte raison ne saurait-on considérer comme forêt commune, dans le
sens de forêt coynmunale, une forêt simplement désignée : « invia et
inculta » -K
Ces réserves faites, je reconnais qu'il y avait dans les « petits milieux
francs », groupes ruraux ou même urbains, des intérêts matériels
communs qui ont pu donner naissance à une organisation collective
rudimentaire, mais de là à une assimilation avec les communes des
xi^ et xii« siècles, de là à pouvoir dire que « chez ces Francs l'activité
locale, la liberté locale que la commune aura pour objet de protéger et
de sanctionner, existe déjà », la distance est grande. J'ignore ce qu'était
au vue siècle la liberté locale, mais je sais que la raison d'être essen-
tielle de la commune du moyen âge a été la fixation des redevances et,
des services que les habitants des villes devaient à leurs seigneurs et
l'admission de la collectivité urbaine dans la hiérarchie féodale. Or, je
le demande, quel rapport peut-il y avoir entre une pareille institution
et le groupement, basé sur une exploitation rurale ou sur une certaine
justice locale, que l'on entrevoit à l'époque franque? Ce groupement
même a-t»il pu persister? Cela me semble inconciliable avec la transfor-
mation profonde qui s'est opérée dans la société à partir de la fin du
ixe siècle. Les droits et les redevances se sont depuis lors non seulement
1. Res communis (L. i, Communi dividundo, 10, 3), Ager communis [h. 6, De
aqua et aquœ pluv. ave, 3o, 3), Aedes communes (L. 18, § 5, De damno infecta,
39, 2), etc..
2. « Naturali jure omnium communia sunt illa : aer, aqua profluens et mare, et
per hoc littora maris » (L. 2, g i, De divisione rerum, 8, i).
3. L. 5o, De acquit-, ver. dam. 41, i, L. 3, g i, g 4, A^e quid in loc. publ., 43, 8,
etc.
4. Lex Salica tit. XXVII, cap. i5 (col. i54. Édit. Hesselsl : « Si quis in silva ma-
terium alterius concapuiaverit ». Cap. 16 : « Si qu's materium alienum, .. »
6. Je fais allusion à un texte cité par M. V., note 2, p. 3 19.
d'histoire et de littérature 295
multipliés, mais morcelés et divisés à tel point que dans un village ou
un bourg autant il y avait d'hommes ou de maisons, autant il pouvait
V avoir de droits dûs à des maîtres différents.
Voilà pour le fond. Quant à la terminologie, le mot « commune »,
dans la formule de Marculf 1 (à supposer qu'il se rapporte aux pétition-
naires et non au seigneur sollicité), a un sens tout-à-fait archaïque et
romain. Il ne désigne pas la ville; il ne peut désigner que le diocèse ou
bien la province ecclésiastique. Qu'était en effet le « commune », le
xoivôv sous les empereurs romains? un district, une circonscription ayant
un centre religieux et un sacerdos provinciœ élu. Quoi de plus naturel
dès lors que le nom ait passé à la province ou au diocèse? Ne voit-on
pas au XI* siècle encore, quand les associations de la paix se constituent,
le même mot « commune » reparaître pour désigner l'association du
diocèse?
La formule de Marculf ne peut donc s'entendre d'une commune
urbaine, et j'ajoute que la diversité des acceptions que les mots com-
munio, commun, etc., ont eues au moyen âge doit mettre en garde contre
toute assimilation basée sur une similitude de nom. Dans les chansons
de geste, par exemple, il arrive que // communs désigne l'ensemble des
chevaliers, vassaux d'un même seigneur, réunis en un même lieu ^.
Cherchera-t-on là une corrélation quelconque avec la commune?
En ce qui concerne les municipalités romaines, je pense, comme
M. V., que leur vitalité du ix<= au xii^ siècle n'est pas prouvée. Par contre,
je doute fort qu'on puisse les considérer avant cette époque comme un
doublet des groupes communaux d origine franque. Là où ces groupes
se sont organisés, ils ont dià se substituera la municipalité romaine;
ailleurs celle-ci a subsisté seule. Il y aurait donc eu non pas juxtaposi-
tion dans les mêmes lieux, en une même région, mais existence simul-
tanée en des lieux fort distants. En d'autres termes, M. V. ne me paraît
pas avoir tenu un compte suffisant de la diversité profonde que devaient
présenter les diverses régions de la France.
Je pourrais facilement relever d'autres passages du livre où je m'écarte
des opinions de l'auteur. De pareilles divergences sont inévitables en
un si vaste sujet, et il ne saurait être question de les signaler toutes. Je
terminerai par une observation d'un caractère plus général. M. V. me
semble procéder trop souvent par indication ou groupement de détails,
curieux mais secondaires, au lieu de tracer les grandes lignes des insti-
tutions à l'aide de leurs éléments essentiels. La généralisation, faute
d'une assise assez large et fortement cimentée, tourne alors au vague et
à l'image 3. On a l'impression qu'on est resté à la surface, qu'on n'a pas
1. Marculf, I, 7, p. 47 (éd. Zeumer).
2. Li Romans de Garin le Loherain, I, p. 72 (Éd. Paulin Paris).
3. Voici, par exemple, en quels termes il résume l'influence exercée par le droit
franc sur le développement de nos institutions : « En s'agrandissant et en s'élar-
gissant, ce peuple conservera le souvenir de son passé : il y restera fidèle dans une
2g6 REVUE CRITIQUE
pénétré suffisamment dans les entrailles du sujet. Ce n'est, sans doute,
qu'une apparence produite par un excès de critique et d'analyse; néan-
moins comme elle peut nuire à la puissance de pénétration de Touvrage,
je la signale à l'auteur, il réussira d'autant plus facilement à s'y soustraire:
dans le second volume, qu'il y a réussi déjà dans certaines parties de
celui-ci, dans le chapitre 3 du livre III, notamment, intitulé VEglise,
qui est excellent.
Je viens de m'acquitter, en toute franchise, de ma tâche de critique.]
Je n'ai plus qu'à rappeler, en le complétant, le jugement d'ensemble]
que j'ai porté au début de cet article. Je le formulerai ainsi : par Téten-j
due et la sûreté de l'érudition, par la richesse de la bibliographie, pari
rétroite alliance du droit et de l'histoire, le livre de M. Viollet est une,
œuvre de grand mérite, une œuvre digne de la science contemporaine.
Jacques Flach.
Notes communiquées par M. Viollet.
Six mois après la publication d'un ouvrage, il est facile de se critiquer^
soi-même, quand on a causé avec quelques amis et qu'on a continué àj
lire et à travailler. Voici quelquescorrections :
— P. 365 (chapitre De l'église), j'ai écrit : « Un de ses disciples, (uni
disciple de saint Benoît), saint Maur, avait créé en Gaule, vers 544, U
monastère qui fut connu sous le nom de Saint-Maur-sur-Loire ». De-j
puis que Roih a soumis à un sérieux examen critique la vie de saini
Maur, il est devenu difticile de maintenir cette tradition. Il convient doncj
d'efîacer ces lignes malencontreuses.
— p. 293, note I, je discute la question de savoir si, comme le pens
M. Fustel de Goulanges, la préfecture des Gaules avait disparu avantj
l'arrivée des Francs. Il ne reste, ai-je dit, aucune place à une déforma-*]
tion dont les Barbares ne seraient pas la cause. Fort bien. Mais j'ai omis-^'j
de citer, parce que je ne le connaissais pas, un texte décisif qui prouve
que, longtemps après l'arrivée des Francs, l'empire prétendait toujours
avoir en Gaule un préfet du prétoire. En effet, en 529, un certain Libe-
rius prenait encore ce titre. Le préfet du prétoire des Gaules de l'an Sa^l
aurait dû aussi être mentionné dans le chapitre ou j'énumère les traces
de certaines fonctions impériales dans les Gaules après 476 (pp. 190-193)^
Il est clair que notre Liberius, préfet du prétoire, devait être rapproché
de Syagrius qui, en 587, reçut le titre de patrice des Gaules (p. 192).
— P. 467. Ce qui a été dit sur la croyance à la fin du monde vers l'an
mil est incomplet, parce qu'on n'a pas mentionné le point de départ re-
ligieux de ces préoccupations.
certaine mesure, car la conscience populaire est éminemment conservatrice; c'est un
tre'sor de traditions. Elle forme un puissant véliicule qui charrie lentement les idées,
et aujourd'hui encore nous les voyons passer, ces idées, à travers les protocoles et
les formules. Sauver ainsi le moule de l'idée, l'enchâsser comme un dépôt sacre,
c'est agir très sagement, car ce dépôt sera peut-être la semence de l'avenir » (p. 291).
d'histoire et de littérature 297
— p. 447, on lit : « On est devenu cavalier, ou, du moins, on a ac-
quis la possibilité d'être cavalier, en achetant un fief militaire; dès lors,
en acquérant ce fief, on s'est anobli. « Au lieu de me contenter d'un
renvoi au Droit privé, j'aurais dû mentionner ici les anoblissements
plus lents, les anoblissements à la tierce foi.
P. V.
i^g. — Louis XIV, Louvois, Vaiiban et les fortifications de la France d'après
des lettres inédites de Louvois adressées à M. de Gh-izerat, par H. Chotard.
Paris, Pion, 1890. Ia-8, 298 p.
Il eut mieux valu intituler ce livre M. de Cha^erat et, selon l'usage
du jour, ajouter en sous-titre « un collaborateur de Vauban «, ou
encore « un ingénieur au temps de Louis XIV » ou quelque chose
d'approchant. M. Chotard a mieux aimé mettre en tête de son livre les
grands noms de Louis XIV, de Louvois et de Vauban. Mais, au fond,
il ne nous retrace que l'existence d'un officier du génie. Cet officier,
M. de Chazerat, capitaine d'infanterie et en même temps qualifié de
major et de directeur des fortifications, fut employé un instant à Brisach
et à Belfort, mais il passa presque toute sa vie d'ingénieur dans la
Flandre; il fortifia Dunkerque, Gravelines^ Ypres; il avait des défauts,
des « emportements », et Louvois lui reprochait de n'être pas suffisam-
ment sociable (pp. 29-30); toutefois, il rendit de grands services que le
ministre sut apprécier. M. C. a retrouvé la correspondance de Louvois
avec Chazerat : il l'analyse dans le présent volume et en communique
d'intéressants extraits; il montre tout le travail qu'exigeait l'établisse-
ment d'une place forte; il fait l'histoire de la construction de Dunker-
que, de Bergues, de Gravelines et surtout d'Ypres. On lui rendra cette
justice, qu'il n'a pas surfait son héros ; il loue Vauban, Louvois et par-
ticulièrement Louis XIV. Mais n'a-t-il pas exagéréré les mérites du roi?
Il assure que Louis ne s'est jamais trompé dans ses choix (pp. 5y-6o).
Et Villeroy? 11 affirme que Louis connaissait, par un travail assidu de
chaque jour, les affaires de son royaume et prenait dans les petites
comme dans les grandes des décisions efficaces ; il croit que de son
propre mouvement Louis punit l'entrepreneur qui a mal construit des
batardeaux, que Louis ordonne ou défend de son chef de faire tel ou
tel ouvrage, qu'il commande de couper du bois dans telle forêt, de cons-
truire tel bastion derrière tel ouvrage à corne, qu'il « s'inquiète de la
qualité de la chaux, comme de la solidité des parpaings et de la bonne
fabrication des briques » (pp. 43-44). Mais toutes les fois que le ministre
parle du roi, il n'emploie qu'une formule ; il met en avant le nom de Sa
Majesté pour mieux imposer sa volonté. En réalité, et M. C. le recon-
naît parfois, c'est Vauban qui conseille et Louvois qui commande;
Vauban, dit M. C, est en définitive l'inspirateur et le directeur général
des travaux (p. i32), et Louvois, actif, infatigable, instruit de toutes
298 RKVUK CRITIQUE
choses , entouré de plans et de profils et de mémoires et de devis,
approuve ou désapprouve de son cabinet (p. 63). C'est même le grand
mérite de ce livre, de nous faire admirer Louvois en montrant ce que
cet incomparable ministre a su faire sur un seul point de la frontière :
il voit tout, prévoit tout et sait tout; il ne cesse de donner à Chazerat
de minutieuses instructions et le conduit comme par la main. Nous
ferons encore à M. C. de menues critiques. N'a-t-il pas abusé des excla-
mations admiratives et ne s'est-il pas exposé à des « redites »? (p. 68).
Est-il bien sûr que les travaux exécutés à Belfort aient contribué au
succès de la campagne de 1675 et que Turenne soit « parti de Belfort » ?
(p. 89). Où a-t-il vu que Créqui ait été vainqueur à Gretxingen ? (p. 25).
Pourquoi demander quel est \tVolant que désigne le ministre (p. i52),
et ne pas se souvenir que Chazerat (cp. p. 75) avait à Douai un « collè-
gue » du nom de Voilant? Pourquoi dire, à propos de benne, que ce
rnot n'est pas français et signifie certainement « espace »? (p. 160):
benne est un mot très connu; il désigne le chemin étroit qui existe
entre un rempart et un fossé (<i II faut laisser une berme de dix
toises au pied extérieur de la chaussée »). Enfin, pourquoi une réflexion
comme la suivante, et qui ne s'appuie sur aucun document? (p. 221 ;
il s'agit delà ville d'Ypres et des travaux qu'on y fait). 1 Quelle activité,
s'écrie M. Chotard, et comme tout est en mouvement dans cette ville
réunie à notre France depuis quatre ans! Et comme les habitants habi-
tués à l'indolence espagnole devaient être surpris et en même temps
charmés! » Ce n'est là qu'une phrase.
A. C.
180. — Alexis Bertrand. La pajctaologle de l'effort et les doctrines con
temporalnea. Paris, Alcan, 1889, 202 p. in-12. d|l
Le titre de cet opuscule, ou mieux de ce recueil d'articles et de lec-
tures académiques, est mal choisi. On s'attend à lire un exposé théori-
que et critique, et Ton ne trouve que des notices historiques. Je ne
pense pas que M. Bertrand lui-même se contente des 29 pages de son
chapitre IV, le seul qui soit de doctrine, oti il prend à partie successive-
ment MM . Gley et Marillier, et MM. Renouvier et 'William James ; il
sait fort bien que son exposé est incomplet et que ses arguments sont
insuffisants, en quantité et en qualité. Il y a quelque naïveté à conclure,
après une discussion aussi écourtée « en affirmant que Biran a connu et
réfuté par anticipation toutes les objections élevées contre l'effort, et :|
que vraisemblablement l'avenir n'en produira pas de nouvelles » (p. i23).
Il serait facile d'insinuer dans cette phrase autant de points d'interro-
gation qu'elle compte de mots.
Ce livre n'est pourtant pas sans utilité; il montre une fois de plus, à
l'aide d'une heureuse abondance de textes inédits, la place qu'il convient
d'histoire et de littérature 299
de faire à Maine de Biran 1 dans l'histoire des doctrines psychologiques,
et à Ampère dans l'histoire des idées métaphysiques. Il se lit même
volontiers, bien que M. Bertrand paraisse prendre à tâche de rebuter le
lecteur par une désolante profusion d'élégances travaillées et de rémi-
niscences usées. Qu'est-ce que : ignorer leur œuvre (de Biran et d'Am-
père) « ce serait s'exposera découvrir l'Amérique, accident qui est arrivé
à maint explorateur contemporain parti de la physiologie en oubliant
ses cartes ». Et que « leurs travaux sont destinés à défendre le moi, le
77101, dis-je, et c'est assez ». Et que « avec la bonne grâce de l'aristocrate
de vieille roche, il prendra lui-même la craie, et sans nous humilier nous
tirera d'embarras ». Et que « une hypothèse... qu'ils reconduisent hors
des frontières de la science, sans même la remercier de ses services pro-
visoires ». Et que « on me vole mon moi » (deux fois). Et les citations :
In eo vivimus et sumus ; — clamante conscientia ; - inconcussum quid ;
— mœnia mundi ; — etc., etc. Tant d'érudition humiliera les psycho-
physiologistes ; il vaut mieux les convaincre sans les humilier.
Lucien Herr.
CHRONIQUE
— MM. J. Steiner et A Scheindler publient à la librairie Tempsky (Wien u. Prag)
un volume d'exercices destiné à faire suite à celui que nous avons annoncé il y a
quelques mois (Lateinisches Lèse = u. Uebungsbuckfur die II Classe der œsterreich-
ischen Gymnasien; vi-i2i p., in-8, 1890). Ce volume correspond à une seconde
année de latin et on y trouve la même compétence et la même intelligence des besoins
des classes que dans le précédent. Un lexique (Wortkunde \u Steinev-Scheindlers
lat. Lese=: u. Uebungsbiiche /m- die II Classe, W\e.nne, i8<^o ; 118 p.), enfermé dans
le même cartonnage, complète le livre d'exercices.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 28 Tnars 18 go.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue puilique, il est procédé au vote pour l'attribution du
prix Jean Reynaud.
Deux tours de scrutin ont lieu et donnent les résultats suivants :
I" tour 2« tour
M. Mistral 21 voix. 27 voix.
M. Dutreuil de Rhins 14 — 14 —
M. Eugène Mûntz 6 — 2 —
M. Châtelain i — » —
Bulletin blanc i — » —
Votants 43 43
Le prix Jean Reynaud est décerné, en conséquence, à M. Frédéric Mistral, pour son
dictionnaire de la langue provençale, intitulé : lou Trésor dou Felibrige.
Julien Havet.
I. La note de la page 7 est curieuse : « J'écris partout Biran et non Maine de
Biran pour la même raison qui fait écrire Descartes tout coui t et non Descartes du
Perron. » Je ne vois pas bien le rapport, et, s'il y en avait un, c'est Perron qu'il
faudrait dire.
300 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTERATURE
Séance du 2 avril 18 go.
M. Th. de Sickel, par une lettre adressée au secrétaire perpétuel, remercie l'Aca-
démie de l'avoir admis au nombre de ses associés étrangers.
M. Consiantin-N Rados atlresse en liommage à la Compagnie sa traduction de
l'ouvrage de l'amiral Jurien de la Gravière sur la marine des anciens : 'Icropiv. toïi
i/avTiy.oi) Tcôv àp/atwv 'E///7vwv (Athènes, iSgo, in-8°).
M. Heuzey donne lecture d'un mémoire intitLilé : Un dieu carthaginois. Il s'agit
d'une divinité que l'ait gréco-romain représentait sous la forine d'un Jupiter-Séra-
pis ou plutôt d'un Esculape, coillé de la dépouille d'un coq. Après avoir énuméré les
divinités qui, à l'exemple de la déesse égyptienne Maut, coiffée d'un vautour, por-
tent ainsi sur leur tête la peau d'un animal et particulièrement d'un oiseau, il fait
remarquer que le coq ne peut avoir été un attribut d'une très haute antiquité. En
effet, cet animal ne fut acclimaié dans l'Asie occidentale qu'au vi' siècle, par les Per-
ses, et n'exista d'abord que dans les bois sacrés des sanctuaires, qui jouèrent sou-
vent dans Tantiquiié le rôle de nos jardins d'acclitnataiion. Sur des cachets néo-ba-
byloniens, le coq est l'emblème du dieu Nergal, le Mars assyrien. C'est, pour les
Orientaux, l'oiscau dont le chant matinal chasse le mauvais esprit. Chez les Grecs,
il est consacré, comme symbole de l'ardeui guerrière, à Mars, à Hermès ou aux Dios-
cures : comme chantre du jour, a Apollon et à la Minerve ouvrière ; comme vainqueur
des influences malignes, à Esculape. Dans les images qui font l'objet du mémoire de
M. Heuzey, il faut, pense-t-il, reconnaître Eshmoun, l'Esculape phénicien, dont le
temple était le principal sanctuaire de Carthage.
M. Biéal signale, dans une devotio récemment découverte à Tunis par M. de la
Blanchère, la mention d'un dieu qui liabet aixeptorem (c'est-à-dire acceptorem)
super caput.
M. Maspero fait remarquer que Champollion a signalé des poulets sur des mo-
numents égyptiens de la Xll° dynastie, à Béni Hassan. Il semble résulter de là que
le poulet fut connu en Egypte beaucoup plus tôt qu'on ne le croit ordinairement.
M. Abel des Michels, professeur a l'Ecole des langues orientales vivantes, lit un
mémoire sur le testanient d'un roi d'Annam. Ce roi, Thièu-tri, est le fils de Mmh
mang, à qui la cruauté de ses persécutions contre les chrétiens a fait donner le sur-
nom de « Néron de l'Annam w. Son testament est en chinois; M. des Michels en
communique à l'Académie la traduction complète. Il fait ressortir, dans le document,
le style à la fois archaïque et prétentieux, le soin que prend le roi de recommander
à ses successeurs les ministres qui le dominent, son affectation de sollicitude envers
son peuple. Thiêu-tri soutint, contre le royaume de biam, une guerre qui tut toute
au détriment de l'Annam; il s'efforce, dans son testament, de présenter son rôle en
cette affaire sous le jour le plus favorable. La pièce four.ii; des renseignements nou-
veaux qui éclairent plusieurs points de l'histoire de l'Indo-Cbine.
M. Marcel Schwob communique des documents tirés des archives de la Côte-d'Or,
qui jettent un jour tout nouveau sur l'interprétation des ballades en jargon de Fran-
çois Villon. On doutait si le jargon employé dans ces pièces était un pur langage
de fantaisie ou un véritable argot de malfaiteuis : la seconde hypothèse est la vraie,
et on n'en peut plus douter. M. Schwob a examiné à Dijon les pièces du procès fait
aux membres d'une bande de voleurs, les Compagnons de la Coquille ou les Co-
qiiillards, qui furent arrêtés et exécutés en cette ville en 1453. Parmi ces pièces, on
trouve un vocabulaire qui fut dicté par l'un des accusés aux magistrats chargés de
l'instruction et qui contient un choix des principaux termes du langage secret dont
se servaient les affiliés à la bande. Plus de vingt mots de cette liste se retrouvent
dans les ballades de Villon, où l'on n'en comprenait pas toujours bien le sens et où
ils deviennent désormais plus clairs. La Coquille était une bande puissante, d'environ
mille affiliés, qui dut subsister longtemps après l'arrestation de quelques-uns de ses
membres a Dijon. La ballade II du jargon de Villon est expressément adressée aux
Coquillards, et deux de ses amis, dont il parle dans ses vers, Régnier de Montigny
et Colin de Cayeux, étaient de la Compagnie. On peut craindre que Villon n'en ait
fait partie lui-même
Ouvrages présentés : — par M. Delisle : Condamin (James), Histoire de Saint-Cha-
mond et de la seigneurie de Jare\, depuis les temps les plus recules jusqu'à nos jours;
— par M. Siméon Luce : 1" Marin (Pauli Jeanne d'Arc tacticien et strategiste,
tome II : les Voix de Jeanne d'Arc ava)ii la sortie de Compiègne; 2" Joubert lAn-
dré), les Lonsta)itin, seigneurs de Varennes et de la Lorie; — par M. Boissier :
JuLLiAN (Camille), Inscriptions rom ines de Bordeaux, tome complémentaire; —
par M. de Lasteyrie : Mély F. de) : i" Jehan Soûlas au Louvre et à la cathédrale
de Chartres; 2° le Cardinal Etienne de Vanc:[a et la famille Cliardonel, réponse à
M, l'abbé Cltrval.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou /ils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 16 - 21 avril - 1890
Sommaire î i8i. Arsène Darmesteter, Reliques scientifiques. — 182. Bartho-
LOMAE, Le groupe indo-européen ss. — i83 Schmalz, La langue d'Asinius
Pollio. — 184. WiLLEMS, Le droit public romain. — i85. Paulson, Un manuscrit
de S. Jean Chrysosiôme. — 186. Rolland, Variéte's bibliographiques. — 187.
A. Waddixgton, Hubert Languet. — 188. Gourcuff, Jean Meschinot et Corentin
Royou. — 189-iqo. Fay, Souvenirs de la guerre de Crimée; Marches des armées
allemandes. — 191. Bruch, Souvenirs. — 192. Charvériat, A travers la Kabylie.
— Chronique. — Académie des Inscriptions. - Société des Antiquaires de France.
181. — Arsène DaRiMesteter. Reliques scientifiques, recueillies par son frère.
Paris, Cerf, 1890. ^ vol. in-8 de lxxvi-3io et 028 p. Avec portrait par Ch.
Waltner. — Prix: 3o francs.
Ces deux volumes seront accueillis par les lecteurs de la Revue criti-
que comme le plus bel hommage à la mémoire d'un homme qui fut,
pour beaucoup d'entre eux, un conseiller et un maître, et dont le nom
reste indissolublement attaché à l'œuvre que notre recueil a entreprise.
L'excellence des travaux d'Arsène Darmesteter leur a permis d'affronter
victorieusement répreuve de la réimpression, si fatale aux œuvres que To-
riginalité du savoir personnel ne soutient pas. On y retrouvera entr'autres
le mémoire publié dans la Romania dt i%-j6^o\i Darmesteter établit pour
la première fois une loi de la phonétique française qui suffirait à faire
vivre son nom, et l'article sur Thistoire de l'épopée française de Rajna,
admirable résumé d'un beau livre, qui a paru dans notre Revue en 1 884.
Tous les romanistes connaissent le travail sur les çlosses et glossaires hé-
breux du moyen âge, mais peu de personnes savent qu'Arsène n'avait pas
vingt-cinq ans lorsqu'il Ta écrit. Avec la publication des deux élégies du
Vatican, la notice sur l'autodafé de Troyes et les deux rapports sur ses
missions en Angleterre et en Italie, il forme l'ensemble des études
judéo-françaises, oti Darmesteter n'avait pas de précurseur. L'important
mémoire sur le Talmud, imprimé tout récemment dans les Actes de la
Société des études juives, sera une révélation pour ceux à qui les études
favorites de l'auteur cachaient en lui l'érudit théologien. On est frappé,
en relisant ses deux Leçons d'ouverture, de la sûreté et de la vigueur d'un
style qui atteint à l'éloquence sans y prétendre. Mais il faudrait énu-
mérer tous ces articles, car il n'en est aucun qui n'apporte une vive
lumière tant sur le sujet qu'il traite que sur l'intelligence privilégiée de
son auteur. Ce philologue était un artiste et un poète ; c'était aussi, et
par dessus tout, un penseur.
Pourquoi et comment, c'est ce qu'on a pris soin de nous apprendre.
Nouvelle série, XXIX. 16
302 REVUE CRITIQUE
M. James Darmesteter, qui a publié ces deux volumes, les a fait précéder
d'une notice biographique digne de son frère et de lui. Il a écrit là, sur
les débuts difficiles d'Arsène, sur les qualités que Phérédité morale lui
avait transmises et que l'éducation a développées, des pages émues où tout
est à retenir. Comme dans le beau portrait gravé en tête de l'ouvrage, et
mieux encore, on y verra revivre cette douce et sympathique figure de
savant, qui reste entourée de tant d'affections et de regrets. Assurément,
il était difficile à un frère d'exposer et d'apprécier avec clairvoyance
Toeuvre scientifique d'un frère tendrement aimé; M. James Darmesteter
y a réussi. A côté de la leçon d'ouverture du maître d'Arsène, consacrée
à la mémoire de Paulin Paris, cette belle notice restera un témoignage
de la sérénité d'une intelligence d'élite, qui domine, sans Tétouffer, le
trouble du cœur, pour aller droit, suivant son usage, à la vérité.
Salomon Reinach.
182. — (Studien zur indogermanischen Sprachgeschichte. Von Chr. Bartholomse.
I.) Indogei'inanisch ss, mit vier Exkursen : Zur n-deklination ; zur bildung
des gen. sing.; der abhinihitasandhi im rgveda; zu den ai. gen. plur. auf -an,
-în, -un, -rn. Von Chr. Bartholomae. Halle a. S., Max Niemeyer, i8go. In-8,
X-148 pp. Prix : 5 mk.
C'est par un excellent travail de phonétique indo-européenne que
M. Bartholomae inaugure cette nouvelle série d'études linguistiques.
Comme de tous les essais de ce genre, il s'en dégage presque autant de
suggestions conjecturales que de certitudes. Je voudrais essayer de faire
brièvement le départ des unes et des autres.
Un point me semble acquis : le groupe indo-européen ss ne devient
jamais phonétiquement ts ; il se réduit simplement à un seul s, si l'on
en juge par sk. dsi = gr. ei = *èt7i = i.-e. *ési^^^ *és-si {tu es); ou peut-
être y persiste-t-il dans certains mots où il a été ramené par l'analogie ji
vers la fin de la période proethnique: cf. gr. ècct, doublet homérique de.
et 1. Les exemples de mutation indo-éranienne en ts sont, ou suspects,
ou étrangers à la phonétique pure; et il n'y a notamment rien à tirer du Ij
type vidvâtsu pour *vidvds-su, soit parce que ce thème contenait réelle-
ment, dans certaines de ses flexions, un t final (cf. gr. etoox-oç), soit plu-
tôt parce qu'il a pu être influencé par d'autres thèmes de participes (type
bhdrant- bhdrat-], ou par les adjectifs en -vaut-, avec lesquels il pré-
sente certainement des affinités sémantiques ^.
Dans cet ordre d'idées, il n'y a vraiment d'embarrassant que le type
1. Je rappelle qu'en grec aussi le groupe an postérieurement de'veloppé est sujet à
des réductions dont la formule nous échappe. C'est sans doute qu'en réalité il n'y a
pas de sifflante double, mais un seul sifflement continu qui peut être prolongé ou
écourté.
2. Dans un article dont iM. B. ne paraît pas avoir eu connaissance [Rev. crit.,
xxvdi, p. 117I, j'ai cité un petit fait qui peut-être vient encore à l'appui de sa théo-
rie.
d'histoire kt de littérature 3o3
gàchati gàcchati, où le cch semble provenir d'un groupe sk devenu se
et traité ensuite comme le serait tç en semblable position ; mais, quand
il en serait ainsi, on ne voit pas au juste ce qu'il en ressortirait de con-
cluant quant au traitement du ss intervocalique. L'expédient de M. B.
n'en laisse pas moins fort à désirer: si à son exemple on pose i.-e.
*gmskhéti, on rompt inutilement la connexion entre le sanscrit et ses
congénères (gr, (3aax£i), et l'on n'aboutit jamais qu'à un indo-éranien
'gacçhati, d'où l'on n'aperçoit pas de retour à gàcchati. Il reste la res-
;ource d'un mdo-év^mtn* gaskhati, sorti de *gaskati par une aspiration
lystérogène, comme dsthdt de *dstât = 'éarri = \at. stat, etc. Mais à
[uoi bon? Si le groupe skh a pu donner cch, pourquoi le groupe ^A-
l'aurait-il pu tout uniment le donner aussi? Que savons-nous de la
aleur phonétique de ces divers groupes à l'époque lointaine où s'est
ccomplie la mutation? Nous nous trouvons ici en présence d'un pro-
-ssus qui, par cela même qu'il n'apparaît que dans une seule catégorie
lorphologique, défie toute analyse et réduit la tâche du linguiste à une
mple constatation.
Je ne crois donc pas que 55 devienne ts, comme l'a enseigné M. J.
:hmidt, mais je ne crois pas non plus, comme le veut M. B., que :(bh
do-éranien donne dbh en sanscrit. Les supports de l'une et l'autre
ese me paraissent se valoir : pour étayer une loi phonétique, il faut
.itre chose que des formes casuelles isolées et rares, ushddbhis (th. ushds-
fois dans le R. V.), mddbhyds (th. mds-, 2 fois dans l'A. V.), et lé
^^prochement de sk. madgiU (animal aquatique) avec le lat. mergus,
nfli*^ mots dont la finale ne concorde pas et que leur isolement même a
^exposer à mainte corruption. J'ai toujours admiré la hardiesse des
^^.|nts qui parviennent à se former une conviction sur de pareilles don-
■s. M. B. concède aujourd'hui (p. 5) - et il a bien raison - que lat.
-giisvxt procède peut-être pas de ^me:igus ' : est-il beaucoup plus sûr
J sk. madgu- soit sorti de ^maigû-? Si nidisya- (poisson) est sans rap-
P't primitif avec madgû-, jurerait-il que la dentale de l'un de ces mots
^,it pu s introduire dans l'autre? « Aliqua nescire » est mieux qu'une
■^'jss.te pratique : comme l'a dit Quintilien, c'est parfois une vertu,
lais alors, si ss ne devient point ts, si -^bh ne devient pas dbh, d'où
c la dentale de mddbhyds et d'ushddbhis. ..■> -Q_,^Q sais.je> A-t-on
''..que 1 r d usharbûdh et de vanargû, le Jde adbhyds, le d cacuminal
^<nadvah ttdepadbhis, et tant d'autres phonèmes capricieux ? Peut-on
'^-xphquer autrement que par une intrusion analogique ou parl'exis-
^ e de doublets tout hypothétiques? Là -dessus tout le monde est
^•^ord; personne ne se refuse à admettre que la déclinaison sanscrite,
^me toute autre, et plus que toute autre, puisqu'elle est plus riche,
éod^-'rr '^"^^' ^' ^'^™''*^ »i'"e ^^ dtgerâ ne repose pas sur un défaut de
léodd ■ à 1 A "igeru ne repose pas sur un détaut de
'f' s^r'dîdl ^'^" "gueur, il est vrai, on pourrait supposer que dîgerâaété
I" li été rnn/° "^ similaires; mais pourquoi, au contraire, IV de 'dirgerô n'aurait-
L ,," cte conserve nar 'ar,,^,,; ^,,„ 1..- ...•.■ .' *"
L ""'^"'^ par l'appui que lui prêtait iV de diri
mo r
.. , REVUE CRITIQUE
est une systématisation artificielle de formes, les unes normales les
autres troublées. Mais voici où gît le différend : les uns, en présence d un
â-a'^ disent « c'est un accident » et passent outre; les autres, plus une
forme est rare, insolite et isolée, plus ils la prisent et l'estiment authen-
tioue- « car, pensent-ils, l'analogie tendait à la faire disparaître bien
nlutô't qu'à la créer, et elle a eu dautant plus de peine à subsister qu elle
était seule de son espèce.» Les deux points de vue sont exacts : il ne
'agit que d^en changer à propos, et c'est souvent affaire de divinauon
plus que de méthode. /„„.fiQ\.i
L'étude sur le groupe ss n'occupe que la moitié du livre (pp. 1-68) 1,
reste se répartit entre quatre essais dMnégale longueur, dont on a vu le
titres et parmi lesquels l'intéressante statistique des cas d abhmihila
sandhi dans le Rig-Véda (pp. 81-116) mérite une mention a part.
On sait que, pa?mi les complications arbitraires dont les compilatem
se sont pluà encombrer les textes védiques, il n'en est pas de plus arb:
a re que la prétendue élision d'à initial après e ou o final. Constan
daTrusage c'a ssique, elle semble dans le Véda n'avoir ^ -.e loi qt
la fantaisie des copistes; mais, là même ou ils ont elide 1 a, la prosod
en exige la plupart du temps la restitution. La conclusion de M. E
estTu'elle l'exige toujours et que les rares cas ^'^l^-PP^- -
vanouissent au grand jour de la critique grammaticale. Il les clas
comme suit^^.^ est celui d^un augment (ce cas est de beaucoup ^
fréquent), v. g. pri^dso ^janayanta : - il est dès lors bien plus simj
de Vn-tjanayanta sans augment, également correct ; J
00 Va est rinitiale d'une préposition, api, abhi, adhi, etc. . - mais
Plupart de ces préfixes avaient des doublets monosyllabiques, i^/, b
ec a estes par le sanscrit ou par ses congénères, et ceux qui n enavai
pa^'ont pu en recevoir à limage de ceux qui en étaient primitivem
'T L'a suit le démonstratif .0, soit .0 'gnis:- ce démonstratif?
d'. final dès la période proethnique, comme le montre le gr. 0, et û
leurs proclitique, pouvait se contracter avec le mot --\ny- §;,,.,
séd^sd id), ce qui, dans l'espèce, donnait '-ën^s= saj^m
bien 11 pouvait, par analogie des autres thèmes en .-, se congru
agnis (comme .shvé agnis), et les deux liaisons sa agnjs et sagm.
abouti par contamuKUion à ^sôgnis, qu'on a écrit so gms faute d
voir comment récrire; ^ „n • — i les
40 La suit un pronom personnel enclitique, me te, nova. ^^
explications de M. B (p. no) me paraissent confuses et pe^ <>" ^
cantes, et j'y renvoie sans insister, préférant de beaucoup voir da
cas tout sporadique une imitation du précèdent ;
50 L'a est l'initiale de l'enclitique a^r^ : - ^^/^P^^V^^";/ J'^:!^
un doublet monosyllabique de asya. méconnu ^es d.ascevastes J^
la liaison pilâsra ait servi de modèle à une liaison put,osy a qu^^
rait écrite j'U/ro ''sya;
d'histoire et de littérature 3o5
6« Tout ce triage effectué, il demeure un résidu irréductible, mais
raiment insignifiant, qui disparaît au prix de quelques corrections ai-
vr
sées
On pourra disputer sur quelques-unes de ces corrections. Celle no-
tamment de R. V. IIl. 59. 2 d (p. 94), J7dinam dnlio acnotjr dntito nd
durât, ne saurait me satisfaire. M. B. supprime acnoty, ce qui suppose
une ellipse hardie — admissible, Je le veux bien, à la rigueur — et
donne d'ailleurs une trishfubh boiteuse; or, autant je concède qu'on
rencontre çà et là des trish^ubhs de dix syllabes, autant je crois qu'il
faut slnterdire d'en restituer une : la critique verbale a le devoir de
s'appuyer sur la règle, et non sur Fexception. J'avoue que j'aimerais
encore mieux laisser le texte tel quel et y lire une trish^ubh de douze
syllabes, si açnoty pour açnoti n'était invraisemblable. En l'état, on
peut, ou suppvimev enam, ou, si l'ellipse paraît offrir difficulté (cf. pour-
tant R.V. m. 5. 8 b,Vn. 32. 8 c, etc.), supposer une corruption plus
profonde que M. B. ne la soupçonne, par exemple une glose prosaïque
remplaçant le texte primitif nan/za^ tdm dnad... '.
En somme, quoique la base assignée par M. B. à l'abhinihita-sandhi
semble prodigieusement étroite, personne ne s'étonnera de voir, dans
une langue aussi factice que le sanscrit classique, toute une théorie pho-
nétique édifiée sur la pointe d'une aiguille. Mais, en admettant que la
question des origines doive encore être réservée, un point important
demeure acquis : l'abhinihita-sandhi est encore absolument étranger à
la littérature védique, et la restitution de l'a indûment élidé y est beau-
coup plus facile que ne l'est, par exemple, celle du digamma dans Ho-
mère, tenue cependant ajuste titre pour certaine.
Outre les index, M. Bartholomae a joint à son ouvrage un substan-
tiel sommaire de cinq pages, qui periTiet de suivre le fil de son argumen-
tation et, le livre une fois lu et compris, de le relire au besoin en quel-
ques minutes. C'est une innovation heureuse, dont tous les travailleurs
lui sauront gré.
V. Henry.
I
l83. — Uebei" <len Spracligebraucli des Asinius Pollio in den bei Cicero
ad Farnilias X, 3i,33 erhaltenen Briefen mit Berikksichtigung der bei Quin-
tilian, Seneca... etc., ûberlieferten Fragmente aus dessen Reden und Geschi-
chtsbûchern, von J. H. Schmalz. 2" verbesserte Auflage. Mûnchen, 1890. C. H.
Bek'sche Verlagsbuchhandiung, in-S, iv-60 p.
Cet opuscule, accueilli favorablement tout d'abord, reparaît en
seconde édition. C'est un catalogue soigné de toutes les particularités
qu'offre la langue d'Asinius PoUio. Le nom de l'auteur, qui joint à
une science exacte du latin historique une connaissance étendue des
I. Observer dans ce cas la triple allitération.
5o6
REVUE CRITIQUA
travaux analogues récents, suffit pour le recommandera Je ne puis
cependant me dispenser de soulever une objection sur la valeur des
résultats obtenus. M. Schmalz se propose de confirmer par une étude
de détail le jugement porté sur Pécrivain par l'auteur du Dial. des
Orat., ch. 21 : « Duriis et sicciis », et par Quintilien, X, i, 1 1 3 :
<( A nitore et jucunditate Ciceronis ita longe abest, ut videri possit
sœculo prior. » Assurément, ce jugement subsiste; mais il est délicat
d'en prouver la justesse par. ce qui nous reste d'As. Poil. ; nous avons
conservé bien peu de chose et parmi les exemples cités par M. Schmalz, il
en est un certain nombre qui n'apportent rien de décisif. — P i3, Pollio
emploie adfamil.^ X, 32, 5, nanctus au lieu de Jiactus, et Priscien
mentionne cette particularité; mais M, Schm. convient que dans Cicé»
ron et dans César nactiis l'emporte sur 7ianctus ; il n'y a donc rien à
tirer de là. — P. i5, Pollio, ib. X, 33, 3, emploie dans un membre de
phrase uterque avec le verbe au singulier et met dans le suivant le verbe
au pluriel; mais Cicéron et César en font tout autant. — P. i6, il
écrit, ib. X, 33, 4 : Ventidlum quoque se cum legione IV, VIII, IX....
En pareil cas, Cicéron met le mot legio tantôt au singulier, tantôt au
pluriel. Cet exemple unique de Poil, suffit-il à montrer qu'il avait pour
le singulier une préférence? — P. 21, X, 3 1, 6, Poil, écrit : familiarem
meum tuorum numéro habes, sans in devant numéro. Or, Cicéron
use indifféremment des deux constructions; il n'y a donc rien à con-
clure du passage cité, etc., etc. En outre, M. Schmalz a une tendance
à attribuer à l'influence de Poil, sur les historiens postérieurs l'usagH
de certaines locutions qu'ils peuvent aussi bien avoir pris à ses devan-
ciers. M. Schmalz n'a donc pas échappé complètement au danger que lui
faisait courir l'insuffisance des matériaux. Il reste cependant un cer-
tain nombre de faits intéressants qui étayent sa thèse.
A. Cartault.
184. ~- WiLLEMS. Le droit public romain. Louvain, Peeters, 1888; in-8 de
671 pages (6* édition).
M. Willems n'a pas cessé d'améliorer ce manuel à chaque nouveau |
tirage. Si l'on compare la présente édition aux premières, on y remar-
que des différences assez sensibles. Bien que l'ouvrage soit imprimé en
plus petits caractères, il compte deux cents pages de plus. Les matières
I. P. 20 sq., M. Sclimalz étudie avec soin la construction du complément indi- J
rect de imponere ; mais il oublie de citer le passage d'As P. qui donne lieu à cette
discussion. Cic. ad fam., X, 33, 3. — P. 40, il identifie l'emploi fait par Asinius ^
Pollio, Ibid., X, 3 1 , 4, et par Cornificius, 4, 3i, du mot transvolarc; il y a une
grande différence: chez Cornif., c'est une métaphore de rhéteur: Alexandre si vita ■
data longior esset, Oceanum (manus) Macedonum transvolasset. Chez As. P., Ces |
un mot énergique pris dans son sens propre : les troupes de Lepidus occupent les i
Alpes, dit-il; pouvais-je les franchir comme un oiseau'' — Si cetera transissem, nunc
etiani Alpes poteram transvolare, quae pr?esidiû illius tenenturr
d'histoire et de littérature 3o7
y sont distribuées dans un ordre meilleur; l'auteur s'est surtout efforcé
de mieux déterminer les transformations qu'ont subies aux diverses
époques les institutions. Il n'est pas un chapitre qui n'ait été soumis à
une révision attentive, et il en est plusieurs qui ont été modifiés de la
façon la plus heureuse. La bibliographie est parfaitement au courant,
et la plupart des opinions énoncées par les modernes sur les questions
controversées sont discutées ou tout au moins indiquées. J'ajoute que
les solutions adoptées par M. W. sont généralement sages et dénotent
une connaissance personnelle des documents. Ce manuel est donc de
ceux qu'on peut recommander en toute confiance. On regrette seule-
ment de n'y rien trouver sur l'armée et la marine.
P. G.
i,'^^. — tnynibolse ail Clii'ysostomum patrein. Scripsit Johaniies Paulson.
I. De codice Lincopensi. Accedit tabula palseographica. (Ex actis Universitatis
Luiidensis, t. XXV). Lundae, 1889, Hjalmar Mœller, 88 pp. in-4, i planche.
M. Paulson public une étude très complète du manuscrit des homé-
lies de S. Jean-Ghrysostôme, sur la V" aux Corinthiens, qui se trouve
dans la bibliothèque diocésaine de Linkôping (Suède), sous la cote :
theol. ijS. Ce manuscrit, qu'il date du commencement du xii" siècle, a
été apporté de Grèce en Suède par les compagnons de Christophe von
Kônigsmark (mort en 1694), et probablement à la suite du siège de
Négrepont en 1688. Divisé en plusieurs parties, ce qui en reste a été
réuni par Benzelius (mort en 1743), et passa en ijSy à la bibliothèque
de Linkôping avec tous les livres de ce savant. Le manuscrit primitif
devait comprendre au moins 228 feuillets : il n'en reste plus que 58,
écrits sur deux colonnes. Les lacunes sont réparties entre la plupart des
cahiers, de façon que cinq homélies seulement ont été conservées en
entier : XX, XXIIl, XXIV, XXX, XXXIII \ M. P. fait une description
très minutieuse des particularités paléographiques, grammaticales et
orthographiques du manuscrit. On peut citer son travail comme un
modèle de monographie. Il publie à la suite delà description les varian-
tes par rapport au texte de Migne. Comme il le reconnaît, il est difficile
de se prononcer sur leur valeur, faute de collations complètes des autres
mss. Néanmoins, on peut conjecturer que le Lincopensis est de la
même famille que le Regius (B. N. 18 18), et que les mss. qui ont servi
aux traducteurs latins. De plus, il semble bien que les textes de l'Écri-
ture ont été ramenés par les copistes dans le Lincopensis à la forme
commune.
P. -A. L.
I. En outre, on a les fragments de VI, XVIII, XIX, XXI, XXII, XXV-XXVII,
XXIX, XXXI, XXXII, XXXlV, XXXV, XXXVII et XXXVIII.
3o8 RKVUK CKITIQUK
i86. — Variétés' bibliogrupliîquos. (Librairie Rolland, 2, rue des Chantiers;
5 fr. le volume; o,5o le numéro).
M. E. Rolland, Pauteur de la Faune populaire, un des deux fonda-
teurs de Mélusine, qui a déjà tant lait pour le folk-lore français, vient
de lui donner un nouvel essor en fondant les Variétés bibliographi-
ques, publication qui paraît tous les deux mois et forme un véritable
magasin de curiosités où chacun trouvera son compte. Les Variétés ne
se bornent pas au folk-lore : elles contiennent nombre de curiosités
historiques, littéraires et lexicographiques, des réimpressions de docu-
ments rares ou oubliés. Nous trouvons, par exemple, dans les premiers
numéros: des glanures lexicographiques (termes de caresse, termes rela-
tifs ù la culbute, noms donnés aux ricochets, noms de la chiquenaude),
des séries de proverbes sur la femme, des contributions à l'histoire des
postes, des vins artificiels, des ascenseurs, etc., des renseignements sur
des textes anciens d'argot. La partie la plus précieuse du recueil sera la
publication de la Flore populaire, que M. Rolland y commence et qui
s'y poursuivra en recevant, au fur et à mesure, tous les documents qui
lui arriveront, de sorte que Penquête restera toujours ouverte. Les
Variétés publient aussi des addenda à la Faune.
187. — Albert Waddington. De Hubei'ti I^angueti Vita (i5 18-81). Paris,
i888, in-8, vi, 140 pages.
Il faut féliciter M. Albert Waddington d'avoir pris pour thèse la vie
de Hubert Languet ; il était difficile de choisir un sujet qui offrît plus
d'intérêt; voyageur, diplomate, doué d'une rare connaissance des hom-
mes et des choses, Languet est une des figuros les plus curieuses du
xvie siècle. Sans doute il n'était rien moins qu'inconnu; mais de la
Mare, son premier historien, n'a point eu à sa disposition nombre de
documents qui n^ont été que publiés ou accessibles depuis lui, et les autres
écrivains qui se sont occupés de ce français, ambassadeur pendant dix-
sept ans d'un prince allemand, n'ont abordé que des parties isolées de
sa vie. Il restait donc à glaner après eux. Grâce à une étude attentive de
l'immense correspondance et à la découverte dans la bibliothèque
Sainte-Geneviève de lettres de Languet non encore publiées, M. A. W.
a pu rectifier ou compléter sur plus d'un point ses devanciers, et en s'ai*
dant de leurs travaux, ainsi que des sources nombreuses d'information
qui se rapportaient à son sujet, il a retracé avec une consciencieuse ha-
bileté rhistoire de ce politique, Tun des hommes les plus célèbres du
siècle de la Réforme.
Son étude se compose de six chapitres; le premier raconte l'histoire
de Languet pendant les quarante-deux premières années de sa vie; le
second est consacré aux missions qu'il remplit en France de i56o a
1572; le troisième à l'ambassade dont il fut chargé par l'électeur de
d'histo(rk et dk littérature Soq
Saxe à la cour de Vienne pendant les cinq années suivantes; le qua-
trième retrace les dernières années de sa vie ; dans le cinquième,
M. A. W. nous fait connaître ses relations les plus importantes et ses
principaux amis; enfin, dans le sixième et dernier chapitre, il a essayé
de donner du diplomate-érudit un portrait fidèle et ressemblant.
Si Languet ne joua aucun rôle pendant la première moitié de sa vie,
elle n^en offre pas moins un grand intérêt ; c'est l'époque de ses voyages
et de ses longues études. Né à Vitteaux en Bourgogne, en i5i8, après
trois ans passés à TUniversité de Poitiers, il était revenu dans sa famille
en 1539; c'était le moment où la Réforme se répandait en France; Lan-
guet sentit des doutes sur la doctrine catholique s'élever dans son esprit ;
pour les dissiper, on l'envoya dans le midi de la France, en Espagne et
en Italie ; mais la vue de tant de pays nouveaux ne ramena point la paix
dans son âme; elle ne fit que développer en lui le goût des voyages; il
les poursuivit pendant plusieurs années; en 1547, il était encore en
Italie. Il revint dans son pays natal l'année suivante; il ne devait pas
y rester longtemps, La lecture des Loci communes de Mélanchton lui
avait inspiré la plus grande admiration pour le réformateur; en 1549,
il prit la résolution de se fixer auprès de lui et partit pour Wittenberg.
Il ne devait rentrer dans sa patrie qu'au bout de onze ans. Il ne les
passa pas en entier en Allemagne. Employant ses hivers à l'étude de la
théologie, des lettres, de la politique, il consacrait ses étés à des voyages
dans les pays les plus divers ; c'est ainsi qu'il visita tour à tour la Prusse,
la Silésie et la Pologne, la Hongrie, l'Italie, la Belgique, la Suède, avec
la Livonie, la Carélie, la Laponie, peut-être même l'Angleterre et le
Danemark. On le voit en i553 à Vienne, en i554 à Nurenberg, en i55 5
à Rome, oti il rencontra le cardinal du Bellay; l'année suivante il faisait
à Francfort la connaissance de Calvin, etc. Les itinéraires de ces nom-
breux voyages sont souvent obscurs et incertains. M. A. W. a fait de
louables et souvent heureux efforts pour les éclaircir et permettre ainsi
de su'vre Languet dans ses longues pérégrinations.
Jusque-là Hubert Languet avait mené une vie indépendante : en i56o
il entra au service de l'électeur de Saxe, Auguste I'', et devint son agent
à Paris. La guerre civile allait éclater en France; les princes allemands
en observaient d'un œil curieux les signes avant-coureurs. Auguste,
menacé par la branche ernestine, avait d'ailleurs des raisons particuliè-
res de chercher à connaître l'attitude de la cour de France; nul mieux
que Languet ne pouvait le renseigner à cet égard. De là les missions ré-
pétées dont il le chargea de i56oà iSyi dans notre pays. La corres-
pondance de l'envoyé saxon pendant cette période, offre un intérêt ex-
ceptionnel. Témoin des événements les plus graves, en rapport avec les
hommes les plus distingués de l'époque, ses lettres sont une source pré-
cieuse d'informations pour l'histoire de la première période des guerres
de religion. Lecercledes relations de Languet, déjà si vaste, s'étendit en-
core pendant les séjours qu'il fit, car il ne résidait pas toujours à Paris,
3 10 REVUE CRITIQUE
à Strasbourg, à Cologne, à Francfort ou à Spire, etc. Ce fut alors qu'il
lit la connaissance personnelle de Guillaume d'Orange, de Télecteur pa-
latin et de Jean-Casimir, ce (( condottiere » allemand qui Joua un si
grand rôle dans nos guerres civiles. Chargé de négociations avec le roi
de Navarre et la reine-mère, il prit part à Tambassade envoyée en iSjo
par les princes protestants d'Allemagne à Charles IX, et ce fut lui qui
porta la parole en leur nom. Mais Languet n'était pas seulement un di-
plomate habile, c'était encore un érudit; aussi entretenait-il des relations
avec les savants les plus célèbres de France, Daurat, Turnèbe, l'écossais
Buchanan, alors fixé dans notre pays, bien d'autres encore. En 1569 il
accompagna Ramus, qui se rendait en Allemagne. On trouve un écho
de ces relations savantes ou politiques dans ses lettres; c'est là ce qui
en rend la lecture si attrayante et instructive.
La Saint-Barthélémy mit brusquement fin à la mission de Languet en
France; il n^y avait plus d'alliance possible entre les princes protestants
d'Allemagne et le roi qui venait de proscrire les réformés dans ses états ;
Auguste rappela son ambassadeur de Paris. Mais les talents dont il
avait fait preuve engagèrent Télecteur à envoyer Languet à Vienne dès
l'année suivante. Il devait y rester jusqu'en 1577. Maximilien II, qui
régnait alors, était d'une santé débile; craignant sa fin prochaine, il
fit en 1575 sacrer son fils Rodolphe àRatisbonne; Languet se rendit
alors dans cette ville; l'année précédente il avait visité la Moravie et
accompagné l'empereur en Bohême. Il retourna encore à Prague, en
1576, avec le successeur de Maximilien. Il observait ainsi les événe-
ments par lui-même; aussi les jugements qu'il poitait sur les affaires du
jour sont-ils précieux à recueillir, M. A. W. relève avec raison la jus-
tesse de ses appréciations sur Pétat de la Pologne et sur la situation de
la Turquie. Les portraits qu'il a faits de Maximilien et de Rodolphe
sont aussi à remarquer. M\
En 1577, Languet demanda à être relevé de ses fonctions d'ambassa-
deur à 'Vienne; Auguste fit droit à sa demande et lui accorda un re-
venu de 200 thalers. C'était le spectacle des divisions religieuses, dont la
Saxe était alors le théâtre, et la persécution à laquelle étaient en butte
quelques-uns de ses amis, non le désir du repos, qui avaient fait pren-
dre à Languet cette résolution. Les années qui suivirent comptent en
effet parmi les plus occupées de sa vie. Il n'avait point cessé d'être en
rapport avec l'électeur et de le renseigner sur les affaires du jour. Celles
de Belgique attiraient surtout l'attention. Les habitants appelaient
Jean-Casimir; Languet qui était allé voir ce prince, ainsi que Télecteur
palatin, à Heidelberg. raccompagna quand il se décida à se rendre à
l'invitation des Belges, Mais l'accord ne dura pas longtemps entre le
condottiere et ceux qui l'avaient appelé; bientôt rebuté des difficultés
qu'il rencontrait, Casimir passa en Angleterre et se rendit auprès d'Eli-
sabeth. Languet, qui l'avait suivi, revint seul sur le continent avec
Robert de Sidney, qu'il s'était chargé de conduire à Strasbourg. Il
d'histoire et de littérature 3 I I
s'arrêta quelque temps à Anvers, et y reçut Taccueil le plus amical de
Guillaume d'Orange. Il y rencontra aussi Duplessis-Mornay, avec qui
il était étroitement lié depuis son séjour en France. De Strasbourg,
Languet alla aux eaux de Bade. Il trouva dans cette ville Thisto-
rien de Thou, et c'est alors qu'il lui adressa une « lettre » curieuse sur
les affaires d'Allemagne que M. A. W. a eu la bonne fortune de décou-
vrir à la Bibliothèque nationale. Peu de temps après, il retournait à
Anvers. Cependant des conférences s'étaient ouvertes à Cologne pour
régler les affaires de Belgique; Languet reçut de l'Electeur de Saxe
l'ordre de se rendre dans cette ville, afin de le renseigner sur la marche
des événements. Ainsi son rôle politique continuait. Il fut, l'année sui-
vante (i58o), appelé par le prince d'Orange à en jouer un nouveau. En
quittant Cologne, il avait regagné Anvers, devenu son séjour de pré-
dilection ; de cette ville, Guillaume le chargea de se rendre en France
avec les ambassadeurs belges envoyés auprès du duc d'Alençon. Ce fut
là la dernière mission de Languet; l'année suivante, il mourut à An-
vers, où il s'était empressé de rentrer après son voyage de France.
Ainsi jusqu'à son dernier jour il se trouva mêlé aux événements con-
temporains; c'est là ce qui donne un si grand intérêt à sa correspon-
dance et à sa vie tout entière.
Peu d'hommes, je l'ai déjà dit, eurent des relations plus étendues que
Languet; la connaissance qu'il fit dans ses nombreux voyages des ré-
formateurs et des savants, ainsi que des hommes politiques les plus cé-
lèbres de l'époque, l'explique sans peine; un chapitre de l'étude de
M. A. W., et non le moins curieux, traite de ces relations, qui donnè-
rent presque toujours lieu à un échange de lettres d'un haut intérêt
et furent non moins souvent l'occasion de vives et durables amitiés.
Parmi tant de noms illustres, il faut citer des hommes politiques, tels
que Achille de Harlay, l'Hôpital, Coligny, de Pibrac, Duplessis-Mor-
nay, les théologiens Mélanchton, Peucer, Calvin, Théodore de Bèze,
Pierre Martyr, les imprimeurs Henri Estienne, Wechel, Plantin, les
érudils Lambin, Camerarius, Ramus, Turnèbe, l'historien de Thou,
les jurisconsultes Baudoin, Hotman. M. A. W. n'a point essayé de
refaire l'histoire de chacune de ces amitiés célèbres — c'eût été raconter
à nouveau l'histoire de Languet — mais il a cru devoir consacrer une
notice particulière aux rapports du diplomate avec Mélanchthon, les
deux Camerarius, et Philippe Sidney, qu'il avait rencontré d'abord à
Francfort, en iSyB, chez son ami Wechel, et pour lequel il éprouva,
malgré la différence d'âge, une vive affection. Il y a là des détails cu-
rieux, sinon entièrement nouveaux.
A la fin de son étude sur Languet, M. A. W. a réuni en quelques
pages tous les traits du caractère de cet homme véritablement grand et
si peu connu; on y trouve les éléments d'un portrait qu'on peut à bien
des égards regarder comme définitif. C'est là aussi qu'est examinée la
question de savoir si Languet est l'auteur des Vîndîciae contra tyran-
3l2 REVUE CRITIQUE
tîos qu'on lui attribue d'ordinaire; Bayle avait déjà mis le fait en
doute, sans se prononcer néanmoins d'une manière définitive; de notre
temps, le hollandais Antoine Thierne a restitué ce pamphlet à Dupies-
sis-Mornay, en s'appuyant sur le témoignage même de la femme du
célèbre réformé; c'est dans le même sens qu'opine M. A. W. : son
impartialité l'a empêché de maintenir à Languet un ouvrage qui ne
lui appartient pas. Cette in>partialité, la connaissance approfondie des
sources, telles sont les qualités qui recommandent surtout l'étude que
je viens d'analyser, et qui la rendent irréprochable à tant d'égards. En
la lisant, toutefois, on ne peut se défendre d^un regret : c'est qu'elle ait
été écrite non en français, mais en latin. J'y sais bien un remède, et
M. Albert Waddington me permettra de le lui ijidiquer; ce n'est pas
sans doute de faire une traduction française de sa thèse, mais de repren-
dre son sujet, de lui donner les développements qu'il comporte et d'é-
crire enfin la biographie que mérite l'homme dont ses amis disaient :
Optiinus Hiibertus melior quo nemo repertus.
Ch. J.
l88. — Ol[V1ER de Gourcuff. — Ecrivains bretons. Vie de Jean Meschinot
1490, par Guillaume Colletet. Jacques Corcntin Royou 1749-1828. Vannes, Eug.
Lafolye, 1890, grand in-8 de 20 p.
Je ne dirai que peu de mots de la seconde partie de la brochure d
M. de Gourcufî, car, comme il le déclare lui-même (p. i5), on n'a rie,
de nouveau à consigner dans une notice sur la vie d'un homme qui «
été consciencieusement biographie par M. Levot », que M, du Châtel-
lier a encore étudié « dans une série d'articles du Collectionneur breton'
sur les Fréron et les Royoïi^ et auquel, enfin, M. Trévedy, dont les
affirmations sont toujours puisées aux meilleures sources », a consacré,
des pages excellentes dans Fréron et sa famille . M. de G. s'est donc
contenté de très bien résumer ce que l'on sait du personnage, en insis-
tant sur les pièces qu'il fit représenter : Phocion, tragédie en cinq actes
et en vers (théâtre Français, 16 juillet 181 7) i; le Flatteur, comédie
en un acte et en vers (théâtre Français, t8 novembre 18 19); Zénobie,
tragédie en cinq actes et en vers ^ (Théâtre Français, 23 février 1821);
la Mort de César, tragédie en cinq actes et en vers (théâtre de l'Odéon,
9 mai 1825), « une des chutes les plus bruyantes qu'aient enregistrées
les annales dramatiques. »
M. de Gourcufî, après avoir cité sur Jean Meschinot, auteur des
1. M. de G. rappelle (p. 17), d'après un des biographes de Victor Hugo, M. Ed-
mond Biré, que « le grand poète analysa le Phocion de Royou dans le Conservateur
littéraire, et que, quinze ans plus tard, dans Littérature et Pailosophie mêlées, il
présenta cette analyse comme l'ébauche d'un drame qu'il aurait composé au collège.
Le geai Hugo, paré des plumes du paon Royou, c'est amusant et imprévu ».
2. Un de ces vers reproduit le mot de François I" :
Tout est perdu, Thamis, tout, except»^ l'honneur.
Il
d'histoire et de littérature 3i3
Lunettes des Princes, La Croix du Maine, Du Verdier, Niceron, l'abbé
Gayet, P. Levot, ajoute : « Il nous manquait une notice ancienne,
étendue, donnant, avec quelques détails biographiques, l'opinion d'un
bon juge littéraire sur l'œuvre de Meschinot. » Cette notice, il l'em-
prunte à la copie partielle du manuscrit du Louvre, faite au commen-
cement du siècle par M. Aimé Martin, et acquise en 1872 par la Biblio-
que nationale, copie qui « nous a conservé 147 notices, précieuses
épaves arrachées au vandalisme de la Commune ^ » Elle avait paru
assez intéressante au professeur Aimé Martin pour qu'il écrivît plu-
sieurs fois dans la marge cette note au crayon : Bon pour mon cours.
M. de G. a bien fait de dire à son tour : Bon pour ma plaquette. Si
quelques renseignements du vieux critique sont inexacts, comme ceux
qu'il donne sur la première édition des Lunettes des Princes, en revan-
che, le choix de ses citations est très heureux, la richesse de ses réfé-
rences fort utile, et, somme toute, la lecture de la Vie de Jean Mes-
chinot (discrètement mais sûrement annotée), fait encore plus regretter
la perte du manuscrit original et encore plus désirer — comme fiche de
consolation — la publication à laquelle songeait jadis M. de Caussade -
des notices abrégées qui nous ont été conservées dans la copie du n° SoyS
des Nouvelles acquisitions.
T, DE L.
1S9. — Souvenirs de la ;;uerre de Ci-imée i854-l856, par le général Fay.
Deuxième édition. Paris, Berger-Levrault, 1889. In-8, xi et 363 p. 7 fr. bo.
190. — Marches des armées allemandes du 3i juillet au i" septembre 1870,
par le général Fay. Paris, Berger-Levrault, 1889. Grand in-4, 33 pages de texte.
Deux tableaux et deux cartes. 12 fr.
Le Souvenirs de la guerre de Crimée paraissent en une deuxième
édition. M. le général Fay a complété son premier récit par quelques
extraits de la Défense de Sébastopol, de Todleben, et des Lettres du
maréchal Bosquet à sa mère. On sait qu'il était aide de camp de Bos-
quet. Aussi met-il surtout en relief ce vaillant et habile soldat qui pen-
sait à tout avarît le combat, et qui, à l'heure du combat, voyait tout,
appréciait tout avec sang-froid et parait sur le champ aux difficultés qui
I. M. de G. loue (p. 3) le très ingénieux « essai de restitution n de notre regretté
collaborateur Léopold Pannier, essai qui parut ici (1872). «Nous y relevons, dit-il
(p. 4), les noms de plusieurs poètes bretons : Charles d'Espinay, évêque de Dol, auteur
d'un petit volume de Sonnets ronsardiens (i56o); Odet de La Noue, le fils aîné de La
Noue bras de fer, dont les Paradoxes sur Vadversité (i583) ont été très goûtés et
même traduits en vers anglais par le fameux Sylvester (i6o5); Michel Q.uillian de La
Tousche, qui imite Du Bartas dans sa Dernière Semaine (ibgb); François Auftray,
le recteur de Pluduno, dont nous avons étudié la Zoantliropie (16 14), et les Hymnes
(1625); le carme Nicolas Dadier, l'auteur agréablement fleuri de la Parthenice
Mariane {i6i3). Hélas! pas une de ces notices n'existe dans la copie de la Biblio-
thèque nationale».
2. Voir V Avertis cernent de la Vie de Jean-Pierre de Mesmes, par Guillaume Col-
letet. (Paris, A. Picard, 1878. p. vu.)
:)I4 REVUE CRITIQUE
se présentaient (p. 235-236). Il donne le récit succinct de ce qu'ont fait
les autres chefs ou les autres fractions de l'armée d'Orient, mais il parle
le plus souvent de la 2*= division d'infanterie, puis du 2= corps, que Bos-
quet commanda successivement. Il insiste particulièrement sur Inker-
mann et retrace aussi exactement que possible, non seulement d'après
tous les documents publiés depuis, mais d'après ses notes et ses souve-
nirs, les phases successives de cet assaut qui dura plus de sept heures;
lui-même demeura jusqu'au soir sur le champ de bataille au milieu des
morts et des mourants, "^i Nous regardions avec tristesse, du haut du
parapet de la batterie sur laquelle nous étions assis, ces mâles figures
saisies par la mort au moment de l'action; les uns déchirant encore la
cartouche, d'autres se suspendant aux embrasures, presque tous sans
colère sur le visage, et les traits reposés comme dans le sommeil » (p. 1 40).
Mais M. F. ne se borne pas à nous raconter la sanglante mêlée d'Inker-
mann. Il a narré auparavant l'expédition de la Dobrudja, la bataille de
l'Aima où, par une manœuvre hardie et très simple, la division Bosquet
menaça la gauche et presque les derrières de l'armée russe, la charge de
Balaclava qu'il a vue de ses yeux et qui fut pour lui un spectacle navrant
(p. 92). Il décrit, après Inkermann, la tempête du 14 novembre 1854;
les premiers tâtonnements et les hésitations de l'assiégeant; la défense
énergique de Tassiégé qui prit le rôle de l'assaillant et parut jusqu'au
mois de juin assiéger lui-même les tranchées de l'adversaire; Toffensive
vigoureuse résolue et prise par Pélissier, la tête de fer blanc ; la prise
du Mamelon Vert et des ouvrages blancs; Tasssaut du 18 juin; la ba-
taille de la Tchernaya ou de Traktir, ce « dernier enjeu » de la Russie;
l'assaut du 8 septembre qui échoua sur quatre points, mais qui réussit
sur le cinquième, sur Malakof, la « clef de Sébastopol ». Un des endroits
les plus curieux du volume, c'est l'état d'affaiblissement de l'armée an-
glaise dès le premier hiver, c'est sa démoralisation, c'est la lenteur et la
méthodique froideur de ses mouvements. M. le général F. ne nie pas la
solidité des soldats et la loyauté des officiers, mais il montre tout ce que
les Anglais durent à leurs alliés : nos hommes furent obligés de leur
apporter sur le dos leurs boulets et leurs obus depuis Balaclava jusqu'aux
tranchées; nos cacolets conduisirent leurs blessés et malades du camp
aux ambulances; lord Raglan demanda même si les Français pourraient
garder et défendre, deux jours sur trois, les ouvrages du siège anglais,
pour que son armée pût prendre du repos ; enfin il fallut fournir un
bataillon de travailleurs français pour terminer la redoute anglaise du
Phare (p. 146-152). Un autre trait remarquable, c'est l'amitié entre
Français et Russes; dans les trêves et tandis qu'on ramasse les morts,
les officiers des deux nations causent familièrement : « L'un des nôtres |
complimentait un prince russe sur la fraîcheur de ses gants et lui deman- '
dait en riant si la marchande de Sébastopol était jolie; d'autres par-
laient de Paris, du plaisir qu'on aurait de se retrouver ensemble, la paix
faite, et en attendant on échangeait des cigares. » Puis on se sépare et le
d'histoire et de littérature 3x5
canon tonne de nouveau ; « le vacarme, dit M. F., recommence de plus
belle, comme si l'on se repentait d'avoir pu oublier quelques instants
qu'on était en face l'un de Tautre pour se faire le plus de mal possible.
Ces premiers coups de canon après une trêve m'ont toujours laissé dans
l'âme une profonde impression de tristesse. Dure nécessité de la guerre!
A peine le drapeau parlementaire a-t-il disparu, voilà les hommes dans
leurs embuscades, le fusil au poing, et guettant la première tête qui se
montrera par dessus le parapet ; ils l'ajustent, au risque peut-être de tuer
celui à qui ils viennent de donner la main, et qu'ils ont quitté, le sourire
d'adieu sur les lèvres !» (p. 1 96- 1 97). On voit, par ces citations, que M. F. ,
tout en ne recherchant que la vérité, sait tracer de petits tableaux saisis-
sants, et l'on nous en voudrait de ne pas citer encore la description de
l'incendie de Varna (p. 28-29), ^^'^^ ^^ camp d'Oldfort où commencent
les fatigues et les privations des Anglais (p. 40-41) ^ celle de l'assaut de
Malakof (p. 3o3-3o5) ~, et surtout les pages consacrées aux divertisse-
ments des zouaves et à leur théâtre comique. M. F. reproduit le pros-
pectus lithographie d'une de ces représentations. « J'ai, dit-il, ce pro-
gramme sous les yeux, et j'avoue que je ne puis jamais le regarder sans
une profonde émotion; car, derrière ces comédies, il y a un drame : ce
programme, raturé en plusieurs endroits, porte ces simples et bien tou-
chantes lignes : deux amateurs ayant été tués, et plusieurs blessés, on a
été obligé de changer le spectacle qu'on se proposait de donner » (p.25 1-
252) 3.
En même temps qu'il publiait une deuxième édition de ses Souvenirs
de Crimée, M. F. faisait paraître une étude sur les marches des armées
allemandes du 3i juillet au i" septembre 1870. 11 a lu avec la plus
grande attention la Guerre franco-allemande de iSyo-iSj i , publiée
par le grand état-major prussien, et il en a tiré de précieux renseigne-
ments. Les cavaleries ont noblement rempli leur rôle sur le champ de
bataille; mais en ce qui touche le service d'exploration, la cavalerie
française n'a rendu aucun service et la cavalerie ennemie, inexpérimen-
tée, taisant mal son office, ne s'est enhardie que peu à peu. On le verra
1. A remarquer dans cette description du camp d'Oldfort la comparaison entre
Anglais et Français qui se nourrissaient, les premiers, fort mal, et les seconds, fort
bien : les Français vivaient en escouade, par association; les Anglais faisaient leur
cuisine individuellement. Ceux-ci reconnurent enfin les avantages de la vie en com-
mun; mais, au lieu de nos petites marmites portatives, ils tirent venir des marmi-
tes énormes qu'ils ne pouvaient déplacer.
2. L'auteur décrit les troupes qui attendent dans les tranchées le cri « en avant »
et rapproche de ce spectacle le tableau de Protais, Avant le combat, qui offre l'image
exacte des préliminaires de la journée du 8 septembre ; Protais, dit M. Fay, a u passé
près de nous, au 2' corps, plusieurs mois durant lesquels il a appris à connaître et à
rendre la vie de nos soldats avec autant de cœur que de vérité ».
3. M. Fay nous permettra une légère critique. P. 210, il écrit que Turenne repose
à Sal:(bach et Marceau à Altenkirchen ; le nom du village badois, toujours estropié
par nos historiens; est Sasbach et Marceau fut mortellement blessé, mais non enterré
à Altenkirchen.
3 l6 REVUK CRITIQUE
par le détail des marches autant que par Taveu même de l'état^major
allemand; depuis Wœrth jusqu'au 26 août, Moltke a été réduit à peu
près aux renseignements des agents et des journaux. Ce n'est que le
26 août, lorsque s'opère la conversion, lorsque tous les fronts se tour-
nent dans la direction du Nord, que la cavalerie allemande retrouve
enfin, après vingt jours, le contact perdu, en face d'une cavalerie qui
s'attachait plutôt à couvrir ses propres troupes qu'à rechercher son ad-
versaire. Aussi M. F. fait-il ingénieusement observer (p. 23) que si la
cavalerie française avait eu plus d'indépendance, le contact aurait été
certainement obtenu quelques jours plus tôt : « Tinertie qu'on lui
reproche a donc pu, en définitive, être profitable à notre armée, et cette
faute lui aurait même permis, si elle eût été moins lente à se mouvoir,
soit de passer la Meuse, puisqu'on la poussait follement dans cette im-
passe, soit de se retirer vers le Nord ou sur Paris. » M. F. remarque
encore que les ordres des Allemands, très concis et ne disant que ce
qu'il faut, laissent une grande initiative aux chefs chargés de l'exécu-
tion. Cette initiative ^ lui paraît une grande qualité qui a produit d'ex-
cellents résultats et qu'il faut, en tout cas, préférer à l'inertie extraordi-
naire des généraux français. Partout les généraux allemands ont appli-
qué la formule banale des ordres de manœuvres : « rechercher l'ennemi
et l'attaquer partout où on le trouvera » ; et l'état-major fut toujours
obligé de les retenir plutôt que de les pousser en avant. M, F. joint à
ces observations instructives deux tableaux : 1' des marches des armées
allemandes du 3i juillet au 20 août (investissement de Metz); 2° des
armées allemandes et de l'armée de Châlons, du 21 août au i" septem-
bre 1870 (bataille de Sedan). Ces tableaux donnent jour par jour, et pour
chaque armée, les emplacements du quartier général, ceux des corps
d'armée et des divisions de cavalerie. Deux cartes accompagnent Tou-
vrage. Elles sont toutes deux au i/320.ooo, et reproduisent, la première,
les itinéraires donnés par ces tableaux pour tous les corps d'armée alle-
mands, moins la cavalerie; la seconde, les itinéraires de cette arme. Les
zones de marche des quatre armées allemandes sont représentées par
quatre larges teintes plates (verte, rouge, bleue, bistre) qui figurent au
vif et d'une manière saisissante l'invasion qui déborde et s'étend sur le
territoire français; un trait particulier donne dans chaque zone l'itiné-
raire des corps d'armée (i'"« carte) et des divisions de cavalerie (2^ carte);
des petits cercles (i'^ carte) ou des rectangles de couleur (2^ carte) indi-
quent sur l'itinéraire l'emplacement journalier des corps d'armée et des
divisions de cavalerie; un double trait de la couleur des cercles et des
rectangles, avec la date des jours, réunit les emplacements des troupes de
première ligne. Toutes ces indications, nettes, claires, nullement confu-
ses, permettent de voir les fronts successifs de toutes les armées et de
calculer leur étendue ainsi que l'emplacement des corps, leurs niouve-
I. Elle est peut-être, selon iM. F., une conséquence forcée du mode de combat très
rationnel qu'il a vu appliquer aux manœuvres comme à Rezonville (p. 33).
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE Siy
ments, les opérations de la cavalerie, les détails du service de l'explora-
tion, le temps nécessaire aux concentrations sur les points menacés, la
long'jeur des marches, l'éloignement des troupes de seconde ligne. Tous
nos officiers devront étudier les cartes et tableaux de M. Fay.
A, Chuquet.
igi. — .loliaun Fi'ledi'icl» Bi-uch. Seine Wirksamkeit in Schule und
Kirche 1821-72. Aus seinem handschrifilichen Nachlasse herausgegeben von
Th. G(érold). Strasburg, Heitz, 1890, lo'i p. in-8.
Cette brochure, qui fait suite aux Souvenirs de jeunesse de l'ancien
doyen de la faculté de théologie protestante de Strasbourg et qui est de
même publiée par son gendre, M. Gérold, contient les chapitres sui-
vants : I^r Commencements à Strasbourg; — II Carrière académique ;
— III Carrière pastorale; — IV Direction du gymnase; — V Carrière
administrative; — VI Participation à la fondation de diverses sociétés;
— VII Carrière littéraire ; — VllI Les années 1870-1872.
Le chapitre IV contient quelques passages qui peuvent illustrer
l'histoire de renseignement secondaire sous la monarchie de iB3o.
« Chaque année apparaissaient, dans le courant de Tété, les inspecteurs
généraux de l'Université. II se trouvait parmi eux des hommes remar-
quables qui nouèrent avec moi des relations d'amitié, Fréd. Guvier,
Dutrey, Dubois de Nantes, Burnouf, Ozaneaux. Je ne m'attirai d'affaires
fâcheuses qu'avec Gaillard et Cournot, puis avec Nisard. Celui ci se
mit en colère parce qu'un professeur avait partagé ses élèves en Alsa-
ciens et Français. 11 avait conclu que nous n'éprouvions pas de sym-
pathie pour la France. » — <f Dans les années trente, une coalition par-
vint à faire retirer au gymnase, par le Ministre de l'instruction, le
droit de délivrer des certificats d'aptitude au baccalauréat. Nos récla-
mations étant restées sans résultat, je me décidai à aller moi-même
à Paris. Villemain, alors ministre, me reçut avec bienveillance
et me promit de rendre au gymnase sa capacité, ce qui fut fait. » —
« Parmi les obligations du décanat revenait tous les ans, à la séance
de rentrée, celle de lire le compte rendu des travaux de la faculté de
théologie. En i853. J'avais, dans mon rapport, parlé de la place de la
théologie dans la science et signalé les thèses qui s'étaient fait remar-
quer par leur valeur scientifique. Parmi celles-ci se trouvait le travail
d'un M. Lièvre, de l'ouest de la France, sur le rôle que le clergé a
joué dans la révocation de l'Édit de Nantes. Je concluais par le souhait
que Dieu voulût bénir nos travaux et nous assister dans la formation de
pasteurs zélés, pour le plus grand bien de Téglise protestante de France.
Le lendemain, le journal l'Alsacien publia un article virulent où l'on
prétendait que j'avais insulté l'église catholique. Pour toute réponse, je
me contentai de faire insérer mon discours entier dans le Courrier du
Bas-Rhin, en ajoutant qu'il avait été lu et approuvé par le recteur
3i8
RKVUE CRITIQUR
avant la séance solennelle. U Alsacien publia un second article encore
plus furibond que le premier, puis VUnivers s'en mêla à son tour.
Le Ministre demanda des éclaircissements au recteur. Je dus me justi-
fier, puis je déclarai au recteur que je ne prendrais plus la parole dans
la séance de rentrée. Cette déclaration fut transmise au Ministre qui
arrêta que dorénavant les rapports des doyens seraient lus en séance du
conseil académique, puis analysés dans le discours du recteur et impri-
més dans le compte rendu de la séance solennelle. »
P. 70, l'auteur de ces Souvenirs revendique le mérite d'avoir été
rinstigateur de la fête de Gutenberg en 1840. Il ajoute : « On réunit
les doyens des diverses facultés. On leur adjoignit d'autres personnes, par
exemple le célèbre juriste Ristelhuber qui était versé dans Thistoire de
Strasbourg et de sa constitution. Celui-ci s'exprima sur notre projet en
termes presque ironiques. » Sa mémoire trompe M. Bruch. Il n'y avait à
Strasbourg, en 1840 qu'un médecin du nom de Ristelhuber ; ce médecin
ne s'occupait guère d'histoire locale et il n'a pas joué de rôle dans l'or-
ganisation de la fête en question.
Nous ne pousserons pas plus loin nos remarques, nous dirons seu-
lement que M. Bruch peut être regardé comme ayant eu de la chance
et qu'il figure en bonne place dans cette légion d^étrangers qui sont
venus demander à la France honneurs et argent.
P. R.
192. — Al. travers la Kab^rlie, par François Charvérut. Paris, Pion, 1889,
in-12).
On a déjà beaucoup écrit sur la Kabylie, et quelquefois de bien bon-
nes choses 1 ; le livre de M. Charvériat mérite d'être classé parmi les
meilleurs, et fait regretter encore davantage la mort prématurée de son
auteur ~. On y reconnaît un observateur bien sagace et bien fin des hom-
mes et des choses; ses jugements parfois sévères, sous une forme très
modérée, peuvent offrir plus d'un sujet de méditation à ceux qui sont
chargés d'administrer en pays Berbère.
Bien que présenté sous le titre de : Huit jours en Kabylie^ cet ouvrage
est le résumé de longues études sur le pays •'-. Celui-ci est l'objet d'une
description exacte, élégante et claire, à laquelle ne manquent ni le sens
artistique, ni l'agrément du style; mais c'est surtout à l'étude des hom-
mes et des institutions que M. Ch. s'est attaché. Il y a vu bien clair, et
1. On peut citer les ouvrages de MM. Hanoteau, Letourneux, Paul Bert, baron
Aucapitaine, de Bibesco.
2. M. Charvériat, professeur à l'École de droit d'Alger, est mort le 24 mars 1889,
âgé de 34 ans.
3. En réalité, M. Gh. avait fait onze voyages en Kabylie. Il était tout particulière-
ment préoccupé de la question difficile de la fusion des races; dès i885, ayant été
chargé de faire le discours de rentrée des Écoles supérieures d'Alger, il avait choisi
pour sujet : L' Assimilation des indigènes dans l'Afrique romaine.
D HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE SlQ
il est bon de lire ses appréciations de l'impôt indigène {3y à 44), de la
répression des crimes et délits (100 et suiv.), de la responsabilité collec-
tive et des peines de l'indigénat (108 et suiv.), de Tinstruction publique
en pays Berbère et des avantages qu'on croit pouvoir en retirer (i23,
142, 148, etc.), et enfin de la laveur accordée à l'Islamisme. Ces vérités
sont présentées sous une forme souvent très spirituelle; on peut citer
les pages consacrées à la visite de M. Berthelot (3 5, j5, etc.), aux tenta-
tives d'assimilation par l'emploi du chapeau à haute forme et de l'eau
de Lubin (i 14 etsuiv.), aux querelles politiques des colons (igS et suiv.).
Il faut cependant avouer que l'argumentation de M. Ch. se ressent
parfois de l'éducation première de l'auteur, qui ne lui a laissé aucune
indulgence pour les exagérations libérales ; mais, comme il le dit lui-
même : « Si l'on veut parvenir à la vérité, il faut observer même ce qui
« peut déplaire, regarder en face les hommes et les choses; en Kabylie,
« il faut voir le Kabyle, et le Kabyle tel qu'il est » (283). Et c'est ce
qu'il a fait.
H.-D. DE Grammont.
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Marius Sepet vient de publier sous ce titre Les préliminaires de
la Révolution. (Paris, Retaux-Bray, 1890, x-358 pages, in-12), un volume où il dé-
crit avec beaucoup d'art et de talent l'état de la société française avant la Révolution
et passe en revue les événements politiques des dernières années de l'ancien régime.
Nous avons particulièrement goûté les chapitres consacrés à l'administration de l'an-
cien régime : cette esquisse en quelques traits sobres nous a paru excellente.
— M. Louis Havet nous envoie les lignes suivantes : « Le Précis de grammaire
comparée du grec et du latin de M. V. Henry, dont la seconde édition a été l'objet d'un
article de moi dans la Revue du 21 janvier 1889, vient de paraître en troisième édi-
tion chez Hachette. Il y a plaisir à voir les réimpressions de cet excellent livre se
succéder à bref délai, mais l'auteur, dans sa préface, parle de ma critique avec un
tel excès de courtoisie que je serais bien empêché de rédiger cette fois autre chose
qu'une simple annonce. »
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 11 avril 18 go.
M^Q ÇPP^'"'' vice-président, a le regret d'annoncer à ses confrères que le président,
M. i)cheter,_ est encore retenu loin de l'Académie par raison de santé. Ces jours der-
niers, son état a même donné quelques inquiétudes. Une amélioration s'est heureu-
sement produite depuis lors.
M. Renan communique à l'Académie une inscription phénicienne, gravée sur un
cippe de marbre, de provenance sidonienne, aujourd'hui conservé au Musée du Lou-
?20 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
vre. Par les soins de M. Heuzey, un moulage du cippe a été apporté dans la sa!
des séances de l'Académie. L'inscription, selon M Renan, doit se traduire ainsi :
« Celte offrande a été donnée par Abd-Mi^kar, fils d'Abd-Lésept, second magistral
tils de Baal-Sillekh. A son seigneur Saiman : qu'il bénisse! »
L'oftVande dont il s'agit n'était pas le cippe lui-même, mais un aiiathéma posé
sur ce cippe. de.vant l'image du dieu. Ce dieu, Saiman, se retrouve dans le nom du
roi Salmanasar et dans la déesse palmyrénienne -e/a'/iviç. Le nom divin de Miskar,
inconnu jusqu'ici en Phénicie, se rencontre fréquemment dans les inscriptions de
Cartilage. Celui de Lésept doit peut-être être rapproché de celui de la divinité sy-
rienne Nésept.
M. Moïse Schwab, de la Bibliothèque nationale, communique et interprète des
inscriptions hébraïques de la première moitié du xiV siècle.
Les unes se trouvent à Issoudun (Indre), dans le monument appelé, en souvenir
de la reine Blanche Je Castilie. la tour Blanche. Elles ont été gravées sur les murs
par des Juifs emprisonnés dans cette tour. Une d'entre elles porte une date juive qui
répond au mois de décembre de l'an i3olî.
Les autres sont deux épiiaphes découvertes à Senneville, près de Mantes fSeine-el-
Oise), sous la roue d'un moulin à eau, par M. Reyboubet, instituteur à Guerville.
Celui-ci a dû pour en prendre copie, surmonter de grandes difficultés matérielles.
L'un de ces deux textes est daté du commencement de l'an i33(j. Les caractères sont
de dimension remarquable : ils ont jusqu'à o™, 12 de hauteur.
^L E. Rodocanachi communique une étude sur le ghetto de Rome, d'après des
documents nouveaux tirés des archives romaines. Jusqu'au xi* siècle, les juifs de
Rome avaient habité le Transtévère : c'est à cette date, selon l'auteur de la commu-
nication, qu'ils quittèrent ce quartier pour se fixer sur l'autre rive du Tibre, entre
le palais des Cenci, le portique d'Octavie et le fleuve Ils vécurent mêlés aux chré-
tiens jusqu'au xvi' siècle : ûes églises, des palais appartenant à de nobles familles
chrétiennes, telles que les Juvenali et les Boccapaduli, s'élevaient au milieu du quar-
tier juif. En i535 seulement, Paul IV entoura ce quartier de murailles, en rasa les
églises, déposséda les propriétaires chrétiens et défendit aux juifs d'habiter ailleurs.
M. Rodocanachi décrit les monuments et la physionomie de ce quartier misérable,
dont l'édilité romaine poursuit, depuis peu de temps seulement, la transformation.
M. Maurice Prou, de la Bibliothèque nationale, communique des observations sur
un peuple gaulois de l'Aquitaine, les Antobroges, qui, selon Pline l'Ancien, étaient
voisins des Ruteni habitants du Roueigue). Le nom d' Antobroges ne se rencontrant
pas ailleurs, les éditeurs de Pline, depuis Scaliger. se sont accordés à le considère!
comme une faute de copie et l'ont remplacé par Nitiobriges, nom d'un autre peu-
ple aquitain bien connu. Mais trois monnaies mérovingiennes, qui viennent d'en-
trer à la Bibliothèque nationale, portent la \égend^ : Antubevix Le style de ces mon-
naies les rattache d'ailleurs à celles du Rouergue. M. Prou en conclut qu'il a réellemen
existé un peuple des Antobroges, distinct des Nitiobriges, et dont la capitale s'appe
lait Antobrix ou. en latin barbare, Antuberix. Les futurs éditeurs de Pline feron
donc bien de revenir, sur ce point, à la leçon des manuscrits.
M. Deloche exprime quelques réserves sur les conclusions du travail de M. Prou
Ouvrages présentés : — par M. Delisle : i» Collection Spit^er, lome l" ; 2° Beau-
court (G. DU Fresne DE), le Procès de Jacques Cœur; — par M. Jules Girard : Géo
graphie de Strabon, traduction nouvelle, par Amédée Tardieu, tome IV : Table al
phabétique et analytique.
Julien Havet. j
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE|
Séances des 26 mars et 2 avril 18 go.
M. l'abbé Duchesne met sous les yeux des membres de la Société la photograph 1
qu elle a consacre sa virginité au Christ. C cst la seule inscnpti
jusqu'ici qui ait été trouvée dans l'ancienne Maurétanie Tangitane.
M. Babelon continue la lecture du mémoire de M. de Laigue, consul de Fran]
à Cadix, sur le sarcophage phénicien du Musée de Cadix.
M. de Villefosse signale l'intérêt qu'il y aurait à comparer ce sarcophage avec
sarcophages phéniciens du Louvre et autres similaires.
M. Mowat communique l'empreinte d'une bague en or, un anneau de mariage sa^
doute, trouvée à Rouen et acquise par le musée de cette ville.
Le Secrétaire,
Ulysse Robert.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Pu}', imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent. 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
Ho 17 _ 28 avril — 1890
Sommaire î iqS. Krebs, L'inscription de Khnoumhotpou. — 194. Salemann et
Shukovski, Grammaire persane. — igb. Poole, Catalogue des monnaies persanes
du British Muséum. — 196. An. de BARTHÉLEiMY, Manuel de numismatique an-
cienne. — 197. Bauer, Les tournures subjectives dans les chansons de geste. —
198. U. Robert, Les signes d'infamie au moyen âge. — 199. Gaudenzi, Les
compagnies d'armes de Bologne. — 200. Bartholomeis, Recherches dans les
Abruzzes. — 201. Bréal, La réforme de l'orthographe française. — 202. Catalo-
gue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. — Chroni-
que. — Académie des Inscriptions. — Société des Antiquaires de France.
193. — Fr. Krebs, De cbnemotliî» (Hnmhtp) Nomarchi inscriptione aegyptiaca
commentatio. Berlin, 1890, Speyer et Peters, in-4, 5i p.
L'inscription de Khnoumhotpou, nomarque de Bèni-Hassan, a été
analysée à plusieurs reprises et traduite en entier; elle renferme malgré
tout plus d'un passage dont le sens est demeuré obscur, et M. Krebs
a eu raison d'en aborder de nouveau l'étude. M. K, est élève de
M. Erman, et cela se voit au soin et à la minutie avec laquelle il se livre
à l'examen des questions grammaticales. Plusieurs des traductions nou-
velles qu'il propose sont excellentes, d'autres ne me paraissent pas être
aussi heureuses ; çà et là, il n'a pas connu l'explication que tel ou tel
égyptologue a proposée, en passant, de tel ou tel passage mal interprété
auparavant. Ainsi, le groupe difficile formé du vase arrondi et des trois
lignes ondées a été déchiffré dans la Zeitschrift (1887, p. 33-34), P'^^"
Piehl qui y voit une variante de la préposition khonou, em-khonoii, dans,
à l'intérieur de... La phrase que M. K. rend Exstruxi monumentum
mei... iirbi meœ, laissant en blanc le groupe en litige, se traduira donc
Jejis des monuments dans mon domaine. M. Piehl a de même indiqué
(p. 25) une correction possible du groupe corrompu qui termine le pro-
logue de l'inscription et que M. K. a laissé en blanc (p. 16, 18)... et
omne..,, sic ut gerebatur ;)q pense, pour mon compte, qu'il y faut lire
âhoutiou, les fellahs. Ces oublis et quelques légères erreurs dans
des passages difficiles n'empêcheront personne de considérer le mémoire
que je signale à lattention des lecteurs comme un travail très méritoire.
M. Krebs nous promet un égyptologue doué de qualités solides, et nous
avons grand besoin de recrues aussi bien préparées qu'il semble l'être.
G. Maspero.
Nouvelle série, XXIX. 17
322 REVUE CRITIQUE
i()4, — S^ei*»<â!^i-Iic Gi'»im»i>tik mît lsttef»tui'j elir^^foinutliio uni
glos&ui- von Cari Salcmann und Valcnlin Shukovski. Berlin, 1889, in-12.
Ce nouveau manuel tiendra une place honorable dans la collection
intitule'e Porta linguaruvi orientalium, qui a rendu et rendra, quoi
qu'on en dise, de notables services à l'étude des langues de POrient. Le
plan général de cette collection, due à Pinitiative de Petermann, est bien
fait pour donner de tels résultats : abrégé de grammaire, morceaux gra-
dués accompagnés d'un glossaire, enfin une liste biographique qui, sans
avoir la prétention d'être complète, indique les meilleurs documents à
consulter. Voilà plus qu'il n'en faut pour mettre le débutant en état de
prendre ensuite son essor.
Je constate avec plaisir que ces mêmes qualités se retrouvent dans la
grammaire persane, due à la collaboration de MM. Salemann et Shu-
kovski. Tout ce qui concerne la phonétique, la morphologie et les
règles de dérivation y est expliqué avec concision, mais clairement. Au
besoin, des renvois à la langue de Firdousi et aussi aux formes plus
anciennes conservées dans le pehlevi concourent heureusement à expli-
quer les anomalies du style littéraire. On aurait pu cependant donner
plus de place à la langue vivante qui renferme tant de particularités
curieuses et encore imparfaitement étudiées. Un fin connaisseur^ le
regretté Kazimirski de Biberstein, en a signalé plusieurs dans les notes
grammaticales qui précèdent ses Dialogues, mais il reste encore
beaucoup à glaner après lui.
On legrettera aussi l'absence complète et de parti pris des paradigmes.
Si simple que soit la structure d'une langue, quelques exemples ne son
jamais de trop pour faciliter l'explication des règles et en corriger là
sécheresse. J'aurais volontiers sacrifié pour cela les pages que les auteurs
ont cru devoir consacrer à la prosodie, résumé beaucoup trop écourté
pour être de quelque utilité.
Je voudrais pouvoir louer sans restriction leur chrestomathie, mais
elle porte la trace de je ne sais quelles incertitudes qui nuisent à la bonne
classification de l'ensemble. Les auteurs avouent eux-mêmes qu'ils
croyaient d'abord ne pouvoir lui donner qu'une quarantaine de pages
et ils les avaient consacrées exclusivement à un choix de poésies. Plus
tard, voyant qu'ils pouvaient disposer de plus de place, ils ont ajouté, et
l'on ne peut que les approuver, deux ou trois morceaux de prose, aux
extraits du Schah-namèh et d'autres poèmes. Mais le tirage étant d€]3i
très avancé, les morceaux faciles n'ont pu prendre place qu'après lesf
extraits poétiques. Ces derniers auraient dû être sinon sacrifiés en entier
au moins élagués. Passe encore pour les poèmes de Firdousi et de
Ménoutchehri, qui sont déjà commentés et traduits, mais que viennent
faire ici les Odes si dépourvues d'originalité de Mouizzi et de Kémal Is-
maïli? Pourquoi, puisqu'on ne recherchait pas l'inédit, n'avoir pas donne
la préférence aux classiques? 11 y a pourtant dans le Kiilliat de Saadi ei
1
"Il
O HISTOIRE ET DE LITTéRATURB 32 3
de Hafez, dans les Divans d'Enveri et de Nizami nombre de pièces qui
auraient fait bonne figure dans cette anthologie. J'insiste d'autant plus
sur ce point que le glossaire est insuffisant pour faciliter la lecture de
plusieurs des vers qui y sont donnés. La différence entre la prose nnême
élégante et la langue poétique est si grande, le choix des images, le tour
des idées empruntées aux bizarres théories du soufisme créent de telles
complications qu'il faut, pour aborder la poésie persane, une préparation
spéciale qui dépasse de beaucoup les limites d'un traité élémentaire.
En revanche, la bibliographie est faite avec soin et n'omet rien d'es-
sentiel. Peut-être les orientalistes français auraient-ils quelques lacunes
à lui reprocher, mais la faute en est sans doute à nos éditeurs, qui ne
répandent pas leurs catalogues avec autant de libéralité que leurs con-
frères de l'étranger. A part quelques menues erreurs typographiques, le
texte m'a paru très correct. Je signalerai cependant, page 32, le second
hémistiche du troisième vers qu'il est impossible de scander, et le vers
suivant où la mesure exige qu'on lise guèlii au lieu de guèh. Ajouter
aussi au glossaire quelques mots oubliés, par exemple : ''arif dans le
sens spécial d'initié au soufisme; der beraber, en face; bouté, tige de
plante; ba{, ouvert, etc. Enfin de courtes explications sur les noms
géographiques et les ethniques n'auraient pas été de trop dans le glos-
saire ou en note au-dessous du texte. Ces légères imperfections, qu'il
sera facile de corriger dans une seconde édition, n'enlèvent rien au
mérite de ce petit livre, qui ne peut manquer d'être bien accueilli des
gens du métier et contribuera à répandre le goût de la plus char-
mante des littératures de l'Orient musulman.
B. M.
195. — Catalogue of Coins of the Shahs ofPersIa, in the British Muséum,
by Reginald Stuart Poole, LL. D., correspondent of ihe Institute of France;
London, 1887. 1 vol. in-8, xcv-336, 24 planches.
Nous sommes bien en retard avec le livre de M . Poole, mais c'est un de
ces livres qui peuvent attendre sans danger, car leur valeur et leur mi-
lité ne passent pas avec le temps. La collection de catalogues numis-
matiques, publiée par le British Muséum sous la direction de M. P.,
est un modèle et un exemple donné aux cabinets de médailles du conti-
nent. L'habile directeur de cette publication n'est point orientahste de
profession et nous ne l'avions pas encore rencontré jusqu'ici sur le do-
maine iranien : mais il montre dans ce catalogtie qu'avec de la con-
science et de la méthode il n'est point de tâche, si nouvelle qu'elle soit,
dont on ne puisse se charger et s'acquitter avec succès. M. P. n'avait
pas, il est vrai, à chercher bien loin autour de lui pour trouver le plus
sûr, le plus compétent et le plus obligeant des conseillers, dans la per-
sonne de M. Rieu, l'auteur du catalogue des manuscrits persans. M. P.,
très modestement, reporte à M. Rieu le mérite des nouveautés de son
:)24 REVUE CRITIQUE
catalogue : quelle que soit la part de Tun ou de Tautre, nous n'avons
qu'à profiter du résultat de celte collaboration et à nous en féliciter.
Le volume traite des monnaies persanes depuis l'avènement desSéfévis
(i5o2) jusqu'à nos jours. Le British Muséum possède environ neuf cents
monnaies de cette période, dont deux cents environ autonomes (les
monnaies de cuivre), et sept cents royales. Dans une large introduction
qui forme la partie originale du livre, M. P. donne tous les renseigne-
ments d'usage en pareil cas sur les divers types de monnaies, leur poids,
leur valeur, les ateliers monétaires; le style, les formules. Mais la par-
tie la plus neuve et qui constitue un véritable progrès pour Thistoirede
la Perse est la détermination précise de l'avènement des divers Shahs
et Khàns, depuis Ismail 1". La chronologie persane n'a jamais été
serrée de près par les historiens, faute d'indications précises dans les
sources, et surtout à cause des complications que crée l'emploi d'un
double comput, ou pour parler plus exactement, la combinaison de Père
musulmane qui est lunaire avec le cycle tartare qui est solaire. La déter-
mination exacte du juins ou jour d'avènement des divers souverains, que
M. P. établit par la confrontation des chroniques, formera la base d'une
histoire des périodes modernes moins vague que celle qui a cours jus-
qu'à présent.
L'étude des inscriptions monétaires permet de suivre sur le métal
l'histoire religieuse et politique de la Perse. Avec les Séfévis, le Shiisme
monte sur le trône et devient religion d'état : à la formule « Il n'y a.^
point d'autre Dieu qu'Allah et Mahomet est le Prophète de Dieu « s'a-
joutent les mots « et Ali est le Valî (le Représentant) de Dieu ». Quand
l'espace le permet, les noms des douze Imams viennent se dérouler alen-
tour. Les rois s'intitulent Ghiilâmi 'Ali, (n SQrvitzur d' A\h^ , Bendehi Shâhi
Vilayat « serviteur du roi du pays », Ali étant le vrai roi de Perse^Kalbi
'Alî,Kalbi âstdn '^/2i?/za« le chien de garde d'Ali, le chien de garde du
sanctuaire d'Ali Ri;;^a. » La dynastie afghane, sunnie fervente, supprime le
nom d'Ali et des Imams et le remplace par celui des Khalifes: leur monnaie
est <( le monnayage des Quatre compagnons » ( Sikkai car yârân) . Nadir
Shah, q ui renverseles Afghans^au nom du roitelet légitime Thamasp, mais
n'ose pas encore s'asseoir sur le trône du Séfévis et graver son nom sur
la monnaie royale, en supprime le nom de Thamasp et le remplace par
celui de l'Imam Riza, le huitième successeur d'Ali, le saint dont le tom-
beau fait de Meshed la cité sainte de la Perse. Une fois sur le trône,
Nadir Shah écarte l'Imam sans plus de façon qu'il avait écarté Tha-
masp : même la profession de foi Alide disparaît de ses monnaies. Elle
reparaît avec son petit fils Shah Rukh. Pendant les luttes entre les
Khans, Zenas et Qajars, qui n'osent ni les uns ni les autres prendre le
titre royal, l'interrègne recommence au profit des dieux et c'est le
Mahdi — le dernier Imam, celui qui n'est pas encore venu, — qui re-
cueille, comme avait fait Ali Riza aux débuts de Nadir Shah, l'héri-
tage royal revenu à son maître légitime, faute d'un autre.
d'histoire et de littérature 32 5
Ce ne sont pas là des faits nouveaux, mais la lumière métallique les
éclaire d'une façon singulièrement vive. Il y a pourtant çà et là des
données nouvelles. Je signalerai en particulier une véritable trouvaille
qui jette un jour nouveau sur les rapports des premiers Mogols de Delhi
avec la cour d'Ispahan. Parmi les monnaies au nom d'Ismail, le pre-
mier Séfévi, s''en trouve une qui porte un second nom royal, évidem-
ment le nom d'un prince vassal, Sultan Mohammed. Quel est ce prince?
Il ne serait autre, pense M. P., que le futur Grand Mogol, Moham-
med Baber. Selon Khondemir, Baber, au moment d'entreprendre la
conquête de la Transoxiane, demanda le secours de Shah Israail — ils
avaient un ennemi commun, les Uzbegs — et lui promit en retour
qu'après la conquête, la Khutba et la Sikka, c'est-à-dire la prière publi-
que et le monnayage, se feraient au nom du roi de Perse, symbole de sa
suzeraineté. Samarkand conquise, Baber tint sa promesse et, pour citer
les termes d"un autre historien, Iskander Beg, « il fit réciter dans tout ce
pays paradisiaque la Khiitba des Douze Imams au nom du Roi Ismail. »
La pièce au nom d'Ismail er de Sultan Mohammed prouverait qu'il
tint aussi sa promesse pour la Sikka. Baber a donc été, tout le temps
qu'il régna à Samarkand, vassal du roi de Perse; et on comprend alors
pourquoi le récit des années 914-925 manque dans ses mémoires. Mais
ce qu'il y a de particulièrement intéressant, c'est de voirie fondateur de
la dynastie mogole débuter par le Shiisme et quatre monnaies d'argent
venues de Transoxiane nous le montrent en effet shiite déclaré : « Il n'y
a pas d'autre Dieu qu'Allah, Mohammed est son Prophète, Ali est son
représentant. — Sultan Baber Behadur. w Les historiens de Baber disent
qu'il dut bientôt évacuer la Transoxiane, s'étant rendu impopulaire en
adoptant et faisant adopter à ses troupes le costume des Perses Shiites :
on voit qu'il y a plus qu'une question de costume : c'était le Shiisme
que Baber imposait aux Sunnis fanatiques de Samarkand et Bukhara :
tâche impossible où toute sa fortune devait échouer.
Quelques années plus tard, quand son fils Humayun, chassé de l'Inde,
va chercher refuge à la cour du fils d'Ismail, Thamasp, celui-ci lui fait
payer son secours en lui imposant la conversion au Shiisme. Ce n'était
pas, comme le présentent les historiens de l'Inde, une exploitation peu
généreuse du m.alheur de son voisin : c'était un marché, librement con-
clu entre son père et celui d'Humayun, dont il réclamait l'exécution.
On voit comment une ou deux pièces de monnaies peuvent changer
l'aspect de toute une période historique et donner aux faits une couleur
que les chroniques ne savaient pas mettre en lumière.
M. Poole résume ses recherches dans des tables donnant les rapports
généalogiques et chronologiques, — si obscurs et compliqués dans la pé-
riode qui suit la chute des Séfévis, — des diverses dynasties qui se sont
succédé ou juxtaposé en Perse. Son livre renferme une riche collection de
données précises et sûres qui le rend indispensable pour quiconque
veut étudier l'histoire moderne de la Perse.
James D.\rmesteter.
326 REVUE CRITIQUE
196. — Anatole de Barthélémy. Manuel <lo numismatique ancienne. Paris,
Roret, 1890. In-iô de 4S3 p., avec atlas de 12 pi.
La première édition de ce petit livre a paru en i85i, dans l'utile col-
lection des Manucls-Rorct, où il représentait seul l'archéologie classi-
que à côté de la déplorable traduction du Hmidbuch d'Otfried Muller.
Depuis cette époque, il a servi à des générations de voyageurs, dont il a
été et dont il restera le vade mecum: l'exiguité de son format, l'extrême
modicité de son prix, la quantité de renseignements accumulés dans les
Notions préliminaires et dans la description des diverses séries, lui ont
permis de rendre d'excellents services à tous ceux que le hasard de leurs
recherches éloignaient des grandes bibliothèques. Je m''acquitte ici d'une
véritable dette de reconnaissance, contractée pendant mon séjour en
Orient, en remerciant l'auteur de ce livre modeste qui a été pour moi,
pendant longtemps, lex et prophetœ. Aujourd'hui, grâce à VHistoria
numorum de M. Head, on n'a pas besoin du coûteux Mionnet ou des
catalogues non moins coûteux du Musée britannique pour s'orientera
travers la numismatique des anciens; mais, outre que cet excellent ou-
vrage laisse de côté les monnaies romaines, il est trop gros et trop lourd
pour accompagner un archéologue ou un amateur dans ses pérégrina-
tions à travers les pays classiques. Ainsi le Manuel de M. de Barthé
lemy conserve son utilité et cette utilité s'est accrue par la révision
dont il vient d'être l'objet pour l'édition nouvelle que nous annonçons
Il est vrai que cette révision a été fort inégale. Si le chapitre relatif au
monnaies gauloises se trouve sérieusement et efficacement remanié, si
les monnaies ibériques ont profité des travaux récents que ce sujet dif- 1
ficile a provoqués en France et en Espagne, si enfin M. de B. a mis
à contribution un certain nombre de monographies concernant les
monnaies grecques, il a encore laissé échapper ou subsister trop d'er-
reurs dans cette partie de son travail et l'on a d'autantplus le droit de le
regretter qu'un dépouillement attentif de VHistoria numorum lui aurait
permis, sans grands efforts, d'éviter ou de corriger toutes ces méprises.
Ainsi, p. 210 (P'e éd., p. 176), il ne devait plus être question de monnaies
dePotnies; p. 217 (peéd., p. 182), il n'existe pas de monnaies d'argent
de Pylos; p. 226, Axos de Crète ne s'est jamais appelé Saxus^ mais
"Oa^o;, Fa6;o;, Fâço; ou "A^oç; p. 242, la monnaie citée de Mithridate
Évergcte est fausse (Th. R., Rois de Pont, p. 19); p. 243, Tryphaena
était la mère et non la femme de Polémon II ; p. 271, les monnaies à la
légende ÂBBAITQN n'appartiennent pas à Aba de Carie; p. 277, le
satrape de Carie s'appelait POONTOnATHC et non OGONTOIIATIIC;
p. 3oo, la ville à'Asia n'a jamais existé et les monnaies mentionnées
sous cette rubrique sont des pièces d'Apamée. J'ajoute que l'impres-
sion n'est pas toujours correcte ; ainsi le nom de Vercingétorix,
sur les monnaies arvernes , est transcrit VERCINGETORIS
(sic) et nous voyons (p. 208, n. i =p. 174, n. i de la i""" éd.) que
« Boeotus était fils de Neptune et de Arnès »; il faut naturellement lire
Hk
d'histoire et de. littérature 327
d'Arné. On pourrait aisément multiplier ces observations et signaler
d'autres lapsus qui, sans nuire beaucoup à l'utilité du Manuel comme
vade mecum, imposeront à ceux qui en font usage le devoir de contrô-
ler ses assertions. Tel qu'il est, cependant, avec ses qualités et ses
défauts, ce livre répond autrement bien au desideratum d'un « Mionnet
de poche» que le fantastique attrape-nigauds récem.ment publié sous ce
titre à l'étranger.
Salomon Reinach.
igy. _ Di" Phil. Rudolf Bauer. Uebei- die subjektiven -«Vendwingon in
den Altfi'anzœslBclien Karlsepen. Frankfurt a. M. und Lalir, 1889, in-8,
124 p.
La dissertation de M. Bauer, dédiée à M. le professeur Freymond,
fait honneur au maître et à Télève. M. B. étudie les tournures subjec-
tives, autrement dit les interventions personnelles de l'auteur, dans la
rédaction des chansons de geste et particulièrement dans la Chanson de
Roland. Assurément le travail n'est pas complet, mais il est cependant
très nourri, et il en résulte avec une grande évidence que les tournures
subjectives, rares dans les plus anciennes rédactions, deviennent de plus
en plus fréquentes et de plus en plus développées par une progression
constante. C'est un élément important d'appréciation pour l'ancienneté
de nos poèmes épiques et de leurs diverses rédactions.
L. C.
I
198. — ï^es Signes d'înfamîe au moyen âge, juifs, sarrasins, hérétiques,
lépreux, cagots et filles publiques, par Ulysse Robert, membre résidant de la
Société nationale des Antiquaires de France. Paris, i88g, grand in-8 de 116 p.
Tout le monde ou presque tout le monde sait que, depuis le com-
mencement du xm^ siècle, les Juifs, les Sarrasins et les hérétiques, no-
tamment les Albigeois, furent soumis à l'obligation de porter sur leurs
vêtements un signe extérieur destiné à les faire reconnaître; que, plus
tard, cette obligation fut, par une sage mesure, étendue aux lépreux,
ensuite aux cagots et autres malheureux de la même catégorie, enfin aux
filles publiques. Ce que l'on sait moins, dit M. Robert (p. i), c'est ce en
quoi consista ce signe, quelles en furent l'origine, la forme, la matière,
la couleur, les dimensions, etc. L'auteur a recherché tout cela dans les
canons des Conciles, les ordonnances des rois, les statuts municipaux,
et, pour les hérétiques, dans ce qui reste des registres de l'Inquisition.
De ces sources générales et de diverses sources particulières énumérées
soit en la page 3, soit au bas de la plupart des pages du volume, il a tiré
des renseignements aussi abondants que précis sur cette question, « éga-
lement intéressante au point de vue historique et au point de vue archéo-
logique ' ».
I. M. R. signale en termes excellents (p. 2) l'importance delà question magistrale-
ment traitée par lui : « Si l'étude des signes permet de suivre les diverses manifcs-
328 REVUE CRITIQUA
M. R. rappelle qu'en i883, il avait publié dans la Revue des études
juives, sous le tilre de Etude historique et archéologique sur la roue
des Juifs depuis le xin° siècle, lu première partie du présent travail.
N'ignorant pas que cette étude serait forcément incomplète, tant le su-
jet est vaste, il voulait, ajoute-t-il, appeler sur son essai, surtout à l'étran-
ger, l'attention des crudits qui se sont occupés de l'histoire des Juifs
dans les divers pays de l'Europe et provoquer ainsi un complément
d'informations, moyen qui lui a réussi et lui a permis de faire à son
Etude primitive d'importantes additions i. Dès la première page du
chapitre sur le signe des Juifs, nous trouvons la rectification d'une er-
reur commise dans un recueil très répandu et sur laquelle il est d'au-
tant plus utile d'appeler l'attention : « J'ai dit en commençant que
c'est au xiu^ siècle que les Juifs et, avec eux, les Sarrasins d'Occident
furent tenus d'avoir sur leurs vêtements un signe distinctif. M. Chéruel,
qui s'est occupé incidemment de la question ~, fait remonter cette obli-
gation au xn^ siècle-, selon lui, lorsque le pape Innocent II fit son en-
trée solennelle à Saint-Denis, le i5 avril ii3o, les Juifs seraient venus
lui offrir une rouelle. Mais M. Chéruel a mal interprété le passage de
la vie de Louis le Gros par Suger 3; il a confondu le rouleau de la loi,
l'Ancien Testament, avec la rouelle dont il sera longuement parlé ci-
après 4.
talions de l'esprit public contre quelques-uns de ces infortunés mis, souvent sans
raison, au ban de la société, elle peut fournir à l'archéologue et à l'érudit des indi-
ces presque sûrs pour déterminer la date et l'origine des monuments figurés où sont
représentés des personnages avec un signe. »
1. Encouragé par ces heureux résultats. M. R. adresse (p. 3) un nouvel appel aux
savants de tous pays : « J'ai tâché, autant qu'il était en mon pouvoir, de compléter
par mes recherches personnelles [en ce qui concerne le signe des hérétiques, celui
des cagols et caqueux, celui des filles publiques] les travaux des érudits dont je viens
de citer les noms [Charles Molinier, Bernard Gui (édition du chanoine Douais), Fran-
cisque Michel, Rabutaux et Paul Lacroix], mais, malgré les résultats acquis, la
somme des lacunes restera encore trop considérable. J'accueillerai avec la plus vive
reconnaissance tous les renseignements qui me permettraient de les combler. »
2. Dictionnaire historique des institutions, mœurs et coutumes de la France, t. IL
p. 629, V" Juifs.
3. Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. XII, p. 58.
4. Parmi les autres rectifications indiquons, celles-ci : « Je ne sais ce qui a autorisé
Pasquier à dire que les Juifs avaient jadis eu sur l'épaule une rouelle ou platine d'é-
tain » (p. 12). — « La ceinture dorée, dont on oarle beaucoup, n'est pas un signe;
c'est une parure que prirent d'elles-mêmes les filles publiques; on ne la leur imposa
pas » (p. 108). — « Si les statuts relatifs à l'établissement d'une maison de to-
lérance à Avignon ne sont pas apocryphes. — Je crois c[u'ils le sont, [et moi aussi je
le crois et très fermement et j'ajoute qu'ils ont été rédigés au xyiii*^ s. par un mystifi-
cateur] c'est la reine Jeanne de Naples, comtesse de Provence, qui aurait imposé le
signe [une aiguillette rouge sur l'épaule] aux filles publiques d'Avignon, en 1347...
(p. 109). A propos d'aiguillette, M. R. cite (p. ii3;, d'après Sabatier (Histoire de la
législation sur les femmes publiques et les lieux de débauches), une coutume qui exis-
tait à Beaucaire. On avait établi, dit-il, « dans cette ville des courses de prostituées,
qui avaient lieu la veille de la fameuse foire, A celle qui la première avait atteint le
™
D^HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 829
Les chapitres sur le signe des Sarrasins et des hérétiques du ynidi de
la France, sur les signes des lépreux, cagots, caqueux, etc., sur le si-
gne des Jî II es publiques, ne sont pas moins nourris que le chapitre sur le
signe des Juifs. Même parfaite méthode, même vaste érudition, même
sûre critique, même netteté d'exposition. Si l'on tient compte à la fois
des particularités très curieuses éparses dans tous ces chapitres et des
renseignements minutieusement exacts, et en grande partie nouveaux,
qui en forment le fond, on peut en toute vérité appliquer au mémoire
de M. R. la vieille formule : lecture aussi agréable qu'instructive.
A ces éloges mêlerai-je quelques-unes de ces observations qui mon-
trent encore mieux que les plus justes éloges, l'estime que nous inspire
un remarquable travail? J'aurais eu deux petites querelles à chercher à
M, Robert : Tune au sujet de son explication de l'origine de la rouelle
des Juifs (p. 69), Tautre au sujet de certaines indications qui manquent
au dernier chapitre (p. 107-11 5). Mais comment adresser, en ces deux
cas, le moindre reproche à un homme qui, d'une part, présente ses con-
jectures avec tant de réserve et de modestie ^ et qui, d'autre part, s'ex-
cuse ainsi de n'avoir pas donné plus de développements à une série de
rapprochements parmi lesquels il n'eût eu que Tembarras du choix
(p. 116) : « Tels sont les renseignements que j'ai pu recueillir sur le
signe des filles publiques. Ils sont forcément incomplets, je le sais, parce
que le champ d'explication est vaste, beaucoup plus encore que pour
les Juifs, les hérétiques, les lépreux et les cagots. Ce qui est de nature à
atténuer le regret que l'on pourrait en éprouver, c'est que le sujet n'est
pas de ceux qui passionnent tout le monde, de ceux que l'on étudie
pour eux-mêmes. »
T. DE L.
199. — (Bulletino dell' Isiituto Storico Italiano, fasc. 8). Gaudenzi, Gli statuti
delle società délie armi del popolo di Bologna.
200. — V. de Bartholomaerfs, Ricerche Abruzzesi. Un vol. in-8 de lyS pp.
Rome, Palazzo dei Lincei (sede dell' Isiituto), 1889. 3 Fr. 5o.
La remarquable collection publiée par l'Institut historique italien,
sous le titre de Bulletino et sous forme de fascicules d'importance iné-
gale, contenant chacun un ou plusieurs mémoires, vient de s'enrichir
de deux travaux très intéressants qui en composent le fascicule n° VIII.
i°(P. I à 74), M. Gaudenzi, qui a entrepris de publier dans l'autre col-
lection de l'Institut [Fonti per la storia), les Statuti delle Società del
but on donnait en prix un paquet d'aiguillettes. C'est de cet usage que proviendrait
le proverbe appliqué aux femmes de mœurs légères : courir l'aiguillette. » J'en de-
mande bien pardon à Sabatier, mais je ne crois ni à l'étymologie, ni à l'anecdocte.
I. tt Je terminerai cette étude en exprimant — mais bien timidement, je l'a-
voue, — l'opinion que la roue peut être considérée comme la représentation d'une
pièce de monnaie, allusion à l'âpreté des Juifs pour le gain ou au prix de trente de-
niers que Judas reçut pour livrer le Christ. »
33o REVUE CRITIQUE
popolo di Bologna (dont le premier volume, Società délie annî, 464 p.,
a déjà paru), donne ici une importante contribution à l'histoire des
compagnies d'armes, qu'il appelle justement « une des institutions les
plus importantes et les moins étudiées des communes du moyen âge,
surtout dans P Italie centrale ». Après avoir sommairement exposé et
réfuté, avec raison, l'opinion qui rattache l'origine de ces sociétés mili-
taires à un reste d'institutions byzantines (hypothèse vraiment improba-
ble, puisque les Società délie anni n'apparaissent qu'au début du
xui' siècle), et émis timidement Popinion que les sociétés de Bologne se
rattachent à celles de Rome et de Ravenne, M. G. essaye de fixer la date
de la formation de ces Società : il démontre que les textes de la Cro-
naca miscella, de la Cronaca Rampona, qui la fixent à 1 174, s'appli-
quent soit à la ligue lombarde (Societas Lombardie^ et non à la société
des Lombards f Societas Lombard arum), soit encore aux Società délie
arti; il la place à une époque antérieure à i23i, et probablement après
le soulèvement de 1228, après lequel les Bolonais /ecero moite cose
contro i iiobili. M. G. donne ensuite, d'après les catalogues de 1260 et
1262, les noms des Società délie armi, leur distribution par quartiers,
explique pourquoi la population bolonaise, déjà divisée en Società délie
arti, se divisa, pour organiser sa défense militaire, en nouvelles com-
pagnies (p. 23), donne des détails particuliers sur la formation des Lom-
bardi et des Toschi. L'exposé de l'organisation et du programme de
ces sociétés est fait, avec un peu de confusion, p. 33-39; P^is M. G.
expose la révolution interne de ces compagnies qui, aristocratiques à
l'origine et peut-être, au moins quelques-unes, fermées aux popolani,
deviennent démocratiques (vers i256). (Cet exposé n'est pas fait avec
assez de méthode, et il aurait fallu en marquer plus nettement Pimpor-
tanc:.) 11 indique ensuite comment les ^Soc/e^^ délie armi et celles délie
arti s'associèrent deux à deux, et conclut en disant qu'« au xiii^ et au
xiv^ siècle leur histoire est l'histoire même de Bologne ». Les pages 44
à 5o sont occupées par une longue et subtile discussion de la date
approximative de la disparition de ces sociétés, qui a eu lieu peu à peu
plutôt que par une loi de suppression : leur disparition devait être
achevée à la fin du xiv* siècle. Les pages 5o à 74 sont consacrées à des
recherches sur les manuscrits des statuts de ces sociétés. — L'historien
des communes italiennes au moyen âge aura beaucoup à profiter de
cette excellente étude.
7° Pp. 75 à 173, sous le titre de Ricerche Abruzezzi, M. de Bartholo-
meis expose les résultats de diverses recherches dans les bibliothèques
de Rome et de l'Italie méridionale, et fait connaître des manuscrits et
des documents d'histoire littéraire importants. Pages 77-1 17, il donne
la description de 61 manuscrits provenant de Giovanni da Capistrano,
contenant des œuvres théologiques et des poésies en vulgaire (publie des
laudes attribuées à Jacopone da Todi). Pages 126 à iSg, ii publie
d'après le Ms. Corsin, <43 B 3i > une Passio D. N. J.-C. en vulgaire,
4
d'histoire et de littérature 33 I
d'après le Neap. XII, D. 59, des Sermoni semi drammatici des Abruz-
zes, et d'après des parchemins de l'Archivio Capitolare de Sulmona, au
revers desquels il est conservé, un Responsorium seu versi per la pas-
sione de J.-C, véritable mystère. Tous ces documents sont très impor-
tants pour l'histoire des origines du drame sacré en Italie.
LéonG. Pélissier.
201. — l,a Réforme de l*Ortliograplie française, par Michel BrÉAL,
membre de l'Institut. Paris, Hachette, 1890, In-12, 63 p. Prix: i fr.
On trouvera dans ce petit livre beaucoup d'esprit allié à un bon sens
exquis. Je ne sais ce qu'en penseront les réformateurs intransigeants de
l'alphabet et de l'orthographe, mais il pourrait bien se faire qu'ils fus-
sent plus découragés par les traits malicieux dont les crible M. Bréal
que par les arguments sérieux qu'il leur oppose. Ce n'est pas assez de
leur dire que notre langue sortirait tout à fait défigurée de leurs mains,
il leur montre encore que « si on les écoutait, ils nous feraient perdre
le bénéfice de vingt-cinq siècles de culture ». Se figure-t-on bien ce que
deviendraient les vers de Corneille et de Victor Hugo, la prose de Pas-
cal ou de Bossuet, traduite par cette phonographie ou ce phonétisme
dont M. B. nous donne quelques plaisants échantillons? Le système
du grammairien Meigret était la limpidité même si on le compare aux
caJigineuses inventions de ces barbares qui a feraient du français une
sorte de conglomérat fossile où les seuls linguistes pourraient encore
démêler les mots et découvrir la trace d'une ancienne grammaire ».
Laissons-les poursuivre leurs chimères en l'air; ils finiront par ne plus
s'entendre eux-mêmes, comme ceux qui, il y a peu de teinps encore,
essayaient de faire du Volapuk la langue universelle.
Les néographes sont plus raisonnables : ils veulent seulement simpli-
fier notre système d'écriture. Mais s'ils sont d'accord pour démolir, ils
ne le sont plus dès qu'il s'agit de reconstruire. Les améliorations qu'ils
rêvent ne se feront, si toutefois elles se font, qu'avec une grande len-
teur et d'une manière imperceptible. Le romancier Balzac a dit qu'on
ferait plutôt en France dix révolutions que de changer la forme des
chapeaux : de même avant qu'on écrive démocracie, iniciacion, no-
cion, comme le voulait Ambroise-Firmin Didot, ou sosieté, obéisanse,
comme le proposait le regretté Darmesteter, plus de dix générations
peut-être auront disparu. La raison principale en est, dit M. B.,
« qu'à l'envers de ce qui se passe en politique, il y a fatalement des
divergences dans le parti du changement, au lieu que celui de la con-
servation présente la plus complète unité ». Ajoutez à cela que nous
avons une admirable littérature classique, dont nous sommes juste-
ment fiers : c'est un patrimoine que nous ne vouions ni entamer, ni
gâter, et auquel, en somme, nous avons raison de tenir.
M, Bréal n'est pas cependant l'ennemi déclaré de toute réforme : ce
332 REVUE CRITIQUE
qu'il conseille, c'est de ne pas en demander beaucoup à la fois, et de ne
pas a exhiber tout un programme. » Les règles des participes ayant été
embrouillées à plaisir par les iirammairiens, il laisserait toute liberté
pour les phrases comme : « La maison que j'ai vu construire ou la
maison que f ai vue tomber ». L'invariabilité du participe avec en lui
paraît meilleure, mais là encore il permet le choix, au risque de s'ex-
poser à l'indignation du maître d'école. Il ne s'opposerait pas qu'on
enlevât aux mots populaires les lettres doubles qui ne se prononcent
pas : on pourrait donc écrire, sans être refusé aux examens, home, ho-
neur, anée, acorder, aporter, etc. Je suis convaincu qu'il regarde
comme une belle chinoiserie la règle qui impose d'orthographier abatis
et abattre, dissonance et consommnce, charrette et chariot, etc. Il in-
siste peu sur les mots tirés du grec, où nous abusons depuis le xvi^ siè-
cle des lettres inutiles, mais il nous fait comprendre que l'Académie ne
peut pas enregistrer fîsique, rododendron, misantropie, ojtalmie, etc.,
avant que ces formes soient autorisées par une génération d'écrivains.
L'Académie n'a pas un pouvoir souverain, c'est ce qu'on oublie trop :
elle est simplement, comme on l'a dit, la grefïière de l'usage. Tout le
monde lira avec intérêt ces pages toutes pleines des idées les plus sages
et les plus philosophiques, écrites par un homme dont l'autorité en
linguistique est universellement connue, mais c'est à ceux qui entre-
prennent de révolutionner tout d'un coup notre orthographe et notre
système d'écriture, que je conseille surtout de les méditer. Ce passage
les frappera comme il m'a frappé moi-même : « Un mot n'est pas un
assemblage de lettres, c'est une manière d'hiéroglyphe qui représente
directement l'idée. Il nous rappelle nos premières lectures, nos premiè-
res émotions, et plus le groupement de lettres qui le forme est singulier
et rare, plus l'idée qu'il éveille semble avoir de distinction. » Ces sortes
de mots peuvent, comme toutes choses, disparaître après de longs siè-
cles, mais ils meurent sans avoir été détériorés.
A. Delboulle.
^
202. — Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France.
Paris, Pion, iSSS-iSgo, 22 volumes in-8.
La rédaction d'un catalogue général des manuscrits des bibliothèques
publiques est assurément l'une des oeuvres les plus utiles que puisse se i
proposer un gouvernement soucieux de la culture intellectuelle de la
nation et des hautes études en général. Il s'agit, en effet, de rendre
accessibles aux érudits et aux lettrés nationaux et étrangers de riches
trésors enfouis dans des dépôts où bien souvent rien ne révèle leur pré-
sence et où ils demeurent sans profit aucun et, de plus, exposés à des
dangers sur lesquels la triste affaire Libri nous dispense d'insister.
Deux grands ministres, qui furent aussi des historiens éminents,
Guizot et Villemain, comprirent l'importance et l'intérêt d'une telle
D'HISTOrRE ET DE LITTÉRATURE 333
entreprise, et c'est leur honneur à tous deux d'en avoir tracé le plan et
commencé l'exécution. Le dernier surtout, par la publication qu'il
décréta, en 1841, du catalogue général des manuscrits des départements,
a bien mérité des études littéraires et son nom restera attaché à ce pre-
mier essai d'inventaire de nos richesses manuscrites qui a rendu déjà de
précieux services et en rendra encore. Malheureusement, il était plus
facile de décréter la rédaction d'un catalogue que d'en assurer la publi-
cation. En 1841, les personnes capables de déchiffrer et de décrire
comme il convient des manuscrits anciens étaient rares en France, et
l'École des Chartes, fondée en 1821, n'avait pas encore fourni en nombre
suffisant des paléographes exercés et des érudits versés dans la connais-
sance de l'histoire nationale et de l'histoire littéraire. Aussi la collection
in-4°, comme on nomme de coutume le catalogue institué par Villemain
et continué sous les trois régimes qui ont succédé au gouvernement de
Juillet, la collection in-4° est-elle de valeur très inégale. Plusieurs cata-
logues de cette collection demanderaient aujourd'hui à être sinon entiè-
rement refaits, du moins rectifiés et complétés — et il en est qui l'ont
été comme celui de la bibliothèque de Saint-Omer ' — d'autres sont
estimables, et le dernier, œuvre de M. Auguste Molinier, excellent.
Le recueil in-4°, commencé en 1849 ^^ terminé en i885, compte
sept volumes qui renferment l'inventaire descriptif et raisonné des
bibliothèques suivantes: Autun, Laon, Montpellier, Albi (t. I"^', 1849);
Troyes (t. II, i855); Saint-Omer, Épinal, Saint-Dié, Saint-Mihiel,
Schlestadt (t. III, 1861); Arras, Avranches, Boulogne (t. IV, 1872);
Metz, Verdun, Charleville (t. V, 1879); Douai (t. VI, 1878); Toulouse
et Nîmes (i885. En tout, dix-neuf bibliothèques et trente-six années de
travail. A ce compte, il eût fallu plusieurs siècles pour venir à bout de
la collection.
Évidemment, l'entreprise languissait, faute de direction active, faute
surtout de collaborateurs instruits et rompus à ce genre de labeur si
difficile ei si délicat. Il devenait urgent d'aviser et, à la fois, de remédier
à l'extrême lenteur de la publication officielle et de seconder d'une
manière efficace les efforts tentés par quelques villes de province pour
répandre la connaissance de leurs collections manuscrites, sur une
partie desquelles l'État revendique un droit incontestable de propriété.
Déjà un zélé bibliographe, aujourd'hui inspecteur général des archives
et des bibliothèques, M. Ulysse Robert, avait entrepris de subvenir en
quelque mesure aux désirs et au-^ besoins des érudits par la publication
d'un Inventaire sommaire des manuscrits des bibliothèques de France,
dont les catalogues n'ont pas été imprimés. Cet inventaire, dont trois
fascicules ont été publiés de 1879 à 1882, contient le recensement et la
description très sommaire de cent cinquante-deux collections de manus-
crits conservés dans nos départements et, en outre, la liste des ouvrages
I. Voy., dans la Revue critique du i5 novembre 1873, l'aïUcle instructif de M. A.
Giry.
33 I REVUE CRITIQUE
manuscriis du si riche et si précieux dépôt de l'Arsenal à Paris.
L'impulsion étant donnée, on pouvait espérer que TEtat interviendrait
utilement et énergiquement en accordant les crédits nécessaires à la
confection de nouveaux et nombreux catalogues et en chargeant de ce
grand travail bibliographique les plus dignes de le mener à bonne fin.
C'est heureusement ce qui eut lieu en 1884. Grâce à l'esprit d'initiative
de M. Xavier Charmes, directeur du secrétariat au Ministère de l'Ins-
truction publique, qui sut obtenir des Chambres une subvention suffi-
sante et sut organiser, d'après un nouveau plan, les travaux du Catalo-
gue général des manuscrits, l'affaire fut remise en bonne voie et nous
la voyons maintenant marcher avec une activité surprenante et de fort
bon augure.
Deux modifications devaient être apportées à l'ancien catalogue, l'une
de forme, l'autre de fond. Il convenait d'abord de substituer à l'ancien
et incommode format in-40, le format plus maniable et moins coûteux
de l'in-S"; il convenait surtout de mettre de l'uniformité dans la rédac-
tion des notices de manuscrits, de contraindre les collaborateurs de
l'œuvre à n'être ni trop longs ni trop brefs, tout en donnant les rensei-
gnements vraiment utiles, et de les soumettre à certaines règles bien
précises sinon absolument immuables.
Le soin de rédiger les instructions du nouveau catalogue fut confié à
une commission qui, s'inspirant des conseils donnés par M. Léopold
Delisie, dès iSjS, dans une brochure intitulée : Note sur le catalogue
général des manuscrits des bibliothèques des départements, détermina
avec une très grande netteté les principes qui doivent guider les auteurs
de catalogues et leur proposa un certain nombre de modèles de notices'.
M. Ulysse Robert reçut la mission de diriger et de contrôler tous les
travaux relati.f's à la nouvelle collection in-8°.
Ainsi est né, en 18S4, le Catalogue général des manuscrits des
bibliothèques publiques de France, destiné à contenir, non seulement la!
description des manuscrits des départements, mais encore ceux des
bibliothèques de Paris (la Bibliothèque nationale exceptée, qui opère d^
son côté) et ceux qui se trouvent dans les archives de Paris ou de^
départements. '
Restait à trouver des collaborateurs. L'École des Chartes, dont l'en-
seignement s'était depuis bien des années fortifié et élargi, pouvait en
donner maintenant et des plus aptes à s'acquitter très heureusement dff'
cette tâche. Parmi ses anciens élèves, l'un était tout désigné d'avance
par sa solide érudition historique et littéraire aussi bien que par sa col-
laboration au catalogue in-40. Nous entendons parler naturellement de
M. Auguste Molinier. En même temps, le Ministère de l'Instruction
publique put s'assurer le concours d'un jeune savant, fort connu déjà et
par ses études grecques et par ses excellents travaux de bibliographie,
I, Note sur la rédaction des catalogues de manuscrits. Paris, 18^4, in-S" dej
20 pages.
1
d'histoire et de littérature 335
M. Henri Omont, de la Bibliothèque nationale. Ces deux érudits ont
admirablement répondu aux espérances qu'on était en droit de fonder
sur leur zèle et leur mérite. A eux seuls, ils ont rédigé plus des deux
tiers des catalogues imprimés Jusqu'à ce jour, et nous n'étonnerons per-
sonne en disant qu'ils ont choisi les morceaux les plus difficiles. La
Mazarine, Rouen, Chartres, Dijon, etc., les bibliothèques les plus riches
en manuscrits anciens et dont la description ne peut être bien faite que
par d'experts bibliographes, tous ces dépôts ont été explorés par MM.
Molinier et Omont, et c'est à eux qu'on doit maintenant de connaître
avec exactitude et par le menu ce qu'ils renferment d'intéressant. D'au-
tres élèves de l'École et, dans le nombre, des bibliothécaires de Paris, des
archivistes départementaux ou des professeurs de l'enseignement supé-
rieur ont été également associés à l'entreprise. Ce sont, à Paris, tout
d'abord M. Henri Martin, qui a dressé à lui seul le catalogue de l'Ar-
senal dont cinq volumes ont paru, MM. Bougenot, Couderc, Coyec-
que, Stein; en province, le regretté Léon Cadier, MM. P. Fournier,
J. de Fréminville, Gauthier, Lex, Musset, Prudhomme, et d'autres que
nous oublions sans doute. Parmi les plus jeunes, plusieurs ont travaillé
sous la direction et le contrôle de MM. Molinier et Omont.
A cette phalange d'élite, le Ministère a pensé avec raison qu'il con-
venait d'adjoindre quelques bibliothécaires de province dont les capa-
cités lui étaient connues et avaient été dans d'autres occasions mises à
J'e'preuve. Ces fonctionnaires départementaux ont prêté un très utile
concours à MM. Molinier et Omont, quelques-uns ont travaillé seuls
et montré qu'ils n'étaient pas indignes de faire au public érudit les hon-
neurs des dépôts confiés à leur garde.
Voici, à l'heure présente, l'état du Catalogue général des manuscrits.
Paris, Margarine, par M. Auguste Molinier, t. I^rà III (1885-1890).
— Arsenal, par M. Henri Martin, t. I^fà V (iSSS-iSSg).
Départements. Tome Ier(i886). Rouen, par M. Henri Omont. —
Tome II (1888). Rouen (suite et fin), par M. H. Omont; Dieppe, par
M. Ch. Paray : Eu, Fécamp, Elbeuf, Gournay-en-Brajy, par M. H.
Omont; Le Havre, par M. J, Bailliard; Neufchâtel-en-Bray, par
M. Ernest Coyecque; Bernay, Conches, Gisors, Louviers, Verneuil,
Evreux, Alençon, par M. H. Omont ; Montivilliers, par M. E. Coyec-
que. — Tome III (i885). Chalons-sur-Marne, Soissons, Saint-Quen-
tin, Provins, Meaux, Melun, Noyon et Corbeil, par M. A. Molinier;
Moulins, Beauvais et Vendôme, par M. H. Omont; Ajaccio, par M.
A. Touranjon; Agen, par M. G. Tholin ; Gap, par M. J. Roman;
Bourbourg, par M. C. Couderc. — Tome IV (1886). Bourges, par M.
H. Omont; Issoudun, Brive, Guéret, Clamecy, Bourmont, Àpi, par
M. J. de Fréminville ; Brioude et Auch, par M. Cadier ; Chdtellerault,
Dinan, Saint-Amand, par M. Bougenot; Nancy, par M. Favier ; Aire-
sur-la-Lys, Béthune, Calais, Saint-Pol et Hesdin, par M. H. Lori-
qiiet ; Roubaix, par M. Th Leuridan ; Privas, par M. Massip : Laval,
336 REVUE CRITIQUE
par M. Ochlert; Mende, par M. André. — Tome V (1889]. Dijon, par
MM. Molinier, Oniont, Bougenot et Guignard. — Tome VI (1887).
Aiixe7're, Tonnerre, Avallon, Joigny, Sens, palais de Fontainebleau,
Nemours, Beaune, Semiir, par M. A. Molinier; Bourg-, JSantua, Tré-
voux et Pont-de-Vaux, par M. Brossard ; Chatillon-sur-Seine, par M.
V. Croix ; Auxonne, Gray, Vesoul et Bawne-les-Dames, par M, J.
Gauthier; Aiitun, Charolles et Chalon-sur-Saône, par M. Bougenot;
Cluny, Mdconet Tour nus, par M. Lex. — Tome VII (1889). Grenoble,
par MM. P. Fournier, E. Maignien et A. Prudliomme. — Tome VIII
{1889). La Rochelle, par M. G. Musset. — Tome IX (1888). Salins, par
M. Coste ; Lure, par M. Arnoux ; Pontarlier, par M. J. Gauthier;
Pau ei j:alais de Pau, par M. Soulice ; Bayonne, Narbonne, Péri-
gueux, Châteauroux, par M. L. Cadier; La Ferté-Bernard, par M.
Duchemin; Digne, par M. Chaspoul ; Dreux, Aurillac, Cahors,
Rode\, par M. Couderc ; Saint-Germain-en-Laye, Pontoise, Versail-
les, par MM. E. Delerot et A. Taphanel ; Lagny, Coulommiers, Hyè-
res, Corte et Bastia, par M. J. de Fréminville ; Abbeville, par M. A.
Ledieu ; Villeneuve-sur-Yonne, Limoges^ par M. L. Guibert; Mire-
court. — Tome X (1889). Avranches, Coutances, Valognes ei Lisieux,
par M. H. Omont; Cherbourg, par M. Amiot; Bayeux, Falaise,
Fiers, Honfleur et Pont-Audemer, par M. E. Coyecque; Condé-sur-
Noireau, Dovifront, Argentan, Saint-Lô, Mortain, Bayeux (chapitre),
par M. E. Deslandes; Vire, par M. C.-A. Fédérique. — Tome XI
(1889). Chartres, par MM. Omont, Molinier, Couderc et Coyecque.
— Tome XII (1889). Orléans, par M. Ch. Cuissard, sous-bibliothécaire
de la ville. — Catalogue des manuscrits grecs des départements [\^%Çi),
par M. Omont.
Archives. Catalogue des manuscrits conservés dans les dépôts d'ar-
chives départementales, communales et hospitalières (1886), par les
archivistes des départements.
Le Catalogue général, outre qu'il comblera le vœu des érudits, pré-
sentera encore un autre avantage : il réveillera le zèle fort endormi des
administrations municipales pour leurs collections bibliographiques en
leur en révélant la valeur. Nous ne sommes pas de ceux qui désirent
que l'Etat, usant de ses droits, dépouille les villes de province d'une
partie de leurs manuscrits les plus précieux et les verse dans l'océan de
la Bibliothèque nationale; mais nous nous permettons d'exprimer le
vœu que ces villes organisent le service de leurs bibliothèques tout autre-
ment qu'il ne l'a été jusqu'ici, qu'elles le prennent au sérieux et le trai-
tent aussi bien, si possible, que le service de la voirie ou des pompes
funèbres. Et il ne suffit pas de placer les manuscrits dans des locaux
convenables et de les défendre contre les voleurs, il faut encore en assu-
rer et très libéralement la communication à quiconque peut avoir à s'en
servir; il faut que MM. les bibliothécaires balayent leur dépôt, ce qui
est très louable, mais sachent aussi ce qu'ils gardent et n'accueillent pas
I
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 337
le visiteur sérieux comme un ennemi ou un gêneur; il faut surtout
qu'ils soient le moins possible atteints d'à absentéisme », ouvrent et fer-
ment la maison à époques fixes, afin de ne pas causer à ceux qui vien-
nent de loin des dérangements inutiles, « Dans combien de bibliothè-
ques n'avons-nous pas été témoin de choses lamentables ou grotesques »,
disait naguère, à propos de nos établissements de province, un savant
considérable et animé de Tesprit le plus conciliant i. La remarque n'est
que trop vraie, et qui de nous n'a fait plus ou moins la même expé-
rience? Sans doute, l'érudit national finit presque toujours par triom-
pher de l'incurie ou de la mauvaise volonté de ces fonctionnaires; il
« fait agir », se remue et entre par la petite porte quand on lui ferme la
grande. Mais l'étranger? Celui-là n'insiste guère; il s'en va en mau-
gréant et en maudissant notre administration départementale.
Les sacrifices considérables que l'Etat est en train de faire par la
publication du Catalogue général, contribueront, espérons-le du moins,
à améliorer cet état de choses regrettable et qui n'a que trop duré; ce
ne sera pas un des moins heureux résultats de cette si utile entreprise.
F.
CHRONIQUE
FRANCE. — Un de nos lecteurs nous signale une amusante « coquille » du Jour-
nal des Débats (g avril) qui, se souvenant du rôle d'Eckermann auprès de Gœthe, ap-
pelle trois fois de suite Jules Toubat, le secrétaire de Sainte-Beuve, VErckmann de
la rue Montparnasse. Soit. Mais que dira le pauvre Chatrian?
— M. Louis Léger, professeur au Collège de France, vient de publier à la librai-
rie Hachette (In-S", XIV et 346 p., 3 fr.) un volume intitulé Russes et Slaves, étu-
des politiques et littéraires. Voici les titres de ces études : Les Slaves et la civilisa-
tion ; La formation de la nationalité russe; Les débats de la littérature russe; La
femme et la société russe au xvi« siècle; Les premières ambassades russes à l'étran-
ger; La Bulgarie inconnue; Le peuple serbe; Jean Kollar et la poésie panslaviste
au XIX» siècle. Nous reviendrons prochainement sur ce volume intéressant et curieux.
— Voici de nouvelles et instructives études du prince Roland Bonaparte : 1° un
résumé de la conférence qu'il a faite à Genève le 25 janvier 1889, sur la Laponie
et la Corse (tiré à part du « Globe », février 1889); 1° une étude sur Le glacier de
VAletsch et le lac de Mœrjelen; le glacier de l'Aletsch qui a environ 16 kilomètres
de long, est le plus grand des Alpes, et le lac de Masrjelen se trouve juste au pied de
l'Eggishorn à l'altitude de 2,367 mètres; 3° un travail sur Le premier établissement
des Néerlandais à Maurice. Ce travail, très intéressant, accompagné de planches et
de pièces justificatives en grand nombre, trace d'une façon minutieuse les relations
des Néerlandais avec Maurice; l'Ile de France, dit le prince Roland Bonaparte « attire
toujours l'attention des personnes qui étudient l'histoire des anciens navigateurs
allant d'Europe aux Indes, en doublant le cap de Bonne-Espérance. Sans doute l'at-
traction qu'exerce l'Ile de France sur notre esprit, est due en partie à nos littéra-
teurs qui en ont fait les charmants tableaux que tout le monde connaît. Mais cette
1. Voy. Bulletin critique du i^'' décembre 1889.
338 RKVUE CRITIQUE
île, perle de la mer des Indes, n'esl-cllc pas encore habitée par des hommes parlant
notre langue, qui sont les descendants des héros de nos grandes guerres mari-
times ». Le prince Roland prépare une édition critique des voyages de Tasman.
— Notre infatigable et savant collaborateur Tamizey de Larroque vient encore de
nous donner une de ces plaquettes qu'on lit avec tant de profit et d'agrément.
Elle a pour titre ; Une petite gerbe de billets inédits (Paris, Techener, i8go. In-iS»,
24 p.). On y trouve des lettres adressées : 1° au neveu de Beaumarchais, Raguet-
Lépine; 2° au lils -de ce dernier qui fut, sous le règne de Louis-Philippe, député et
pair de France. La première série contient des billets de Beaumarchais, et la
seconde des billets de Guizot; « les petites pages écrites par le plus spirituel des
intrigants du xviiie siècle seront ainsi rapprochées des petites pages écrites parle plus
austère des hommes d'état du xix^ siècle. » Signalons encore une lettre du général
Husson, un billet du doux Grétry, un autre billet laconique du patriote italien Ser-
belloni, une lettre du peintre-archéologue Houel. Tous ces documents sont annotés
avec autant d'esprit que de savoir, et nos lecteurs féliciteront avec nous M. Tamizey
de Larroque d'avoir fait encore une si belle et fructueuse moisson de documents.
— Le Manuel pratique et bibliographique du correcteur que vient de publier
M. J. Leforestier (Quantin, i franc) est une plaquette aussi utile qu'élégante. On y
trouve, avec les signes de correction, la description des opérations du correcteur, un
traité de ponctuation, des remarques sur l'emploi des majuscules et des abréviations,
une bibliographie des traités de typographie. La préface est intéressante et renferme
de curieux détails sur les coquilles.
— M. deCharencey, va publier très prochainement dans les .(4ciesrfe laSociété phi-
lologique un vocabulaire étymologique du dialecte bas-navarrais du basque, ouvrage
qu'il a commencé dspuis longtemps. Il s'efforce d'établir que la majorité des mots
de la langue basque actuelle est empruntée aux langues latines.
— La Société des études historiques a choisi le sujet du concours Raymond (prix
de mille francs à décerner en 1S92). Les concurrents devront étudier les lettres de
cachet dans une province, une généralité ou une intendance de l'ancienne France,
d'après les documents d'arciiives publiques ou privées. Il devront étudier le rôle que
ces actes ont joué dans la vie de famille de nos ancêtres. Les mémoires manuscrits
devront être déposés le 3i décembre 1891, au secrétariat, rue Garancière, 6.
ALLEMAGNE. — Une nouvelle revue, la Zeitschrift fur Psychologie und Phy-
siologie der Sinnesorgane, paraît à Hambourg et à Leipzig, chez Léopold Voss (six
fascicules par an i5 mark): directeurs, MM. Herm. Ebbinghaus et Arthur Kœnig;,
collaborateurs, MM. H. Aubert, S. Exner, H. von Helmholtz, E. Hering, J. von
Kries, Th. Lipps, G.-E. Mûller, W. Preyer, G. Stumpf.
— La librairie Scliœningh, de Paderborn, publie, depuis le mois de février, par
livraisons, un Lateinisch-romanisches Wœrterbuch, par M. Gustave Kœrting. L'ou-
vrage aura neuf livraisons environ (chaque livraison, au prix de 2 mark).
— Le Jahresbericht du c< Nicolaigymnasium •>■> de Leipzig (1890), contient un tra-
vail de M. Joh. Baunack, Aus Epidauros, eine epigraphische Studie (20 p. in-4").
M. Baunack y présente une série d'observations sur les inscriptions d'Epidaure pu-
bliées en i883-i885, par P. Kavvadias dans r'Eyvî/iepf? àpy^onoloyiy.ri. Un nouvel exa-
men des originaux lui a permis de rectifier dans un bon nombre de cas les lectures
du premier éditeur.
— MM. Ernst Martin et H. Lienhart préparent un Idioiikon alsacien dont la pri
mière livraison paraîtra prochainement.
— Une collection de monuments de la littérature latine du xv'^ et du xvi« siècle
(œuvres de J'humanisme et de la Réforme, vers et prose) va paraître par les soins
1
d'histoire et de littérature 339
de MM. Max Herrmann et Szamatolski, avec la collaboration de MM. WeixuOld,
Erich ScHMiDT, Geiger, Bolte, Ellinger.
— Le grand État-major général de Berlin publie un important ouvrage sur les
guerres de Frédéric II {Die Kriege Friedrichs des Gvossen), L'ouvrage aura plusieurs
volumes.
— M. Bernhard Volz fera prochainement paraître une histoire de l'Allemagne au
xix* siècle (de la paix de Lunéville à la mort de Guilaume I'^'').
— Le 21 mars est mort à Berlin, à l'âge de 77 ans, Victor Hehn, auteur de Italien
qui a eu trois éditions, de Cultur-pjlan-^en und Haiisthiere qui en a eu cinq, de Ge-
dankenûber Gœthe qui en a eu deux. Hehn a été aussi collaborateur du Gœthe-Jahr-
bucli (tomes VI et VIII). Il était sujet russe et dirigea longtemps la bibliothèque de
Saint-Pétersbourg.
— Sujets proposés parla société Jablonowski, de Leipzig : pour 1890, Darstellung
der Entwickelung welche der Gewevbjleiss in Païen seit dem Aufhœren der polnis-
chen Nationalselbstcendigkeit gehabt hat (1000 mark); pour 1891, Darstellung des
griechischen Genossenschafts-und Vereinswesens auf Grund der schriftstellerisdien
11. bes. der inschriftl. Qiiellen, welche ebenso sehr die Arten u. die Organisation der
Genossenschaften, wie ihre ^^eitliche u. rœumliche Entwickelung beriicksischtigt
(1000 mark); pour 1892, Geschichte der Colonisation u. Germanisierung der Wet-
tinischen Lande (jooo mark); pour iSgS : Kritische Uebersicht iiber die allmœhli-
che Einfiihrung der deutschen Sprache in œffentlichen u. privaten Urkunden bis um
die Milte des XIV Jahrhunderis (1000 mark).
GRÈCE. — Parmi les ouvrages récemment parus, nous signalons les suivants :
1" L'Hésiode, faisant partie de la bibliothèque Zographos, par M. Sittl, préface et
notes en grec moderne. C'est le 3° volume de la bibliothèque. Les deux autres sont
VAntigone de Sophocle par M. Sémitélos et les Phéniciennes d'Euripide, par
M. D. Eernardakis ; 2° un ouvrage en trois volumes sur Coray intitulé 'Aoa/y.y.vT to;
l^opa>5?, par D. Thérianos (Trieste, typ. Lloyd), i88g; 3° Histoire des îles Ioniennes
('l^Toplx Tûv 'lovt'wv v/jawv) de 1797 à î8i5, parG.-E. Maurogiannis, en 2 vol. (Typ.
naAr/ysvccrtaî, 1889).
— La 'EïTtV., qui paraît depuis quatorze ans, se publie depuis le i" janvier, illus-
trée, sous la nouvelle direction de MM. Politis et Drosinis, et devient de plus en
plus intéressante par la publication de nouvelles et de romans grecs.
ITALIE. — Vient de paraître chez l'éditeur Sansoni, à Florence, le 14* fascicule
de l'immense recueil que publie M, Alessandro Gherardi, sous ce titre : Le con-
sulte délia Republicafiorentina. Ce fascicule contient d'abord les sept dernières pages
du premier volume qui, dans son format in-folio, en a 527; puis les 32 premières
pages du second volume, allant du 4 janvier 1291 (1290 vieux style) au 2g mai de la
même année. Le sujet de ces innombrables délibérations est souvent bien peu de
chose et plus souvent encore la même chose, par exemple, la question de savoir à
quelle date ou sous quelle forme se fera l'élection de tel ou tel petit officier munici-
pal. Certains détails étonnent : ainsi, à titre d'indemnité pour un cheval mort, tué
apparemment, il est alloué 40 florins d'or. Le cheval était donc bien beau, ou si c'est
parce que le propriétaire en était un Pazzi, membre d'une des plus grandes familles,
alors que les Pazzi étaient loin encore de sombrer dans leur conjuration contre les
Médicis'' N'est-il pas curieux de rapprocher celte somme de celle que reçoit le sei-
gneur Guidone de Polenta, pour ne pas entraver l'arrivage des blés et grains de Ro-
magne à Florence : 442 Ywrts jlorenorum parvoruni? Ces Consultes publiées seront
pour les historiens de l'avenir une mine précieuse; mais ils y trouveront beaucoup
340 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTERATURE ^1
plus à laisser qu'à prendre. Ce sont les manuscrits eux-mêmes que M. Gherardi met
sous nos yeux, avec leurs variantes, leurs ratures, surcharges, leurs sigles et jusqu'à
leurs blancs. On ne saurait pousser plus loin l'exactitude.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 18 avril 18 go.
M. P'iandin, consul de France, adresse à l'Académie la collection des dessins et
estampages de son père, dont il avait annoncé l'envoi par une lettre précédente.
M. Oppert, vice-président, donne des nouvelles de la santé de M. Schefer, prési-
dent de l'Académie. L'amélioration, constatée déjà il y a huit jours, s'est beaucoup
accentuée.
M. Heuzey commence la lecture d'un mémoire intitulé : l'Archaïsme gréco-phé-
nicien en Espagne. L'objet de ce travail est l'étude des sculptures antiques trouvées
en i66q, au nord-ouest de Murcie, au lieu appelé « la Colline des Saints », et con-
servées aujourd'hui à Madrid. Des moulages de plusieurs de ces sculptures ont été
exposés à Vienne et à Paris, en 1873 et en 1878, mais l'étrangeté de quelques-unes
d'entre elles a conduit la plupart des archéologues à se demander si l'on n'avait pas
affaire à des falsifications. Ces doutes, que personne ne s'est efforcé d'éclaircir d'une
façon définitive, ont empêché le monde savant d'accorder à la collection l'attention
qu'elle méritait.
M. Heuzey, réservant pour un examen ultérieur les morceaux le? plus bizarres
de la série, met sous les yeux de ses confrères les moulages de quelques sculptures
choisies parmi les meilleures et s'attache à établir que celles-ci au moins sont au-
thentiques. Il y reconnaît un art mixte, résultant de l'action du vieux style helléni-
que sur l'art phénicien. En effet, le point où ont été trouvés ces monuments occu-
pait une situation intermédiaire entre les comptoirs grecs du golfe de Valence et les
colonies phéniciennes du golfe de Murcie.
M. Oppert estime qu'il est bien difficile d'admettre l'authenticité de certains frag-
ments de la collection, qu'il a vus à Madrid. — M. Heuzey prie l'Académie de réser-
ver pour un autre moment ce côté de la question et insiste seulement sur l'authen-
ticité des morceaux dont il a parlé. — M. Ravaisson s'étonne que l'authenticité de
ces morceaux ait pu être contestée un seul instant. — M. Schlumberger croit utile
de faire remarquer que feu M. de Longpérier, qui avait condamné la collection de
Madrid d'après les spécimens apportés à Paris, n'avait pu voir les sculptures pré-
sentées aujourd'hui par M. Heuzey.
M. Héron de Villefosse, au nom de M. Georges Perrot, en ce moment absent de
Paris, communique une lettre de M. A. Gérard, ministre de France au Monténé-
gro, qui donne des détails sur les fouilles de Doukla, l'ancienne Doclea. Ces fouilles
ont été exécutées, par ordre du prince Nicolas, par un savant russe, M. Paul Rowinsky,
qui les a conduites avec autant de méthode que de bonheur. On a mis au jour les
restes d'une grande basilique, dont les difiérentes parties sont relativement bien con-
servées, et dont il est facile de reconstituer toute la décoration intérieure. Plusieurs
inscriptions mentionnent un personnage du nom de Flavius Balbinus, à qui la ville
de Doclea avait décerné des honneurs et, en particulier, une statue équestre après sa
mort. Un autre fragment se rapporte à un magistrat municipal, Flavius Fronton,
parent du précédent. M. Rowinsky a recueilli aussi plusieurs textes funéraires.
Ouvrages présentés : — par M. Siméon Luce : Boureulle (P. de), le Pays de Jeanne
d'Arc; — par M. de Barthélémy : Baye (J. de), le Tombeau de Wiitislingen, aumu-
sée national bavarois (extrait de la Ga:;ette archéologique); — par M. Croiset : Aubi-
GNÉ 'Agrippa d'j. Histoire universelle, publiée pour la Société de l'histoire de France,
par le baron de Ruble, tome IH, j 56 8-1 5/2 ; — par M. Delisle : M. Valois (Noël),
Raymond Roger, vicomte de Turenne, et les papes d'Avignon, d'après un document
découvert par M. Camille Rivain.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou /ils, boulevard Saint-Laurent,
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N^ 18 - 5 mai ■- 1890
Sommaire » 203-204. De La Grasserie, Etudes de grammaire comparée, De la
catégorie des temps et des cas. — 10b. E. Zarncke. La langue littéraire en
Grèce. — 206. F. Frcelich. L'armée de César. — 207. Hertz, L'Horace de Guyet.
— 208. Platon, Les mallus. — 209. Berenzi, Histoire de Pontevico. — 210.
Bûcher, Poésies, p. p. Denais. — 211. Bossuet, sermon sur l'ambition, p. p. Le-
BARQ. — Lettre de M. Henri Houssaye et réponse de M. Salomon Reinach. —
Lettre de M. Ledos et réponse de M. Psichari. — Académie des Inscriptions.
— Société des Antiquaires de France.
203. — Etudes de grammaire comparée. De la catégorie du temps, par
Raoul DE LA Gbasserie, docteur en droit, juge au tribunal de Rennes. Paris,
Maisonneuve, 1888.
204. — Etudes de grammaire comparée. Des relations grammaticales considérées
dans leur concept et dans leur expression, ou de la catégorie des cas, par
le même. Paris, 1890.
Il se passe actuellement en linguistique quelque chose de très analogue
à ce qui vient de se passer sur le domaine de la mythologie. Il n'y a pas
encore longtemps, la mythologie était envisagée comme une faculté in-
tellectuelle particulière à telles races et faisant défaut à telles autres, de
façon que l'humanité se divisait en races mythologiques, préconisées
supérieures, et en races non mythologiques et par cela même inférieures.
Aujourd'hui, grâce aux recherches de M. Lang on sait que la produc-
tion de mythes est inhérente à la pensée humaine en général, surtout aux
premiers stages de son développement. En linguistique de même : la
division des langues en isolantes, agglutinantes et flexionnelles parais-
sait naguère le point culminant de la science et l'on partait de là pour
disserter très doctement sur les facultés natives des races dont les lan-
gues se rangent dans l'une ou dans l'autre de ces catégories. Eh bien, il
faudra désormais en rabattre beaucoup ou plutôt changer entièrement
de méthode et de direction. Une nouvelle école linguistique se forme un
peu partout qui, rompant courageusement avec les anciens aperçus su-
perficiels, cherche à pénétrer toutes les manifestations de la parole hu-
maine en étudiant soigneusement la grammaire d'autant de langues que
possible et, par une comparaison judicieuse, à expliquer les singularités
des unes par les lois résultant des autres. A ce point de vue, les idiomes
des peuples sauvages sont parfois plus instructifs que les idiomes policés
et littéraires; quelques-uns d'entre eux ont même atteint un degré de
nuance et d'analyse logique inconnu aux langues des peuples les plus
avancés dans la civilisation.
Nouvelle série, XXIX. i8
3^2 REVUE CRITIQUE
Des deux nouvelles disciplines que nous venons de menlionner, celle
qui vient de renverser l'ancien édifice vermoulu des mythologues accré-
dités, est presque entièrement due aux efforts de savants étrangers; au
contraire, celle qui cherche à fonder une linguistique comparée vraiment
digne de ce nom est cultivée avec bonheur par une élite de savants fran-
çais. M. Raoul de la Grasserie appartient à cette phalange courageuse
que l'aridité du sujet n'effraie pas, parce qu'elle a la certitude de décou-
vrir, sous l'écorce souvent rude et épineuse des sons barbares, unfondsde
philosophie et de logique inconscientes qui sont le lot commun de notre
espèce. Les publications de M. de la G. ont depuis longtemps déjà attiré
l'attention des spécialistes. Sous le titre général de: FAiides de grammaire
comparée^ il a fait paraître dans la Revue de Linguistique de 1887, un
article très remarqué, intitulé : De la catégorie du nombre, article que
suivit bientôt un autre non moins important, intitulé : Du verbe être
considéré comme un instrument d"" abstraction et de ses diverses fonc-
tions. Les années suivantes parurent dans les revues de France et de
rétranger plusieurs études importantes ayant trait à la conjugaison ob-
jective, aux divisions de la linguistique, à la nature du pronom, à la
psychologie du langage, à la classification des langues, à la catégorie
des modes, à la catégorie des temps, à la catégorie des cas, sans compter
plusieurs autres ouvrages sur des langues spéciales. On voit avec quelle
persistance louable M. de la G. serre de près tous les problèmes qui se
présentent dans le vaste domaine de la linguistique et combien de temps
et de connaissances il faudrait pour rendre compte des nouvelles idées
qui surgissent à chaque page de ces divers écrits. Je me bornerai donc
à dire quelques mots des deux seuls travaux nommés plus haut, que j'ai
eu l'occasion de lire et de méditer suffisamment dans le but de ma pro-
pre instruction. Comme sémitisant, mon attention avait tout d'abord
été attirée sur les solutions que le savant auteur propose à divers problè-
mes concernant les langues sémitiques, mais l'exposé à la fois limpide
et profond des idées défendues, la méthode lumineuse qui préside à la
construction du cadre général, le classement fin et judicieux des sujets
spéciaux, le nombre aussi riche que varié des exemples qui servent à
illustrer les lois étudiées, tous ces avantages littéraires qui témoignent
d'une netteté d'esprit très remarquable, m'ont entraîné presque malgré
moi à lire ces livres d'un bout à l'autre. Les notes que j^ai prises sous
Tempire de cette lecture absorbante pourront donner quelques notions
des ouvrages précités, mais n'ont pas la prétention d'en fournir une ap-
préciation exacte ou seulement suffisante.
I
M. delà Grasserie divise la catégorie des temps en trois parties intime- 1
ment indépendantes et logiquement successives.
En premier lieu se placent les temps objectifs dont le point de repèrej
est dans Taction elle-même : duratif, aoriste, parfait; les temps subjec-
0 HISTOIRE KT DE LITTÉRATURK 3^3
tifs dont le point de repère est dans la personne : présent, prétérit, futur;
les temps relatifs dont le point de comparaison est pris dans une antre
action : plus-que-parfait, futur, passé, etc. Les temps objectifs ont dans
beaucoup de langues précédé les temps subjectifs et ils forment une pre-
mière couche. Certaines langues n'ont jamais possédé que les temps
objectifs; d'autres n'ont eu que des temps subjectifs; d^autres, enfin,
cumulent ces deux sortes de temps, tantôt en laissant s'effacer. les pre-
miers devant les seconds, tantôt en les conservant tous les deux au même
degré et en conjuguant chaque temps objectif par tous les temps subjec-
tifs, comme c'est le cas des langues slaves.
En deuxième lieu : temps réels et temps imaginaires. A ces derniers
appartiennent le futur et ses dérivés.
En troisième lieu : temps indéterminés, déterminés, surdéterminés
(p. 1-8).
Ces trois grandes divisions forment autant départies dans Fouvrage
que nous analysons et la description de l'expression de ces temps divers
se poursuit sous des subdivisions adéquates.
L'expression du temps objectif se présente soit à ïétatpur, soit en pré-
sence du temps subjectif et se croisant avec lui. Les temps objectifs sont
inconnus à nos langues dérivées et à beaucoup de langues primitives.
Le sanscrit en a développé l'expression. Ils constituent souvent dans la
même langue un double temps avec le temps objectif. En grec, Vaoriste
second, \q parfait second sont objectifs; ïaoriste premier., le parfait
premier sont subjectifs. Certaines langues ne possèdent qu'incomplète-
ment les temps objectifs. Le parfait manque dans les langues sémitiques
et chamitiques, dans le singalais et dans les langues ajtaïques; les lan-
gues indo-germaniques l'expriment au contraire d'une manière très
énergique.
En général, les temps objectifs s'expriment par modification du radi-
cal du verbe tandis que les temps subjectifs le font par des éléments ex-
ternes et les temps relatifs par l'emploi d'auxiliaires. En particulier, les
modes d'expression des temps objectifs sont : i° l'ordre de construction
syntactique; 2° les modifications internes, vocaliques ou consonnanti-
ques ainsi que les aflfixes pronominaux différents; 3° l'adjonction de
mots vides ou indices temporels de diverses origines ainsi que l'adjonc-
tion de verbes auxiliaires.
Il sera difficile de donner une idée exacte de la façon pénétrante et
originale avec laquelle le savant auteur classe les diverses langues qu'il
étudie. Je m'arrêterai cependant quelques instants sur les explications
qui concernent la conjugaison des langues sémitiques, parce que je crois
que le dernier mot n'a pas encore été dit à ce sujet. Si la majorité des
langues sémitiques n'a que deux temps objectifs, la forme affixée, loin
d'être un aoriste (p. 1 2), a toujours le sens d'un passé, de même la forme
préfixée tout en exprimant le durât if rend régulièrement le futur. La
comparaison avec le basque fp. i i) n'est donc pas possible. Puis, l'assy-
344 REVUK CRITIQUA
rien doit être classé à part. Cettte langue possède, outre la forme affixée
qui rend le duratif, deux formes préfixées, distinguées par la vocalisa-
tion intérieure, dont Tune marque toujours lapasse, Pautre le présent
et \q futur. En voici le paradigme :
!'■'= personne sbakna-ku, je fais, j'ai fait, je ferai.
2* — shakna-ka, tu fais, tu as fait, tu feras.
f. shakna-ki.
3° — shakn-u, il fait, il a fait, il fera.
f. shakn-at, elle fait, elle a fait, elle fera.
a-shkun, j'ai fait : a-shakkin, je ferai.
ta-shkun, z, tu as fait : ta-shakkin, i, tu feras.
i-shkun, il a fait : i-shakkin, il fera.
ta-shkun, elle a fait : ta-shakkin, elle fera.
II
Dans le second ouvrage, M. de la G. examine à fond la catégorie des
cas. Ce qu'on appelle communément les cas, c'est l'idée et l'expression
des relations existant entre les êtres, ou entre les qualités, ou entre les
actions, prises seules ou comparées ensemble. L'examen comprend qua-
tre études très intéressantes. Dans la première (p. i-5i), les relations
sont considérées en elles-mêmes dans leur ensemble, sans égard à leur
mode d'expression. Le point de vue est pmemcnt psj^chiqiie, non celui
de la réalisation morphologique.
Les relations se classifient suivant les idées qu'elles relient, suivant le
degré de nécessité de ces liaisons ou suivant leur nature. De la première
classification, Texamen comprend la relation de mot à mot ou d'idée à idée
et celle de mot à proposition ou d'idée à pensée. Celte dernière rela-
tion présente trois catégories bien distinctes : i^ liaisons nécessaires pour
constituer la proposition; 2" liaisons nécessaires pour ïintégrer ; 3"
liaisons utiles pour la compléter ; l'accusatif est un cas constituant; le
datif est un cas intégrant ; l'indication du temps et surtout du lieu forme
le type du cas complémentaire . Pour ce qui est du verbe, ainsi que de
la proposition, qui en est solidaire, il peut prendre soit une tournure
active-neutre, soit une iouvnnve passive -qualificative soit une tournure
transitive. L^antériorité relative de ces tournures varie suivant les grou-
pes de langue. Tandis que, pour les groupes du Caucase, c'est le passif]
qualificatif qui sert de point de départ, dans le turc c^est l'actif-neutre,
et dans le sanscrit c'est le transitif. 11 est cependant prouvé par un exa-
men attentif du degré de nécessité des parties de la proposition que laj
tournure active-neutre est logiquement la plus indispensable et par con-
séquent la plus ancienne, puis vient la tournure passive, enfin, la tour-
nure transitive. A ces tournures répondent immédiatement les trois casj
primordiaux : le génitif, le nominatif, l'accusatif. Aussi les prononisf
revêtent-ils dans les langues primitives très souvent trois lormes : Id
possessif, le prédicatif ex. Vobjectif, Ces formes comportent quelquetoi.'
d'histoire et de littérature 345
chacune l'emploi de racines différentes, mais même lorsque la différen-
ciation ne consiste qu'en une mutation vocalique, elle est bien antérieure
à toute idée de déclinaison et ne peut se confondre avec elle. Le besoin
de se rendre compte de la cause de l'action, du but et du moyen de réa-
lisation produit les cas suivants : l'instrumental, le datif, l'ablatif. Le
datif est apparenté à l'accusatif, le nominatif à Tinstrumental; l'ablatif
a d'étroits rapports logiques avec le génitif. Enfin, un troisième groupe
de cas, exprimant des relations externes, contient le locatif, susceptible de
nuances infimes, le temporal, V intensif on quantitatif. Dans les lanijues
primitives, ce groupe a joué un grand rôle, dominant alors que les autres
n'existaient pas encore, mais ce rôles'est bien affaibli, ou plus exactement,
ils ont changé totalement de mode d'expression en formant les préposi-
tions modernes. En suivant leur nature, les relations, soit de mot à mot,
soit de mot à préposition, peuvent être ou subjectives ou objectives ou
dans un autre sens concrètes o\x abstraites. Les relations objectives-con-
crètes, comprennent : le locatif avec ses nombreuses divisions, le tem-
poral et {"intensif. Les relations objectives-abstraites comprennent Va-
blatif, instrumental et le datif. Les subjectives-abstraites comprennent
h génitif, le nominatif et V accusatif. Les subjectives-concrètes ne con-
tiennent que le vocatif. M. de la G. étudie successivement ces diverses
relations et ensuite il recherche leur genèse respective, qu'il éclaircit au
moyen de faits tirés des langues les plus variées. Les langues du Caucase
offrent une richesse de cas vraiment exubérante.
La deuxième étude (p. 52-97) traite de la catégorie des cas considérés
dans leur expression en générai et spécialement dans leur expression
psychologique et linguistiquement imparfaite par l'ordre syntactique.
L'auteur envisage ici non plus les différents cas, les diverses relations
d'idée à idée ou à pensée, mais le cas, la relation dans son ensemble et
dans son procédé d'expression.
L'expression d'une catégorie grammaticale, entre autre du cas, peut
se faire d'une manière linguistique plus ou moins parfaite. La per-
fection linguistique s'obtient lorsque le langage exprime le plus com-
plètement, le plus exactement et le plus proportionnellement à leur
importance chaque idée, chaque pensée, chaque catégorie de concepts
principaux et accessoires et il faut que cette expression soit due au lan-
gage lui-même. La langue chinoise, avec ses radicaux attributifs, ses
mots pleins seuls, peut exprimer toutes les nuances d'idées, toutes les
déterminations, toutes les relations avec une exactitude et une finesse
remarquables, mais c'est que la pensée supplée à l'invariabilité formelle
des mots; linguistiquement l'expression est au plus haut degré impar-
faite. D'autre part, le membre de phrase : près de la cime de la monta-
gne, ne contenant que deux attributifs : cime et montagne, tandis que
cinq autres mots expriment des idées accessoires de détermination et de
relation. Le mot formel a trop dépassé le mot substantiel ; la représenta-
tion des idées n'est pas proportionnelle à la catégorie de ces idées. Lors-
346 REVUE CRITIQUE
que l'irlandais, au contraire, dit lus, Therbe; luis, de l'herbe, le concept
du génitif exprimé par un i introduit dans la racine du mot, il trans-
porte la proportion exacte psychique dans la morphologie. De même,
lorsque l'arabe distingue l'intransitif du transitif, le passif de l'actif, le
pluriel du singulier, par la modification d^une seule voyelle radicale, il
observe rigoureusement cette proportion ; l'expression, toute linguisti-
que, est en même temps proportionnelle. De là ces trois grandes divi-
sions : le procédé psychologique ou imparfait, qui peut s'appeler aussi
procédé de racine ou d'ordre syntactique ; celui morphologique ou en-
tier, se réalisant au moyen du mot vide\ celui proportionnel, procédé
pJionétique. Dans chacun de ces grands systèmes des cas il y a encore
d'autres divisions importantes : la distinction entre le 7ion formel et le
formel : entre le subjectif ti V objectif ; entre le concret et l'abstrait. Ces
modes ont suivi Tordre d^évolution suivant :
I" Le procédé psychologique dans lequel se sont développés successi-
vement : 1° le système non formel ; 2° dans le système formel, le sys-
tème subjectif; 3° dans le système subjectif, le système concret, puis à
son tour le système abstrait à ses différents degrés ; 4° le système objec-
tif, et en lui le système concret, puis le système abstrait ;
2° Au procédé psychologique a succédé le procédé morphologique ou
à mots vides, lequel a passé à son tour par les mêmes étapes ;
3" Enfin, dans le sein du procédé des mots vides a pris naissance le
procédé d'expression phonétique qui a aussi passé par le non formel, le
subjectif et le concret pour arriver à Tobjectif abstrait.
Voici maintenant comment s'effectua le passage d'un procédé à un au-
tre. Lorsque tous les mots exprimaient les relations par leur ordre seul,
mais furent séparés les uns des autres et placés dans un ordre dévelop-
pant : sujet, verbe, régime direct, régime indirect, le besoin se fit sentir
de sortir de cet ordre fixé et gênant, et comme les matériaux dont on
disposait étaient invariables, on fit varier leur sens et on plaça un sens
pur de relation à côté de leur sens attributif; puis le sens attributif se
perdit ; puis, le mot devenu vide de sens autonome, perdit son équilibre
et dut graviter autour d'un autre, puis s'y affixer; puis, sous une puis-
sante attraction, il se déforma et finit par se vider de son. Le passage du
procédé morphologique par les mots vides au procédé d'expression pho-
nétique s'est produit de la manière suivante : le mot vide, sutïixe d'ori-
gine pronominale, très court, souvent consistant en une seule voyelle,
pénètre dans le mot plein auquel il est afïixé; sa voyelle y entre ou bien
agit par induction sur la voyelle radicale qu'elle s'accommode; de là la
périphonie. La transition s'accomplit lorsque le suffixe pronominal
oblitéré et ayant laissé sa trace dans la modification phonique du mot
plein, cette modification phonique exprime seule la relation.
Cela établi, M. de la G. passe à Texamen du premier précédé de l'ex-
pression des cas imparfaite par l'ordre syntactique. L'étude se termine
par une très intéressante monographie du génitif dans le système et par
d'histoire et de littérature 347
un appendice relatif à la survivance de l'ordre syntactique dans le groupe
indo-europe'en. Voici comment la formule est devenue successivement :
1° complément, verbe, sujet; 2° sujet, complément, verbe; 3° ordre li-
bre; 40 sujet, verbe, complément.
La troisième étude traite de l'expression des relations morphologique
et linguistiquement complète par l'emploi des mots vides. L'importance
de la transformation du mot plein en mot vide, signalée déjà par les
grammairiens chinois, a été mise en relief par une école de grammairiens
modernes. Cependant, en faisant entrer toutes les langues dans la divi-
sion tripartite : isolantes, agglutinantes et/lexionnelles, on a comprise
tort dans ce domaine du mot vide les langues polysynthétiques, concrè-
tes, allitérales et versionnelles comme les sémitiques. De plus, cette
classification même, abstraction faite de la catégorie de langues isolan-
tes qui est l'absence du mot vide, renferme encore un double défaut.
D'abord elle laisse en dehors toute une catégorie de mots vides qui pré-
cèdent le mot plein et qui, plus tard, s'y préfixeront. Même préfixes, ces
mots vides présentent un caractère tout à fait différent de celui des mots
vides suffixes et forment entre eux une classe naturelle d'une importance
qui n'est pas négligeable. D'autre part, la division en agglutination et en
flexion, quoique exacte en soi, devient inexacte par la définition qu'on
donne du mol flexion suivant l'école de Schleicher, tandis que l'aggluti-
nation consiste dans la fixation du mot vide à la fin du mot plein, la
ûexïon serait la modification vocalique interne du mot plein ou celle du
mot vide. Or, la première est ou purement phonétique ou rentre dans le
système abstrait, la seconde est purement phonétique. En vérité, la
flexion ne diffère de l'agglutination que par l'emboîtement du mot vide
dans le mot plein et cette union plus intime vient de ce que le mot vide
est d'une nature différente de celle du mot vide employé dans l'aggluti-
nation. 11 y a une foule de mots vides qui n'ont jamais été des mots
pleins. Ces mots réellement vides comme les syllabes indo-européennes
ra, la,j'a, na, etc., seraient dues, suivant M, Reignaud, à Vélargisse-
ment successif du phonème final radical, modifié par l'influence du
rhotacisme. M. de la G., rappelant que les suffixes de dérivation
du mandchou sont presque les mêmes qu'en sanscrit, sans que les deux
langues aient quelque chose de commun, est plutôt d'avis d'admettre
l'origine autonome de ces suffixes. Il y a donc deux sortes de mots vides :
ceux autrefois pleins de sens attributif et ceux qui ont toujours été vides
d'un tel sens; les premiers seuls expriment les cas objectifs concrets ou
locatifs, les seconds expriment pour la plus grande partie les cas abs-
traits.
La classification des modes d'expression des relations par le mot vide,
on peut la résumer dans le tableau suivant :
i" Période anté-linguistique ou 7ion formelle. Un seul mot vide ex-
primant le génitif, les autres cas ne s'exprimant pas du tout ou par la
position seule ou par le génitif (Algonquin, Esquimau, vieil égyptien) ;
348 REVUE CRITIQUE
2" Période primaire. Mots vides gravitant autour du verbe, occupant
une position soit séparée (langues polynésiennes), soit préfixée, soit post*
fixée (langues Cafre, Viti, Namaqua) ;
3'' Période secondaire. Mots vides gravitant autour du substantif, dans
une position ou préposée ou postposée ou bien à lu fois préposée et posi-
posée ;
4» Période tertiaire. Mots vides entre le verbe et le substantif. Côté
de la régression (langues néo-latines, persane, néo-indiennes); côté de la
progression, par l'inflection vocalique (langues néo-celtiques) ; côté mixte
(langue allemande).
La place nous manque pour analyser les innombrables divisions et
subdivisions que comporte ce tableau sommaire, mais il m'est impossi-
ble de ne pas signaler comme une œuvre d"'une importance hors ligne
l'appendice à l'agglutination (p. i65-25i) où, en comparant les suffixes
agglutinés dans les diverses langues, l'auteur établit avec évidence la res-
semblance des indices, des cas qui y sont employés, spécialement des
indices ?i qui marque le génitif dans plusieurs langues non apparentées
et s, m, t communs aux langues indo-européennes, ouraliennes et poly-
nésiennes-australiennes. M. de la G. y voit une onomatopée subjective.
Le phonème de Tharmonie vocalique dans les langues ouraliennes est
également étudié avec beaucoup de méthode et d'étendue. Le même ca-
ractère de netteté distingue l'exposé du lien entre les affixes de dériva-
tion et les atfixes de flexion (p. 23o-252).
La quatrième étude, enfin, est relative à Texpression des relations
phonétique ou proportionnelle. Par expression phonétique, terme abso-
lument nouveau, il faut entendre le procédé qui consiste à rendre les re-
lations non par l'ordre syntactique, ni par l'emploi d'un mot vide, mais
par l'introduction d'un phonème, sa modification ou son accord. On
sait que le chinois multiplie ses matériaux lexicologiques, tous monosyl-
labiques, par divers accents musicaux ou intonations. Ailleurs, ce n'est
plus à la lexicologie seule, c'est à la grammaire que s'applique Finstru-
ment musical, phonétique. C'est alors tantôt à la mélodie, tantôt à Yhar-
monie, c'est-à-dire tantôt aux modulations tantôt aux accords qu'on a
recours ; ce dernier emploi est le plus important. Le passage du mot vide
au phonème s'effectue déjà dans la périphonie (Umlaut) ou mutation de
la voyelle radicale par la voyelle du suflfixe, procédé qui appartient au
système précédent aussi longtemps que sa cause persiste et au système
actuel, dès que sa cause a cessé de coexister. Mais dans le système du
mot vide, l'abstraction a été exagérée au point de dépasser l'expression
concrète. Il faut que l'expression de la relation soit aussi proportion-
nelle que là où l'idée principale veut un mot entier, que la relation de Ti- |
dée n'ait qu'une lettre. C'est cette proportion exacte que vient apporter \
le système d'expression phonétique.
Avant d'examiner les différents modes de ce système, M. de la G, met
en lumière un principe important, celui de l'unification des cas, de l'u- ||
d'histoire et de littérature 349
niversalilé du génitif. Ordinairement les expressions des relations demo^
à proposition sont profondément différenciées entre elles, tout en diffé-
rant de l'expression des relations de mot à mot. Mais, par exception,
dans certains groupes de langues toutes ces barrières disparaissent et
l'expression des relations de mot à mot, le génitif, devient le cas uni-
versel, le seul cas subsistant. Pour comprendre comment cela a pu s'o-
pérer, il faut bien saisir la nature intime de ce cas. Le génitif, outre sa
fonction de marquer la possession, la détermination et l'origine, marque
plus généralement la domination d'un mot sur l'autre. L'auteur a plus
haut étudié l'expression psychologique et celle morphologique du géni-
tif lorsqu'il était le seul cas existant faisant fonction de tous les autres.
Il s'agit ici de son expression dans le système purement phonétique.
Dans ce procédé d'expression, la prédominance du génitif dura plus
longtemps. Dans les langues Bantou, par exemple, la relation génitive,
c'est-à-dire la relation de mot à mot a conservé son domaine en l'éten-
dant ; il ne s'est formé là d'expression de mot à proposition autre que
celle qui résulte de l'ordre syntactique conservé. Le principe de l'accord
suppose une relation pure de mot à mot.
L'analyse de procédé dans les diverses langues qui remploient est
consciencieusement exposée dans deux chapitres, que nous ne pouvons
qu'indiquer très sommairement.
Chapitre premier : Expression des relations par l'accord seul. A Har-
monie initiale : 1° et 2" harmonie préposée et préfixée (langues Bantou ;
langues Bullom et Temné); harmonie dont le premier terme a dispara
[langues du Caucase septentrional, le Bari, le vieil égyptien), B Har-
monie finale : a) accord en genre et en son; b) accord en genre et en
nombre, avec la disparition de l'accord phonétique; c) accord en son en
dehors du secours du genre et du nombre : 1° répétition sur le mot do-
miné du déterminatit du mot dominant ; 2° rime.
Chapitre deuxième : Expression des relations par la variation du pho-
nème. A Mutation vocalique n'exprimant qu'indirectement les catégo-
ries grammaticales ; 5 Mutation vocalique l'exprimant directement; a)
expression des catégories, autres que celles des relations (dans les langues
sémitiques ; dans les langues indo-européennes ; dans les autres langues) ;
b) expression des relations : i» dans l'état actuel de la science (dans les
pronoms; dans les noms); 2° d'après une hypothèse probable. Dans ce
dernier paragraphe, l'auteur revient sur la question relative à l'origine
des indices des cas logiques. L'école de Schleicher fait dériver dans les
langues indo-européennes ces indices uniquement de divers pronoms
suffixes, par conséquent d'un mot vide. Cette origine semble plausible,
si Ton n'envisage que ces langues, quoiqu'elle y rencontre déjà l'objec-
tion de peu de convenance spéciale de tel pronom à tel cas. Sans sortir
de l'indo-germanique, M. de la G. a déjà conclu que les indices de
ces cas provenaient d'une sorte d'onomatopée antérieure à eux-mê-
mes ainsi qu'aux pronoms et où tous les deux avaient puisé leur exis-
35o
KEVUE CRITIQUK
tencc. Cette conviction devient plus forte si on passe à la comparaison
générale des langues. En effet, \'7n, signe de l'accusatif se rencontre aussi
dans les langues finnoise et samoyède, non seulement sous la forme m,
mais aussi sous la forme ^, et cependant ne possèdent pas le pronom
amas. D'autre part, dans les langues agglutinantes, il s'est trouvé que
les indices des cas pouvaient être ramenés aux suivants : nominatifs : s,
r ; génitif: n; datif : A-, g^ i, h; accus, m, p ; abbl. ?, d; locatif n. Or,
dans les langues indo-germaniques, sauf le génitif qui se fonde sur un
système spécial, on retrouve pour les mêmes cas les mêmes indices :
nom. : s, r; datif: ai\; accus. : m; abbl. : t. L'instrumental et le locatif
ne concordent pas, la forme deuxième ayant une origine adverbiale, la
forme première étant inexpliquée. Mais cette concordance est assez com-
plète pour être décisive. 11 existe donc des indices de cas ayant pour ori-
gine une véritable onomatopée, soit acoustique, soit physiologique, soit
à la fois l'une et l'autre. Cette onomatopée se réalise de la manière sui-
vante : l'objet s'exprime par la lettre la plus sourde exprimant mieux sa
situation passive, Ym à la fois labial et nasal; le sujet par la lettre plus
tranchante s ou r. Ce n'est d'ailleurs que comme hypothèse que l'auteur
propose cette théorie.
L'étude se termine par un appendice s'occupant : i° de l'antériorité
de l'expression de la relation de l'inessif sur celle des autres cas objectifs
concrets et de sa persistance; 2° de l'influence des cas primitifs de l'un
sur l'autre, en particulier du locatif sur le génitif; 3^ du vocatif; 4° du
prédicatif et du mutatif; 5° des cas dans les mots du discours autres que
les substantifs, en particulier dans les verbes aux modes personnels.
Voilà les contours des ouvrages dont M. de la G. vient d'enrichir la
littérature de la linguistique, œuvres à la fois claires et profondes dans
lesquelles les complications des divisions et des subdivisions, multipliées
presque à l'infini, loin d'alourdir la marche de la démonstration, lui
servent d'étapes naturelles et de guides sûrs et éclairés. Je crois rester
dans les limites d'une juste appréciation en rangeant les travaux parmi
les meilleurs de notre époque et en les considérant comme des facteurs
puissants du progrès de la linguistique. Lorsque je commençai à lire
ces ouvrages, l'idée seule d'avoir à méditer la philosophie de l'inconscient
me faisait frémir ; mais peu à peu la voie lumineuse tracée magistrale-
ment par l'auteur dans ce dédale inextricable rassura mes pas. Mainte-
nant que je suis arrivé au bout, je me trouve singulièrement fortifié par
une foule de notions utiles et suggestives que j'avais à peine entrevues
auparavant. Si cette annonce contribue à faire connaître les ouvrages de
M. de la Grasserie au public studieux que les méditations sérieuses n'ef-
fraient point, j'en serai doublement enchanté; d'abord parce que j'aurai
ainsi payé en partie le tribut de reconnaissance et de félicitation que je
dois au savant auteur; puis ensuite parce que la propagation rapide de
nouvelles vérités est le seul moyen de faire disparaître les vieilles erreurs
devenues classiques.
J. Halévy.
I
1
d'histotre et de littérature 35 I
2o5. — Ed. Zarncke. Die lintstehung deic gi-iecSiisclieii iLitei'atui-spra-
uhen. Leipzig, vVeigel successeur (Tauchnitz), 1890. 53 p.
Chez tous les peuples, dès la naissance d'une littérature, se forme une
langue littéraire plus ou moins éloignée de la langue parlée ; bientôt, la
littérature devenant plus abondante, la séparation s'accentue davan-
tage et la langue littéraire se développe à part avec ses lois propres.
L'importance de ce fait ayant été niée par les uns, en partie contestée
par d'autres, il est utile d'insister sur ce sujet, et M. Zarncke nous
donne à grands traits une sorte d'esquisse générale du développement
historique de la langue grecque, en nous montrant, dans cette rapide
revue, comment sont nées et se sont développées les langues des diffé-
rents genres littéraires. Si courte qu'elle soit, cette étude est extrême-
ment substantielle ; des notes très étendues (p. 24-53) éclairent et con-
firment les assertions de l'auteur, et un résumé, plein de précision dans
sa brièveté, achève de gagner, je pourrais presque dire forcer, l'assenti-
ment du lecteur non prévenu. M. Z. a indiqué sommairement que la
poésie épique, créant pour la première fois en Grèce une langue litté-
raire, a été en tout guide et maîtresse ; que sur la langue de certains
genres poétiques, par exemple sur la langue de la comédie, son influence,
pour être moindre, n'en est pas moins visible ; et qu'enfin la prose atti-
que, au moins dans ses commencements, doit être, elle aussi, jugée
comme une a élève de la poésie ». Ce n'est pas que les dialectes parlés
n'aient eu leur part dans la formation de la langue littéraire, mais il
convient de ne pas perdre de vue qu'il y a une distinction très nette
entre la langue des écrivains et les dialectes populaires ; oublier ce prin-
cipe fondamental dans la critique des textes conduirait à les corrompre
bien plutôt qu'à les améliorer. C'est poser à nouveau, comme on le
voit, une question déjà souvent traitée : jusqu'à quel point convient-il,
pour l'établissement du texte des auteurs, de se servir des inscriptions?
My.
200. — Fr. Frœlich. Das Kriegsweseu Cseeurs (ir» série). Zurich, Schul-
tess, 1889,111-8, 98 pages.
M. Frôlich, dont j'ai déjà eu l'occasion de prononcer le nom dans la
Revue et qui paraît s'occuper spécialement de l'organisation militaire
de Rome sous la République, a étudié, dans la brochure qui fait l'objet
de cet article, une période très intéressante de l'histoire de l'armée, en
cela qu'elle marque la transition entre la République et le régime impé-
rial. Sans doute, le sujet a été déjà plus d'une fois abordé, ne serait-ce
que par M. Kraner; mais on peut encore s'y appliquer. La première
partie du travail de M. F. traite de la levée des troupes, de leur com"
position et de leur commandement; c'est un bon résumé des connais-
sances auxquelles on peut arriver par la lecture de César et des travaux
déjà parus sur la question ; mais il ne faudrait pas y chercher des dis-
352 REVUE CRITIQUE
eussions approfondies, même sur les questions difficiles. L'auteur les
aborde, expose l'état de la question en citant les opinions les plus auto-
risées ou les plus récentes, y ajoute une conclusion généralement sage
et vraisemblable, puis il passe à un autre sujet. C'est plutôt un guide à
l'usage de ceux qui liront les oeuvres de César, qu'un travail d'érudition
développé.
R. C.
207. — Marlinus Hertz. De Horatii opemini exemplurt oliin Guyetiano
nrarratio I (en tête de l'Index lectionum in Universitate litterarum Vratisla-
viensi per œstatem anni 1890 a die XV mensis aprilis habendarum). Typis Frie-
dcrichii, 20 p. in-4.
U Horace de François Guyet, philologue du xviie siècle, n'était
connu jusqu'à présent que par les quelques notes que Michel de Marol-
les en a tirées pour sa traduction (Paris, 1660), et que le P. Sanadon a
çà et là reproduites dans son édition de lySô. D'autre part, Th. Fritzs-
che les avait signalées dans le 35*^ volume du Philologus (1876, p. 476-
492). — M. Martin Hertz, qui a publié des travaux si distingués sur
l'antiquité classique, vient d'hériter de son collègue à l'Université de
Breslau, le savant G. Studemund, d'une édition ài'Horace, par Daniel
Heinsius (Leyde-Elzevir, 1612). Cet exemplaire, qui a appartenu à
Guyet, est couvert de ses notes marginales (284 pages). M. Hertz a eu
l'heureuse idée de nous en donner un premier spécimen très intéressant,
et il les apprécie à leur juste valeur. Comme il l'indique à plusieurs
reprises, elles confirment le jugement que les nombreux travaux du
« savant Angevin » nous avaient déjà permis de porter dans notre thèse
de doctorat sur sa méthode en matière de critique des textes, et prou-
vent une fois de plus que, si Bentley et Peerlkamp méritent d'occuper
une place importante dans Phistoire de la philologie, François Guyet
est digne d'être mis à côté d'eux, car ils n'ont fait que s'inspirer de ses
principes. — Nous espérons que M. Hertz poursuivra l'œuvre qu'il a
entreprise en l'honneur d'un philologue français, longtemps méconnu
en France.
Isaac Uri.
208. — G. Platon. L.e mallus ante tlieoda vel tliunglnum et le mallus
legitimus. Bordeaux, ChoUet, 1889, 46 p. ia-8.
M. G. Platon est un audacieux : il s'attaque, dans cette brochure, à
l'un des problèmes les plus difficiles que soulève l'étude du droit ger-
manique. Il expose d'abord la théorie généralement admise en Alle-
magne sur l'organisation judiciaire à l'époque salique : et ce n'est pas!
un mince mérite que d'avoir compris de façon aussi nette et d'avoir
rendu de façon aussi claire, dans un langage à la fois châtié et élégant, .
\\
I
d'histoire et de littérature 353
le système de Sohm, naguère encore repris parWilhelm Sickel i [Zeit-
schrift der Savigny-Stiftinig, t. VI, 1 885, dans un article intitulé : Die
Entstehimg des Schoffengerichts). Ce système peut se résumer ainsi :
l'État n'intervient en aucune façon dans la justice; la justice émane
directement du peuple ; c'est à l'assemblée de la centaine, réunie sous
la présidence du thimginus, qu'aboutit tout acte comportant Pinterven-
tion judiciaire; on distingue du reste deux sortes de plaits : ceux qui
reviennent à intervalles fixes, déterminés, les malli legitimi, édites
Ding, et ceux qui sont spécialement convoqués, selon les besoins et la
nécessité pour un objet déterminé, les malli indicati, gebotenes Ding.
A cette théorie, aussi absolue, M. Platon essaie de faire quelques objec-
tions. En s'appuyant sur diverses considérations et sur le texte du
titre 46 de la loi saiique fde affatimire) qu'il interprète fort bien, il
montre que les malins legitimus, loin d'être une certaine espèce de
plait réuni devant le thungimis, est un plait d'une circonscription plus
étendue; cette circonscription est le pagiis ou la civitas. A l'origine, les
limites du royaume et du pagus se confondaient; le roi présidait en
personne le malins du pagus ; ce tribunal était le malins régis, au sens
propre et littéral du mot : le malins ante t^egem. Bientôt, plusieurs cités
se groupent ensemble pour former un état; lepagns reste circonscrip-
tion judiciaire, seulement le roi n'en préside plus le tribunal; celui-ci
est transformé de malins ante regem en malins régis, puis en malins
legitimus ; il devient le plait placé sous la protection et la sauvegarde
des lois royales. Ainsi, M. Platon fait intervenir dans l'exercice de la
justice le pouvoir politique que Sohm en avait entièrement banni.
Toutes ces considérations me semblent à la fois très ingénieuses et
très justes. Au-dessus du plait de la centaine, il y a le plait de la cité
que préside sans doute le comte (M. Platon ne s'explique pas nettement
sur ce point). Mais nous irons plus loin. Qui nous dit que le thnnginus
n'est pas un officier royal, au même titre que le graffio? Avez-vous un
seul texte pour prouver qu'il soit élu par le peuple ? Vous voulez voir
le thnnginns dans le fameux passage de Tacite : « Elignntur in iisdem
conciliis principes qnijnra per pagos ~ vicosqne reddant. «Mais ces
principes ne sont pas choisis dès lors dans la centaine même ; ils sont
désignés dans les assemblées politiques de la nation entière, où l'auto-
rité royale est prépondérante : ils nous apparaissent par suite comme de
véritables fonctionnaires royaux. Nous n'insistons pas. Le système de
Sohm nous paraît entièrement faux; mais, certes, pour aucun roman
judiciaire on n'a dépensé autant de science, d'esprit ingénieux et de
talent, nous dirons presque de génie.
Gh. Pfister.
1. Il ne faut pas confondre M. Sickel, de Marbourg, auteur de cet article, avec
M. Th. Sickel, de Vienne, l'éminent professeur de diplomatique, nommé récemment
associé étranger de l'Institut.
2. Le mot pagus ne désignerait pas ici le gaii, mais une circonscription inférieure,
la centena.
:>:)4 REVUK critique
209. — Berenzi (l'abbé Angelo). stoi>in di l^ontevico. Un vol. in-8, xvi-56o pp.
Crémone, Ghizani, 1888 >.
Bonne monographie dMiistoire locale. Pontevico, qui a perdu toute
importance depuis le xv*-' siècle, est une petite bourgade sur l'Og'.io, au-
jourd'hui station du chemin de fer Brcscia-Crémone, entre Verolanova
et Robecco. Son histoire méritait cependant d''être écrite à cause de son
rôle du XI'- au xiv" siècle, pendant les luttes entre Guelfes et Gibelins, à
cause de son importance comme port et débouché commercial sur
rOglio dans les luttes entre les communes de Brescia et de Crémone.
A partir de l'établissement du dominio Sfor:{esco, Pontevico a subi le
sort commun de toutes les villes frontières entre le Milanez et les ter-
ritoires de Venise : successivement occupée par les Milanais, les Véni-
tiens, les Français, elle devint finalement terre vénitienne. L'histoire
interne de sa commune depuis le milieu du xvi^ siècle (p. 418 à 56oj
manque d intérêt. — Il est fâcheux que l'auteur n'ait pu consulter tous
les volumes parus des Diarii de Sanuto (il n'a connu que les seize pre-
miers) et qu'il n'ait pas distingué dans son récitée qui est vraiment This-
toire de Pontevico et les faits divers qui ont eu son territoire pour
théâtre. Le travail de M. B. est du reste fort complet, généralement
bien informé et assez clair, mais Je croirai toujours que l'histoire de
Pontevico pouvait se raconter en moins de 56o pages : materiem supe-
ravit oviis.
L.-G. P.
210. — Les Poésies de Germain «^ulin Bucliei'.. angevin, secrétaire du grand-
maître de Malte, publiées pour la première fois avec notice, notes, tables ei glos-
saire, par M. Joseph Denais. Paris, ap. Techener, i8go. Un vol. in-8, 332 pages.
Prix : 12 fr. 5o.
Germain-Colin Bûcher naquit à Angers vers 1475, d'une ancienne et
illustre famille de robe, et il est probable qu'il mourut dans cette ville
en 1545. Ce que l'on sait de sa vie se borne à un petit nombre de faits
certains et à beaucoup de conjectures. Il avait à peine vingt ans que
l'amour « lui apprit à parler en ornature », c'est-à-dire à rimer en
l'honneur d'une « gentille femme, belle en myracle », qui s'appelait
Gylon. Si le jeune poète brûlait, son idole était et resta de glace : « Nul
vent si froid que Gylon », disait-il avec amertume. Elle répondit pour-
tant à ses vers tantôt langoureux, tantôt réellement passionnés, mais à
la façon d'une Minerve qui ne connaît que le fuseau et la quenouille :
Cerche aultre part desduyt qui pour toy ployé...
Tu ne fais rien : myeulx te seroit apprendre,
Lorsque tu as jeunesse doulce et tendre.
Grec et latin et la langue hébraïque...
Pense au futur.
I. La couverture du volume dit : Cremona, tipogr. dell' Instituto Manini, mais
une feuille de réclames en faveur de ce livre, qui nous est envoyée avec lui, est
signée par M. Ghizani, comme éditeur.
I
d'hjstoirk et de littérature 355
Le conseil était bon, mais Colin ne le mit guère en pratique. Sa
jeunesse, il la de'pensa en folies, comme avait fait le pauvre Villon,
comme faisait à Auxerre son contemporain Roger de Collerye, et la
table, le jeu, « les belles garses », lui firent tout perdre « terres, prez,
bruyères ». Il ne lui restait sans doute que peu ou rien de l'héritage
paternel lorsque, en 029, le grand-maître de Tordre de Saint-Jean de
Jérusalem, Philippe Villieis de l'Isle-Adam, le prit en qualité de secré-
taire et remmena avec lui à Malte, à Nice, en Sicile, à Sarragosse. Hélas !
l'air marin lui fit regretter maintes fois « la douceur angevine » : quand
il lui faut s'embarquer sus la grosse nau de Rhodes « son sang se glace
et froidit sous la peau », et il ajoute en termes qui ne manquent pas de
réalisme : « Je ne sçauroys avaler un morceau Qui tost ne soit revomy
du boyau Sans digérer. » Pauvre poète! Pour comble de malheur, le
frère trésorier Jean Boniface « gros villain qui ressembloit aune tonace »,
lui retient ses gages, on ne sait pour quelle raison, en sorte qu'il revient
dans sa ville natale avec la bourse aussi plate qu'il en était parti. 11
passa ses dernières années dans la misère, et avec la vieillesse s'accru-
rent ses douleurs et ses privations. Dans de petites pièces de vers joli-
ment tournées, il demandait à celui-ci un peu de bois, à celui-là « un
poure escu », et comme il n'y a pas « d'homme vivant, tant soit-il clerc
instruit », que l'on ne méprise « s'il n'est puissant d'héritage ou de
pécune », il se plaint qu'un tas de gens, barbiers, foulons, forgeurs,
engeance sans pitié, l'appellent beste et sot, et s'amusent de sa pauvreté!
La fourmi n'a jamais été tendre pour la cigale.
Colin Bûcher n'était pourtant pas un poète sans mérite, et M. Joseph
Denais n'a pas tort de l'appeler, dans l'intéressante introduction qui
ouvre ce volume, un émule de Marot. On ne sera peut-être pas de
mon avis, mais je donnerais presque toutes « les marguerites de la Mar-
guerite des princesses » pour quelques-unes des pièces du poète angevin.
Il y en a de ravissantes, celles-ci entre autres dont je donne simplement
l'intitulé : Célébration de la Vigile Saint-Martin, Signes pour co-
gnoistre un amoureux, De lapiqueure de Cupido et des avettes. A ung
sien parent, gentille imitation de la délicieuse épigramme de Martial,
Vitam quœ faciunt beatiorem, etc. Un petit chef-d'œuvre encore, c'est
l'épitaphe de cet ivrogne « grant meurtrier et tirant de bouteilles r;, dont
la vue seule « alteroit les hommes ». Colin Bûcher a le trait, et avec cela
un langage presque toujours simple, naturel, gracieux parfois, qui n'est
point farci de ces latinismes où se complaît Le Maire de Belges, de ces
allitérations, de ces jeux de mots puérils, habituels à Guillaume Crétin,
et que Marot lui-même n'a pas assez évités. M. J. Denais nous
donne les œuvres de Colin Bûcher d'après un manuscrit unique con-
servé à la Bibliothèque nationale. Il est juste de le remercier d'avoir
rendu à la lumière, après plus de trois siècles d'oubli, un aimable
poète, auquel peut-être il n'a manqué pour devenir l'égal de Marot
que :
356 REVUE CRITIQUE
. . . Grâce de Reine et Sire,
Dont bas espritz deviennent souverains '.
A. Delboulle
m. — J. Lebarq (abbé). Kossuet, sermons sur l'Ambition, édition critique avec
introduction et notes. Lille et Paris, Desclée et de Brouwer, xx-iii pp. in-i6,
S. d. Prix : o,Go (éd. de luxe : i fr. 20).
M. Tabbc Lebarq qui, l'année dernière, a soutenu une thèse de
doctorat très remarquée sur ï Histoire critique de la prédication de
Bossuet ~, vient de détacher de Tédition des Sermons qu'il imprime
actuellement, le Sermon sur l'Ambition. Nous avons ainsi : 1° l'es-
quisse du sermon donné chez les Carmélites en 1661 ; 2° le vrai sermon
sur l'Ambition, du carême du Louvre (1662); 3° un fragment écrit en
i666, qui ne fut point alors prêché, mais fut utihsé quelques semaines
après dans le sermon sur la Justice. Chacun de ces textes est accompagné
des variantes que présentent les manuscrits et aussi des leçons adoptées
par les précédents éditeurs. Dans l'introduction, M. L. donne des ren-
seignements historiques, raconte les diverses tentatives de Bossuet pour
prêcher sur ce sujet et indique les sources oti il a puisé. Ce dernier
article m'a paru particulièrement nouveau. En appendice, M. L. donne
le tableau chronologique de la prédication du grand orateur, avec l'in-
dication de l'état actuel des textes; il termine par la liste des particula-
rités orthographiques du sermon sur l'Ambition. L'idée de les avoir
groupées est très heureuse : les divergences que l'on peut remarquer
entre Porthographe des manuscrits de Bossuet et la notre n'ont d'intérêt
que si on les rassemble en faisceau. Leur reproduction dans le texte
serait d'un pédantisme inutile à ceux-là mêmes qu'intéresse la question,
puisqu'ils seraient obligés d'aller chercher ces détails dispersés dans un
texte assez long. Dans son avertissement, M. L. a eu d'ailleurs le soin
de justiHer longuement et par des raisons solides le parti qu'il a pris au
sujet de l'orthographe. Une planche en photogravure reproduit une
page du manuscrit du sermon. On voit par ces indications combien de
1. 11 est fâcheux que le glossaire qui termine ce beau volume, dont le texte est
très soigné, contienne trop d'erreurs. Si M. Joseph Denais avait bien consulté les
dictionnaires anciens et modernes, il n'aurait pas expliqué s'acoucher par se mettre u
dehors, sortir; adurée par répandue, avertin par gosier, brandie ^ar suspendue, con- ||
vers (frère lai) par faux, game ou gamme par signe, gourmé par gontlé, irrite (vain) \\
par irrité, ;;/zeres/rc par flèche, pleuvi par excellent, etc. Je ne sais comment il a été
amené à interpréter « pois en gousse » par « pois engraisse ». Enfin Alciat (p. 1 1 0'
n'est pas le poétique oiseau qu'on appelle alcyon, mais un célèbre jurisconsulte du
xvi^ siècle, auteur des Emblcmata, ouvrage auquel Colin Bûcher fait allusion dans
ces deux vers :
La Cigongne est un oyseau moult piteux,
Vosirc Alciat bien a clcr le figure.
2. Cp. Rev. cr., I, 210.
d'histoire et de littérature 357
choses M. Lebarq a su réunir dans son petit volume, et on peut bien
augurer de l'édition qu'il a entreprise 1. L.
Lettre de M. Henry Houssaye a M. Salomon Reinach.
Paris, 16 avril 1890.
Monsieur et cher confrère,
Vos critiques sont très nombreuses et vous les avez formulées avec une concision
extraordinaire. Pour les discuter, il me faudrait au moins cinq ou six pages. Ce se-
rait excéder le droit de réponse. Un jour où nous nous rencontrerons à la Société des
Études grecques et où nous aurons, vous et moi, une heure à perdre, nous dispute-
rons à l'aise de tout cela. En attendant, je me bornerai à deux observations sur l'es-
prit de votre article.
Vous avez une telle façon de comprendre l'histoire de l'antiquité, que pour obte-
nir votre approbation, l'historien devrait simplement traduire les textes et mettre
ces traductions les unes à la suite des autres, sans même un mot de transition. Tout
alinéa, toute phrase, tout mot qui n'est pas traduit servilement d'un auteur, vous
l'appelez broderie. C'est broder, d'iTQ que«Cléopâtre plaisantait en termes cyniques»,
quand Plutarque dit seulement « qu'elle conversait sur un ton grossier. » C'est bro-
der, dire que Périclès, lorsqu'il sortait ou qu'il rentrait « baisait Aspasie au front»,
quand Plutarque dit seulement « qu'il l'embrassait. » Une autre broderie encore,
que je ne regrette pas davantage, c'est mon tableau de la Vie inimitable. A la vérité,
les auteurs nous donnent pour tout renseignement caractéristique sur l'existence
fastueuse et effrénée d'Antoine et de Cléopâtre, que les deux amants péchaient à la
ligne. D'après votre système, peut-être un peu étroit, j'aurais dû me borner à dire :
« La Vie inimitable consistait à pêcher à la ligne. »
Nous sommes en désaccord sur la façon d'écrire les portraits historiques. Nos sen-
timents ne diffèrent pas moins sur la façon d'entendre la critique. J'ai publié plus
de deux cents articles dans le Journal des Débats, je me suis toujours efforcé de
mettre en lumière les qualités d'un livre dans son ensemble et nullement d'en mar-
quer les fautes de détail. Si le livre était sans valeur, je ne m'en occupais point. Ou
mon petit livre ne vaut rien, ou il vaut quelque chose. Dans le premier cas, vous
avez perdu votre temps à en parler. Dans la seconde hypothèse, n'auriez-vous pas
dû discuter les problèmes historiques, grands ou petits, que le sujet soulève et que
j'ai cherché à résoudre ou à éclaircir? Par exemple, le plan d'Antoine à Actium, le
prétendu mariage de Périclès avec Aspasie, la situation d'Aspasie à Athènes, la pré-
tendue royauté d'Antoine, les monnaies d'Antoine et de Cléopâtre, la jeunesse de
Théodora, le caractère de Cléopâtre, le rô'e de Théodora, impératrice. Si vous m'a-
viez aidé de votre science et de vos critiques pour élucider ces questions, sans doute
vous auriez fait œuvre plus utile qu'en signalant dans mon livre des erreurs comme
la confusion entre une intaille et un camée et des coquilles comme Vy transposé
dans Libye &l Letronne écrit avec un seul n.
Au demeurant, je reconnais la gravité considérable de ces nombreux lapsus,
erreurs et coquilles. Je vous remercierais de me les avoir indiqués, si je ne m'en
étais aperçu sans votre secours et si dé)à je ne les avais corrigés dans une nouvelle
édition qui a paru, tout justement, hier i5 avril.
Agréez, monsieur et cher confrère, l'assurance de mes sentiments les plus distin-
§"^^- Henry Houssaye.
i. M. L. fera bien de remanier le court avertissement placé en tête du fragment
de 1666. Il y a un embarras de pronoms qui rend deux phrases fort énigmatiques.
Je me permettrai aussi de faire observer à l'éditeur que le cartonnage est un peu...
belge.
358 RKVUE CRITIQUK
RÉPONSE DE M. Salomon Reinach.
Je vois en effet, monsieur et cher confrère, que nous avons des idées toutes diffé-
rentes sur les devoirs de l'iiistorien et du critique. Pour vous exposer ma manière
de voir là-dessus, il me faudrait cinq ou six pages dont je ne dispose pas. Du reste,
la collection de la Revue critique est là pour vous montrer qu'on entend ici l'appré-
ciation des ouvrages de science autrement que dans les journaux quotidiens.
Agréez, monsieur et cher confrère, l'assurance de mes sentiments les plus distin-
gués.
Salomon Reinach.
Lettre de M. Ledos.
Permette/.-moi de répondre à une lettre de M. Psichari, publiée dans h Revue ci i-
tique du ?i mars.
Je ne pensais pas établir un principe de critique nouveau — et je persiste à le
croire sûr — en disant qu'il est d'une méthode dangereuse de chercher dans un li-
vre aussi impersonnel que l'est en général une grammaire, des renseignements sur
la personne et les opinions de l'auteur. Cela a conduit M. Psichari à penser que
Porlius n'était pas originaire de Crète, alors que justement c'est sa patrie d'origine.
M. P. raille ma jeunesse. Je suis jeune, il est vrai; et, si c'est la maturité de l'es-
prit qui fait prendre un adverbe latin pour un substantif, en commettant d'ailleurs
un solécisme, j'espère bien que mon esprit restera toujours vert et ne mûrira jamais.
Je suis même assez jeune pour n'avoir pas pu oublier les leçons de grec que j'ai
reçues au lycée, si peu que j'en aie profité. Et M. P. fait une charité inutile en
m'apprenant que o> toi) 6a.ùf/.xzoi est une expression connue des anciens Grecs. Bien
que je ne sois point professeur de grec, même moderne, je n'ignore pas ce terme
qui se trouve dans tous les dictionnaires; pas plus que je n'ignorais le sens de
papae qui se trouve dans les lexiques latins les plus élémentaires comme celui de
Sommer. J'avoue d'ailleurs humblement que la rédaction de la phrase incriminée
par M. P. est mauvaise et que « vulgaire » que j'avais mis dans le sens de « cou-
rante », « bien connue», prête à l'équivoque. Mais telle qu'elle est et non pas tron-
quée comme M. P. (par distraction?) la présente à vos lecteurs, ma phrase ne con-
tient rien que je ne puisse avouer. Je n'ai pas dit que o>roï) du.ùij.x70i fût une expres-
sion spéciale au grec vulgaire; et j'avais bien le droit de dire qu'un mot donné par
S. Portius, dans un dictionnaire grec-vulgaire comme traduction du mot latin papae,
était une expression employée par les Néo-hellènes, c'est-à-dire une « expression
grecque vulgaire » au sens large du mot.
Il me reste à remercier M. P. d'avoir signalé ici ma découverte; mais l'humilité
me force d'avouer qu'elle n'était point difficile à faire et que pour y atteindre je n'ai
eu à consulter que des livres assez élémentaires pour que l'inexpérience de ma jeu-
nesse m'ait permis de les connaître. La Litteratur der grammatiken, lexica, etc., de
Vater est un ouvrage que n'ignore pas celui qui s'occupe de grammaire. Le Glossaire
de Ducange est connu de ceux même qui, comme moi, n'étudient pas le grec. Le
Trésor de Graesse, qui à l'article Portius renvoie au curieux texte de Sincerus que
j'ai reproduit, est un ouvrage élémentaire pour tous les travailleurs. Je conclurai en r
disant, dût-on m'accuser encore d'établir de nouveaux principes de critique, que,
quand on étudie un sujet, il est bon de consulter, même ne fût-on plus jeune, les
ouvrages élémentaires qui en traitent.
Veuillez agréer. Monsieur le directeur, avec mes remerciements, l'assurance de ma
haute considération.
Gabriel Ledos,
Secrétaire de rédaction du Polybiblion.
I
j
d'histoire et de littératukb 359
RÉPONSE DE M. PsiCHARI.
Cette lettre, un peu longue, se termine par une réflexion juste. Malheureusement
M. Gabriel L. n'a pas lu le livre dont il parlait, c'est-à-dire l'édition de S. Portius;
et, quand il a lu, il a mal compris. En voici les preuves :
I" La locution '^> tou eai^/zscTo? se trouve expliquée p. aSg du Commentaire, auquel
je renvoie moi-même (Introd. xxi). M. Gabriel L. n'y a pas jeté les yeux : d'où sa
première méprise et les justifications ci-dessus, qui montreront à tout homme com-
pétent combien l'auteur soupçonne peu les questions où il s'engage.
2° M. Gabriel L. accepte, sans contrôle, le témoignage de Du Cange. Il n'est pas
assez linguiste pour saisir les raisons majeures (Introd. p. xxv) qui détruisent ce
témoignage. S, Portius ne peut pas être crélois. M. Gabriel L. verra bientôt, par une
notice de M. E. Legrand, la confirmation de mon hypothèse et sa propre erreur.
3» L'interprétation donnée à papae se lit déjà dans le commentaire de M. W. Meyer.
Le devoir de M. Gabriel L. eût été de citer le passage. Il n'en a pas eu connaissance.
4" J'ai expressément établi moi-même, S. Portius, p. xx (11. 32-37)-xxi (11. i5) et
rappelé avec insistance dans cette Revue (1890, p. 258) la distinction que la critique
doit faire entre les exemples impersonnels d'une grammaire et les exemples ou ob-
servations qui découvrent la personne du grammairien. C'est S. Portius qui nous
renseigne le plus siîrement sur lui-même. Cela est si vrai que mes résultats restent
acquis, parce que je me suis fié à ces renseignements. C'est, au contraire, M. Ga-
briel L. qui se trompe sur la patrie de mon auteur. Les mots de « méthode dange-
reuse » qu'il m'appliquait me paraissent donc irréfléchis.
5° M. Gabriel L. a altéré ma pensée, en me faisant dire ce que je n'ai jamais dit
(Cf. Revue critique, 1890, 239, n. i , au sujet des écoles de théologie).
Au demeurant, je reconnais sans la moindre difficulté, que l'état civil de M. Ga-
briel L. m'intéresse peu. Restons sur le terrain de la philologie. Je voulais dire ceci :
quand on critique un livre sans le lire, quand on n'est pas au courant des questions
dont on se mêle, quand on commet plusieurs erreurs pour le plaisir de signaler une
vétille, quand on ne craint pas de parler de méthode et qu'on en manque soi-même,
quand on ne comprend même pas celle des autres, on est un philologue jeune ou,
si M. Gabriel L. aime mieux, un philologue sans dge.
J. P.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 25 avril 18 go.
M. le baron de Baye signale à l'Académie des parures de bronze émaillées, qui ont
été trouvées récemment dans le gouvernement de Kalouga (Russie) et qui ont été
exposées à l'occasion du congrès archéologique de Moscou, Cette découverte jette une
lumière nouvelle sur l'origine de lemaillerie dans l'art de l'Europe.
M. Lecoy de la Marche commence une lecture sur un traité du dominicain Hum-
bert de Romans (xui'^ siècle), relatif à la prédication de la croisade.
Après délibération en comité secret, M. Oppert, vice-président, annonce que le
prix Fould est décerné à MM. G. Perrot et Chipiez, pour leur Histoire de l'art dans
i antiquité.
M. Oppert ajoute que les nouvelles de la santé de M, Schefer, président de l'Aca-
démie, coiitinuent à être des plus satisfaisantes.
M. René de la Blanchère, directeur des antiquités et des arts en Tunisie, donne
des détails sur les travaux d'exploration poursuivis dans la régence. A Cafsa, M. Pra-
36o
REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTERATURE
dère a procédé à l'extraction d'une grande mosaïque et fait maintenant des recher-
ches dans les ruines de l'ancienne Thalepte, près de Fenana. A Buiia Regia, M. le;
D"" Carton, continuant ses touilles, étudie une nécropole où se rencontrent des corps
couchés dans des cercueils de plomb. A Tabarka, M, Toutain déblaie les tombes du'
cimetière chrétien, qui renferment de nombreuses mosaïques. A Sousse, M Dou-"
blet a repris l'exploration de lantique nécropole d'Hadrumète, déjà fouillée par'
MM de Lacomble et Hannezo. Au Bardo même, M. de la Blanchère fait extraire des.
ruines des palais beylicaux de nombreux matériaux artistiques, notamment des faïen-
ces tunisiennes anciennes. Enfin, on espère pouvoir commencer prochainement l'exa-
men des ruines de Maktar.
M. F. de Mély communique à l'Académie des reproductions de monuments, qui,
permettent de se rendre compte de la forme de la croix portée par les premiers croi-
sés. Ce sont : les vitraux de Saint-Denis, donnés par Suger; une miniature d'uni
manuscrit de Berne, représentant Frédéric 1", et un panneau de la châsse de Char-
lemagne, à Aix-la-Chapelle.
Ouvrages présentés : — par M. Barbier de Meynard : i" Basset (René), Loqvidni
berbère: 2° Histoire du roi Djeinchid et des Divs, traduite du persan par M. Serge'
La:uo.\off-, — par M. Siméon Luce : Mazon (A.), Essai historique sur le VivaraiS]
pendant la guerre de cent ans fi33j-i453); — par M. Delisle : Documents histori-
ques relatifs à la principauté de Monaco depuis le xv« siècle, recueillis et publiés,!
par ordre de S. A. le prince Charles 111, par Gustave Saige, tome II; — par M. J.'
Girard : Ruelle (Ch.-Em.), un article sur Damascius, extrait d'une revue allemande.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du g avril 18 go.
M. Flouest fait passer sous les yeux de la Société des statuettes de bronze décou-l
vertes à Marbieux (Ain); elles sont d'une basse époque, banales et d'une exécution!
très lâchée; dans le nombre, il y a le dieu au maillet, dieu gaulois dont M. Flouest]
avait entretenu la Société dans une séance précédente.
M. le baron de Baye communique plusieuis objets provenant de la nécropole de\
Mauranka, gouvernement de Simbirsk (Russie), découverte par MM. Polivanoff et il
de Tolstri. Les sépultures sont datées par des monnaies barbares du xiV siècle.
M. Ulysse Robert donne lecture d'un petit mémoire sur un traité conclu le 16 juin
1 1 20 entre la cour de Rome, avec l'autorisation du pape Calixie l^"" et les Génois, au j
sujet de ia consécration des évêques de Corse; il donne notamment l'indication des
sommes en argent et des petits cadeaux faits aux cardinaux et à des nobles romains.-
Le Secrétaire, '
Ulysse Robert. :
i
SéaJtce du 16 av?'il 18 go. ',J
M. le D' Thonion, membre de la Société florimontane d'Annecy, soumet à la"
Société le produit d'une intéressante découverte d'antiquités gauloises, épées, fibu-j. .
les, fer de lance, bracelets, dents d'ours, etc., faite sous un tuinulus construit ena|
pierre sèche dans le voisinage d'Annecy.
M. Fiouest complète les indications fournies par M. le D' Thonion; cette sépul-
ture se rapporte aux derniers temps de l'indépendance gauloise et à l'invasion de
César en Gaule.
M. Heuzey communique à la Société un monument (plateau) de schiste vert, de |
style oriental, tiouvéen Egypte, qui représente une tribu asiatique en expédition.
M. Courajod fdit une communication sur un bas-relief en marbre, italien, de la
collection Rattier, rapporté en 1846 d'Italie par M. Piault; cette pièce a été attribuée
à Léonard de Vinci; elle a été publiée par M. Baudet dans un travail sur Verrochio.
M. Courajod lui attribue un caractère léonardesque.
M. de Geymùller ajoute quelques observations au sujet des analogies qu'il présente'
avec les œuvres tloreniincs; il lui attribue aussi un caractère léonardesque.
M. Duruflé communique à la Société un staière de Lampsaque, qui remonte à^la
fin du v'= siècle avant lère chrétienne. Ce statère est probablement unique; la tête
représente Actéon. M. Babelon signale un statère de Cyzique imité de celui de Lamp-
saque.
M. Durrieu présente à la Société un tryptique acquis récemment par le Musée du
Louvre 11 expose qu'il est possible que ce tableau soit l'œuvre d'un artiste franco-
Hamand, plutôt que celle d'un artiste appartenant à la pure école flamande.
Le Secrétaire,
Ulysse Robert.
ERNEST LEROUX.
Le Propriétaire-Gérant
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N' 19 - 12 mai — 1890
Sommaire s 212. Artîn-Pacha, L'instruction publique en Egypte. — 2i3. Beb-
GER, Histoire de la géoji;raphie scientifique des Grecs, II. — 214. Gùldenpenning,
Les sources de Théodoret. — 21 3-2 16. Wimmer, Les runes; Les fonts baptis-
maux d'Aarkirkeby. — 217. Stimming, Girart de Roussillon. — 218 Amiel,
Erasme. — 219. G. d'Avenel, Richelieu et la monarchie absolue. — 220. Teicher,
Le ginéral Kleber. — Académie des Inscriptions.
212. — Yacoub Artin Pacha. L'Instruction publique en Egypte. Paris,
Ernest Leroux, i88g, in-8, 214 p.
Yacoub Artîn Pacha a été pendant de longues années sous-secrétaire
d'État au Ministère de l'Instruction publique d'Egypte : cela explique
et les mérites de son livre et les lacunes qu'il renferme. Fils et neveu
de deux des hommes qui, sous Méhèmet-Ali, travaillèrent le plus sé-
rieusement à implanter aux bords du Nil l'instruction européenne, mis
au courant par ses fonctions de tout ce qui touche aux écoles, il nous a
donné des renseignements certains sur des points où d'autres n^auraient
pu rien dire ; mais en même temps, ses attaches officielles Font obligé au
secret professionnel et il ne nous a livré qu''une partie de ce qu'il sait.
Il ne s'est pas cru autorisé, par exemple, à nous exposer les motifs, bien
connus dans certains milieux, qui ont amené la modification du régime
intérieur de diverses écoles et, en désespoir de cause, la suppression de
l'une au moins d'entre elles : je ne lui en ferai pas un reproche, loin de
là, et je crois qu'il a eu raison de ne pas nous montrer les misères de
son pays d'adoption. Malgré ces lacunes forcées, son livre nous permet
de porter un jugement favorable sur l'état de l'instruction publique en
Egypte et de constater les progrès accomplis depuis le commencement
du siècle.
Les écoles organisées à l'européenne occupent la meilleure partie du
volume. Anîn Pacha écrivant pour les Égyptiens n'a pas songé à leur
exposer ce qu'ils savent déjà par l'usage journalier : il a négligé les
écoles populaires, si intéressantes pour nous autres Européens, et
n'en a point expliqué le mécanisme et l'organisation. J'espère qu'il
voudra bien revenir plus tard sur ce sujet : nul ne peut mieux que lui
nous faire pénétrer dans ces kottab bruyants et encombrés qu'on ren-
contre dans tous les bourgs un peu importants de l'Egypte. Nous ne
savons pas comment le personnel enseignant s'en recrute, le point où
s^arrête la science des maîtres, l'influence qu'ils exercent sur la forma-
tion des générations nouvelles. J'ai toujours pensé, pour ma part, qu'ils
étaient plus fréquentés qu'on ne le dit, et je sais que, dans les villages
Nouvelle série, XXIX. 19
362 RKVUK CKITIQUK
OÙ j'ai eu Toccasioa de vivre assez longtemps, à Louxor, à Karnak, à
Nagadèh, ù Saqqarah, le chiffre des élèves qui y recevaient l'instruction
primaire était d'un tiers au moins supérieur à celui que les statistiques
récentes accusent. J'ai eu souvent lu curiosité de rechercher quelle était
la proportion des lettrés sur les ouvriers que j'employais aux fouilles,
et de m'informer de Tendroit où chacun d'eux avait appris le peu qu'il
savait: un tiers des hommes et des enfants savait lire ou écrire à Saqqa-
rah, un quart à Louxor, un cinquième environ à Karnak. Les églises
dans les pays à population copte, les mosquées dans les villages à po-
pulation musulmane, contribuent plus fortement qu'on ne croit à
répandre Tinstruction rudimentaire. Les renseignements que nous avons
sur l'Egypte pharaonique me portent à penser qu'auparavant les tem-
ples en faisaient de même et qu'un kottab moderne reproduit assez
fidèlement l'aspect et l'organisation de Yâ-n-sbaou ancienne.
Artîn Pacha avait pour l'éducation des garçons et surtout des
filles des projets qu'il n'a pu réaliser comme il l'aurait voulu : je dirai
ici en deux mots, ce qu'il ne pouvait dire, qu'une bonne partie des pro-
grès récents est due à son initiative et à son activité. Malheureusement,
le système égyptien a un vice radical que personne encore n'a pu ou
n'a voulu corriger. Méhèmet-Ali en l'élaborant ne songeait qu'à
dresser des fonctionnaires instruits dans les différentes branches néces-
saires au fonctionnement de ses armées, de ses entreprises agricoles ou
industrielles, de l'administration, de la justice : en dehors des employés,
il se souciait peu de ce que le reste de la population savait ou ne savait
pas. Aussi toutes les écoles qu'il établit sur le modèle européen furent-
elles des écoles spéciales, école polytechnique, école de médecine, école
de droit, etc. Aujourd'hui encore il en est de même: dès, qu'un enfanta
reçu l'instruction primaire, il entre dans une de ces écoles qui le conduit
à la fin de ses études, jusqu'au moment où il est ingénieur, soldat,
médecin, magistrat, etc. L'éducation sans attribution de carrière spéciale,
telle qu'on la reçoit chez nous, n'existe pas en Egypte, au moins dans les
établissements du gouvernement. Le conseil de l'Instruction publique
institué en 1881 s'était préoccupé de cet état de choses : un projet lui
avait été présenté qui proposait de modeler l'organisation scolaire de
l'Egypte sur ce qui existe en France. Les lycées auraient donné à la jeu-
nesse l'instruction générale dont tout homme a besoin, quelque soit sorf
métier : les écoles n'auraient plus eu, comme en Europe, qu'à donnejj
aux élèves sortant des lycées un enseignement purement technique. D(
tous les membres indigènes devant qui ce projet fut exposé, un seul, 1<|
cheikh Abdou, comprit l'importance de cette réforme et la soutint danj
la séance où il fut présenté. La révolution de 1882 l'emporta, comnij
bien d'autres choses.
En résumé, je recommanderai la lecture du livre d'Artîn Pacha
toutes les personnes qui veulent connaître l'état actuel de l'instructioi
en Egypte : nul ouvrage ne leur fournira autant de renseignements cer
d'histoire et de littérature 363
tains. Je me permettrai en terminant de signaler à l'auteur une lacune
que j'ai remarquée dans Ténumération qu'il fait des écoles existant ou
ayant existé en Egypte. Il parle d'une école d'Égyptologie, qui, fondée en
1869 par Ismaïl, fut placée sous la direction de Tégyptologue Henri
Brugsch (qu'il ne faut pas confondre avec son frère Emile Brugsch,
photographe et conservateur du Musée de Boulaq), et disparut en 1876
sans avoir produit de résultats appréciables. Une seconde école du
même genre fut établie en 188 1 au musée de Boulaq, aux ordres du di-
recteur et sous la surveillance d'Ahmed Effendi Kamal, secrétaire inter-
prète du musée. Elle eut cinq élèves qui, après avoir reçu les rudiments
de rinstruction égyptologique , furent envoyés dans les provinces et
nommés inspecteurs des antiquités en i885; après quoi Técole fut sup-
primée, comme il avait été convenu au moment de la fondation. L'ou-
bli est mince : c'est le seul que J'aie découvert dans la liste qu'Artîn Pa-
cha a dressée et c'est pourquoi je me permets de le signaler.
G. Maspero.
2i3. — H. Berger. Gesclilclite der -wissenscliaftllclien Ertlkunde der
Grieclien lUe Abth. Die Vorbereitung fur die Geogropliie dei- Erd-
kugel. Leipzig, Veit, 18S9, pp. xn-i5o.
M. H. Berger, qui avait abordé les problèmes de la géographie
ancienne dans ses Commentaires des fragments d'Hipparque et d'Era-
tosthène, s'est vu naturellement amené à exposer dans un ordre à la fois
plus chronologique et plus méthodique des questions où sa compétence
s'est exercée déjà. 11 est remonté aux origines de la géographie scienti-
fique des Grecs. Le premier volume de son œuvre est consacré aux
Ioniens ^.
Le second ne le cède en rien au précédent. Peut-être l'emporte-t-il
en intérêt. Car il traite d'une doctrine moins étrangère à notre esprit
que les conceptions plus lointaines des Ioniens, celle de la sphéricité de
la terre. L'auteur en cherche la genèse, en suit l'évolution. Aucun argu-
ment, aucune allusion même d'un écrivain ancien ne lui échappe. Chez
lui, d'ailleurs, le géographe est doublé d'un philologue judicieux, vertu
indispensable à l'intelligence de textes souvent obscurs ou corrompus.
Nous examinerons l'ouvrage de M. B., non pas avec l'ambition de juger
les théories qu'il interprète lui-même et de rouvrir le débat sur des
points irrémédiablement litigieux, mais avec le désir de relever les vues
neuves ou originales que lui suggère une étude approfondie. Les tra-
vaux sur la matière ne manquent pas, ni les opinions. Nous nous bor-
nerons à signaler les controverses sans nous y mêler.
Dans sa préface, l'auteur trace son programme. Il veut montrer com-
ment la géographie scientifique, cultivée dans des cercles fermés, dédai-
gnée des historiens, des hommes d'État,du public, envahit insensiblement
i.Woir Revue critique, n" 348, 23 juillet 1888.
364 REVUE CRITIQUE
la philosophie, Platon en est le poète, Aristote le prophète.On peut même
avancer que l'œuvre de M. B. est composée admajorem gloriam d'Aris-
tote. Si Platon s'est aventuré dans le domaine de la géographie, ce
n'est pas pour l'explorer, mais plutôt pour en conter les merveilles et
les mystères. Aristote, au contraire, a servi la géographie en toute con-
naissance de cause; il l'a solidarisée avec les sciences physiques et natu-
relles; il lui a donné rang dans l'encyclopédie.
Aussi Aristote apparaît-il, dès le début du livre de M. B., comme j
l'historien et le critique du dogme de la sphéricité.
Ce dogme, les Pythagoriciens Tont-ils découvert, ou Font-ils reçu par
tradition de POrient? Certains indices permettent d'admettre que les
Égyptiens et les Babyloniens peut-être le possédaient déjà à la suite de
longues spéculations. Pour M. B., cette vérité fut non pas créée,
mais simplement confirmée par les preuves physiques ou astronomiques
dont se prévalurent les Grecs. Ainsi, à l'époque où fleurit l'école de Py-
thagore, se dresse contre l'ancienne loi la croyance en la sphère ter-
restre, miniature, en quelque sorte, delà sphère céleste.
Cette sphère, quelle est sa place dans le monde? Plate ou sphérique,
les anciens assignaient à la terre une position privilégiée au centre de
l'univers. Les Pythagoriciens, rompant avec ce préjugé, la rejettent dans
l'espace, où elle plane comme un astre parmi les astres. Philolaos, con-
temporain de Socrate, fut l'apôtre de cette idée hardie, et, pour ne point
détrôner l'harmonie universelle, il imagina la doctrine des nombres.
Une conséquence plus scientifique se dégage de cette notion des choses :
du moment que la terre plane comme un astre, les Pythagoriciens furent
amenés à penser qu'elle pouvait bien être animée d'un mouvement
propre, et par une déduction très logique, le soleil fut considéré comme
le centre du système planétaire. Ainsi se manifestèrent, dès le milieu
du iii« siècle avant J.-C, les devanciers de Copernic. M. B. s'accorde
là-dessus avec Schiaparelii. Mais il déclare que cette révélation n'eut
aucune influence sur la géographie scientifique : la foi géocentrique ne |
fut pas ébranlée. Aristote ne s'en départit pas et la couvrit de son auto- |
rite. Platon fut séduit peut-être, en tous cas, M. B. l'affirme, ému des |
discussions que souleva le problème dans ses vieux jours : telle est la
clef des hésitations, sinon des contradictions, dont les exégètes se sont
inquiétés.
Jusqu'ici, M. B. a fait honneur aux Pythagoriciens des nouveautés
qu'on leur attribue généralement. Mais sa curiosité ne se contente pas
si aisément. Il se demande si ces idées n'auraient pas été élaborées
ailleurs encore, et il découvre de singulières affinités entre les Pytha-
goriciens et les Eléates. Les Éléates sont géocentristes, comme les i
Pythagoriciens de l'ancienne observance, ceux d'avant Philolaos, mais ''
ils proclament aussi la sphéricité. C'est ce qui ressort, aux yeux de
M. B., des vers de Xénophane, le fondateur de la secte. M. B. s'évertue
à démontrer que Xénophane a été mal compris, qu'on lui a prêté un
11
1
d'histoire et de littérature 365
système cosmique qui était la négation des vérités conquises depuis
Anaximandre. Il le réhabilite dans une dissertation des mieux docu-
mentées et se félicite d'avoir eu pour précurseur dans cette tâche Sim-
plicius a un des connaisseurs et commentateurs les plus savants et les
plus sûrs des anciens philosophes ». M. B. reprend à son tour et expli-
que les théories de Xénophane : celle de la nuit polaire, notamment, le
conduit à une interprétation nouvelle du texte d'Hérodote sur ce sujet.
C'est encore de l'école des Éléates, dont le second maître est Parmé-
nide, qu'est sortie la doctrine des zones; Parménide l'a formulée ou
plutôt chantée, et Platon l'aurait traduite dans son mythe astronomique
de la migration des âmes. M. B. reconstitue le système de Parménide,
mais il n'a garde d'oublier la part des Pythagoriciens dans la position et
l'étude du problème.
La théorie des zones implique celle de l'habitabilité, dont Parménide
aurait encore été l'initiateur. Selon M. B., il aurait connu le récit de
Hannon, qui confirme l'existence d'une zone lorride inhabitable.
Quelle est l'étendue de la zone torride de Parménide? C'est ce que M. B.
s'efforce d'éclaircir, et il modifie à ce propos l'opinion qu'il avait émise
dans son premier volume.
Mais, après Parménide, il restait à résoudre bien des problèmes. Le
plus urgent était la mensuration de la terre. M. B. montre qu'une fois
en possession du terme essentiel, la concentricité des deux sphères céleste
et terrestre, avec leurs zones qui se répondent, les géographes pouvaient
tenter l'opération qui excita l'étonnement des profanes. Il estime, d'ail-
leurs, que la détermination du méridien entre Lysimachia sur l'Helles-
pont et Syène ne fut pas le premier essai dans cette voie; qu'au temps
de la guerre du Péloponèse, le monde athénien était préoccupé de la
question.
Cependant, ce monde adhérait encore aux idées géographiques des
Ioniens, et se défiait des nouveautés. M. B. a mis en relief cette ten-
dance à laquelle Platon sacrifiait lui-même en défendant Socrate contre
le reproche de spéculations cosmiques. Quant aux rhéteurs, ils avaient
pour les mathémathiques une répugnance professionnelle. La géogra-
phie, il est vrai, échappait aux attaques. M. B. veut que dans une scène
des Nuées, Aristophane l'ait tournée en ridicule ; il force un peu, ce
semble, la pensée du poète. Il accuse Xénophon et Socrate d'indiffé-
rence, voire d'ignorance en matière géographique : les descriptions de
contrées, les détails de noms qu'ils notent ne se réclament d'aucun sys-
tème et ne s'encadrent pas dans une carte générale du globe ; en cela,
Thucydide leur est supérieur.
Toutefois, pendant cette époque en apparence ingrate pour la géo-
graphie scientifique, les notions s'accumulent, l'horizon du monde
s agrandit. M. B. énumère ces conquêtes dans une excellente page
d histoire de la géographie; on y lira surtout avec intérêt les données
relatives à Pister. Par une conséquence naturelle, les livres ou traités
366 RKVUE CRIIIQIÎH
se multiplient, M. B. en tiétinit les dilîérents types, périodes, périples,
périégèses. Par période, il ne faut pas seulement entendre la carte, mais
aussi le manuel de géographie générale ; la périégèse se confond, selon
M. B., avec la chorographie; à propos de périple, l'auteur recherche le
procédé de composition de celui de Scylax. Enfin, parlant d'œuvres
comme celle de Strabon, M. B. déclare avec raison que, si cette géo-
graphie a divorcé avec les mathématiques, elle a payé cher cette rupture :
elle fut réduite, en effet, à sa condition d'auxiliaire de l'histoire et autres
sciences morales.
Pendant cette période aussi, l'école ionienne n'a pas renoncé à l'acti-
vité. M. B. s'enquiert du rôle de ses épigones. Il y rattache Ephore,
peut-être indûment ; il rassemble avec soin ce qu'on sait des autres,
Damaste de Sigée, Philéas, Euktémon, Eudoxe ; il rappelle les tra-
vaux et les controverses que quelques-uns de ces noms ont provoqués,
Eudoxe principalement, qu'après mûr examen M. B. range parmi les
géographes, contre Brandes qui l'avait dépouillé de ce titre.
Après cette revue, M. B. sent le besoin de dresser le bilan de la
géographie scientifique, mêlée désormais aux sciences naturelles et à la
philosophie. Les doctrines nouvelles trouvent leur expression, sinon
la plus complète et la plus didactique, du moins la plus haute dans
Platon et Aristote. M, B. entreprend de dégager Télément géographique
de la gangue métaphysique, de ce qu'il nomme das Uebergeographi-
sche. Il y déploie une rare sagacité et quelque subtilité sans doute : car
il force Platon et Aristote à systématiser contre leur gré ou la tournure
de leur génie.
Les doctrines nouvelles ont pour couronnement la mensuration du
globe. M. B. revient ivec complaisance sur cet épisode, le plus saisis-
sant de l'évolution géographique; il insiste, sans se lasser, sur les pro-
cédés de Popération, sur la part d'Eudoxe dans la réalisation de cette
idée a étonnante », il répète des arguments déjà plusieurs fois présentés
avec un redoublement de conviction qui les fait paraître neufs. Il déve-
loppe l'hypothèse que les premiers auteurs travaillèrent sur une sphère
artificielle, par voie mécanique plutôt que par théorie; mais avec des
tâtonnements, dont M. B. cite un exemple d'après un fragment d'Achille
Tatius.
En dépit de l'incertitude de ce résultat, la connaissance de la consti-
tution physique de la terre fit des progrès. Les informations abondent
dans Platon et dans Aristote surtout. M. B. les analyse et parfois les
critique! Ainsi l'explication d'Aristote de l'origine des vents demeure
douteuse : M. B. estime que les contradictions du quatrième chapitre
du livre II de la Météorologie résident moins dans l'obscurité du texU
que dans l'esprit de l'auteur, dans la difficulté qu'il éprouve à maintenii
son système sur la nature de l'air. A propos de l'hydrographie, M. B
signale le silence des deux philosophes sur les marées. Les doxographe
ou commentateurs leur prêtent des théories sur ce phénomène sans leu:
d'hISTOIRK et Dli LiTTÉRATURh. 367
faire tort, d'après M. B. Il veut même que l'opinion professée par
Straton de Lampsaque et plus tard par Ératosthène sur le mouvement
des flots dans les bassins méditerranéens émane d''Aristote.
De tous les problèmes géographiques, il n'en est pas qui suscita plus
de polémiques chez les anciens que celui des rapports de la terre et de
la mer. M. B. interroge, comme de juste, ses deux autorités favorites.
Platon, selon sa coutume, enveloppe sa pensée dans un mythe. M. B.
consacre au passage fameux du Phédon un long morceau d'exégèse, et
confesse finalement qu'il n'en ressort aucune idée positive. Que n'a-t-
il entendu l'avertissement du philosophe : -lau-a cmu/^picracOa', c'j-wç
l/E'.v. .. où 'icpéTcsi vGJv l'/ovv. àvopi. Aristote n'est pas plus explicite : il a
dans un chapitre de son traité du Ciel exercé la patience des érudits les
plus qualifiés. Mais M. B. préfère à toutes leurs sentences une interpré-
tation de Simplicius, qu'il oppose autant que possible, non sans ironie,
aux doxographes modernes. Il conclut qu'Aristote, malgré sa réserve^
est partisan de l'insularité de la terre habitable baignée par une mer
continue. Et cette réserve est légitime, quand on songe à quel préjugé
sacrifièrent Eratosthène et Strabon.
La synthèse de ces conquêtes dogmatiques eût dû se traduire dans la
cartographie. Mais les champions de la sphéricité furent incapables de
construire une carte répondant à leur théorie : c'est qu'ils ne se sen-
taient pas encore assez armés de données mathématiques et astronomi-
ques, c'est aussi parce qu'ils n'étaient pas encouragés. Aussi la vieille
carte d'Anaximandre, les chimères des Ioniens gardèrent leur prestige.
Cependant ce n'est pas en vain que tout ce travail scientifique s'était
accompli. M. B. en a touché toutes les phases, révélé toutes les difficul-
tés. Il a pénétré dans la pensée de ceux qui constituèrent le dogme de
la sphéricité, il a ressenti leurs doutes. Nous esj^Jrons que, dans un pro-
chain volume, M. Berger dira les péripéties finales de l'ère militante de
la géographie scientifique. Nous espérons aussi qu'il y déploiera, avec
les mêmes qualités, un peu plus d'ordre et de clarté dans l'exposition.
C'est un mérite qui n'est pas incompatible même avec l'érudition la
plus authentique et la plus germanique.
B. AUERBACH.
214.— A. GûLDENPENNiNG. Die Kipcliengescbielite des Xheodoret von
Kyrrlios, eine Untersuchung ihrer Quellen. Halle, Max Niemeyer, 18S9, 101 pp.
in-8. Prix : 2 Mark.
Théodoret mentionne parmi ses sources Eusèbe, Athanase et Arrius.
M. Gûldenpenning n'a pas de peine à retrouver d'autres citations de ces
auteurs dans des pages où l'historien, suivant l'habitude antique, ne men-
tionne pas ses autorités. Puis il essaie de sortir de ce cercle et recherche
si Théodoret n'aurait pas utilisé les œuvres d'autres écrivains, en parti-
culier Sozomène et Socrate. C'est ce qui l'amène à préciser la date que
368 RBVUK CRITIQUE
Ton peut leur assigner. L'histoire de Socrate s'étend jusqu'à 439; puis-
que Tiiéodose II vivait encore au moment où elle fut terminée, c'est
entre 439 et 430 que doit se placer sa composition, et probablement
entre 439 et 443. D'après les indications que contient le livre de Sozo-
mène, notamment la préface, on peut désigner pour la rédaction de cet
ouvrage l'espace compris entre 434 et 447, plus vraisemblablement les
années 443 et 444. Quant à Théodoret, il nous a parlé de ses écrits dans
deux lettres qui permettent, en les rapprochant d'autres indices, d'affir-
mer que son histoire a été écrite en 448 ou 449.
Je ne ferai qu'une objection au système de M. G. Ces dates sont
nécessairement approximatives, comme on le voit. En admettant un
écart de quelques années, tout en restant dans les limites assignées par
M. G., on peut supposer que Socrate écrivait en 449, Sozomène en
447, Théodoret en 448. Dès lors, il n'y a plus à chercher lequel de ces
trois historiens a copié les deux autres : le problème est insoluble, et il
serait possible qu'ils aient puisé tous aux mêmes sources. La question
est tout autre pour Rufin.
M. G. présente un tableau où il indique pour chacun des chapitres
de Théodoret les sources probables. Rufin viendrait en première ligne;
on aurait ensuite Eusèbe pour le livre I'^'", Athanase pour les livres I^""
et II, Sozomène pour les livres III et IV. Le livre V est à peu près
indépendant, et du reste l'apport personnel de Théodoret croît de livre
en livre. M. G. termine par une brève caractéristique de Théodoret.
L'auteur a réuni dans cette brochure un grand nombre de faits et
de rapprochements commodément classés. Quoi qu'on pense de l'inter-
prétation à en donner, c'est un service dont on doit être reconnaissant
à M. Gûldenpenning.
i
21 5. — Die ïtunenscliipîft von Ludv. F. A. Wimmer, vom Verfasser umgear-
beitete und vermehrte Ausgabe, mit 3 Tafeln und Abbiidungen im Texte; aus
dem daenischen ûbersetzt von D' F. Holthausen. Berlin, Weidmannsche Buch-
handlung, 1887, xxiv-394 p. in-8.
21Ô. — Dœbefonten i Aai'kii'keby liirke af Ludv. F. A. WlMJiER. Kœbenhafn,
Gyldendalske Boghandel, Thieles Bogtrykkeri, 1887, n-84 p. in-4 (avec 3 pi.
grav., 4 pi. lithogr. et dessins dans le textej.
Nous sommes bien en retard avec ces beaux livres, mais comme ce
ne sont pas des ouvrages de circonstance, quoiqu'ils aient été publiés à
l'occasion du centième anniversaire (22 novembre 1887) de la naissance
du grand linguiste Rask, ils ne perdent rien à être défraîchis; leur
valeur est durable ; ce n'est pas la nouveauté qui fait leur mérite, comme
s'il s'agissait de primeurs incapables de soutenir la comparaison avec
des fruits arrivés à leur saison. La maturité du moins ne peut man-
quer au premier qui est l'édition allemande remaniée, et augmentée,
d'un volume danois paru dés 1874. Il se compose, outre l'introduction
d'histoire et de LITTÉRAT0RB SÔg
et les appendices, de deux livres traitant l'un de l'origine de l'écriture
runique, l'autre de son développement dans le Nord.
Longtemps on a regardé les runes comme mystérieuses, et c'est même
la signification du mot norrain rùn. en gothique runa, que Wulfila
emploie pour rendre le grec [rjsTfip'.ov. Ce pouvaient être, en effet, des
caractères magiques pour les ignorants, mais pour les gens instruits
leur origine est des plus vulgaires : d'après notre auteur, le plus ancien
alphabet runique, composé de 24 lettres, en a emprunté non moins de
16 à l'alphabet latin contemporain, c'est-à-dire à celui qui était en
usage dans les premiers siècles de notre ère; les 8 autres ont dû être
inventés pour rendre des sons particuliers à la langue germanique
d'alors. On pourrait chicaner M. Wimmer pour trois lettres : le lagu
ou lœgr et le naed ou naiid ressemblent plus au /,â;jioa et au vu qu'à L
et N des Romains; quant au geofu iX, prononcez g et non ks), c'est
évidemment le X? grec plutôt qu'un doublement du C angulaire des
Etrusques ou des Osques. Même en se prononçant pour Tune de ces
dernières alternatives, M. W. est forcé de faire brèche à sa propre théo-
rie, puisqu'il est forcé de remonter aux formes archaïques, c'est à-dire
grecques, l'alphabet romain du temps des Césars n'ayant pas le C angu-
laire. L'inventeur de l'alphabet runique n'était pas un simple copiste;
il a fait usage de son libre arbitre en fabriquant huit caractères nou-
veaux; il a pris où bon lui semblait et, comme les inscriptions ne man-
quaient pas de son temps dans les limites de l'empire romain, pas même
en Italie où il en trouvait autant de grecques que de latines, il a choisi
aussi bien parmi les unes que parmi les autres, aussi bien dans les
anciennes que dans les récentes. Cet alphabet peut être qualifié de lapi-
daire par opposition à l'alphabet cursif employé un peu plus tard par
"Wulfila pour la traduction de la Bible et principalement formé d'après
l'alphabet grec. Celui-là était fait pour être gravé sur pierre, sur métal,
sur bois; celui-ci pour être peint ou tracé sur parchemin ou sur papy-
rus; de là leurs différences essentielles, quoique tous deux aient été
inventés, à quelques siècles de distance, par deux hommes de même
race vivant en contact avec des sujets du grand Empire.
Quoique les inscriptions en runes anciennes soient relativement rares,
elles occupent un grand espace de terrain : on en a découvert non seu-
lement dans les pays Scandinaves, en Angleterre et en Allemagne, mais
encore en Bourgogne, en Poznanie, en Volhynie, en Valachie. Gravées
sur des fibules, des anneaux, des bractéates, des armes, elles pouvaient
être facilement emportées par les cmigrants de race germanique; c'est
seulement en Suède et en Norvège que l'on en voit sur d'énormes blocs
de pierre peu mobiles de leur nature, et qui ont certainement été tra-
cées sur place.
L'alphabet runique plus récent, de seize lettres, dont neuf seulement
communes avec le plus ancien, n'a pas eu autant d'extension géogra-
phique. Il n'a été employé que par des Scandinaves, non seulement dans
J/O REVUE CRITIQUE
leur patrie, mais encore dans leurs colonies (Iles Britanniques, Islande,
Groenland), et par exception dans une garnison des Vaerings, à Athènes
(lion du Pirée, actuellement à Venise). M. W. soutient dans son second
livre que l'alphabet le plus court est dérivé du plus long. Il semble à la
vérité singulier qu'un peuple renonce volontairement à des signes utiles
et appauvrisse ainsi son écriture et sa phonétique. Il y en a pourtant
des exemples dans les langues Scandinaves modernes où manquent des
lettres qui existaient dans les anciens idiomes et que l'islandais, plus
archaïque, a conservées. De ce côté donc la thèse de l'auteur ne se heurte
ni à rimpossibilité ni à Pinvraisemblance; mais il est plus difficile de le
suivre dans sa démonstration chronologique, basée non sur des dates
(car il n'y en a pas), ni sur des caractères archéologiques bien précis, ni
sur des trouvailles d'ensemble, où des médailles, des objets bien connus,
des motifs de décoration permettent de dater les antiquités provenant
d'un même milieu. M. W. s'appuie surtout sur des appréciations paléo-
graphiques, qui peuvent bien être de mise quand on les déduit de la
connaissance de milliers de chartes et de documents authentiques, mais
qui deviennent du pur arbitraire quand on raisonne d'après quelques
rares inscriptions échappées au naufrage et flottant dans le vague des
temps. Pour tout ramener à son système, il est forcé de rajeunir de
plusieurs siècles des inscriptions anciennes, comme celles des tourbières
du Slesvig et de la fibule de Charnay. Pour beaucoup d'inscriptions en
runes récentes, leur âge approximatif n'est guère mieux connu, et leurs
nombreuses différences attribuées au temps peuvent tout aussi bien
tenir aui localités et, pourquoi ne pas le dire, à l'ignorance ou au bon
plaisir du runographe. Il n'est, en effet, pas rare de trouver dans une
même contrée des inscriptions se rapportant au même personnage et
émcaiées du même graveur (p. 842, 345, 35o, 352), et où pourtant des
caractères différents servent à rendre le même son et où l'orthographe
du même mot varie considérablement.
Les six appendices de l'Ecriture runique concernent : 1° l'alphabet
de Wulfila; 2" les deux poèmes sur les runes en vieux norvégien et en
islandais; 3° les différences tenant aux localités dans l'alphabet le plus
court; 4° les relations entre les runes représentant les deux r (dont l'un
avait le son de r' en tchèque ou de r:^ en polonais); 5° chronologie des
plus anciens monuments runiques du nord, en commençant par les
inscriptions des tourbières de Thorsbjerg et de Nydam, du diadème de
Starup et de la fibule de Himlinghœje, que M. W. place entre 400 et
5oo de notre ère, et en finissant vers l'an 1000 par la pierre du Dane-
virke ; 6" enfin explication et figures des plus anciennes inscriptions
runiques du Danemark où est employé l'alphabet le plus court (de 800
à 900 de notre ère).
Ce dernier appendice est un spécimen du grand travail que M. W.
prépare sur l'ensemble des inscriptions runiques du Danemark, après
avoir successivement parcouru le Jutland et les îles, prenant des estam-
d'histoire et de littérature 371
pes, étudiant les monuments sur place, et accompagné d'un artiste qui
les dessinait. On peut donc attendre de cette coopération des copies fidè-
les, des lectures exactes et des explications sûres. Nous n'osons pour-
tant pas espérer que tout l'ouvrage paraisse dans une édition aussi
splendide que les Fonts baptismaux de l'église d'Aakirkeby, ni que la
munificence du ministre du culte renouvelle pour l'ensemble ce qui a
été fait si luxueusement pour une petite partie. Ce monument runique
est l'un des 24 (pour la plupart sinon tous chrétiens) que Ton connaît
dans l'île de Bornholm. C'est, à la vérité, le plus beau ; il a pour pendant
les fonts de Bjersjœ en Skanie, qui portent des noms latins entremêlés
de quelques mots norrains, le tout en lettres onciales, et que l'auteur
reproduit comme terme de comparaison, ainsi que les fonts (beaucoup
moins beaux mais portant des inscriptions runiques) de Skyum et de
Brœndum en Jutland; de Sœder Vidinge et de Sallerup en Skanie. Les
légendes relativement longues des fonts d'Aakirkeby sont en dialecte de
l'île de Gotland, d'où M. W. induit que ces fonts proviennent d'un
atelier de cette île si célèbre dans l'histoire des arts, du commerce et de
la marine au moyen âge. Les sujets qui y sont sculptés sont bien con-
nus : FAnnonciation, la naissance de l'enfant Jésus, l'Adoration des
rois mages et la Passion. Les diverses scènes sont accompagnées de
légendes runiques pour l'explication desquelles M. Wimmer déploie
toutes les ressources de son expérience runoiogique. Il a montré par là
ce que Ton peut attendre de lui pour le grand travail qui sera le digne
couronnement de son œuvre.
E. Beauvois.
217. — Ueber den provenzalisclien Giii>ai>t von Rossillon. Ein Beitrag
zur Entwickelungsgeschichte der Volksepen, von Albert Stimming. Halle, Nie-
meyer, 1888; in-8, Sgg pages.
Il résulte des recherches de M. Paul Meyer sur Tépopée de Girart de
Roussillon que la chanson de geste provençale a été composée ,au déclin
du xiie siècle, dans la région limitrophe de la langue d'oc et de la langue
d'oui, « selon toute probabilité à la latitude de Lyon, mais sûrement
plus à l'ouest*». L'auteur, sans doute ecclésiastique, remaniait fort
librement une chanson bourguignonne, dont un moine de Pothières
s'était inspiré moins d'un siècle auparavant, en rédigeant, pour le plus
grand profit et le plus grand honneur de sa communauté , la Vita
nobilis comitis Gerardi de Rossillone. Par l'analyse la plus minutieuse
du texte traditionnel, M. Stimming a tenté de reconnaître exactement
ce qui appartient à Pancien poème et ce que le temps a dû ajouter à ce
fonds primitif. 11 croit pouvoir distinguer dans la composition actuelle
au moins quatre éléments successifs :
* Girart de Roussillon, chanson de geste, traduite pour la première fois par Paul
Meyer. Introduction, p. cxci.
372 REVUE CRJTIQUB
i" Environ 3383 vers d'un poème du xi° siècle (G), différent u plu-
sieurs égards de celui que connaissait le moine de Pothières.
2" 985 vers interpolés (R '), principalement répartis entre deux épi-
sodes qui manquent à la Vie latine. L'un est celui des amours romanes-
ques de Fouque et d'Aupais, dans lequel M. Meyer avait déjà signalé
des traits suspects. L'autre interpolation, moins étendue, relate le
meurtre du duc Tierri d'Ascane, apparemment imaginé pour donner
un motif plus précis à l'hostilité de Charles et de Girart,
3" 5242 vers environ, composés par le renouveleur ecclésiastique
(R ~). Poète de beaucoup de talent et d^un talent très personnel, il est,
aux yeux de M. Meyer, le véritable auteur de notre Girart de Roussil-
lon. 11 se montre le plus original au commencement et à la fin de la
chanson renouvelée, dans la grande scène d'ouverture et après le retour
de Girart de l'exil. Bien que ces derniers récits soient fort incohérents,
l'appréciation défavorable de M. S. ne me semble pas suffisamment jus-
tifiée. A son gré, certaines données de l'ancien poème se retrouveraient
jusque dans Pintroduction actuelle. L'activité de R - aurait, en somme,
consisté à interpoler dans l'œuvre de ses prédécesseurs tantôt un vers,
tantôt une tirade, tantôt une série de tirades.
40 Des copistes postérieurs paraissent avoir ajouté çà et là quelques
passages insignifiants, en tout 392 vers (R "^).
Des résultats si précis de recherches si difficiles et si conjecturales
suffiraient à éveiller la défiance, ignorât-on même combien nous
sommes pauvres en témoignages concernant la chanson de Girart de
Roussillon. Aussi bien, l'on reste confondu de la tranquille assurance
avec laquelle M. S. assigne chaque tirade à l'un des états successifs du
poème, de la hardiesse avec laquelle il prétend restituer ces quatre états
dans leur intégrité. C^est à peine si G lui paraît otïrir quelques lacunes; |j
R 1 subsiste encore intact au milieu des 5242 vers dans lesquels R ~ Pa il
noyé. Or, l'ancienne chanson devait être versifiée en assonances dans
un dialecte bourguignon fort semblable au français : la nouvelle est
tout entière rimee dans une langue à demi provençale. Cette grave
objection a si peu de poids dans l'esprit de M. S. qu'il reproche à
M. Meyer de n'avoir pas su reconnaître dans R ~ un moine de Vézelai,
rivalisant avec Thagiographe de Pothières.
La philologie a plus d'une fois tiré un excellent parti de l'observation
délicate des contradictions, des incohérences qui déparent mainte œuvre
littéraire; mais nulle méthode d'investigation historique n'a été plus
souvent compromise par Va priori, l'arbitraire, l'esprit de système des
hypercritiques. C'est l'épopée qui offre le terrain le plus favorable à des
tentatives hardies et aventureuses : la tradition incertaine, altérée, la
forme ample et flottante se plient assez docilement aux hypothèses les
plus diverses. On peut dire que M. S., en partant de certaines idées
qu'il a exposées dans l'introduction et en plusieurs endroits de son
livre, devait nécessairement aboutir aux conclusions que nous avons
D HISTOÏKK KT OK l.lTTHRATURfc Sji
critiquées. Les vieux poètes originaux racontaient, dit-il, « tout à fait
brièvement, simplement, sans répétitions, sans interruptions, sans
digressions. » Les mots savants, les réflexions pieuses caractérisent les
parties remaniées ou interpolées. Aux yeux de M. S. et de ceux qui
pensent comme lui, il n'est point d'erreur, de sottise, d'ineptie qu'il ne
soit permis d'attribuer à un renouveleur. Par son caractère ecclésiasti-
que, R ~ était prédestiné à jouer le rôle du bouc émissaire. M. S. n'hé-
site pas à supposer que ce rédacteur, accomplissant une œuvre de
longue patience et de scrupuleuse attention, un prodigieux travail de
marqueterie, a pu se mettre en contradiction avec lui-même de la façon
la plus grossière, tandis que ses prédécesseurs ne sauraient avoir eu de
défaillance. C'est sur des fondements aussi peu solides que le professeur
de Kiel reconstruit G suivant un type préconçu Le résultat de ses peines
devrait être identique à la chanson bourguignonne que nous font con-
naître la Vie latine et des allusions de Renaud de Montauban; mais, en
fin de compte, le lecteur désappointé n'a devant les yeux qu'une abs-
traction, une quintessence de la chanson renouvelée.
On a loué avec raison dans l'étude de M. S. des vues ingénieuses,
des observations fines et justes *. En ce qui concerne Phistoire
de Girart de Roussillon et les origines de la chanson de geste, il
soutient une opinion plus probable que celle de M. Meyer. Son défaut
est de n'avoir « jamais su ignorer** ■(< et d'argumenter souvent sur des
faits insignifiants, auxquels il attribue une portée exagérée. A mesure
qu'il avance dans ses recherches, de nouvelles hypothèses s'étagent sur
de précédentes conjectures : c'est comme un château de cartes qu'on
verrait s'élever sur les ruines vénérablesde Roussillon. Bien loin de cher-
cher, comme M. Meyer, à concilier autant que possible les données
contradictoires du texte traditionnel, M. S. exagère à plaisir le nombre
et l'importance des divergences. Un exemple assez piquant fera saisir
sur le vif cette tendance de notre auteur. Un nom propre, employé
auparavant à plusieurs reprises sous la forme du cas régime Aimenon,
apparaît au vers i094du manuscrit d'Oxford, comme sujet de la phrase,
sous la forme Aimes. Croit-on que le savant éditeur de Jaufre Rudel et
Bertran de Born, avant de s'être élancé sur les traces de Lachmann et
de ses disciples, se fût montré surpris d'un tel changement**" ? L'esprit
subtil et pénétrant de M. S., sa puissance de dialectique et de combi-
naison ne doivent pas faire illusion sur l'utilité de sa « contribution à
l'histoire des épopées nationales «. Au lieu d'une étude objective, tout
à fait impartiale, respectueuse des textes, ce que nous offrent les quatre
cents pages de ce volume est un syllogisme longuement développé,
* M. Wilmotte, dans le Moyen Age, 1, p. 126, et M. Pakscher, dans la Zeitsdirift
fiir i-oman. Philologie, Xll, p. 556.
** C'est ainsi que M. Maurice Croiset juge les travaux de Kœchly sur VOdyssée,
dans VHisioire delà Littérature grecque, 1, p. 333.
'** P. 3o8 : « Aimes, wie er aufeinmal genannt wird...»
.'>74 REVUE CRUIQUK
appuyé de nombreuses preuves, brillant et stérile, à la façon d'un
exercice d'école au moyen âge.
Ernest Muret.
218 — Emile Amiel. Un lîbre-penseur du XVI<= siècle. Erasme. Paris, Le-
merre, i88q, in-i8 de xii-452 p. Prix : 3 fr. 5o.
Petit livre sans prétention scientifique et qui n'apporte rien de nou-
veau. L'auteur, bien au courant des travaux français et d'une informa-
tion généralement exacte, ignore beaucoup des recherches de détail qui
ont paru à l'étranger sur son sujet. Il y supplée par un grand amour
d'Érasme et par une bonne connaissance de ses ouvrages, encore que je
le soupçonne d'avoir lu légèrement la Paraphrase au Nouveau Testa-
ment. Les œuvres d'Erasme sont étudiées, non en chapitres distincts,
mais, comme il est plus logique pour un homme dont le travail fut toute
la vie, au cours même du récit biographique. La préface contient de très
justes choses sur l'éducation classique dont Erasme fut le champion.
J'approuve moins le titre : Un libre-penseur du xvi« siècle. Certes,
Erasme a aidé singulièrement à la sécularisation de la recherche scien-
tifique, mais M. Amiel sait aussi bien que moi quMl n'a rien du libre-
penseur, au sens que le mot a dans notre langue. C'est donc un titre
mis pour la galerie, qui nuira auprès des gens sérieux à un livre à
beaucoup d''égards estimable.
P. DE NOLHAC.
21 g. — Rieitelieii et la monarchie absolue, par le vicomte G. d'Avenel.
Paris, Pion, Nourrit et C'% 4 vol. in-8, 1 884-1890.
M. le vicomte d'Avenel vient de livrer au public le quatrième et
dernier volume de l'ouvrage considérable qu''il a intitulé Richelieu et la
monarchie absolue. Nous sommes en retard pour dire ici tout le bien
que nous pensons de ce travail et pour faire, en même temps, les réser-
ves que sa lecture nous paraît comporter.
Il y a dans cette étude deux choses : un exposé historique et une thèse^
Nous examinerons l'ouvrage successivement à ces deux points de vue*
I
Au cours de sa préface, M. d'A. se réclame de M. de Boislisle; à diver-
se^ reprises, dans le texte, il invoque le nom de M. Taine : c'est, en
effet, à Pécole de Tun et de l'autre de ces deux maîtres que le nouvel
historien de l'époque de Louis XIII se rattache.
Il a, comme M. de Boislisle, une érudition vaste, étendue, minutieuse;
celle du disciple pourtant ne paraît pas toujours aussi sûre que celle duj
maître.
Comme M. Taine, M. d'A. aime les tableaux complexes, achevésl
lentement par un procédé de touches et de retouches. Mais le haché du
Û HISTOIKK ET DK LITTÉKATURK 3j5
dessin, le tapoté du coloris donnent à son faire quelque chose de papil-
lotant et par conséquent de trouble et de confus. Le procédé est d'ail-
leurs beaucoup plus visible chez M. d^A. que chez M. Taine et sa com-
position n'est point soutenue par ces fortes études psychologiques et
philosophiques qui font comme le substratum indestructible des œuvres
de l'illustre académicien.
Tel quel cependant, l'important ouvrage historique que M. d'A. nous
livre a son prix et c'est un mérite qui n'est pas médiocre de rappeler
les noms que je viens de citer.
Dans ces quatre volumes, M. d'A. ne s'est pas abandonné un seul ins-
tant aux charmes faciles du genre narratif. Il s'est renfermé, de parti
pris, dans la didactique. Son ouvrage n"est, en réalité, qu'une longue et
minutieuse analyse des institutions et des moeurs de la France dans la
première moitié du xvii" siècle : Le roi et la Constitution; la noblesse
et sa décadence ; administration générale ; finances ; armée, marine et
colonies; cultes; justice ; administration provinciale et communale,
telles sont les grandes divisions du livre. L'auteur, on le voit, s'en
tient exclusivement à la politique intérieure; il néglige, de parti pris,
tout ce qui touche à la politique extérieure.
Le livre de M. d'A. n'est donc, en somme, qu'une nouvelle édition
très accrue et mise au goût du Jour de l'excellent ouvrage de M. J.
Caillet : de l'Administration en France sous le ministère du cardinal
de Richelieu.
Cette nouvelle édition n'était pas inutile, tant s'en faut. Depuis la date
de la publication de M. Caillet, bien des sources de renseignements ont
été ouvertes pour l'histoire du règne de Louis XIII : le regretté
M. Avenel a achevé son admirable publication des Lettres, instruc-
tions publiques, et papiers d'Etat du Cardinal de Richelieu et a mis
ainsi le document inédit à la portée de tous les travailleurs; le dépôt
des archives des Affaires étrangères a été ouvert ; les fonds de la Biblio-
thèque nationale, des Archives nationales ont été mieux explorés; la
publication si importante des inventaires des archives départementales
a fait les plus louables progrès. Rien que par cette énumération on
s'aperçoit que le sujet pouvait être en quelque sorte renouvelé.
M. d'A. s'est mis à l'œuvre sans hésiter. 11 a procédé à la lecture et
au dépouillement assidus de cette masse de documents nouveaux. Après
un effort de quinze années, il est sorti de cet immense labeur non seule-
ment avec des carnets bourrés de notes, mais avec des idées arrêtées,
avec un ouvrage /^ï/Y. Il faut admirer cette volonté, cette persévérance
et surtout cette décision trop rares dans l'érudition contemporaine.
Les résultats de la vaste enquête entreprise par M. d'A. ont été parti-
culièrement heureux en ce qui touche aux questions économiques et
financières. Ou je me trompe fort, ou M. d'A. devait avoir en ces ma-
tières une préparation spéciale; caries chapitres, d'ailleurs très abon-
dants qu'il a consacrés à cette partie de son sujet, font en quelque sorte
376 KEVUK CKITIQUE
saillie sur le reste de louvrage et ajoutent des données originales et
solides aux connaissances historiques antérieures. Tout ce qui concerne
lévaluation des richesses, la valeur de l'argent, le mécanisme des impôts,
leur rendement, leur recouvrement, le système d'emprunt et de rentes,
les dépenses générales de i^État, même le budget des simples particu-
liers, tout cela est traité avec ampleur et autorité. Les chiffres auxquels
aboutit M. d'A. pourront être discutés (tout se discute); mais il a tracé
la voie, il l'a poussée très loin ; et il faut lui tenir compte et de l'aridité
du sujet et de la difficulté de l'information.
On dirait que les autres parties du livre de M. d'A. sont venues
s'ajouter après coup à celle dont nous venons de faire l'éloge; elles sont
rédigées beaucoup plus vite et offrent un intérêt moindre. Autour d'un
bâtiment central bâti en bonnes pierres de taille par un architecte vigi-
lant, se sont élevés des échafaudages hâtifs dont l'habile ordonnance
cache mal la fragilité.
Il serait assurément très injuste de prendre une oeuvre aussi considé-
rable uniquement par ses petits côtés ; aussi je ne voudrais pas réunir,
dans ces pages, une liste trop facile des erreurs de détail qui ont pu
échapper à la rédaction de M. d'A.; mais puisque cet ouvrage doit
faire désormais partie de toute bibliothèque sérieuse, qu'on me permette
d'indiquer ici par un seul exemple, la nature de certains défauts contre
lesquels le public studieux doit être mis en garde.
Je citerai un passage seulement et je le choisis dans un ordre d'idées
qui n'a rien de particulièrement difficile : il s'agit de critique littéraire:
M. d'A. apprécie dans les termes suivants le rôle des Précieuses :
« 11 nous semble que dans Phistoire de la langue et du génie français
la préciosité n'a eu ni précédents tii conséquences. C'a été un engoue-
ment éphémère dont nul des grands auteurs du siècle n'a été atteint,
même au degré le plus léger, que les illustrations du moment Cor-
neille^ Descartes ou Pascal n'ont point partagé... (Va pour Descartes
ou Pascal, mais Corneille! mais Racine! mais La Fontaine lui-même.)
Dans cette évolution superbe qui emporte notre langue nationale de
Rabelais et de Montaigne jusqu'à Racine et Bossuet en passant par Mal-
herbe et Corneille, la préciosité ne paraît avoir joué qu'un rôle mondain
pour ne pas dire nul. Parmi cette assemblée polie qui se donnait ren-
dez-vous chaque soir chez la fameuse marquise, en cette pléiade de
poètes qui s'attelaient tous à cette grandiose fadaise que Ton nomme f
la Guirlande de Julie, les littérateurs de 1620 à 1640 figurent en petit
nombre; Rotrou, Corneille, Balzac, Racan, Desmarets (!), Vaugelas (!)
n'y figu7'ent pas. D'autres, entre les plus notables de ceux qui ont mar-
qué dans l'histoire de l'esprit humain vers la même époque, La Roche-
foucauldtf.ï/cy', Arnaud (!) Gassendi, Retz y sont entièrement étrangers. .
Conrart dont \t silence sQui esl parvenu jusqu'à nous, etc.... » On voit,
par la lecture de cette page, combien l'économiste qu'est, au fond,
M. d'A. se trouve dépaysé dès qu'il aborde les idées générales, les aper
«
d'histoire et de littérature 3-7
eus philosophiques ou littéraires. Son esprit s'obscurcit, sa langue s'em-
barrasse. Une fâcheuse tendance à la thèse, un système s'empare de lui;
il ne pense pas toujours juste et il écrit mal parfois.
II
Ces observations m'amènent tout naturellement à Texamen des juge-
ments portés par M. d'Avenel. Non seulement, en effet, il a exposé,
mais il a apprécié. Il a conçu le dessein de mettre la haute personnalité
historique de Richelieu à sa place dans le développement de la civilisa-
tion française. Armé de Texpérience de deux siècles, il s'est penché sur
cette grande figure et a voulu lui arracher son secret.
Que M. d'A. me perm.ette de le lui dire franchement : les lèvres qui,
pendant deux siècles, sont restées closes sous les marbres de la Sor-
bonne ne se sont pas ouvertes pour lui. La figure impassible est toujours
muette. Selon le mot de Pascal, « M. le Cardinal n'a pas voulu être
deviné. »
Voici, en deux mots, la thèse de M. d'A. : le cardinal de Richelieu a
passé à travers rhistoire de France comme un « dévastateur. » Avant
lui, la France était heureuse; avant lui, elle était libre. Après lui et par
lui, elle a souffert tous les maux et le pire de tous, elle a perdu la li-
berté. Avant lui, la noblesse, le Parlement, les États-Généraux et pro-
vinciaux, les municipalités des villes jouissaient d'une autorité et d'une
indépendance qui faisaient équilibre au pouvoir du roi ; l'administra-
tion publique fonctionnait régulièrement en vertu d'une constitution
non écrite, mais reconnue par tous; les finances étaient prospères;
chacun : noble, marchand, bourgeois et paysan était à sa place, gardait
son rang et, se déclarait satisfait. Sous son ministère et après lui, la
France s'est trouvée plongée dans un abîme de misères.
Henri IV, s'il eût vécu, eût détruit la maison d'Autriche « sur ses
économies ». Richelieu mit la France à feu et à sang pour Toeuvre
extérieure à laquelle il consacra exclusivement ses éminentes facultés.
Il est très facile d'apprécier, d'un coup d'œil, les raisons de cette
thèse, de voir sur quoi elle repose et comment elle se rattache à des faits
historiques incontestables. On ne peut nier que Richelieu ait eu, plus
que personne en France, la conception nette et réfléchie de l'autorité
absolue des rois; on ne peut nier qu'il ait travaillé, plus que personne,
à asseoir sur des bases inébranlables la puissance quasi divine des rois.
On ne peut donc rejeter absolument la thèse de M. d'Avenel. Mais il
est également impossible de l'accepter tout entière. Car telle qu'on nous
la présente, elle est à la fois incomplète et excessive; elle dit trop et elle
ne dit pas assez.
Sans entreprendre de réfuter ici le paradoxe de libéralisme rétros-
pectif auquel M. d'A. a sacrifié la mémoire de celui qu'il lui répugne
presque d'appeler « le fondateur de l'Unité française », qu'il soit permis
du moins d'indiquer les deux grandes lacunes qui apparaissent immé-
diatement dans une œuvre d'ailleurs si vaste.
378 KEVUE CRITIQUK
M. d'A., si bien informé sur le temps de Louis XIII, connaît fort
mal les précédents, il voit, aux xv" et xvi^ siècles, une France qui n'a
jamais existé. Il suppose aux prédécesseurs de Louis XIII des vertus
qu'ils n'ont pas eues. Il ne sait pas ou il oublie que le travail repris et
poursuivi par Richelieu n'a été que la conséquence inéluctable des
efforts des âges antérieurs; il ne sait pas ou il a oublié que dans cette
œuvre de centralisation et d'uniformisation excessive, la France elle-
même s'est faite la complice de ses rois; il ne sait pas ou il a oublié que
de Louis XI à François I^r et de François 1er à Henri IV, la France
n'a connu (excepté dans les temps de troubles et de révolutions) que des
gouvernements absolus.
La preuve de ce que j'avance ne peut se faire en quelques mots. Mais
elle résulte de l'assentiment de l'histoire traditionnelle. Or, en histoire,
il faut y regarder à deux fois avant de faire table rase de la tradition.
La seconde lacune de l'œuvre de M. d'A., au point de vue de la thèse
exposée par lui, c'est la suppression volontaire de tout ce qui touche à
la politique extérieure. Je sais que l'auteur s'en excuse dans sa préface
et surtout dans sa conclusion. Il a bien fini par s'apercevoir que dans
une personnalité aussi complète, je dirai aussi compacte que celle de
Richelieu, il était difficile et presque impossible de distinguer le minis-
tre du « dedans » du ministre « du dehors ». Il a bien vu qu'il y avait,
à l'époque où vivait Richelieu, une force des choses qui subordonnait
tout en France, même les nécessités les plus urgentes de la vie publi-
que, même l'embryon si précaire encore des idées libérales, à la loi
suprêrne de la lutte contre la maison d'Espagne. Il l'a vu; il l'a dit
même ; mais il l'a dit en quatre lignes ; et le reste de ses quatre volumes
oublie trop les quelques phrases par lesquelles il essaye de racheter
négligemment ce qu'il y a d'excessif dans la sévérité de son jugement.
Le conquérant de l'Alsace et des Flandres, le préparateur de la paix de
'Westphalie, le véritable vainqueur de Rocroy est absent du livre de
M. d'Avenel. Une pareille omission diminue et déséquilibre une œuvre
historique pleine de mérite, mais où le grand ministre de Louis XII i
apparaît comme amputé et presque décapité.
Quant à la thèse libérale développée si abondamment et si inopiné-^
ment au cours de ces quatre volumes, il suffit de dire, en terminant,
que, si elle est en droit de rechercher ses origines dans l'histoire de
France, s'il lui appartient d'appuyer par les laits le fameux mot dej
Mm« de Staël sur le Despotisme, si elle doit faire une part dans ses sou-
venirs aux précurseurs d'un système politique qui a prévalu, il fautl
prendre garde qu'elle défigure et déforme notre passé pour l'adapterj
à la mesure des conceptions modernes. Certes le libéralisme parlemen-|
taire a du bon. Puisque M. d'Avenel s'en déclare le partisan, je n'y voifl
pas d'inconvénient. Mais, vraiment vouloir le transporter avec arme;]
et bagages à deux ou trois siècles en arrière, c'est trop, oui, c'est tropj
Contentons-nous de le garder dans le présent, si nous pouvons; mai
d'histoire et de littérature 379
n'allons pas embarrasser, par son apologie intempestive, la mémoire
d'hommes d'Etat qui n'ont à rendre compte devant l'histoire que des
œuvres qu'ils ont accomplies et non des aspirations ou des rêves des
générations dont ils ont préparé l'avènement.
G. H.
220. — Genei'al KIebei>, ein Lebensbild von Fr.îTEicHER, kœnigl. bayr. Haupt-
mann (xut Heft der Beitraege zur Landes=und Volkeskunde von Elsass-Lothrin-
gen). Strassburg, Heitz, 1890. In-8, 48 p. i mark 20.
Cette petite étude sur Kléber comprend cinq chapitres : I^i', Naissance
etjeunesse; II. Munich; III. Au service de l'Autriche; IV. Au service
de France ; V. Mort. Les deux derniers chapitres n'offrent rien de cu-
rieux. Mais on glanera dans les trois premiers quelques nouveaux détails.
Le grand-père du général était de Wûlfershausen en Basse- Franconie.
Il acquit dans sa trentième année le droit de bourgeoisie à Strasbourg.
Kléber est né le 9 et non le 6 mars 175 3. Après un séjour au corps des
cadets de Munich, il a été Privatcadett au 38^ d'infanterie autrichienne
(régiment Kaunitz), du i^r octobre 1777 au 18 novembre de la même
année, enseigne du 19 novembre 1777 à la fin de mars 1779, sous-
lieutenant du l'^i' avril 1779 au 22 février 1785; il a vécu durant ces
quelques années à Mons, à Senftenberg (Bohême], à Luxembourg, à
Malines. L'auteur de cette étude a lu Ernouf et Pajol, mais peut-être
trop rapidement. Il n'a pas tiré grand profit de ces deux ouvrages, et il
laisse de côté bien des particularités intéressantes qu'ignore le lecteur
allemand. En outre, il a fait çà et là quelques erreurs. N'est-ce pas une
subtilité de dire que Landau était français depuis 1680, depuis l'arrêt
de réunion et non depuis le traité de Munster? (p. 12). Ne faliait-il pas
citer la tradition qui attribue à Kléber la construction de l'église de
Chèvremont? (p. 25). Qu'est-ce que Royal Louis qui tenait garnison à
Belfort en 1790; n'est-ce pas Royal Liégeois? (p. 26). N'est-il pas
inexact de dire que Wimpffen nomma Kléber adjudant-major, puisque
tous les grades des bataillons de volontaires étaient donnés à l'élection?
(p. 27), Quelle singulière méprise de croire que Custine était enfermé
dans Mayence et qu'il signa la capitulation! M. Teicher ne connaît
donc pas Doyré, et n'a pas lu dans l'opuscule de Gœthe, sur le siège de
la ville, le portrait du fran^iJsiscker Kommandant « gross, wohlgebaut,
schlank » ? (p. 28). Où a-t-il vu que Kléber défendit devant le Comité
de salut public la conduite de Custine? (idj. Pourquoi écrit-il Monta-
gne et non Montaigu, Torfii et non Torfou, Chollet et non Cholet,
Binant et non Dinan, Lejevre et non Ldchyre, Davoust et non Davout?
(pp. 28, 29, 3o, 38). Ne devait-il pas nommer l'héroïque officier qui se
fit tuer à Boussay et qui était alsacien, Schwardin ? (p. 28). N'a-t-il
point parlé trop brièvement — trois lignes seulement — du rôle de
Kléber à Fleur us et devant Maëstricht et Mayence? (p. 3o). A quoi bon
38o RKVUE CRITIQUK D^HISTOIHE ET DE LITTERATURE
la longue et inutile note sur Marceau? (p. 3r). N'est-ce pas une erreur
de dire que Kléber « refusa la place qu'on lui offrait au corps législatif»
(p. 32), alors qu''il brigua cette place de député et n^obtint pas le nombre
de voix nécessaire? Ne faut-il pas dire a "Eugène de Beauharnais » et
non le prince Eugène dans un récit de l'expédition d'Egypte? (p. 33).
Le nom de Belliard est-il vraiment « attaché à tous les exploits de la
cavalerie française »? Passe pour un Lasalle ou un Gurély, mais Bel-
liard ! (p. 37]. Pourquoi ne pas rappeler, outre le fameux rapport du
26 septembre au Directoire, la colère de Kléber à la nouvelle du départ
de Bonaparte, et, comme il disait, de l'a oiseau déniché ï>? Qu'est enfin,
et qui connaît parmi nous un monument élevé à la mémoire de Kléber
à Paris, sur la place de la Victoire, auf dem Siegesplat\é? (p. 46).
A. Ghuquet.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 2 mai 18 go.
M. le comte Robert de Lasteyrie communique une étude sur un chapiteau roman
de l'église Saint-Julien de Brioude, qui représente deux démons emmenant un homme
et tenant un livre. L'inscription latine qui accompagne cette sculpture a été gravée
avec négligence et a donné lieu aux explications les plus aventureuses. M. de Las-
teyrie, comparant le chapiteau de Brioude avec un chapiteau analogue de l'église
Notre Dame-du-Port, à Giermont-Ferrand, montre que le sculpteur a voulu taire al-
lusion à une légende du moyen âge suivant laquelle le diable inscrivait les péchés
des hommes pour les leur opposer au jour du jugement. L'inscription doit se lire
ainsi :
MILLEARTIKEX SCRIPSIT TV PERIISTI VSSVRA
Milleartifex est un des noms du diable. Le damné saisi par les démons est un usu-
rier; le livre est le registre où ont été marqués ses péchés et qui doit servir à le con-
fondre.
M. Oppert, vice-président, annonce que les nouvelles de la santé de M. Schefer,
président de l'Académie, continuent d'être satisfaisantes.
M. Lecoy de la Marche termine sa communication sur la prédication et les prédi-
cateurs de la croisade au xuie siècle, d'après le traité du dominicain Humbert de Ro-
mans. Il donne la description de l'office religieux, à la suite duquel se faisait la dis-
tribution des croix aux volontaires de la guerre sainte. 11 indique les objections que
faisaient valoir les adversaires des projets de croisade et les réponses par lesquelles les
prédicateurs s'efforçaient de les rétuter. il montre ces prédicateurs, qui sont pour la
plupart restés obscurs, jouant en réalité un rôle des plus importants : c'étaient eux
qui prenaient la part la plus activeau recrutement et à l'enrôlement des croisés, 0[ui_
veillaient à leur embarquement, qui souvent même, sur le champ de bataille, les en-'
traînaient au combat contre les infidèles.
M. le comte de Charencey présente des observations sur les noms des métaux chez
les populations anciennes de la Nouvelle-Espagne. Depuis les débats de notre ère,
ou peu s'en faut, ces peuples savaient travailler le cuivre, l'or, l'argent et même le
bronze; mais ils ignoraient l'emploi du fer. On a prétendu que les Péruviens possé-
daient un procédé, aujourd'hui perdu, pour tremper le cuivre et lui donner la dureté
de l'acier ; c'est une tradition que rien ne confirme. La comparaison des noms des
métaux, ajoute M. de Cbarencey, en mexicain d'une part et de l'autre chez les peu-
ples du Chiapa et du Yucatan, attesterait chez ces derniers, en ce qui concerne les
progrès de l'industrie métallurgique, une influence d'origine nahuatle. Au contraire,
cet art aurait eu un développement beaucoup plus original chez leurs voisins du
Guatemala et du Soconusco.
Ouvrages présentés: — par M. de la Villemarqué : Stokes (\Whh\ey), Lives of saiuiS _
from tke book of Lismove Cextrait des Anecdota Oxoniensia) ; — par M. Delisle :,
Requin (l'abbé), l'imprimerie à Avignon en 1444; — par M. Siméon Luce : Ber-.I
ïHELÉ (Joseph) : i" lanternes des morts, croix de cimetières et de carrefours des \
Deux-Sèvres; 2° anciens fondeurs de cloches ayant travaillé en Poitou; 3" \'art,y
campanaire en Poitou du xiii* au xiv^ siècle.
Julien Havet,
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 20 - 19 mai — 1890
Somixiaire î 22 1. Le livre des parten-es fleuris d'Aboul Walid, trad. par Metzger.
— 222. Hélène, Le bronze. — 223. Meister, Du dialecte cypriote. — 224.
Fehrnborg, Les verbes latins en uo. — 223. Gagnât, Cours d'épigraphie latine,
2'^ édit. — 226. Wattenbach, Les lettres de Guy de Bazoches. — 227. Leroux,
Géogryphie et histoire du Limousin. — 228. Michael, L'Histoire universelle de
Ranke. — 229. Cochin, Boccace. — 23o. Caliarc, Yeronese. — 23 1. Jurien de
LA Gravière, Les ouvriers de la onzième heure. — 2 32-2 33. Le général Miranda.
— 234. Des Essarts, Le théâtre d'Alfred de Musset. — 2 35. Turner, Les ro-
manciers russes. ~ Chronique. — Académie des Inscriptions.
22 1. — JLe livre des parterres fleuris d'Abou'l-Walid Merwan ibn Djanah,
traduit en français sur les manuscrits arabes par le Rabbin Moïse Metzger, élève
diplômé de l'Ecole pratique des hautes études. Paris, Emile Bouillon, successeur
de F. Vieweg, 1889, grand in-8, xv et 434 p.
Ce n'est pas sans surprise que nous avons lu dans le titre transcrit ci-
dessus ; traduit sur les manuscrits arabes, puisque le texte original a
été publié par M. J. Derenbourg en 1886, dans le soixante-sixième
fascicule de TEcole des hautes études. La préface, à laquelle nous nous
sommes adressé pour avoir le mot de l'énigme, n'a pas mis fin à notre
étonnement : M. Metzger y déclare qu'il avait l'intention de joindre à
sa traduction le texte arabe, mais que M. J. Derenbourg ayant eu le
même dessein, il avait renoncé à son édition « pour laisser le soin d'en
faire une à un savant qui est de nos jours, comme Ibn Djanah le fut de
son temps, un des plus éminents représentants de la science hébraï-
que »; et il annonce que cette édition a en effet paru. Mais alors, pour-
quoi ne s'en est-il pas servi pour sa traduction ? Et, s'il n'en a pas fait
usage, comment V imprimatur a-t-il été donné par l'Ecole des hautes
études, dont M. M. invoque le satisfecit en parlant « du jugement porté
sur notre travail par les deux savants commissaires, MM. J. Deren-
bourg et Carrière, qui ont bien voulu déclarer que notre traduction
était digne du diplôme de l'École des hautes études »? M. M. explique
ensuite que, avant d'aborder sa traduction, il a coUationné sur les mss.
de la Bibliothèque nationale la version hébraïque intitulée le Riqmah
et publiée par feu Goldberg. Quant au texte arabe, il Ta copié dans deux
mss. de la Bodléienne, offrant quelques lacunes qu'il a dû combler à
'ùùde du Riqmah. En parcourant la traduction de M. M., nous avons
:onstaté par les notes des pages que ces lacunes sont peu étendues et ne
sortent que sur des membres de phrases. Nous savons, au contraire, par
■'édition de M. J. Derenbourg que ces deux mss. d'Oxford ne renfer-
Nouvelle série, XXIX. 20
382 REVUE CRITIQUA
ment pas même les quatre cinquièmes de Touvrage; il y a des chapitres
entiers qui manquent. C'est grâce à un ms. du British Muséum que
M. J. Derenbourg a pu compléter Fouvrage et l'éditer. Nous avons, en
outre, confronté plusieurs passages de la traduction avec le texte édité
dans les endroits où les mss. présentent des lacunes, et nous avons remar-
qué que la traduction est conforme à ce texte. Nous sommes heureux de
le déclarer dans l'intérêt même de la traduction, mais M. M. aurait dû
le reconnaître le premier; il y aurait eu tout profit pour lui. Son livre
aurait aussi gagné à renfermer une concordance qui permît de se repor-
ter du texte à la traduction. C'était un travail aisé qui aurait épargné
au lecteur des recherches fastidieuses,
AbouU-Walid est un des grammairiens juifs qui ont le mieux pénétré
le génie de la langue hébraïque ; ses œuvres grammaticales et lexicogra-
phiques ont joui dans ces dernières années d'un regain de popularité et
elles ont eu l'honneur d'être publiées par les savants les plus compétents.
La traduction de M. M. nous a paru exacte et faite avec soin; elle a su
triompher des difficultés d'une terminologie arabe appliquée à la gram-
maire hébraïque. Elle a le grand mérite de mettre à la portée de tous
une des oeuvres les plus importantes pour l'histoire des études hébraï-
ques au xi" siècle de notre ère. Sans doute, M. M. s'illusionne, quand
il espère que son livre « sera non seulement un guide pour les hébraï-
sants, mais qu'il deviendra un véritable livre classique dans tous les
établissements supérieurs où l'on enseigne sérieusement Fhébreu. »
Depuis neuf siècles, les méthodes d'enseignement ont heureusement fait
des progrès ; un maître qui recommanderait cette traduction à ses
élèves comme un manuel d'étude de la langue hébraïque, passerait aux
yeux de ceux-ci pour ne pas enseigner sérieusement Fhébreu. iÛ\
Rubens Du val. >i\
41
222. — t.e brcnsee, par Maxime Hélène. Ouvrage illustré de 8o vignettes [BibliO'
tlieque des merveilles). Paris, Hachette, 1890. In-i6 de 111-286 p. j\\
On constate, depuis dix ans, une notable amélioration dans les petilsj
ouvrages d'enseignement ou de lecture relatifs à l'archéologie et à Phis»
toire de l'art. Cela tient sans doute à l'existence de bons livres, commfj
ceux de MM. Perrot et Chipiez, Miintz, GoUignon, etc., où les compi-
lateurs, même inintelligents, peuvent aller copier sans fatigue de;
renseignements exacts. D'autant plus a-t-on le droit d'être sévère pou
des productions du genre de celle-ci, où il n'y a ni composition, n|
style, ni connaissance du sujet. L'auteur commence pardonner des reni
seignements techniques sur le bronze, puis il étudie le bronze chez lej
différents peuples de l'antiquité et des temps modernes ; après quoif
comme s'il s'était aperçu que son volume n'était pas assez long, il revîer
aux bronzes de l'antiquité et termine par un chapitre sur la salle d(
bronzes antiques du Louvre. Le style témoigne d'une inexpérience '
d'histoire et de LlTTéRATURB 383
d'un manque de soin extraordinaires. « Praxitèle vécut à Athènes, où ii
était célèbre pour son talent comme pour ses relations avec la courtisane
Phryné » (p. 65). « Quelquefois on dédiait à un dieu la statue d'un autre
dieu. Telle est celle qu'on lit sur TApoUon de bronze de Piombino »
(p. 71). Quant aux erreurs, elles sont innombrables et souvent comi-
ques. « Lysippe nous est surtout connu par la fameuse statuç en
bronze(!) du Vatican, V Apoxyoménos, SiXhléie qui portesousson bras(!)
le strygile (sic), espèce de racloir qui servait à enlever Thuile et le sable.
dont les athlètes soignaient (sic) leur corps dans les palestres » (p. 65).
« La plus célèbre est la ciste Ficosoni (sic), qui représente Tarrivée des
Argonantes (sicj en Bithynie. Cette ciste porte l'inscription latine sui-
vante : NAVios (sic) phAUTAS (sic)... MACALuiA (sic) FiLEO (sic)ïiADir (sic) »
(p. 91). — « On a pu récemment juger par l'exposition des trouvailles
de M. Dieulafoy de la perfection de l'art indien (sic) à cette époque »
(p. 38). Inutile d'ajouter que ies noms sont estropiés et confondus à plai-
sir : Cesnola s'appelle trois fois Cesuala, Salzmann devient Sal:{manos,
Samos se transforme en Damas, Paeonios en Poeyiias, Panaenos en
Pancenos. Un mot aussi connu que celui de toreutique se présente une
fois sous la forme torantiqiie {^. \6), unQ omUq sous celle de toreri'
tique (p. 77). La Bibliothèque des merveilles, qui compte déjà bien des
volumes médiocres, vient de s^en adjoindre un qui prend rang dans
Ja série des pires.
Salomon Reinach.
«
223. — R. Meister. Zum eleîsclien, arkadischen und kyprischen Dialekte.
Leipzig, Giesecke et Devrient, 1S90, 45 p.
M. Meister répond aux critiques dirigées contre son second volume
par M. Hoffmann dans un article des Gott. gel. An'{. 1889, n" 22,
p. 873-904. Il a souvent raison, mais parfois aussi ses arguments man-
quent de solidité, et Tobjection reste entière i. On n'attend pas sans
doute que j'entre dans les détails ; ces sortes de répliques ont en général
peu dMntérét, et elles ne sont guère à leur place que dans le cas où elles
rétablissent des faits sciemment dénaturés par Tadversaire. Mais il y a
des pseudo-érudits, qui veulent à tout prix des éloges, et ne peuvent
voir signaler leurs erreurs, même de la façon la plus modérée, sans pren-
1. J'en veux donner un exemple, qui vient corroborer un passage de ma recen-
sion. P. 33, en réponse à Hoff'm. : « Le j de ces signes {ja et Je) est un son para-
site qui ne peut jamais se subsister à t », M. écrit: uLejod cypriote est, d'une part...,
d'autre part le >. intervocalique prononcé comme consonne... En cypriote, cet i in-
tervocalique devenu consonne est ou exprimé parjoi, etc. » A l'appui, Oi:zjov z= Oixiov
pour Oi'zyov (Hcsych.), explication fort contestable, et ot7ï='ja = otîeiV, lecture conjec-
turale ne reposant que sur des signes douteux. On voit comment d'une forme hy-
pothétique on tire une règle qui sert ensuite à expliquer l'hypothèse (cf. Dial.,
t- II, p. 164 et 236).— P. i3, 1. I, lire -5ic73t; 1. 3, lire Morph. Uni. IV, 409; p. 14,
l- 19, au lieu de n» 5 1, lire 47.
384 REVUK CRITIQUE
dre immédiatement la plume pour répondre : « J'ai raison et mon cri-
tique est un ignorant. » On soupçonne fort que cette belle indignation
ne sert qu'à masquer leur propre insuffisance. Je me hâte d'ajouter que
M. Meister n'appartient pas à cette catégorie, et que le ton parfois
acerbe, parfois dédaigneux de M. Hoffmann justifie jusqu'à un certain
point une réponse. Mais, en somme, à quoi aboutit cette discussion,
dans laquelle d'ailleurs M. M. est souvent aussi vif que son adversaire?
Il n'en jaillit aucune lumière; aucun des points en question n'est vrai-
ment éclairci ; nous ne voyons là qu'une querelle stérile entre deux sa-
vants également estimables, qui auraient mieux fait, l'un d'être plus mo-
déré dans sa critique, l'autre de n'y pas répondre. A quoi bon? Le pu-
blic savant aurait bien jugé sans cela, et M. Meister n'avait pas à
craindre que son second volume jouit d'une moindre faveur que le
premier.
My.
224. — De Verbis Latinis in uo divisas desinentibus Disputatio. Scripsit O. I.
Fehrnborg. — Holmiœ, Norstedt et Sœner, mdccclxxxix. In-8, 70 pp.
L'auteur de cet opuscule veut bien nous avertir (p. 2) que nous n'y
lirons rien de nouveau. C'est trop de modestie : il est vrai qu'il s'est
plus attaché à résumer l'état actuel des questions qu'à les faire avancer;
mais cela même est un profit incontestable pour une science dont les
progrès sont si rapides qu'on a peine à s'en tenir au courant. M. Fehrn-
borg est un guide très sûr, il a consciencieusement dépouillé la biblio-
graphie de son sujet, et il est rare qu'on le trouve en défaut. Les tra-
vaux français lui sont toutefois moins familiers que les autres, bien
qu'il ne paraisse pas ignorer notre langue : il attribuera, par exemple^j
à M. Thurneysen exclusivement, une découverte (p. 8) dont le profes*
seur de Fribourg partage l'honneur avec M. L. Havet ^, et citera, suf|
le subjonctif latin en -am (p. 49), une théorie très rudimentaire, com-
plétée depuis et, si je ne me trompe, définitivement arrêtée dans seij
lignes essentielles par M. Léon Job ^.
M. F. s'est proposé d'étudier les verbes latins en uô dissyllabique!
1. Mém. Soc. Ling., VI, p. 17.
2. Cf. Mém. Soc. Ling., Vf. p. 347. — Une simple constatation ;:7ro domo : M. Fj
emprunte à M. Stolz une explication de suus = sovos (p. 3o), fondée sur l'atonij
fréquente des possessifs; or, cette explication qui ne se trouve pas dans la premietl
édition de Stolz (p. 149), se lit dans la deuxième (p. 262), probablement emprunttjj
à la première édition de ma Grammaire comparée (p. 47, n. 2), qui avait paru dart
l'intervalle. L'auteur cite Stolz et ne me cite pas : je le laisse juge du procédé.
n'aurais pas relevé cette vétille si elle ne procédait d'un parti pris : M. Stolz rj
mentionne guère de moi que les opinions qu'il déclare « unhaîtbar » ou qu'il agn
mente spirituellement d'un point d'exclamation : après quoi il a beau jeu à assur
que j'ai traité la grammaire latine « en marâtre », et tous ceux qui ne liront que 1':
l'en croiront sur parole.
il
d'histoire et de LITTEKATURE 385
excluant avec raison le type seqiior linquô, qui se réclame d'une origine
toute différente. Il les divise d'abord en verbes primaires (directement
tirés d'une racine), et verbes secondaires (démonstratifs dérivés d'un
thème nominal). — Les verbes primaires comprennent : i" ceux à sim-
ple voyelle thématique e/o (* niiô de annuô, txc.^pliiô, *u6 de indîiu, etc.,
luô -i laver », cluù « nettoyer », cluù (c s'appeler », liiù « expier », '''' liiù
« souiller », riiô ', tiior « lucor », * griiô de ingrnô, etc., * biiô de im-
buô, gluô-, Jluô, struô, fruor) ; 2" ceux à suffixe -yo- (stiu, spnô);
3" ceux tirés de verbes non thématiques en -nu- (type miniiô) ; 4° ceux
refaits sur des thèmes d'aoristes (type " fuôj. — Les verbes dénominatifs
ne requièrent naturellement qu'une courte énumération (type statua,
metuô). — A la fin, deux petits chapitres sont consacrés à la formation
du parfait (parfait latin en -m et en -si) et à celle des supins et parti-
cipes.
Plusieurs assertions semblent hasardées : l'existence en sanscrit d'une
racine cru « couler » (p. 9) me paraît fort douteuse, étant donnée la
fréquence des lectures c pour s dans les anciens textes et l'existence de
la racine sru bien connue; comme un latin * clovâ (p. 10) peut à
volonté remonter à * klov-â ou à ' klev-â, il est beaucoup plus prudent
de poser * klev-â, puisque le latin, concordant ici avec le sanscrit et les
autres langues indo-européennes, ignore presque la catégorie des fémi-
nins à racine fléchie (toga est le seul sûr à ma connaissance), que le grec
a s/ considérablement développée; la parité ingriiû : "^ grava = abluu :
lavô (p. 22) est inexacte, puisque l'a de lavô procède d'un o indo-euro-
péen, tandis que le ra de gravis représente sans doute une liquide-
voyelle; on ne voit pas comment zmôz^o pourrait venir de *z;2^eyo [p. 24),
alors que le g" vélaire ne devient è qu'en grec; en faisant violemment
contraster la déclinaison des deux types sanscrits tanû- et vadhû- (p. 5 i ),
M. F. oublie que ce dernier ne fait pas seulement à l'accusatif vadhûm,
mais aussi vadhvàm = vadhiîam en védique, v. g. R. V. X. 107, 9; il
y a exagération à écrire que la réduplication était « abicienda » en latin
dans les verbes composés (p. 60), puisque le type connu rettuli repperî
en conserve la trace non équivoque.
Ces quelques remarques ne nous empêcheront pas de féliciter sincè-
rement M. Fehrnborg de son heureux début.
V. Henry.
1. Rua z= op-j'j;j.f. (p. 27), c'est là une application bien hardie des théories de M. de
Saussure, et je ne sais jusqu'à quel point mon savant confrère la ratifierait.
2. Ces treize verbes auraient la racine normale, l'aftaiblissement en u procédant de
l'analogie des composés [piuû pour *plovô, etc.); les trois suivants seuls, la racine
réduite.
386
REVUE CRITIQDK
225. — Cours «répigrnplilc latine, 2^ édition entièrement refondue et accom^
pagnée de planches et de figures, par René Gagnât, professeur d'épigraphie la-^
tine et antiquités romaines au collège de France. Paris, Thorin, 1SS9, gr. in-
xxvi-436 pp.
Le cours élémentaire d'épigraphie latine, publié en 1886 par M^
Gagnât, a obtenu un si prompt succès qu'il en a fallu faire dès i88ç
une deuxième édition, qui a été assez considérablement accrue pouj|
pouvoir prendre désormais sans épithète le titre pur et simple de Couri
d'épigraphie latine. Le livre de 1886 n'avait pas en tout 2 5o page^
Celui de 1889 en a presque le double. Le texte du premier n'était éclair
par aucun exemple graphique. Le second contient un certain nombri
de planches que des bibliophiles pourraient vouloir plus abondantes
plus luxueuses, mais qui sont parfaitement suffisantes pour les travailJ
leurs auxquels il s'adresse. Des tables nouvelles et commodes ont et
dressées. Des chapitres ont été ajoutés. D'autres ont été très augmenté^
Mais l'ouvrage garde les mêmes traits généraux. Le plan, très simple
très clair, reste le même, sauf quelques additions et remaniements!
d'abord les préfaces et une bibliographie de l'épigraphie latine (qJ
n'était pas dans la première édition); une première partie (nouvella
relative aux alphabets usités dans les inscriptions romaines; uneseconc
partie consacrée aux éléments communs des inscriptions, qui contient
un chapitre sur les noms, un autre sur les cursus honorum, et un autre
sur les titres des empereurs et des membres de leur famille, auquel
l'auteur a joint, avec raison, une liste chronologique des empereurs,
primitivement rejetée à la fin du volume, dans un appendice beaucoup
plus court; une troisième partie, également fort augmentée, relative
aux diverses classes d'inscriptions et aux formes propres de chacune:
puis un chapitre complémentaire sur la restitution et la critique dei
inscriptions, et enfin une table générale des sigles et abréviations oii
l'on peut apercevoir d'un seul coup d'œil toutes les acceptions diverses
des mêmes signes déjà indiquées dans le corps de Touvrage par un«j
série de tables spéciales. — C'est toute l'épigraphie et peut-être quelqutj
chose encore. M. Hûbner, qui a signalé le Cours élémentaire en terme.']
flatteurs, dans son traité d'épigraphie du Manuel d'Iwan Millier, notaii
alors, avec une nuance de regret, que l'auteur n'avait pas toujourj
rigoureusement séparé des renseignements épigraphiques d'autres infor]
mations, d'une portée plus large, se rattachant à l'histoire ou aux antîj
quités. Le livre de 1889 n'est pas pour le consoler, et je crois bien qu'i
y a tel chapitre nouveau, comme celui sur l'alphabet, qu'il renverrai]
tout entier aux manuels de paléographie.
Cependant, M. C. sait ce qu'il fait, et nous ne pensons- pas qu
ait tort. Il y a deux façons de comprendre l'exposition d'une sciencj
particulière. La première et la plus stricte consiste à ne parler que cl
ce qui rentre absolument et exclusivement dans le cadre de cette scienoj
à garder un mutisme inflexible sur toute question qui appartient al
d'histoire et dk littératdrb 387
domaine d'une autre discipline, alors même que cette discipline ne lui
accordera peut-être qu'une attention distraite, alors même que cette
discipline attend encore son exposition méthodique, comme c'est, par
exemple, le cas de la diplomatique romaine, pour laquelle, suivant la
juste observation faite par M. Bresslau au début du Handbuch der
Urkundenlehre, il n'y a pas encore un traité spécial. Mais il y a
une autre méthode concevable. On peut aussi, sans trop se faire, scru-
pule d'empiétements sans danger sur des territoires limitrophes ou inoc-
cupés, prendre pour principal objectif de fournir à ses lecteurs, dans
la plus grande intégralité possible, les renseignements divers dont ils
auront besoin pour l'étude à laquelle on les invite, se préoccuper avant
tout de rassembler à leur profit en un seul lieu, l'outillage complet
qu'une division du travail plus rigoriste les obligerait à chercher en
beaucoup d'endroits, au risque de n'en trouver certaines pièces nulle
part. La première méthode a été suivie avec infiniment de logique et de
compétence par M. Hûbner, dans le traité d'épigraphiequ'ila écrit pour
le manuel d'I. Miiller. Le cours d^épigrapliie a dû, croyons-nous, sa ra-
pide diffusion, pour une bonne part, au sens pratique très juste avec le-
quel son auteur a résolument adopté la seconde. La pensée dominante de
M. C. a été de mettre en un seul ouvrage, à la disposition de ceux qui veu-
lent étudier les inscriptions latines, la solution des principales difficultés
techniques qu'ils sont destinés à rencontrer. C'est une idée didactique
excellente dont l'auteur s'était inspiré dès le principe ; mais il l'a appli-
quée avec une toute autre largeur dans cette deuxième édition, à laquelle
il sera désormais indispensable de recourir. Nous nous bornerons à lui
soumettre quelques observations, qui se rattachent presque toutes au
même point de vue, relativement aux deux portions du livre que nous
avons étudiées avec le plus de soin : le chapitre des noms et la partie des
diverses catégories de titres.
Le chapitre des Noms était déjà un des meilleurs et des plus utiles
de la première édition, et nous en avons ici une version revisée et amé-
liorée. Mais il pourrait, croyons-nous, être rendu encore plus complet
et plus instructif par un certain nombre d'additions faciles. P. 72, l'opi-
nion émise par M. Mommsen, Romische Tribus, p. 100, sur l'attribution
de la tribu Collina aux enfants naturels, a été rectifiée par lui-même dans
ce qu'elle avait de trop absolu, Staatsrecht, 111, p. 443 =tr. f. VI, 2, p.
2g. — P. 74, M. C. adopte, sur l'adoption testamentaire, le système sou-
tenu par M. Henry Michel, £)ro/f de cité romaine, selon lequel l'adop-
tion testamentaire, valant simplement institution d'héritier avec obli-
gation de porter le nom, n'entraînerait pas de modification dans la
portion du nom qui indique la filiation; il serait utile au lecteur de
savoir que la question est controversée et que l'opinion contraire a été
soutenue par M. Mommsen dans Y Étude sur Pline le jeune, traduite
par M. Morel. — P. 78, au sujet des esclaves qui portent un second
nom terminé en anus et dérivé de celui de leur ancien maître, l'auteur
388 REVUE CRITIQUE
aurait pu mentionner, à côté des esclaves impériaux, pour lesquels il
cite un travail récent de M. Hiilsen, les esclaves du peuple romain, pour
lesquels l'usage est probablement le plus général et le plus correct. —
P. 79, note i, je crois qu'il y avait « dans la dénomination des affran-
chis des particularités permettant de distinguer ceux qui jouissaient du
jus Quiritium de ceux qui étaient seulement... déditices »; car les
affranchis déditices, comme les déditices quelconques, devaient nécessai-
rement se reconnaître aux formes de leur nom, en vertu de la règle citée
page 77, note 2, qui défend aux pérégrins de porter des noms de forme
romaine. — P. 8o, sur la fraction du nom dans laquelle l'affranchi
indique ses liens de patronat, on pourrait noter l'usage ancien attesté
par des inscriptions [Eph. ep., I, 20, IV, 246), d'appeler Taffranchi C.
serviis et non C. libertus.
La partie relative aux Diverses classes d'inscriptions et à la forme
propre à chacune d'elles traite un des points essentiels de tout traité
d'épigraphie. Elle s'est sensiblement accrue d'une édition à Tautre. Le
paragraphe 5, relatif aux actes publics et privés, qui est peut-être le plus
important, a été soigneusement revu et fort augmenté : 87 pages
au lieu de 16. Nous y relèverons pourtant les détails suivants. M. C.
admet, p. 258, que dans la formule initiale des plébiscites « le
magistrat nommé est le tribun de la plèbe », et il restitue dans ce sens,
au singulier, le début de la loi Acilia. Il serait plus exact d'employer le
pluriel; la preuve décisive en est dans les débris du commencement de
la loi Antonia de Termessibus. — Il eut été utile de noter, à la même
page, que M. Mommsen a donné de beaucoup de lois de la République,
dans la cinquième édition des Fontes jiiris de Bruns, un texte qui
présente des divergences de restitution intéressantes avec celui donné
par lui précédemment dans le C. I.L. M. Mommsen l'a spécifié expres-
sément en quelques endroits, par exemple pour la loi Acilia. Mais il en
est de même ailleurs encore, notamment dans la loi agraire et dans la
loi Antonia : il suffit, pour s'en assurer, de comparer la cinquième édi-
tion des Fontes^ donnée par M. Mcmmsen en 1887, avec la quatrième,
donnée par Bruns en 1879, et avec le C. 1. L. — L'auteur ne dit pas,
p. 259, en quel sens il emploie le terme : lois municipales, qui, dans sa
portée usuelle, s'appliquerait mal à la loi Acilia et à la loi de Bantia,
placées par lui dans cette catégorie. — Il faut ajouter, p. 261, à la liste
des sénatus -consultes de langue latine, le sénatus-consulte relatif au
pagus Montanus^ découvert à Rome en 1875 ('C /. L., VI. 3823). — La
date de 676 =. 78, donnée p. 27 1 , pour la lettre du préteur Cornélius aux
Tiburtes, a bien été signalée comme la plus probable par M. Mommsen,
C. L L., I, 201 . Mais elle paraît aujourd'hui peu soutenable et elle est
actuellement rejetée par l'auteur même qui l'avait proposée. En effet,-il
comme l'a montré M. Foucart dans son commentaire du sénatus-'
consulte de Thisbé de 584, Un se, inédit de Van lyo av. J.-C, p. 25,^1
et comme M. Mommsen l'a immédiatement reconnu dans son coni-'f
d'histoire et de littérature 389
mentaire du même titre, Eph. ep., I, p. 289, l'absence de la tribu dans
les noms de témoins du se. relaté par noire titre ne permet pas de le
faire descendre au vu" siècle, et c'est sous la date de 585, en vertu de
l'attribution au consul de 588, déjà proposée par Ritschl, qu'il est placé
dans la cinquième édition àts Fontes. — Le paragraphe des actes publics
du peuple romain, où l'auteur donne des renseignements très pratiques
sur les fastes et le calendrier, eût encore mieux informé les lecteurs s'il
eût contenu un peu plus de bibliographie. Une liste des fragments des
fastes triomphaux, découverts depuis la publication du tome I*"" du
C. /. L. jusque et y compris le fragment communiqué à Tacadémie des
Lincei, le 16 décembre 1888, n'eût par exemple, pas été moins justifiée
que celle des fragments des fastes des fériés latines, donnée avec rai-
son p. 277. — Peut-être sommes-nous dupes de nos tendances personnel-
lesen trouvant bien laconiques les deux pages relatives aux actes privés.
En tout cas, il serait bon de noter, p. 293, note 2, à côté des restitutions
indiquées des triptyques de Pompéï, celle absolument différente et
depuis généralement admise, donnée par M. Eck, Zeitschrift der
Savigny-Stiftung, IX, 1888, RiJm. Abtli., pp. 60-97. Enfi'^ est- il
vraiment aussi impossible que le dit l'auteur de « donner des règles au
sujet de ces sortes de monuments, dont les formules varient avec le con-
tenu des actes mêmes? » Il y a tout au moins des règles générales de
confection matérielle, celles que M. C. indique, p, 268, à propos des
diplômes militaires, et qui ont été faites autant et plus pour les actes
privés. On peut aussi discerner des règles de rédaction. Les litres de
Jucundus qui ne sont malheureusement pas « toutes les archives d'un
commissaire-priseur », mais, ainsi qu'il est dit plus exactement p. 6,
la collection de ses quittances, révèlent, mieux que tous les autres monu-
ments, Texistence de deux types d'actes probatoires, les uns rédigés im-
personnellement à la 3e personne et indiquant simplement un fait et
ses témoins, les autres émanant de celui même à qui ils doivent être
opposés et constituant de véritables reconnaissances. Il est vrai que
c'est là de la diplomatique et non de l'épigraphie, et que notre chicane,
comme la plupart de celles que nous avons déjà faites à l'excellent livre de
M. Gagnât, se ramène non pas à la critique d'une assertion fausse, mais
au regret d'une omission explicable, à la demande d'un supplément
d'informations que l'auteur aura sans doute l'occasion de nous donner
un jour dans une nouvelle édition encore plus complète et plus déve-
loppée 1.
P. F. Girard.
1. Nous avons relevé quelques fautes d'impression. P. 9, les inscriptions
d'Alburnus Major sont du n" siècle et non pas du m". — P. 44, note i,
il faut lire au lieu d'Ulpien, Dig. XV, 2 et 16, i, Ulpien, Reg. XV, 2 et XVI,
I. — P. 171, le règne d'Auguste finit en 14 et non en i5 ap. J.-C. —
P. 188, Commode est mort le 3i décembre 192 et non igS. — P. 239, la loi Acilia
repetundarum n'est pas de l'an 621 = i33, mais de l'an 63i ou 632. — P. 261, le se.
Volusien voté Q.. Volusio et P. Conielio cos., est de l'an 56 et non bj. — P. 271,
390 REVUE CRITIQUE
226. — I>îo Kti'icl'o des Caiionieus Guid» von Sin7.oclltcs, Cantons zu
Cliâlons im zwœlften Jahrhundert, von W. Wattenbach. (Extrait des Sitzungsber.
der Kœnig. pieuss. Akad. d. Wissench. zu Berlin, fcvrier 1890).
Voici une intéressante e'tude sur les lettres, encore inédites, de Guy
dcBazoches; elle est d'autant plus intéressante qu'elle contient une
analyse détaillée de chacune de ces lettres. Longtemps, on les a cru
perdues; Petit- Radel (Hist.Litt. de la France, XVI, 477 sqq.), com-
prenant mal l'expression par laquelle Albéric de Trois-Fontaines dési-
gne ce recueil, avait cru qu'il s'agissait là d'une sorte d'^r^ dictaminis
et l'avait identifié avec un ms. des Augustins de Tongres, signalé par
Sanderus. A. de Trois-Fontaines dit que G, de B, a laissé un volumen
satis RHETORICUM epistolarum diversariim; il n'y a là qu'une
critique du style prétentieux de G. de B., et il est étonnant que P.-R.
s'y soit trompé, après avoir cité lui-même, quelques lignes plus haut,
un autre passage d'A. de T,-F. où la même critique se trouve déjà for-
mulée. Quant au ms., c'est, non pas un ms. de Tongres, mais un ms.
provenant de l'abbaye d'Orval, conservé aujourd'hui à la bibliothèque
de la ville de Luxembourg, sous le n° 28, signalé d'abord par Waitz,
avec une pointe de mépris, puis par le comte Riant. Ajoutons que la
quatrième lettre de ce recueil, qui contient une description de Paris, a
été publiée par M. Élie Berger dans le Bull, de la Soc. de l'Hist. de
Paris et de V Ile-de-France, 1877, p. 38 et espérons que nous retrou-
verons bientôt cette étude de M. Wattenbach en tête d'une édition com-
plète des lettres de Guy de Bazoches.
Léon Dorez.
227. — Alfred Leroux, Géographie et liîetoîre du Limousin (Creuse,
Haute-Vienne, Gorrèze), depuis les origines jusqu'à nos jours. Limoges-Toulouse>.
Ed. Privât, viii-igô pp, in-8, et une carte. S
« Il n'existe pas encore d'Histoire du Limousin;... un jour viendra
où elle pourra être racontée en six ou huit volumes; présentement uiî
seul suffirait. » Ce volume, M. Leroux le tentera peut-être un jour; ilj
se contente, pour le moment, d'offrir au public « un précis dans lequel]
il s'est eff^orcé de faire entrer, sous une forme narrative, tout ce qu'il >j
a d'essentiel à retenir dans le passé de la province, en insistant plun
particulièrement sur certains moments et certains caractères de c(j
passé ». Il a eu en vue un « but didactique » (p. 144).
Ceux qui ont eu l'occasion de constater le niveau ordinairement trè^
l'inscription C. I. L., I, 201 est citée deux fois. — Peut-être aussi l'auteur eût-il bici
fait, dans la bibliographie très utile misu en tête de l'ouvrage, de signaler les ouvrai
ges incomplets, par exemple, de noter qu'il n'y a de parues que les f^, 2e et 5« par
lies du tome VI et la l'c du tome XI du C. /. L., et que le Di:{ionario epigrafic
de M. de Ruggiero, signalé avec la date de i8S5, est une publication périodique qi
n'a pas encore dépassé la lettre A.
n
d'histoire et de littérature 391
bas des productions de rérudition locale en France seront agréable-
ment surpris par ce livre qui est très solide, très vivant, et qui est ré-
digé, chose rare, avec autant d'intelligence que de critique. Point d'énu-
mérations annalistiques, point de phraséologie inutile et prétentieuse;
on reconnaît la main d'un historien qui a été à bonne école, qui s'est
attaqué jadis à de plus vastes sujets et qui possède une compétence spé-
ciale, acquise dans la fréquentation des documents originaux.
L'ouvrage se compose de deux parties : 1° sept chapitres consacrés à
une espèce de philosophie géographique de la région limousine et mar-
choise, et à l'indication des circonscriptions entre lesquelles la région a
été successivement ou simultanément découpée depuis l'antiquité jus-
qu'à nos jours; 2° quatre chapitres consacrés chacun à l'un des mo-
ments de l'évolution historique du Limousin : (a) le Limousin jusqu'au
i x^ siècle; (b) origines et apogée de la brillante civilisation limousine
du xiv* siècle; (c) causes et progrès de la décadence du Limousin, du
xiv" siècle à la Révolution ; (d) de la Révolution jusqu'à nos jours.
Le précis de M. L. est un modèle de clarté. C'en serait un à tous
égards, si l'auteur ne s'y était point montré çà et là trop prodigue
d'idées générales, et trop avare de références.
Je sais bien que nous sommes avertis : « Le lecteur ne s'attendra pas
à trouver dans ce Précis un renvoi aux sources pour chaque fait
énoncé; encore moins une bibliographie des ouvrages relatifs à l'ancien
Limousin ». — J'avoue cependant qu'une bibliographie sobre, mais
critique, des sources de l'histoire limousine et des ouvrages de seconde
main ne m'aurait point paru déplacée en tête d'un livre qui n'est
assurément pas destiné aux écoles primaires (il donne trop à penser; il
est écrit en style trop relevé et trop abstrait); — en tête d'un livre qui
est bien plutôt appelé à servir de guide et de cadre à toutes les personnes
désireuses d'approfondir l'histoire locale, soit en faisant de bonnes lec-
tures, soit en entreprenant des monographies. 11 appartenait à M. L.
de diriger les lectures et de faciliter les recherches. Il aurait pu rendre
ces deux grands services à peu de frais ^.
J'ajoute qu'il est d'une mauvaise méthode, quand on a la volonté
d'être par dessus tout « didactique », d'employer souvent les formes de
la prétérition. M. L. abuse du droit qu'on a, dans un manuel, d'omet-
tre le récit des faits et des événements pour tirer des conclusions plus à
l'aise. Et cet abus devient encore plus choquant (v. p. 96, 144) quand
il s'en excuse en ces termes ; « Ce sont là des faits trop connus pour
que nous ayons besoin d'y insister. » L'auteur peut être certain que les
1. On entend bien ce que je veux dire. Le lecteur intelligent, dont la curiosité
serait éveillée par ce que M. L. dit des poètes limousins Bernard de Vantadour,
Giraud de Borneil, Gui d'Ussel, etc. (p. 104), ne saurait où trouver les œuvres de
ces poètes. De même, il ne suffit pas de nommer Adhémar de Chabannes, Geoffroy
du Vigeois, Bernard Itier; il faut dire où ces chroniques sont publiées et si elles le
sont convenablement. Autrement, ces énumérations de noms ne servent pas à grand'
chose.
392 REVUE CRITIQUE
épisodes de la Fronde et de la Ligue en Limousin, non plus que l'or-
ganisation des paroisses rurales, les persécutions contre les hérétiques
et rhisioire des établissements italiens à Limoges au xi^ siècle ne sont
pas des « faits trop connus >> pour qu'il soit permis à un historien,
fût-il philosophe, de les laisser si cavalièrement de côté. — Il n"'y a même
pas une allusion dans le Précis de M. L.,(et cela est très fâcheux), aux
célèbres controverses relatives à l'apostolat de S. Martial, pas une allu-
sion aux grandes guerres féodales dont Limoges fut le théâtre à la fin
du xiu"^ siècle, et dont les chroniqueurs contemporains du pays nous
ont laissé des tableaux si colorés.
Le mépris du détail entraîne assez naturellement à l'excès de généra-
lisation. Félix culpa, sans doute; mais qui a ses inconvénients. Il est
surtout dangereux de généraliser à jet continu dans un ouvrage élé-
mentaire, dont tous les mots doivent être pesés et qui doit contenir des
vérités acquises, à Texclusion de toute hypothèse, si séduisante qu'elle
puisse être. Je ne dis point que la théorie de Tauteur sur les causes delà
décadence limousine à partir du xiv^ siècle (autour de laquelle pivote
toute la seconde partie du livre), soit mal fondée. Je me borne à constater
qu'elle est nouvelle fp. 118... « Nul n'avait jusqu'ici signalé... »). Or,
un Précis dépourvu de tout appareil critique n'est pas le livre où des
opinions nouvelles peuvent être convenablement produites et soute-
nues.
Malgré ces réserves, l'opuscule de M. Leroux mérite d'être signalé à
l'attention de ceux qui s'intéressent au progrès de l'histoire provinciale.
Notre littérature historique n'a rien qui, dans le même genre, soit digne
de lui être comparé. 11 ouvre une voie où il faut espérer que d'autres
archivistes régionaux sauront s'engager.
Ch. V. Langlois.
228. — Emil Mtchael. Rankcs IVeltge^cliicIite. Brochure in-8 de 5i pages.
Paderborn, Schœningh, i8go.
I
Parce que Ranke avoue que les desseins de la Providence lui échap-
pent dans l'histoire et qu'il explique les événements par des motifs pu-
rement humains; parce quil a comparé le sacrifice d'Isaac à celui
d'iphigénie; parce qu'il ne croit pas à la réalité objective de la vision
de Constantin; parce qu'il a trouvé les piétentions de Grégoire VII,
nouvelles et excessives; parce qu'il a appelé Luther un grand homme,
M. Michael, privatdocent à l'Université d'Innsbruck, ne saurait re-
connaître aucune valeur à son Histoire universelle et il proteste contre
les jugements favorables, rendus sur ce livre, notamment par notre
collaborateur M. A. Lefranc (Revue critique, i5 mai 1889, p. 369). Il
affirme que Ranke est un historien partial et un esprit fort étroit; il
ne lui accorde que certain mérite d'écrivain. Que penserait donc
d'histoire et de littérature 393
M. Michael d'un critique protestant ou rationaliste qui se permettrait
de parler de Janssen de façon aussi irrévérencieuse?
Ch. Pfister.
229. — Henry Cochin. Boccace. Etudes italiennes. Paris, Pion, 1890, in-iS de
xv-295 p. Prix : 3 fr.
Nous n'avons pas en France de livre sur Boccace 1. Aucun grand
écrivain italien n'est plus mal connu chez nous, et il y a à cela diverses
raisons, dont quelques-unes ne sont pas à notre honneur. Le travail de
M. H. Cochin, qui a paru déjà, quoique sous une forme assez différente,
dans la Revue des Deux-Mondes, n'est pas le livre qu'on peut souhaiter
sur le sujet, mais il permettra de l'attendre patiemment. En quelques
pages sobres et précises, l'auteur a dit le plus important, et je ne crois
pas que son successeur, en étudiant Boccace, ait à s'écarter beaucoup des
données générales du portrait qu'il a tracé. Il y a eu, en effet, ces der-
nières années, un travail considérable de critique sur les œuvres ita-
liennes et latines de Boccace ; les épisodes de sa vie, la formation de son
esprit, les sources de ses poèmes, de ses romans, de ses compilations his-
toriques, ont été l'objet de recherches fort étendues et qui sont définiti-
ves sur beaucoup de points; il suffit de rappeler les noms de MM. Hor-
tis, Landau, Kœrting, Gaspary, Crescini, Macri-Leone. M. C. présente
une part de ces résultats, en ce qui regarde surtout la biographie
de Boccace. Il a négligé, de parti pris, certains développements,
certaines questions encore sub iudice ; il a, en revanche, apporté quel-
ques faits résultant de ses propres recherches, par exemple la date de la
seconde visite de Pétrarque à Venise, fixée par lui à l'année iSôy. On
devine, dans l'ensemble du travail, une grande familiarité avec la littéra-
ture italienne du xiv° siècle et avec bien des milieux moraux encore im-
parfaitement connus; on y sent aussi l'habitude de se servir directement
des sources. Le travail, exact dans ses grandes lignes, renferme donc
peu d'inexactitudes de détail ^. Il n'y a qu'un petit nombre de notes et
de références ; il eût été facile à l'auteur de les multiplier, avec cet avan-
tage sur plus d'un confrère d'avoir vérifié lui-même les textes originaux;
on doit le louer de cette discrétion de bon goût, tout à fait de mise ici.
Je lui sais, pour mon compte, un gré tout particulier de la façon juste
1. Il est regrettable que d'importantes leçons professées à Paris, en ces dernières
années, n'aient donné lieu à aucune publication.
2. Les pages sur les auteurs anciens connus par Boccace (p. i33 et suiv.) en renfer-
ment quelques unes : l'auteur a suivi M. Hortis, dont les recherches, d'ailleurs
utiles, ont ici besoin d'être contrôlées. — P. 97, n'y a-t-il pas une raison de chrono-
logie qui s'oppose à ce que Boccace ait brûlé une partie de ses vers après avoir lu les
Triomp'ics de Pétrarque? — P. 149, l'expression a dépassé la pensée de l'auteur,
lorsqu'il a dit que sans Pétrarque et Boccace nous ne posséderions peut-être pas les
poèmes d'Homère; nous ne posséderions pas la traduction latine de Léonce Pilate,
voilà tout.
394 REVUE CRITIQUE
et personnelle dont il a parlé de Pétrarque. Il est rare, en somme, de
rencontrer pour mettre le grand public au courant des résultats de la
critique, un esprit aussi consciencieux, aussi maître des alentours de son
sujet, aussi capable de travailler lui-même de première main.
P. DE NOLHAC.
23o. — p. Caliari. P"aoïo 'Vei'onese, sua vita e sue opère, studî storico-este-
tici. Un vol. in-8, 429 pp. Rome, Forzani, 1888. 10 frs, ]
Il y a dans ce volume tous les matériaux d'un bon livre sur le Vero- j
nese, mais l'auteur a moins de méthode que d'information, moins de
savoir-faire que de bonne volonté, et le livre n'est pas fait. Pour la
méthode, il suffira pour en donner une idée de dire qu'après une biogra-
phie chronologique du peintre, il y a un chapitre sur sa manière artis-
tique, puis l'histoire de son école, une chronologie des ventes de ses
tableaux arbitrairement scindée en deux chapitres, un autre chapitre de
critique d'art, un aperçu sur ses dessins, et enfin des catalogues. Pour
l'ordre et la clarté, on en jugera par le chapitre XVII où, sous prétexte
de juger le Veronese, il est successivement parlé de l'originalité de son
style, de son naturalisme, de ses types, de son idée chrétienne, de sa
palette, de sa technique, de ses perspectives; pour le sens artistique, par
le chapitre XXI, où Rubens, Ribera, Velasquez, Van Dyck, Murillo, i
Delacroix et Hans Makart sont indistinctement cités comme élèves de |/
Veronese. On consultera plus utilement les catalogues des peintures du 1;
Veronese : 1° à Venise; 2<^ en Italie; 3*^ en Europe, qui précèdent les!
index, et les index très détaillés des fresques, des tableaux, des dessins et i:
des gravures, qui sont ce qu'il y a de mieux dans le livre. En somme, n
d'une masse énorme de matériaux patiemment accumulés, l'auteur n'a 1
tiré qu'un \ibaldone^ que l'on consultera avec fruit, mais dont la léC^
ture est extrêmement difficile. Ne parlons pas des informes zincotypié^
qui complètent ce volume; elles l'achèvent.
L.-G. P. '
H\
23 I. — Les Ouvi-îei's fie la onzième Bjetiï*e, par le vice-amiral Jurien de la|
Gravière. (Paris, Pion, 1890, 2 vol. in-12).
En 1 879, M. l'amiral Jurien de la Gravière écrivait l'histoire des gran-
des découvertes accomplies pendant les quinzième et seizième siècles ^\\
il nous montre aujourd'hui comment les Anglais et les Hollandais se
substituèrent aux ouvriers de la première heure, les Espagnols et les
Portugais; il nous fait voir quels moyens ils employèrent, et nous dii
combien la lutte fut acharnée, avec quelle complète absence de serai
pules elle fut conduite, et comment le droit dut s'incliner une fois dl
plus devant la force.
1, Les Marins du xV et du xvi" siècle (Paris, Pion, 1S79).
d'histoire et de littérature 395
Le sultan d'Atchin croyait de bonne foi que toute l'Europe était
espagnote, et que le mot — Anglais — avait la signification de —
Pirate — (II, 5y]. En ce temps-là, on pouvait s'y tromper, et peut-être
y a-t-il aujourd'hui même un petit peuple européen qui se rangerait
volontiers à l'opinion du sultan Aladin. Quoi qu'il en soit, pendant la
seconde moitié du xvi^ siècle, les brigandages des Cavendish, des Lan-
caster, des Davis et autres capitaines moins connus étaient bien de
nature à créer une réputation douteuse au pavillon anglais. L'auteur
nous raconte en détail leurs prouesses il, iSj, 160, 178, etc.); il
nous les montre couvrant sans cesse leur férocité d'un manteau d'hvoo-
crisie religieuse et trouvant toujours un texte sacré pour justifier leurs
actions les plus odieuses (I, 184, igS, 199; II, 272). Parallèlement à
eux, au moins aussi tenaces, mais bien moins cruels, marchent les
Hollandais ; ils se servent plus de l'or que de l'épée, bien qu'ils ne refu-
sent pas le combat quand ils sont forcés de le livrer. En définitive, la
plus belle part leur reste, et la possession des Indes néerlandaises les
récompense de leurs efforts. Tout ce drame est narré par M. Jurien de
la Gravière avec un très grand talent; la conclusion s'adresse aux
marins : — Travaillez toujours, dit M. l'amiral; faites des gens de mer;
élevez-les au milieu des roches; l'ère des grandes luttes n'est pas close!
H.-D. DE Grammont.
23>.
)i. — Saii-anda daus la E&évolution française» par Arislides Rojas. Edi-
tion française. Caracas, imprimerie et lithographie du gouvernement national.
1S89. ln-8, xxii et 087 p.
233. — lL,e général luiranda. Paris et Limoges, Lavauzelle, 1890. Petit in-8,
46 p.
Il nous serait très aisé de consacrer un long article au premier de ces
ouvrages, en signalant les erreurs et les fautes d'impression qui s'y ren-
contrent. Dans les vingt premières pages nous lisons, par exemple,
P — n pour « Pétion » (p. 7); Muerson pour « Moultson » (p. i3);
Harray pour « Starray » (p. 14); Le Camus pour « Camus » (p. 17) ;
Thoxueiiot pour « Thouvenot » (p. 18); Famène pour « Famine », et
Menures pour « Menuret» (p. 19); Verriers pour « Verviers » (p. 20).
Il nous serait pareillement très facile de réfuter quelques appréciations,
vraiment trop laudatives, de Miranda et de signaler à l'éditeur tel ou tel
document qu'il n'a pas connu et ne pouvait connaître, puisqu'il vit au
Venezuela et n"a pas fouillé les archives de Paris. A quoi bon? Si exagéré
que soit l'enthousiasme de M. Aristide Rojas pour le « noble paladin »,
pour le tt Nestor et fondateur de l'émancipation hispano-américaine »
(p. x),on doit savoir gré au gouvernement du Venezuela d'avoir célébré
le premier centenaire de la Révolution de 1789 par cette publication et
d'offrir au gouvernement de la France ce recueil de documents officiels
et privés. Ces documents ne sont pas aussi rares, aussi rarissimes que
le croit M. A. R,, mais, grâce à lui, ils ne sont plus dispersés. Nous
396 KEVUK CRITIQUK
possédons dans notre bibliothèque la Correspondance de Dumoiirie^
avec Miranda jointe aux Notes sur les Mémoires du généval (notes
attribuées à Servan); la Correspondance de Miranda avec Dwnourie^,
Pache et Beurnonville; le plaidoyer de Chauveau-Lagarde pour Mi-
randa. Toutes ces brochures sont réunies dans l'ouvrage que M. A. R,
a publié pour le gouvernement vénézuélien. Non pas que lui-même les
ait connues sous leur forme première. Mais en 1810, Miranda fit publier
à Londres, par son ami Antepara, sous le titre de South American
Emancipation, documents, historical and explanatory, showing the
designs which hâve been in progress, and the exertions made bv
gênerai Miranda, for the attainment of that object during the last
tiventy-fiiie years, sa correspondance officielle et privée. M. A. R. a
pris dans le livre d'Antepara tous les documents qui ont trait à l'his-
toire de la Révolution française et les a rangés méthodiquement, selon
l'ordre chronologique. Les a-t-il purgés, comme il dit, des nombreuses
fautes typographiques de l'édition primitive? (p. xvm). Non certes, et
il est bien évident qu'à la page 44 il faut lire « fours » pouryor^5. Mais
il ajoute à ces documents des appréciations des historiens modernes,
les pages du Tableau historique^ la notice de Champagneux, les juge-
ments de Louvet, de Rabbe, de Michelet, de Louis Blanc.
Nous serons moins indulgent envers l'auteur de la mince brochure
qui paraît chez l'éditeur Lavauzelle, sous le titre Le Général Miranda.
Elle fourmille d'erreurs et ne vaut pas les vingt sous qu'elle coûte.
L'auteur assure que Pétion envoya Miranda à l'armée (p. 10) : est-ce
que Pétion était ministre de la guerre? Il écrit Saint-Jouvin,Verpelle.
Bessieu^i Mortaume, pour Saint-Juvin, Verpel, Beffu, Le Morthomme
(p. 12); il place au /j, au lieu du 14 septembre, la prise de La Croix-
aux-Bois (p. i3); il imprime Chasot pour Chazot (id.). Faut-il pour-
suivre cette liste d'errata, citer encore Rolland pour Roland (p. 23);
Miacsinski pour Miaczynski, et Levasseur ou Laveneur pour Le Veneur
(p. 25 et 27); Tougres pour Tongres (p. 22 et 2g); Pache pour Pétion
(p. 39); Tronson dic Coudray pour Chauveau-Lagarde (p. 40) ? Bref,
malgré les pages 32-39 °^ l'auteur essaie de discuter le rôle de Miranda
à Nerwinde, cette notice sommaire qui prétend « résumer Wilcoke,
Brackenridge, James Biggs et Restrepo » (!) ne mérite pas d'être con-
sultée.
A. Chuquet.
234. — Emmanuel des Essarts. Le Xliéàtre d'Alfred de Mussiet. Clermont-
Ferrand, 1889, p. 20.
Voici de jolies pages sur le théâtre d'Alfred de Musset qui, jusqu'à
présent, n'avait pas souvent eu les honneurs d'une étude critique. On
admirait : M. des Essarts a voulu analyser et expliquer cette admira-
tion. Le moment était sans doute opportun, puisqu'il a paru tel à un
d'histoire et de littérature 3g7
autre critique, M. Jules Lemaître, qui de son côté, et à la même heure,
se livrait à la même étude. — M. des E. a longtemps pratiqué et il
aime avec passion les Comédies et Proverbes. Il garde de ce commerce
un reflet de poésie, de fantaisie et de grâce qui lui sied à merveille pour
nous parler de Musset. Les impressions toutes fraîches colorent douce-
ment le style qui garde de la lecture récente un vague et odorant sou-
venir. « Quand nous parcourons les Comédies et Proverbes de Musset,
dit M. des E., nous croyons assister à un bal masqué de juin. Les sa-
lons donnent sur un parc; les musiques se mêlent au chant un peu
lointain des rossignols, aux soupirs étouffés de la brise sous les feuil-
lages ; le parfum des fleurs entre largement par les fenêtres avec les
rayons de la lune. Cependant, au hasard de la valse, s'enlacent les cau-
series de la Porte ouverte, du Caprice, d'il ne faut jurer de rien; le
rire étincelant de Fantasio, d'Octave, de Valentin, s'accorde aux sono-
rités de l'orchestre, tandis que sous les ombrages et parmi les allées
s'isolent les mélancoliques tendresses de Celio, de Rosette, de Fortu-
nio, de Carmosine, et qu'au fond du parc, à l'endroit le plus solitaire,
sur un piédestal de marbre surgit, blanche dans la nuit bleue, la tragi-
que image de Lorenzaccio! n M. des E. ne s'en tient pas à ces poéti-
ques visions. Il nous donne du théâtre de Musset une analyse intéres-
sante qui distingue et sépare trois éléments : la fantaisie, le comique,
l'accent personnel. Musset doit les deux premiers à l'imitation de Sha-
kespeare. Comme dans le poète anglais, le lieu de la scène change à
tout moment, l'action et les personnages sont de pure fantaisie (bien
vivants, pourtant!), le dialogue les lance en plein lyrisme. — Le comi-
que de Musset est aussi parent de celui de Shakespeare; le procédé est
le même, c'est le comique par grossissement. Cet aperçu est ingénieux
sans doute, mais peut-être M. des E., grand admirateur de Milton et
fort versé dans les lettres anglaises, a-t-il le tort de britanniser à l'excès,
pour ainsi dire. Le dialogue d'il faut qu'une porte soit ouverte ou
fermée me fait bien plutôt penser à Marivaux qu'à Shakespeare. — En-
fin Musset a mis dans son théâtre sa personnalité, qui est double, 11 y a
deux hommes en lui, « l'homme extérieur » et « l'homme intérieur »,
le premier frondeur et sceptique, le second épris de grandes idées
(Lorenzaccio), ami du calme et des émotions douces, et qui fait ce rêve
idyllique : « Quelle belle chose que le coup de Fétrier ! Une jeune
femme sur le pas de sa porte, le feu allumé qu'on aperçoit au fond de la
chambre, le souper préparé, les enfants endormis, toute la tranquillité
de la vie paisible et contemplative dans un coin de tableau. Et là,
l'homme encore haletant, mais ferme sur la selle, ayant fait vingt
lieues, en ayant trente à faire; une gorgée d'eau-de-vie, et adieu; la
nuit est profonde là-bas, le temps menaçant, la forêt dangereuse; la
bonne femme le suit des yeux une minute, puis elle laisse tomber en
retournant à son feu cette sublime aumône du pauvre : « Que Dieu te
protège. » (Fantasio). M. des Essarts a semé sur ce canevas simple et
3q8 REVUE CRITIQUE
net d'ingénieuses idées, présentées sous une forme élégante. Cette pla-
quette marque pour Tauteur une très heureuse étape dans la série de;
ses Voyages de l'esprit.
Léo Claretie.
235. — G. E. TuRNER. Xhe mojlern novelists of Russia. Un VOl. in-l2.
Londres, Trubner, 1890.
J'ai rendu compte ici même de l'étude de M. Turner sur le comte
Tolstoï {Revue du 20 mai 1889]. Ce volume, comme le précédent,
résume des lectures faites à la Taylor institution à Oxford. L'auteur,
qui vit en Russie, connaît bien la société russe et la littérature roma-
nesque qui en est Texpression. Ainsi qu'il le fait remarquer dans sa
préface, ce n'est guère que dans le roman que certaines questions peu-
vent être soulevées en Russie sans provoquer l'intervention immédiate
de la censure. Les romanciers qu'il étudie sont Gontcharov, TourgueneV,
Dostoevski, Tolstoï, Garchine et Korolenko. On regrette de ne pas trou-
ver parmi ces noms celui de Pisemsky. Si les études de M, Turner sont
moins brillantes que celles de M. de Vogué, elles n'en ont pas moins
un sérieux intérêt. Les analyses des œuvres sont exactes, les citations
bien choisies, l'exposition agréable et le style aisé. Si ce volume doit
avoir des lecteurs en France, je les préviens que les transcriptions de
M. Turner s'adressent au public anglais : quelques-unes d'entre-elles
défigurent singulièrement les noms (Peasareff, lisez Pisarevj Vasielie,
lisez Vasili, etc.)
L. L.
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Constantin Sathas vient de faire paraître à la librairie Maison-1
neuve le tome IX de sa grande publication, Z)ocMmeH^5 inédits relatifs à T histoire dey
la Grèce au moyen dge, entreprise sous les auspices de la chambre des députés de
Grèce. Ce volume, comme les deux précédents, est consacré aux Strathiotes. On y
trouve en appendice (p. i33-;26i), les Histoires ou Mémoires de Théodore Spandou-
nis, « Strathiote distingué par la noblesse de son origine, ses qualités militaires et?
diplomatiques, son patriotisme ardent, et surtout par sa profonde connaissance desv
choses orientales », qui le firent particulièrement apprécier par les cours européen-
nes « que préoccupaient vivement les progrès incessants et les menaces du Grand
Turc ». La préface de M. Sathas est presque entièrement remplie par une notice sur
la famille et la personne du Strathiote, un de ces Grecs qui, dans l'opinion de leiir
savant historien, « apportèrent à l'Europe la Renaissance religieuse, sociale et mili-
taire ». C'est encore en majeure partie des Archives de Venise que sont extraits les =
textes, tous italiens, publié dans ce volume. L'ouvrage de Th. Spandounis est tres^
curieux; il a pour titre : De la origine deli imperatori ottomani, ordine de la carte,
forma del giierregiare loro religione, rito e costumi de la nationej, et pour dédi
cace « al serenissimo et invictissimo principe Henrico. . . delphino di Francia »
n
I
d'histoire et de littérature 3gg
M. Sathas le publie d'après le manuscrit unique de la bibliothèque nationale de
Paris, fonds italien n° 88 1.
— M, Emile Montégut publie, sous le titre Dramaturges et romanciers (Hachette.
In-8°, 419 p.), huit études dont voici les titres : Le théâtre de Théodore Barrière ; Le
roman en 1S61 ; M. Octave Feuillet; M. Victor Cherbulie:^; Le roman en i8j6 ;
M. Victorien Sardou ; M. Emile Augier; Petites feuilles dramatiques.
— La librairie Desclée et deBrouwer, de Lille, nous envoie : i' Vie du bienheureux
Jean Fisher, évéque de Rochester, par le R. P. Bridgett, traduite de l'anglais par
l'abbé J. Cardon (1890; xii-420 pp. in-S»); 2" Le Sacerdoce éternel, par le cardinal
Manning, traduit de l'anglais par Ch. Fié vet, nouvelle édition (1889; 804 pp. in-i6).
ALSACE. — La librairie Heitz et Mûndel publie un ouvrage de luxe, accompagné
de 140 illustrations (i5 mark): Das alte Strassburg vom XIII Jahrhundert bis ^^um
Jahre J87&, geschichtliche Topographie nach den Urkunden und Chroniken, par
M. Adolphe Seyboth.
, ALLEMAGNE. — Prochaines publications de la librairie Teubner : 1° VEtymo-
logicum magnum, p. p. R. Reitzenstein ; 2° O. Gilbert, Gesckichie und Topogra-
I fhie der Stadt Rom im altertum, 3e et dernière partie; 3° G. Sittl, Die Gebœrden
; der Grieclien und Rœmer, avec illustrations; 4° W. Liebenam, Zur Gescbichte und
Organisation des rcemischen Vereinswesens (vui et 333 p. 10 mark).
— La librairie Tempsky (Vienne et Prague', publie une 1' éd. de Vergils yEneis
nebst ausgewœhlten Stucken der Bucolica und Georgica, par .M. W. KLOucExet une
3e éd. de Cornelii Nepotis uitœ, par M. André Weidker. Cette 3^ éd. contient en plus
des précédentes une introduction historique (pp. i-xix)et un appendice relatif aux ins-
titutions et à la vie privée (pp. 146-155). Ces deux additions sont dues à M. Johann
., ScHMiDT, devienne. Vingt-et-une figures illustrent le texte : elles sont généralement
jË assez bonnes, sauf les n°^ i et 7. En revanche, les 3 cartes mises en tête du volume sont
3 détestables. M. J. Schmidt fait paraître en même tempsà la même librairie Commentar
jb \u den Lebensbcschreibungen des Cornélius Nepos (prix : M. o. 90). Ce commentaire
i me paraît appartenir à la catégorie des « traductions intermittentes ». Mais M. S. nous
if expliquée mots couverts que les élèves autrichiens savent très peu de chose quand ils
■ abordent la lecture de Cornélius Nepos, l'auteur des commençants, die Erstlingslek-
% tûre, d'après le programme des gymnases. C'est peut-être la condamnation dudit pro-
5 gramme. Si nos élèves de philosophie vont maintenant apprendre l'importance delà
I musique symphonique dans le développement de la civilisation, nous avons eu au
^ moins le bon sens de revenir à VEpitome et au Selectce.
V — La quatrième assemblée des Neuphilologen aura lieu du 27 au 2g mai à Stutt-
1 gart; -y feront des conférences MM. Ehrhardt, Gutersohn, J^eger, Locella, Sachs,
4 Scheffler, Stengel, Wagner.
— Au mois de mars est mort à Suiza en Thuringe, à l'âge de 53 ans, R. Boxberger,
\ qui avait publié de nombreux travaux sur la littérature allemande du xviii« siècle,
t particulièrement sur Lessing dont il éditait les œuvres dans la collection Kûrschner.
t
i ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du g mai 18 go.
M. Wallon, secrétaire perpétuel, donne lecture d'une note de M. le Di" Vercoutre,'
médecin-major, à Ramberviiiers (Vosges), sur deux monnaies romaines à l'effigie du
soleil. L'une de ces pièces est un denier de Manius Aquillius, l'autre un aureus de
Publias Clodius. Le revers de chacune porte un groupe d'étoiles. Dans le groupe
400 RKVUE CRITIQQK D KISTOIRK KT DE LITTERATUKE
qui ligure sur le denier d'Aquillius, M. Vercoutre reconnaît la constellation de l'Ai-
yle (Aqiiila). Dans celui de Vaurcits de Cloduis, il voit le Taureau (Taitrus) : or, ce
Ciodius avait pour cognoiiien Turrinus. M. Vercoutre pense que, dans les deux cas,
on a choisi à dessein les constellations dont les noms rappelaient à peu près ceux
des monétaires. C'est ainsi encore qu'au revers d'un denier de L.ucius Lucretius Trio,
on trouve l'inuii^e de la Grande-Ourse (l'un des deux Triones).
M. Delisle communique deux lettres de M. Lucien Decombe, conservateur du Mu-
sée archéologique de Rennes, qui annonce la découverte de douze inscriptions ou
fragments d'inscriptions romaines trouvées en cette ville, dans la démolition de l'an-
cien mur d'enceinte.
M.Méron de Villefosse,à qui sont remises les copies de ces monuments, se réserve
d'en faire un examen approfondi : dès à présent, il tieat à signaler l'importance de
trois d'entre eux, qui sont de nouvelles bornes milliaires aux noms de Viclonn et
de Tétricus.
M. Gaston Paris communique une note intitulée : Robert Courte-Heuse à la pre
mière croisade.
Dans une communication faite il y a peu de temps à l'Académie, M. F. de Mély a
signalé des vitraux donnés à l'abbaye de Saint-Denis par l'abbé Suger, au xii*' siè-
cle, dont l'un représentait le duc Robert de Normandie tuant un chef sarrasin. M. de
Mély en a conclu que la Chanson d'Antioc/it, où un incident semblable est rapv^orté,
existait déjà du temps de Suger. M. Gaston Paris fait observer que nous n'avons
plus la Chanson d'Antioche primitive: la compilation, dont M.Paulin Paris a extrait
un fragment qu'il a publié sous ce titre, est certainement postérieure à Suger. L'au-
teur de cette compilation a mis en œuvre des matériaux bien plus anciens, mais il
a laissé de côté, précisément, l'épisode qui paraît avoir été figuré sur le vitrail de
Saint-Denis, le combat de Robert Courte-Heuse contre l'émir Corbaran. Ce combat
appartenait à une tradition poétique dont Robert était le héros et qui s'effaça plus
tard au profit de Godefroi de Bouillon. On en trouve les traces dans Guillaume de
Malmesbury (112b;, dans Geffrei Gaimar (vers ii5o) et dans d'autres auteurs posté-
rieurs. 11 est intéressant de voir que Suger connaissait cette tradition, mais cela ne
prouve rien pour l'ancienneté du fragrnent épique connu sous le nom de Chanson
d'Antioche. ^\
M. Edmond Le Blant lit un mémoire intitulé : les Sentences rendues contre les
martyrs. 11 étudie quelle était la forme des jugements rendus contre les premiers
chrétiens et recherclie si le droit de faire appel des sentences de condamnation leur
était reconnu par la loi. Il pense que, même en supposant que ce droit leur fût
accordé en théorie, leur dévouement à leur foi et leur soif du martyre suffisaient à
les empêcher d'en faire usage.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, M. Héron de Villefosse signale à l'Académie
un fragment d'inscription romaine, très incomplet, conservé au Musée du Mans. On
en ignore la provenance : les traditions qui veulent qu'il ait été trouvé, soit à Ju-
blains, soit à Ailonnes (Sarthe), ne paraissent pas fondées. Il se réduit aux lettres sui-
vantes :
1-ANEX j
eivs-deI i
ENTIS • D i
On avait cherché inutilement, jusqu'ici, à restituer la première ligne. Une patère
de bronze, récemment découverte en Angleterre et conservée au Musée de Newcastle,
donne la solution du problème. On y lit : j
APOLLlNi • ANEXTIOMARO '
M A SAB
11 faut évidemment restituer de même, à la première ligne de l'inscription du Mans:
[Apollin]i Anex[tiomaro]. C'est là le nom du dieu, ejits dei, à qui il est fait allusion
à la seconde ligne.
M. Hauréau ne pense pas que l'inscription ait été trouvée à Ailonnes. Il a com-
mencé, dit-il, de sa main et plus tard suivi avec intérêt les fouilles faites dans cette
localité, et il n'a jamais entendu dire qu'on y ait trouvé une seule inscription.
M. Amélineau signale un manuscrit copte, récemment acquis par la Bibliothèque
nationale, qui présente un grand intérêt pour l'histoire du concile d'Ephèse et des
événements qui l'ont précédé et suivi. C'est la traduction copte d'un ouvrage grec,
dû au moine Victor, qui fut chargé par Cyrille, patriarclie d'Alexandrie, d'une mis-
sion de confiance auprès de l'empereur Tht'odose le Jeune.
M. Maspero annonce que le texte en question va être publié par M. Bouriant dans
les Mémoires de la Mission archéologique française au Caire.
Ouvrages présentés : — par M. Delisle : Babeau (Albert), la Vie militaire sous
l'ancien régime; — par M. Siméon Luce : Vimont, le Vieil Argentan.
italien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISIOIRE ET DE LITTÉRATURE
N« 21 - 26 mai — 1890
Sommaire: 236. DuTT, Histoire de la civilisation dans l'Inde ancienne. — 287.
Appleton, La propriété prétorienne et l'action publicienne. — 238. La piuzela
d'Orihienx, p. p. Lanéry d'Arc et Grellet-Balguerie. — 239. A. Fabre, Cha-
pelain et nos deux premières académies. — 240. Boissonnade, Les volontaires de
la Charente. — 241. Léger, Russes et Slaves. — 242. Cat, La carte de l'Ogôoué.
— 243-245. Fichte, trad. Krœger et Smith. — 246. Castellani et Favaro, Les
manuscrits vénitiens de la collection Phillips. — Kleber et son dernier biographe.
— Chronique. — Académie des Inscriptions.
236. — Romesh Chunder Dutt. A. Hlstory of Civilisation In Anclent In-
dia based on Sanscrit Literature. In three volumes. Vol. I. Vacdic and
Epie Ages. Vol. IL Rationalistic Age. Calcutta : Thacker, Spink and Co. London :
Trùbner and Co. PP. xvi-3o2 et iv-344, in-8.
Dans l'ouvrage dont nous annonçons ici les deux premiers volumes,
M. R.-C. Dutt s'est proposé de résumer pour le grand public, en parti-
culier pour ceux de ses compatriotes qui savent l'anglais, les résultats
d'un siècle d'études indiennes. « Pour l'étudiant hindou, dit-il dans sa
« Préface, l'histoire de l'Inde commence à la conquête musulmane : la
« période hindoue est pour lui une page blanche. Nos écoliers connais-
« sent par le menu les douze invasions de Mahmoud; ils savent peu de
3 chose de linvasion et des guerres des Aryens qui s'établirent en con*
« quérants dans le Panjab trois mille ans avant le sultan de Ghazni.
« Us ont lu le récit de la prise de Delhi et de Carwodje par Shahab-ud-
« din Mahammad Ghori ; mais ils ont à peine une notion des anciens
« royaumes des Kurus et des Pancâlas qui ont fleuri dans cette même
(' région. Ils savent quel empereur régnait à Delhi quand Sivajî vécut
« et guerroya ; mais ils ignorent quel roi gouvernait en Magadha à
« l'époque où Gautama Buddha vécut et prêcha. L'histoire d'Ahmad-
« nagar, de Bijapore, de Golconde leur est familière ; mais il est pro-
« bable qu'ils n'ont entendu parler ni des Andhras, ni des Guptas, ni
« des Calukyas. Ils savent exactement la date de l'irruption de Nadir
« Shah ; mais ils ne sauraient dire, à cinq siècles près, à quelle époque
« les Çakas envahirent l'Inde et furent repoussés par Vikramâditya-le-
0 Grand. Ils savent plus de choses de Firdousi et de Ferishta que
« d'Aryabha^a et de Bhavabhûti, et s'ils peuvent nommer le construc-
« teur du Taj Mahal, ils n'ont pas la moindre notion de l'époque à
« laquelle furent édifiés ou creusés les topes de Sanchi, les cavernes de
« Karle et d'Ajanta, les temples d'EUora, de Bhuvaneçvara et de
« Jagannâtha. — El pourtant cela ne devrait pas être. Pour l'étudiant
Nouvelle série, XXIX. 21
40 2 RBVUK CRITIQUE
« hindou, l'histoire de la période hindoue ne devrait pas être une page
«c blanche ou, tout au plus, un ramassis confus de noms historiques et
« légendaires, de fables religieuses, de mythes épiques et pourâniques.
« Nulle étude n\igit aussi puissamment sur l'esprit d'une nation, sur
« le caractère d'une nation, que l'étude critique et soigneuse de son
« histoire passée. Et c'est par cette étude seulement qu'au culte aveugle
« tc superstitieux du passé, on arrive à substituer une légitime et virile
« admiration. »
J'ai reproduit ce passage sans en rien retrancher, parce qu"il résume
parfaitement Tobjet du livre et qu'il caractérise non moins nettement
l'esprit, et aussi le ton dans lequel il est écrit : c'est à la fois un essai de
vulgarisation scientifique et une œuvre patriotique qu'a voulu faire
M. D., et, pour l'entreprendre, nul n'était, à plusieurs égards, mieux
préparé que lui. Placé comme magistrat à la tête d'un district du Ben-
gale ^, il a pu acquérir cette expérience des choses et des hommes indis*
pensable à l'historien. Il a pu aussi se rendre compte, mieux que la plu-
part de ses compatriotes, des conditions actuelles de Tlnde, dont l'intel-
ligence est si nécessaire à qui veut comprendre celles de son passé, et
des articles de lui publiés dans la Revue de Calcutta^ ont montré qu'il
savait comprendre ces conditions en homme qui est de son époque. En
même temps il a étudié l'ancienne littérature de son peuple. Il y a une
dizaine d'années, paraissait de lui une analyse de la Chronique de Cash-
mire 3. Depuis il a publié, sous les auspices du gouvernement de sa
Présidence, une traduction bengalie des hymnes du Rigveda, et il a fait
paraître une série d'études sur la période védique qui sont comme une
ébauche de son premier volume •*. Enfin, M. D. connaît l'Europe, où il
a séjourné et achevé ses études ^. Il est au courant des principaux tra-
vaux qui se sont faits sur Tlnde, tant en Angleterre que sur le continent.
Et ce qu'il a rapporté de ce long commerce ne se réduit pas à l'emprunt!
de quelques résultats ou de simples procédés de style : c'est l'esprit mêmej
de l'Occident, c'est, à la nuance près, sa manière de penser et de sentir,!
qu'il s'est appropriés avec une étonnante souplesse. L'assimilation esi^
même si complète que, tout en Tadmirant, on la souhaiterait moindre
on voudrait trouver dans son livre quelque chose de plus hindou, uiJ
peu moins de ce qui aurait pu s'écrire tout aussi bien à Londres, à Ber[
lin ou à Paris.
L'histoire de V Inde ancienne, telle que M. D. s'est proposé de 1|
1. Celui de Maimansingh; plus de trois millions d'habitants.
2. The Aboriginal Elément in ilie Population of Bengal. Calcutta Revicw, Octcj
ber 1S82. — A Plea for Compétitive Examination. Ibidem, April 1884.
3. History of Kashmiva. A Contribution toyvards Ancient Indian History. Ibider,^
July 1880.
4. Sociat Life of the Hindus in the Rig-veda Period. Ibidem, July 1887.
Hindu Civilisation of the Brahmana Period. Ibidem, October 1887 and lanua
i888.
3. M. Dutt est banister-at-law de Middle Temple.
d'histoire et de littérature 403
résumer, va des origines à la fin ne l'indépendance, celle-ci tombant à
une date qui, selon les régions, varie du xii« au xvi^ siècle. Il divise
cette histoire en cinq périodes: I, védique, de 2000-1400 av. J.-C; II,
épique, de 1400-900; III, philosophique, de 1000-242; IV, bouddhi-
que, de 242 av. J.-C. à 5oo ap. J.-C. ; V, pourânique, de 5oo-i 565. Le
premier volume contient I et II ; le deuxième traite de III ; au dernier
sont réservés IV et V. Je ne chercherai pas chicane à M. D. au sujet de
cette division, qu'il ne faudrait pas juger du reste par le simple énoncé
des titres, ni sur sa chronologie, que je crois en partie inadmissible,
mais pour laquelle il peut, sur chaque point, se recommander de bonnes
autorités. Écrivant un livre d'exposition, non de discussion, il a dû
naturellement prendre son parti, avec bien peu de chance de contenter
tout le monde. Il l'a fait de son mieux, parfois avec succès, et quand il
lui arrive, selon moi, de se tromper, c'est toujours en bonne compagnie.
Mais il est une observation plus générale sur laquelle je dois insister.
A moins que M. D. ne donne à son troisième volume de tout autres
dimensions qu'à ses deux premiers, on voit dès maintenant que les deux
tiers de l'ouvrage sont consacrés aux temps qui n'ont pas, à proprement
parler, d'histoire, et qu'un tiers seulement est réservé aux dix-huit
siècles environ pour lesquels nous avons des annales plus ou moins
documentées. Il est vrai que ce n'est pas une histoire au sens propre du
mot que veut nous donner M. D., mais plutôt un tableau de la civili-
sation, des idées, des croyances, des institutions, toutes choses dont le
développement, dans l'Inde, est en grande partie préhistorique. Jusqu'à
jn certain point, ce défaut de proportion était donc inévitable. Nous
Toyons pourtant qu'il l'a singulièrement exagéré, et qu'il l'a exagéré
)arce qu'il s'est fait illusion sur la quantité de matière solide qu'il pou-
'ait tirer de ses documents.
M. D. n'est pas un retardataire. Il est au courant des résultats et des
loutes auxquels a conduit l'étude critique de la littérature sanscrite, et
1 les admet dans leur ensemble 1, Il convient que la rédaction ou la
ompilation des documents d'une de ses périodes appartient régulière-
lent et au plus tôt à la période suivante, et comme, postérieurement à
1 compilation, il admet encore des remaniements, cela peut faire, sui-
ant sa propre chronologie, un intervalle d'un millier d'années entre la
I
I. Avec une certaine tendance, toutefois, à se ranger de préférence aux avis qui
|ii permettent de réduire les concessions à un minimum. Avec M. Bhandarkar, il
ace Pânini au viii' siècle, et, avec M. Bûhler, Gautama au ve ou au vie avant notre
é, bien que Pâiiini connaisse l'écriture des Yavanas et que Gautama leur sache déjà
[ne généalogie imaginaire. De même, avec M. Thibaut, il assigne au vni" siècle les
ûlvasx'itras, ce qui lui permet, avec M. SchrœJer, de faire honneur aux Hindous des
remiers commencements de la géométrie chez les Grecs. Pour le Veda, il n'a pas
1 connaissance des derniers travaux de Bergaigne et de M. Oldenberg, et il n'a
is assez tenu compte de ceux de M. Weber. J'ajouterai que, pour M. D., védique et
do-aryen sont synonymes, et qu'il n'a pas le moindre soupçon que les croyances
les pratiques consignées dans les Brâhmanas, pourraient bien ne pas être celles de
'Ute la communauté hindoue.
404 REVUE CRITIQUE
date d'un livre tel que nous l'avons et l'époque pour laquelle il l'utilise.
Aussi se garde-t-il bien d'emprunter à l'ancienne littérature ce qu'on
pourrait appeler Sa chronique. Sauf de rares exceptions, il lâche les
faits 1, mais il retient les généralités. Par exemple, il ne racontera pas,
comme on le fait encore parfois même chez nous, la succession des
dynasties fabuleuses ni les événements de la grande guerre ; mais, sur la
foi des récits épiques, il placera sur les bords du Gange, douze siècles
avant notre ère, de grands empires, dont l'organisation et la splendeur
feraient penser à Ninive et à Persépolis. S^il avait tourné la page, les
mêmes livres qui lui fournissent ce brillant mirage, lui auraient montré
ses Nabuchodonosor et ses Darius préhistoriques allant, comme Rob
Koy, enlever à quelques yojanas de distance les troupeaux d'un voisin.
M. D. a une foi bien robuste en cette sorte d'histoire idéale, sans faits ni
dates assurés, abstraite de documents auxquels on a fait soi-même une
chronologie purement logique. Ainsi reconstruite, Tantiquité hindoue
lui parait d'une clarté parfaite : s'il y reste des questions obscures, elles
sont d'ordre secondaire. « La littérature de chaque période est une
« peinture parfaite, une photographie, si nous osons l'appeler ainsi, de
« la civilisation hindoue de cette période. Et les œuvres des périodes
« successives forment une histoire complète de la civilisation hindoue
« pendant plus de trois mille ans, si pleine, si claire, that he xvho runs
« viay 7'ead. » Si j'ajoute que M. D. admet l'introduction tardive de
l'écriture dans Tlnde et que, de son propre aveu, ses deux premières
périodes et la majeure partie de la troisième n'ont eu qu'une littérature
de tradition orale, on trouvera peut-être, comme moi, qu^il se contente
à peu de frais.
Mais, ces réserves faites, je suis heureux d^ajouter que, pour le reste,
M. D. a bien employé les matériaux quMl avait à sa disposition. Autant
que possible, il laisse parler les textes originaux : son livre est ainîi
rempli d'extraits choisis et traduits avec soin, et les citations y sont
reliées par des analyses et par des résumés où l'on trouve presque tou-
jours le nécessaire et rarement du superflu. Il est écrit de plus avec
chaleur, dans une langue claire et correcte, sans ce vain et facile étalage
d'érudition qui fatigue plus qu'il n'instruit. En somme, je n'en connais
pas qui initie mieux à la pensée de Plnde ancienne et qui soit d'une lec-
ture plus agréable. Tout au plus peut-on reprocher à l'auteur un peu
de complaisance. Il ne regarde pas assez à l'envers de l'étoffe et passe
discrètement sur ce que M. Andrew Lang, parlant d'un seul ouvrage
a appelé quelque part « ihe seamy side of the Rigveda ». Les défaut:
que j'ai dû signaler plus haut se font d'ailleurs moins sentir dans li
premier volume. On sait si peu de chose de l'histoire positive de cetti
période, que M. D., une fois sa chronologie admise, peut s'y mouvoir i
l'aise, sans risque de se heurter aux aspérités des faits. Il n'en est plu
I. Il admet pourtant comme un fait réel la conquête de Lanka (qu'il identifii
avec Ceyian), par Râiua.
d'histoire et de littérature 40 5
de même dans le second volume : ici les points de repère et de compa-
raison commencent à paraître, et M. D. est exposé à des conflits. Je n'ai
pas l'intention de soumettre à une critique de détail ce volume qui
paraît porter l'empreinte d'un travail un peu hâtif: je me bornerai à
ajouter quelques exemples à ceux que j'ai déjà donnés.
Ce qui frappe d'abord, c'est une certaine incohésion. 11 est arrivé à
M. D. plus dune fois de se contredire lui-même, parce que, dans la
même matière ou -dans des matières connexes, il a suivi des autorités
d'avis différent. Il a, par exemple, une foi entière en la tradition boud-
dhique. C'est certainement son droit. Mais il ne lui est plus permis
alors d'être aussi sceptique à l'égard de la tradition jaina. Il admet que
les sûtras des écoles philosophiques ne sont pas des oeuvres d'un seul
jet : il n'en conclut pas moins de ces textes à la succession des différentes
écoles, et cela avec une rigueur qui ne serait pas applicables aux textes
mêmes. Son roi Kanishka voltige d'une façon inquiétante dans les
limites du i^" siècle. M. D. sait que l'ère çaka date de l'avènement de
son fondateur, et à la page 3 18, cette ère est celle Kanishka : mais, à la
page 3oi, ce prince monte sur le trône en l'an 10 (AD), et, à la page 40
du premier volume, la première année de l'ère çaka est l'année de sa
mort. Évidemment, M. D. a puisé tantôt à droite, tantôt à gauche, sans
se donner la peine de mettre les choses au point. Au besoin, on s'en
apercevrait rien qu'à ses transcriptions, qui sont encore plus flottantes
que sa doctrine.
Un autre défaut, proche parent de celui-ci, est une trop grande facilité
à abonder dans le sens de nouveautés très contestables, qui l'a conduit à
de fâcheuses exagérations. Je ne ferai pas un reproche à M. D. de
n'avoir pas vu que les auteurs des relations grecques ont peint les
choses en beau, par coquetterie de voyageurs et par politesse envers
leur propre public, auquel ils tenaient à présenter des choses surpre-
nantes et dignes d'intérêt. Mais je suis obligé de dire que j'estime fausse
toute sa façon de comprendre les anciens rapports de l'Inde avec l'Oc-
cident. Si une chose ressort du peu que nous savons de ces rapports,
c'est l'énorme supériorité intellectuelle et matérielle de ces aventuriers
grecs, enfants perdus de la civilisation hellénique, qui se sont taillé des
principautés dans tous les quartiers de l'Inde, ont monopolisé pendant
ies siècles tout le commerce de ses côtes et, en retour de ce qu'ils y
:herchaient pour eux-mêmes, du butin et des denrées, lui ont apporté
es premiers éléments de science positive. Le meilleur commentaire de
■-e qui a dû se passer alors, est ce qui s'est passé dix-sept siècles plus tard,
iprès la première arrivée des Portugais. Pour M. D., le rapport est ren-
'ersé. C'est l'Inde qui a été la maîtresse; la Grèce qui a été l'élève.
-'Inde a inventé; la Grèce n'a fait que perfectionner. L'Inde n'a pas été
eulement originale dans la science des nombres, ce qui est probable;
lais l'Occident lui doit ses premières notions en géométrie ^ et en astro-
I- Les Hindous, si habiles calculateurs, ont toujours été de médiocres géomètres.
'ryabha^a donne pour la mesure du volume de la pyramide celle de la surface,
1
406 REVUE CRITIQUE
nomie ^ ce qui Test infiniment peu. La priorité et la supériorité m
appartiennent pas seulement dans la spéculation mystique et dans la~
conception religieuse, mais aussi dans la philosophie positive. M. D.
reconnaît que llnde n'a pas eu d'Aristote ; mais il ajoute, p. 342, que
la Grèce n"a pas eu a rigid mental philosopher comparable à Kapila, et
ailleurs, p. i35, nous lisons : « Kapila et Buddha ont été le Voltaire et
« le Rousseau de l'Inde ancienne — l'homme de l'intelligence et l'homme
a du sentiment. Seulement, la philosophie de Kapila est plus claire, ^
« raison née d'une manière plus serrée et plus consistante que rien de
« ce que Voltaire a écrit, et la moralité et la sympathie humaine de
« Buddha étaient plus hautes, plus pures et plus compréhensives que
il. celles de Rousseau. » Je passe sur le parallèle de Buddha et de Rous-
seau ; mais quelle singulière façon de surfaire les catégories du Sânkhya,
et comme ces choses sonnent étrangement à une oreille européenne 2 !
L'influence'très réelle du mysticisme oriental sur l'Occident n'a pas été
moins défigurée. M. D. pense avoir prouvé que le bouddhisme fut
prêché en Syrie au m" siècle avant J.-C, qu'il fut professé (wasreceiveJ.)
en Palestine et en Egypte, que les Esséniens étaient des bouddhistes et
que le baptême de Jean dérivait de V abhisheka bouddhique. En tout
ceci, ce qui excuse M. D., c'est que, de ces thèses, plus risquées les unes
que les autres, aucune ne lui appartient en propre, que sur plusieurs il
a été dépassé parmi nous et a fait preuve de modération. Par contre, il
y a cette circonstance aggravante que, présentées isolément ailleurs, elle^
sont réunies ici en quelques pages comme en un faisceau.
J'espère que M. D. ne se méprendra pas sur le sens de ces critiques et
que, peut-être, il les préférera à de banals éloges. C'est parce que j'estime
son ouvrage très haut que j'ai cru devoir les faire. Rien ne donne um
idée plus grande, plus consolante de l'œuvre accomplie par l'Angletern]
bévue que n'eût certainement plus commise en Grèce un contemporain de Platon.
1. Que rastronomie scientifique des Hindous est copiée de celle des Grecs, est uij
fait bien établi et que, avant cet emprunt, ils n'ont eu que des notions grossières, Ql|
est un autre. On peut douter que Thaïes ait prédit une éclipse; mais il avait certaiJ
nement quelques idées saines sur la disposition de l'univers à une époque où 16 1
Hindous en étaient peut-être encore à se demander, avec l'auteur d'un Brâhmanaj
combien de vaches il faudrait mettre l'une sur l'autre pour toucher au ciel.
2. Je ne crois pas que ceci vienne à l'encontre d'un regret exprimé plus haulj
car ce n'est pas dans ses jugements sur les choses d'Europe que je voudrais qui
M. D. fût resté plus hindou. Le Sânkhya, dont l'Inde n'a rien su faire, qui est restl
chez elle à l'état de formule figée et stérile, n'a pas été surfait par lui seulement psi
rapport à la pensée de l'Occident, il l'a été aussi par rapport aux autres systèmes dj
rinde. Cette façon de juger une doctrine par ses principes, je dirais presque par j
silhouette, est à la mode ; elle a un faux semblant de profondeur; en réalité, elle ei
superficielle et conduit droit au paradoxe : le Sânkhya, par exemple, deviendra i|
positivisme. Les solutions finales auxquelles aboutit la pensée sont peu nombreus(|
et elles n'ont guère changé depuis deux ou trois mille ans. Ce qui importe, c'e
par quelle voie on y arrive^ c'est comment l'ensemble s'enrichit et se développe; ff
un mot, c'est la vie et non la formule. Pour qui prend la peine d'envisager Ii»
choses ainsi, l'Inde n'a eu vraiment qu'une seule philosophie, le Vedâaïa.
d'histoire et de littérature 407
dans l'Inde, rien ne fait mieux espérer de l'avenir réservé à ce pays, si
quelque terrible accident ne vient pas en travers, que des livres pareils.
Qu'on essaie d'en trouver de semblables dans les autres contrées de
l'Orient, même dans celles qui ont subi Paction de l'Occident depuis
plus longtemps et de plus près. Je crois qu'on les y chercherait en vain.
Les défauts même que j'ai dû signaler et d'autres encore, dont je n'ai
rien dit, se réduiraient presqu'à rien, si Ton pouvait croire que le livre
a été réellement écrit pour les Hindous. M. D. aime à tirer la morale
de ses récits, et l'histoire prend chez lui parfois Tallure d''un sermon, ce
qui, pour nous, est un défaut. Il déteste la caste, parce qu'elle est inique
et qu'elle est une des principales causes qui, actuellement, empê-
chent les Hindous d'être une nation, et nous sommes d'accord avec
lui. Mais il ajoute que si les peuples de Tlnde ne sont pas devenus
une nation, c'est parce que l'Inde avait la caste, et nous sommes aussitôt
tentés de renverser la proposition. Il en fait un crime des hautes
classes, un crime religieux surtout, qui aurait exclu brutalement les
humbles et les déshérités de ce monde des consolations d'une foi et d'un
culte communs. Nous nous rappelons aussitôt que la caste a poussé
autant par le bas que par le haut, que la religion n'a été que l'un de
ses très nombreux facteurs, que les consolations dont il parle appar-
tiennent à un tout autre ordre de croyances que l'ancien brahmanisme,
et qu'il y a été pourvu, autant que la religion peut être en cause, par
le civaïsme et par le vishnouisme. Mais que deviennent ces objections
de dilettante au point de vue hindou, en face de l'institution maudite,
et que pourrions-nous bien en dire si le livre était écrit en bengali?
Écrit en anglais, il sera lu largement par le public d'Europe, et,
dans l'Inde, par le petit nombre de ceux qui savent cette langue. Aux
uns et aux autres, il procurera une lecture instructive et agréable, dont
jls seront certainement reconnaissants à M. Dutt. Rédigé dans l'un des
ernaculars et mis à la portée des masses hindoues, il serait une béné-
'diction.
A. Barth.
237. — Appleton. Histoire de la pi-opriété prétorienne et de l'aetion
publicieune. Paris, Thorin, 188g, 2 vol. in-8 de 382 et 420 pages. Prix : 18 fr.
On sait que les Romains distinguaient deux sortes de propriétés, la
propriété quiritaire et la propriété bonitaire. La première était réservée
aux seuls citoyens ; mais la qualité de citoyen ne suffisait pas pour l'ac-
quérir; il fallait encore y ajouter quelques conditions particulières; elle
ne pouvait notamment être transmise que par le procédé appelé la man-
cipation, et, par suite, elle ne pouvait s'exercer que sur Iqs res mancipi.
La seconde forme de propriété était toute différente, puisqu'elle était
accessible même à ceux qui n'étaient point citoyens, qu'elle s'appliquait
aux res nec mancipi, et qu'elle s'acquérait par voie de simple ?ra^/7/o«,
408 REVUE CRITIQUE
Elles n'étaient pas seulement distinctes l'une de Tautre ; entre elles il y
avait quelquefois conflit, par exemple quand une res mancipi était
aliénée non par mancipation, mais par tradition. Si imparfaite que fût
la propriété bonitaire, on dut pourtant lui assurer certaines garanties.
Le vieux droit quiritaire n'offrait à cet égard aucune ressource. Ce fut
donc le préteur qui s'en chargea ; de là V action pub licienne , ainsi désignée
parce qu'elle fut imaginée par un personnage du nom de Publicius.
Dans le présent ouvrage, M. Appleton s'est efforcé d'étudier toutes les
questions que soulève la propriété bonitaire ou prétorienne. Il l'a fait
avec une connaissance approfondie du sujet et une intelligence remar-
quable des textes. Il a même poussé le scrupule jusqu'à discuter toutes
les opinions énoncées par les modernes; en quoi il a fait beaucoup
d'honneur à plusieurs d'entre elles. C'est un rare mérite pour un au-
teur d'épuiser la matière qu'il traite. M. A. a droit sans contestation à
cet éloge, du moins s'il a voulu s'enfermer dans le domaine juridique.
Son seul tort, mais il est grave, a été de trop circonscrire ses recher-
ches. Les juristes de profession se préoccupent trop peu de l'histoire.
Ils semblent croire que le droit peut être considéré en lui-même, abs-
traction faite des circonstances extérieures qui le modifient. Pourtant,
si l'on réfléchit que le droit n'est que la réunion des principes conçus
par les hommes pour régler leurs rapports réciproques, on se convain-
cra aisément que les évolutions du droit sont toutes déterminées par
celle des idées et des intérêts, et que par conséquent il est indispensable
d'avoir toujours l'œil sur le développement historique d'une société
pour suivre les transformations de ses lois. M. A. y a rarement songé.
On chercherait vainement dans son livre les raison très diverses qui ont
amené les Romains à inventer l'action publicienne, les causes qui ont
fait prédominer de plus en plus la propriété prétorienne, et les avanta-
ges qui en ont résulté tant pour Rome elle-même que pour ses sujets.
Tous ces points cependant ont une importance capitale, et il eût bien
mieux valu s'y appesantir que de perdre son temps à réfuter les conjectu-
res arbitraires de tel ou tel érudit de quatrième ordre. M. Appleton avait
même le devoir de les traiter à fond, puisqu'il se proposait d'écrire
Vhistoire de la propriété prétorienne. Il est regrettable qu'il ait négligé
de le faire, et qu'il se soit obstinément confiné dans l'exégèse des docu-
ments juridiques.
Paul GUIRAUD.
238. — La piiizeln d'Oi-lhienx. Récit contemporain en langue romane de la
mission de Jeanne d'Arc, de sa présentation au roi Cliarles VII et de la levée du
siège d'Orléans, communiqué le i3 juin 1889 au congrès des Sociétés savantes,
par P. Lanerv d'Arc et Ch. Grellet-Balguerie. Paris, Picard, 1890. In-8,
16 pages.
Ce récit est tiré d'un registre des archives municipales d'Albi. Il
n est pas contemporain, car l'écriture du ms. n'est que du xvi^ siècle, et le
d'histoire et de littérature 409
style comme les formes du langage accusent une époque sensiblement
postérieure à celle de Jeanne d'Arc. 11 n'offre du reste qu'un très faible
intérêt. On n'y relève aucun fait nouveau. Il ne Justifie donc en aucune
façon l'enthousiasme qu'il inspire aux éditeurs. Est-il du moins inédit,
comme ceux-ci le donnent à entendre? « Ce récit, disent-ils, est resté
jusqu'ici inconnu. Si Jules Quicherat en eût appris l'existence, il l'eût
fait assurément figurer dans le tome V de ses Procès. » Il est bien
étonnant que les éditeurs n'aient pas pris la peine de consulter l'excel-
lente table qui termine la publication de Quicherat. S'ils l'avaient fait,
ils auraient trouvé au mot Albi Tindication de leur document avec
renvoi au tome IV, où le texte en est donné /// extenso aux pages 3oo
à 3o2. 11 y a plus : Quicherat n'est pas le premier éditeur de ce mor-
ceau. Il l'a reproduit d'après Compayré, Etudes historiques et docu-
ments inédits sur l'Albigeois, p. 269 (Albi, 1841). Ajoutons que l'édi-
tion de MM. Lanery d'Arc et Grellet-Belguerie est très inférieure à celle
de ses deux devanciers. Les fautes de lecture et les mauvaises divisions
de mots y abondent.
P. M.
23g. — Ktudes littéraires sur le XVII" siècle. Chapelain et nos deux pre-
mières académies, par l'abbé A. Fabre. Paris, Perrin, 1890, grand in-8 de viii-
5 14 p.
M. l'abbé Fabre nous apprend [Avant-propos, p. v) qu'en vue d'un
travail en préparation relatif à ce grand xvii° siècle dont il s'est déjà
tant et si bien occupé, il a eu l'occasion de consulter souvent l'histoire
de l'Académie française et celle de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres. Au cours de ses recherches dans les divers historiens, Pellisson,
d'Olivet, Claude Gros de Boze, M. Alfred Maury, il a rencontré nom-
bre d'obscurités ou de passages difficiles qui l'ont arrêté net. Avant d'al-
ler plus loin, il a voulu, continue-t-il, comprendre ce qu'il ne compre-
nait pas, éclaircir ce qui était confus. Il s'est pris ainsi à divers problè-
mes chronologiques, littéraires, historiques, négligés ou inaperçus jus-
qu'ici. S'il ne s'est pas flatté de les résoudre tous, il a du moins voulu
les signaler comme on signale des écueils. Donnant tout de suite un
exemple des oublis et des erreurs d'un historien généralement aussi bien
informé que Pellisson, il lui reproche (pp. vi et 3o-3i) de n'avoir cité ni
Hay du Chastelet, ni Racan, dans sa liste des premiers académiciens,
et de nous avoir laissé ignorer la date précise de leur nomination. Pour
un autre au contraire, Mainard, il nous le montre dans le groupe qui
fut nommé un peu après le mois de février 1634, et dont en réalité il ne
faisait pas encore partie à la fin du mois d'août de la même année ^ Sur
I. Voir p. 12. On lit (p. 11) : '< A propos de Mainard, voici une particularité assez
piquante. Avant d'être de l'Académie, il en prit à son aise avec elle, et ne se gêna
nullement pour en médire et l'attaquer. On a bien raison : il n'y a rien de nouveau
410 REVUE CRITIQUE
ces points, et sur bien d'autres, M. F. a élevé des doutes et proposé des
solutions. Quant à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, il s^ac-
cuse « d'avoir audacieusement bouleversé de fond en comble les pre-
mières pages du récit de G. de Boze et de M. A. Maury. » Il se garde
d'affirmer qu'il a eu raison et il attend, au sujet de ce grand débat, la
décision du public. « Ce n'a pas été, dit-il, sans hésitation^et sans scru-
pule que nous avons osé reprendre de Boze et résister çà et là à une si
haute autorité. Mais force nous était bien de crier gare et d'avertir du
péril, quand les faits avancés étaient invraisemblables ou contredits par
des témoignages formels. »
A ceux — et ils seront nombreux — qui s'étonneraient de voir le nom
de Chapelain inscrit en tête du volume, M. F. répond ainsi (p. vii-viii) :
« Chapelain, malgré son mauvais renom, est devenu le centre de cette
nouvelle étude. La place qu'il occupe dans le travail, l'auteur tant sifflé
par Boileau l'a prise, plus que nous la lui avons donnée. Sa correspon-
dance lui assigne le premier rang dans Phistoire des années commen-
çantes de nos deux premières académies: nous ne pouvions sans injus-
tice le rejeter au second plan. L'honneur est grand, dira-t-on, c'est
possible; mais si on veut bien nous lire, pour être considérable, l'hon-
neur ne paraîtra ni excessif, ni immérité ^ »
Quinze chapitres sont consacrés à l'Académie française; cinq à l'Aca-
démie des inscriptions et belles-lettres. Il n'est pas un seul de ces vingt
chapitres qui n'intéresse et n'instruise. Ce que l'auteur a surtout recher-
ché, ce qu'il a raconté d'une plume fidèle autant qu'élégante, c'est
l'histoire des deux grandes institutions à leur début. Réunissant avec
un soin minutieux et un art agréable mille détails disséminés un peu
partout, dans les récits contemporains comme dans les livres posté-
rieurs, il en a formé un double tableau d'ensemble où l'on retrouve sur
les origines de nos deux premières académies, tout ce qui pouvait le
mieux redresser et compléter les travaux ordinairement consultés.
Aussi les lettrés aimeront-ils à placer dans leur collection académi-
que, comme un indispensable compagnon, le livre de M. F. à côté des
deux volumes de Pellisson et d'Olivet, si bien annotés par M. Livet, et
à côté du magistral ouvrage de M. A. Maury sur l'ancienne Académie
des inscriptions et belles-lettres.
J'indiquerai seulement, et en courant, quelques-uns des points qu'exa-
mine l'habile critique. Il combat tout d'abord (p. i3) l'opinion de ceux
qui ont prétendu que le cardinal de Richelieu redouta l'indépendance
de l'Académie naissante et que, sous prétexte de la protéger, il ne cher-
cha qu'à l'asservir. « On a divagué de mille façons, dit-il, sur les pro-
sous le soleil. Il est ancien l'exemple de ceux qui disent du mal de l'Académie avant ^^
de l'épouser. »
I. Cf. une chaleureuse tirade (p. 1 18) et surtout le chapitre vu en entier sur Chape-
lain à l'Académie, où l'on voit que, dès le premier jour, il joua parmi ses confrèrej'jj
le rôle principal (pp. 179 etsuiv.).
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 4 I i
fonds desseins de Richelieu en cette affaire. On se fût épargné ces belles
inventions si on avait voulu songer que le grand cardinal n'avait guère
à être jaloux d'une douzaine de gens de lettres parfaitement inconnus. »
Je crois qu'en effet Richelieu, en établissant TAcadémie, fut déter-
miné bien plus par des considérations littéraires que par des considéra-
tions politiques. — Au sujet du mariage de Valentin Conrart avec sa
cousine, Madeleine Muisson (22 février 1634), M. F. conteste (p. 16)
diverses assertions de MM. A. Jal et R. Kerviler, a deux autorités d'or-
dinaire si sûres » 1 ; il établit que Marie, sœur de Conrart, a été con-
fondue avec la sœur de la femme de ce dernier, Catherine Muisson,
épouse d'Abraham Le Duchat, et que le prétendu Dompierre, époux de
Marie Conrart, s'appelait Jonquières, du nom d'une terre sise dans
l'Oise 2. 11 montre (pp. 3 1-32), contre M.Ch. Livet plaçant l'élection de
Balzac après celle de Porchères-Laugier, vers le même temps que celles
de Marin Cureau de la Chambre et de Montmort(fin de décembre 1634),
que l'ermite de la Charente devint académicien dès le printemps de la
même année. Dans son tableau des 40 premiers membres de l'Acadé-
mie (pp. 36-38), l'auteur adopte un ordre quelque peu différent de celui
que M. Livet a suivi, et il justifie à merveille ces changements. De
même (pp. 55-56), il dresse des divers secrétaires perpétuels qui se sont
succédé depuis l'époque de la fondation, une liste plus complète que
celle de M. Livet, lequel avait omis l'abbé Dubos, successeur d'André
Dacier (19 novembre 1742) et avait fait commencer seulement en i836
!e secrétariat de Villemain, successeur (i i décembre 1834) d'Arnault,
nort le 1 6 septembre précédent. Le tableau (pp. 62-63) des divers impri-
neurs libraires de l'Académie, depuis son établissement jusqu'à ce jour,
été dressé d'après les indications jadis fournies par l'imprimeur
i. Lottin 3, et remplacera fort avantageusement le tableau inexact et
icomplet de M. Livet. Signalons encore un autre tableau très bien fait
es dates et lieux des réunions de l'Académie de 1629 à 1793 (pp. 84-
5)4. Un des chapitres les plus curieux de tout Touvrage est le chapi-
11. En revanche, quelques pages avant, M. F. avait emprunte' à M. Kerviler cette
çnfication (p. 3) : « Toutes les semaines, ils (les fondateurs de l'Acade'mie) se réu-
ssaientchez Conrart. Celui-ci n'habitait pas rue Saint-Martin, comme nous le di-
,nt, après Peliisson, MM. Cousin et Livet, mais près de la rue Saint-Martin, rue
s Vieilles-Étuves. » Ed. Fournier (Variéiés hist. etlitiér., t. I, p. 127) s'est encore
bins approché de la vérité en substituant la rue Saint-Denis à la rue Saint-Mariin.
jl. M. F. plaisante avec une douce malice (pp. 20-21) sur l'imaginaire voyage de
ces auprès des frontières d'Espagne de Conrart, qui passa tout simplement sa lune
miel à deux pas de Paris, à Joncquières. On trouvera bien d'autres traces à'hu-
ur dans l'ouvrage, notamment au sujet des visites académiques (pp. 47-48).
. Catalogue chronologique des libraires et des imprimeurs de Paris, etc. i vol.
^12. Paris, 1789. M. F. a aussi eu soin de consulter un autre estimable recueil
Wb\\é cent ans auparavant : Histoire de l'imprimerie par J. de la Caille, Paris, in-4'',
• Les devanciers de M. F. n'avaient pas songé à résumer les longues pérégrina-
^is de l'Académie.
^
41 2 REVUE CRITIQUE
ire VI (Attaques contre l'Académie), où sont vivement analysés les pam-
phlets de Mathieu de Morgues, sieur de Saint-Germain, de Ménage, de
Saint-Evremond, de Ch. Sorel, etc. Recommandons aussi les cinq cha-
pitres suivants sur le Cid à l Académie , qu'on lira avec fruit même après
avoir lu MM. Marty-Laveaux et Em. Picot. Enfin indiquons encorei
comme bien importants, les chapitres xiii, xiv et xv, où est retracée
l'histoire (jusqu'en 1877) du Dictionnaire de V Académie, dont Chape-
lain eut l'idée et dont il dressa le plan, ce qui constitue pour lui deux
titres impérissables à la reconnaissance des amis de notre langue ^.
Le même homme qui avait été un des premiers membres de TAcadé-
mie française, fut aussi un des premiers membres de l'Académie des ins-
criptions et belles-lettres. G. de Boze et ceux qui, après lui, ont traité des
origines de cette dernière Compagnie donnent à Chapelain pour confrè-
res,en i663, Bourzeys, Cassagne et Charpentier, la'oorieuses abeilles sor-
ties, comme l'auteur de la Piicelle, de la ruche de l'hôtel Séguier ^. Mais il
aurait eu un autre confrère dans Charles Perrault, lequel affirme, en ses
Mémoires, qu'il fit partie de la petite académie dès le début, avant même
Charpentier. Ce témoignage est fort grave et eu égard à la véracité de
l'écrivain, remarque M. F., ilest difficile de ne pas en tenir compte. Aussi
se décide-t-il à suivre (p. 3g6) le récit de Perrault, « d^un homme qui a
été mêlé directement à l'affaire, » de préférence à « celui d'un historien
qui écrivait plus de 5o ans après l'événement. » Il en résulte qu'on nt
peut plus dire, avec G. de Boze et M. Maury, que Pauteur des Conte:
ait succédé, en 1679, à l'abbé Cassagne. M. F. se sépare encore de:
deux historiens académiques (p. 407) au sujet de l'époque de la retrait(
de Perrault comme contrôleur des bâtiments, retraite qu'ils retarden
jusqu'en 1682 : il est manifeste, déclare-t-il, qu'il se retira de la cou
en 1678 ou au plus tard dans les premiers mois de 1679. Je n'hésite pa
1. M. F., qui n'oublie rien, n'a pas oublié de mentionner la prétendue secondi
édition du Dictionnaire, laquelle n'est qu'une contrefaçon hollandaise (Amsterdam
Marc Huguetan, 1696), et il renvoie, sur ce point, à « une excellente notice, fort de
taillée, » insérée, en 1888, par M. L. Delisle dans la Bibliothèque de l'École de
Chartes (vol. XLIX, p. 577). A propos de la septième édition du Dictionnaire (1877
je présenterai une observation à l'auteur : Pourquoi dit-il (p. 386) que cette éditio
« sera vraisemblablement la dernière »? J'espère bien que lui, moi et tous nos chei
lecteurs, nous aurons le plaisir de saluer la huitième édition. Voici une autre obser
vation : Pourquoi, en ce qui regarde le Dictionnaire Iiistoriqiie de la langue, ne mei
tionner que les deux volumes de i858 et de 1884.'' 11 fallail ajouter que, depuis 188.
a paru le tome III en quatre fascicules (i885, 1887, 1888) et que nous possédoi
déjà les deux premières parties du tome IV (1888). Ce sont à peu près les seuii
critiques que je puisse adresser à l'auteur. Tout au plus aurais-je le droit de relevt
encore une légère erreur bibliographique deux fois répétée (pp. 71, 179), d'après 1;
quelle les Variétés liist, et litt. d'Ed. Fournier (Bibliothèque elzevirienne) se corr
poseraient de quatre vol. in-12. Il y en a six de plus. Dieu merci! Le Xe, que )
sous les yeux, a paru en i863. ,
2. L'Académie française siégea dans cet hôtel, de février 1643 à mai 1672;
quitta l'hôicl du protecteur des lettres pour s'établir au Louvre, où elle devait re
pendant plus de cent ans (jusqu'au 5 aoiît 1793).
d'histoire et de littérature 41 3
à donner raison sur tous ces points à la nerveuse discussion de M. F.,
de même que je reconnais, avec lui, que ce fut Colbert, bien plus que
Louis KIV, alors roi de 25 ans 1, qui fit les nominations et fut le réel
parrain des quatre premiers membres de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres, comme il fut le véritable père de cette illustre compagnie
si bien surnommée la grande école des sciences historiques.
M. F. dit avec une spirituelle modestie (Avant-propos, p. vu) : « Per-
rault, dans ses intéressants Mémoires, raconte qu'en 1664, concurem-
ment avec Bourzeys et Cassagne, il présenta seize devises pour les Ta-
pisseries du roi. Sur les sei-e choisies alors par Colbert, quatorze sont
de moi! s ecrie-t-il joyeusement. Nous ne prétendrons pas à pareil suc-
cès. Notre ambition sera satisfaite si, pour nos réponses, on veut bien
faire ce que fit Colbert pour les devises de Perrault, en retenir la plus
grande partie. » M. l'abbé Fabre obtiendra plus qu'il ne demande, car
toutes les solutions qu'il propose me semblent devoir être acceptées.
T. DE L.
240. — P. BoissoNNADE, professcuT agrégé d'histoire au Lycée d'Angoulême.
Uistoli'e des volontuii-es de la 4::lisirente pendant la Révolution^
1791-1794. Angouiême, Coquemard, 1890. In-8, 364 p.
Voici un très bon livre, chaque département devrait s'en souhaiter
un semblable, et nous sommes heureux, pour notre part, que l'idée de
l'ouvrage soit « née de la lecture » de nos études sur 1792. M. P. Bois-
sonnade a eu le courage de faire aux archives de la Charente les plus
minutieuses recherches : il a lu plus de quinze mille pièces! Mais son
œuvre qui a tant exigé d'efforts et de travail, est une des meilleures con-
tributions à l'histoire militaire de la Révolution que nous ayons eues
dans ces derniers temps. M. B. l'a divisée en quatre livres. Le premier
livre est consacré aux volontaires de 1791; la Charente lève alors deux
bataillons : le premier qui combat dans le Nord, coopère à la prise de
Lyon, passe à Tarmée d'Italie et est incorporé à la 4° légère ; le deuxième
qui va périr presque tout entier à Saint-Domingue, Le pipmier a donné
à lui seul six généraux, dont M. B. fait la biographie : Léchelle,
Pinoteau, Villemalet, Rochette-Pluzet, Laroche, Lacroix. — Le livre
deuxième traite des volontaires de 1792; on y trouve une foule de
détails curieux; avec nous, M. B. conclut que ces bataillons de 1792
n'ont pu être aussitôt utilisés à cause de leur indiscipline, mais eux
aussi ont donné des officiers de mérite, dont trois généraux : Ganivet,
Valletaux et Rivaud, Rivaud « qui, de tous les volontaires de la Cha-
rente, a le plus honoré le département et dont le nom brille avec le
plus d'éclat parmi les héros de cette époque » (p. io5). — Le livre
I. M, F. dit (p. 412) que Louis XIV « n'avait guère alors que vingt-trois ans. »
Ce doit être là une faute d'impression, comme il en a relevé plusieurs dans les deux
in-8» de M. Livet (1857) et aussi hélas! dans les deux in-4'' des Lettres de Jean C/î^-
feZa/H(i88o-i883).
414 REVUE CRITIQOK
troisième nous présente les volontaires de février-mai 1793 : avec le
même soin que dans les livres précédents, et le même souci des
documents authentiques, M. B. nous retrace quelles furent alors les
difficultés du recrutement, du rassemblement, de la formation et du
départ des volontaires; il suit, d'après des correspondances inédites, les
détachements que la Charente dirige sur la Vendée, et nous donne,
chemin faisant, beaucoup de particularités intéressantes sur les armées
de l'Ouest, sur les bataillons du département et en particulier sur le
Vengeur, qui « a mérité d'avoir une magnifique page dans l'histoire mili-
taire » (p. 21 1) ; ici encore des généraux sont sortis des rangs des volon-
taires: Monnet, Guidai et Lecomte. — Le livre quatrième a pour titre :
la levée de cavalerie et la réquisition des jeunes gens de dix-huit à vingt-
cinq ans. Cette fois encore, longs retards et lenteur extrême ; mais enfin,
après beaucoup de difficultés, d'incertitudes et de tiraillements, les
nouveaux bataillons, organisés surtout par Tagent supérieur de la Cha-
rente, Prieur, se rendent à l'armée du Rhin; c'est la levée d'août 1793,
bien inférieure par la valeur et Pinstruction aux deux levées de 1791
et de 1792. — Bref, conclut M. B., les Charentais ont rempli de la
manière la plus remarquable les obligations que leur dictèrent la cons-
cience et le patriotisme; le nombre de leurs volontaires s'élève à 45,000;
de 1791 à 1794, le département a levé 34 bataillons, comprenant le
dixième de sa population ; il a fourni i5 généraux (en ajoutant à ceux
que nous avons déjà nommés Chemineau, Saint-Martin et Saint-Simon
qui appartiennent à d'autres bataillons], un grand nombre d'officiers
supérieurs et de soldats intrépides. — Le volume de M. B. se termine
par d'instructifs appendices : relation du siège de Valenciennes, par un
soldat du !''■' bataillon de la Charente; correspondance du capitaine
Dupuy sur la guerre de Vendée, et du chasseur Isaac Dupuy sur les
opérations des armées de la Moselle et de Sambre-et-Meuse ; liste des
volontaires décorés qui vivaient encore en 1820; tableau des levées de
volontaires dans la Charente de 1791 à 1793 ; états de service du capi-
taine Pichon. — M. Boissonnade n'a trouvé que de rares encourage-
ments autour de lui ; mais, comme il dit justement, « la satisfaction
qu'on éprouve à produire un travail sur des données jusque-là incon-
nues, et la sympathie de quelques esprits cultivés suffisent à dédom-
mager de toute la peine que donnent des recherches de ce genre ».
Nous ajouterons que ces recherches sont très consciencieuses, très utiles
et de tout point excellentes; non seulement elles intéressent l'histoire
locale, mais elles offrent à l'histoire générale plus d'un fait important,
plus d'une notice attachante, plus d'un document précieux '.
A. Chuquet.
I. P. 25, on ne dit pas l'armée des Argonnes; — id., le 29e alla enlever le défilé.,
de La Croix-aux-Bois, et non « garder le défilé de Grandpré »; — p. 26, au lermarsrf
1793, et sans doute depuis le 1er janvier de la même année, le 1er de la Charenteijj
cantonnait à Meizenhausen ; — p. 36, lire Weissenau (près de Mayence), et non \\
d'histoire et dk littératorb 41 5
241. — Louis Léger, professeur au collège de France. Russes et Slaves. Etudes
politiques et littéraires. Paris, Hachette, 1890. In-8, xiv et 346 p. 3 fr. 5o.
Ce volume, précédé d'une introduction sur les Slaves et la civilisa-
tion (p. V-XIV) renferme sept études : I. La formation de la nationa-
lité russe (p. 1-55); M. Léger expose les influences qu'a subies tour à
tour le groupe slave et finnois qui forme la base, le « foyer de cristal-
lisation » de la nationalité russe .-celle des Grecs, des Polonais des pays
vistuliens, des Scandinaves ou Varègues, de l'Église byzantine, des Ta-
tars. Les Varègues ont donné à la Russie le nom qu'elle garde encore
aujourd'hui (RousJ^ et ont joué « le rôle d'un levain généreux dans une
pâte dormante, d'un ferment acide dans une liqueur inerte ». Byzance
a donné à la Russie une religion qui la sépara de l'Occident latin, mais
qui rapprocha les Slaves de Kiev et de Moscou de leur congénères du
Danube et du Balkan. Les Tatars laissèrent leur empreinte sur l'admi-
nistration et sur le développement du pouvoir princier : Ivan le Terri-
ble s'appuie sur la Bible, mais il n'eût pas été possible, si, avant lui,
Gengis-Khan n'avait pas existé. IL Les débuts de la littérature russe
(p. 57-102). Cette intéressante esquisse expose des faits bien peu con-
nus : les sermons religieux et laïques, ceux de Cyrille de Tourov comme
l'instruction de Vladimir Monomaque, les sborniks ou recueils (entre
autres, celui de Sviatoslav), la Chronique dite de Nestor et les autres
chroniques auxquelles elle sert de point de départ, le Voyage de l'hé-
goumène Daniel aux lieux saints, VEpitre de Daniel le prisonnier (dont
nous trouvons ici de nombreux fragments traduits en français pour la
première fois), le Chant d'Igor, la Zadonstchina, les byliny ou chan-
sons épiques qui célèbrent la Russie kiévienne : « L'éducation pédan-
tesque et scolastique que la Russie avait reçue de ses instituteurs, n'é-
touffa pas complètement chez elle les dons de l'imagination. Les lettrés
les avaient conservés. » 111. La femme et la société russe au xvi« siè-
cle (p. 103-143). M, L., d'après le Domostroï ou « Ménagier », fait
connaître la condition de l'épouse et de la mère en Russie au xvi« siè-
cle ; la femme n'est que « la première servante de son mari; elle est
soumise à lui comme un petit enfant pour les moindres détails de la vie
domestique ». IV. Les premières ambassades russes à l'étranger
\Vant:(enau ; — p. 4g, la date du 24 février, fixée aux combats livrés en avant d'Aix-
la-Chapelle et de Tongres, est inexacte; ces combats ont eu lieu du ler au 5 mars;
— p. 59, le ministre de la guerre était, au 18 avril, non Servan, mais de Grave; —
p. 97, le 3e bataillon de la Charente, composé de bq\ hommes, cantonnait dans les
deux premiers mois de 1793 à Sainte-Croix; le 7e, fort de b-jli hommes, tenait dans
le même temps garnison à Landrecies; le 5e, qui comptait 585 hommes, fit l'expé-
dition de Hollande (il appartenait à la division de droite, commandée par d'Arçon,
prit part aux sièges de Bréda et de Genruydenberg, fut bloqué dans cette dernière
place et en sortit avec Tilly, le 3 avril 1793); — p. io3, lire Schwartau et non
ISchuartau ; — p. 327. il semblerait que le 87e eût pour colonel Dillon, qui est son
nom monarchique; — id., je puis affirmer que Léchelle assistait au siège de Valen-
ciennes et faisait partie du conseil de défense.
4 '6 REVUE CRITIQUE
(p. 143-1 86) C'est un très amusant récit des deux missions de Tche*
modanov et de Likhatcliov en Italie, et M. L. a joliment montré « com-
ment se sont comportés les premiers Russes qui ont été appelés à vivre
en Europe, et qui se sont trouvés brusquement transportés de la vie
close du terem dans l'élégance des cours occidentales ». Les piquantes
anecdotes, les scènes comiques, les curieux contrastes abondent dans
cette étude. V. La Bulgarie inconnue (p. 187-250); M. L., aidé d'un
des meilleurs livres que nous ayons sur la péninsule balkanique, les
Voyages en Bulgarie de M. Constantin Jireczek, nous conduit dans
les parties ignorées du pays, loin de Sofia et de Philippopoli, au milieu
de ces Pomaks qui, bien que musulmans, ont conservé la langue bul-
gare, au monastère du mont Ryla, le grand sanctuaire national qui est
pour la contrée ce que le mont Saint-Michel est pour la Normandie et
la Chartreuse pour le Dauphiné, à Tsaribrod, à Kystendil. VI. Le peu-
ple serbe (p. 251-275) M. L. l'étudié d'après le récent livre de M. Ka-
ritch; nos géographes feront bien de lire et de s^approprier tout ce que
contient cette notice à la fois concise et précise. VII. Jean Kollar
(p. 277-346). C'est peut-être l'étude la plus curieuse et la plus atta-
chante du volume, et en tout cas, c'est la première étude d'ensemble que
nous ayons sur Kollar. M. L. nous y raconte la vie du poète slovaque,
ses amours avec Wilhelmine Schmidt, sa lutte contre les Hongrois de
Budapest. Il traduit les pièces les plus remarquables qu'a laissées ce cha-
leureux apôtre du panslavisme et analyse longuement son grand poème,
La fille de Slava. C'est Kollar qui disait : « Nous sommes un peuple
jeune; nous savons ce que les autres ont fait, mais personne ne peut
encore deviner ce que nous serons un jour au livre de Phumanité... Que
serons-nous, Slaves, dans cent ans? Cette langue que les Allemands,
dans leur erreur, tenaient pour un idiome d'esclaves, elle retentira sous
la voûte des palais et dans la bouche même de ses adversaires. Les
sciences couleront par le canal slave ; le costume, les mœurs, les chants
de notre peuple seront à la mode sur la Seine et sur l'Elbe! » — Qui-
conque veut connaître la Russie et le monde slave, doit lire les volumes
où M. Léger résume si bien, de la façon la plus intéressante et avec un
heureux choix des détails, les résultats de ses voyages et de ses études.
Celui-ci compte parmi les plus instructifs.
A. C.
242. — RJotice sur la carte de l'Ogôoué, par E. Cat. (Paris, Leroux, 1890,
in-8 de 68 p. et carte.) 3 francs.
Cette carte géographique de TOgôoué, fragment d'une étude d'ensem-
ble sur le bassin du Congo, a été dressée par M. Cat, il y a déjà plus
I. P. I, note I, lire Thomsen et non Thomson et p. 3o2, Staemmen et non
Stammen;\>. 32o, on aurait voulu que l'auteur traduisit rhomnnage rendu par Kol-
lar à Herder ; p. 340 écrire « d'Anthès » au lieu de Dantes ; — il y aurait une com-
paraison intéressante à faire entre Klopstock teutomane et Kollar.
%\
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 4 I y
de deux ans. L'auteur s'est servi pour rétablir des renseignements four-
nis par les voyageurs depuis iSby jusqu'en 1887, des observations as-
tronomiques de longitude et de latitude, malheureusement trop rares,
et sans moyens de contrôle. Néanmoins, M. Gat espère être parvenu à
déterminer un assez grand nombre de positions pour en déduire le tracé
du cours du fleuve, d'un certain nombre de ses affluents et des limites
du bassin. On trouve dans la notice une discussion très minutieuse des
motifs, et une nomenclature très soignée; ici, M. Cat demande avec
raison qu'on adopte un mode de transcription uniforme, ce qui évite-
rait, dit-il, ces variantes innombrables qui nuisent tant à l'étude géogra-
phique. En résumé, ce travail, sans être définitif (ce qui serait actuel-
lement impossible) donne une idée très nette de tout ce qu'on sait
jusqu'à présent sur cette région.
H. D. DE Grammont.
243. — FicuTE. Xlie science of kiioxviedge, transi, by A. E. Krœger. London,
Trûbner, 1889, 377 p. in-8, 10 s. ô d.
244. — Id. Xlie science of rlghts, transi, by A. E. Krœger, ibid. 5ob p. in-8.
12 s. 6 d.
243. — Id. Xhe populai- works of Joiiann Oottiieb Ficlite, transi, by
William Smith. Fourth Edition, ibid. 2 vols, in-8, 478 et bij p. 21 s.
I. Sous le titre général de « The Science of knowledge », M. Krœger
nous donne en traduction les ouvrages de Fichte dont voici l'énumé-
ration : r le programme intitulé Ueber den Begrift der Wissenschafts-
lehre, de 1794; 2" la Grundlage der gesammten Wissenschaftslehre, de
la même année, au milieu de laquelle est intercalé, sans qu'on sache
pourquoi, le Grundriss des Eigenthumlichen der Wissenschaftslehre...
de 1795 ; 3° la leçon finale de 1794, sur la dignité de l'homme; 4" un
extrait des Ruckerinnerungen écrites en 1799, en réponse à l'accusation
d'athéisme, mais publiées pour la première fois dans les Œuvres pos-
thumes. Ces deux appendices sont superflus ; les deux premiers ouvra-
ges sont insuffisants. Ils nous donnent la doctrine de la science sous sa
première forme ; il eût été d'un intérêt réel et d'une véritable utilité de
retracer le progrès historique de la doctrine au moyen d'extraits atten-
tifs et habiles, faits des expositions et des esquisses successives (1794,
1797, 1801, 1804, 1806, 1810, 1812, i8i3). Ce choix de matériaux eût
pu guider heureusement l'étude historique à travers l'informe grou-
pement des Œuvres complètes de Fichte. — Puis il était élémentaire de
dire que ce volume de traduction avait paru une première fois à Phila-
delphie, en 1868.
II. Le même traducteur nous donne, sous le titre de « The Science
ofrights », le Naturrecht de 1796. Ici, encore, nous n'avons qu'une
première forme de l'une des doctrines de Fichte, que l'on n'apprend à
bien connaître que dans l'histoire de ses formes successives. Une tra-
duction complète, qui suit le Naturrecht dans le détail de ses déduc-
4l8 REVUE CRITIQUE
lions systématiques, est une œuvre méritoire; mais personne ne la
lira. La Sittenlehre de 1798, le Gcschlossene Handelsstaat de 1801,
peut-être les Grundziige de 1806, et à coup sûr la Staatslehre de i8i3
eussent fourni d'utiles matériaux historiques. — Il était encore élémen-
taire de dire que ce volume de traduction a été publié déjà à Philadel-
phie, en 1869.
III. La collection d'écrits « populaires », traduite par M, W. Smith,
paraît en quatrième édition (la première est de 1845-49). Nous y trou-
vons, après un bon essai biographique sur Fichte (p. 1-145), la Bestim-
mung des Gelehrten de 1794, le Wesen des Gelehrten de 1806, la Bes-
limmung des Menschende 1800, les Grundziige desgegenw. Zeitalters
de 1806, PAnweisung zum seligen Leben de 1806, et la Wissenschafts-
lehre de 18 10. Cette dernière n'est pas ici à sa place, et la Destination
de l'homme ne mérite, à vrai dire, ni les honneurs d'une traduction, ni
le cas qu'on en fait.
M. Smith se réjouit fort qu'on s'applique de plus en plus, en Angle-
terre, à l'étude des grands systèmes idéalistes de l'Allemagne postkan-
tienne. L'avenir nous montrera ce que la pensée philosophique an-
glaise aura gagné à cette école, en vigueur ei en netteté. Des hommes
comme M. Seth et M. Caird ne sont pas sans valeur; mais je cherche
vainement les effets heureux de leur influence, et j'en vois clairement
qui ne le sont pas.
M. Harris, l'adepte enthousiaste des idées hégéliennes, dans la pré-
face qu'il a mise en tête du premier de ces trois volumes, se demande
si l'on n'est pas bientôt assez « revenu à Kant », et si l'on ne va pas se
décider enfin à passer à Fichte. Je suis si fort de son avis que je lui
demanderai plus encore ; n'est-on pas bientôt las, en Amérique et en
Allemagne, de cet éternel remâchage d'idées, et que penserait-il si l'on
s'avisait de sauter à pieds joints par-dessus Fichte, Schelling et Hegel,
pour se mettre sérieusement, en dépit de la « tradition historique »>, à
une besogne contemporaine?
Lucien Herr.
246. — Castellani et FaVaro. Eleneo tleî inanoscritli -veneti délia eolle«
zione Pliillips in c^lieltenliani. Seconda edizione migliorata ed accresciuta.
Un vol. in-8 de 52 pp. Venise, Visentini, i8go.
Nous avons rendu compte ici même de la première édition de cet
inventaire sommaire, en indiquant quelles critiques il nous semblait
mériter. Dans cette seconde édition les auteurs ont ajouté quelques
renseignements utiles pour certains numéros de leur catalogue, main-
tenu des indications inutiles comme celle-ci : « Qiiesta mariegola
sembra molto intéressante », laissé une faute d'impression [Solème pour n
Solesmes) et une foule d'obscurités dans les titres de leurs manuscrits.
Les améliorations de détail n'y feront rien, c'est le procédé de composi-
tion qui est mauvais, et nos remarques subsistent. i|
L.-G. P. I
O HISTOIRK KT DE LITTERATURK 4Tq
Kleber et son dernier biographe.
Me permettez-vous d'ajouter une ou deux notes à votre article sur le Kléber de
M. Teicher (n° 19):' P. 10, M. T. reproduit l'acte de baptême; mais il a mal lu le
nom du vicaire, qui s'appelait F. -A. Sichler, et non pas Fitsichler (les initiales des
deux prénoms figurent sur l'acte original un petit/ et un A non barré). — P. 11,
M. T. place la maison natale de Kléber nu Pflanzbad ou Bain-aux-Plantes; M. Sey-
both croit plutôt que c'était la brasserie du Bois Vert au quai de la Bruche. Q.uant
à la maison dite Bûredanz, il ne faut pas croire qu'elle ait été remplacée par la mai-
son Hecht, aujourd'hui habitée par le secrétaire d'état; c'est plutôt la grande maison
à pignon qui forme le coin du quai Kléber et de la rue de Sébastopol. — P. 46, M. T.
dit que le piédestal de la statue de Kléber est en granit des carrières de Lutzelbourg ;
il n'y a à Lutzelbourg que du grès des Vosges ou grès bigarré. Dans les Basses-Vos-
ges, le granit s'arrête à la vallée de la Magel, à Grendelbruch (Daubrée, Carte géo-
logique du Bas-Rhin). Le granit du monument de Kléber vient des carrières de Gold-
bach, canton de Saint-Amarin, dans les Hautes- Vosges (Ristelhuber, Alsace ancienne
et moderne, p. i5 1).
Un Strasbourgecis.
CHRONIQUE
FRANCK. — La deuxième édition de La littérature française au moyen âge de
M.Gaston Paris vient de paraître.
— M. H. Harrisse a fait tirer à part l'article qu'il avait publié dans la « Revue
historique » sous le litre : Nouvelles recherches sur l'histoire de l'Amérique; il y rend
compte avec le savoir et la verve qu'on lui connaît, de plusieurs travaux où l'on
continue à « débiter beaucoup d'erreurs, de contre-sens et de balivernes ».
— Les fêtes du sixième centenaire de l'Université de Montpellier prêtent un inté-
rêt tout spécial d'actualité à l'étude que M. Eugène Mûntz vient de publier sur les
Constructions du pape Urbain Va Montpellier, 1364-1370 (Leroux, in-S», 19 p.).
M. Mûntz y donne une série de documents tirés des archives du Vatican, et qui
fournissent de nombreux détails sur la marche des travaux ordonnés à Montpellier
par Urbain V et sur les artistes qui les ont exécutés.
ANGLETERRE. —Le dernier numéro de la Quarterly Revieiv contient une im-
portante étude de M""" Mary Darmesteter, intitulée The French initaly and their Im-
périal Policy, sur les projets des Français en Italie dans la première partie du règne
de Charles VI. L'auteur y suit les premières tentatives qui devaient aboutir un siècle
plus tard aux grandes entreprises de Charles VIII et de ses successeurs, et en expose
le développement d'après les derniers travaux de l'école française et italienne (comte
de Circourt, ûurrieu, Jarry, Faucon, de Maulde, Delaville le Roulx, Delaborde, Mo-
ranvillé, Vassallo, Romano) et d'après ses recherches personnelles dans les archives
d'Italie. Cette première période, qui s'étend de 1379 à 1413 et fut coupée court par
Azincourt, est remplie tour à tour par le duc d'Anjou, frère de Charles V, à qui le
pape Clément taille le royaume d'Adria et qui va mourir sur la route de Naples; par le
duc d'Orléans, héritier des rêves du duc d'Anjou, que son rival, le duc de Bourgogne,
pousse du côté de l'Italie pour s'en débarrasser en France et qui, en épousant Valen-
tine Visconti, prépare les droits légaux des rois de France; enfin par le maréchal Bou-
cicault, qui reprend, au profit et au nom du roi de France, les entreprises de Louis
d'Orléans. L'idée dominante de ces entreprises est une idée de politique impériale :
420 RKVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTERATURE
« La possession de l'Italie aux yeux de la France était le premier pas vers une Mo-
« narchie do l'Europe, à laquelle plus d'une fois on se proposa d'ajouter l'Empire de
« rOricni. Avant le développement de l'idée de nationalité, c'est l'idée de Monarchia
M qui domina le moyen âge : c'était la théorie de la paix assurée par la suprématie
« incontestée d'un état souverain. Depuis la chute des Hohenstaufen, le saint Empire
« romain n'était plus le digne dépositaire des devoirs et des responsabilités de UMo-
» narchia. Et à qui une pareille monarchie revenait-elle plus naturellement qu'au
« successeur de Charlemagne.^.. Aussi toutes les fois que l'invasion anglaise cessait
« pour un instant d'occuper ses forces, le roi de France se remettait à rêver de Char-
u lemagne et ses hommes d'état à murmurer le mot de Monarchia ».
BOHÊME.— L'empereur d'Autriche vient de nommer les 20 membres qui doivent
constituer les cinq sections de V Académie tchèque établie sur le modèle de notre Ins-
titut,
— Le d»" ZiBRT dont nous avons signalé l'important travail sur les Usages populai-
res tchèques, vient de faire paraître à Prague une brochure Sur les règles de la ci-
vilité à table et en buvant d'après les anciens livres tchèques (librairie Klimek). Ce
petit opuscule fort curieux est en outre, — ce qui ne gâte rien, — un véritable chef
d'oeuvre typographique.
agadf:mie des inscriptions et belles-lettres
Séance du 16 mai 16' go.
M. d'Arbois de Jubainville lit une notice sur les Celtes d'Espagne.
La plupart des savants qui, en ce siècle, dit M. d'Arbois de Jubainville, se sont
occupes de l'établissement des Celtes en Espagne, ont attaché une importance trop
exclusive à la forme des noms de lieu et n'ont pas tenu un compte suffisant des tex-
tes des historiens. Ils ont admis à tort que les Celtes n'avaient pas pénétré en Anda-
lousie et ne s'étaient pas emparés, en partie au moins, des mines d'argent de l'Es-
pagne. Ce qui est vrai, ajoute l'auteur de la communication, c'est qu'ils se sont tenus
à distance des côtes : au sud, ils n'ont pu en déposséder les colons phéniciens; au
nord, ils ont respecté les colonies grecques. Ils ont montré le même respect, en
Gaule, à l'égard des colonies marseillaises. En effet, la politique constante des Cel-
tes, depuis environ l'an 5oo jusqu'à l'an 3oo avant notre ère, a été de s'appuyer sur
les Grecs contre les Phéniciens. Au iv' siècle seulement, dit M. d'Arbois de Jubain-
ville, l'unité politique cessa dans le monde celtique, et la désorganisation amena
d'abord les conquêtes désordonnées, puis la défaite.
M. l'abbé Duchesne lit une note sur le mot solo ou solon, qui figure dans un do-
cument mariyrologique africain, en langue latine, de l'année 259. On a pris jus-
qu'ici ce mot pour un nom propre, qui serait celui d'un fonctionnaire appelé ^5ca-
lis : on lit, en etfet, à deux reprises, ad solonem fiscalem. M. Duchesne montre que,
d'après l'ensemble des passages où il figure, ce mot ne peut désigner qu'un aliment
solide, grossier et malsain, qui constituait, dans les prisons romaines d'Afrique, la
nourriture ordinaire et officielle (fiscalis) des détenus.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, M. le président annonce que l'Académie a
décidé d'attribuer une somme de i5,ooo francs, sur les fonds du legs Garnier, à
M. Dutreuil de Rhins, chargé d'une exploration dans l'Asie centrale.
Le prix Duchalais (numismatique du moyen âge) est décerné à MM. Engel et Ser-
rure, pour leur Répertoire des sources imprimées de la numismatique française.
Ouvrages présentés : — par l'auteur : Wallon (H.), les Représentants en mission
et la justice révolutionnaire dans les départements en l'an // (1793-1794), tome W :
la Lorraine, le Nord et le Pas-de-Calais, les châtiments ; — par M. de Barthélémy :
1° Vocabulario t:{ot^il-espa)iol et Arte en lengua mixteca compiiesta por el padre
fray Antonio de los Reyes (publication de M. le comte oe Charencey) ; 2" Chare.v-
CEY (H. de). Ethnographie euskarienne] 3° Mûntz (Eug.j, /es Constructions du pape
Urbain Va Montpellier (i?64-i37o) d'après les archives secrètes du Vatican; —
par M. l'abbé Duchesne : Passiones très martyrnm Africanorum (extrait des Ana-
iccia Bol l and i. ma); — par M. Barbier de Meynard : i" Traité de droit musulman
(la Tohfat d'Ebn Acemj, texte, traduction, etc., par O. Houdas et F. Martel, 6" fas-
cicule ; z° Histoire des guerres d'Amda Syôn, roi d'Etiiiopie, traduite de l'éthiopien
par M. Jules Perruchon.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 33.
H
il
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 22 - 2 juin — 1890
gommaii-e s 236. Barbier de Meynard, Supplément aux dictionnaires turcs-
français. — 237. Erman, La langue du papyrus Westcar. — 238. E. Curtius, Sous
trois empereurs, Etudes et discours. — 239. Welzhofer, Histoire de la Grèce
jusqu'à Solon. — 240. Salluste, Catilina, p. p. Antoine et Lalher. — 241. Du-
CHESNE, Origines du culte chrétien. — 242. Paris, La littérature française au
moyen-âge. — 243. Perrens, Histoire de Florence. IIL — 244. Tavernier,
Voyages, trad. Ball. — 243. Bodemann, La correspondance de Leibniz à Hanovre.
— Chronique. — Académie des Inscriptions. — Société des Antiquaires de
France.
236. — Dictionnaire turc-françal». Supplément aux dictionnaires publiés
jusqu'à ce jour, par A. C. Barbier de Meynard. Paris, Leroux, 1890. Deux forts
volumes publiés en 8 fascicules. 80 francs.
M. Barbier de Meynard vient de terminer le grand travail de lexico-
graphie turque qu'il poursuivait avec persévérance, à travers des occu-
pations multiples, depuis plus de dix années. Cet ouvrage, malgré son
titre de Supplément aux dictionnaires parus jusqu'à ce jour, est un
monument élevé à la langue turque, non pas à cet amalgame artificiel
d'arabe et de persan qu'on appelle oucouli kaleni « le style littéraire »
tombé en discrédit chez les Ottomans eux-mêmes, mais à la vraie lan-
guC; à celle qui vit dans la muse populaire, dans les charki ou chansons,
dans les contes et les proverbes. Il y a là tout un trésor négligé par les
lexicographes précédents depuis Meninski jusqu'à Zenker, 011 linguistes et
folkloristes trouveront à puiser à pleines mains. Mais Tauteur n'a pas
oublié qu'il travaillait aussi pour l'enseignement pratique, pour les
||J drogmans et les chanceliers de nos consulats du Levant; aussi a-t-il
■' enrichi son œuvre de tous les termes nouveaux fa-çonnés sur l'arabe, que
la réforme inaugurée en 1826 a introduits dans la langue du droit et de
l'administration. Cet apport nouveau, dû au dépouillement consciencieux
des lois et ordonnances de la chancellerie ottomane, n'est pas la partie la
moins neuve de ces deux gros et beaux volumes qui occuperont une
H^ place honorable dans la riche collection de documents publiés par
l'Ecole des Langues orientales. Ils figureront dignement aussi, au second
rang, parmi les travaux dont le savant professeur enrichit depuis lon-
gues années le domaine des études orientales.
C. H.
Nouvelle série, XXIX. 22
422 REVUE CRITIQUK
237. — A. Erman, Die Spi>aclie €l«^s I^opyrus 1,Vestear>, eine Vorarbeit
Grammatik der œltcien yl^^gyptischen Sprache (aus dcm xxxviK'" Bande der
Abhandlungen der K. Gesellschaft der Wissenschaften zu Gœttingen besonderg
abgedruckt). Gœttingen, Dietrich, iStJg, ii'1-4, i58 p.
M. Erman a signale le premier, et le premier traduit, le précieux
document que Lepsius avait longtemps conservé inédit, et qui porte
aujourd'hui le nom de Papyrus Westcar, d'après la dame anglaise qui
en fut le premier possesseur. Le sujet en est des plus curieux ; c'est un
épisode de la légende du roi Khéops, dont Hérodote nous a conservé
plusieurs traits. Khéops^ s'ennuyant un jour, se fait raconter des histoi-
res par ses enfants, des histoires de sorciers qui rappellent les contes
merveilleux des Mille et une Nuits. Un sorcier plus puissant que
les autres, après avoir ressuscité devant lui des animaux égorgés pour la
circonstance, lui prédit la chute prochaine de sa dynastie et l'avènement
au trône de trois frères jumeaux, fils du Soleil, qu'une femme de prêtre
est sur le point de mettre au monde dans une petite ville de province.
L'accouchement de la dame est décrit tout au long, ainsi que les pro-
diges qui l'accompagnent, mais la fin du manuscrit manque, et nous
ne savons plus comment s'accomplit la catastrophe annoncée au milieu
du roman. D'autres ont insisté sur la valeur historique et littéraire de
ce document, M. Erman l'a étudié au point de vue grammatical avec
une rigueur et une finesse qui ne laissent rien à désirer.
C'est une véritable grammaire de la langue employée parle rédacteur
du conte de Khéops qu'il a dressée dans son mémoire. Après une très
courte introduction consacrée à l'étude de l'écriture et de la phonétique
de son texte (p. iS-ig), il passe à l'examen des formes et relève succes-
sivement, avec de nombreux exemples à l'appui, tout ce qui a trait aux
pronoms personnels, aux noms, aux verbes et aux autres catégories
grammaticales (p, 20-47). U'"* troisième chapitre, le plus développé, est
consacré à la syntaxe (p. 48-145) : un tableau des formes verbales et deux
copieux index des mots et des choses complètent le mémoire. Je ne puis
guère indiquer dans ce journal que le plan général de l'ouvrage : il
faudrait pour en énumérer le détail employer des caractères trop peu
familiers à la majorité du lecteur. Je me bornerai à dire que M. Erman
me paraît avoir mené fort bien son enquête sur la langue de l'ouvrage '
qu'il a eu la bonne fortune de publier le premier. La partie formelle ne
présentait pas de grandes difficultés : ce n'était qu'une statistique à
dresser. Mais la partie syntactique était d'une exécution malaisée.
M. Erman a réussi à la rendre aussi claire et aussi complète que possi-
ble. Peut-être y a-t-il trop multiplié les subdivisions et poussé trop
loin l'analyse : il y a dans la construction de toutes les langues une
foule de tours et de modes d'expression qu'on ne peut soumettre à
aucune règle précise. Cependant, nous connaissons si peu jusqu'à pré-
sent la syntaxe égyptienne, que mieux vaut après tout pécher en pareil
cas par excès plutôt que par omission : le temps nous apprendra à dis-
1
41
d'histoire et de littérature 423
tinguer dans la niasse ce qui est loi générale de l'idiome égyptien et ce
qui est seulement manière personnelle de Técrivain à qui nous devons
la rédaction de notre papyrus.
G. Maspero.
2 3,S. Untev drei Kaisern. Gesaminelto Reden und Anfsmtxe, par
E. CuRTius. (III" volume du recueil des discours et rapports d'E. C, intitulé
Alterthum und Gegenwart). Berlin, W. Hertz, 1889. In-8, vi-26g p.
Parlant de la correspondance de Bœckh et d'Otfried MûUer, E. Cur-
tius dit (p. 1 36) qu'elle n'est pas seulement un riche trésor pour les phi-
lologues et les historiens, mais encore « ein Stûck deutscher Ciiltur-
geschichte ». On peut, toutes proportions gardées, en dire autant du
présent volume. A lire ces harangues, on voit à merveille quelle place
l'Université de Berlin tient dans le mouvement intellectuel dont elle est
l'un des centres et quelle part elle prend à la vie publique. E. C. a été
plus d'une fois le chef de cette université de Frédéric-Guillaume, dont il
est l'un des doyens d'âge et il en est encore Tun des représentants les
plus brillants. Ses rapports avec les deux premiers empereurs^ ses rela-
tions avec les grands savants et les grands artistes dont il a été le disciple
et l'ami, donnent, non moins que son talent, un intérêt tout particulier
à son livre. E, C. est l'un des derniers survivants de l'âge héroïque de la
phi\o\og\t allemande : il en a suivi tous les progrès, il y a contribué
lui-même dans une large mesure et ses souvenirs sont de précieux témoi-
gnages.
On sait qu''E. C. a été le précepteur du prince Frédéric, mort empe-
reur d'Allemagne (V. p. 14). Il a vécu ainsi plusieurs années à la cour,
dans l'intimité du prince et de sa famille, au milieu des hommes distin-
gués que l'on appelait auprès de son élève et qui avaient nom Al. de
Humboldt, Ranke, W. Grimm, E, Geibel. Les deux premiers discours
sont pleins de souvenirs de cette époque : ils ont été prononcés au len-
demain de la mort des empereurs Guillaume I" et Frédéric. Les trois dis-
cours qui suivent (Les garanties de l'avenir. - Frédéric II et la litté-
rature allemande. — Le métier de prince) complètent cette première
série de harangues politiques.
Une seconde série, non moins riche en souvenirs, est consacrée à des
savants et artistes allemands (A. Bœckh. — A. Bœckh et K. Otfried
Millier. — Richard Lepsiiis. — Diisseldorfet Cornélius. — E. Geibel.
Souvenirs. — G. Ciirtiiis). Tous ces savants et ces artistes, E. C. les a
connus : sans parler de G. Curtius, son frère, il a été l'ami d'enfance du
3oète Geibel et l'élève d'O. Mûller; il a entendu Bœckh, et son maître,
Ttiort en 1840, a pu lui dire la grande lutte qui avait divisé les philolo-
gues allemands (V. p. 43 et suiv.) C'est donc l'histoire de la philologie
illemande quMclairent tous ces discours, et les pages les moins intéres-
antes ne sont pas celles que l'auteur a consacrées à sa propre famille, à
on ami et compagnon de voyage Geibel, à son frère Georges.
424 REVUE CRITIQUE
L'antiquité tient une large place dans ces harangues et d'ailleurs elle
remplit une troisième série qui comprend quatre discours (La royauté
che:{ les anciens. — Les Grecs en tant que maîtres colonisateurs. —
Athènes et Eleusis. — La <in?zej et un mémoire sur Naxos, déyà ancien
(1846). Toutes ces études sont connues et, dans cette seconde édition,
Pauteur a mis à profit quelques-unes des critiques qu'elles avaient sou-
levées.
Il n'est pas jusqu"'à la forme donnée à ces études qui ne soit intéres-
sante. E. C. a, dans TUniversité de Berlin, une grande réputation d'élo-
quence et son enseignement est l'un des plus brillants qui s'y donnent.
On m'a demandé plus dune fois, à Berlin, si j'avais entendu Curtius :
je l'ai entendu, en effet, et ses leçons éloquentes, si rapides qu'elles
paraissent à d'autres, sont bien faites pour donner une haute idée de
l'homme, de sa passion pour la science, de la noblesse et de Télévation
de ses sentiments. Ses harangues académiques laisseront à leurs lecteurs
la même impression.
B, Haussoullier.
239. — Welzhofer (Heinrich), Geschichte des griechiscliesi VoIUes bla
zui- Zeit. Solons. Gotha, Fr. Andréas Perthes, 1S89, S. 256 in-8.
On est peut-être trop enclin en France à croire que la science alle-
mande trouve en Allemagne même une approbation sans réserve. Nous
nous indignons volontiers quand nous rencontrons, dans des liv.f-es fran-
çais, des théories surannées, depuis longtemps condamnées par la criti-
que et nous éprouvons surtout une sorte de pitié pour les auteurs qui
rejettent sans discussion des systèmes, contestables sans doute, mais
dignes tout au moins d'attention. Il nous semble, par exemple, qu'il fau;
être aujourd'hui bien prévenu contre la science d'Outre-Rhin pour accu
ser Wolf tt d'avoir dirigé contre Homère et ses poésies une attaque sys
tcmatique ». Nous discutons avec Wolf, mais nous reconnaissons qu'i.
a jeté une vive lumière sur les origines de la poésie grecque.
Tout le monde en Allemagne ne pense pas comme nous, et M. Welz
hofer. Fauteur d'une histoire de l'antiquité, dont le volume que nou
avons sous les yeux forme le second tome, a moins de respect pour le
travaux les plus autorisés de la science allemande que nous n'en profes
sons parfois pour des théories infiniment moins respectables, mais qi
nous viennent d'Allemagne- C'est à M. W. que nous avons emprnniél.
phrase citée plus haut sur Wolf. Tout le passage mériterait d'être tradu:j
(p. 1 24) : on y voit comment pendant trois siècles « les humanistes et l^j
philologues ont plié le genou avec admiration devant le buste d'Hij
mère », et comment « un savant allemand s'est laissé entraîner par sa
ambition littéraire » à saper ce respect traditionnel : c'est là, dit M. \^^
un signe caractéristique de la décadence où est entrée de nos jours ||
science de l'antiquité.
D^HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 42 5
Plus curieux encore est le jugementque M. W. porte sur les efforts de
la critique historique au sujet de Lycurgue : « Ce qui dans notre siècle
tend à rabaisser le mérite des grands hommes, c'est le progrès des masses
populaires; la science, elle aussi, a cédé à cet entraînement démocrati-
que, et elle a prétendu rayer du livre de l'histoire plusieurs personnages
des plus illustres (p. 88). »
On ne s'étonnera pas, après ces citations, de ne point trouver dans ce
livre beaucoup de vues nouvelles sur l'histoire primitive de la Grèce
jusqu'à Solon. L'auteur, visiblement, s'attache à écrire pour le public;
mais c'est précisément auprès du grand public qu'il serait bon de ne pas
discréditer les efforts généreux et désintéressés de la science historique.
Les idées de M. W. sont de celles qui ont le plus de chance de faire im-
pression sur des esprits disposés à médire de la critique moderne, parce
qu'elle trouble leur ignorance. Nous aurions eu le devoir de combattre
cette tendance, si nous avions eu à rendre compte d'un des ouvrages fran-
çais, trop nombreux encore, où elle éclate à chaque page. Le livre de
M. Welzhofer nous a fourni une occasion inattendue de défendre l'Alle-
magne contre elle même.
Am. Hauvette.
É
i
240. — Salluste. Conjuration de Catilina. Texte publié par F. Antoine et
R. Lallier. Paris, Hachette, 1888, ciii-223 p.
A la mort du regretté Lallier, MM . Hachette ont chargé M. Antoine,
professeur à la Faculté des lettres de Toulouse, de publier une édition
savante du Catilina de Salluste, que l'éminent maître de conférences de
la Sorbonne, enlevé si prématurément, n'avait pas eu le temps de nous
donner. M. A., prenant pour point de départ de son travail l'édition
classique de Lallier, s'est acquitté de sa tâche avec une conscience à
laquelle on ne saurait trop rendre hommage. Une introduction de près
de 100 pages, un commentaire de 223 pages : ces simples indications
sutlisent déjà à montrer toute l'importance de son labeur. Aucun des
travaux, dont Salluste a été l'objet, ne semble lui avoir échappé, et U
s'en est fort bien servi.
Dans l'introduction, M. A. examine d'abord les différentes questions
qui se rattachent à la constitution du texte des œuvres de Salluste; il
fait connaître les manuscrits et autres sources, les principales éditions et
les commentaires, et indique la méthode qu'il a suivie dans l'établisse-
ment du texte; comme cela est naturel, il a adopté en principe la mé-
thode de Jordan, donnant le premier rang aux mss. de Paris 16024 ^^
16025. 11 raconte ensuite la vie de Salluste, tribun séditieux, gouverneur
malhonnête, écrivain distingué doublé d'un artiste, un peu désabusé.
Le problème si difficile de la langue de l'historien latin, ses qualités de
philosophe et de moraliste, les sources auxquelles il a puisé pour
écrire la Conjuration de Catilina, la composition de son ouvrage, et le
426 RBVUK CRITIQUE
rôle que César a joué dans cet événement si important de l'histoire
Romaine, toutes ces questions sont étudiées successivement par M, A.
d'une façon très approfondie II n'a pas négligé, entr'autres points inté-
ressants, de donner son avis sur le latin populaire. En théorie, il croit
peu à l'influence de la langue vulgaire sur le style de Salluste, et il a
raison. Si en effet on s'attache à démêler la variété infinie des nuances
que présente la langue populaire, à séparer autant qu'on peut le faire
ce qui est sermo plebejus de ce qui est sermo cotidianus, un écrivain
comme Salluste ne doit fournir que peu de « vulgarismes ». Mais le
commentaire 1 de M. A. semble faire croire que parfois, en pratique,
il s'écarte de la rigueur des principes qu'il pose à ce sujet dans Tintro-
duction.
Le commentaire est, comme il le dit lui-même (p. xxviii) a l'état oii
l'inventaire résumé, pour le Catilina, de ce que l'érudition a produit
pour établir le texte et pour l'interpréter. » 11 a mis à profit les édi-j
tions de Burnouf, de Kritz, de Fabri, de Gerlach, de Constans, d^
P. Thomas, de Schmalz et de Capes, mais celles de Dietsch, de Jacob^
et de Cook sont évidemment celles dont un discernement sévère lui
permis de tirer le plus de parti. Il a pesé chaque conjecture, chaqu^
explication; il ne l'a adoptée qu'après un examen minutieux. Il en es
résulté que le .commentaire de M. Antoine est très compact, et trd
étendu ; et son travail, complété par le Jugiirtha de Lallier, peut êtr|
opposé aux meilleures éditions des philologues étrangers.
Isaac Uri.
241. — Origines du culte elii'étîen. Etudes sur la liturgie latine avant Char-
lemagne, par l'abbé Duchesne, membre de l'Institut. Paris, 1889, chez E, Thorin,
I vol. in-8, pag. viii -j- 504.
Que M. Tabbé Duchesne nous pardonne de commencer par un regret.
11 est bien dommage qu'il n'ait pas rempli tout le titre de son ouvrage
et ne nous ait pas donné une histoire des origines du culte chrétien
que lui seul peut-être en France était en état d'écrire. Nous savons
bien que ce n'est pas sa faute. Il n'a voulu nous donner qu'une étude
sur la liturgie latine, dans la période qui va du iv^ siècle à Charlema
gne et n'a obéi, comme il le dit lui-même, qu'à une suggestion de son
libraire, en ajoutant à ce titre particulier un titre plus général et plus
ambitieux. Nous pensons que le libraire avait raison. Les usages des iv*
et V siècles ne se peuvent comprendre que par ceux qui les ont précédés
et préparés. M. D., pour nous les expliquer, a dû remonter aux pre-
mières origines, et parler de celles-ci au moins à titre d'introduction.^
Mais, comme il ne faisait pas de ce point Pobjet de son étude, il l'a trai
tée rapidement et légèrement. Il y a donc deux parties inégales dan
son livre : l'une se rapportant au culte chrétien et à l'organisation ecclé
1. Il signale des VM/g^am?nes p. 4, 6, 11, 16, 19, 20,21, 24, 29,34,40, 45, etc
I
i... I
I
I
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D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 427
siastique avant Constantin, l'autre à ce qui a suivi. Or, il faut porter sur
ces deux parties des jugements très différents. Autant la seconde qui
forme le corps même de l'ouvrage est précise, riche d'informations, lu-
mineuse, autant la première qui lui sert de préface paraîtra, nous le
craignons, insuffisante, obscure et exposée à de graves critiques.
Mais avant de présenter à Fauteur les observations que nous avons
faites, il nous paraît convenable de donner une idée de tout ce que son
livre contient et de la manière dont la matière liturgique est distribuée.
M. D. nous avertit qu'il nous offre ici, en réalité, des notes de cours.
Cela explique peut-être le plan de l'ouvrage. Ce sont seize chapitres
considérables qui se suivent dans un ordre dont la raison interne n'est
pas facile à découvrir. Le premier nous explique la formation des cir-
conscriptions ecclésiastiques et de la hiérarchie sacerdotale. Ce chapitre
est excellent, sauf en quelques points qui appellent des réserves qu'on
trouvera plus loin. Viennent ensuite la liturgie de la Messe et l'explica-
tion des Fêtes (ch. ir-viii). En troisième lieu, se présentent les rites de
ïinitiation chrétienne, catéchuménat, baptême, réconciliation des héré-
tiques (ch. IX); pms Y ordination du clergé, avec la description de ses
costumes (ch. x et xij ; la dédicace des églises (ch. xii); la consécration
des vierges (ch. xiii beaucoup trop écourté et absolument insuffisant en
ce qui concerne les origines et l'histoire de l'acétisme chrétien); la èe«é-
^fcfzon nuptiale, la. réconciliation des pénitents et l'office divin (ch. xiv,
xvetxvi). Dans un appendice, M. D. nous donne quatre documents
liturgiques inédits, sauf le dernier qui n'est pas le moins intéressant.
Il s'agit de l'ordre des offices à Jérusalem vers la fin du iv* siècle tiré du
récit d'un pèlerinage fait aux lieux saints par une grande dame gau-
loise, en qui l'on a cru reconnaître Silvia, la sœur du célèbre ministre
Rufin.
Nous avons déjà fait entendre que les parties qui concernent la période
des origines n^étaient pas traitées avec la même précision scientifique
que les autres. M. D. s'en excuse en disant que les documents de cette
^époque primitive sont rares. Nous le savons bien; mais notre critique
porte sur la manière même dont ces rares documents sont utilisés et
appréciés. Ce n'est pas une raison parce qu'ils sont rares et incomplets
d'y suppléer par des formes oratoires de style qui voilent la réalité au
lieu de la montrer. Est-ce un critique ou un orateur qui parle ainsi à
la page i5 : « Rome, capitale de l'empire, siège de Pierre, lieu, sacré des
apôtres, devint sans conteste (?) la métropole des Églises. Les Asiatiques
eux-mêmes, malgré le long séjour que l'apôtre Jean avait fait parmi eux,
ne firent pas difficulté (?) de la reconnaître. A la fin du i" siècle, Clé-
ment Romain écrit déjà comme un pape (?) et intervient avec une impo-
sante autorité (?) dans les conflits intérieurs de l'Eglise de Corinihe
pourtant fondée elle aussi ('?) par les apôtres. » Je néglige la première
phrase, sans demander ce que signifient historiquement ces mots « Rome,
siège de Pierre ». Dans la seconde, M. D. fait évidemment allusion aux
428 REVUE CRITIQUE
controverses touchant la fête de Pâques qui remplirent toute la seconde
moitié du ii« siècle. Mais comment espère-t-il faire admettre à ceux qui
connaissent un peu l'histoire de ces débats que les évêques d'Asie-Mi-
neure, de Polycarpe à Polycrate, reconnurent sans difficulté Tautorité
supérieure de Rome^ N'est-ce pas justement le contrairequi serait l'exacte
vérité? La manière dont M. D. parle de la lettre attribuée à Clément
Romain est plus étrange. Cette lettre tout d'abord est collective. C'est
l'église de Rome qui l'adresse à celle de Corinthe comme à une sœur
pour l'assister et l'exhorter, à charge de revanche, d'ailleurs. Nulle part
le personnage qui a tenu la plume en cette occasion n'est nommé,
ni ne se met en avant. C'est une simple tradition extérieure qui veut
que ce soit Clément. Jamais un pape a-t-il écrit sous cette forme ano-
nyme ? Il y a plus. L'Église de Rome ne s'arroge point dans sa lettre
une autorité juridique sur les autres églises. Elle parle sans doute au
nom du Saint-Esprit qui est en elle; mais ce Saint-Esprit est également
dans toutes les autres; elle reconnaît qu'elle peut avoir besoin à son
tour du secours et des conseils qu'elle donne. Dire, comme le fait un
peu plus loin M. D., « que cette prééminence hiérarchique et cette direc-
tion générale qui avait son siège à Rome fût exercée sans que l'on son-
geât à créer un personnel spécial, que c'est avec les prêtres, les diacres,
les secrétaires de son église, que l'évêque de Rome traitait les affaires
qui se présentaient ou pourvoyait aux soins temporels et spirituels des
églises qu'il croyait devoir assister»; parler ainsi, c'est montrer sans
doute qu'on ne méconnaît pas tout à fait le réel état des choses au ii« siè-
cle, c'est même nier, en un sens, que la papauté existât alors, tout en
essayant de retrouver une image qui lui ressemble.
L'Église catholique une fois constituée et organisée vers la fin du
11^ siècle, d'après l'organisation même de l'empire et coïncidant en
somme avec Vorbis romanus, il est tout naturel que Rome, capitale de
cet empire, soit devenue également la capitale de la chrétienté. C'est là,
nous le répétons, un événement historique tout simple et qui a même
quelque chose de nécessaire. Mais cela ne s'est accompli que peu à peu,
et l'histoire n'a pas le droit d'oublier le progrès lent et les luttes longues
par lesquels l'autorité des évêques de Rome s'est élevée au-dessus de
celle de leurs collègues, qui d'abord étaient leurs égaux.
Il y aurait beaucoup d'observations analogues à faire en ce qui con-
cerne les rites primitifs de la cène, du baptême, etc. M. D. marque très
bien le point de départ du culte chrétien qu'il trouve dans la liturgie
juive de la synagogue, mais il ne fait pas assez sentir les différences qu'il
y avait entre les rites primitifs et ceux du culte catholique au v* siècle,
et, par conséquent, il n'explique point l'évolution par laquelle ils se sont
si profondément transformés. Cette transformation est parallèle à celle '
des doctrines. La dogmatique et la liturgie vont du même pas et les
changements de la seconde ne sont que les effets de ceux de la première.
Or, n'est-il pas étonnant que M. D. n'ait pas aperçu ce rapport intime,
I
d'histoire et de littérature 429
cette cause profonde d'évolution et n'en dise rien ? Il paraît au contraire
laisser entendre que les ide'es religieuses sont toujours restées les mêmes
et alors il est naturel qu'il n'accorde qu'une faible attention aux diffé-
rences liturgiques qu'il fallait expliquer.
Il arrive de plus que l'originalité des documents anciens ou leur valeur
ne ressortent plus. Tout s'efface et s'estompe dans un vague tableau où
chacun peut trouver ce qu'il lui plaît. Cela est vrai du livre des Actes
des apôtres et des textes pris des épîtres de Paul, comme aussi de ceux
de Justin Martyr. Mais ce qui est surtout curieux, c'est la manière dont
l'auteur essaie d'infirmer le témoignage de la Didaché des apôtres^ la
plus ancienne liturgie et discipline connue dont le texte cité par Clé-
ment d'Alexandrie comme écriture sacrée, nous a été récemment décou-
vert. M. D. la caractérise comme une anomalie; il estime qu'elle est
« en dehors du courant général «, sans que nous en voyons d'autre rai-
son que les différences profondes qu'elle présente avec les conceptions
et les usages des siècles postérieurs. Ce qu'il oublie, c'est qu'au 11" siècle
l'unité liturgique n'était pas plus réalisée encore que celle du gouverne-
ment de l'Eglise. La Didaché a été délayée, nous dit-il, dans le VII^ li-
vre des Constitutions apostoliques. Délayée est-il bien le mot? Il aurait
fallu instituer une comparaison quelque peu approfondie entre ce vieux
document et ce VII^ livre, et alors on aurait vu que ce délaiement était
en réalité une transformation dont la nature et l'étendue font mesurer
exactement le chemin parcouru depuis le ii« siècle jusqu'au V. Tout
cela reste malheureusement dans une ombre par trop discrète.
Une fois arrivé aux liturgies postérieures à Constantin, l'auteur, en
revanche, retrouve toutes ses qualités d'érudition précise et large à la
fois. On ne saurait trop lui être reconnaissant de cette contribution ca-
pitale à l'archéologie chrétienne avant Charlemagne. Il a généralement
élucidé tous les points qu'il a touchés. Le lecteur se trouve instruit et
convaincu à la fois. Cependant nous sommes encore obligé de faire une
réserve sur un point important. Il s'agit de l'origine du rite gallican et
de son rapport chronologique avec le rite romain.
La liturgie gallicane, comme M. D. le constate avec raison, apparaît
comme orientale sur presque tous les points 011 elle se distinguait de
l'usage romain. Jusqu'ici on s'expliquait ces différences et ces analogies
en partant de la filiation historique qui rattachait les premières chré-
tientés de la vallée du Rhône aux églises d'Asie-Mineure et par les rela-
tions qui avaient continué entre elles. Cette explication pourtant si
naturelle ne convient pas à M. Duchesne. Il commence par alléguer une
lettre du pape Innocent qui fait procéder tout entière de Rome seule
l'évangélisation de l'Occident, pour en conclure que les églises des
Gaules, avec les missionnaires de Rome, avaient dû recevoir tout d'abord
ît suivre l'usage romain. Nous ferons d'abord remarquer que cette affir-
mation d'Innocent est contraire aux faits les mieux établis et paraît con-
redite par d'autres documents de la même époque. Sans examiner plus
43o REVUE CRITIQDB
avant cette question et, supposant inattaquable l'assertion oratoire d'ail-
leurs et intéressée dlnnoccnt 1'"", M. D. était obligé de chercher et de
trouver dans l'histoire des églises gallicanes et occidentales un mo-
ment où, par une sorte de révolution plus ou moins violente, l'usage
oriental y aurait été introduit et aurait supplanté Tusage romain en réa-
lité plus ancien. « Qui cherche trouve », dit FÉvangile. M. D. a trouvé.
Il veut que l'usage oriental, devenu ensuite l'usage gallican, ait été ap-
porté à Milan par l'évéque Auxence entaché d'arianisme et nommé à ce
poste par Tempereur Constance 355-374. De là Tusage oriental se serait
répandu très promptement en Gaule, en Espagne, en Irlande et, corrigé
par saint Ambroise, serait devenu le rite gallican. Cette hypothèse est
ingénieuse, mais bien peu vraisemblable. On se demande comment une
liturgie nouvelle, introduite de cette manière et d'une origine si suspecte,
a pu avoir en si peu de temps un si universel et si unanime succès.
Ailleurs, par exemple, M. 1). nous apprend qu^en 36 1, Julien, qui gar-
dait encore les apparences d'un chrétien, avait célébré à Vienne la fête
de l'Epiphanie conformément au rite gallican et contre l'usage romain.
Comment admettre que cinq ans à peine après l'arrivée de l'arien
Auxence à Milan, sa liturgie eût déjà dépossédé, sans soulever d'opposi-
tion en Gaule, l'ancienne coutume romaine? En tout cas, il faudrait
avant tout établir par quelque texte qu'avant Auxence l'Occident galli-
can suivait l'usage romain et dire pourquoi on y a tout d'un coup
partout renoncé. Or, on ne donne aucune preuve du premier fait
ni aucune explication du second. L'hypothèse de M. D, nous paraît donc
plus que contestable et nous doutons qu'elle se fasse jamais accepter par
l'histoire indépendante.
Mais c'est assez critiquer un livre que personne ne lira sans profit et
qui comble heureusement une lacune. C'est déjà un grand progrès que
d'avoir renoncé aux termes théologiques et d'avoir essayé d'introduire
dans l'exposition l'ordre à peu près chronologique. Surtout c'est un im-
mense mérite que d'avoir dépouillé si exactement tant de textes trop dé-
daignés jusqu'ici. Notre critique ne serait donc pas juste si elle n'était
accompagnée de beaucoup de reconnaissance. Celle-ci aurait été plus
grande encore, si M. l'abbé Duchesne avait joint à son ouvrage où tant
de choses, tant de noms, tant de documents sont entassés, un répertoire
final qui aurait facilité les recherches. Nous voudrions qu'une seconde
édition devînt bientôt nécessaire et que notre dernier vœu fût exaucé.
A, Sabatier.
242. — Manuel d»ancieii français. La littérature française au moyen âgej
(xie-xiv« siècle), par Gaston Paris, mei.ibre de l'Institut. Deuxième édition revue,
corrigée, augmentée et accompagnée d'un tableau chronologique. Paris, Hachette,!
1890, in-t6 de xii-3iG p. il
M. G. Paris disait dans V Avant-propos de la première édition de sori
esquisse de la littérature française au moyen âge : « Telle qu'elle est j
d'histoire et de littérature 43 I
je crois qu'elle peut rendre des services, et si on veut bien m'aider à la
perfectionner en me signalant ce qu'on y trouvera de défectueux ou
d'inexact, elle finira par n'être pas trop éloignée du but que je me suis
proposé d'atteindre en l'exécutant. » Ce but, qui, comme l'expliquait
l'auteur, était « de donner à ceux qui veulent aborder l'étude de l'an-
cienne littérature française une orientation générale et une indication
de rétat actuel de nos connaissances », avait été atteint du premier coup.
Le succès delà première édition a été si rapide, qu'il a fallu presque
aussitôt en préparer une nouvelle. L'auteur, profitant des observations
de quelques-uns de ses lecteurs, mais profitant surtout de ses propres
recherches 1, a introduit dans son livre d'importantes corrections et
encore plus d'importantes additions. 'Lts Notes bibliographiques ont été
mises au courant des publications les plus récentes. La Table alphabé-
tique a été soigneusement revue et considérablement augmentée. Enfin,
la nouvelle édition est enrichie du Tableau chronologique qui n'avait
pu être joint à la première, tableau d'autant plus précieux que l'on
n'avait pas encore essayé de grouper en ordre chronologique les dates
assignées aux productions de notre ancienne littérature. Grâce à toutes
ces améliorations, le volume de l'éminent critique est l'indispensable
guide de tous ceux qui voudront sérieusement étudier la littérature
française du moyen âge. Tous, les débutants comme les maîtres eux-
mêmes, trouveront dans ce volume, où l'extrême condensation des choses
ne nuit ni à la clarté, ni à l'agrément, les indications les plus précises,
les aperçus les plus remarquables sur toute la période comprise entre le
xi« et le xiv^ siècle 2. Quand M. G. Paris aura donné au public les trois
autres volumes qui doivent suivre celui-ci (Grammaire de l'ancien
français, Lexique de l'ancien français, Choix de textes français du
moyen âge), quand il aura ainsi constitué un complet et parfait Manuel
d^ ancien français, il aura acquis à la reconnaissance des amis de notre
langue et de notre littérature, pour lesquels, sur les nobles traces de
son père, il a déjà si glorieusement travaillé, des titres devant lesquels
1. « Je n'ai presque pas passé un jour, dit il (p. vin), sans y apporter quelque
retouche.
2. M. G. P. dit (p. 122) : « MM. Darmesteter et Hatzfeld nous ont donné pour le
XVI"-' siècle un excellent manuel, auquel je voudrais que, pour le moyen âge propre-
ment dit, le mien fut jugé digne de faire pendant. Il serait désirable qu'on les rejoi-
gnit l'un à l'autre par un ouvrage analogue consacré à la langue et à la littérature
de la période intermédiaire. » Il ajoute (p. xr) : « Si personne n'entreprend l'œuvre
intermédiaire que je souhaiterais voir se produire entre la mienne et celle de MM.
Darmesteter et Hatzfeld, je tenterai peut-être quelque jour de combler cette lacune. »
De cette bonne nouvelle rapprochons-en une autre relative (p. xii) à la prochaine
publication d'une histoire de notre littérature méridionale tracée par une main aussi
sûre que savante. Si cette main est, comme je l'espère, celle de l'érudit auquel est
rendu (p. vu) un si juste et si touchant hommage, on pourra dire que deux des fon-
dateurs de la Revue critique, toujours émules, jamais rivaux, auront avec une égale
autorité résumé ce qu'il importe le plus de connaître touchant, d'une part, la littéra-
ture du Nord, d'autre part, celle du Midi.
432 REVUE CRITIQUE
on ne saurait trop s'incliner et que, pour ma part, je salue d'avance
avec un profond et joyeux sentiment de sympathie et d'admiration.
T. DE L.
243. — Histoire do Florenee depuis la domination des Medicis jusqu'à la
chute de la République (1434-1531), par F. -T. Perrens, membre de l'Institut.
Tome troisième. Paris, Quantin, 1S90. In-8, 533 p. 7 fr. 5o.
Ce volume termine dignement le grand ouvrage de M. Perrens, et on
le lira avec non moins d'intérêt et de profit que les deux tomes précé-
dents. L'auteur en était resté à la révolution qui chassa Soderini. Il
expose d'abord la reconstitution du gouvernement, le retour des Medici
signalé par des persécutions et des complots cruellement réprimés,
l'exaltation de Léon X, qui fut pour Florence « un maître funeste »
(p. 78), et de Clément VII, qui « comme Léon X, du Vatican, gouverna
Florence » et lui imposa d'effroyables contributions (p. 109), le discré-
dit croissant des Medici, et après le sac de Rome, le mouvement dirigé
par Nicolo Capponi et Filippo Strozzi. Les Medici étaient chassés une
fois de plus; mais, comme dit Guichardin cité par M. P. (p. 144), il faut
aux révolutions trois bonheurs : qu'elles réussissent, qu'elles se gouver-
nent, qu'il en sorte un état de durée, et la révolution de 1527 n'eut que
le premier de ces bonheurs. Capponi, nommé gonfalonier, fut bientôt
déposé, et, après la paix de Cambrai, Charles-Quint mit ses armes au
service de Clément VIL C'est ici l'un des endroits les plus intéressants
et les plus dramatiques du récit de M. P. : le siège de Florence, un des
sièges les plus mémorables que cite Phistoire. M. P, retrace l'enthou-
siasme qui transformait les marchands en soldats et cette longue résis-
tance de douze mois qui surprit tout le monde au dehors et faisait dire
que les Florentins valaient autant à la guerre, l'arquebuse en main, que
derrière leurs comptoirs, la plume aux doigts (p. 259). Il nous fait assis-
ter aux tragiques péripéties de la défense, aux premières, escarmouches,
aux sorties, aux exploits de l'infatigable Ferrucci, puis, après que Flo-
rence a été coupée de Volterre et de Pise, aux souffrances de la popula-
tion, aux secrètes négociations de Malatesta, au suprême combat livré
par Ferrucci, aux débats qui précèdent l'inévitable capitulation du
12 août i5 3o. « C'en était fait de cette libre Florence qui, pendant trois
siècles, avait illustré son nom par son travail et son trafic, sa richesse
et sa puissance politique, sa gloire dans les lettres et les beaux-arts, ses
grands hommes, ses incomparables génies et même, à certains moments,
au dernier surtout, sa vaillance guerrière, dont le spectacle paraît à la
postérité impartiales grandiose, émouvant »... (mais) le régime princier
qui a succédé en Italie au régime républicain, a tant manqué d'hon-
nêteté, d'honneur et de grandeur que nous ne saurions, à ces républi-
ques qui disparaissent l'une après Fautre, refuser un regret. C'est sur-
tout Florence qui mérite d'être regrettée ou du moins admirée, parce
que, malgré ses fautes, ses travers, ses vices, sa dureté impitoyable, elle
d'histoire et de littérature 433
a eu ses siècles de gloire couronnés, cliose bien rare, par une noble fin.
L'on a pu dire que la ville assiégée manqua d'habileté dans cette crise
suprême, qu'elle mesura mal ses forces à son dessein, qu'elle ne se ren-
dit pas compte des conditions générales de la politique. Mais le courage
fut héroïque, disons mieux : durable et réfléchi dans l'héroïsme, ce
qu'on pouvait le moins attendre d'un peuple de marchands, depuis
longtemps déshabitué des armes. Malgré la famine et les maladies con-
tagieuses, sous les boulets du canon ennemi, ils s'unissaient chaque jour
librement au son de la cloche. Abandonnés de tous, dépouillés de leur
territoire et de leurs forteresses, serrés de près par de nombreuses ar-
mées, ils surent rester les yeux fixés sur leur immortel modèle, les Ro-
mains résistant à Pyrrhus et à Hannibal; ils s'obstinèrent onze mois
dans une résistance sans espoir, tâchant de forcer la main à leur chef
militaire qui, par intérêt personnel, entrave les efforts qu'il devrait di-
riger » (p. 33o-33i). On devine ce qui suivit la défaite de Florence :
impôts écrasants, vengeances, châtiments, expulsions, etc. ; finalement
Alessandro des Medici fut fait chef des Florentins par Charles-Quint ;
la seigneurie fut supprimée ; il y eut désormais un duc; Florence de-
vint une muuicipalité : « Elle est comme rayée du nombre des vivants,
avec cette consolation, si c'en est une, que dans son funèbre linceul on
ensevelit avec elle l'Italie... Il n'y a plus d'Italie après la chute de Flo-
rence; il ne s'agit plus que de savoir à qui le sol sacré appartiendra. »
(p. 3y3]. M. P. aurait pu finir là; mais, selon sa méthode qui joint à
rhistoire politique celle des lettres et des arts, il revient sur les Floren-
tins qui sont la gloire de leur patrie et « lui conservent pour Péternité
la vie, comme Athènes et Rome la tiennent de leurs grands hommes,
comme Paris la tiendra des siens. » Il apprécie successivement, en quel-
ques pages pleine de savoir, de goût et de finesse, Luigi Alamanni, Fran-
cesco Berni, Firenzuola, les ambassadeurs, les historiens qui « ont créé
l'histoire politique au sens moderne », Machiavel et Guicciardini, An-
dréa del Sarto, Benvenuto Cellini, Michel-Ange. Enfin il jette un rapide
coup-d'œil sur les âges suivants et retrace la fin des personnages qu'il a
montrés à l'œuvre dans les précédents chapitres. Une conclusion d'une
dizaine de pages met encore une fois en relief le rôle que Florence a
joué dans l'histoire du monde : « Florence est au moyen âge, sans rivale,
en temps que commune, en tant que république. Dans son sein s'est
accompli, plus et mieux que nulle part ailleurs, le lent et laborieux en-
fantement de l'esprit moderne... Sans bien connaître aucun modèle
qu'elle pût reproduire, Florence a retrouvé et hardiment tracé quelques-
unes des grandes lignes, des lois primordiales du gouvernement d'un
peuple par lui-même, en d'autres termes, de la démocratie laborieuse,
cultivée, athénienne, qui est l'espoir comme Phonneur de l'humanité »
(48g). Voilà donc terminée, avec ce volume, cette Histoire de Florence
que M. P. avait si vaillamment commencée il y a vingt ans; c'est une
grande œuvre, bien supérieure à l'histoire de Venise par Daru, et de
4^4 REVUK CRirrQTIH
l'aveu même des Italiens, bien supérieure par retendue, par Texactitude
scrupuleuse, par l'intérêt à tous les travaux publiés en Italie sur l'histoire
de Florence. Elle est, en effet, complète; elle ne néglige ni le commerce,
ni la littérature, ni les beaux-arts qui ont alors tant d'importance; elle
s'appuie sur les documents originaux, elle établit solidement les faits, pré-
sente fidèlement les hommes et les choses ; en même temps elle est pleine
de vie et de coloris : M. Perrens a un style à lui ; il sait dans une lan-
gue vive, alerte, et pourtant vigoureuse, analyser les caractères et les
passions des personnages, décrire et juger leurs actions. Son Histoire de
Florence est, par tant de qualités autant que par son ampleur, une des
œuvres les plus remarquables de notre temps '.
A Chuquet.
244. — Xi'avels in Inclia by Jean BSaptiste Xavernier, baron d'Au-
bonne, translated from the original french édition of 1676 with a biographical
sketch of the author, notes,, appendices, etc. by V. Ball, L. L. D., Director of
the science and art Muséum, Dublin, author of the « Jungle life in India », « The
économie geology of india », etc. in two volumes. London, Macmillan and Co.
1889, in-8, Lxxii, 420 et xx, 496 pages.
Bien qu'il soit un des plus grands voyageurs du xvn° siècle, on n'a
point encore songé dans sa patrie à élever à Tavernier de monument
destiné à conserver son souvenir ; heureusement que sa mémoire n'en
a pas besoin; malgré les attaques dont elle a été l'objet, elle est restée
toujours vivante, ei la publication de M. V. Ball ne pourra que lui
assurer un nouveau regain de faveur. Ce n'est qu'une traduction, il est
vrai, et la traduction d'une partie seulement des Relations de Taver-
nier, mais le soin avec lequel elle a été faite, les notes savantes qui ^
l'enrichissent, la beauté de l'impression, les illustrations qui l'accom-
pagnent en font un véritable monument, le plus beau et le plus digne
de lui qu'on pût élever au célèbre voyageur.
M. V. B. a placé en tête de sa traduction une courte biographie de s
Tavernier; il m'en a emprunté, comme il l'avoue généreusement, les {
principaux traits, ce qui naturellement m'empêche d'en faire l'éloge. |
Cette biographie est suivie de la bibliographie la plus complète qu'on
ait des éditions des Voyages : leur nombre suffit à montrer combien a
I. Cp. sur les deux précédents volumes Revue critique, 1889 "^"^ 7 ^^ 4^- ^'o'<^' '^
table des matières du tome troisième : Livre X VII : I. Florence sous le pontificat de
Léon XI. — I. Sous Adrien VI et Clément VII jusqu'à la nouvelle expulsion des Medici.
— II I. Depuis l'élection de Niccolo Capponi jusqu'au traité de Cambrai . — IV. Les armées
impériales autour de Florence; siège de Florence. — V. La fin du siège;la capitulation
jusqu'au principat. — LîVre X '//7/.- 1. Les lettres à Florence au début du xvie siècle;
IL Les beaux-artsau début du xvi^ siècle. — Lf ire XIX : Coup d'œil sur la dynastie des
Medici. — Ce tome contient un index alphabétique des noms d'auteurs et d'ouvrages
mentionnés dans les trois volumes.
I
d'histoire et de littérature 435
été durable la réputation deTavernier en France et à l'étranger. Bien que
M. V. B. n'ait donné que la traduction des voyages dans Tlnde, ce qui
compose le second volume seulement des Relations du célèbre marchand,
il l'a fait précéder de la « Dédicace au roi » et du « Dessein de l'auteur i> ,
espèce d'autobiographie placée au commencement du premier volume.
C'est sur l'édition de 1675 qu'est faite la traduction de M. V. B. ;
malheureusement cette édition n'est guère meilleure — est-elle même
meilleure? — que la suivante. Mais quelle que soit la bonté du texte
choisi, c'est par l'exactitude de la version qu'il en a donnée, par le
commentaire et les appendices qu'il y a joints que vaut le travail de
M. V. B. ; il est au-dessus de tout éloge.
J'aurais bien deux ou trois petites controverses à engager avec lui, sur
des points bien secondaires, il est vrai; mais comme la Revue de' géo-
graphie a rendu compte en détail de son livre, je me bornerai ici à ce
que je viens d'en dire. Je ne puis toutefois me dispenser de féliciter
M. V.B. de ses efforts pour identifier les localités que mentionneTavernier,
reconstituer les divers itinéraires du voyageur et nous faire connaître»
dans de précieuses notes, les produits minéraux ou végétaux dont il
parle; il fallait les travaux antérieurs de l'auteur et son séjour pro-
longé dans l'Hindoustan pour s'acquitter aussi bien de cette tâche ardue.
Ce sont ces notes curieuses et instructives, c'est la conscience dont elle
témoigne à chaque page qui donnent tant de prix à la traduction de
M. V. Bail; elle lui fait le plus grand honneur, ainsi qu'à son éditeur,
et elle est digne du grand orientaliste et géographe Yule, sous le pa-
tronage duquel elle a été entreprise ^
Ch. J.
345. — Ed. BoDEMANN. Der Briefvveclisel des G. "W. L.eibniz in der kœnigl.
œffentl. Bibliothek zu Hanover. Harmover, Hahn, 1889, 413 p. iii-8. 12 m.
On se rend aisément compte de la peine et du temps qu'a coûtés à
M. Bodemann cet inventaire de la partie de la correspondance de Leib-
niz qui est à Hanovre. Il a dû dépouiller, identifier, décrire et classer
les 1 5,000 lettres échangées entre Leibniz et ses 106 3 correspondants.
Il l'a fait avec l'admirable conscience que lui connaissent tous ceux qui
s'intéressent à Leibniz et à l'histoire de son temps. C'est un nouveau
titre à leur gratitude.
Il y a là une abondance peu commune de documents précieux dont
une bonne part est inédite, et le restera longtemps encore. L'histoire
philosophique, scientifique, diplomatique et politique de cette époque
aura plus d'une fois à y recourir. J'ai cru bon de relever, dans cet
I . Je ne veux point oublier de dire qu'au milieu de ses recherches, M. V. B. a
eu la bonne fortune de retrouver une Histoire des Joyaux, de Chappuzeau, que ne
cite aucune biographie du célèbre publiciste et pamphlétaire, et dont les éléments
ont été, en i665, tirés des Mémoires de Tavernier.
436 REVUE CRITIQUE
inventaire énorme, celles des lettres encore inédites qui paraissent, par
l'analyse de leur contenu, être de première importance. Si l'énuméra-
tion en est fastidieuse, peut être ne sera-t-elle pas inutile.
64 (p. i5) lettre de Leibniz à Biber sur la Théodicée (mars 1716). —
188 (p. 42) 5 lettres philosophiques de L. à Cyprianus (i 699-1 706). —
208 (p. 45; 2 lettres philosophiques de L. à Dobrzensky (lôgS-iyoS).
— 258 (p. 55y 20 lettres philosophiques de L. à Fardella (1690-1 714).
— 275 (p. 5g) 9 lettres, philosophie et mathématiques, de L. à Fonte-
nelle ( 1700-1704) ; une lettre non datée sur Papin, citée par extraits. —
283 (p. 61) 3 lettres de L. à Franckenau, dont une sur Descartes. —
295 (p. 65) 9 lettres, philosophie et mathématiques, de L. à l'abbé
Gallois, dont 3 chez Gerhardt, et 6 inédites. — 347 (p. 75 sq.) extrait
important (cité) d\ine lettre de Habbeus von Lichtenstern à L. sur la
situation politique (3o nov. 1669). — 3go (p. 86) 9 lettres de L. à Hen-
fling sur la musique (1705-1709). — 491 (p. 117) 2 lettres de L. à
Kônigsmann sur les rapports de la philosophie et de la théologie et
l'utilité d'une histoire de la métaphysique (1712). — 519 (p. i25) lettre
de L. à La Loubère (envoyé extraordinaire de France à Siam) sur les
Chinois, les langues de l'Inde (i5 oct. 1691). — 529 (p. i3o) 8 lettres
de L. à Daniel Larroque de 1691-1694; lettres du 21 juillet 1691 sur
Van Helmont le Jeune, le Testament politique de Richelieu, les lettres
de Mazarin, etc. — 538 (p. i33) 3 lettres de L. à Leeuwenhœk. — 544
(p. i35 sqq.) Correspondance entre L. et son frère utérin J. Friedr. L.;
longs extraits intéressant la biographie du philosophe. — 549 (p. 140
sq.) 47 lettres du P. Le Long et i 5 de L. (1704-1716) ; foule de rensei-
gnements philosophiques, philologiques, scientifiques, historiques,
théologiques. — 552 (p. 142 sq.) lettre de L. au P. Lequin (1701) sur
son éducation philosophique et sa connaissance de la scolastique. —
554 (p. 143) lettres de L. à Le Thorel sur les différends entre Bossuet et
Fénelon (janvier 1699) ^^ ^^^ ^^ condamnation du livre de Fénelon à
Rome (avril 1699). — 598 (p. 164 sqq.) 7 lettres de Malebranche et
10 lettres de L. (1679-17 1 1), le tout inédit. — 636 (p. 179 sqq.) 18 let-
tres philosophiques et mathématiques de L. à Mencke (i 681- 1706). —
657 (p. 188 sq.) lettre (citée) de L. à MoUer sur l'alchimie (1698). —
676 (p. 195 sqq.) 37 lettres de Muratori et 3o de L. sur l'histoire de la
maison d'Esté et les Scr. rer. ital. — 749 (p. 227) 2 lettres de Quesnel
et 2 de L. (1706) sur les Jésuites, la Grâce et la Théodicée. — 760
(p. 23i sqq.) 8 lettres de L. au marquis de Reffuge (1697-1706) sur la
maison d'Esté, la papesse Jeanne, Flodoard, Azo, etc. — 768 (p. 236
sqq.) lettre de L. à Nie. Remond sur le P. Buffier (6 déc. 171 5 ; man-
que dans le recueil de Des Maizeaux). — 774 (p. 239) 6 lettres théolo-
giques de Von Reuschenberg, 6 de L., surtout sur le concile de Trente.
— 8o5 (p. 252 sq.) lettre de L. à Scheffer sur le dictionnaire de TAca-
démie : il est mauvais de chercher à fixer la langue dans l'état où elle se
trouve. - 840 (p. 268 sqq.) 80 lettres de Schulenburg, 5i lettres de L
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 437
(1698-1716), surtout politiques : mort de Sophie-Ciiarlotte, Malpla-
quet, etc. — 843 (p. 270 sq.) correspondance entre L. et Schuller au
sujet de Spinoza (M. L. Stein en a récemment tiré parti).- 853 (p. 274]
2 lettres de M''^ de Scudéry, 4 de L. (1697-1699) paraissent être curieu-
ses; elle lui fait l'éloge de Pélisson et du roi (lettre autographe); L. ré-
pond par l'éloge de ses romans. — 854 (p. 275-278) 20 lettres de
Seckendorf, 19 de L. (1682- 1692) du plus haut intérêt : affaires politi-
ques et religieuses, impiété croissante, Pascal, Huet, Descartes, Maie-
branche, Bayle, Tentzel, Bossuet, le piétisme, etc. — 876 (p. 286-295)
29 lettres de Spanheim et 35 de L. (1692-1710) d'histoire et surtout de
politique, mais aussi de linguistique et d'ethnographie; Spanheim sur
Taffinité des langues persane et allemande; L. sur le gaélique et l'alle-
mand, l'allemand et le slave, le finnois et le hongrois; L. sur des lettres
nouvellement retrouvées de Bérenger de Tours; sur Gudius; sur Phy-
pothèse de Hartsœker, que la matière est composée de parties tout à
fait dures et de parties tout à fait liquides; sur l'explication absurde des
mythes anciens par la religion juive, et l'utilité qu'il y aurait à dégager
des mythes ce qu'ils contiennent d'histoire; sur sa correspondance avec
Bossuet et Pirot, sur Huet, sur les affaires de Hanovre, Sp. sur les es-
sais d'union religieuse et le projet d'un neuvième électorat. L. sur
Fénelon et l'amour pur; sur l'élévation du Brandebourg à la dignité
d'un royaume et la joie qu'il en ressent; sur les dangers qui menacent
Ja liberté de l'Europe si les Bourbons l'emportent en Espagne, etc.
Plusieurs autres données par Klopp. — 883 (p. 304 sqq.) 10 lettres de
Spener (le piétiste) et 10 de L. : philosophie et théologie. — 921 (p. 334
sqq,) 5 lettres importantes (mathématiques et astronomie) de L. à
Thevenot. — 933 (p. 339 ^49-) lettres de L. à Toland (du 25 février
1710 : Giord. Bruno : « Son génie paraît médiocre... »); lettre non
datée sur l'affaire Sacheverell. — 937 (p. 842) L. à Tournemine. —
943 (p. 345-35 i) lettres de L, à Tschirnhaus (1677-1713), dont plu-
sieurs manquent chez Gerhardt; mathématiques et philosophie; une
lettre importante, non datée, sur l'âme des bêtes, Malebranche et Ar-
naud : « Le père Malebranche a beaucoup d'esprit, mais M, Arnaud
écrit avec plus de jugement. Il y a quantité de jolies pensées dans la
recherche de la vérité, mais il s'en faut beaucoup, que l'auteur ait péné-
tré bien avant dans l'analyse et généralement dans l'art d''inventer »,
etc.; lettre de mai 1698, très vive de ton, sur Descartes, — 954 (p. 355
sqq.) du i5 avril 1695, longue lettre de L. au P. Verjus (citée) très vive
contre les cartésiens; plan d'une philosophie par démonstrations incon-
testables; du 2 déc. 1697, sur la Chine, puis encore sur les cartésiens;
spécieuse universelle; de la fin de 1698, characteristica universalis, puis
nouvelle attaque contre les cartésiens; le Jésuite espère la conversion
de L. au catholicisme; L. répond dans une lettre à Burnet du 14 déc.
1705 (citée). — 957 (p, 362) lettre de L. à Villars qui vient de prendre
le commandement de l'armée des Cévennes : « Je vous avoue, grand
438 REVUE CRITIQUE
Maréchal, que je n'aurois jamais crû, qu'on eût du connoistre par Vous
l'excès de ravijlissement et de la prostitution de la nation Françoise »,
etc. — 961 (p. 363) lettre philosophique de L. à Vogel (8 févr. 1671),
importante, donnée tout entière. — 971 (p. 370 sqq.) i3 lettres philo-
sophiques de L, à Gabriel Wagner (1596-1708), dont plusieurs inédi-
tes. — loio (p. 391 sqq.) 78 lettres de Chr. Wolff, 41 de L., plusieurs
inédites, dont quelques-unes importantes.
Lucien Herr.
CHRONIQUE
FRANCti;. — M, Emile Camau vient de publier (Paris, Berger-Levrault. 1890. In-S",
282 p. 3 fr. 5o), un livre intitulé La guerre dans les Alpes où il raconte de fort ins-
tructive façon ses souvenirs des manœuvres alpines. On y remarquera plusieurs cha-
pitres qui inte'ressent l'historien et le géographe : ce sont ceux que l'auteur a inti-
tulés Pages d'histoire, La guerre en montagne et La vallée de la Vésuhie. Le livre
est indispensable à ceux qui veulent bien connaître la région alpine et notre fron-
tière du sud-est.
— La même librairie (Berger-Levrault. ]n-8°, 5go p. 5 fr.), publie une nouvelle
édition du livre de M. Gabriel Thomas, Du Danube a la Baltique, Allemagne, Autri-
che-Hongrie, Danemark, Description et souvenirs. On trouvera dans ce gros livre,
non de pittoresques descriptions et de piquants souvenirs, mais des choses réelle-
ment vues et narrées avec conscience et sincérité. C'est un des meilleurs récits de
voyages qui aient l'Allemagne pour objet.
ITALIE. — M. Gakofai.o, pour faire suite à ses Fastes des tribuns de la plèbe, à Rome,
dont il a été rendu compte dans cette revue, vient de publier les Fastes des Ediles de
la plèbe (I Fasti degli edili plebei, Catania, 1890, imprimerie Galati, 23 pages), en y
ajoutant comme appendice un court travail sur l'origine et les élections des tribuns et
des édiles de la plèbe (Catania, 1890, imp. Martinez, i 32 pages), travail suivi d'un in-
dex alphabétique de ces différents magistrats. Une autre brochure, parue en même
temps et intitulée YOva^^ione nella storia cf//?owa, contient la liste des ovations et des
magistrats qui en ont été honorés (imp. Martinez; 2 5 pages).
— M. DE RuGGiERO vieut de faire paraître (Rome.Pasqualucci) deux nouveaux fasci-
cules de son Di^ionario epigrafico. Articles principaux qui y sont contenus : Annus,
Ansarium. Anioninus, Anulus, ApoUinares (ludi), Apollinaris Clegio), etc.
— Le premier numéro du Bulletino délia Società Dantesca italiana vient de pa-
raître avec la date de mars 1890, à la typographie S. Landi, de Florence (67 p. in-S" ;
prix : 2 fr. 5o). 11 contient, avec la liste des membres de la Société et les pièces rela-
tives à sa fondation, le dépouillement bibliographique des travaux se rattachant à
Dante parus dans le cours de 18S9. Ce travail fort bien fait, dû à M. Michèle Barbi,
sera continué dans les numéros suivants. On sait que le but principal de la Société
est de donner un texte critique de \&Commedia et des Opère minori de Dante,
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
I
Séance du 23 ?nai 18 go.
Le Ministre de l'Instruction publique prie l'Académie de présenter deux candidats
à la chaire de droit civil et canonique du moyen âge, vacante à l'Ecole des chartes,
par suite du décès de M. Ad. Tardif. L'assemblée des mi;mbres du conseil de per-
d'histoire et de littérature 439
fectionnement et des professeurs de l'Ecole des chartes a déjà présenté, pour cette
chaire, en première ligne M. Paul Viollet, en seconde ligne M. E.-J. Tardif.
La désignation de deux candidats est mise à Tordre du jour de la prochaine séance.
M. Geffroy. directeur de l'Ecole française de Rome, donne par lettre des détails
sur diverses découvertes et communications faites récemment en Italie. A cette let-
tre est jointe la copie des inscriptions suivantes, relevées à Aïn-Kebira (Afrique), par
MM. Audollent et Letaille :
I" NOME MARTV Nomen martii
RIS CALENDIONI ris Calendioni
SAIVTES QVI BOT a- ajutes (=adjuves) qui pot
VM CONPLEBERV um Conplebveru(nJ
T t
2" T HIG REQVl
EBIT BONE ME
MORIE IN PAGE
PONTVS BIXIT
ANNOS Illl MEN
SES VU DIES III DP
V KL FBS OSCA
D» IC RECVIEBIT BONE
MEMORIE FORTVNA
TA ANICVLA IN PAGE
DEPOS ITAVN KLS IVLIAS
4" FLORE BONE M
EMORIE GON
IVGI Q.VETVS
MARITVS MENSAM
PERPETVAxM POSV
IT QVAE VIG Srr AN
NIS LX DEGESSir O
G TAV ■ KAL MARTIAS
ANNO PROVIGIAE
CGGX (a, 349)
M. l'abbé Duchesne présente des observations sur deux points touchés incidem-
ment dans cette lettre :
1° L'inscription de Tixter, trouvée par M. Audollent et précédemment communi-
qués à l'Académie, dans laquelle sont mentionnées en 359 ^^^ reliques de la vraie
croix, ne nous apprend aucun fait nouveau et ne saurait être alléguée comme une
confirmation des récits relatifs à la découverte de cette relique par l'impératrice
sainte Hélène ;
2" Le manuscrit 7172 du Vatican, cité par M. Geffroy, d'après un travail de
M. Paul Guiraud, comme remontant au ix'^ siècle, ne saurait être plus ancien que le
xi« siècle.
M. Georges Perrot, en son nom et au nom de son collaborateur, M. Ghipiez, re-
mercie l'Académie de la haute distinction qu'elle a accordée à VHistoire de l'art
dans l'antiqi'ité, en décernant à cet ouvrage le prix fondé par M. Louis Fould.
Sur la proposition de la Gommission des Ecoles d'Athènes et de Rome, M. Lechat,
membre de l'Ecole française d'Athènes, est désigné au choix de la Société centrale
des architectes, pour la grande médaille que cette Société donne tous les ans à l'au-
teur d'un travail archéologique. M. Lechat s'est distingué par les fouilles qu'il a di-
rigées à Gorfou et par ses études sur les sculptures archaïques de l'Acropoie d'Athè-
nes.
M. Héron de Villefosse communique diverses inscriptions relevées en Syrie par
des Pères missionnaires de la Gompagnie de Jésus, savoir :
1° Une inscription latine votive, de l'époque des Antonins, trouvée à Masy (Anti-
Liban), entre Baalbeck et Ghalcis. par le P. JuUien;
2» Une inscription grecque trouvée par le même religieux à Talanissus, aujour-
hui Deir-Séman, entre Alep et Anlioche : elle est écrite en petits dés noirs au som-
-t o'une belle mosaïque qui recouvre entièrement le sol d'une ancienne chapelle
.rétienne; elle mentionne un périodente, sorte de dignitaire ecclésiastique, du nom
Jean ;
i" Une dédicace à Hérode, commandant des cavaliers chalcites, trouvée par le
I'. Kersauté à Sour, dans le Ledja, où se trouvait autrefois la caserne de ces cava-
icrs.
M. Héron de Villefosse, à propos de la seconde de ces découvertes, signale les ins-
:riptions analogues de la grande mosaïque deSour-Bahar et des basiliques chrétien-
its d'Orléansville et de Tipasa de Maurétanie.
M . le marquis de Vogué dit que la découverte du P. Jullien confirme une loi géné-
ale qu'il avait lui-même soupçonnée sans se trouver en mesure de la vérifier : toutes
es basiliques chrétiennes de l'Orient et de l'Afrique, au iv°, au v^ et au vi*^ siècle,
:taient pavées de mosaïques de marbre, avec inscriptions commémoratives.
440 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTERATURE
M. Clermont-Ganneau signale des mosaïques et des inscriptions de ce genre, avec
des noms d'évêques ou de dit^nitaires ccclésiasiiques, sur plusieurs points de la Pa-
lestine el de la Syrie, notamment à Emmaûs (Nicopolis), et de l'autre côté de la mer
Morte, à Madeba.
M. Tabbé Duchesne insiste sur l'intérêt spécial que présente la mention du ^ério-
denie. Ou appelait ainsi, vers le v siècle, le chef du clergé d'une localité non pourvue
de siège épiscopal. On peut donc tirer, des textes qui le nomment, des renseignements
précis pour la géographie ecclésiastique de cette époque.
M. Le Blant lit une étude sur le traité talmudique Aboda Zara, contenu dans le
tome XI du Tahnud de Jérusalem, traduit par M. Moïse Schwab. On trouve dans ce
traité des prescriptions très minutieuses sur la façon dont les juifs devaient se com-
porter au milieu de la société païenne. M. Le Blant insiste sur l'analogie que pré-
sentent la condition et l'attitude des juifs, telles qu'elles sont décrites dans cet ou-
vrage, avec celles des premiers chrétiens, dans l'empire romain, au temps du paga-
nisme.
M. Salomon Reinach communique une curieuse inscription en dialecte éolien,
remontant à la fin du iv« siècle avant notre ère, qui a été découverte, récemment, à
lo kilomètres, au nord de la ville ^''Aegae, en Eolide. C'est une convention entre les
habitants du district d'Aegae et ceux de l'Olympe, relative au passage du petit bétail
d'un territoire à l'autre; elle exempte de droits les chèvres et les agneaux et stipule
que les béliers et les brebis ne payeront pas de redevance pour la laine qu'ils portent.
L'Olympe dont il s'agit n'est pas le massif célèbre de la Bithynie, mais une montagne
à l'est de Smyrne, qui était seulement connue par un texte de Pline. La partie du
texte dont la lecture est certaine, ne fournit pas moins de cinq mots ou formes qui
manquent à tous les lexiques.
Ouvrages présentés : — par l'auteur : Barbier de Meynard, Dictionnaire turc-fran-
çais, 8' livraison; — par M. Menant: Collection de Clercq, t. II, i" livraison; —
par M. le marquis d'Hervey-Saint-Denys : Raynaud (Georges), Etude sur le codex K|
Troano; — par M. Georges Perrot : Collection Eugène Piot, etc.; — par M. A. Groi- B^
set : Croiset (Alfred et Maurice). Histoire de la littérature grecque, tome 11;^ — par
M. Schlumberger : Blanchet (Adrien), Manuel de numismatique du moyen âge: —
par M. Delisle : Duhamel (L.), les Origines de l'imprimerie à Avignon; — par M. de
Lasteyrie : Lasteyrie (Robert de) et Lefèvre-Pontalis (Eugène), Bibliographie des
travaux historiques et archéologiques publiés par les Sociétés savantes de la France,
5e livraison. Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séances des 23 avril et 14 mai 18 go. i|f
M. Chatel fait une communication sur une mosaïque découverte à Jourmont (Jura).
en 1754. , 1 j-
M. l'abbé Duchesne présente, au nom de la Société des Bollandistes, une brochurÉl
intitulée : Passiones très martyrum Africanorum. Ces trois documents inédits onjj
un grand intérêt pour l'histoire de l'Eglise et des institutions rornaines en Afrique:!
M. MUntz communique de nouveaux renseignements sur une série d^a^rchitectureSJ
avignonais du xiv« siècle, Guillaume d'Avignon, qui construisit, en i333, un pontèj
Raudnitz en Bohême; Jean Poisson qui dirigea, de i335 à i338, la restauration dtl
saint Pierre de Rome; Jean de Voubières et Pierre Obrie, architectes du palais deij
papes et enfin sur Bernard de Manse et Henri Clusel, architectes des monumentti
élevés à Montpellier par Urbain V. |
M. CoUignon défend l'authenticité contestée par quelques auteurs d'un vase dij
Musée d'Athènes. Les sujets représentés sont les suivants : en premier lieu, deu|
êtres mixtes à tête humaine et à corps d'animal affrontés, puis une scène de chassi
où l'on voit un chien poursuivant deux sangliers. M. CoUignon, par des^ consideraj
lions tirées des dessins eux-mêmes, maintient son opinion déjà exprimée en faveuj
de l'authenticité et indique le milieu du vii« siècle comme l'époque probable de il
confection de ce vase. j
M. Courajod, à l'occasion d'un manuscrit à vignettes du Musée Plantin à AnvenI
donne une nouvelle preuve de la coexistence dans les ateliers, à la fin du xiv^^ sièclil
d'escouades d'artistes de nationalités différentes. Dans ce manuscrit, on peut distirJ
guer entremêlées des miniatures des écoles allemande, franco-flamande et italienmj
Le manuscrit n'a pas été terminé. Une certaine quantité de feuillets ne portent qij
des esquisses non gouachées, ce qui permet de juger de la finesse et de la grâce dij
dessins gothiques. . j - 1
M. Mowat donne connaissance d'une lettre de M. Decombe, directeur du Musée <|
Rennes, annonçant la découverte d'une douzaine de bornes milliaires ayant servi <|
matériaux de co'nstruction dans les anciens remparts de la ville. On rencontre sij
ces monuments le nom des empereurs Septime Sévère, Maximin Victorin el Tif
tricus.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le i'uy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 2$.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 23 - 9 juin — 1890
sommaire î 246. Yêfeth, Commentaire de Daniel, p. p. Margoliouth. — 247.
DucHESNE. Le Liber pontificalis. — 248. P. Fabre, Le Liber censuum de l'E-
glise romaine, I. — 249. Pirenne, La constitution de Dinant au moyen-âge. —
25o. CoviLLE, Les Cabochiens. — 25i. De Pimodan, La mère des Guise. — 262.
BuET, François de Guise. — 253-254. Kœrting, Le roman au xvii" siècle. —
255. Vengerov, Dictionnaire des écrivains russes, L — Chronique. — Académie
des Inscriptions.
1246. — A. commentary on the book of Daniel by Jephet ibn Ali the
Karaïte edited and translated by D. S. Margoliouth, M. A., Laudian professor
of arabic in the university of Oxford. — Anecdota Oxooiensa, vol. I, part.
III, semitic séries. — Oxford, Clarendon press, 1889, in-4, xiu-96 et i53 p.
La version arabe des Livres bibliques de Yêfeth, accompagnée de com-
mentaires, nous est parvenue dans un assez grand nombre de manuscrits,
qui témoignent de Tactivité scientifique des Caraïtes au moyen âge et
du crédit dont la version et les commentaires de Yêfeth jouissaient
auprès de ses coreligionnaires. Notre siècle qui s'intéresse tant aux études
d'histoire religieuse, ne pouvait laisser ces documents dans l'oubli. On
doit à M. Tabbé Barges une édition de la version des Psaumes et du
commentaire du Cantique des Cantiques, à MM. Hoffmann, Auerbach
et Neubauer la publication de quelques extraits d'autres commentaires.
Le commentaire du livre de Daniel a paru récemment par les soins de
M. Margoliouth dans les Anecdota Oxoniensia. En même temps,
M. Hœrning publiait à Londres une description critique et détaillée de
manuscrits caraïtes, récemment acquis par le British muséum, qui
donnent le texte hébreu transcrit en caractères arabes avec la version et
les commentaires de Yêfeth et d'autres auteurs caraïtes.
Le commentaire de Daniel est une des dernières œuvres de Yêfeth et
(doit être placé au commencement du xi'^ siècle, vers loio, comme l'éta-
blit M. M. Au point de vue de l'exégèse biblique, il est de médiocre
valeur. Les connaissances de l'auteur en hébreu et en araméen sont
superficielles^ au jugement de M. M. Ce commentaire est, en outre,
dépourvu des observations grammaticales qu'on rencontre dans les
«Autres parties de Yêfeth. L'histoire, d'un autre côté, y est à peu près
^^wuUe. Yêfeth n'a que des notions vagues des temps anciens; en ce qui
«Concerne les événements de son époque, auxquels il rapporte quelques-
unes des prédictions de Daniel, ses allusions aux conquêtes des Carmates
sont évidentes, comme le remarque M. M., mais elles ne révèlent rien
de particulier.
Nouvelle série, XXIX. z3
442 REVUE CRITIQUE
Le texte, édite avec soin et accompagné de variantes, ne présente pas
de grandes dillicultés; néanmoins, on sera reconnaissant à Téditeur d'en
avoir donne une traduction anglaise. M. Margoliouth ne s'est pas con-
tenté d'étudier le commentaire de Daniel, mais il a parcouru les com-
mentaires des autres livres, dans les éditions qui en ont été publiées ou
dans les ms. qu'il a eus à sa disposition. 11 a relevé, au cours de ses lec-
tures, les mots arabes présentant des formes rares ou des sens nouveaux,
dont une partie ne se trouve pas dans les dictionnaires, même dans les
Suppléments de Dozy, et il a joint à son édition un glossaire de ces
locutions. Celles-ci sont, il est vrai, de valeur inégale; la plupart appar-
tiennent vraisemblablement à l'arabe, mais d'autres, empruntées à l'hé-
breu ou à l'araméen, doivent être considérées comme propres au dia-
lecte des juifs. L'habitude de ces glossaires si utiles tend à se généraliser ;
elle marque un progrès sensible sur les anciennes éditions et on ne sau-
rait trop remercier les auteurs de ces contributions lexicographiques.
Rubens Duval.
Bibliothèque des Ecoles françaises d'Athènes et de Rome.
247. — l>e L.ibei> pontifîealis, texte introduction et commentaire, par M. l'abbé
L. DucHESNE, ancien membre de l'Ecole française de Rome, professeur à l'Ins-
titut catholique de Paris. Paris, Thorin, 1889. I, cclxii-536 pages; II, 444 pages
in-fol. (en 5 fascicules).
248. — Ke t^iber eensuuin de l'Eglise romaine, publié avec une préface et
un commentaire par M. Paul Fabre, ancien membre de l'Ecole française de Rome.
Pi-emier fascicule. Paris, Thorin, 1889, 144 pages in-fol.
J'annonçais ici même, il y a douze ans ', les premiers travaux de
rÉcole de Rome qui, unie à FÉcole d'Athènes, venait de fonder la Bi-
bliothèque des Ecoles françaises d'Athènes et de Rome. L'étude de
M. l'abbé Duchesnesur \q Liber pontificalis, les recherchesde M. Mûntz
sur l'œuvre archéologique de Jacques Grimaldi, un essai de M. Clédat
sur le Mystère provençal de sainte Agnès, ouvraient cette publication
qui, depuis lors, s'est continuée avec éclat, tenant admirablement les
magnifiques promesses du début. L'activité scientifique de TÉcole de
Rome n'est point contenue dans les limites de ce recueil qui compte
aujourd'hui 55 volumes in-8. Elle a créé parallèlement à la Bibliothè-
que in-8 primitive, deux publications destinées, l'une, aux communica-
tions de peu d'étendue, les Mélanges d'archéologie et dliisloire^'^
l'autre, aux grandes entreprises scientifiques ; je veux parler de la Bi-
bliothèque in-folio oii ont pris place les Registre des papes, publiés par j
MM. Elie Berger, Grandjean, Digard, Faucon, Thomas, Langlois, Au-
vray, \q Liber pontificalis, édité par M. l'abbé D., le Liber censiium,
confié aux soins de M. Paul Fabre. Il est peu d'exemples d'un labeur]
aussi actif et aussi fécond.
Je voudrais aujourd'hui faire connaître à nos lecteurs les publications
de M. l'abbé Duchesne et de M. Paul Fabre.
I. Voyez la Revue critique du 24 août 1878.
d'histoire et de littérature 4^3
— Le Liber pontificaîis est cette célèbre chronique ou histoire des
papes, devenue au moyen âge quasi officielle, attribuée faussement à
Anastase. Auk yeux de M. l'abbé D., le premier noyau du Liber ponti-
ficaîis^ œuvre poursuivie ultérieurement par de nombreux continua-
teurs, date du milieu du vi'= siècle : cette partie initiale du Liber ponti-
ficaîis, est une œuvre entièrement privée ; il en est de même des pre-
mières additions. A partir du commencement du vni° siècle, le Liber
■pontificaîis est rédigé dans l'entourage même du pape et atteint sa plus
haute valeur au point de vue de l'histoire générale. Il se continue de
siècle en siècle jusqu'au pontificat de Martin V. Cest avec ce pontificat
que sera close cette magnifique publication. Elle s'étend à l'heure ac-
tuelle jusqu'à la dix-neuvième année du pontificat d'Alexandre III.
Une seule et assez prochaine livraison terminera Touvrage.
Les conclusions critiques auxquelles est arrivé M. Pabbé D. sont en
grande partie nouvelles. Comme toute découverte historique impor-
tante, elles ont provoqué la contradiction, L'idée d'un Liber pontifica-
îis, rédigé au vi^ siècle, chagrinait le regretté Waitz : il entama avec
M. Fabbé D., sur la question du Liber pontificaîis, une polémique des
plus intéressantes. L'érudition du savant abbé est vive, mais en même
temps persuasive : aussi Waitz se rapprochait-il peu à peu et, comme
malgré lui, de son adversaire. Les deux érudits allaient peut-être se
rencontrer ', lorsque la mort enleva à la science le vénérable Waitz à
demi-convaincu. Ceux qui n'ont point, comme l'abbé D., le bonheur
de convertir (du moins un peu) leurs adversaires avant la mort, le féli-
citeront tout particulièrement d'un si rare et si doux succès.
Je n'ai pas, comme Waitz, étudié personnellement l'histoire du Liber
pontificaîis , et mon adhésion est sans valeur aucune. Ce que je vois, ce
que je sens, c'est l'extrême difficulté du sujet; c'est aussi la vaste éru-
dition, la critique assurée et ferme de l'abbé Duchesne. Il nous a donné
lui-même, dans un résumé rapide, quelque idée des difficultés de l'en-
treprise. « Les manuscrits du Liber pontificaîis sont en très grand
« nombre, écrit l'éditeur de cette chronique célèbre ; j'en ai étudié envi-
« ron cent cinquante, et je ne me flatte pas d'avoir tout vu. La
« classification des manuscrits, pour un ouvrage quelconque, est tou-
« jours une tâche assez délicate, qui exige beaucoup de patience et de
« sagacité. Mais ces difficultés sont incomparablement plus grandes,
« quand il s'agit d'un texte comme celui du livre pontifical qui n'a
«point été écrit d'un trait, par un seul et même auteur, mais
« repris et continué pendant plusieurs siècles par une quantité de
« personnes différentes. Les notices pontificales ont été quelque-
« fois rédigées une à une, soit par divers auteurs, soit par la même
« personne qui s'y mettait à plusieurs reprises; d'autres fois, surtout
I. Voyez pour ces discussions Waitz dans Nettes archiv., t. IV, p. 2(7 et suiv. ;
t. V, p. 211 ; t. IX, p. 464; t. X, p. 461 ; t. XI, deuxième cahier; l'abbé Duchesne
àans Mélanges d'archéologie et d'histoire, t. VI.
444 REVUE CRITIQUE
« au commencement, elles semblent avoir été rédigées et ajoutées par
(' séries, trois ou quatre à la fois. Ces continuations ont été insérées
« dans des manuscrits déjà divergents pour la partie antérieure. Le
« complément une fois fait, il s'est bientôt produit des divergences nou-
« velles; le groupement introduit par les divergences des continuations
« ne suit pas nécessairement le groupement établi par les divergences
<■( de la partie primitive : il serait même étonnant quMl le suivît. De là,
« un perpétuel changement des rapports entre les manuscrits. » Tel
manuscrit ou tel groupe de manuscrits pourra représenter, pour le
commencement, la tradition la plus pure; à partir d'un certain point de
la série pontificale, « il perdra cette situation prééminente, quitte à la
reprendre plus tard et à la reperdre encore, et ainsi de suite ». Il
faudrait donc, semble-t-il, presque à chaque vie, recommencer le clas-
sement. En fait, la situation relative des manuscrits donne lieu à de
très grandes difficultés; mais les choses ne sont pas poussées jusqu'à ce
point extrême de rendre nécessaire un classement nouveau pour chaque
vie de pape. Le Liber pontificalis semble avoir été longtemps continué
sur un manuscrit unique ou sur des copies peu nombreuses : les mê-
mes vicissitudes de transmission ont atteint et modifié de la même
façon un bon nombre de notices. Par suite, le classement des manus-
crits n'est pas à refaire aussi souvent qu'on pourrait le supposer à pre-
mière vue '.
Il me paraît infiniment probable que la science s'en tiendra aux clas-
sements de l'abbé D., et que son texte du Liber pontificalis ne sera pas
sérieusement modifié. Les préfaces du savant éditeur sont, avec les no-
tes qui suivent l'histoire de chaque pontificat, une mine merveilleuse de
renseignements historiques, archéologiques, etc., puisés aux sources
les plus pures. L'abbé D., comme tout travailleur sérieux, se corrige
volontiers. J'ai plus de foi dans les corrections qu'il pourra de temps
en temps nous offrir qu'en celles que je pourrais proposer aujourd'hui.
— Le Liber censuum Romane ecclesie a été rédigé en 1192 par le
camérier Cencius, en d'autres termes, par l'intendant général des finan-
ces du pape. Ce Cencius (devenu lui-même pape sous le nom d'Hono*
rius lll )nous a donné sous ce titre quelque chose comme le budget de.J
certaines recettes ordinaires de la cour de Rome à la fin du xii^ siècle.?]
Muratori avait donné du Liber censuum une édition insuffisante. Celle tj
de M. F.- dont il n'a paru encore qu'un seul fascicule, semble devoir
satisfaire aux exigences de la critique la plus sévère et la plus minu-
tieuse. L'introduction paraîtra ultérieurement; mais, dès à présent,
d'abondantes notes (trop abondantes peut-être) nous renseignent sur
toutes les questions que soulève la partie du texte publié, notamment
sur la valeur des monnaies diverses mentionnées par Cencius. A ce pro*
pos, M. F. cite, avec pleine confiance, une ordonnance de Philippe le
I. Duchesne, L'historiographie pontificale au vai^ siècle, pp. 3, 5. (Extrait des
Mél. d'archéologie et dhistoire, 1884.)
d'histoirb et de littératdrb 445
Bel, de i3o5, sur la valeur du gros tournois. M. de Vienne a démontré
tout récemment (et postérieurement à la publication de ce premier fas-
cicule) que ces évaluations officielles, sentant quelque peu le cours
forcé, n'ont pas le caractère rigoureux et absolu qu'on leur a trop faci-
lement attribué. Le cours vrai s'établissait de lui-même ; la banque et
le commerce le faisaient, non pas un édit '. C'est là une considération
importante dont il faudra désormais tenir compte.
Le Liber censuum mentionne à chaque page les redevances dues par
des églises qui s'étaient mises sous la protection particulière du pape.
L'origine de cette situation canonique spéciale des monastères exempts
(lesquels d'ailleurs ne payaient pas tous une redevance) vient d'être
l'objet d'une étude très remarquable, entreprise par M. le docteur Blu-
menstock. Je signale à M. Fabre ce travail tout récent 2. Il sera fort
utile au savant éditeur du Liber censuum pour son introduction encore
attendue. V.
24g. — Oistoire de la constitution de la ville de Dînant au moyen-âge,
par H. PiREfJNE. (Université de Gand. Recueil de travaux publiés par la faculté
de philosophie et lettres, 2* fascicule. Gand, librairie Clenim, 1889. i vol. ia-8,
VI-119 p.
L'histoire de la constitution des villes liégeoises n'avait été jusqu'ici
lobjei d'aucune étude spéciale. Le livre que vient de publier M. Pirenne
sur Dinant-sur-Meuse comble donc une importante lacune de l'his-
toire municipale, en nous fournissant des éléments de comparaison qui
faisaient complètement défaut pour toute cette région. C'est à ce point
de vue qu'il importe de signaler à l'attention ce savant travail, qui
peut être d'ailleurs cité comme un véritable modèle, tant par la sûreté
et la précision des résultats que pour les nombreux et intéressants rap-
prochements qu'il suggère.
Le volume de M. P. est divisé en cinq chapitres. Dans le premier,
consacré à l'histoire des origines de la ville et de son premier dévelop-
pement, l'auteur, grâce à un précieux document dont la rédaction doit
être fixée un peu avant l'année 1047, nous donne des notions exactes
sur l'administration de Dinant au xi° siècle. Peu de villes possèdent un
texte aussi explicite pour les institutions de l'époque qui précéda la
période communale. M. P. en a tiré le meilleur parti. Il nous montre
la ville divisée, au point de vue delà juridiction, entre deux seigneurs,
le comte de Namur et l'évêque de Liège, et nous énumère ensuite leurs
droits respectifs. A cette époque, les habitants, et cela est important à
constater, n'interviennent en rien dans l'administration. Le pouvoir du
comte offre un caractère différent, suivant les lieux sur lesquels il
s exerce. Il apparaît à la fois comme ayant, sur certains domaines, les
1. M. devienne, Des malentendus habituels au sujet des anciens procédés moné-
taires, Nancy, 1890.
2. Blumenstock, Der pœpstliche Schut:{ im Mittelalter, Innsbruck, 1890.
446 REVUE CRITIQUE
droits d'un propriétaire, sur d''autres, les droits d'un avoué-lige, sur
d'autres entin, et ces derniers comprennent la plus grande partie de la
ville et de son territoire, les droits d'un représentant de l'autorité sou-
veraine, c'est-ù-dire d'un justicier. Cette distinction entre la propriété et
la justice est à tous égards capitale. C'est surtout pour l'avoir négligée
que tant d'historiens locaux ont entièrement méconnu le caractère des
institutions urbaines antérieures à l'organisation communale. Le comte
qui résidait à Namur n'administrait pas directement la centène de
Dinant. Il déléguait ses pouvoirs à des ministeriales, parmi lesquels
étaient recrutés les échevins, identiques aux monetarii, et le maire, le
ministerialis comitis par excellence. Les revenus que le comte tirait de ^
la ville constituaient des jiisticiœ, provenant pour la plupart du droit
de tonlieu et de la réglementation du commerce. Il faut y ajouter la
monnaie et la surveillance de la route royale. Cette dernière s'exerçait
à Dinant d'une manière qui, pour n'être pas absolument spéciale à
cette ville, n'en est pas moins digne d'être rapportée. Chaque année, un
homme à cheval, une lance posée en travers sur sa selle, parcourait la
ville d'un bout à l'autre. Tout ce qui s'opposait à son passage devait
être abattu ou racheté au bon plaisir du comte. Quant à la juridiction de
l'évéque de Liège, elle s'exerçait sur plusieurs églises qui formaient dans
la ville une enclave complètement soustraite à l'autorité comtale. Il n'y
avait aucun rapport entre sa juridiction et celle du comte. En 1070, un
diplôme de l'empereur Henri IV modifia de fond en comble cette situa-
tion, en accordant à l'évéque de Liège tous les droits régaliens qui
constituaient le comitatiis^ concession qui eut pour résultat de mettre
fin à l'intervention du comte dans la ville. Cette brusque substitution
d'un pouvoir à l'autre est on ne peut plus digne d'être remarquée.
M. P. fait observer avec raison que le comte de Namur n'est point
devenu burgrave, comme tant d'autres comtes de l'empire. Le rappro-
chement entre les attributions de ce dernier et celles des burgraves de
Spire, Worms, Mayence, Metz, Ratisbonne, Toul et Genève, montre bien
que ceux-ci ne sont que des comtes transformés. Le changement qui se
produit à Dinant par la substitution de la juridiction épiscopale à la juri-
diction comtale est une conséquence de la politique impériale, dont le but
constant a été, dans les Pays-Bas, de diminuer l'influence des princes
laïcs au profit des princes ecclésiastiques. L'étude de l'histoire de
Dinant à cette période jette donc de vives clartés sur l'évolution du nom-
bre de villes pour lesquelles on ne possède pas de texte aussi explicite.
Tout cela est fort bien présenté dans le livre de M. P. Son exposition
est précise, serrée, parfois même presque trop condensée. Il ne donne
aucun détail oiseux, allant droit au but et ne multipliant les compa-j
raisons que là où elles sont nécessaires et suggestives 1.
I. Bien que le texte de 1047 (ou environ) ait été déjà publié trois fois, M. P.
aurait dû, semble-t-il, le donner à nouveau, vu son importance. Cela lui eût évité!
de nombreuses citations qui, dispersées, n'ont pas toujours toute la clarté désirablej
pour le lecteur qui n'a sous la main ni Waitz, ni Wauters, ni Bormans.
d'histoire et de littérature 447
Au cours des xi« et xii^ siècles, la ville, grâce à Textension du com-
merce et surtout de l'industrie du cuivre, prend un développement de
plus en plus considérable. Un grave changement politique, la forma-
tion d'une bourgeoisie, résulte de ce fait. L'échevinage subit une trans-
formation profonde. Il apparaît dès lors comme un tribunal stricte-
ment urbain, sans perdre pour cela son caractère seigneurial. C'est, en
quelque sorte, le tribunal naturel des habitants qui en sont devenus les
maîtres. Cette révolution intérieure ne s'est produite ni à la suite d'une
révolte, ni au moyen d'une concession formelle de la part des évêques.
L'avènement de la bourgeoisie n'est que le résultat fatal de sa prépon-
dérance économique sur les anciens ministeriales. Aussi bien à Dinant
que dans les autres villes liégeoises, le maire n'est jamais devenu un
magistrat communal. La question de l'origine des jurés et de leurs
attributions se présente pour toutes ces villes comme extrêmement obs-
cure. C'est en 1196 qu'ils apparaissent à Dinant pour la première fois.
Il est incontestable, toutefois, que leurs fonctions ont eu dès le début
un caractère essentiellement communal. Ce qu'il importe de remarquer
ici, c'est que cette distinction des magistrats urbains en deux groupes,
les échevins d'une part et les jurés de l'autre, différencie d'une manière
aussi nette que possible la constitution des villes liégeoises d'avec celle
des villes flamandes. Ce caractère permet, en outre, de rapprocher le
ty)it constitutionnel des villes liégeoises de celui de plusieurs villes
picardes. Cette organisation, si curieuse et si particulière à tous égards,
a été récemment mise en lumière à propos de Saint-Quentin et de
Noyon. La distinction des deux juridictions, trop longtemps confon-
dues par les historiens, avait été complètement méconnue jusqu'à ces
dernières années. Il faut la considérer désormais comme dûment établie.
M. P. apporte une nouvelle confirmation en faveur de cette théorie,
dont la portée est encore plus générale qu'on ne l'avait cru tout d'abord.
Au point de vue de l'histoire des institutions communales, les consé-
quences en sont tout à fait décisives.
Le chapitre III est consacré au tableau des différentes classes sociales
entre lesquelles la population se trouvait répartie. En face de la haute
bourgeoisie ou patriciat^ se dressait le commun, divisé lui-même en
deux groupes nettement tranchés : les batteurs de cuivre qui représen-
taient la grande industrie et les petits métiers qui travaillaient unique-
ment pour le marché local. Les luttes et les rivalités qui se produisi-
rent forcément entre ces trois partis sont l'un des côtés les plus instruc-
tifs de l'histoire Dinantaise. Les batteurs jouaient à Dinant le même
rôle que les tisserands dans les villes flamandes. La constitution de
1348 est le résultat de ces luttes. Elle établit entre les trois fractions de
la bourgeoisie un équilibre qui se maintint durant des siècles. L'or-
i^anisme communal de la ville est dès lors complètement formé. Nous
avons eu occasion de le démontrer nous-même : c'est là un côté de
l'histoire municipale sur lequel on ne saurait trop insister. Rien de plus
4
448 REVUE CRITIQUE
compliqué ni de plus variable que l'étude des situations respectives et
des intérêts si souvent opposés des diverses factions qui se partageaient
l'administration des villes. Faute de le déterminer exactement, le secret
de l'évolution politique des communes échappe entièrement. Il ne nous
semble pas douteux qu'au fur et à mesure de leurs progrès, les études
d'institutions municipales n'arrivent à mettre cette question, pour ainsi
dire, au premier plan.
Le chapitre suivant est consacré à Texamen détaillé des différents
rouages de Torganisation communale, M. P. y traite successivement !
des attributions administratives du conseil et des assemblées de la géné-
ralité, des fonctionnaires municipaux, des finances dont l'histoire ne
présente à Dinant aucun caractère spécial, de la juridiction du conseil,
des droits de l'évéque dans la ville, etc. Est-il bien vrai, comme l'affirme
M, P., que les fonctions des jurés aient été, ainsi que celles des maîtres,
plus onéreuses que lucratives? Nous croyons que la thèse contraire
pourrait être facilement démontrée, si nous en jugeons par ce qui se
passait dans la plupart des communes du Nord ^. Les jurés ne cher-
chaient-ils pas presque partout à regagner ce qu'ils dépensaient à cause
de leurs charges, en s'attribuant des avantages pécuniaires ou autres,
plus ou moins abusifs ? Remarquons, en passant, que parmi les diverses
peines auxquelles pouvait condamner le conseil figurent les voyages ou
pèlerinages. C'est là une variété de châtiment que nos villes françaises
n'ont pas connue. Empruntée à la législation ecclésiastique, elle semble
bien avoir été propre aux Pays-Bas. Il faut avouer, d'ailleurs, que pour
les gens d'humeur vagabonde elle n'avait rien de bien terrible.
Signalons, en terminant, le dernier chapitre du livre de M. P. comme
tout particulièrement excellent. Il est consacré au commerce de Dinant
et à l'industrie du cuivre qui a fait la réputation de la ville au moyen
âge, réputation européenne puisque le nom de dinanderie est resté
employé jusqu'à nos jours pour désigner des objets de cuivre ou de
laiton 2. L'auteur expose avec charme, en citant à propos le détail pitto-
resque, le tableau de la vie économique de Dînant, de ses rapports avec
les industries environnantes, de ses relations commerciales avec l'An-
gleterre, l'Allemagne, les villes françaises et flamandes. Il insiste spécia*
lemenî sur la participation de la ville aux privilèges de la Hanse et con-
clut en dégageant avec une grande netteté ce qu'on peut appeler les
causes profondes de la ruine de « cette petite ville tranquille qui, dans
sa belle vallée, dort au bord de la Meuse ^ ».
1. M. P. ajoute (p. 54) : « La démocratie du moyen âge, à la différence de la démo-
cratie grecque, s'est fixé en quelque sorte une limite à elle-même en n'établissant
pas le principe du paiement des fonctionnaires publics. » Les abus de tout genre
auxquels donna lieu ce principe (que M. P. présente sous une forme trop absolue,
valaient-ils beaucoup mieux?
2. Remarquons, toutefois, que ce nom s'applique aujourd'hui à des objets plus ou
moins artistiques, tandis qu'il servait à désigner, au moyen âge, surtout les objets
d'un usage courant : pots, chaudrons, bassins, etc.
3. L'auteur consacre, en outre, un court appendice à l'histoire de la constitution
de la ville jusqu'à la fin du xviii* siècle.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 44g
On peut voir par tout ce qui précède que le livre de M. P. est de
ceux qui comptent en matière d'histoire municipale. Nous ne lui ferons
qu'un reproche, c'est d'avoir apporté une négligence parfois choquante
dans l'impression de son ouvrage i. Nous aurions également désiré une
table analytique plus détaillée et des citations plus complètes pour
nombre de textes décisifs auxquels l'auteur se contente de renvoyer
sommairement. Quoi qu'il en soit, les résultats fournis par ce travail,
bien composé et écrit sans prétention, sont aussi nombreux qu'impor-
tants. Il témoigne d'une connaissance approfondie non point seulement
des institutions communales de la Belgique, mais aussi de celles de la
France et de TAllemagne. Nous ne pouvons qu'engager M. P. à nous
donner sur Liège, la grande ville de la région qu'il vient d''étudier, le
travail définitif qu'il est mieux que personne en état d'entreprendre et
de mener à bonne fin.
A. Lefranc.
25o. — A. CoviLLE, Les Cabochlens et l'ordonnance de 1413. i vol. in-8,
xix-456 pages. Paris, Hachette, 1888. 7 fr. 5o.
Le volume de M. Coville est un ouvrage de début, ou peu s'en faut ;
c'est pourtant déjà un ouvrage de maître. M. C. a étudié son sujet à
fond; il connaît toutes les chroniques imprimées qui s'y rapportent; il
a fait une très fructueuse excursion à travers les manuscrits des Archives
nationales et de la Bibliothèque nationale; il a trouvé des pièces fort
curieuses à Rouen, à Dijon, à Noyon. Et pourtant qu'on se rassure.
M. C. a un sentiment trop net de l'histoire pour s'exagérer la valeur
de ses découvertes ; vous ne trouverez jamais chez lui des phrases de ce
genre qu'on lit chez tant de nos érudits : « Ce parchemin découvert par
moi renverse toutes les opinions admises jusqu a ce jour. » Bien au con-
traire, il ne se dissimule pas que, même après les documents qu'il a mis
au jour, l'histoire du soulèvement cabochien se présente à nous à peu
près de la même façon qu'auparavant : « Mais, dit-il en fort bon termes,
en histoire il ne s'agit pas seulement, pour faire œuvre utile, de ren-
verser complètement sur un sujet donné les idées reçues jusqu'alors. Ce
n'est point perdre son temps et sa peine que de chercher à pénétrer plus
profondément dans la connaissance exacte d'une époque, ou de préciser
avec plus de rigueur les détails de quelque grand événement de la vie
nationale. » L'auteur a encore évité un autre écueil. Il n'a point placé
ses nombreux documents inédits bout à bout, les réunissant par quel-
que transition factice : il les a mis en œuvre, il les a coordonnés suivant
I. Nous ne pouvons relever ici que quelques-unes des plus graves négligences au
point de vue typographique. P. i3, plusieurs lignes interverties et incompréhensi-
bles; p. 18, entourré ; p. 54, du payements ; p. 102, proposition pour proportion;
p. ig, 3i, etc., beaucoup de mots allemands ou latins intercalés dans le texte sans
qu'aucun artifice typographique permette de les distinguer du reste de la phrase,
par exemple p. 92, gS, etc.
450 REVUE CRITIQUE
un plan simple et pourtant très artistique ; bref, il a composé un excel-
lent livre, à la portée de tout le monde, d'une lecture fort attachante.
Son ouvrage se divise en cinq grandes parties. Il nous montre d'abord
au milieu de quelles circonstances a été élaborée l'ordonnance cabo-
chienne. La guerre étrangàe et la guerre civile dévastent le royaume;
— le roi est fou, la maison des fleurs des lys est sans prestige, on n'a
que mépris pour le dauphin, Louis d'Orléans a donné l'exemple des
vices, tous les moyens sont bons à Jean sans Peur pour prendre le
souverain pouvoir ; — le gouvernement royal est désorganisé, le do-
maine et les aides sont dilapidés ; le conseil, le parlement, la chambre
des comptes souffrent de grands maux ; les baillis et les sénéchaux rem-
plissent mal leurs fonctions. Tels sont les principaux traits du tableau
par lequel s'ouvre le volume. Il est fort bien peint; il renferme une
foule de détails, très exactement étudiés et dont l'accumulation doit
nous donner la sensation du désordre du royaume et nous bien persua-
der qu'une réforme était à ce moment indispensable. M. C. use ici du
procédé qui est familier à Taine; il n'échappe pas sur ce point aux re-
proches qu'on a justement adressés à ce grand écrivain. Il ramasse en
une page des faits qui se sont passés à vingt ou trente années de distance
et aboutit à cette conclusion : qui ne voit qu'en mai 141 3 la situation
était intolérable? Mais, si chaque fait en lui-même est exact, l'ensemble
ne laisse pas d'être légèrement faux. Le tableau est trop poussé au noir.
M. C. nous a fait toucher du doigt les vices des institutions de la France
au début du xv° siècle; mais peut-être eût-il été bon de nous indiquer
aussi quelle force résidait encore en elles, et la preuve est que Pordon-^
nance cabochienne les a à peu près toutes respectées; elle n'a fait qu'erf
redresser les abus. M
La nécessité de la réforme a été démontrée. Mais qui l'exécutera? Ce
sera le peuple et l'Université de Paris. Dans sa seconde partie, M. C.f
nous fait un tableau fort pittoresque de Paris vers Tannée 1400;'
il nous décrit les sentiments de la bourgeoisie aisée, devenue riche,
vivant du désordre de la cour et, par suite, ne demandant nulle ré-
forme ; puis il en arrive au peuple proprement dit : il nous montre fort
bien comment il était organisé en corporations et en confréries; il nous
présente d'une façon toute spéciale les bouchers établis sur la rive
droite autour de Saint Jacques et sur la rive gauche près de la montagne
de Sainte-Geneviève ; il nous dépeint les sentiments de cette population,
toute préparée à la révolte et au tumulte. Le peuple était la force agis-
sante ; mais, pour le mettre en mouvement, il fallait une inspiration, des
idées. Elles furent fournies par l'Université. Et nous faisons connais-
sance avec cette Université, avec sa foule de maîtres d'étudiants, de
suppôts; nous sommes initiés aux doctrines politiques de ses princi-
paux chefs : Jacques Legrand, Jean Courte-Cuisse, Jean Gerson. Peu-
ple et Université font pour quelque temps alliance ; cette alliance don-
nera IMm.pulsion au mouvement de 1418. Ce second livre est excellent :
nous n'avons qu'à en faire un éloge sans réserve.
d'histoire et de littérature 45 I
Le titre du troisième livre « Les États généraux et les premières
émeutes » nous a un peu trompé. M. C. ne nous avait point encore
parlé des États-Généraux; nous pensions qu'ici il nous montrerait
quel était, dans la constitution de la France au xv^ siècle, le rôle de ces
assemblées. En réalité, il entre immédiatement dans le récit des événe-
ments qui ont précédé la promulgation de la grande ordonnance. Après
que la paix d' Auxerre eut rétabli la paix entre les Armagnacs et les Bour-
guignons, on songea à faire la guerre aux Anglais qui infestaient la
Guyenne et la Picardie, Mais on avait besoin d'argent, et on s'adressa
aux Etats-Généraux. Le résultat de ces États fut la nomination d'une
commission, chargée d'élaborer une réforme. Tandis que cette commis-
sion travaille en silence, le menu peuple s'impatiente. Plusieurs événe-
ments portent son exaspération à son comble; la révolte éclate; Paris a
déjà des « journées » comme elle en aura sous la Révolution. Le récit
de ces journées, que de Barante avait jadis assez mal présenté, est fort
vivant chez M. Coville. Nous recommanderons particulièrement à ceux
qui aiment le pittoresque les pages consacrées au siège de la Bastille,
le 28 avril, et celles où est exposée l'émeute du 22 mai.
Le quatrième livre traite de l'ordonnance elle-même; l'auteur nous
apprend comment elle fut promulguée, dans le lit de justice du 26 mai;
il recherche quelles en ont été les sources, et, par de minutieuses com-
paraisons, il est amené à conclure qu'elle n'est pas très originale, qu'elle
est empruntée, en partie du moins, à des actes précédents, surtout à
ceux du règne de Charles VI. Suit l'analyse même du document, d'a-
près les principales matières qu'il contient. Inutile de dire qu'elle est
tort bien présentée. Nous ne suivrons point M. C. dans les très inté-
ressants détails qu'il nous donne sur la réforme du domaine, des aides,
du parlement, etc. Nous préférons indiquer en quoi notre appréciation
diffère de la sienne. Nous sommes loin de partager l'admiration que
cet acte a provoqué chez les principaux historiens. Michelet l'a appelé
« la sagesse même de la France » et M. G. est à peu près de cet
avis. Sans doute les auteurs de cette ordonnance ont été inspirés par
l'amour le plus sincère du bien public ; sans doute encore quelques ré-
formes, celles touchant les monnaies, la mise en garde des prévôtés,
etc., auraient été très utiles, et en fait celles-ci ont été exécutées. Mais
il était bien dangereux, à notre avis, d'introduire le système de l'élection
pour toutes les charges de l'Etat. La chambre des comptes, le parlement,
—le grand conseil même, semble-t-il — devaient se recruter eux-mêmes;
bien plus, les fonctionnaires les plus importants, les représentants de
l'autorité dans les provinces, sénéchaux et baillis, devaient être élus par
le parlement et le grand conseil. Dans ces conditions, aucun gouverne-
ment n'était possible! C'était l'abdication des droits les plus sacrés de
l'Etat. Et quand on sait de quel esprit étroit étaient animés les mem-
bres du parlement, quand on connaît la conduite que tint ce corps lors
de l'invasion anglaise, l'on reste effrayé des conséquences qu'aurait pu
452 REVUE CRITIQUB
entraîner une telle réforme et l'on se félicite que, le 5 septembre, l'or-
donnance ait été révoquée et déchirée. A ces trois pouvoirs auxquels les
réformateurs donnaient tant d'importance, conseil d'Etat, parlement,
chambre des comptes, il aurait fallu une impulsion venue du dehors;
les États-Généraux seuls auraient pu la donner, et nous continuons de
regretter avec M. Picot que dans la fameuse ordonnance on n'ait point
parlé d'eux. Paris marquait-il ainsi sa défiance vis-à-vis du reste de la
France?
L'espace nous manque pour parler longuement du cinquième livre,
où M. Coville nous raconte comment Paris, secouant le joug des bou-
chers, traita à Pontoise avec les Orléanais, et où il décrit la réaction
contre les écorcheurs, aussi brutale que l'émeute. Mais nous devons en-
core une fois féliciter l'auteur de ce brillant début. Son ouvrage est une
thèse présentée en Sorbonne ; il fait grand honneur à l'Université.
Ch. Pfister.
25 1. — M'' de PiMODAN. La mère «les Oaises, i%ntoinette de Bourbon-
Paris, Champion, i88g, in-H.
2b2. — Ch. BuET. François de Lorraine? due de Guise. Lille (Société de
S'-Augustin; , 18S9, in-8.
Les femmes ont largement contribué à l'illustration du xvi° siècle, et
nombreuses sont les épouses héroïques et les mères magnanimes que
catholiques et réformés s'honorent de compter dans leur parti. Il est assez
piquant que les Bombons, chefs de la cause calvinisteen attendant d'être
rois de France, aient donné a la famille rivale de Lorraine une princesse,
dont l'action devait leur être funeste. Veuve du premier duc de Guise,
vrai prince d'Empire, gêné à la cour de France, et ne vivant à l'aise qu'à
la guerre, à la chasse ou à table, Antoinette de Bourbon est surtout
remarquable pour avoir groupé autour d'elle, dans un intime esprit de
famille, la brillante cohorte de ses enfants et pour l'avoir conduite à
l'assaut de sa propre maison, celle de Bourbon-Vendôme. Ce point n'a
peut-être pas été assez accentué par le nouveau biographe de la prin-
cesse, le marquis de Pimodan. On pourrait aussi reprocher à cet auteur
de se perdre, en parlant de son héroïne, dans le confus dédale des guerres
civiles. La critique s''exercerait aussi sur quelques erreurs de détail,
facilement explicables quand on saura que M. de P. suit à la lettre les
deux panégyriques de la maison de Guise, en les contrôlant avec l'ou-
vrage de M. de Bouille, sans doute, mais aussi avec celle de Mézeray, le
seul auteur d'histoire de France quMl cite. Mais, quoiqu'il passe douce-
ment sur la Saint-Barthélémy, M. de P. a le grand mérite d'émettre des
vues généreuses, des jugements impartiaux, et de savoir écrire. Cela n'a
pas lieu d'étonner chez l'aimable auteur de recueils poétiques et chez
l'historien de la réunion de Toul à la France. Le livre est, en outre,
enrichi d'un portrait, d'une lettre autographe et de nombreuses pièces
d'histoire et de littérature 453
inédites. La lecture d'un tel ouvrage est faite pour instruire et pour
satisfaire les hommes de toutes les opinions.
Tout autre est l'impression laissée par le livre de M. Buet sur Fran-
çois de Guise. M. Buet, personne ne l'ignore, a déjà accablé sous ses
coups redoutables un atroce persécuteur, l'amiral de Goligny. Aujour-
d'hui, généreux paladin, il venge la mémoire d'une innocente victime,
le duc de Guise. Dans une introduction, complément d'une dédicace
enflammée, il se déclare lui-même ravi de son ouvrage. « On le lira avec
attrait, dit-il, parce qu'il est fidèle. On le consultera avec fruit, parce
qu'il est complet {sic). » Dieu nous garde d'entreprendre de lui ôter ses
illusions et de perdre notre temps à constater ses erreurs historiques et
même ses fautes grammaticales. En vérité, M. B. remplit beaucoup
mieu.K sa tâche quand il rend compte, dans les colonnes du Figaro., de
la fête des Vignerons ou de tel autre spectacle de la vie alpestre.
F. D.
Dr. Phil. Heinr. Kœrting. Geschichte des franzœslsclien Romans im
:XVII. Jahrhundert. Leipzig und Oppein, Georg Maslie.
253. — I. Band. Dei- Itleal-Roman, i885, in-8, 5oi pages.
234. — II. Band. Der realîstîsche Roman, 1887, in-8, 285 pages.
A la fin de son premier volume, M. H. Kœrting dit qu'il n'a pas cru
sans intérêt de retracer mieux qu'on ne l'avait fait jusqu'à présent l'his-
toire de la fiction au xvii^ siècle, époque où ont été jetées les bases du
roman moderne. On ne peut que se féliciter de la résolution qu'a ainsi
prise le jeune auteur, puisqu'on lui doit l'ouvrage dont on vient de lire
le titre et que j'annonce bien tardivement. Si on avait fait le « plan ' »
du sujet qu'il n'a pas craint d'aborder malgré son étendue, si on en
avait donné comme l'esquisse % on ne l'avait pas encore traité en détail,
tout intéressant qu'il est; c'est donc une lacune de notre histoire litté-
raire qui vient d'être comblée, raison bien naturelle pour accueillir
avec sympathie le travail dont je viens rendre compte.
L'Amadis est le point de départ du roman moderne; c'est cette œu-
vre aussi, si admirée en son temps, que M. H. K., après avoir établi les
divisions de son sujet, a étudiée tout d'abord. Il a passé ensuite en re-
vue les influences diverses qui ont contribué au développement du ro-
man en France sous les diverses formes qu'il devait prendre, La pre-
mière qu'il signale est celle du roman grec, puis vient celle du roman
espagnol et de la poésie pastorale, tant de l'Italie que de l'Espagne.
Tout cela est exact; mais pour faire l'histoire du roman idéaliste fran-
I. Ernest Courbet, Plan d'une histoire du roman fiançais au xvii« siècle. (Le Chas-
seur bibliographe, 111' année; n» 3, mars 1867.)
2.0. L. B. Wolf, Allgemeine Geschichte des Romans, 8», 1841. — Demogeot, Ta-
bleau de la littérature française au x\n« siècle. Paris, 8° i85g. — Gérusez, Histoire
de la littérature française. Paris, 12°, 1862. — Lotheissen, Geschichte der fran^œ-
sischen Litteratur im XV ï\ Jahrhundert, vol. II et III, 8°, 1879 et i883.
454 REVUE CRITIQUE
çais, objet du premier volume, il n'était point nécessaire de parler du
roman picaresque espagnol, et il y aurait eu avantage, je crois, à en re-
porter Tétude au commencement du second volume, qui traite du ro-
man réaliste.
Le roman pastoral est la forme du roman idéaliste qu'on rencontre
en France tout d'abord ; c'est ce genre faux et conventionnel du moins,
qui le premier a produit une œuvre considérable au xviie siècle;
c'est à lui que M. H. K. a consacré les deux premiers chapitres de
la seconde partie de son livre; ils comptent parmi les meilleurs de son
ouvrage; il est vrai qu'il avait pour guide la thèse sur Honoré d'Urfé de
M. N. Bonafous ^; mais il a su habilement en tirer parti et la redresser
sur plusieurs points. Après avoir étudié VAstrée, M. H. K. a abordé
successivement les formes diverses qu'offre d'abord le roman idéaliste :
forme politique avec VArgénis de Barclay, allégorique représentée par
V Endymion de Gombauld, religieuse avec les nombreux romans de Ca-
nus.
Mais tous ces essais n'étaient que le prélude du roman héroïque; il était
réservé à Gomberville de donner à ce genre sa forme définitive et à la
Calprenède de le porter à son plus haut degré de développement.
M. H. K. a fort bien étudié les œuvres de ces deux écrivains et les ana-
lyses détaillées qu'il a données de leurs longs romans^ en s'aidant par-
fois de celles qu'il trouvait dans la Bibliothèque universelle, nous per-
mettent de nous faire une idée de ces fictions singulières, si différentes
du roman actuel. On comprend en lisant ces analyses comment les con-
temporains ont pu tant admirer des œuvres comme la Polexandre de
Gomberville et surtout la Cassandre de la Calprenède. Cette admiration^
ne resta pas d'ailleurs renfermée dans les limites de la France, la Cfl.s-^
sandre^ ainsi que la Cléopâtre et le Pharamond de la Calprenède fu-
rent traduits en italien et en allemand.
Malgré la réputation dont ils jouirent de leur temps, Gomberville et
la Calprenède finirent bientôt par être oubliés; il en fut de même à plus .
forte raison de leurs faibles émules, tel que François de Molière, Fran-
çois de Gersan, de la Serre, Vaumorière et d'autres encore; mais il était
bon de nous rappeler ce qu'ils ont fait et de nous apprendre par quoi
ils ont fixé un moment l'attention. C'est à cette condition seule que
nous pouvons suivre et apprécier le mouvement littéraire du xvii® siè-
cle. Aussi M. H. K. a-t-il eu grand'raison de consacrer tout un chapi-
tre à ces écrivains secondaires. C'est seulement après en avoir parlé
qu'il a abordé l'étude de la vie et des œuvres de M""^ de Scudéry, der-
nier représentant du roman héroïque et galant. M. Cousin a remis en |
• _ ■ i
I. M. H. K. a peut-être exagéré le mérite de M. Bonafous; il oublie que l'auteur
lui-même reconnaît devoir la plupart de ce qu'il dit d'Honoré d'Urfé au travail an-
térieur d'Aug. Bernard; s'il eût lu les Essais de littérature dramatique de Saint- •■
Marc Girardin, par exemple, il aurait vu également que M. Bonafous est loin d'être
aussi ignoré qu'il l'afiirme.
d'histoire et de littérature 455
honneur cette femme aussi admirée qu'aimée de ses contemporains,
mais tombée depuis dans Je discrédit qu'enveloppa les Précieuses;
M. H. K. n'a pas été moins équitable pour elle, et on lit avec intérêt et
un vrai plaisir le chapitre où il a étudié sous tous ses aspects le talent et
la hgure sympathique de l'auteur du Grand Cyrus ; comme pour la
Calprenède il nous a donné l'analyse de ses romans, dont le premier,
peut-être à cause de son caractère historique, fut presque aussitôt tra-
duit en allemand; et il a très bien résumé tout ce qu'on a dit pour ou
contre cette femme un instant si célèbre, mais inférieure comme roman-
cière, M. H. K, le remarque avec raison, à l'auteur de Cassandre .
C'est par l'habileté du dialogue, le talent de la conversation, que se
distinguent les œuvres de M"e de Scudéry, c'est l'étude du cœur humain,
l'analyse délicate des passions, qui distinguent surtout celles de M™^ de
Lafayette, et par là elle a vraiment fondé le roman psychologique.
Ici nous sommes en présence, non d'un écrivain, qui se soit survécu,
mais qui est resté vivant, car ses romans, grâce à leurs qualités de style,
à leur peu d'étendueet à leur simplicité, comme à l'intérêt de l'intrigue,
se lisent encore aujourd'hui. M. H. K. s'est attaché à mettre tous ces
mérites en évidence, ainsi qu'à donner de l'auteur de la Princesse de
Clèves un portrait, auquel ses relations avec la cour de Savoie, restées
jusqu'à ces derniers temps ignorées, donnent un caractère énigmatique
non soupçonné. Avec M™<^ de Lafayette se terminée vrai dire la pre-
mière période du développement de l'ancien roman réaliste en France,
car les quelques imitatrices qu'elle a eues et dont M. H. K. cite les
noms méritent à peine de compter; c'est par elle aussi qu'il a terminé
sa consciencieuse histoire de ce genre littéraire; cette histoire comprend
le premier et le plus long volume de son ouvrage, le second beaucoup
plus court traite du roman réaliste.
M. H. K. a montré une préférence, peut-être exagérée, pour cette
(orme de roman et pour ses représentants français; quelques-uns sans
doute ont possédé un véritable talent et ont eu un grand succès; mais
ce succès, il faut le reconnaître, est dû en partie aux petites dimensions
de leurs œuvres; une invention originale leur a presque toujours man-
qué et surtout cette sympathie profonde et vraie pour leurs héros, qui
les aurait sans doute empêchés de les avilir trop souvent dans de basses
et grossières aventures. Leur réalisme est par trop trivial, et il est sin-
gulier qu'avec tous ces défauts lisaient prétendu parfois faire œuvre de
moralisation. Avec le Phormion de Barclay s'ouvre ce second volume,
puis viennent les Fragments dhme histoire comique de Théophile de
Viau; l'auteur de Pjrrame et Thisbé y a fait preuve d'incontestables
qualités d'écrivain et de romancier; malheureusement les Fragments
ne renferment que quelques pages et il est difficile de dire si Théo-
phile se serait soutenu longtemps à la même hauteur et s'il aurait été
capable de poursuivre une fiction prolongée. Ce talent, Charles Sorel
l'a eu ; mais « l'histoire de Francion » est souvent plus triviale que
456 REVUE CRITIQUE
comique, et ce « premier roman de mœurs français » laisse une impres-
sion plus désagréable que saine et forte. M. H. K. Fa traité avec trop
d'indulgence. Lq Berger extravagant est plus fait pour plaire; mais
Sorel n'avait pas, pour rendre ce sujet vraiment intéressant, cette puis-
sance d'hwnoîir, qui a assuré au Don Quichotte Timmortalité. Le ta-
bleau curieux et fidèle qu'offre le Polyandre de la société bourgeoise
contemporaine montre toutefois que Sorel, dont l'érudition est con-
nue, avait aussi un vrai talent d'observation.
Sorel est avec Cyrano de Bergerac et surtout Furetière le seul ro-
mancier réaliste du xvii^ siècle dont on parle d'ordinaire; M. H. K.
a eu raison d'y joindre les noms de Lannel, de Maréchal et de Tristan
l'Hermite; la Chrysolite du second, bien que le mérite m'en paraisse
avoir été exagéré, témoigne de grandes qualités, et, dans le Page dis-
gracié, Tristan a montré qu'il n'était pas moins fait pour le roman
que pour le théâtre. Cyrano de Bergerac occupe une place à part dans
l'histoire littéraire de la minorité de Louis XIV; sa « burlesque au-
dace » a presque trouvé grâce devant Boileau, et Fétrangeté de ses
Voyages dans la lune et le soleil l'a sauvé de l'oubli. M. H. K. me
paraît l'avoir bien jugé; il a signalé avec soin les devanciers qu'il avait ^j
eus pour ses merveilleuses et singulières inventions, comme les imita-
teurs qu'il avait trouvés, et en s'aidant des travaux dont Fauteur du
Pédant joué avait été Fobjet, il a fait un portrait ressemblant et cu-
rieux de cet écrivain bizarre, mais original, enlevé à la fleur de l'âge
et avant que son talent eût atteint toute sa maturité.
Tandis que la plupart des romanciers du xvi'' siècle, après une célé-
brité plus ou moins longue, ont été bientôt dédaignés, sinon complè-
tement oubliés, Scarron n'a pas cessé d'être connu et même d'être
lu; le genre burlesque, dont il est le créateur en France, lui assurait
déjà une place dans notre histoire littéraire; on ne peut faire aussi le
tableau de la comédie avant Molière sans citer ses pièces, et son Jodelet
est devenu presque un type dramatique; enfin son Roman comique^
par son originalité, son style facile et le plaisant de ses fictions, est un
modèle du genre; Théophile Gautier l'a non seulement loué, mais
imité, et M. H. K., après lui, a su trouver quelques traits heureux
pour caractériser cette œuvre curieuse et amusante.
Après le Roman comique de Scarron, le Roman bourgeois de Fure-
tière occupe la première place et lui est même supérieur; mais il sem-
ble que le bruit qui se fit autour de la querelle de l'auteur avec l'Aca-
démie ait nui à son chef-d'œuvre; Voltaire n'en a point parlé et ne cite
que son Dictionnaire. Mais le Roman bourgeois, auquel Furetière
s'était préparé par deux autres œuvres d'imagination, l'Histoire des
derniers troubles arrive^ au royaume d'Eloquence et le Voyage de
Mercure, n'en a pas moins une haute valeur, et c'est avec raison que
M. H. K. s^est efforcé, après Francis Wey, de lui rendre la justice
qu'il mérite. Cette œuvre marque l'apogée du roman réaliste au
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 457
xvii^ siècle; mais ce genre eut bien d'autres représentants que ceux qui
viennent d'être nommés. M. H. K., à l'exemple de V. Fournel, en a
cité quelques-uns, comme Ant. le Métel, le sieur de Préfontaine, P. de
la Serre, Subligny, le comte de Crameil, le Petit, ainsi que Bussy-
Rabutin pour son Histoire amoureuse des Gaules et Pabbé de Pure
pour La Prétieuse; on se serait attendu à y trouver aussi La Fontaine,
à cause de son roman Psyché, dont Pétude avait été annoncée à la fin
du premier volume; mais comme il est difficile d^ voir une œuvre
réaliste, je ne ferai pas à M. H. K. un reproche d'avoir omis d'en par-
ler. J'aime mieux, en terminant, le louer du soin qu'il a apporté à faire
son livre et de Térudition ainsi que du talent dont il a fait preuve en
l'écrivant.
J'ai déjà, en deux ou trois endroits, relevé ce que je regardais comme
des erreurs ou des inadvertances; en voici quelques autres que je crois
devoir signaler. Comment (vol. 1, p. yS) Patru aurait-il en 1629 visité
d'Urfé à l'instigation de Huet qui n'est né qu'en i63o? Toulgou, et
non Tolgou, lieu de naissance de la Calprenède, est situé dans l'arron-
dissement de Sarlat et non près de Cahors, comme on le lit vol. I,
p. 242. On ne voit pas bien (vol. I, p. 468) quels rapports M™" de La-
fayette, née au Havre en 1634 et venue assez tard à Paris, aurait pu
avoir avec Voiture, mort dès 1648. A la p. 214, lig. 2, du vol. II, il
faut 1644 au lieu de 1647; deux lignes plus loin, on lit que la Ma\a-
rinade, « imprimée seulement » en 1649, paraît avoir été composée dès
7645; mais cela est impossible; l'opposition à Mazarin ne commença
qu'avec la Fronde en 1648; la composition du pamphlet de Scarron ne
peut être antérieure à cette dernière date '. A propos du nom de l'auteur
du Roman comique, M. H. K. dit p. 207, note 2, qu'il l'écrit avec deux
r, pour se conformer à l'usage, encore que les documents l'écrivent
avec un seul ; mais le document qu'il cite, le « Brevet d'une pension
accordée à Françoise d'Aubigné » n'a aucune autorité; ces sortes de
pièces fourmillent souvent de fautes; la signature du poète ou quelque
acte civil ou religieux comme son extrait de naissance ou son contrat de
mariage pouvaient seuls trancher et ont tranché la question.
Ch. J.
255. — s. A. Vengerov. Kritiko-l>iografitchesk}' Slovar rousskikii pisa«
teleï. Dictionnaire critique biographique des écrivains et des savants russes.
Tome I (comprenant la lettre A), in-8 de xxii, 992 pages. Saint-Pétersbourg, 18S9.
Voici un travail considérable et qui vient à point au moment où la
littérature russe excite la curiosité universelle. L'auteur, M. Vengerov,
occupe lui-même dans cette littérature une place distinguée. Il a colla-
boré au Nouveau Temps, à la Pensée russe, à la Revue d'Europe ; il a
publié d'importantes éludes sur Pisemsky, Tourguenev, Lajetchnikov.
I. 11 dut être écrit en 164g, mais ne fut imprimé qu'en iG5i.
458 REVUE CRITIQUE
L'œuvre qu'il entreprend aujourd'hui répond à un besoin véritable : la
Russie ne possède encore ni une Biographie universelle, ni une bonne
Encyclopédie. Le nombre de ses écrivains augmente chaque jour : cha-
que jour s'accroît aussi le nombre des monographies dont ils sont l'objet.
Au siècle dernier, le chiflfre annuel des publications russes était de
iio; il est actuellement de 3,ooo. Les revues se multiplient et leurs
fascicules ont des proportions plus considérables qu'en Occident. Un
bibliographe, M. Mejov, a pu remplir cinq volumes de chacun 5oo
pages, rien qu'avec le catalogue des articles relatifs à l'histoire publiés
dans les recueils périodiques de i865 à 1875.
M. V. estime que le moment est venu de dresser un inventaire
général de la littérature russe. Depuis trois ans, il s'est mis courageuse-
ment à Pœuvre. Six fois par an environ, il fait paraître un fascicule de
son dictionnaire : chaque fascicule renferme trois feuilles d'impression.
Chaque article donne une notice sur Fécrivain, une appréciation de ses
oeuvres, une bibliographie. Si l'on songe que la lettre A dépasse
900 pages, on peut supposer que l'ouvrage entier comprendra au moins
huit à dix volumes. Quelques-uns des articles ont un développement
considérable et constituent de véritables et définitives monographies.
Je citerai particulièrement les notices sur le dramaturge Ablesimov, le
prêtre Avvakoum, le dramaturge Averkiev, le patriarche Adrien, sur
Constantin Aksakov, Ivan Aksakov, Tévêque Amphilochi, l'historien
littéraire Annenkov, l'historien Artsybachev. La plupart des notices sont
rédigées par M. V.; pour quelques-unes, il a eu des collaborateurs dis-
tingués, MM. Goltsev, Kirpitchinikov, etc.
Il n'appartient pas à un étranger de signaler les lacunes ou les erreurs
qui peuvent se rencontrer dans un ouvrage aussi considérable. Ceci est
l'affaire de la critique russe qui a fait d'ailleurs un excellent accueil à
ce premier volume. Tous ceux qui, en Occident, s'occupent de la litté-
rature russe, ne peuvent que remercier M. Vengerov de la peine qu'il a
prise pour mettre à leur portée des informations dispersées dans un
ensemble de documents le plus souvent inaccessibles. Ils doivent aussi
souhaiter que ce bel ouvrage arrive promptement à son terme et que le
nombre des souscripteurs soit assez nombreux pour permettre à Fauteur
d'améliorer sans cesse son œuvre. Si elle arrive à son parfait achève-
ment, elle constituera un ensemble d'informations incomparable et que
plus d'une littérature occidentale pourra envier à la Russie.
L. Léger.
CHRONIQUE ^'
FRANCE. —Vient de paraître à la librairie Bouillon : A. Bergaigne etV. Hrnrv,
Manuel pour étudier le sanscrit védique. Nous reviendrons sur cet ouvrage du sa-
vant et regretté indianiste.
— M. A. Lefranc a publié et tiré à part (Bulletin hist. et litt. de la Soc. de l'hist.
1
d'histoire et de littérature 459
du protest, français), un document relatif au séjour d'Ulrich de Hutten à Paris en
ibij; c'est une lettre que l'archevêque de Mayence, Albert de Brandebourg, écrit di-
rectement au roi de France, pour lui recommander son envoyé.
— La librairie Lecoffre publie pour l'enseignement secondaire une seconde édition
des Tableaux synoptiques d'histoire étrangère, moy^en âge et temps modernes (3g5-
1789), par Alfred Mativet (1890; 3i planches in-4''). Les p'rincipaux faits de l'his-
toire de chaque pays sont groupés en tableaux qui permettent d'embrasser d'un coup
d'œil l'ensemble et les détails. Le professeur n'a plus qu'à parler pour donner la vie
à ce squelette, pendant que les élèves prendront leurs notes sur la page laissée blan-
che en face de chaque planche. La disposition typographique, comme la distribu-
tion logique des matières, paraît très soignée.
— M. André Joubert nous envoie trois nouvelles brochures : l'une, concernant
la démolition du château de Fiée en i3j3, par Jean Clérembault, gouverneur du
Château-Gontier (Laval, Moreau. In-S", 1 2 p.), l'autre, le Testament de Jean de Craon,
seigneur de la Su::;e et de Chantocé, avant 1452 'Mamers, Fleury et Dangin. In-S",
II p.), une autre sur les négociations pour l'échange de Charles, duc d'Orléans, et
de Jean, comte d'Angoulême, captifs en Angleterre, contre les seigneurs anglais faits
prisonniers à la bataille de Baugé (Angers, Germain et Grassin. In-S", 11 p.).
— L'Académie de Mâcon met au concours ÏEloge de Lamartine en prose et en
vers (terme, 20 septembre 1890).
ALLEMAGNE. — M. Pliilippe Strauch, professeur à l'Université de Tubingue, a
fait tirer à part et nous envoie l'utile et excellente bibliographie qu'il publie une fois
par an dans la Zeitschrift fur deutsches Alterthum. Ce Ver:^eichniss àQs publications
scientifiques parues sur le domaine de la littérature allemande moderne en l'an 1888,
rendra de grands services; il est à la fois complet et bien disposé.
— Sous le litre de Materialien fur das neuenglische Seminar, M. Ern. Regel pu-
blie depuis quelque temps à la librairie Niemeyer, de Halle, les Lectures de Thacke-
ray sur les humoristes anglais du xviii' siècle. Sa collection contient déjà six fascicu-
les Cprix du fascicule, i mark 20) : 1° Swift; 2° Congreve et Addison ; 3o Steele; 4°
Hogarth, Smollett et Fielding; 5» Sterne et Goldsmith. M. G. Schuler a publié en
même temps dans la collection (n" 8), le Prisonnier de Chillon et le Siège de Corin-
the ds Byron. Nous avons sous les yeux le fascicule consacré à Hogarth, Smollett et
Fielding. M. Regel ne se borne pas a donner le texte de Thackeray; chaque lecture
est précédée d'une bibliographie très complète de l'auteur en question et d'une étude
(en allemand), sur sa vie et son caractère; l'étude sur Smollett, par exemple, a été
composée d'après Hannay, et l'étude sur Fielding, d'après Dobson.
— M. Fr.-W. Ebeling a, dans ses Archiv Beitr. :^. Gesch. Frankreichs unter
Car/ /,¥ (Leipzig, 1872, p. ib-ig, 227-230% publié une lettre signée Albanus tuus ;
cette lettre comprendrait dans l'original huit pages in-folio, et serait écrite pour la
plus grande partie en chiffres; elle aurait été déchiffrée vers la fin du xviii* siècle par
un personnage qui l'attribue à Arn. Sorbin; elle commence ainsi : « Christus salva-
tor noster » et finit par les mots a Intérim praemonitus sis ». La lettre a rapport au
meurtre de Fr. de Guise (i 563) et offre un intérêt considérable, si elle est authenti-
que. Ebeling a possédé l'original vers i85o, puis l'a vendu on ne sait à qui. M. Erich
Marcks prie tous ceux qui pourraient le renseigner sur ce document de grande im-
portance, de lui écrire à ce sujet (Berlin, W. 62. NoUendorfstrasse, 33). Il désire savoir
également où A. Sorbin se trouvait au mois de février i563, et s'il était à Blois, à
la cour.
ALSACE, — Les Strassburger Studien, publiées par MM. Ë. Martin et Wiegand,
ayant cessé avec le troisième volume, la Zeitschrift fur die Geschichte des Ober-
rheins, dont la premicre série forme trenle-huit volumes et la seconde, cinq, va s'a-
460
REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTERATURE
grandir et recevoir régulièrement des communications sur l'Alsace. M. Wiegand,
directeur des archives du Bas-Rhin, est chargé de diriger cette partie de la revue et
il vient, à cet effet, d'être nommé membre de la commission historique badoise.
ANGLETERRE. — M. Karl Breul a publié à l'Uni versity Press, de Cambridge,
deux volumes qui seront très utiles aux étudiants : i" un choix des Fabeln iind Er-
■{cchlungcn de Lessing et de Gellert (date de 1887); 2» une édition du Wilhebn Tell
de Schiller. Ce dernier volume qui vient de paraître, renferme, outre une introduc-
tion très nourrie, un commentaire détaillé et instructif.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 3o mai 18 go.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, M. Oppert, vice-président, annonce que le
prix Delalande-Guérineau n'est pas décerné, mais qu'une somme de 800 fr. est accor-
dée, à titre d'encouragement, à M. Amélineau, pour un travail sur saint Pacôme.
Pour le prix Bordin, l'Académie avait mis au concours une Etude sur la géogra-
phie de l'Egypte. La commission a jugé le mémoire n" i digne de recevoir le prix.
Le pli cacheté qui contient le nom de l'auteur étant ouvert, on y trouve également
le nom de M. Amélineau. En conséquence, le prix Bordin lui est décerné.
L'Académie procède au vote pour la présentation de deux candidats à la chaire de
droit du moyen âge à l'Ecole des chartes, vacante par la mort de M. Ad. Tardif.
M. Viollet est présenté en première ligne et M. E. -Joseph Tardif en seconde ligne.
M. Anatole de Barthélémy fait une communication sur quelques monuments rela-
tifs à la monnaie des sires de Beaufremont. Une monnaie attribuée jusqu'ici à Gau-
tier de Beaufremont, mort dans la première moitié du xV siècle, doit être rendue
aux seigneurs de Vauvillers (Franche-Comté) du commencement du xvi' siècle. Deux
prétendus diplômes de l'empereur Frédéric l'^'", de 1168, relatifs aux droits de mon-
nayage des sires de Beaufremont et des évêques de Toul, doivent être rejetés comme à
apocryphes. Enfin, M. de Barthélémy signale l'existence d'un atelier de faux mon- '*
nayeurs qui fonctionnait dans le château de Beaufremont en 1444.
M. Joachim Menant communique des observations sur une pierre, portant une
inscription héiéenne ou hittite, dont le moulage a été présenté à l'Académie en 1889, J
de la part de Hamdi bey, conservateur du musée impérial de Tchinli-Kieuk (Cons-
tantinople), par M. Georges Perrot.
M. Heuzey signale la ressemblance qu'offre cette pierre, de forme ovoïde, avec les 'J
anciens bétyles, dont l'usage, très répandu en Asie, remonte, dit-il, aux origines,*,
de la religion chaldéenne. Ces objets, couverts le plus souvent d'inscriptions dédi-
catoires, sont d'ordinaire des galets roulés et façonnés par les eaux, mais conservant
porfois, comme celui-ci, une face aplatie et une face convexe.
M. Georges Perrot communique une note de M. le D'' Vercoutre, médecin-major
à RamberviUers (Vosges), sur un denier à l'effigie de Cérès, frappé vers l'an 90
avant notre ère par Lucius Cassius Cœcianus. On y voit un attelage de bœufs. Selon
M. Vercoutre, ce sont les bœufs d'Hercule, dérobés par Cacus, dont le nom primitif
était Csecius : l'auteur de ce denier a donc fait une sorte de jeu de mots sur les
noms de Caecius et de Csecianus.
M. Louis Blancard lit une note sur la monnaie romaine au m' siècle. Il main-
tient, contre l'opinion exprimée récemment par M. Mommsen dans la revue Her-
mès, les conclusions développées par lui dans un mémoire soumis à l'Académie en
i885. A la division de Vaureus en fractions de -— , au denier de — - d'aureeus (le
denier de l'édit de Dioclétien, figuré par le signe X), ainsi qu'au sesterce de ce de-
nier, il ajoute le millarés de -^J > créé par Constantin, et réduit, sous Héraclius, à
^^ , Il estime que M. Mommsen a pris à tort le prix maximum de l'or, fixé dans
l'édit de Diocléden, pour un prix normal et moyen.
Ouvrages présentés : — par M. Siméon Luce : 1° Marin (Paul), Jeanne d'Arc taC'
ticien et stratégistc, tome III; 2° Tuetey (Alexandre), Répertoire général des sour-
ces manuscrites de l'histoire de Paris pendant la révolution française; — par M. de
Boislisie : Joret (Charles), le P. Guevarre, supplément; — par l'auteur : Arbois de
JuBAiNviLLE (H. d'), Rechcrches sur l'origine de la propriété foncière et des noms
de lieux habités en France; — par M. Héron de Villefosse : Delattre, Inscriptions
chrétiennes trouvées dans les fouilles d'une ancienne basilique à Carthage {tx\.ïà\i
du Recueil des notices de la Société et mémoires archéologique de Constantine) ; —
par M. Ravaisson : Reinach (Salomon), la Vénus de Alilo (extrait de la Galette des
beaux-arts). Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Fuy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 2S.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N' 24 - 16 juin - 1890
Sommaire : 256. Grill, Hymnes choisis de l'Atharva-veda. — 257. Driver, Les
Livres de SamueL — 2 58. Reichert, La seconde partie de l'Odyssée. — 259.
Madvig, Opuscules académiques. — 260. Lanéry d'Arc, Du franc alleu. — 261.
Gunther, Le Ligurinus, trad. Vulpinus. — 262. Godefroy, Réponse aux attaques
contre le Dictionnaire de l'ancienne langue française. — 203. Krause, Wissem-
bourg et Hans de Drott. — 264. Requin, L'imprimerie à Avignon. — 265. L.
Geiger, Essais et conférences. — 266. Charavay, L'Assemblée électorale de Paris.
— 267. Stockmar, La fuite de Varennes. — 268. Fage, Le diocèse de la Corrèze
pendant la Révolution. — 269. Van Muyden, La Suisse sous le pacte de 181 5. —
Chronique. — Académie des Inscriptions. — Société des Antiquaires de France.
256. — Julius Grill. Hundert Lieder des Atliarva-veda, ûbersetzt und mil
texikritischen und sachliclien Erlaeuterungen vcrsclien. Zweite, vœllig neubcar-
beitete Auflage. Stuttgart, W. Kohlhammer, 1888, xv-2o5 pp. in-8.
La première publication de ces « Hymnes choisis de TAtharva-veda »
remonte à l'année 1879, où ils parurent dans le Programme du sémi-
laire protestant de Maulbronn. Ils avaient été accueillis aussitôt avec
aveur par les indianistes et par tous ceux qui s'intéressent à Thistoire
les croyances et des superstitions. Le choix des morceaux était excei-
ent. ^interprétation et le commentaire témoignaient d'une connais-
ance solide de la littérature védique. La version était claire, souvent
légante, serrant le texte de très près, malgré la forme choisie, qui était
-vers. L'auteur, tout le premier, n'eût pas hautement reconnu sa dette,
u'on y eût deviné la collaboration à la fois discrète et vigilante de son
laître, M. Roth, Mais on y trouvait aussi à chaque ligne la preuve d'un
"avail consciencieux, parfaitement indépendant et personnel. Bref, sous
i forme d'un modeste Programme, c'était un livre utile et bien fait,
ussi ce mémoire,promptement enlevé et toujours redemandé en librairie,
ait-il devenu à peu près introuvable, de sorte qu'unesimple réimpression
it été la bienvenue 1. Mais M. Grill a fait mieux que cela, et c'est une
iition complètement remaniée du premier mémoire qu'il nous a donnée
uis l'élégant petit volume qui est l'objet de cette tardive notice. Le
loix des morceaux est resté le même. Mais, pour tout le reste, le tra-
nl a été remis sur le métier et a bénéficié d'un très grand nombre d'ad-
tions et de retouches. Tout ce qui, dans l'nitervalle, s'était publié sur
-, matière, a été soigneusement mis à profit, y compris le Kaucika-sûtra
'• Si je ne me trompe, le mémoire original a été réimprimé en 1881.
Nouvelle série, XXIX. 24
462 REVUE CRITIQUE
avec le commentaire de Dârila, dans la mesure où ces textes sont acces-
sibles ', et le commentaire de Sâyana sur l'Atharva-veda, en cours de
publication dans l'Inde et dont M. Roth a mis gracieusement les bonnes
feuilles à la disposition de l'auteur. Partout sensible, le travail de revi-
sion a surtout profité aux notes. Les difficultés particulières à l'Atharva-
veda sont principalement de deux sortes : d'abord les realia, un grand
nombre de locutions et de termes obscurs, portant sur des pratiques
bizarres et peu connues, ou désignant des objets, plantes, animaux, ma-
ladies, êtres de fantaisie moins connus encore et de Tinterprétation des-
quels dépend parfois le sens général à attribuer à une formule ou à un
hymne ; ensuite l'état du texte, qui a été moins protégé dans sa tradition
que celui des autres Vedas, et ne nous est parvenu que rempli de vieil-
les négligences. Pour les unes et pour les autres, pour les premières
surtout, l'édition complète du Kauçika-sûtra , à laquelle travaille
M. Bloomfield, sera d'un grand secours. En attendant, M. G. a fait de
son mieux pour y remédier. Partant de Paxiome que toute phrase doit
avoir un sens, il a beaucoup corrigé son texte. Peut-être même est-il
allé trop loin dans cette voie et, au delà du sens possible, a-t-il été cher-
cher parfois le sens plausible. C'est ainsi que, dès le i'^'^ vers de son
second hymne. II, 14, il introduit une correction qui me paraît peu
admissible. Je ne puis pas croire que la tradition se fût jamais méprise
sur un mot aussi connu que sâlâvvikt, si elle Tavait trouvé dans le texte.
Nihsâldm ou nih sâlâm est ici la lectio difficilior à laquelle il fal-
lait s'en tenir. Mais M. Grill n'a risqué aucune correction sans la dis-
cuter et sans placer honnêtement les pièces du procès sous les yeux du
lecteur. Dans beaucoup de cas d'ailleurs, comme dans celui qui vient
d'être relevé, le changement ne touche pas au sens général du passage,
et l'auteur se serait mépris sur plusieurs, que son livre n'en donnerait 1
pas moins une idée fidèle de cette poésie d'imprécations, de formules et
de pratiques magiques qui est le trait caractéristique le plus saillant des
morceaux propres de l'Atharva-veda.
4 A. Barth.
237. — IVotes on tlie Hebrevv Text of «Ue Dooks of Samuel* with atlj
Introduction on Hebrew Paleography and the Ancien! Versions, and Facsimilesl
of Inscriptions, by the Rev, S. R. Driver. Oxford, Ciarendon Press, 1890. In-8,
xcvi-2g6 p.
Voici un bon ouvrage de critique textuelle. L'auteur n'a pas vouIi:|
écrire un commentaire : l'examen très sérieux qu'il fait du text(|
original des livres de Samuel, fournit une base solide à leur interpréta-
tion.
Dans les notes qui forment le corps de l'ouvrage, les travaux antérieur'
I. L'auteur n'a plus pu mettre à profit le travail de M. Bloomfield sur l'hymne II
12; Proceedings Amer. Or. Soc, October 1887.
o'histoirk et de littérature 463
et spécialement le livre de J.Wellhausen (De?' Text der Bûcher Samiie-
îis, 1872) ont été mis à contribution. La somme des corrections nou-
velles, provenant des recherches personnelles de l'auteur, n'est peut-être
pas la plus considérable; mais la discussion des conjectures proposées
déjà par les critiques est toujours faite avec beaucoup d'exactitude, de
prudence et de sagacité.
Les notes sont précédées d'une introduction qui a pour objet de faire
comprendre et de justifier, s'il en était besoin, la méthode suivie dans la
restitution du texte. On trouve là une histoire de l'écriture hébraïque
et de l'ancienne orthographe, d'après les monuments de l'épigraphie
sémitique et les données que fournit l'étude des versions primitives.
Les conclusions qui résultent des découvertes modernes y sont bien
résumées. Les fac-similé d'inscriptions sont aussi parfaitement à leur
place dans un livre qui a un but didactique. On peut en dire autant des
notices concernant les anciennes versions et les ressources qu'elles pré-
sentent pour la correction du texte hébreu.
Il est permis néanmoins de regretter que des détails plus complets ne
soient pas donnés sur les différentes causes d'altération du texte et les
moyens d'expliquer les divergences du texte hébreu traditionnel et de
celui que supposent les anciennes versions, particulièrement la version
grecque dite version des Septante. L'auteur s'est borné à indiquer les
erreurs qui se produisent le plus fréquemment par la confusion de let-
tres ayant une grande resseinblance de forme dans l'alphabet carré;
pour le reste, il renvoie (xj^ith reserve) à Graetz, Die Psalmen. Il était
facile de résumer et de compléter les observations du critique allemand.
Sans sortir des livres de Samuel, et en groupant certaines explications
et remarques dispersées dans les notes, on aurait pu donner des exem-
ples d'erreurs causées par l'homophonie de certains mots, agrandir la
liste des confusions occasionnées par la ressemblance des caractères
alphabétiques, signaler de curieux accidents causés par la distraction des
copistes et particulièrement les omissions provenant d'homœotéleuton,
etc. De grands développements n'étaient pas nécessaires pour cela, et
l'introduction y eût gagné quelque chose au point de vue de l'utilité
pratique,
A. LoisY.
258, — Reichert (Dr C). Ueber den zvveiten Xheîl der Odyssée. Berlin,
Mayer u, Muller, 1889, 92 p. in-8.
La critique homérique serait-elle condamnée à tourner indéfiniment
dans le même cercle? Après la croyance absolue en un auteur unique
de l'Iliade et de l'Odyssée, l'opinion des chorizontes a un moment pré-
valu; puis, on a contesté l'unité primitive de chaque poème, et, pour
ne parler que de l'Odyssée, on est arrivé d'abord à y reconnaître cer-
tains groupes isolés, ensuite à décomposer ces groupes mêmes en des
464 REVUK CRITIQIÎS
chants indépendants : tel a été le système de Kœchly, qui marque le
point extrême de la critique en ce sens. Depuis, par un retour en
arrière, Kirchhoft a reconstitué des groupes fondamentaux, au nombre
de trois : le vieux vi-To; d'Ulysse, le retour à Ithaque, la Télémachie,
et voici que maintenant M. Reichert, partant des mêmes principes que
Kirchholî, réduit ces éléments primitifs au nombre de deux : il démontre,
en effet, que l'auteur de la seconde moitié du poème (XIII, v. 184 jus-
qu'à la tin) n'a pas composé cette partie de l'œuvre sans se servir soit de
la Télémachie, soit des livres X et XII, morceaux que Kirehhoff attri-
buait au réviseur. Ainsi le continuateur du vccxo; et l'auteur de la Télé-
machie ne seraient en réalité qu'un seul et même personnage. Qui sait
si les principes de Kirehhoff ne se prêteront pas encore à une nouvelle
transformation de la critique, et si le poète de génie qui a imaginé le
groupe des aventures d'Ulysse, racontées par lui-même chez Alcinoiis,
ne se trouvera pas être le même qui entreprit d'achever son œuvre en
chantant aussi le retour d'Ulysse à Ithaque?
M. R, se défend d'ailleurs d'avoir eu aucune idée préconçue en entre-
prenant ces recherches : il offre au public le résultat désintéressé de ses
études sur la seconde partie de l'Odyssée, et, pour mieux montrer sa
sincérité, il présente les quinze dissertations qui composent son volume
sans établir entre elles aucun lien logique, dans l'ordre même où il les
a écrites. On pourra trouver que c'est là un moyen un peu simple de
faire un livre, et qu'une théorie aussi importante valait la peine d'être
présentée sous une forme plus achevée. M. R. répondrait sans doute à.,
ce reproche que cet ouvrage est un essai er, en quelque sorte, le premierw
chapitre d'une étude qui doit porter sur l'Odyssée tout entière : déjà il*
annonce un travail analogue sur la Télémachie. Les conclusions d'en- •
semble que l'auteur formulera sans doute un jour ne manqueront pas|
d'être intéressantes.
En attendant, beaucoup de détails offrent le caractère de simples con-
jectures. Les hypothèses abondent surtout dans la partie de l'ouvrage où
M. Reichert s'efforce de distinguer, dans la seconde partie de TOdys-
sée, les morceaux écrits par le poète (celui que Kirehhoff appelle le conti-
nuateur), et ceux qui proviennent de chants antérieurs, primitivement
indépendants. Cette critique conjecturale peut être recommandée à tous
ceux qu'attirent les problèmes homériques dans ce qu'ils ont de plus
délicat et de plus subtil.
Am. Hauvette.
I
239. — I. Nie. Madvigii, professoris Hauniensis. Opuscula «cademlca ab ipso
itcrum collecta, emendata, aucia. Hauniœ, suraptibus librariae Gyldcndalianae,
1867. In-8, xi-779 pp. Avec une photographie de l'auteur.
Les Opuscula academica de Madvig, publiés en deux volumes, en
1834 et en 1842, étaient depuis longtemps épuisés. L'illustre savant 3
d'histoire et de littérature 465
eu le temps avant de mourir de les revoir de nouveau, réunis mainte-
nant dans un seul volume 1. La fortune est rare pour un recueil
d'écrits philoloi^iques d'avoir les honneurs d'une seconde édition. C'est
que ces dissertations font époque dans chaque ordre de sujets. Par ses
théories sur la valeur des temps, sur le futur antérieur, sur les formes
de l'interrogation dans le style indirect, sur la distinction de amatus
sum et de amatusjui, sur le conditionnel, sur l'emploi de quod, Madvig
renouvelait des chapitres entiers de la syntaxe latine. La dissertation
sur le fragment orthographique du pseudo-Apulée détruisait une légende
en train de se former. Les articles consacrés à la constitution de l'ordre
équestre, aux colonies romaines, aux tribiini aerarii, malgré des erreurs
de détail qu'a fait découvrir l'étude des inscriptions, sont devenus dans
leur ensemble les bases de l'enseignement courant. Lachmann n'a eu
pour éditer Lucrèce qu'à suivre la voie indiquée par Madvig, en i832,
dans le programme intitulé de aliquot laciinis codicum Lucretii : ci:tte
date marque le commencement de la période scientifique dans l'histoire
du texte de ce poète. Enfin, les admirables préfaces des éditions de
Cicéron présentent une abondance de corrections géniales, de remar-
ques fines, d'indications précieuses pour la critique, où se montre à
nous l'homme d'Europe qui connaissait le mieux le latin. Ces écrits
ne marquent donc pas seulement des dates dans l'histoire de la science :
ils contiennent des semences encore fécondes pour une longue suite
de générations.
Paul Lejay.
260. — Lanéry-d'Arc. Du Franc Alleu. Paris, Rousseau, 1888, 455 pages, iii-8.
Le sujet traité par M , Lanéry-d'Arc est certainement l'un des plus
difficiles que présente l'histoire du droit. Qu'est-ce au juste que l'aleu ?
Par quelles transformations a t-il passé pendant l'époque franque et
jusqu'à l'établissement complet du système féodal? Quelle a été son at-
titude vis à vis du fief? Autant de questions, autant de problèmes en-
core loin d'une solution définitive. De ces problèmes, M. L.-d'A. n'a
guère abordé que le dernier. Ce qu'il dit des origines de l'aleu est insuf-
fisant et ne peut être considéré que comme une courte introduction où
l'auteur montre une connaissance très défectueuse des sources et de la
littérature du sujet. 11 en est de même pour les cinq pages (!) qu'il con-
sacre à la constitution du bénéfice. 11 a passé rapidement à travers toute
la période si difficile des origines pour arriver de suite au xiu" siècle et
étudier alors les rapports entre ce qu'on pourrait appeler l'aleu féodal
et le fiel. Il faut reconnaître, qu'ainsi compris, le sujet perd beaucoup
de son intérêt. M. L.-d'A. est un savant feudiste. Il est beaucoup moins
un historien du droit. On lui saura gré pourtant de la longue et pa-
1 . Pour faciliter les recherches, les numéros des pages de la première édition ont
été indiqués en marge.
466 RKVUE CRITIQUK
tiente étude qu'il nous donne sur la condition faite à Palcu par les
différentes coutumes de France, La partie la plus intéressante de son
travail n'est pas celle qui concerne le moyen âge, mais celle qui se
rapporte à l'époque moderne. M. Lanéry-d'Arc a fort bien décrit la
lutte entre les deux principes : nulle terre sans seigneur — nul seigneur
sans titre, guerre qui aboutit, comme on sait, au triomphe à peu près
complet du premier de ces deux axiomes.
H, PiRENNE.
261. — Dei* Llgui-înus ttuntlier's von Paîrîs îm Elsass, ein Epos zum
Ruhme Kaiser Rothbarts aus dem 12. Jahrhundert, deutsch von Theodor
VuLPiNus. Strassburg, Heitz u. Mûndel, s. dat. (1889), xiv, 173 p. in-8. Prix :
3 fr. 75.
Il ne faut chercher dans le travail de M. Vulpinus ni des recherches
érudites sur l'auteur tant discuté du Ligiiriniis, le moine Gunther de J
Pairis, ni sur ce poème lui-même et sa valeur historique. M. V. s'est '':]
borné à résumer en quelques pages de préface les destinées de Touvrage,
depuis le jour où Conrad Celtes le publiait à Augsbourg, jusqu'à la
date récente où les efforts de MM. Pannenborg et Gaston Paris lui ren-
dirent le caractère d'authenticité que l'on avait cessé de lui attribuer,
d'un commun accord, depuis les critiques de Senckenberg au siècle
passé. Il n'a fait également que rappeler en traits fugitifs les discus-
sions qui ont eu lieu sur la nationalité de l'auteur, et qui ont abouti,
pour le moment, à le faire écrire et mourir dans l'abbaye de Pairis,
située dans la Haute-Alsace. Nous avouons ne pas bien comprendre ce
qui a pu pousser le traducteur à s'atteler à la rude tâche de mettre en
vers allemands le poème néo-latin de la fin du xii° siècle. Il ne pouvait
guère espérer trouver à Gunther de nombreux lecteurs dans le grand
public, et les historiens de profession comme les professeurs de littéra-
ture seront toujours obligés, lorsqu'ils voudront s'occuper de Gunther
ou de son œuvre, de recourir à l'original. Néanmoins un tel travail,
volontairement entrepris, témoigne d'un intérêt trop sincère pour les
études médiévales, pour que nous insistions sur cette critique qui s'im-
pose dès l'abord. Il y a peu de savants et moins encore d'amateurs, qui
seraient capables aujourd'hui de l'abnégation que présuppose une tâche
pareille, et, à ce point de vue, la traduction de M. Vulpinus reste un tra-
vail méritoire, bien que la science n'en puisse tirer aucun profit.
R.
262. — Réponse à quelques attaques contre le Dictionnaire de l'ancienne langue
française, par Frédéric Godefroy. (Extrait de la Préface du Tome VI). Paris,
Emile Bouillon. In-8, 46 pages.
M. Godefroy, dans cet opuscule intéressant, fait d'abord une contre-
critique (que je n'ai pas ici à apprécier, on verra pourquoi) des Etudea
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 467
lexicographîques de M. Miliet, puis il passe et s'en prend aux articles
que j'ai publiés dans cette Revue sur son Dictionnaire. Il trouve que
les premiers étaient bienveillants, doux presque comme miel; je n'ai
commencé, paraît-il, à être agressif qu'aux lettres I et J. Je me suis encore
montré bienveillant à la lettre L, mais à la lettre M j'ai tourné à l'aigre.
Mes articles sur les lettres N et O ont été moins sévères, moins amers,
mais à la lettre P, je suis devenu tout à fait « acrimonieux et sarcasti-
que », en sorte que mon humeur, si l'on en croyait M. G., serait tout
au moins aussi changeante que la couleur du caméléon. Je dirai fran-
chement et sans embarras les causes de mes variations, si variations il
y a. Lorsque parut le premier volume du Dictionnaire de M. G., je fus
tout d'abord émerveillé de ce qu'il contenait, surtout en le comparant à
celui de LaCurne. L'idée me vint de l'étudier plus à fond, et je voulus
I savoir si l'auteur avait sérieusement dépouillé le grand nombre d'ou-
vrages qu'il citait. Dès lors mon admiration se tourna en estime, et cette
estime décrut elle-même quelque peu, à mesure que mes lectures s'éten-
daient et se multipliaient. Voilà pourquoi ma critique fut d'abord un
peu sucrée, et pour quelle raison je la donnai ensuite sans adoucisse-
ment et toute pure. Je tenais à démontrer que le Dictionnaire de M. G.,
au titre si long et si pompeux, était bien loin d'être le Trésor de l'ancien
français, qu'il y manquait une quantité de mots « incalculable ^ «, et,
sur ce point, je n'ai jamais varié; qu'en revanche, l'auteur en avait arbi-
trairement et au hasard accueilli une multitude d'autres encore en usage,
sur lesquels Littré renseignait suffisamment, comme s'il eût craint de
n'avoir pas assez de matière pour fournir les huit ou dix volumes qu'il
avait promis, et je crois en avoir donné les preuves les plus évidentes
dans chacun de mes articles, même dans ceux qui sont les plus lauda-
i toires. Il ne m'a pas coûté, il ne me coûte pas encore de rendre justice
I aux recherches laborieuses de M. G., à sa persévérance opiniâtre; ce
que je n'ai pu et ne puis reconnaître, c'est qu'il ait jamais eu un plan,
une méthode, et les Compléments et Suppléments qu'il annonce ne
feront que démontrer plus clairement la Yérité du proverbe: a En toute
chose, il faut considérer la fin. »
M. G. essaie de nous faire croire que c'est à dessein qu'il n'a pas ins-
crit dans son dictionnaire estrangleliepard, ensanglanter ie, enjarteler,
exornement , sous prétexte que ces mots appartiennent à la langue du
xvi° siècle. Alors, pourquoi n'a-t-il pas rejeté « expositement , exsupe-
rer, exorateur ^ expugnation, expugnatif, expugnateur, expugner
exquisitement , imperateur, impugnateur, intermettre, oppugner^
persolution, phlebotomer, phlebotomique, pre divination, prediviner,
et des milliers d'autres qui sons aussi du xvi° siècle? Pourquoi
mangereau, mentereau ont-ils été recueillis plutôt que doctoreau,
I. M. G. me plaisante sur ce mot. N'est-il pas évident, dit-il, qu'on ne peut pas
calculer ce qu'on ne connaît point? Comme si incalculable n'avait jamais signifié très
nombreux ou très considérable.
^1
468 REVUE CRITIQUE
jiigereau, pipcrcau, prechereaii ? M. G. a admis paisanesque . cet
adjectif est-il plus ancien et plus populaire que bergeresque, doc-
toresque, paganesque, renardesqiie ? C'est ainsi que certains mots
ont obtenu le droit d'hospitalité, et que des centaines d'autres ont été
exclus, je ne sais pour quel motif, ou plutôt je le sais bien : c'est que
M. G. ne les connaissait pas, sinon il n'aurait pas préféré esclateus
(xvie siècle) à esclatissant, esclatissement, nitidité à nitide (\u\ est plus
ancien ; illepide n'aurait pas été admis plutôt que lepide, lepidité, et
distemperation ainsi que distemperer (xvi^ siècle), plutôt que distempe-
rable, distemperie, distemperament, disteniperature, qui sont du même
temps. M. G. àonnt pacquier, verbe quMl explique mal (v. Littré sur
paqiier], mais on perdrait son temps à chercher dans son Dictionnaire
pacqueteur, pacqtietier, pacqiieter^ empacquer, empacquage, empacque-
teur, tous termes de pêche. A la suite de harpe, lequel est accompagné
d'un exemple pris dans Littré, on ne trouve pas harpement, harpen ou
harpent, harpeure, harpette, harpie, harpier, harpination, harpoîeux.
Il y a des mots disparus ou conservés dont toute la lignée presque man-
que, comme esjnoiiehier, d'où viennent esmouchoire ^ esmoiiehenient,
esmoueheiire ; comme chien, d'où dérivent chenier, chenillier, chie-
nage, chienette, chienrage, chienelet, chienot, chenot, chienetier, chie-
neterie, chiennée = hermodacte, enchenaillé = accouplé à la manière
des chiens. Compendion, compendier, compendieiir , compendiaire sont
absents : pourquoi? Est-ce parce qu'on ne les trouve dans aucun dic-
tionnaire? Des mots qui sont de la même fam.ille et du même temps,
les uns tels que audible, cressiner, gladiatoire, desolatoire, ghiement,
glutiner, incogitant, invigilance ^ ont leur place dans le Dictionnaire;
les autres, exaudible, cressinement, digladiation, digladiateur, agglue-
ment, desolatif, deglutiner, incogitance, invigilant, n'auraient pas élc
jugés dignes d'entrer, s'il faut s'en rapporter à M. G. J'aurais voulu
qu'il expliquât pour quelles raisons il a introduit des mots grecs du
xvi« siècle, philautie, petasite, pentaphylle, et des termes italiens ou
QSV3igno\s, fanterie,pentole, pentacle, mercadence timercadant, tandis
que exegematique, decacordon, anabatre, qui sont aussi des vocables
grecs et de plus du xiv' siècle, ont été refusés. L'arbitraire se voit par-
tout : le choix nulle part, je le répète. L'onomatopée ^o^z^on, pour citer
un exemple topique, a été admise, mais non pas le baubau des chiens,
dandon des cloches, le lire, lirette, lire liron de la cornemuse, etc.To
cela, paraît-il, s'alignera, trouvera sa place dans les volumes réservés à
langue des xvi'= et xvii^ siècles, et alors « les défauts, les erreurs disparaî-
tront dans la majesté, dans l'immensité de l'ensemble ». C'est M. G. qui
le dit, non sans quelque solennité. Je le souhaite, car tout en la critif
quant, je n'ai jamais cessé de porter le plus vif intérêt à cette œuvre
réellement gigantesque, mais je persiste à croire qu'il eût été bien
plus simple de faire un recueil unique de tous les mots disparui
I. Invigilance est un article emprunté à Littré.
D^HISTOIRK ET DK LrTTÉRATDRB 469
depuis l'origine de notre langue jusqu'au xviii« siècle inclusivement,
Commutabilité, rnalhabileté, entaier, desagencier (celui-ci est dans
Littré), pour ne citer que ces mots, ont dans le Dictionnaire de M. G.
un historique qui ne remonte pas plus loin que le xm** siècle, et cepen-
dant ils sont encore en usage en plein xvi« siècle, le premier jusque dans
le xvn^, et le second jusque dans le xyiii®. Seront-ils repris dans les
Compléments ou Suppléments? Quelqu'un pourrait-il affirmer que en-
fantraille = marmaille, mespasseure, gorillon z=. porcelet, enfanti-
lement et enfant inement, enjantinerie, cabanot, coupecendre, agricul-
turer, intervenience, contrecoigner, bestier, serrebauquiere, dema-
raudir, essoumas = bourgeon de vigne , essoiimasser, coiisachance,
nonainnerie, estrapoire (tous mots que M. G. semble ne pas connaître),
datent des xvi^, xyii^ ou xviiie siècles, parce qu'il ne les aurait rencon-
trés que chez des écrivains de cette époque? Il me semble qu'il n'aurait
pas été impossible de faire entrer dans huit ou dix volumes in-folio la
somme des mots disparus, mais pour cela il fallait être sobre de cita-
tions, les semer avec la mam et non pas répandre tout le sac, c'est-à-dire
ne pas en donner 40, 5o, 60 et même 80, dont souvent plus de la moitié
sont d'une absolue inutilité. Pour que ce Dictionnaire ne fît point par-
fois double emploi avec celui de Littré, il était nécessaire d'en exclure
des mots tels que ceux dont j'ai donné une assez longue liste à diverses
reprises. M. G. prétend qu'il n'y en a que dix-neuf de cette espèce dans
J sa lettre P. Je le prie de se relire avec plus d'attention, et à ce nombre
il ajoutera : <i propriétaire, propriétairement , prospect, proviseur, pré-
variquer, postille, postposer, pouillerie, prénotion, presbytérien, près-
cript, présomptivement, porée ou poirée, percussif, pensionnaire, péré-
grinité , pérenne, personage ou personnage, pillement, palustre,
papillote, papillotage, participer «, et ce n'est pas tout. Littré n'a pas
oublié : « pulsation, pupillarité, putasser, priver, apprivoiser^ pou~
droyer, préposer, préfigurer, pointillé, pensif, pension, papelard,
parage, perchée, poudrette \ perchette,perditiom> ; à quoi bon repren-
dre ces mots dont l'explication et l'historique étaient chez lui suffisants ?
D'autres ont été repris pour cette raison que Littré ne leur avait pas
donné d'historique; tels sont : picolet, picote, porcelet ou pourcelet
(suivi de 19 exemples dans M. G.),percusseur, etc. Mais « pole,pyrrhi-
que, prytanée, polygraphe, périodique, parenthèse , puriste, pagure,
parasol, phenicoptère, psychologie, progressif, pyrite, permutation,
physionomiste », etc., n'en avaient pas davantage : pourquoi cette
différence de traitement entre les uns et les autres?
.■ M. G., tout en profitant de la plupart de mes corrections dont il
'reconnaît la justesse, en conteste pourtant quelques-unes. D'après lui,
platelier ^^ gourmand, pourrait signitier mendiant : je le mets au défi
1. L'exemple placé sous ce mot est emprunté à Littré, mais il est très jovialement
défini par M. G. Selon lui, jo:/er à la poudrette signifie jo:<er avec des épingles.
2. Dans l'unique exemple que cite M. G., platelier traduit le latin patinarius,
employé par Suétone, qui l'applique à Vitellius.
470 REVUE CRITIQUE
de me trouver un exemple, et il y en a de nombreux, où ce mot ait
cette signification. Le sens primitif de qiiaterne est bien « cahier de
quatre feuilles », et c'était ainsi qu'il fallait le définir : que le sens se
soit étendu, cela est tout simple. « Je n'ai pas rivalisé avec M. Millet
en proposant une correction pour quarte! ou cartel » : j'ai dit que ce
mot signifiait autre chose que mesure de blé, et à l'appui est cité un
exemple auquel je renvoie M. G. Il avoue que j'ai proposé douze correc-
tions véritables pour la lettre P, et je vois que dans les Errata, il a fait
son profit (cette fois avec modestie) de deux seulement sans citer mon
nom, car, dit-il avec un beau sans-géne, « cela importe fort peu aux
lecteurs du Dictionnaire et ne sert à rien ». Je crois pourtant savoir
que M. G. qui trouve le désintéressement admirable chez les autres ne
le pratique qu a son corps défendant : il aime, il veut qu'on le cite, et il
a peut-être raison. Au fond, pour moi, la chose m'est bien indifférente,
et pourvu que ces articles soient utiles à l'histoire du vieux français, je
n'en demande pas davantage. Je me trompe : je demande encore que
M. Godefroy ne les croie pas inspirés par autre chose que « par un véri-
table amour de la philologie. » A. Jacques.
263. — E. Krause. Dei" XVeîszenburgei- Uandel» 1480- i5o3. Broch. in-8,,
de 74 pages. Greifswald, Julius Abel, 1889. Il
Ce petit ouvrage — thèse de doctorat présentée à l'Université de
Greifswald — a été entrepris sous la direction du professeur Ulmann,
qui compose une grande histoire du règne de Maximilien 1". Il a pré^!
cisément pour sujet un épisode, assez peu important, de ce long règne.
En 1480, l'électeur palatin, Philippe Tlngénu, livra en fief à son maré-
chal, Hans von Drott, le château de Berwartstein ou de Baerbelstein,
sur lequel l'abbaye de Wissembourg, au nord de l'Alsace, prétendait
avoir des droits. Ce fut l'origine d'une longue lutte entre les moines
d'une part, Félecteur et Hans d''autre part; elle ne se termina qu'en dé-
cembre i5o4 par un compromis qui ne satisfaisait personne. M. Krause
nous conduit à travers les mille incidents de cette querelle; il nous
décrit les ravages qu'elle causa sur les bords de la Lauler; il nous
montre comment la ville libre de Wissembourg se déclara pour le mo-
nastère ; il insiste sur les efforts tentés par les deux adversaires pour
obtenir gain de cause devant les diètes et devant la cour de Rome. Son
récit, puisé à de nombreuses sources, est plus complet et en général plu£
exact que celui de Spach (Bulletin de la Société des monuments histo-
riques d'Alsace, I, p. 178 et ss.); mais il n'est pas plus vivant; par en
droits même il est confus et obscur. M. Krause a pourtant fait, d'une
façon définitive, justice d'une légendfn.ise jadis à la mode par Stoebe
et répétée depuis dans les Guides des "Vosges, par exemple dans celui di
Mûndel. Hans von Drott ne saurait être le prototype de Hans Trapp
ce croquemitaine qui accompagne le Christkiiidel et qui, au nord d
l'Alsace et dans le Palatinat, est la terreur des enfants.
Ch. Pfister.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 47 f
264. — L'abbé Requin, correspondant du Ministère des Beaux-Arts. I.'imprixae-
rle à Avignon en 1444. Paris, Alph. Picard, i8go, grand in-8 de 20 p.
La brochure de M. Tabbé Requin est tellement importante, qu'on me
permettra, je l'espère, de l'examiner un peu longuement. Beaucoup de
gros volumes sur l'imprimerie ne contiennent pas la centième partie
des choses intéressantes réunies dans une aussi mince plaquette. C'est le
cas de dire qu'un seul épi vaut mieux parfois que toute une gerbe.
Mayence, comme le rappelle tout d'abord Fauteur (p. 3), a longtemps
disputé à Strasbourg la gloire d'avoir été le berceau de l'imprimerie; ce
fut seulement en 1745 que cette dernière ville conquit définitivement
la première place. A cette époque deux archivistes, Schœpflin et Ven-
kler trouvèrent, dans une vieille tour de Strasbourg, les pièces d'un
procès intenté à Gutenberg et aux héritiers d'André Dritzchen, l'un de
ses associés. Ces documents furent très discutés et même contestés ; mais
force fut bien de se rendre à l'évidence, et Mayence fut alors reléguée
au second rang. Quelques pièces d'archives trouvées fortuitement, ajoute
M. l'abbé R., chez plusieurs notaires d'Avignon, vont la faire pas-
ser au troisième et donner le pas à la petite capitale des anciens états
_ pontificaux en France, trouvaille d'autant plus précieuse que si nous
■ exceptons le procès intenté à Gutenberg par les héritiers d'André Dritz-
«' chen en 1439 et la réclamation d'argent de Fust au même Gutenberg
en 1455, ce sont les seules pièces originales connues sur les origines de
l'imprimerie.
Les érudits avignonais fixaient la date de l'introduction de l'impri-
merie à Avignon en 1497 et donnaient le nom de Nicolas Tepe à celui
qui y apporta cet art nouveau. M. Achard, dans ses Simples notes sur
ï imprimerie à Avignon, au tome P"* du Bulletin historique et archéO'
logique de Vaucluse, a conservé cette même date de 1497, n^aJs il a
démontré que N. Tepe était seulement le premier éditeur de cette ville,
et que le premier imprimeur s'appelait Jean Duprat. Les documents
si heureusement trouvés par M. l'abbé R. permettent de reculer cette
date jusqu'en 1444, au moment où Gutenberg vient de quitter Stras-
bourg et va s'établir à Mayence, quelques années avant qu'il s'associât
d'abord avec Fust et puis avec Schœffer. Ces documents appartiennent
à trois registres, un du notaire Jacques de Brieude, les deux autres du
notaire Pierre Agulhacii. M. l'abbé R. décrit avec un soin minutieux
ces trois vénérables recueils, et analyse ainsi les actes révélateurs
(p. 6-1 1) :
« Dans le premier volume, nous lisons qu'un certain Procope Vald-
foghel, orfèvre, originaire de Prague, passe, le 10 mars 1446, un contrat
avec un juif nommé Davin de Caderousse, et s'engage à lui graver sur
le fer vingt-sept lettres hébraïques dites de forme (scissas inferro) selon
la science d'écrire artificiellement ; science et métier que Valdtoghel a
communiquées au juif depuis deux ans, c'est-à-dire au cours de l'année
47 2 REVUE CRITIQUE
1444. Valdfoghel doit y joindre les machines nécessaires au nouvel art.
Davin s'oblige, de son côté, à enseigner à Valdfoghel Fart de teindre les
tissus de soie, de toile, de fil et de coton, en écarlate, en rouge, en brasil
et en noir, et à lui communiquer une recette pour donner aux étoffes
une couleur perse ou verte sans le secours du feu. Il devait, en outre,
fournir le bois et l'étain nécessaires pour les matrices et les caractères,
et il s'engageait à ne communiquer à personne, ni directement, ni indi-
rectement, soit en théorie, soit en pratique, l'art qui lui avait été appris.
Valdfoghel, comme Gutenberg, se débattait contre la misère et avait
souvent besoin d'argent; aussi, pour s'en procurer, avait-il été obligé
d'engager à Davin ses meubles, certains vêtements et même ses caractè-
res d'imprimerie... Valdfoghel avait rempli tous ses engagements et re-
mis à Davin omnia artificia, ingénia et instrumenta ad scribendum
artificialiter, nous dit le texte d'un nouveau contrat, passé le 16 avril
de cette même année 1446. Après cette date, nous ignorons quel fut le
sort de Davin de Caderousse et le résultat de son contrat de société avec
Valdfoghel. Celui-ci ne s'était pas contenté de faire connaître Fart d'im-
primer à Davin ; dès 1444 il l'avait aussi communiquée Girard Ferrose,
serrurier du diocèse de Trêves, établi à Avignon. Ils avaient formé tous
deux une véritable association et habitaient ensemble une maison où
Ferrose avait apporté ses meubles. A bout de ressources, ils avaient en-
gagé une horloge de Ferrose à un juif afin de se procurer un peu d'ar-
gent. Mais les quelques florins obtenus du juif furent insuffisants, et le
27 août 1444, Valdfoghel reçut de George de Jardine d'abord 10 florins,
ensuite 27, et s'engagea en échange à lui apprendre l'art ôl écrire. Dans
ce contrat, Valdfoghel fit promettre à Jardine comme à Davin et à Fer-
rose de ne divulguer à personne le secret qu'il lui communiquait, s'o-
bligeant à son tour à ne pas le faire connaître à d'autres sans la per-
mission de G. de Jardine. Nous ne savons pas s'il fut longtemps l'élève
de Valdfoghel (nous n'avons trouvé aucun autre document sur lui);
mais il est certain que G. Ferrose resta peu de temps avec son maître
et associé. Le 26 août de la même année 1444, la société était dissoute,
Valdfoghel donnait 70 florins à Ferrose et recevait de lui une quittance
pleine et entière. Mais comme il craignait que celui-ci, parfaitement
instruit du nouvel art d'écrire artificiellement^ ne vint à le divulguer,
il lui fit promettre de ne l'enseigner à personne dans un rayon de
12 lieues. Le 5 avril 1446, les deux associés habitaient la même maison
et ils achetaient en commun les caractères d'imprimerie de Manaud Vi-
talis. Ce dernier, originaire du diocèse de Dax, et son ami Arnaud de
Coselhac, du diocèse d'Aire, tous deux étudiants à Avignon, avaient été,
eux aussi, initiés au secret de l'imprimerie par Valdfoghel dès 1444. Ce-
lui-ci leur avait même fourni tout un matériel d'imprimerie et leur
avait appris la manière de s'en servir. Valdfoghel leur avait emprunté
les caractères et l'outillage qu'il avait faits pour eux ^... »
I. Reconnaissance du 4 juillet 1444. M. l'abbé Requin ne s'est pas contenté de
d'histoire et de littérature 473
Après avoir ainsi résumé les documents qui prouvent l'établissement
d'une imprimerie à Avignon dès 1444, M. l'abbé R. repousse très bien
les arguments que certains sceptiques pourraient lui adresser (p. 1 1-12) :
« On nous objectera peut-être que cet ars scribendi arlificialiter peut
s'entendre aussi bien de l'imprimerie xylographique, inventée par Jean
Coster de Harlem vers 1420, que de l'imprimerie proprement dite, dé-
couverte à Strasbourg par Gutenberg. Mais nos contradicteurs savent
très bien que l'imprimerie xylographique se faisait au moyen de plan-
ches (de là son nom), où l'on gravait toute l'impression d'une page;
tandis que Procope Valdfoghel fabrique des caractères mobiles, il grave
vingt-sept lettres pour Davin de Caderousse, il lui confie en dépôt
quarante-huit lettres latines, il se sert de deux ABC de Manaud Vitalis.
On pourrait prétendre aussi que ces lettres servaient simplement à des-
siner sur les manuscrits les grandes lignes des lettres capitales, que les
enlumineurs peignaient ensuite; mais ce système d'écriture était connu
depuis longtemps, et Valdfoghel n'aurait pas pris tant de précautions
avec ses apprentis et ses associés dans la crainte qu'ils ne divulgassent
son secret. D'ailleurs peut-on raisonnablement donner à cette sorte de
calque le nom à' ars scribendi artificialiter? En outre, à quoi auraient
servi ces machines en bois, en étain et en fer fabriquées par Valdfoghel
pour Davin de Caderousse? Pourquoi ces autres instruments en fer, en
cuivre, en laiton et en bois qu'il avait livrés à Arnaud de Codelhac et à
Manaud Vitalis? Pourquoi ces formes en fer et en bois, cette vis en
acier que lui avait confiées le même Vitalis? Enfin, ce qui nous con-
firme encore davantage dans cette manière de voir, c'est que, dans le
procès de Gutenberg, les témoins se servent absolument des mêmes
termes que les notaires d'Avignon, termes encore usités de nos jours en
imprimerie, »
M. l'abbé Requin a eu raison d'écrire (p. 4) que ses preuves n con-
vaincront les plus difficiles. » Nous espérons, qu'encouragé par le suc-
cès qui a déjà récompensé ses recherches, il redoublera de zèle et aura
la joie de trouver des renseignements sur Valdfoghel et sur ses divers
associés que l'on perd tous de vue après 1446, et de découvrir aussi les
œuvres sorties des presses du fondateur de l'imprimerie d'Avignon. En
attendant la réalisation de nos vœux pour le vaillant travailleur, félici-
tons-le, à la suite d'un éminent critique 1, d'avoir incontestablement
établi qu'Avignon fut la première ville après Strasbourg à posséder une
imprimerie, et que la France fut le premier pays où se répandit le
nouvel art, « car Avignon, pour être sous la juridiction des papes, n'en
était pas moins terre de France. »
T. DE L.
reproduire cet acte aux pièces justificatives avec quatre autres actes : il en a donné
encore une photogravure en tête de sa brochure.
1. Léopold DeUsle, présentant les belles découvertes de M. l'abbé Requin à l'Aca-
démie des Inscriptions et Belles-Lettres dans la séance du 2 mai 1890.
474 REVUE CRITIQUE
265. — Vortrcpge und Versuche, Beitroege zur Literatur-Geschichte von Ludwig
Geiger. Dresden, Ehlermann, 1890. In-8, ix et 3i8 p. 5 mark.
Ce recueil comprend trois parties :
1° Zur Litteratur der Renaissance. M. Geiger y apprécie successive-
ment Marguerite de Navarre (d'après Lotiieissen et Chénevicre), la
Renaissance en France sous Charles VIII (d'après l'ouvrage publié avec
le concours du duc de Chaulnes par Eugène Mûntz), les Grecs savants
des xve et xvi"^ siècles (d'après la Bibliographie hellénique d'Em.
Legrand), Isota Nogarola (d'après le livre d'Abel), l'humanisme à TUni-
versité de Heidelberg — étude originale, — Érasme en Italie (d'après
P, de Nolhac), Ulrich de Hutten, le plus ancien almanach des Muses
publié à Rome (les Coryciana de Goritz ou Corycius, 1524);
2° Ans den Tagen der Aiifklœriing. M. G. y traite des plus ancien-
nes revues de Berlin, de la Sappho allemande (Louise Karsch), de Vol-
taire et de Frédéric; il communique six lettres de David Friedlânder,
l'élève le mieux doué de Félix Mendelssohn ; il trace le tableau de Berlin
en 1788, tableau fort intéressant et où abondent les détails curieux.
3° A us der Zeit Gœthes. M. G. publie trois lettres de Corona Schroe-
ter à Bertuch, des extraits de la correspondance inédite de Frederique
Œser, où il est question de Goethe et des écrivains du temps, et deux
études que nous connaissons : Gœthe et les Juifs, Goethe et la Renais-
sance 1,
La plupart de ces conférences et essais avaient déjà paru dans divers
recueils; mais quelques-uns ont été remaniés et tous ont été revus avec
soin, deux sont inédits. On y retrouve toutes les qualités que nous
avons déjà louées dans M. G. : une profonde connaissance de Thuma-
nisme et de la Renaissance autant que du xviii^ siècle et de Goethe — on
sait qu'il est à la fois directeur de la Vierteljahrsschrlft far Kultur-
iind Litteratur geschichte der Renaissance et du Gœthe- Jahrbuch — un
esprit souple, sagace, pénétrant, qui sait faire saillir l'essentiel et tirer
des faits d'originales conclusions (voir la fin de l'étude sur Érasme), un
style vif, brillant qui attache le lecteur. M. Geiger a raison de dire que,
dans ses conférences, il s'est donné la peine la plus consciencieuse pour
rassembler et ordonner ses matériaux ainsi que pour les revêtir d'une
forme agréable. Aussi les études qu'il réunit aujourd'hui, si savantes
qu'elles soient, seront-elles lues, comme il le souhaite, de ceux-là mêmes
qui ne sont pas spécialistes et qui « prennent intérêt aux choses litté-
raires ». A. Chuquet.
266. — Assemblée Electorale de Paris, 18 nov. lygo-ip juin 1791- Procès-
verbaux, publiés par Etienne Charavay. (Coll. de docum. relatifs à l'hist. de Paris
pendant la Révolution). Paris, Quantin, 1890. Gr. in-8, xlviii et 694 p. 7 fr. 3o.
41
L'assemblée nationale avait, comme on sait, inscrit dans la constitu-
I. Revue critique, 1887, n° 48, et 1888, n°44.
d'histoire et de littérature 475
tion de 1790 le principe de rélection des fonctionnaires de l'ordre civil
et ecclésiastique par les mandataires de la nation. Le corps électoral de
Paris, composé de 781 membres, nomma donc les juges, les adminis-
trateurs, le procureur-syndic, Tévéque, les curés, le président du tribu-
nal criminel, Taccusateur public, etc. Les opérations de cette assemblée
électorale durèrent longtemps, du 18 novembre 1790 au i5 juin 1791.
Elle élut comme juges des tribunaux des six arrondissements judiciaires :
Freteau, Merlin de Douai, Adrien Du Port, Thouret, Target, Treil-
hard. Le Peletier Saint-Fargeau, Lefèvre d'Ormesson, Tronchet, Gar-
ran de Goulon, Hérault de Séchelles, Voidel, etc.; — pour administra-
teurs du département de Paris : Kersaint, Cerutti, Lacépède, Alex, de La
Rochefoucauld, Talleyrand, Mirabeau, Thouin, Danton, Sieyes, Alex.
Lameth, Jussieu; — pour procureur-général syndic, Pastoret ; — pour
évéque, Gobel ; — pour membres du tribunal criminel, Petion, prési-
dent, Buzot, substitut, Robespierre, accusateur public. Tels furent les
travaux de cette assemblée électorale qui se retira le 16 juin 1791 devant
une autre assemblée électorale chargée de nommer les députés de la
Législative. On ne les connaissait pas dans le détail. Grâce à M. Cha-
ravay, on les connaîtra désormais jusque dans leurs moindres particu-
larités. L'excellent éditeur, dont on ne saurait trop louer le soin et le
savoir, a divisé sa publication en trois parties : i» il résume en un pré*
cis historique les faits qui ont précédé l'assemblée électorale et ceux qui
se sont accomplis pendant les diverses sessions de cette assemblée (Pré-
face, p. vii-XLvi) ; 2° il donne la liste des électeurs du département de
Paris en 1790 (p. 1-90); cette liste est donnée avec une patience minu-
tieuse; elle est plus exacte, plus complète que toutes celles connues
jusqu'ici, et l'on peut affirmer hardiment que les contemporains eux-
mêmes n'en ont pas possédé une semblable. On y trouve, en effet, ran-
gés par sections et selon le nombre des voix obtenues, les noms des
électeurs, avec leurs prénoms, qualités, âge et demeure, tels que les
fournissent les documents officiels, et, au-dessous de chaque nom, en
petits caractères, des renseignements biographiques sur chaque person-
nage. Ces informations ont été puisées par M. Ch. dans des documents
de toute sorte, particulièrement dans les almanachs. Date et lieu de
naissance et de mort, fonctions exercées pendant, avant et après la
Révolution, grade dans la garde nationale, réélection en 1791, en 1792
et en 1796, inscription sur la liste des notables après le 18 brumaire,
ainsi qu'à la société des Amis de la Constitution et aux loges maçonni-
ques, M. Ch. n'oublie aucune indication, et plus d'un de ces électeurs,
s'il revenait au monde, serait bien étonné et confus de tout l'honneur
que lui tait le présent volume; 3° à la suite de cette liste, qui permet
de comprendre les choix des assemblées primaires parisiennes de 1790,
viennent les procès-verbaux de l'assemblée électorale. Ces protocoles
comprennent non seulement les scrutins innombrables que nécessita la
nomination des divers fonctionnaires, mais les discussions, les com-
476 REVUE CRITIQUE
pliments du président aux élus et la réponse de ces derniers, les haran-
gues des délégués, etc., M. G. les publie d'après les originaux conservés
aux archives nationales. En outre, il les annote, éclairant les faits
qu'ils mentionnent, rétablissant l'orthographe des noms propres — il y
en a plus de douze cents — indiquant avec brièveté ce qu'étaient et ce
que devinrent tant de personnages. — Une table analytique, bien utile
et bien précieuse, réunit comme en un faisceau toutes les indications et
notes éparses dans le volume, et, par exemple, on y a imprimé en ita-
lique les noms de tous les électeurs, — Cette simple analyse suffit à
montrer que la publication de M. C. fournit aux historiens de Paris et
de la Révolution un indispensable document. Grâce à elle, on peut
reconstituer la physionomie de cette assemblée électorale où eut lieu
la première manifestation de la vie politique à Paris. Mais ce qu'il faut
surtout remarquer et applaudir, c'est l'exactitude, la clarté, l'abondance
de l'annotation. M. Charavay a rassemblé dans son commentaire his-
torique et biographique une quantité presque incroyable de renseigne-
ments, pour la plupart inédits, sur les hommes et les choses de la Révo-
lution. Nous ne citerons que pour mémoire tout ce qu'il nous apprend
sur les débuts de Danton, électeur de la section du Théâtre-Français,
scrutateur du quatrième bureau, secrétaire du troisième, obtenant des
voix pour la présidence de l'assemblée et pour le secrétariat général, e
obtenant encore comme procureur général syndic et comme substitut
de l'accusateur public, élu enfin vingt-deuxième administrateur du dé
partement par cent quarante-quatre voix et remerciant l'assemblée
assurant qu'il saura « allier aux élans d'un patriotisme bouillant l'esprit^
de modération nécessaire, quels que doivent être le flux et le reflux
d'opinion sur sa vie publique » (p. 437). Bref, ce recueil fait honneur
à la collection des documents révolutionnaires relatifs à Thistoire de
Paris ; il faut souhaiter que tous les volumes de cette série lui ressemblent
et que leurs éditeurs y mettent autant de conscience et de science.
A. Ch.
f
267. — LudAVÎg XVI und lUarie ^%i)toinette auf (1er Flucht iiacli
Muntinedy l"JîJl,aus dem Nachiasse des Freiherrn Ernst von Stockmar hrsg.
von Emil Daniels. Berlin, Hertz, i8go. In-S, iv et 162 p. 4 mark.
Ce récit se lit avec intérêt. L'auteur, Ernest de Stockmar, avait du
goût et connaissait bien son sujet; il a lu à peu près toute la littérature
qu'a inspirée la fameuse fuite à 'Varennes, et il a su rendre sa narration
attachante. Il la divise de la façon suivante, comme une sorte de petit
roman : i" La famille royale à Paris et les premières pensées de fuite;
2° Entente avec Bouille; 3° Négociations de la reine avec Léopold sur
l'intervention autrichienne — trop long et assez inutile; — 4° Les détails
de la fuite fixée entre Paris et Metz ; 5° Les derniers mois avant la fuite;
le 20 juin fixé comme date de départ; 6° L'évasion hors la ville; 7" De
d''hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 477
Bondy à Pont-de-Sommevesle ; 8° Pont de Sommevesie; 9° Sainte-
Menehouldà Clermont; lo^ État de l'armée; 1 1<^ Varennes; 12° Bouille
devant Varennes ; i3° Le retour de Varennes jusqu'à la rencontre des
députes; 14" Le retour jusqu'à Tentrée à Paris. — Quelques noms sont
mal transcrits : Poni-dQ-Som77ievelle pour Sommevesie; Bayou pour
Bayon ; Choiseiiil pour Choiseul. Il y a aussi des erreurs et des lacunes.
Bayon était chef de bataillon et non capitaine (p. 83). Ni d'Hoffelize,
ni Klinglin, ni Heymann (et non Heyman) ne sont des « Germanen »;
d'Hoffelize est Lorrain, et Klinglin et Heymann sont Alsaciens
(p. i3i). Le rôle de Dumas, qui n'appartenait pas à PAssemblée,
n^est pas suffisamment expliqué (p. iqS). L'attitude de Guilhermy
qui, seul à Paris, leva son chapeau sur le passage du roi, n'est pas men-
tionnée (p. 160;. A remarquer la page i53, où M. de Stockmar, moins
sévère pour Pétion que ses devanciers, prétend que « le Constituant et
M"i* Elisabeth exercèrent Tun sur l'autre une certaine attraction « et
qu'il naquit entre eux une « bizarre amitié ».
A. G
268. — René Fage. ï^e diocèse de It» CTorrèze pendant la Révolution,
1791-1801. Tulle, Crauffon, 1890. Ia-8, 112 p.
La déchéance de Ms^ de Rafélis de Saint-Sauveur qui refuse le ser-
ment, et l'élection de Tabbé Brival, tels sont les premiers faits que nous
retrace M. Fage, d'après les documents des archives de la Corrèze.
(p. 1-32). Il expose ensuite les destinées de Téglise de Tulle, sous la
direction de Brival et pendant la Terreur, en reproduisant un document
de très grande importance intitulé Réponses aux questions faites par
(révéque Grégoire) relativement à l'histoire de l'Eglise gallicane (p. 39-
102). Ce document, divisé en trente et un chapitres ou réponses, paraît
^ écrit par un prêtre constitutionnel, assez impartial d'ailleurs, et sincère,
car, s'il est favorable à l'évêque Brival, il n'omet pas les défauts du
clergé assermenté. On y trouve des récits minutieusement détaillés, des
renseignements très précis, des indications statistiques sur le clergé et
sur rétat moral du pays; bref, c'est, comme dit M. F., une « déposition
de premier ordre ». Ce bon et sérieux travail se termine par quelques
détails sur le sort ultérieur de Brival et sur l'état des esprits jusqu'à la
suppression du diocèse de la Corrèze; M. Fage a tiré la plupart de ces
particularités des Souvenirs de Verneilh-Puiraseau et de l'Histoire du
département de la Corrèze de M. de Seilhac.
G.
269. — Essais historiques. M.a Suisse sous le pacte de ]Slî>, par Ber-
thold van Muyden. 181 3 à rSSo. Lausanne, F, Rouge, 1890, xxui ei 596 pp., in-8.
Ce sont les origines politiques de la Suisse contemporaine que M. B.
van Muyden a entrepris, dans son livre, d'étudier et de faire connaître au
47^ REVUE CRITIQUE
grand public qui en ignore généralement le détail. La situation faite à
la Suisse par l'acte de médiation de i8o3, la longue et difficile élabora-
tion du Pacte de i8i 5, le congres de Vienne et ses conséquences pour la
Suisse, l'influence de la Restauration sur le régime des cantons, les trai-
tés commerciaux et autres avec diverses puissances, l'organisation mili-
taire et delà défense nationale de i8i5 à 1881 , le mouvement religieux
connu sous le nom de « Réveil » et une histoire des capitulations mili-
taires de i8o3 à i85o; tels sont les principaux points que M. van Muy-
den avait à nous exposer. Son livre, comme il a la modestie de le recon-
naître lui-même, se présente plutôt comme une suite de monographies
qui pourraient être isolées sans inconvénient et, ajoutons-le, sans rien
perdre de leur valeur et de leur intérêt. Toutefois, l'auteur a su enchaî-
ner très suffisamment ces chapitres Fun à l'autre et composer ainsi un
livre qui est, en somme, un bon résumé de l'histoire civile et militaire et
du droit public de la Suisse à une époque agitée et féconde en idées,
bonnes et mauvaises, qui ont fait de la Suisse du Pacte de 1 8 1 5 la Suisse
qui vit et se développe sous nos yeux.
M. van Muyden est un Suisse convaincu, grand admirateur des ins-
titutions de sa libre patrie et fervent adepte du régime démocratique.
Il considère comme un avantage très appréciable pour son pays d'avoir
conservé en les transformant, selon les besoins du jour, les institutions
républicaines léguées par le moyen âge, et il conclut que, « sous des for-
mes démocratiques et libérales, le peuple suisse est essentiellemeut con-
servateur ». Il défend avec énergie la neutralité de la Suisse dont il explique
fort bien les conditions et les exigences. Son patriotisme très vif ne l'em-
pêche pas de discuter avec calm*e et impartialité certaines questions qui
ont beaucoup agité nos voisins, notamment la neutralité de la Savoie,
et de les trancher dans le sens de la modération.
L'information de M. van Muyden paraît excellente et fort complète.
Il connaît par le menu la littérature historique imprimée de l'époque
dont il s'occupe ; il s'est servi aussi de documents inédits et rien d'im-
portant n'a dû échapper à son enquête méthodique. Son livre sera cer-
tainement le bien venu auprès de tous les amis des études historiques et
fait très favorablement augurer d'une seconde série d'études analogues
qu'il compte publier sur la Suisse de i83o à 1848.
F.
CHRONIQUE
FRANCE. — La 3« livraison du t. VII de la Bibliographie contemporaine. Histoire
littéraire du xix^ siècle, par Ant. Laporte, qui vient de paraître à la librairie Bouillon j
est presque tout entière occupée par le commencement du long article consacre à
Victor Hugo. 11 y faut signaler en outre les articles Houssaye (Henry) et Hovelacque
(Abel).
— M. L. GuÉRARD publie un travail sur les Lettres de Grégoire II a Léon risaurieni
d'histoire et de LITTÉRATURB 479
Rome, 1890, 19 pp. (Extrait des Mélanges ^de l'École de Rome, t. X), C'est une
démonstration complète de la fausseté de ces pièces composées à la fin du vw« s, ou
au milieu du ix^ s. On n'avait jusqu'ici sur cette question que des données très
vagues. M. Guérard, qui a vu les mss. de Turin, Vienne, Rome et Paris, a précisé ce
qu'on peut savoir à ce sujet. Peut-être regreltera-t-on qu'il n'ait pas jugé à propos de
donner, d'après les nouvelles collations faites par lui, une édition critique définitive.
ALLEMAGNE. — La librairie Calvary met en vente le deuxième fascicule du
second volume de la 4* édition maior d'Horace (pp. 161-320; Hor. Sat. II, 2. — Ep.
I, 2, 26). Nous reviendrons prochainement sur cette publication.
— Sous le Mre de Handbuch des oeffentlichen Rechts der Gegenwart in Monogra-
phien{Fv\h. i., B. Mohr), le d'' Heinrich Marquardsen a entrepris, avec la collabora-
tion des spécialistes les plus autorisés, une série de monographies contenant l'exposé
systématique du droit public des états modernes. Cette publication est très active-
ment conduite et rendra aux jurisconsultes, aux hommes politiques et en général, à
tous les hommes cultivés, de très grands services. Nous pouvons citer, parmi les volu-
mes parus, ceux qui sont consacrés au Danemark, à l'Italie, au Portugal, à l'Espa-
gne, à la Bavière, à l'Autriche-Hongrie, à la Suisse, à la Finlande, à la Russie, à la
France (par M. Lebon). Une introduction historique, sobre et très nourrie, précède,
dans chaque volume, l'exposé du droit moderne.
— M. Philippe Strauch, professeur de philologie allemande à l'Université de Tu-
bingue, a fait tirer à part et nous envoie l'utile et excellente bibliographie qu'il pu-
blie une fois par an dans la Zeitschrifl fur deiitsches Alterthum. Ce Ver:[eichniss des
publications scientifiques parues sur le domaine de la littérature allemande moderne
en l'an 1888, rendra de grands services; il est à la fois complet et bien disposé.
ANGLETERRE. — Un ouvrage très important vient de paraître à Edimbourg,
chez David Douglas : George Buchanan humanist and reformer, a biography by
P. Hume Brown (in-8'' de xvii-388 p.). Le volume, très bien imprimé sur beau pa-
pier et revêtu d'un élégant cartonnage dont nos éditeurs devraient bien adopter l'u-
sage, est orné d'un beau portrait de Buchanan et du fac-similé de sa signature.
L'ouvrage, divisé en vingt chapitres, est complété par quatre appendices où sont
résumés de curieux documents, les uns rares, les autres inédits, et par un index ana-
lytique fait avec beaucoup de soin. Le livre tout entier est composé avec le même
soin : les recherches de l'auteur, tant en France qu'en Angleterre, ont été très appro-
fondies. Aussi la vie si tourmentée de Buchanan n'y est-elle pas racontée avec moins
d'exactitude que de talent et cette monographie sera-t-elle mise par les bons juges
à côté du Casaubon et du Dolet si appréciés des deux côtés du détroit. Ce qui, outre
le mérite du biographe, doit recommander particulièrement son livre à la sympa-
thique attention des érudits français, c'est que Buchanan fut, par son séjour sur
notre sol et par ses relations, un demi-Français et qu'il regarda toujours la France
comme une autre patrie.
DANEMARK. — M. P. Andr^ vient de faire paraître le troisième volume de son
étude sur la voie Appienne : Via Appia, dens Historié og Mindesmcerker III (Co-
penhague, 1889, 200pp. in-So); il se rapporte à la partie de la voie située sur le terri-
toire d'Albano, et en particulier à la villa de P. Clodius Pulcher, à celle de Pompée, à l'i-
dentification des ruines éparses dans la villa Doria actuelle, à la villa de Domitien, etc.
Dans l'appendice bibliographique qui termine ce volume nous relevons l'omission du
remarquable ouvrage de G. Tomassetti, Délia campagna romana nel medio evo, qui
renferme plus d'une indication précieuse pour la topographie de l'ancienne voie Ap-
pienne. M. P. Andrae est d'ailleurs au courant de la bibliographie et des fouilles ; ses
recherches topographiques résument avec clarté l'ensemble de nos connaissances sur
l'histoire de la regina viarum.
480
REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 6 Juin 18 go.
M. Wallon, secrétaire perpétuel, donne de bonnes nouvelles delà santé de M. Hau-
réau, soulVrant depuis quelques jours.
M. le lieutenant F.spérandieu adresse à l'Académie la copie de plusieurs inscrip-
tions inédiles, relevées en Tunisie par M. le sous-lieutenant Denis, du 3° bataillon
d'infanterie léijère d'Afrique.
i\l. l'abbé Duchcsne lit, au nom de M. F'élix Robiou, correspondant de l'Académie,
une note sur Li Qjiestion de l'avcnement de Sargon. M. Robiou compare les divers
textes, bibliques et ass)riens, relatifs à la prise de Samarie : (il arrive à cette con-
clusion qu'il faut distini;uer deux rois différents, Salmanasar et Sargon, dont le pre-
mier comniença les travaux du biège et le second prit la ville.
M. Opperi présente quelques observations sur cette lecture. Le livre de Tobie ne
saurait être cité comme une source historique. Personne, ajoute-t-il, ne saurait plus
soutenir l'identité de Saimanassar et de ^sargon : une inscription historique, dont
M. Upperta lui-même donné la traduction, nous apprend que Sargon monta sur le
trône deux mois après la mort de Saimanassar. On sait aussi, par le même document,
que Samarie fut prise par Saimanassar et non par Sargon, et que ce dernier fut, en
réalité, vaincu dans plusieurs batailles où il prétendait avoir remporté la victoire.
M. Maspero annonce que la commission chargée de juger le concoursStanislas .lu-
lien a décerné le prix à M. Abel des Michels, professeur à l'cole des langues orien-
tales vivantes, pour ses Annales impériales de VAnnam. Les nombreux travaux du
savant professeur et l'activité dont ils témoignent donnent l'espoir qu'il saura mener
à bonne tin cette œuvre importante.
M. Menant lit une note sur le nom de la ville de Kar-Kemis, capitale de l'empire
hétéen. Il explique ce nom comme un composé de deux termes :
i" Kar, qui signifie « forteresse » et qu'on retrouve dans le nom de plusieurs
villes d'Asies, Kar-Nabu, Kar-Sin, Kar-Istar, etc.;
■z" Kamos, nom d'un dieu dont le culte était répandu en Syrie et en Asie Mineure.
Cette étymologie est confirmée par une inscription découverte à Jérablus, c'est-à-
dire sur l'emplacement même de Kar-Kemis.
Ouvrage présentés : — par M. de Barthélémy : i» Lecoy de la Marche (A.), VArt
d'enluminer; 2" C.harrncey (le comte de), Etude sur la langue tnam; 3" Cartulairc
de l'abbaye de N.-D. de la Trappe, publié par le comte de Charencey ; — par
M. Croiseï ; Denvs d'Halicaunasse, jugement sur Lysias, texte et traduction, etc.
par A. -M. ûesrousseaux et Max Egger ; — par M. Vioiict : Textes de droit romain,
publiés par Girard; — par M. Héron de Villcfosse : Coupajod (Louis), Eugène
Piot et les objets d'art légués au musée du Louvre (extrait de la Ga^^ette des beaux-
arts); — par M. Deloche : Ohapeyron (Ludovic), l'Œuvre géographique du prince
de Bismarck (extrait de la Revue de géographie); — par M. Delisle : i" L'Ars )ni-
nor de Donat. Traduction française, reproduite en fac-similé, d'après l'incunable
unique de la bibliothèque de l'université d'Utrecht, etc., par Léon Dorez; 2" Robi-
QUET (Ch.l, Le personnel municipal de Paris pendant la Révolution ; — par M. Wal-
lon : Chapellier (J.-Ch.). Etude historique et géographique sur Domremy, pays de
Jeanne d'Arc. Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séances des 21 et 28 mai 18 go.
M. Babelon communique une monnaie d'argent d'Histiaea (Eubée) représentant
la nymphe Hisiiaea accompagnée de son nom assise sur une proue de navire. Il fait
ensuite une communication ayant pour but d'expliquer le type d'Apollon assis sur
l'omphalos qui paraît sur les monnaies des rois de Syrie.
M. Courajod annonce que les revendications que la sociétédes AntiquairesdeFrance
n'a jamais cessé d'exercer au sujet des objets détournés de l'ancien musée des mo-
numents français et désaffectés si malheureusement après 18 16 commencent a pro-
duire leur effet. La vierge en terre cuite de Germain Filon, autrefois à la Sainte Cha-
pelle, égarée longtemps à St-Cyr, vient de rentrer au Louvre ainsi que la vierge en
marbre qui décorait autrefois la Chapelle du Château d'Lcouen et qui était déposée
depuis la Restauration dans la sacristie de la paroisse de Notre-Dame de Versailles.
C'est le commencement de la reconstitution du Musée des monuments français.
M. l'abbé Millard envoie une note sur deux bornes situées dans le canton de Mont-
mirail (Marne) et qui portent une figure sculptée de la vierge avec l'enfant Jésus avec
l'inscription LeVal Dieu en caractères gothiques. Ce sont des bornes de propriété de
l'ancien prieuré du Val Dieu situé dans le voisinage et fondé par Blanche de Navarre.
M. Courajod au moyen de divers rapprochements avec la porte de bronze de la Basi-
lique de St-Pierre de Rome et s'appuyant sur d'autres comparaisons, démontre que le
bas relief de bronze conservé dans la salle de Michel Ange au Musée du Louvre est un
ouvrage de Filarete. ^,T,r
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le iuy, imprimerie Marchessou Jils, boulevard Saint-Laurent, a3.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 25 - 23 juin — 1890
Sommaire : 270. Delitzsch et Haupt, Contributions à l'assyriologie. — 271.
ScHRADER, Bibliothèque cunéiforme, — 272-273. Winckler, La table d'EI-
Amaina ; Recherches d'histoire babylonienne. — 274. Jensen, Cosmologie des
Babyloniens. — 275. Catulle, manuscrit de S. Germain des Prés. — 276. Riezler,
Histoire de Bavière, m. — 277-279. Pellechet, Les dialogues de Heyden, L'im-
primeur Georges Serre; Les incunables de Versailles. — 280. Neri, De mini-
mis. — 281. Kronenberg, La philosophie de Herder. — 282, Carducci, œuvres,
i-iv. — 283. Mémoires du duc des Cars. — 284. Vasili, La Sainte Russie. —
Chronique.
270. — Beitrsege zui* AssyrSologte und verglelclienden semitlsclien
Sprach^vîssenschaft, herausgegeben von Friedrich Delitzsch und Pauj
Haupt. Mit Unterstûtzung der John Hapkins Universitaet zu Baltimore. Erster
Band Heft L Leipzig J. C. Hinrichs'sche Buchhandlung, 1889.
271. — Kelleclïi-îftUclie Bibliothek Saminlang von assyrischen und baby-
lonischen Textten in Umschrift und Ubcrseizung. In Verbindung mit Dr. L.
Abel, Dr. C. Bezold, Dr. P. Jensen, Dr. F. E. Peiser, Dr. H. Winckler herausge-
geben von Eberhard Schrader. Band l. Mit Chronologischen Beigaben und einer
Karte von H. Kiepert. — Band H. Mit Chronolog. Beigaben des Herausgebers
und einer Karte von H. Kiepert.
272. — Kœnigliche Museen jj'k Berlin. JUitilieilungen aus dei* oi-lentalis-
chen Sammlungen. Heft I Der Thontafelfund von Et-Amarna, herausgege-
ben von Hugo Winckler. Nach den Originalen autographirt von Ludwig AbeL
Berlin, W. Spemann, i88g.
273. — Untersuchungen zur altorientaliscben Gescliichte von Hugo
Winckler. Leipzig, 1890.
274. — Oie Ko^mologie der Babylonier. Studien und Materialien von P.
Jensen. Mit einem mythologischen Anhang und 3 Karten. Strassburg. Verlag von
Karl. J. Trûbner, 1890.
Les livres qui précèdent sont les plus récents parmi les travaux assy-
riologiques que je me propose d'annoncer aux lecteurs de cette Revue et
pour la plus grande partie desquels je suis très en retard. Le médiocre
intérêt dont cette importante branche de l'orientalisme semble jouir en
France rend presque inutiles les recensions particulières et quelque peu
étendues de ces sortes d'ouvrages au moment de leur publication. Une
revue d'ensemble convient beaucoup mieux à l'état actuel des esprits.
I. Les Beitrage \ur Assyriologie, etc., comprennent quinze articles
et travaux de haute érudition dans le domaine assyro-sémitique, dus en
grande partie à la plume autorisée des savants éditeurs, MM. Friedrich
Delitzsch et Paul Haupt. M. Delitzsch offre sous le n° 8 une étude ma-
gistrale sur la littérature épistolaire assyro-babylonienne, qui laisse bien
Nouvelle série, XXIX. 23
482 REVUE CRITIQUE
en arrière tous les essais faits antérieurement dans ce domaine épineux.
Grâce à son commentaire serré, mais lucide, nous commençons à voir
clair dans ces compositions laconiques où le sens de l'ensemble dépend
parfois d^une nuance délicate d'une forme verbale. Au point de vue de
la lexicologie assyrienne, celte étude de 64 pages (de 184 a 248) est d'une
valeur inestimable. J'en signalerai : abîtu « sentence (Bescheid) », hamu
« se tranquilliser », apil shipri « ange », nahasu « aller rapidement »,
rab-kicir « chef de division », lu-gur-^ag ■= niutîr pûtî « garde de
corps », bid = bûd « comme », a-\u = asû « médecin », mashmashu
« conjurateur », ishshiari = ina shidri « le plus tôt possible, aussitôt
que possible », shûtu = shu « lui, il ■», gabru = mahirii « équivalent »,
nenialu, Jiemelu « pleine satisfaction », enna « voici (siehe!) », kallu =
qallu = gallu « serviteur, soldat » , shiihmucu « violenter, violer », issuri=
ina sun'i =^ surru « si ». Le sens vrai de car (cir)pamtum me semble
toujours être « argentée, pure », de carpii « argent », l'orthographe ^îr-
bamtum « créatrice de semence » est artificielle. Sous la forme mépri-
sante Sukkôt-benôt (Rois, II, xvit, 3o) « tentes-filles », l'auteur hébreu
a pensé à Zari « tentes » et banât « filles ». L'expression lu shulmu
adannish répond à l'hébreu schalom rab. La forme ishakkanga ne serait-
elle pas simplement ]po\xx ishakkanka^comvao. dans les tablettes d'Egypte?
Le rapprochement de nimalu et de Thébreu mah'mal me paraît bien
douteux.
M. Delitzsch donne encore la transcription phonétique et la traduction
d'un texte archaïque de Siniddinam, rédigé en système allô graphique.
Il en réserve le commentaire pour plus tard; en attendant, il remarque
non sans ironie à l'adresse àes suméristes désappointés que leurs mena-
ces de démolir les arguments antisumériens du paragraphe 25 de sa Gram-
maire assyrienne ne le troublent guère. Il va sans dire que transcription
et traduction sont excellentes. Seulement je ne m'explique pas pourquoi
il maintient la forme inexacte Duii\i au lieu de Tum'u^i qui est ga-
ranti par l'hébreu Tammûz.
Dans le domaine de la phonétique assyrienne, M. Paul Haupt s'est
fait une spécialité presque inaccessible aux autres. Doué d'un esprit fin
et scrutateur, il dissèque, pèse et analyse les entités vocaliques que l'on
estimait indivisibles et inpondérables. Son article sur les semi-voyelles u
et / (p, 293-300) complète une riche série d'études analogues publiées
antérieurement par lui. Pour la grammaire assyrienne, nous signalerons
deux travaux remarquables, l'un sur le suffixe nominal na en assyrien
(p. 1-20), l'autre sur la théorie nominale (p. 158-184). Toutefois ces di-
verses dissertations ne lui font pas négliger sa grande édition de l'épopée
babylonienne dite de Istubar, dont il fournit la XV* tablette revisée, an-
notée et accompagnée de ix planches (p. 48-79); de nouvelles additions sui-
vent un peu plus loin (p. 94'^ 1 52) et une autre série de corrections et d'ad-
ditions vient aux pages 3 1 3-329- La question d'orthographe est traitée
dans un article à part (p, 249-267). Les gourmets du phonétisme et les se-
*
d'histoire et oe littérature 483
vères grammairiens y trouveront une source abondante de renseignements
qu'ils chercheraient en vain ailleurs. En dehors de ces études, Tassyriolo-
gie doit à M. Johannès Jéremias une bonne édition et interprétation de
la tablette cultuelle de Sippar (p. 267-292). Le sujet est intéressant et
l'auteur le traite avec beaucoup de soin. Un article de M. Georg Stein-
dorff sur la transcription des noms propres égyptiens en écriture cunéi-
forme confirme la plupart des identifications admises par les assyriolo-
gues (p. 3o3-36i); celle de Tushamilki avec Psammétique me paraît
inacceptable. La variante Pi-sha-mil-ki n'en est pas une, puisque le
signe pi se lit aussi tu. Je persiste à croire qu'il s'agit d'un roi du pays
de Miiçri, au nord de la Syrie et non d'un roi d'Egypte : les Lydiens
n'ont pas été les alliés de Psammétique; l'histoire ne mentionne comme
tels que les Ioniens et les Cariens.
Les autres langues sémitiques ont aussi leur part dans ce recueil.
M. Franz Praetorius donne des additions très suggestives à la grammaire
et à l'étymologie éthiopiennes (p. 21-47). ^^ ^^^^^ quelques réserves: me-
h'era « avoir pitié, faire grâce » répond bien à l'assyrien maharii pris en
bon sens « recevoir favorablement ». Le /î assyrien représente toujours le
h'â doux arabe. Le nom gueken « mystère », se .compare à l'arabe gahila
f ignorer » : le mystère est ce qui est ignoré; à bic « compagnon, quel-
ques-uns », se compare le néo-hébreu bâca' « s'interposer, mettre en ac-
cord ». En hébreu èaça* signifie entre autres, «profiter», de là beçii'ea heu-
reux »; le sens de « s'échapper » pour ce verbe en tigré existe aussi en
iîébreu; 'amaç'a « être injuste, inique » ne saurait être séparé de l'hé-
breu hâmas, h'âmaç « être inique, violent », en assyrien iishahmaçu « ils
violèrent ». — Le titre officiel hac'ê a majesté » est du même ordre que
les mots sémitiques analogues môshêl eishallît' dont les verbes rnashalu,
shalafii signifient, l'un « partager en deux parts », l'autre « partager,
briser en général s ; c'est donc l'hébreu hôce. — L'hébreu \êrâ « mesu-
rer » est un dénominatif de \eret « empan » contracté de sheT^eret ■=
éth. se:{er ; dans le verbe la chuintante initiale est conservée : shâ^ar
« travailler avec la paume de la main, tresser, nouer ». Le verbe si
fréquent h'adaga « laisser, abandonner », doit être rapproché de l'hé-
breu h'adal « cesser » et transitivement « laisser, abandonner » .
Une notice de M. J. Flemming sur les œuvres de Grotefend (avec
portrait) et une liste d'abréviations par M. Haupt complètent ce recueil,
remarquable à tous les points de vue. Les éditeurs n'ont qu'à poursui-
vre la route tracée et nous donner le plus tôt possible un volume sem-
blable. Ils sont sûrs de la reconaissance générale.
II. Sous le titre dtKeilschriftliche Bibliothek, M. le professeur Eber-
hard Schrader, aidé de ses anciens élèves, a entrepris une œuvre de
vulgarisation des plus utiles pour les historiens qui ne sont pas eux-
mêmes des assyriologues. Elle consiste dans la publication des textes
assyro-babyloniens avec une traduction dépourvue de commentaire.
Deux volumes ont déjà paru. Ils contiennent les textes historiques de
484 REVUE CRITIQUE
TAssyrie, run,ceux deTancien empire, l'autre, ceux du nouvel empire.
Chaque volume est accompagné d'une carte géographique déterminant
rétendue respective des deux empires. Comme toute œuvre collective,
les traductions partielles sont d'inégale valeur. Je ne veux pas entrer
dans une analyse minutieuse, mais sans contester le caractère sérieux
de l'ensemble, je suis obligé de faire remarquer que transcriptions et tra-
ductions laissent souvent à désirer. En général, la façon de rendre Ve par
un / surmonté d'un trait, et celle de rendre l'unique gutturale assy-
rienne par un h joint au bas par un demi cercle, lettre destinée à re-
présenter la fricative arabe ha pointé = ch allemand (en français kh), ne
me pas semblent très heureuses. Le pis est que souvent les déterminatifs
aphones de l'écriture cunéiforme sont omis, les caractères polyphones
diversement transcrits par chaque collaborateur, sans avertir le lecteur
de la possibilité d'une autre lecture. Mais tout à fait blâmable est l'ha-
bitude de corriger ou de compléter les passages mutilés sans un point
d'interrogation comme si la chose était absolument certaine. Voici un
exemple entre tant d'autres : La chronique babylonienne col. vi, i
(p. 282) porte ahi-shullim (amelu) tik-en-na 2 ri ana Ashshur
illikuma ina Ashshur diku, M. Winckler complète la lacune [(amelu)
Gimi\rri et traduit sans broncher : «... X-ahi-shuUim der Beamte. 2
Die Kimmerier fielen in Assyrien ein und wurden in Assyrien geschla-
gen. » C'est de la pure fantaisie : l'ethnique « Cimmérien » est toujours
Gimîrrûa jamais Gimirri. La comparaison avec les autres passages qui
mentionnent le tik-en-na montre qu'il n'y a qu'une seule phrase, agen-
cée à peu près comme il suit : «... Ahi-shullim le... et..., fils de ...r
sont allés en Assyrie et y moururent. » Dans ces conditions, les histo-
riens feront bien de se tenir sur leurs gardes.
IlL Le musée de Berlin a publié sous la surveillance de M. Winck-
ler un fascicule de 3o planches autographiées par M. L. Abel, contenant
27 lettres assyro-babyloniennes de la fameuse collection d'El-Amar«d!,
Quelques-unes d'entre elles sont adressées à Aménophis III, les autres
à son fils et successeur Aménophis IV. Leurs auteurs sont Bnrnaburiash
ou Burraburiash, roi de Babylonie (nos 4-8), et son second prédécesseur
Elishkullimasîn (n°s i-3?); Ashshuruballit', roi d'Assyrie (n"9), Tarhu-
daiadu (?), roi d'Arçapi (n» 10), un roi d'Alashiya (n^^ 11-17), un roi
dont le nom et le pays n'ont pas été conservés (n^* 18-20), Dushratta,
roi de Mitàni, beau-père d'Aménophis III (nos 21-27). La lettre n° 10
est rédigée en langue d'Arçapi; celle n° 27 en langue de Mitani. J'ai ,
montré ailleurs que Arçapi n'est pas la ville syrienne de Reçeph ou
Rouça/a, mais un district d'Asie-Mineure près de l'Amanus. Le pays de
Mitâni n'est pas non plus situé en Mésopotamie, mais sur la rive nord-
est de TEuphrate. Les langues de ces deux contrées voisines appartien-
nent à l'idiome du Naïri, proche parent de celui que nous appelons
vannique.
L'édition, très nette, a laissé sans correction plusieurs fautes de copie.
d'histoire et de littérature 485
inévitables d'ailleurs dans cette écriture difficile. Ce qui est à blâmer,
c'est la cherté du prix. Les assyriologues ne brillent pas précisément
par leur richesse. Leur faire payer de 25 à 3o fr. trente planches auto-
graphiées, c'est vraiment peu équitable ^
IV. Les Recherches d'histoire babylonienne de M. Hugo Winckler
comprennent cinq études différentes : 1° Remarques sur la chronologie
assyrio-babylonienne (p. 1-46); 2° la place des Chaldéens dans l'his-
toire (p. 47-64]; 3° les royaumes de l'ancienne Mésopotamie (p. 6b-go);
40 les Sargonides et l'Egypte d'après les sources assyriennes (p. 91-108);
5° Remarque sur l'histoire de la Médie et de la Perse (log-iSS). Des
variétés contenant sept articles ou notes assez courts (p. 1 33-143), une
liste des textes adjoints (p. 144) et les textes eux-mêmes en autographie
terminent le volume (p. 145-157). Dans la préface Fauteur affirme ne
vouloir donner que les textes cités expressément; malheureusement,
quelques pages après, cette belle promesse est tout à fait oubliée
et ce n'est pas sans stupéfaction qu'on voit l'auteur affirmer que les
scribes des listes babyloniennes ont expliqué (erklàrt) les noms pro-
pres des rois en les traduisant en sémitique s'ils étaient sumériens et
(par amour de symétrie) en sumérien s'ils étaient sémitiques. Il ignore
donc ou feint d'ignorer que dans l'équation Hammu-rabi = Khntu-
rapashtti les deux formes sont sémitiques. Est-ce qu'en écrivant
an-hi-shish-mu le nom d'Essarhaddon, les scribes assyriens ont voulu
expliquer \di forme 3i\iivtmtïïlc\a\ït Ashshur-ahe-iddin t Assur a donné
des frères i en le traduisant en sumérien? Chose plaisante, l'auteur
croit même mieux savoir le sumérien que les scribes babyloniens qui
traduisent mal et mêlent en désordre cosséen et sumérien (Kossâisch und
sumerisch durcheinandergeworfen p. 8, 2)! Avec une telle suffisance on
va loin. Aussi est -il que pas un seul des résultats que l'auteur imagine
avoir rires des textes cunéiformes ne soutient l'examen ou du moins ne
peut être regardé que comme une simple conjecture. Parce que Kudur-
ma-bu-uk est intitulé adda de Ia(EJmutbal et adda de mar-tu « Syrie-
Phénicie », titres qui ne s'excluent pas, il identifie arbitrairement les
deux noms géographiques et fait de ce roi, dont le fils régna à Larsa et
à Nippur en Babylonie, un petit chef d'une province minuscule d'Elam,
car il sait pertinemment que Kudur-ma-bu-uk n'a pas régné (p. 37-38)!
En parlant de la dynastie babylonienne et de celle de shish-Arw, il addi-
tionne simplement les années des règnes sans seulement se demander si
ces dynasties n'étaient pas contemporaines, et cependant le texte du verso
de la page 145 qui, contrairement au texte du recto, commence par
shish-ku-ki^ invite impérieusement à le supposer. Pour M. Winckler, les
Chaldéens sont des Babyloniens purs, sans mélange avec l'élément
aborigène et non sémitique des Sumériens, mélange qui aurait déjà été
un fait accompli à l'époque de Sargon l'ancien, vers 3ooo avant notre ère !
Voilà qui s'appelle se conformer strictement au texte! Il en sait même
I. Le second fascicule de ce recueil qui vient de paraître coûte également 3o francs.
486 REVUE CRITIQUE
très long sur les djaiasties présémitiques et sumériennes pures (p. 66 suiv.]
sans prouver le moins du monde que leurs inscriptions, tout comme
aux époques plus récentes, ne sont pas de l'assyrien écrit en idéogram-
mes. La découverte que Magan et Meluhha sont deux parties de la
péninsule sinaïtique, au lieu d'être l'Egypte et TÉthiopie, reprend une
conjecture de M. Lenormant que j'ai combattue dans le temps. Je ne
comprends pas comment on peut sérieusement placer ces deux royau-
mes qui, d'après les inscriptions, possédaient des chars de guerre et des
flottes, dans un pays aussi aride et dépourvu de bois de construction.
De plus, comment l'existence de ces royaumes a-t-elle échappé aux
historiens hébreux et grecs ? Le moindre doute disparaît par ce fait que
laman, roi d'Asdod, ayant eu connaissance de la marche de l'armée
assyrienne vers la Syrie s'enfuit vers la frontière de l'Egypte qui est,
dit le texte, du côté du pays de Meluhha {ana itd mat Miiciiri sha pat
mât Meluhha inabitma). Il est clair qu'il ne s'agit pas du pays limitrophe
de l'Egypte du côté de l'est et bordant la route où devait passer l'armée
assyrienne, mais d'un pays situé au sud de l'Egypte et celui-là ne peut
être que l'Ethiopie. Ajoutons que le royaume unique de la péninsule
sinaïtique, l'Idumée, était alors soumis à Assurbanipal, de sorte que
la partie située entre l'Idumée et l'Egypte n'etit pu offrir aucune sécu-
rité au rebelle. Non moins inexacte est son identification de cab Man-
dâa avec les Scythes. Le passage cité à la page 1 1 1 applique cette épi-
thète à des peuples jadis soumis qui, s'étant révoltés, avaient abandonné
leurs villes et s'étaient réfugiés dans le désert. C'étaient d'ailleurs des
districts voisins du Barsuash comme le prouve la mention de la ville de
BustiSy citée quelquefois comme capitale de ce pays. Cette inadvertance
entraîne même M. Winckler à faire d'Astyage un Scythe, tandis que
Cyrus et ses prédécesseurs auraient régné selon lui dans une principauté
minuscule sise au nord de la Susiane, près de la frontière de la Babylonie
de l'est, et qu'il identifie SLvec An:{aii! Ces conjectures ne se soutiennent
pas un seul instant, mais l'affirmation la plus imprudente est celle re-
lative à la non existence du fonctionnaire assyrien intitulé rab-saris
dans II Rois XVIII, 17 ; ce haut fonctionnaire est mentionné dans une
inscription araméenne comme archonte de l'année 68; son nom était
Sinsarucur « Sin protège le roi ».
V. Le grand et important ouvrage de M. le D' P. Jensen nous fait
heureusement oublier les déboires causés par le livre précédent. Le sa-
vant auteur a réuni très soigneusement tous les matériaux accessibles
jusqu'à ce jour pouvant servir à restituer la cosmologie babylonienne.
L'ouvrage comporte trois divisions : i" le monde et ses parties, l'uni-
vers, le ciel, les planètes, les étoiles fixes, les figures du Zodiaque, les
étoiles géminales, les comètes, les météores; la terre, les zones, la grande
montagne du lever du soleil, l'île des fortunés, le monde des morts,
l'océan, le système de l'univers (p. 1-262); 2° la création et la formation
du monde, les textes des légendes sur la création, ces légendes chez les
d'histoire et de littérature 487
Grecs et les Juifs, noyau et origine des légendes, commentaire sur les
tablettes (p. 263-364) ; 3° les textes du déluge avec commentaire (p. 067-
446). Un appendice mythologique, des additions et corrections suivies
d'un excellent index et d'une liste d'errata (p. 449-546) terminent cette
œuvre de premier ordre destinée à faire époque dans la science assy-
riologique. Pour faciliter l'intelligence de ces théories antiques, l'auteur
a joint trois planches traçant le cours de Vénus, le Zodiaque babylonien,
le monde d'après la conception babylonienne.
Le savant auteur dit lui-même (avant-propos, xm) qu'on peut lui re-
procher avec quelque apparence de raison d'avoir agi sans critique dans
la séparation des sources, d'avoir pris comme équivalents l'ancien et le
récent, d'avoir mêlé ensemble sumérisme et sémitisme (M. J . croit encore
au sumérien), poésie et prose, mythologie et science. Il reconnaît que cette
séparation n'est pas encore possible pour le moment et que l'ensemble du
système auquel il arrive n'a pas appartenu à tous les Babyloniens dans
son ensemble mais seulement dans ses parties diverses. De mon côté,
j'aurais à redire contre les digressions étymologiques n'ayant que le but
de prouver la réalité du sumérien. Ces discussions qui alourdissent et
souvent interrompent l'exposition du sujet principal auraient mieux
leur place à la fin de l'ouvrage. J'aurais même à faire de nombreuses
réserves sur ces étymologies comme sur quelques autres points assez
notables, mais devant la masse imposante de faits précis, et surtout de-
vant J'immense service rendu à la science par une collection de maté-
riaux si complète, la critique de détail perd son jeu et il ne nous reste
qu'à féliciter l'auteur pour avoir mené à bien une œuvre aussi pleine de
faits et de matières à réflexions.
J. Halévy
275. — Catulle* manuscrit de S. Germain des Prés, précédé d'une étude de
M. Emile Châtelain, photoliihographie de MM. Lumière. (Collection de repro-
ductions de manuscrits publiés par L. Clédat, classiques latins, I}. Paris, E. Le-
roux, i8go, VII pp. et 36 ff. grand in-8.
Quand M. Clédat annonça qu'il allait publier une série de manus-
crits latins reproduits par la photogravure, on accueillit cette nouvelle
avec joie; c'était répondre à un besoin depuis longtemps ressenti. La
collection vient d'être inaugurée par la publication du Sangermanensis
de Catulle (B. N. 141 37) et le résultat est une déception pour nous. Le
procédé photolithographique de MM. Lumière produit un écrasement
des caractères qui enlève toute netteté à l'écriture ; elle paraît une fois
plus épaisse que dans le manuscrit; les déliés, les points, les traits lé-
gers servant d'ornement sont exagérés ou supprimés. Le grain du ms. n'a
pas été conservé : sans doute ce n'était pas possible, ce qui est regretta-
ble. Mais ce qui est tout à fait dangereux, c'est qu'on ait été obligé de le
supprimer du cliché. On risque fort de faire disparaître ainsi des parties
488 REVUE CRITIQUB
qui appartiennent à l'e'criture. Il faudrait un moyen de reproduction qui
ne laissât aucune place aux retouches.
Pour se convaincre de l'exactitude des critiques que Je formule ici,
les personnes qui ne peuvent faire la comparaison directe avec le ms.,
n'auront qu'à se reporter à l'excellente reproduction donnée par M. Châ-
telain dans \i\ Paléographie des classiques latins, pi. xv. Comme exem-
ples d'empâtement à la charge de la reproduction de M. Clédat, je si-
gnale f° 35*", 1. 10, iterum; 1. 17, concedo; 1. 18, laudemus, 1. 21 5upe-
rare. Un léger point sous le b de sumptibiis devient un trait qui déforme
la lettre. Dernière ligne, tu qui est très net dans le ms , peut se lire
aussi bien ta dans la reproduction. Un point au-dessus du premier i de
triginta donne au mot l'aspect tt'lginta, 1. 19. A la 1. 29, \'a de cona-
rere est surmonté dans la reproduction d'un trait horizontal qui n'est
pas dans le ms. Les taches sont traitées d'une façon différente : tantôt
elles sont conservées, 1. 3o, sous infesta, 1. 32, dans ualuisse, tantôt
elles sont enlevées, 1. 33, dans tua. Pour les déliés effacés, je mention-
nerai les points et accents de diuicijs, 1. 21 ; la queue des x de maxi-
mus, 1. 23, et de minax, 1, 26; ces derniers points n'ont guère d'im-
portance pour la lecture du texte, mais des parties d'écriture utiles
pourraient aussi bien être en jeu.
On m'excusera d'être entré dans ces détails; mais l'idée de nous don-
ner ainsi des mss. entiers était si heureuse, que l'on éprouve le besoin
de se raisonner son mécompte. .Tous ceux qui ont manié le ms. de Ca-
tulle savent combien il recèle de grattages et de corrections difficiles;
ils voient le peu de confiance que mérite une reproduction qui comporte
un tel à peu près. La brochure actuelle ne peut remplacer une collation
bien faite que pour la séparation des vers souvent indiquée d'une ma*
nière incomplète dans les apparats critiques. La reproduction diploma-
tique d'un ms. serait donc d'une plus grande utilité. Un instrument
mécanique ne peut être substitué à un instrument intelligent que s'il
est parfait. Il faudra notablement améliorer le procédé si l'on veut pour-
suivre la collection ^
Paul Lejay.
I
I
276. — S. RiEZLER. Geschiclite Balerns. 3« volume, de 1347 à i5o8, xxiv-
981 p. in-8, tableaux généalogiques. Gotha, Andr. Perthes 1889.
Le premier volume de l'histoire de Bavière de M. Sigismond Riezler
parut en 1878. L'auteur y racontait l'histoire du duché depuis l'époque
lointaine où il était gouverné par les Agilolfingiens jusqu'à la date de
II 80, où Frédéric Barberousse, après la déposition de Henri le Lion,
I. L'introduction de M. Châtelain est telle qu'on pouvait l'attendre de lui et dé-
dommage amplement de tout ce qu'on regrette autre part. Mais ici encore l'exécu- A
tion matérielle laisse beaucoup à désirer et on fera bien en particulier de vérifier les
chiffres et dates cités.
d'histoire et de littérature 489
le livra à la maison de Wittelsbach. Il ne se bornait d'ailleurs pas à
exposer les principaux événements dont ce pays fut le théâtre pendant
cette longue période : il montrait le développement des institutions; il
insistait sur le progrès des lettres et des arts. Son ouvrage s'annonçait
ainsi comme une histoire complète de la civilisation en Bavière. Les
espérances qu'avait fait naître ce premier volume se fortifièrent avec la
publication du second, en l'année 1880. M. R. y conduisait ses lecteurs
de II 80 à 1347, depuis l'avènement des Wittelsbach jusqu'à la mort du
duc Louis qui réussit à prendre la couronne impériale. Les difficultés
y devenaient plus nombreuses qu"au début. Jusqu'en 1180, la Bavière
formait une unité ethnique et politique ; ses habitants parlaient le même
dialecte, étaient régis par les mêmes lois; l'histoire poïiûque (Staats-
geschichte) se confondait avec l'histoire de la race (Sianunesgeschiclite).
Après 1180, au contraire, la Bavière fut morcelée en une intinité
de petits fiefs; les comtes usurpèrent le pouvoir ; les villes con-
quirent leur indépendance; beaucoup de domaines se détachèrent du
duché, tandis qu'au dehors des limites anciennes, des terres de la
Souabe, le Palatinat rhénan, etc., y furent rattachés. L'intérêt de This-
toire se morcelle avec le pays même : il se disperse avec ces possessions
acquises au loin. M. R. a eu le talent de le concentrer sur la Bavière en
tant qu'Etat, évitant d'entrer dans l'histoire intérieure des villes ou des
comtés, ne disant de ces domaines extérieurs que ce qui était nécessaire
pour montrer l'expansion de la Bavière hors de ses frontières propres.
Le troisième volume, dont nous devons rendre compte d'une façon spé-
ciale, ne le cède en rien aux précédents. Nous sommes maintenant bien
sûrs que nous posséderons une bonne histoire très complète de la Bavière.
Le tome s'ouvre avec l'année 1347 ^^ ^^ termine en i5o8. Nous y dis-
tinguerons trois parties : l'histoire des faits, celle des institutions, celle
des lettres et des arts.
A la mort de l'empereur Louis, les Wittelsbach se divisaient en deux
branches : l'une possédait le Palatinat du Rhin et presque tout l'ancien
Nortgau, nommé Palatinat supérieur; l'autre — celle dont M. R. nous
doit entretenir — était, après l'extinction de la tige de Landshut, devenue
maîtresse de toute la Bavière. En dehors du duché, elle s'était emparée
de nombreux biens : après la dispersion de la dynastie ascanienne, le
Brandebourg lui était échu: un mariage lui avait valu le Tyrol et des
prétentions sur la Carinthie; un autre lui avait donné les comtés néer-
landais de Hainaut, Hollande, Zélande et Frise. Certes, la maison
bavaroise pouvait faire, avec ces domaines, bonne figure en Allemagne ;
malheureusement les fils de l'empereur Louis ne voulurent pas suivre
les conseils de leur père; au lieu de laisser à l'aîné la Bavière indivise,
ils la fractionnèrent; ils la divisèrent en quatre tronçons, avec Ingol-
stadt, Landshut, Munich, Straubing comme capitales. Les partages suc-
cédèrent aux partages, et les lots furent sans cesse remaniés. Au milieu
de ces divisions, les possessions extérieures furent perdues. En i369,
49° REVUE CRITIQUE
par le traité de Presbourg, le Tyrol, moins Kufstein, fut cédé aux
Habsbourg; en 1373, par le compromis de Furstenwalde, le Brande-
bourg fut abandonné à l'empereur Charles IV, moyennant de fortes
sommes d'argent; les comtés des Pays-Bas tombèrent, au début du
xv^ siècle, aux mains du duc de Bourgogne. M. R. nous expose, sinon
avec grand éclat, du moins avec une remarquable netteté, l'histoire si
embrouillée et si triste de la Bavière, dans cette période de remaniements
continuels et de guerres incessantes, où, selon ses propres paroles « la
flamme de la discorde ne s'éteignit jamais au foyer des Wittelsbach ».
Il insiste particulièrement sur Louis le Barbu, d'Ingolstadt, frère de
notre reine de France Isabeau ^ ; il en fait un très vivant portrait.
Cependant, peu à peu, les différentes dynasties disparurent, et la recons-
titution territoriale du duché commença. Le 6 janvier 1425, le duc
Jean, de la ligne de Hollande-Straubing, mourut sans héritier :
son duché fut partagé entre les autres lignes bavaroises. Le 2 mai
1447, périt en prison Louis le Barbu, et son cousin, Henri de
Landshut, s'^empara de l'héritage d'Ingolstadt; la ligne de Landshut
fut emportée à son tour en i5o3, non sans avoir fourni un chef
énergique, Louis le Riche, dont M, R, met bien en lumière la
physionomie; Albert le Sage, de Munich, eut alors l'habileté de réunir
toute la Bavière; bien plus, le 8 juillet i5o6, il proclama solennelle-
ment l'indivisibilité de la province et établit en droit que l'aîné seul
hériterait du duché : les cadets ne devaient recevoir que des apanages.
Par cet acte, il assura la grandeur de sa maison. Quand il mourut, le
18 mars i5o8, il avait rempli sa devise qui était : « Pourvoir aux
besoins généraux du pays et lui être utile. » M. R. a ainsi exposé dans
ce volume comment la Bavière se démembra au xiv^ et au début du
xv^ siècle, comment elle se reconstitua à la fm du xV et au commen-
cement du xvi*^ siècle. La déchéance de son pays lui inspire une grande
tristesse, mais sa joie éclate quand vient la période de régénération.
Après nous avoir raconté les faits, il nous décrit les institutions delà
Bavière pendant cette orageuse époque, et les historiens accueilleront
avec d'autant plus de reconnaissance ce chapitre qu'une bonne étude
générale sur la constitution allemande aux xive et xV siècles fait encore
défaut. Le livre de Waitz s'arrête au seuil du xiii® siècle, et Péminent
historien n'a pas trouvé de continuateur digne de lui. M. R. nous
montre tour à tour en quoi consistait l'autorité des ducs, quelles étaient
leurs relations avec TEmpire, comment était organisée leur administra-
tion centrale et locale; des paragraphes spéciaux sont consacrés à leur
I. Il a raison de dire qu'il ne fut pas connétable de France; le connétable à cette
époque était Charles d'Albret, auquel le parti du duc de Bourgogne opposa le comte
di Saint-Pol. Chatamulet, p. 220, est sans doute une faute d'impression; il faut
lire Château-Meillant. Le traité de Chartres n'est pas du i^' février, mais du
g mars 1409; la révolte où Louis fut fait prisonnier est du 22 mai. Voir Coville,
L'ordonnance cabochienne. M. R. trouvera dans cet excellent livre des détails com-
plémentaires sur le rôle de Louis à Paris. Voir surtout p. 202, note i.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 4g I
justice, à leur armée, à leurs finances. Déjà, à ce moment, le pouvoir des
ducs n'est plus absolu : les trois ordres (die Stànde) ont conquis des
droits, leur consentement est nécessaire pour la levée des impôts; ils in-
terviennent dans l'administration ; ils prétendent même qu'on les réunisse
chaque année, ou du moins tous les deux ans, en états généraux ou
diètes (Landschaft) . Après avoir montré les trois ordres en bloc,
l'auteur nous parle de chacun d'eux isolément; il nous présente tour à
tour la noblesse qui descend des anciens ministeriales (la vieille noblesse
féodale a à peu près disparu), la bourgeoisie avec ses corporations et ses
commerçants, le clergé séculier et régulier. Chemin faisant, il n'a pas
oublié les paysans. 11 nous donne de curieux détails sur la dîme, les
corvées et toutes les autres charges qui pesaient sur eux.
Le volume se ferme par un brillant chapitre sur la culture intellec-
tuelle, les lettres et les arts. Naturellement, M. R. n'a pu trouver beaucoup
de choses à dire sur la fin du xive siècle ; mais le déclin du siècle sui-
vant lui a fourni de nombreux faits. Il débute par nous faire connaître
les progrès de l'imprimerie, passe aux écoles populaires et latines
pour en arriver à la création de l'Université d'Ingolstadt en 1472.
Déjà M. de Crozals, dans sa thèse latine, nous avait raconté cette
fondation, et M. R. rend, en passant, justice à son travail. On trouvera
ensuite des renseignements sur les littérateurs et les érudits qu'a pro-
duits la Bavière à la fin du moyen âge. L'auteur insiste sur Conrad
Pickel ou Celtis et sur son activité à Ingolstadt. Le passage sur Fart est
assez court et ne nous semble pas en proportion avec les autres déve-
loppements.
En somme, l'histoire de M. Riezler est remarquable, je ne dis pas
parla profondeur ou la nouveauté des vues et par l'éclat de l'exposition,
mais par une science sûre, puisée aux bonnes sources, par une grande
netteté, par la simplicité du style. 11 faut surtout savoir gré à Fauteur
d'avoir embrassé son sujet dans toute son étendue, et d'avoir été tou-
jours égal à lui-même, soit qu'il montrât l'enchaînement des faits, la
marche des institutions ou l'état des lettres. Nous attendons avec
impatience le prochain volume, où sera exposée Fopposition faite par
la Bavière à la Réforme.
Ch. Pfister.
277. — Sebaldus Heyden formulai puei-ilium colloquiorum. Réimpres-
sion faite par M. Pellechet. Paris, A. Picard, 1889, in-i6 de 28 p.
278. — Georges Seri-e, imprimeur à Avignon en i5o2, par le même. Paris,
même librairie, 1890, grand in-8 de 8 p.
279- — I*n>IIotlièquo publique de Versailles. Catalogue des incunables et
des livres imprimés de md. à mdxx avec les marques typographiques des éditions
du xv^ siècle, par le même. Paris, même librairie, 1889, grand in-8 de viii-3o2 p.
L'auteur du Manuel du libraire mentionne deux rares opuscules
d'un professeur de Nuremberg, Sebald Heyden (r" moitié du xvi° siè-
492 REVUE CRITIQUE
cle) ; Miisicœ ctg'./s'.wîc; (Norimbergce, i632) et de arte canendi,
vero signorum in cantibus iisu, libri duo (Ibid. 1540, pet. in-4°). Bru*
net aurait pu citer un troisième opuscule non moins rare : Formulce
puerilium colloqiiiorum, pro primis tyronibus Sebaldinœ Scholœ No-
rimbergœ per Sebaldiim Hcyden co7'umdem preceptorem consc?'iptce
(Augustœ Vindelicorum, per Alexandruni Weissenhorn, M. D. XXX.
C'est ce dernier opuscule que M. Pellechet nous rend, grâce à la pho-
togravure, tel qu'il parut il y a 36o ans. La reproduction est parfaite,
et il faut saluer en l'éditeur un très habile photographe aussi bien qu'un
très savant bibliographe. La plaquette rediviva de i53o n'est pas seule-
ment une curiosité typographique : c'est aussi une curiosité littéraire.
Chacun voudra lire le naïf avant-propos de l'auteur (Sebaldus Heyden
pueris suce fidei commissis), où il vante le bon marché du livret (ut
exiguo œre laceratos libellas reparare possetis) et où il recommande
à ses élèves de respecter et d'aimer leur professeur (vestrum prœceptO'
rem^ ut dignum est, diligite et colite)^ les dialogues en latin, avec tra-
duction intermédiaire en allemand, destinés à apprendre à la fois les
deux langues aux écoliers 1, enfin les epigrammata ad pueros.
La notice sur Georges Serre, imprimeur à Avignon en ibo2, n'a pas
besoin d'éloges, puisqu'elle a été jugée digne d'insertion dans la Biblio-
thèque de PEcole des Chartes (année 1889, p. 379-583). C'est un heu-
reux complément des NoteS sur les imprimeurs du Comtat Venaissin
(1887), très favorablement appréciées ici par un maître qu'il suffit de
nommer, M. Emile Picot. M. Achard, ancien archiviste de Vaucluse,
avait exprimé, en 1879, le regret de ne connaître aucun produit des
pressés de Georges Serre. M. P. décrit une édition des Epistole Senece
imprimée par ledit Serre en caractères gothiques à Avignon (i5o2, in-4"
de 166 feuillets) et dont deux exemplaires seulement sont connus, celui
de la bibliothèque de Carcassonne et celui de la bibliothèque de Ver-
sailles. L'excellente notice, qui, en appelant l'attention sur G. Serre,
amènera sans doute d'autres découvertes, est accompagnée des repro-
ductions photographiques de l'épître dédicatoire et de la souscription.'!
Le Catalogue des Incunables de la bibliothèque publique de Ver- \
sailles ne sera pas moins goûté des érudits que le Catalogue des Incu- ■
nables de la bibliothèque de Dijon. Le même plan, la même méthode
ont été suivis et le même soin, le même zèle ont été apportés dans les
recherches et vérifications. L'auteur a mille fois eu raison de dire, dans
sa trop courte préface ^^ que la description des éditions diverses « a été
1. Quelques-uns de ces dialogues sont assez amusants, tels que ceux qui sont in-^j
titulés : Dum itur cubitum, dum reditiir cubitii, de fend a, de pavando calamo, etc. 4
On trouvera deux singuliers articles, aussi réalistes que possible, dans les Formulce
puerorum exitum e schola rogantium. [
2. A la Préface succède une Introduction où M. A. Taphanel, conservateur de la |
bibliothèque de Versailles, a réuni bien des renseignements sur les principales col-
lections qui ont fourni leurs incunables à cet établissement. Ces précieux voIumes|j
sont venus de deux sources principales : l'ancien fonds de la bibliothèque en conte-
d'histoire et de littérature 493
faite aussi exactement que possible ». Il convient d'ajouter que chacune
de ces descriptions est suivie de notes d'une érudition très précise et où
sont élucidés de nombreux problèmes d'histoire littéraire et de biblio-
graphie. Parmi les révélations du catalogue, nous nous contenterons de
citer le nom d'un imprimeur inconnu à Hain et à Panzer 1, Ludovicus
de Venetia, lequel imprima en 1488 le Qiiadragesimale de R. Carra-
ciolus (p. 37, no 56) et la mention de deux exemplaires de Littera in-
dulgent iarum trouvés dans une reliure ancienne (p. 85, n° 114). Le
volume est orné de 38 marques typographiques, vignettes, lettres ini-
tiales, admirablement exécutées -. M. Pellechet semble avoir une voca-
tion pour décrire tous les incunables de France ^ : réjouissons-nous en,
car on ne voit vraiment pas qui se tirerait mieux d'une aussi vaste et
aussi difficile entreprise.
T. DE L.
280. — A. Neri. De liinimis. Un vol. in-8, 326 pp. Gênes, Istituto Sordo-
Muti, 1890 (non mis dans le commerce).
Un tel livre se prête mal à l'analyse. Sous ce titre ironique, emprunté
au vieil adage de droit romain, l'auteur a réuni des études publiées
depuis 1886 dans le Giornale Ligiistico. Elles sont d'intérêt très inégal.
Presque toutes se rapportent à l'histoire génoise, depuis le xvi^ siècle
/usqu'à nos jours, et sont fondées sur des documents, le plus souvent
inédits, provenant de Gênes, de Venise, de Mantoue, etc. Plusieurs sont
de simples anecdotes (p. 72, un échappé du tremblement de terre de
Lisbonne; p. 141, un mariage et un bal à Chypre au siècle dernier) ;
quelques-unes touchent à l'histoire littéraire (p. 77, le Pater noster de
la religieuse par force, à ajouter aux parodies de littérature sacrée
signalées par Novati; p. 235, quelques bibliothèques de Florence au
xvi^ siècle), ou à l'histoire de Part (p. 14, Jean Bologne à Gênes; p. 253,
la cathédrale de Sarzana; p. 85, la statue et une médaille d'André
Doria; à propos de la première, il relève une erreur de Petit [A. Doria,
p. 120). — Nous noterons quatre morceaux intéressants pour Thistoire
nait dès l'origine un assez grand nombre, la plupart jadis possédés par les Capucins
de Pontoise; l'autre partie provient des dons d'un renommé bibliographe, feu Mad-
den.
1. Sur les omissions ou erreurs de ces spécialistes, voir pp. 1,4,5, 6, 7, 9, 10, i3,
i5, 16, 21, 29, 36, 39, 53, 58, 61, 62,63, 67, 70, 75, 77, 79, 83, 87, 91, 127, i38,
149, i5i, i54, 167, 169, 170, 171, 172, .173, 178, 180, i83, i85, 186, 188, 189,
193, 196, 197, 204, 206, 210, 212, 226, 227, 239, 240, 248, 249, 25o, 253, 260, 263,
264, 271, 273, 278. Ces chiffres disent mieux que toutes les paroles combien l'ou-
vrage de M. P. rendra des services aux bibliographes et bibliophiles.
2. Voir rénumération de ces reproductions photographiques en une Taè/e particu-
lière (p. 281-282), suivie d'une Table des noms de villes et d'imprimeurs, d'une Ta-
ble sommaire des titres des ouvrages et enfin d'une Table générale alphabétique.
3. Deux nouveaux catalogues très importants vont être mis sous presse, et deux
autres sont en préparation.
494 REVUE CRITIQUE
de France et dont la Revue rétrospective pourrait faire son profit; p. 17,
diverses anecdotes de la Révolution corse au xviii« siècle; p. 5i, Joseph
Bonaparte à la recherche d'un titre de noblesse (très amusant épisode de
jeunesse du frère de Napoléon) ; p, 96, le duc de Richelieu académicien
della Criisca (publie une lettre en italien écrite par lui, Gènes, 14 sep-
tembre 1748); p. 3oo, le cardinal Rivarola et Pauline Borghèse (quel-
ques lettres de la princesse, dont l'une contient de très vives apprécia-
tions sur son mari : è benfinito e per sempre ; conosco la sua gativeria).
— Relevons quelques légères taches : p. 3o, il est dit que si Napoléon
était né sujet du pape, la Corse ne serait pas aujourd'hui italienne seule-
ment par la géographie: il faudrait démontrer d'abord que si Napoléon
était né sujet pontifical, sa carrière eût été autre ; p. 3oo, le mot attribué à \
Voltaire: « Tant pis pour l'orthographe! » n'est pas compris, comme le
prouve son application à Richelieu ; p. 3o6, Fauteur apprécie cruelle-
ment le charmant mouvement de fierté plastique de Pauline Borghèse
posant devant Canova : procace audacia. — Les éditeurs français n'ont
pas de chance avec M. Neri : Quantin est appelé Quintin (p. 120], et
Perrotin, Perrotier (p. 52). — Ce ne sont là que des vétilles; le plus
grave défaut du livre, c'est le manque d'un index. Tel qu'il est, il sera
presque impossible de s'en servir, et ce sera vraiment dommage, car il
est plein de documents et de renseignements curieux.
L. G. P.
281. — M. Kronenberg. Hemdier's Pliilosophie nach ibrem Entwickelungsgang
und ihrer historichen Stellung. Heidelberg, Winier, 1889, n6 p. in-8. 3 m, 60.
L'essai de M. Kronenberg n'a pas grande valeur, parce que le sujet
est mal traité; chose plus grave, il ne pouvait pas avoir grande valeur,
parce que le sujet est mal posé. Il prétend étudier la philosophie de .
Herder; or, des idées philosophiques ne font pas une philosophie. Si II
Herder eut des tendances, des prédilections et des effusions plus ou ||
moins philosophiques, il avait en revanche une tête p.insi faite qu'il lui
fut toujours impossible de concevoir nettement une pensée, et de la
suivre, si peu que ce fût, dans ses développements. N'en déplaise à
M. K., c'est Haym qui a raison, et l'évolution des goûts philosophi-
ques de Herder, qui changèrent toujours parce qu'ils furent toujours
indécis et flottants, ne constitue guère qu'une série de documents inté-
ressant tout au plus son biographe. Je ne nie point que la direction
même de ces tendances, et l'action qu'eurent ses écrits sur une petite
classe d'esprits, n'aient un intérêt pour l'histoire générale, littéraire et
philosophique. Son naturalisme mystique, son panthéisme confus, sa
perpétuelle et fastidieuse Schpàrnierei, même le sentimentalisme im-
puissant et embrouillé qui l'empêcha d'être jamais autre chose qu'un
écho, et le mit successivement à la remorque de Hamann et des spino-
zistes, tout cela ne fut pas sans exercer quelque influence sur les
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 496
Schlegel, sur Schelling, sur tout le romantisme, et même sur Gœthe.
C'est en ce sens que Ton pouvait étudier la « position historique » de
Herder; sans être passionnant, le sujet, au moins, existait. M. Kronen-
berg ne l'a pas entendu ainsi ; il n'y a pas lieu de s'en affliger outre
mesure.
Lucien Herr.
282. — Opère dï Giosuè Carduccl. Bologne, Zanichelli, t. I à IV parus,
1889-1890, in-i6 de 448, 5ii, 497, 489 p. Prix: 4 fr. le vol.
MM. Zanichelli se sont mi? à réunir les œuvres complètes de M. Car-
ducci, éparses en beaucoup de volumes, plaquettes et revues, et cette
édition définitive, faite avec un goût typographique excellent, a l'avan-
tage d'être dirigée par l'auteur lui-même, bonne garantie pour qu'elle
soit complète et correcte. Elle est munie de notes bibliographiques et
d'additions. Il aurait fallu souhaiter que ces additions fussent plus ,
nombreuses, que la mise au point eût été plus homogène et que le texte
même des travaux de critique de Carducci eût été plus minutieusement
tenu au courant des progrès de l'érudition. Mais le but poursuivi par
les éditeurs ne nécessitait pas cette revision ; c'est un monument litté-
raire qu'ils élèvent, et c'est l'écrivain plus que le savant qu'ils ont
entendu honorer. On aurait pu éviter, dans ces conditions, la repro-
duction intégrale des rapports faits par Carducci à la députation histo-
rique des provinces de Romagne, de i865 a 1875, bien que le lecteur y
trouve une preuve nouvelle de la variété des aptitudes du poète et de sa
grande activité. Je regrette moins la partie toute personnelle et d'actua*
lité, qui tient une certaine place dans les polémiques, parce qu'elle com-
plète des documents d'histoire littéraire, parfois précieux, jamais inu-
tiles, pleins d'indications sur la vie morale et intellectuelle de l'Italie en
ces trente dernières années. A ce point de vue spécial, la collection entre-
prise rendra dès à présent d'utiles services, surtout à l'étranger.
Quant à la valeur d'art et de critique de l'œuvre de Carducci, il est
superflu de la rappeler. L'admiration très sincère que j'aurais à exprimer
pour le maître de Bologne perdrait de son prix à côté de celle que la
Revue critique a fait connaître dès longtemps à ses lecteurs. On a loué
en lui, ici-même, « le plus exact des érudits, le plus minutieux des cri-
tiques, en même temps qu'un penseur original et un écrivain hardi ^ ».
Il est plus utile d'indiquer le contenu des volumes déjà parus, afin que
les lecteurs soient en mesure d'y faire leur choix. Le premier volume,
intitulé Discorsi letterari e storici^ s'ouvre par le discours ofiiciel pro-
^1 nonce aux dernières fêtes universitaires de Bologne ; puis viennent les
importants discours sur le développement de la littérature italienne,
avec de nombreuses modifications améliorant la dernière édition parue
dans les Studi letterari de l'auteur ; suivent les discours sur Virgile,
I. Revue du i3 septembre 1874, et du 23 septembre 1876.
49^ REVUE CRITIQUE
Dante, Pétrarque, Boccace, Garibaldi, etc., et les Rela:{îoni auxquelles
Je faisais allusion tout à l'heure. Avec le deuxième volume, nous en-
trons dans la critique littéraire plus familière ; plusieurs des morceaux
qui y sont recueillis ne sont autre chose que les préfaces à ces éditions
florentines, qui ont occupé plusieurs années de la jeunesse de l'écrivain,
ainsi qu'il le raconte lui-même au tome IV des Opère. On y relira les
études sur Laurent de Médicis, Tassoni, Salvator Rosa, Alessandro
Marchetti, Altieri, Giusti, Gabriele Rossetti, mêlées à quelques articles
de revue, dont les idées originales étaient destinées à reparaître plus
tard en des œuvres plus mûries; l'âge de ces essais est indiqué, en effet,
par le titre du volume : PrimiSag-gi. Le troisième^ Bo^^etti e Scherme,
contient des portraits piquants comme celui de la comtesse Gozzadini,
héroïques comme celui du poète Mameli ; on y relira le morceau célèbre
Di alcuni giudi\i su A. Man^oni, et le spirituel récit du deuxième
centenaire de Muratori. La France est intéressée particulièrement par
une courte étude sur Littré et deux articles sur Barbier, dont l'un,
Augusto Barbier in Italia, met en œuvre les notes du poète d'il pianto
en ses divers voyages ; on trouvera encore, aux pages 126 et suivantes,
le passage bien connu sur notre littérature, éloquente apologie inspirée
par la rencontre de quelques manuscrits du moyen âge à la Bibliothè-
que de Modène.
Le titre Confessioni e Battaglie, mis au quatrième tome des
Opère, a déjà servi à un volume antérieur, qui reparaît ici fort aug-
menté. Les souvenirs d'enfance et de jeunesse, le récit toujours atta-
chant des débuts littéraires, les premières polémiques introduisent cette
série de pages ardentes placées en tête des recueils poétiques de Carducci,
et dont quelques-unes, notamment dans Critica ed arte, sont de véri-
tables manifestes, véhéments, débordants d'idées; ces idées ne sont pas
toutes également solides, sans doute, et, pour ma part, j'y ferais plus
d'une réserve ; mais il me semble que la franchise virile et désintéressée
de l'écrivain doit lui valoir l'estime de ceux même qui sont appelés à le
combattre. Le dernier morceau considérable est intitulé : Ça ira; il
paraît que les douze sonnets historiques sur 1792, auxquels Tauteur a
donné ce titre, ont semblé à de graves critiques pleins de dangers pour
la jeunesse du royaume et, comme on dit, éminemment subversifs; la
riposte à ces singulières attaques est un chef-d'œuvre de prose ironique
et vigoureuse. Un Français, quel que soit d'ailleurs son sentiment
politique, ne pourra en lire certaines pages sans une émotion recon-J
naissante; il y a des langues dans lesquelles nous ne sommes plus^
habitués à entendre juger notre pays avec équité; notre poète, au con-|
traire, sait voir de haut les hommes et les choses et regarde l'histoire
avec un cœur droit.
P. N.
d'histoire et de littératdrb 497
283, Mémoires du duc des Cars, publiés par son neveu le duc des Cars,
avec une introduction et des notes, par Henri de l'Epinois. Paris, Pion, 1890.
Deux volumes in-8, xxiv et 387, 433 p. i5 fr.
Quoique ces Mémoires ne soient pas édités avec un soin parfait, il
y a intérêt et profit à les lire. L'auteur, le duc des Cars, destiné d'abord
à l'état ecclésiastique, servit dans la marine et accompagna M. de Breu-
gnon à Maroc; puis il entra dans la cavalerie, et devint successivement
gentilhomme d'honneur du comte d'Artois, colonel de dragons, briga-
dier de cavalerie et premier maître d'hôtel du roi. Ce fut un excellent
colonel qui ne négligea pas son régiment et ne cessa d'étudier son métier
avec passion. Aussi fit-il en 1785 un voyage à Berlin pour voir de près
lorganisation de l'armée prussienne et assister aux revues de Potsdam ;
il fut présenté à Frédéric 11 et se lia avec le prince Henri qui ne man-
qua pas de lui dénigrer son frère et de « rabattre l'opinion généralement
reçue de ses grands talents». Il prit part, avec le comte d'Artois, au
siège de Gibraltar, et nous décrit, d'une façon très attachante, la cour
d'Espagne et les principaux épisodes de l'expédition : les visites aux
tranchées, les batteries flottantes du colonel d'Arçon, les chevaleresques
égards d'Elliot, sans oublier de nous peindre en passant le duc de Cril-
lon et le romanesque Nassau-Siegen, « véritable chevalier errant de ce
siècle » (I, 174). Lorsqu'éclata la Révolution, le duc des Cars resta
fidèle au roi et se détermina à ne pas le quitter, quel que pût être son
sort. Mais on le crut « plus utile dehors que dedans » (II, 87). Il par-
courut l'Allemagne, et visita les cours : Cologne, Mayence, Bruchsal,
Stuttgart et le château de Hohenheim, Munich, Ratisbonne, Passau.
Mais l'épisode marquant de ce voyage est le séjour de Vienne; le duc
des Cars y fit connaissance avec les plus grands personnages, Kaunitz,
Lacy, le prince de Ligne, etc., et Vienne, dit-il, n'avait pas alors son
égale en Europe pour le choix, le nombre et l'agrément des sociétés
[11, i6i). Il s'entretint avec Joseph, puis avec Léopold de la situation
du roi de France; Léopold désirait que Louis XVI sortît de France ou
du moins se rendît à Valenciennes, pour traiter de là avec l'assemblée.
Mais déjà l'émigration s'agitait, les princes intriguaient et appelaient
Galonné, « l'aimable Calonne, doué de tant d'esprit, mais qui montrait
parfois une indiscrète légèreté ». Le duc des Cars combattit l'influence
néfaste de Calonne et son plan d'émigration systématique; aussi Conzié
le nommait-il un monarchien (II, 207). Mais les princes avaient con-
fiance dans le duc, et ce fut lui qu'ils chargèrent de porter en Suède la
convention de Pillnitz, et de résider en leur nom auprès de Gustave III.
Le récit du duc des Cars à la cour de Gustave est connu depuis long-
temps; M. Geffroy avait pu le consulter et reproduire plus d'une appré-
ciation, plus d'une citation de ce « brillant officier qui laissa après lui
une mémoire justement appréciée, des traditions de fidélité, d'honneur
et d'esprit », Mais on ne lira pas sans curiosité le tableau de l'état poli-
tique et militaire de la Suède, et tous les dramatiques détails qui pré-
498 REVUE CRITIQUE
cèdent et annoncent l'assassinat de Gustave; le duc des Cars reçut la
confidence du complot et avertit le roi; il assista aux derniers moments
de Gustave. C'est ici que se terminent les mémoires du duc des Cars.
On saura le plus grand gré à son neveu de les avoir livrés au public.
Les historiens du siècle dernier y recueilleront d'utiles observations et
bien des particularités inédites. Les anecdotes y fourmillent, notam-
ment sur la cour de Louis XV et de Louis XVI, et nous appelons l'at-
tention, surtout ce qui concerne la fortune politique de l'abbé Terray, les
réformes militaires du comte de Saint-Germain, la guerre d'Amérique,
« la guerre la plus indécente » (I, 173), le combat d'Ouessant et le rôle
qu'y joua le duc de Chartres, Necker, etc. Nous avons déjà cité les pa-
ges relatives à l'Espagne et à Frédéric II. — L'éditeur a bien fait de
détacher du texte des Mémoires tous les passages qui ont trait aux ma-
nœuvres de cavalerie et de les mettre à part dans deux chapitres parti-
culiers (H, 3o2-385); là aussi on glanera des informations instructives
et mainte anecdote sur l'instruction des revues en Prusse, sur le nou-
veau système d'allures introduit par le duc dans deux régiments, sur les
exercices de Vaucouleurs et le camp de Metz, sur le comité de cavale-
rie et l'ordonnance d'instruction pour les troupes de cheval, qui « est
presque entièrement le travail du duc des Cars, sauf quelques change-
ments dans l'ordre des chapitres, et des mouvements de lignes » (IL
379). Un Epilogue nous renseigne sur la carrière ultérieure de l'au-
teur des Mémoires, sur sa sœur, la marquise de Brunoy, et son cousin,
le comte François des Cars. M. de l'Epinois a mis en tête du premier
volume une courte introduction et au bas des pages quelques notes qui
ne sont pas toujours irréprochables ' ; on le remerciera d'avoir dressé
une table de noms cités dans les Mémoires (II, 412-429).
A. Chuquet.
I. De même que quelques noms cités dans le texte et les notes. Tome I, p. 48^
lire Mazarredo et non Massorodo ; — p. i3g, du Muy et non de Muy ; — p. 168, Keith
et non Reith ; — p. 226, c'étaient, non le roi et la reine de Suède, mais le futur Paull'»
et sa femme qui voyageaient sous le nom de comte et comtesse du Nord; — p. 262,
à quoi sert la longue note sur la guerre de Sept Ans? — p. 3og, lire Consarbrùck et
non Consorbrùck ; — p. 332 et partout Heymaiin et non Heyman ; — p. 364, 355,
356, 357, Gaudi et non Gandi; — p. 356, Villingshausen et non Wiliinghausen; _
— p. 358, Granby et non Gamby, Sababurg et non Salabord, Spœrcken et non f
Spo) cken (et sans doute Meimbressen pour Moyenbrecken); — p. 359, Hohenkir-
clien et non Hocfikirken, Immenhausen et non lenenhausen; — p. 363, Kehnert et
non Kenert; — 379, Pritlwitzet non Pritt^witi, Wusirau et nonTFM5ro«»; — tome 11^
p. 8-9, le régiment des hussards rouges de Schulenbourg était dans la guerre de
Sept Ans le régiment de Belling (et non de Beleing), et fut celui deBlûchcr; — lire
p. 25 Reinhardsgrimma et non Rheinartsgrienn, Dippoldiswalde et non Dippols-
diwalda; — p. 99, M™e de Cudenhoven et non de Gudiiowe; —p. 100, Nassau-Usin-
gen et non Lesingen; — p. 108, Lehrbach, et non Lerbach ; — p. i3o, Starhemberg
et non Stahretnberg ; — p. 145, Podewils et non Podwit:{; — p. i53, Kageneck et
non Kœgeneck; — p. t55, Groschlag et non Gronchlau ^1); — p. 160, Van Swieten
et non Suyteyx, Haeftcn et non Horften; — p. 178, Schœnbornlust et non Schœn-
burnlust; — p. 217, DoUffs et non d'Olfs, etc. Les notes sont inégalement réparties;
j
d'histoire et de littérature 499
284. — Comte Vasili. La Sainte Russie. La cour, l'armée, le clergé, la bour'
geoisie, le peuple. Un vol. in-4 de 55o pages. Paris, Firmin Didot, 1890.
Je n'ai pas l'intention de rechercher ici quelle collectivité d'écrivains
se cache sous la raison sociale du comte Vasili. Cette raison sociale a
dirigé le présent volume dont les différents chapitres ne sont certaine-
ment pas tous dus à la même main. Tous sont loin d'avoir la même valeur :
leur ensemble ne donne pas une idée complète de la Russie : ils ont
laissé en dehors l'art et la littérature. L'aspect extérieur du volume est
fort séduisant : les illustrations sont exactes ^ et ne sont pas placées à
contre-sens,"ainsi que cela est souvent arrivé pour les ouvrages antérieurs,
relatifs à la Russie.
Le volume s'ouvre par une histoire de la Russie à vol d'oiseau. Cette
introduction est malheureusement des plus faibles; la personne qui l'a
écrite estassurément un russe très patriote, mais ce n'est pas un historien
de profession. — P. 3, par exemple, le comte Vasili (ou son collabora-
teur) affirme que la nationalité russe n'a pas été le résultat de l'envahis-
sement de la race indigène par la race germaine conquérante. Mais ce
que les annalistes russes appellent la vocation des Varègues, n'est qu'un
envahissement déguisé. L'auteur a, il est vrai, des idées fort vagues sur
ces Varègues. (f Qu'ils aient été, dit-il p. 5, desNormandsou des Scandina-
ves! (?) » Sait-il bien lui-même ici ce qu'il a voulu dire? — P. 9. L'expé-
dition d'Oleg contre Constantinople décida deux des plus grands événe-
ments de l'histoire de Russie : l'introduction du christianisme etTadop-
tion du titre de tsar. Le titre de tsar n'ayant été pris qu'au xvi" siècle,
on ne voit pas bien la relation des deux événements. — P. 10. Ce n'est
pas pour les Bulgares que Cyrille ~ et Méthode inventèrent l'alphabet
Slavon. Ce fut pour les Slaves de la Grande Moravie — P. 21. Les pro-
vinces occidentales de l'Empire russe ne furent pas converties au catho-
licisme, mais amenées à l'Union avec l'église de Rome, ce qui est bien
différent. — P. 22. On nous cite parmi les chefs des Cosaques, les Taras
Boulba et les Khmelnitsky : Boulba est un personnage de roman qui a été
inventé par Gogol et n'a rien à faire avec l'histoire. — P. 27. « Kholop,
mot polonais qui signifie esclave « : Kholop, Khlop, est un mot essen-
tiellement panslave et dont les Polonais n'ont pas le monopole. Je n'in-
certains personnages en ont, d'autres n'en ont pas du tout, quelques-uns en ont deux,
ce qui est trop (La Pérouse, 1, 60 et 202; Rumain, I, 70 et 202). Roquefeuil, cité
déjà I, p. 80 et 177, n'a sa note qu'à la p. 209. Enfin l'éditeur aurait mieux fait de
ne pas traduire en français les citations latines {loca fœta furentibits austris = mau-
vais lieux lorsque les vents se déchaînent en furie; il aura compns fœda et il met
une virgule après ce mot; — « vera incessu paruit dea (pour « patuit ») » ;— ille etiam
exlUicto miseratus Cesare Romani = « à la mort de César on prit pitié de Rome
lorsqu'un nuage épais enveloppa sa tête blanchie », 1, 66, 336 ; II, 65.
1. Sauf celle de la p. 187. Les élèves du progymnase de Varsovie n'ont rien à
faire dans un livre où il n'est pas parlé de la Pologne,
2. L'auteur écrit Kyrille : ce simple détail suffit à constater sa nationalité. Son
style, d'ailleurs, est souvent exotique.
500 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
sisterai pas davantage sur ces observations de détail qui fatigueraient le
lecteur. Tout ce résumé d'Iiistoire russe est absolument manqué. Si
jamais l'ouvrage arrive à une seconde édition, c'est un chapitre à récrire
en entier. Le chapitre sur la noblesse russe donnerait lieu également à
bien des observations '. Les pages consacrées aux sectes sont bien incom-
plètes. Les négligences de style abondent dans celles qui sont relatives
à la bourgeoisie. — P. 317. « Les Russes gagnaient leur pain en vivant
dans les campagnes où il leur était plus facile de se sauver à la moindre
invasion tartare que d'une \\l\e(sic). » — P. 32 1. a Certaines maisons de
commerce ou d'industrie se voient après cent ans d'existence honorable
élevées en la personne de leur chef au titre de baron. » Les meilleures
parties du livre sont celles qui concernent les institutions, la bour-
geoisie, les deux capitales. Quelques illustrations sont fort remarquables.
Mais l'ouvrage aurait gagné à être plus sévèrement revu. Tel qu'il est, il
ne dispense de recourir ni au manuel de M. Rambaud ni aux admira-
bles études de M. Anatole Leroy-Beaulieu. Le ton général est celui
d'un enthousiasme continu pour les personnes et les institutions. Trop
est trop, disait M"« de Sévigné.
L. L.
CHRONIQUE
FRANCE. —M. A. Loisy vient de publier une brochure sur les Proverbes de Salo-
mon (Amiens, impr. Rousseau-Leroy, i8go; bg pp inS"). Il montre qu'on a affaire
à une compilation de neuf recueils différents : un prologje (I, 1-6), des discours
moraux introduclifs (I, 7-IX), une collection de sentences attribuées à Salomon (X-
XXII, 16;, deux groupes de pensées anonymes (XXII, 17-XXIV, 22 et XXIV, 23-34),
un recueil daté du règne d'Ezéchias (XXV-XXIX), deux petits recueils d'origine non
Israélite attribués à Agur et à Lemuel (XXX, XXXI, 1-9), enfin un poème alphabé- |||
tique (XXXI, io-3i). La date de ces différents recueils est très difficile à déterminer;
celui qui est présenté comme exécuté sous le règne d'Ezéchias paraît le plus ancien.
L'ensemble de la compilation ne doit pas être d'une époque plus tardive que les pre-
mières années après l'exil. En tout cas, il n'y a pas lieu d'y voir une série d'extraits
d'une compilation salomonienne plus étendue; si le nom de Salomon mérite de res-
ter dans le titre, c'est que ce roi paraît avoir été l'initiateur du genre chez les Juifs.
Cette dissertation de M. Loisy fait bien augurer du travail qu'il prépare sur les Pro-
verbes.
BELGIQUE. — Le prix décennal de philologie, pour la période de 1880-1889, est
décerné à M. Aug. Scheleh, pour ses travaux de philologie française.
— L'Académie royale a reçu d'un anonyme un capital de 43,000 francs en obli-
gations beiges 3 1/2 0/0 afin d'instituer, au moyen des intérêts de cette somme,
un prix biennal de philologie classique de 3,i5o francs.
1. Notre collègue Baudouin de Courtenay n'est point professeur à Kiev; il ne croit
pas descendre des princes capétiens de Courtenay.
2. P. 93, vykho lisez vykhod. — P. 100, lisez opoltchenie et non opollchenie.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Fuy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
1
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE Ei DE LITTÉRATURE
N° 26 - 30 juin — 1890
«Sommaire t 285. Edkins, L'évolution de l'hébreu. — 286. Etudes sur le latin
archaïque, i, 2. — 287. Hochart, L'authenticité des Annales et des Histoires de
Tacite. — 288. Grundlach, La primauté d'Arles sur l'église des Gaules. — 289.
ScHLUMBERGER, Nicéphore Phocas. — 290. Bindi, Monuments historiques et ar-
tistiques des Abruzzes. — 291. De Rubi.e, Le collogue de Poissy. — 292. Corvin,
Le théâtre en Russie. — 2gi5. Schwob et G. Guieysse, L'Argot français. —
Chronique. — Académie des Inscriptions.
285. — Xlie évolution of tlie liebre-vv language by Joseph Edkins, D. D.,
author of « Evolution of the chinese language », China's place in philology »,
« Chinese Buddhism », etc. Londres, Triibner, 1889, in-8, ix et i5o p.
La linguistique qui, née de nos jours, a pris une place si importante
dans nos études, est fondée sur la méthode comparative; elle suit, dans
leur développement à travers les âges, les langues sœurs qui ont une
même origine, note leurs traits de famille et explique leurs divergences.
Mais elle s'interdit de remonter plus haut, car son domaine est circons-
crit par un horizon, au delà duquel se trouve le brouillard; ainsi elle
ne cherche pas à reconstituer une langue-mère qui a disparu sans lais-
ser d^autres traces que ses rejetons, car les éléments de reconstruction
lui font défaut. Pour les langues sémitiques, le caractère commun, c'est
la trillitéralité. Ce phénomène a-t-il succédé a un état plus ancien, an-
térieur à la séparation de ces langues, où les mots étaient monosyllabi-
ques ou bilittères? On peut le supposer, mais ce n'est qu'une hypothèse
plus ou moins vraisemblable. M. Joseph Edkins, dans le livre énoncé
ci-dessus, non seulement admet le principe de la bilittéralité comme
hors de doute, mais il considère l'hébreu comme une langue née d'elle-
même, et il trace aisément les diverses phases de sa genèse. Il lui suffit
pour cela d'examiner l'organe qui sert à la manifestation de la pensée
humaine, la bouche et ses diverses parties. D'après cet organe, il divise
les consonnes en labiales, dentales et gutturales; ces trois classes repré-
sentent les trois évolutions de la langue. A la période primitive appar-
tiennent les labiales, car les lèvres sont mues d'abord par l'enfant à la
mamelle ; à cette époque, la langue ne se compose que de quelques voca-
bles. Puis vient Page des dentales qui se forment des labiales par évolution;
la langue s'enrichit beaucoup pendant cette période, mais elle ne reçoit
son complet épanouissement qu'à l'époque des gutturales qui achèvent
l'évolution. On comprend chez un Anglais, qui s'écoute parler, la pré-
férence assignée aux labiales et aux dentales; mais il y a fort à parier
que, si ce système avait été conçu par un Allemand, les gutturales au«
Nouvelle série, XXIX. 26
502 RRVUR CRITIQUR
raient obtenu le premier rang. M. Edkins ne pense pas sans doute que
Tenfant à la mamelle ait été l'inventeur de la langue; celui-ci n'aurait
pas trouvé assurément les dentales, et pour cause. Au surplus, son sys-
tème est un vrai passe-partout applicable à toutes les langues et capable
d'ouvrir toutes les portes; il est très simple et tient en quelques pages.
Il s'adapte parfaitement à l'hébreu : prenez un mot composé de labiales,
bamah « lieu haut », vous avez dans le même sens i^am « haut » et qum
«se tenir debout» Comprenez-vous l'évolution? Non? Prenons un
autre cas : supposez un ancien démonstratif perdu en p et m; comparez
les pronoms hébreux ^eh, :{oth « celui-ci, celle-ci », elleh « ceux ci » ha
(( le, la, les », asher « qui », hii, hi « il, elle », hemmah, hem, henna,
hen « eux, elles ». L'évolution, nous dit l'auteur, s'est faite dt b tn d et
de ^ en ;j ^ Voulez-vous d'autres exemples? Non, n'est-ce pas? Cela
suffit pour juger le livre. Les amateurs de curiosité lui feront une place
dans leurs collections; il pourra même trouver des imitateurs, dont l'es-
pèce n'est pas rare, mais le temps est heureusement loin, où il aurait pu
faire école.
Rubens Duval.
2S6. — Stu<lîen auf [<Ieni Gebîete «les aroliai^iclien I^ateins, herausge-
geben von W. Studemund, t. I, fasc. 2. Berlin, Weidmann, 1890, pp. 3iq-
642. In-8. Prix : 7 M.
Ce deuxième fascicule (le premier remonte à 1873 !) contient deux
dissertations : A. Luchs, Zur Lehre von der Genetivbildung der latei-
nischen Pronomina, et P. Richter, de usu particularum exclamatiua-
rum apud priscos scriptores latinos. Un avis de M. Oskar Seyffert, qui
se dissimule à la fin de la brochure, nous prévient que la première dis-
sertation avait été publiée en 1873 et qu'il avait paru de la seconde deux
fragments étendus en 1874 et en 1879. Si l'on n''était habitué à tout, on
pourrait trouver mauvais le procédé d'un éditeur qui reprend d'anciens
articles pour compléter un volume commencé dix-sept ans plus tôt.
Mais ces études n'ont pas vieilli. Les recherches de M. Albrecht Kohler
sur em et en (Archiv de Wolfflin, VI, 25), par exemple, n'ont fait que
confirmer d'avance les résultats obtenus par M. Richter. Si on peut
contester çà et là quelques assertions, on a du moins dans ce petit
volume un recueil statistique commode à consulter.
Paul Lejay.
1. L'auteur donne la priorité aux explosi^'es sur les sourdes, parce que l'organe
de l'ouïe a dû percevoir d'abord les sons sonores. 11 dit que le chaldéen da est pa-
rent de l'hébreu ;fe/j, l'arabe étant dhu, dki, dha, et que l'évolution a eu lieu de d
en :{. Mais les inscriptions araméennes nous apprennent que les formes anciennes
du démonstratif et du relatif étaient :[end, ^a, ^i, et les formes postérieures dena,
dâ, di. C'est donc le contraire qui est vrai dans ce cas.
d'histoire et de littérature 5o3
287. — p. HoCHART. De l'Auf Iienticité des Annales et de» Eflietoires de
l'aeite. Paris, 1890 (chez Thorin), in-8, 33o pages.
M. Hochart qui avait déjà émis, à propos de la persécution des chré-
tiens sous Néron, des idées quelque peu hardies, vient de consacrer tout
un livre à prouver que les Annales et les Histoires de Tacite, telles du
moins que nous les possédons, sont l'œuvre du Pogge. C'est la théorie
de M. Ross amplifiée. Les premiers chapitres contiennent des faits assez
intéressants sur les découvertes littéraires au xv^ siècle, sur le Pogge et
sur ses amis. Soixante-huit lettres du Pogge, connues d'ailleurs, termi*
nent le travail. Quant au corps du livre, je ne m'y étendrai pas longue-
ment. Un exemple pris au hasard suffira à montrer avec quelle sagacité
l'auteur procède. Il s'agit de prouver que le texte de Tacite est plein de
contradictions. On lit donc à la page gS : « Les variations sont plus impor-
tantes au sujet des légions romaines. Les Annales nous donnent leur dis-
tribution dans rétendue de l'empire : il y en aurait eu 8 sur le Rhin, 3
en Espagne, 2 en Afrique, 2 en Egypte, 4 en Asie, 2 en Pannonie, 2 en
Mésie, 2 en Dalmatie; il n'y en aurait point eu en Gaule ni en Breta-
gne. La garde de Rome aurait été confiée à 3 cohortes urbaines et 9 co-
hortes prétoriennes. Or, dans les Histoires, nous en voyons (c'est-à-dire,
■je pense, nous voyons des légions) en Italie, en Bretagne, à Lyon; à
Rome, d'autre part le nombre des cohortes est de 4 urbaines et de
ï6 prétoriennes. » Pourquoi ne pas reprocher aussi à Tacite, comme
une contradiction, de dire dans les Annales que l'empereur se nommait
Tibère, tandis qu'il parle dans les Histoires de Galba et de Vespasien?
Que M, H. se donne la peine de faire la preuve de son opération,
comme on dit en arithmétique; qu'il voie le nombre de faits qui se ren-
contrent dans Tacite et que des inscriptions trouvées depuis la Renais-
sance ont confirmés, que par suite on ignorait entièrement à Pépoque
du Pogge? S'il n'est pas convaincu alors de l'authenticité de Tacite,
c'est qu'il fermera les yeux. Il est vrai que, pour se tirer d'affaire, il
pourra soupçonner les inscriptions d'avoir été faites d'après Tacite. II
n'est pas déjà bien certain que la table de Claude soit authentique
(p. io3). Décidément « on ne fait pas sa part au scepticisme. »
R. Cagnat.
288. — W. Grundlach. I>er Streit der Itistliunici* Arles und Vienne um
den Primatus Galliarum. i vol. in-8, xxii-294 pages. Hannover, Hahn, 1890.
M. Grundlach devait publier dans les Monumenta Germanîœ hislo-
rica (section des Epistolœ) celles des lettres écrites par les prédécesseurs
du pape Grégoire I<^r qui se rapportent à l'histoire du royaume franc. Ces
lettres peu nombreuses font partie, dans les manuscrits qui nous les ont
conservées, d'une collection où sont réunies une série de pièces relatives
à la primauté du siège d'Arles sur l'église des Gaules. Il était par suite
du devoir de l'éditeur d'examiner quelle est la valeur de la collection tout
?04 REVUE CniTIQUR
entière; est-elle authentique ou bien les documents qui la composent
ont-ils été inventés d'une pièce, pour exalter le siège d'Arles? Mais il
existe une autre collection publiée par Jean Dubois (Johannes a Bosco)
à la suite de sa Floriacensis vêtus bibliotheca, où l'on démontre que
cette primauté de la Gaule appartient au siège de Vienne. Entre les deux
séries de documents, il y a contradiction absolue; laquelle est la vraie,
laquelle est la fausse, ou bien ne seraient-elles pas controuvées toutes
deux? Telles sont les questions que se pose M. G. et auxquelles il ré-
pond avec une grande sagacité.
Il prouve d'abord l'authenticité des Epistolœ Arelatenses. Ces lettres
nous ont été conservées dans de très anciens manuscrits; deux d'entre
eux (Bibliothèque nationale, fonds latin 2777 et 3849), remontent au
ix° siècle; quelques pièces, recueillies dans la collection, se retrouvent
même isolées dans des manuscrits plus anciens. Le formulaire de toutes
ces lettres, — suscriptions et souscriptions, manière de dater — répond
tout à fait aux usages suivis par la chancellerie pontificale du iv^ au
vp siècle. Enfin le contenu n'est contredit par aucun document de l'é-
poque ; bien au contraire, les actes d'un certain nombre de conciles indi£
quent que les prélats d'Arles avaient au début de la période mérovi
gienne une situation prépondérante dans l'église des Gaules.
Il en est tout autrement des Epistolœ Viennenses. Nous ne les troP
vous dans aucun manuscrit antérieur au xii'' siècle. Les formules
employées sont inexactes et trahissent une falsification relativement
récente. Toutes les pièces sont fort vagues, pleines de contradic-
tions, en opposition manifeste avec les faits authentiques que nous
connaissons. Jusqu'ici nous sommes tout à fait d'accord avec M. Grund-
lach. Mais, à notre avis, il n'a pas aussi bien réussi à démontrer que
l'auteur de la falsification est Tarchevêque Gui de Vienne, qui devint, en
1119, pape sous le nom de Calixte II. On s'expliquerait à la rigueur
pourquoi dans quelques-unes de ces pièces Gui eût réclamé la supré-
matie sur l'abbaye de saint Barnard à Romans, pourquoi, dans
d'autres, il se fiit attribué la souveraineté spirituelle sur l'archidia"
coné de Sermorens; mais pourquoi l'archevêque de Vienne aurait-il ré-
clamé une autorité éminente sur l'église des Gaules? Depuis quelque
temps, la primatie avait été donnée à l'archevêque de Lyon, et Gui n'}
contredisait pas. Bien plus, quand il eut été élevé au siège de sain
Pierre, il renouvela le privilège de Lyon, et il fallut toute l'énergie di
roi Louis VI, pour que les droits du métropolitain de Sens ne fusseli
pas méconnus '. M. G. a négligé de nous donnera ce sujet des explica-
tions.
Après avoir écarté les Epistolœ Viennenses^ l'auteur, s'appuyant su
Its Epistolœ Arelatenses, nousfait un historique de la primutieen Gaule
Il montre pour quels motifs le prélat d'Arles, simple cité de la provinc
de Vienne, acquiert une autorité supérieure à celle des autres évêque
I. Luchaire, Louis VI le Gros, n" 3oi et introduction, p. cxxxiv.
d'histoire et de littérature 5o5
de la Gaule; il raconte la lutte que le pape Léon III dut soutenir con-
tre l'évéque Hilaire, devenu trop puissant; il nous expose pour quelles
raisons le siège d'Arles déclina au vii« siècle. Mais il ne s'arrête pas là.
Il nous raconte comment plus tard les Carolingiens ont cherché à faire
créer en Gaule un vicaire du Saint-Siège qui leur fût dévoué. Ce titre
fut accordé, à la prière de Lothaire I*'''; à Tarchevêque de Metz Drogon,
puis à Hincmar de Reims; à la prière de Charles le Chauve, à Anségise
de Sens. M. G. a oublié de parler de Chrodegang. Quand, au temps de
Pépin, le pape Etienne II vint en France, il accorda à ce prélat de Metz
Upalliiim et le titre d'archevêque, et, dès lors, nous dit Paul Diacre, « il
consacra des évêques très nombreux dans les diverses cités, ainsi que des
prêtres et des diacres, et il conféra tous les ordres ecclésiastiques, suivant
la manière romaine ». Il a par suite rempli l'office d'un véritable vicaire.
Ces quatre vicaires avaient été nommés dans l'inrérét du souverain ; au
xi« siècle, de nouveaux vicaires furent créés dans l'intérçt du pape et de
la réforme ecclésiastique; malgré le roi de France, Grégoire VII donna
en 107g au prélat de Lyon la suprématie sur les quatre provinces de
Lyon, Rouen, Sens et Tours, et ses successeurs ont, à diverses reprises,
renouvelé ce privilège.
L'ouvrage de M. G. a un grave défaut de composition; il renferme de
Nombreuses redites; la même lettre est analysée en deux ou trois en-
droits différents. Puis les noms propres ne sont pas toujours correcte-
ment écrits; Tauteur met Châlons-siir- Saône au lieu de Châlon-sur-
Saône ; il parle d'un comté de Salmorenc là où il faudrait archidiaconé
de Sermorens (Sermorens est aujourd'hui un faubourg de la ville de
Voiron, Isère); il affirme que les Arabes ont été vaincus à Tours par
Charles-Martel (p. 200]; il multiplie les notes inutiles (voir la note i
de la page 194, où il essaie, à tort selon nous, de prouver que Clodo-
vech étaif chrétien à son avènement). Mais, malgré ces taches, son livre
conserve une grande valeur. La thèse qu'il a soutenue est juste dans son
ensemble. M. Grundlach est parti d'une étude de manuscrits, pour
nous donner un important chapitre d'histoire générale et nous devons
l'en féliciter. Son ouvrage est une excellente introduction à l'édition
àts Epistolœ Arelatenses et des Epistolœ Viennenses qui, grâce à lui,
figureront en entier dans les Monumenta.
Ch. Pfister.
289. — Gustave Schlujiberger, Un Empereur byzantin au dixK'ui© silè-
cle. !\iicépliui-e I»liocas. Ouvrage illustré de 4 chromolithographies, 3 cartes
et 240 gravures. Paris, Firmin Didot, 1890. In-4 de iv et 781 p. Prix : 3o fr.
Si 1 on excepte le Constantin Porphyrogénète de M. Rambaud, le
livre que nous annonçons est la monographie la plus considérable dont
un empereur grec ait été l'objet jusqu'à ce jour. Mais ce n'est pas au
nombre des pages, hàtons-nous de le dire, qu'il faut juger l'importance
5o6 REVUE CRITIQUE
du travail de M. Schlumberger. Œuvre d'un homme qui, depuis quinze
ans, s'occupe avec prédilection de l'Empire byzantin, qui a fondé toute
une section de l'archéologie byzantine par la publication de sa Sigillo-
graphie (i885), il témoigne non seulement d'une connaissance appro-
fondie des faits, mais d'une intelligence délicate et vive de l'esprit du
temps. Ce livre a encore une autre qualité, précieuse par ce temps d'éru-
dition souvent sèche et rebutante : l'auteur sait passionner son lecteur
pour les événements qui l'ont passionné lui-même; il les expose avec
la lucidité que donne la connaissance parfaite d'un sujet, et l'on va
sans fatigue jusqu'au bout de cette longue biographie, presque étonné
d'avoir pu trouver tant d'attraits à dix années d'histoire byzantine !
M. S. ne s'est pas contenté du récit des faits militaires et de l'exposé
des négociations diplomatiques : mieux avisé qu'un Léon Diacre ou un
Gedrenus, il a voulu, comme il le dit lui-même, faire de son livre « un
résumé de l'existence militaire, sociale et politique de Cunstantinople,
vers l'an 960 », A cet effet, il a appelé à son secours la géographie des-
criptive, l'archéologie, la numismatique; il a emprunté aux ouvrages
du Porphyrogénète mille détails sur la vie publique de Byzance, aux
traités de tactique des renseignements sur ses armées et sur ses flottes;
tout cela, combiné sans effort sensible, avec l'aisance d'une érudition
qui coule de source, lui a permis d'être long sans le paraître et, par un
rare privilège, de pouvoir tout dire sans ennuyer.
Résumons brièvement les faits que M. S. a si agréablement contés.
Constantin Porphyrogénète meurt en gSg, laissant le trône à son fils
Romain, qui avait épousé la belle Théophano. Le véritable chef de
l'empire fut l'eunuque Bringas, qui organisa, dès le début du nouveau
règne, une expédition contre la Crète. Nicéphore Phocas, chargé de la
conduire, s'empara de Candie, nid des plus redoutables pirates Sarra-
sins, tandis que son frère, le curopalate Léon, remportait des succès
importants sur l'émir d'Alep, le hamdanide Seîf Eddaulèh. Envoyé à
son tour en Asie-Mineure, Nicéphore envahit la Cilicie et prit Anazarbe
(962) ; puis il écrasa l'émir devant x\lep et s'empara de cette ville, à l'ex-
ception de la citadelle. Cependant Romain II étant mort le i5 mars
963, ses deux fils, Basile et Constantin, lui succédèrent sous la tutelle
de Théophano. Nicéphore, séduit par l'impératrice, sachant que Bringas
songeait à le faire périr, se fit proclamer empereur à Césarée et marcha
sur Constantinople. Devenu régent de l'empire au nom de Basile et de
Constantin, il se hâta d'épouser Théophano, malgré l'opposition dii
patriarche Polyeucte. En 964 et en 965, les lieutenants de Nicéphore
éprouvèrent des désastres en Sicile, mais il conquit lui-même la Cilicie
en 965 et rentra triomphant à Constantinople. En 966, une campagne
en Mésopotamie et en Syrie se termina par un échec des Grecs devant
Nisib ; ce revers fut toutefois compensé par la conquête de Chypre. Une
guerre contre les Bulgares en 967 ne donna pas de résultats décisifs;
Nicéphore se vengea de leur résistance en lançant contre eux les Russes ,
I
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE So/
de Sviatoslav, qui furent bientôt rappelés chez eux par une invasion
des Petciienègues. En g68 se place la célèbre ambassade de Luitprand,
évêque de Crémone, envoyé par Othon I^r à la cour byzantine. Les
négociations échouèrent et la guerre qui s'en suivit ne fut pas heureuse
pour les Grecs. Nicéphore n'y prit aucune part personnelle; il avait
pénétré de nouveau en Syrie et mis le siège devant Antioche, dont ses
généraux s'emparèrent après son départ. Rentré à Constantinople,
l'empereur s'y trouva aux prises avec le mécontentement du peuple et
du clergé qui, depuis plusieurs années, grondait sourdement contre lui.
Théophano conspira avec Jean Zimiscès, le plus brillant lieutenant de
Nicéphore, et fit assassiner son second époux dans la nuit du lo décem-
bre 970. 11 était âgé de cinquante-sept ans.
Rude figure de soldat, aussi courageux qu'impitoyable, Nicéphore
n'a rien de cette délicatesse de lettré ni de cette mollesse de décadent
que des formules toutes faites attribuent aux Byzantins de tous les siè-
cles. Le goût des aventures guerrières et une tendance persistante à
l'ascétisme sont les deux traits dominants de sa nature. On comprend
que Théophano l'ait aimé et mieux encore qu'elle se soit lassée de lui.
Je ne chicanerai pas M. S. sur l'indulgence parfois excessive qu'il a fait
paraître pour son héros; c'est là le péché mignon de tout biographe.
Mais le premier devoir d'un biographe, après celui de raconter les
faits, c'est de mettre ses lecteurs en état d'en vérifier l'exactitude. Ce
devoir, M. S. y a systématiquement manqué. Empruntant ses infor-
mations à des sources très diverses, grecques, latines, arabes, il ne les a
presque jamais citées en note et s'est contenté d en donner une liste
alphabétique à la fin de son livre. A quoi une pareille liste peut bien
servir, c'est ce que je me suis inutilement demandé. Trois ou quatre
fois, lorsque les témoignages de Léon Diacre sont en conflit avec d'au-
tres, M. S. nous avertit ^ qu'il a suivi de préférence cet historien; mais
quant à nous apprendre à quelle époque l'histoire de Léon Diacre a été
écrite (on sait aujourd'hui qu'elle n'a pas été publiée avant 992) 2, en
quoi Zonaras et le continuateur de Théophane diffèrent de Cedrenus ou
de Scylitzès, quant à indiquer, au moins sommairement, les sources
probables où ont puisé ces chroniqueurs, M. S. ne s'en est point mis
en peine. Cependant M. F. Hirsch, dans ses By^antinisclie Stiidien,
lui avait indiqué la voie, et il suffisait, sur bien des points, de résumer
cet excellent livre : M. S. a eu le tort de s'en dispenser. Grâce à MM.
Sauvaire et Schefer, il a pu connaître, par extraits, des textes arabes iné-
dits : or, loin d'indiquer les manuscrits où sont conservés ces textes, les
bibliothèques où ils sont déposés, les feuillets dont il a obtenu la tra-
duction, il offre à notre curiosité des renseignements comme celui-ci
(p. 766) : « Nowairi (En-), Encyclopédie manuscrite , seulement en
partie publiée. « Voilà les arabisants bien infonnés, s'ils veulent vérifier
1. P. 77, n. I ; p. 207, n. 1 ; p. 272, n. i ; p. 444.
2. Cf. Berl. Philol. Woch., i«86, p. i433.
5o8 REVUE CRITIQUE
les témoignages sur lesquels s'est appuyé M. S. dans tel ou tel chapitre
de son livre, que du reste il ne leur désigne pas! Un pareil système, qui
rend le contrôle presque impossible, déroute la critique, mais n'est pas
fait pour la désarmer. L'exemple donné par Lenormant dans sa Grande-
Grèce serait funeste à l'érudition s'il devait trouver beaucoup d'imita-
teurs ; c'est déjà trop que M. S. soit du nombre. Pour en finir avec les
critiques que soulève cette bibliographie, je m'insurge contre la singu-
lière référence : « Migne, Patrologia Graeca, Paris, 1857-66 » (pour-
quoi pas aussi « Bibhothèque nationale, passim » ?) — et je constate
l'absence du grand ouvrage d'Hergenroether sur Photius, dont le troi-
sième volume contient une intéressante étude sur les rapports de Nicé-
phore Phocas avec l'Eglise (p. 710-718),
Si M. S. avait, à l'exemple de Le Beau, donné de dix en dix pages
l'indication concise de ses sources, je n'aurais pas eu tant de peine à m'a-
percevoir que, tout en les connaissant à merveille, il leur fait dire, sans
avertir le lecteur^ des choses piquantes qu'elles ne disent pas. Dans un
travail comme le sien, il est non seulement permis, mais nécessaire de
procéder en mosaïste ; on peut et l'on doit aussi procéder en psycholo-
gue, c'est-à-dire chercher à reconnaître, sous le sec exposé des chroni-
queurs, les motifs secrets des actes et les « états d'âme » des personnages
mis en scène. Les historiens les plus consciencieux ne se sont pas inter-
dit les développements de ce genre, qui font de l'histoire une œuvre
d'art et de réflexion. Mais ce qui est, à mon avis, tout à fait inadmis-
sible, c'est qu'on puisse donner au vraisemblable le pas sur le vrai et
suppléer au silence des textes par des inventions gratuites, à la façon
d'un Walter Scott ou d'un Dumas. Voici un exemple; je demande la Éi
permission de transcrire tout le passage. La scène se passe après la prise
de Candie (p. 98) :
En un jour, le nom de Nicéphore devint le plus populaire de l'empire. C'était
comme l'aurore pleine de promesses d'une ère nouvelle. Le palais sacré fut en fête.
Une pannychide solennelle fut célébrée en présence de Romain et de Théophano,
probablement dans la Grande Église, ou peut-être au Pantocrator. La cour et la
ville s'étouffèrent pour assister à cette cérémonie extraordinaire qui, ainsi que son
nom l'indique, dura la nuit tout entière. Chacun avait revêtu pour s'y rendre ses
plus somptueux atours. 11 était, du reste, de bon ton de s'y montrer. Aucune femme
en vue ne manquait à ces singulières veillées, où se donnaient rendez-vous tous
ceux qui avaient un nom à Byzance. Sous les profondes voûtes dorées scintillant aux
mille feux des cierges, patriciennes merveilleusement parées, prélats dans leurs gai-
nes d'or, courtisans vêtus de soie, guerriers sous l'armure de mailles, pressés, serrés
les uns contre les autres, formaient un immense amas chatoyant d'où s'échappaient
mille murmures. La voix grave des officiants, les chants aigus des clercs ne parve-
naient pas à étouffer le babil élégant de cette foule frivole pour laquelle cette pieuse
cérémonie n'était qu'une occasion de plus de distraction. Cette fois, du moins, les 11
conversations roulèrent sur un sujet plus noble. La fibre patriotique, si peu déve- -^j
loppée chez ces Romains dégénérés, s'était réveillée au grand bruit des victoires de
Crète. Le nom de Nicéphore volait de bouche en bouche, et les belles patriciennes à
ceinture, quittant aux premières lueurs rosées du matin la vieille basilique encore
tout illuminée, rêveuses dans leurs chars incrustés de lames d'or et d'argent qu'en-
d'histoire et de littérature Sog
traînait à leurs lointaines villas de Bosphore ou à leurs palais de Psammatia le galop
cadencé de quatre mules blanches, songeaient au brillant Domestique que déjà plus
d'une voyait en songe la tête coiftée du stemma impérial les pieds chaussés des
rouges campagia.
Cela est piquant, sans doute, et, pour être byzantin, ne manque pas
d'une certaine saveur de /n'^/z-Zi/è moderne. Mais c'est cette saveur même
qui a éveillé ma méâance. J'ai passé de longues heures à rechercher les
sources de M. S., et mon élonnement n'a pas été médiocre de constater
qu'il n'en avait pas. La solennité même de la pannychide, après la
prise de Candie, n'est attestée, que je sache, par aucun auteur. J'hésite
pourtant à croire que M. S. ait inventé le fait de toutes pièces : peut-
être l'aura-t-il découvert dans quelque texte qui m'a échappé. Mais ce
que je puis affirmer, c'est que le développement tout entier qu'il lui
consacre est de pure fantaisie. Je n'insiste p'as. S'il se trouve des critiques
pour approuver cette façon d'embellir l'histoire, je suis très aise de ne
me point compter parmi eux.
On voit que ce n'est pas le manque de place qui a empêché M. S.
d'indiquer ses sources ; mais ces broderies ne sont pas les seules inuti-
lités dont il eût bien fait de purger son livre. Les redites y abondent, et
l'auteur s'en accuse ingénument par l'usage continuel des formules Je
le répète on je l'ai dit. Je n'ai pas noté moins de trente-neuf exemples
de la première et vingt-cinq de la seconde ! A côté des redites, il y a un
luxe vraiment byzantin d'épithètes, et ces épithètes sont à la fois vio-
lentes et molles, parce qu'elles affirment plus qu'elles ne peignent et
n'ajoutent rien à la netteté des impressions. Admirable^ affreux^
énorme., épouvantable, fabuleux., féerique^ horrible, incomparable,
infini, ravissant, splendide, superbe, terrible sont des mots qui revien-
nent à chaque pas. M. S. ne dit point « les armées russes », mais « les
puissantes armées de la sainte Russie » ; il ne dit pas « Chio et Samos »,
mais « la ravissante Chio, la vaste Samos ». Dans une seule page (58),
je relève les épithètes suivantes : extraordinaire, effroyable, extraor-
dinaire, effroyable, épouvantable, effrayant, affreux. Et à la page 68 :
splendide, innombrable, magnifique, admirable, immense, immense,
gigantesque. Lqs adverh&s ne chôment pas non plus : « 11 fallait franchir
ces défilés si prodigieusement étroits, si extraordinairement abrupts, si
merveilleusement boisés. » (P. 169.) Il n'y a pas jusqu'aux interjections
que M. S. ne prodigue : chaque fois qu'il regrette l'absence de renseigne-
ments sur un sujet qui l'intéresse, il le fait avec un de ces mots plaintifs
que le critique de Bérénice qualifiait d'hélas de poche. Au fond, cette
exubérance n'est que le défaut d'une des plus aimables qualité de M. S. :
il aime ardemment le sujet qu'il traite, il vit de l'existence des person-
nages qu'il met en scène, il exprime tout naturellement son émotion et
la leur avec les hyperboles du langage de tous les jours. Sa manière est
celle d'un conteur qui se laisse aller, plutôt que celle d'un historien qui
se surveille ; comme les conteurs, il ne cherche pas l'épithète rare, le
5 10 REVUE CRITIQUR
terme précis et pittoresque, mais s'arrête aux adjectifs homériques, aux
mots quelconques que l'improvisation lui suggère. Gela n'est pas litté-
raire, sans doute, mais c'est abondant, vif, personnel et quelquefois
entraînant. Ces grâces d'un style sans apprêt et sans contrainte, que l'on
hésite presque à nommer un style, disposent même si favorablement le
lecteur quMl passe sans trop maugréer sur les petites incorrections de
détail, répétitions de mots i, vulgarismes -^ journal ismes "^, locutions
vicieuses **, inversions que la poésie même ne tolère pas ■''.
J'aurais aussi quelques réserves à faire sur les digressions, qui vien-
nent souvent interrompre le récit des faits par des exposés d'ordre
général ^. Mais, ici, il est plus facile de critiquer que d'indiquer une
méthode meilleure. Si M. S. avait réuni, au commencement ou à la fin
de son livre, ces dissertations sur différents sujets, armée, marine, céré-
monies, etc., peut-être ne les aurions-nous pas lues sans quelque effort.
A la place qu'elles occupent, il me semble qu'on les supporte plus faci-
lement '''.
Les inexactitudes que j'ai notées sont peu nombreuses, mais Tabsence
de références en rend la constatation bien difficile à ceux qui n'ont pas,
comme feu Hase, toute la Byzantine présente à Pesprit. P. 6 : « Léon
Diacre nous dit que Théophano était originaire de Laconie, peut-être
de Lacédémone même, de ce thème péloponésien etc. » Mais Léon
(p. 49, 23) ne dit rien touchant l'origine de Théophano : il la qualifie
seulement d' àpir.pzr/ri xaTç wpa'.ç y.al a'jx6"/p-/)[j,a TUYxavcjcav Aâ/,aivav, ce qui
1. Par exemple : pages m, iv, 7, 63, 121, 146, 2o3, 263, 272, 389, 423, 424, 655.
2. « Il se défiait horriblement de Bringas » (p. 264). — « l'orriblement serrés de
près» (p. 722). — « Dans le but », revient aux pages 5, 8, 3 17, 386, 61 r, 64g. —
« 11 se mêlait à ces intrigues un côté romanesque... Ce côté de la question a. joué
un rôle... » (p. 259). — « De suite » pour « tout de suite », page 464.
3. « Les agissements des accapareurs » (p. 87). — Les agissements du pape »
(p. 58i).
4. « Dans son court règne, comme sous celui bien plus court de son prédécesseur »
(p. i). — (' Elle quitta son nom pour celui plus élégant de Théophano » (p. 6). Cette
construction absolument vicieuse revient aux pages 67, 210, 268, 406. — « D'ar-
dentes attaques partout s,' établirent » (p. 290). — « Une razzia menée sur une vaste
échelle » (p. 525). — « Cette seconde édition de l'orage russe » (p. 57b). — <.<. Ces
vaticinations constituaient un reflet de l'état de l'opinion » (p. 707).
5. « Les formules que j'ai plus haut décrites » (p. iio). — « Les plus inédits ren-
seignements » (p. 3^8). — « Les plus formels serments » (p. 366), — « Ce discourtois
langage » (p. 611). Voir encore pages 407, 408, 588, 723.
6. Au moment du départ de Nicéphore pour la Crète, 16 pages sur les flottes et
le feu grégeois; au moment de son triomphe, 9 pages sur la rentrée des généraux
heureux à Byzance ; au moment de l'invasion de la Cilicie, 10 pages sur la cavalerie
byzantine ; au moment du siège de Tarse, 4 pages sur les monnaies de Nicéphore, etc.
7. On se demande pourquoi M. S. a attendu jusqu'à la page 3og pour nous faire
le portrait physique de Nicéphore; encore ne cite-t-il point le témoignage le plus
curieux à cet égaid, celui de Luitprand, qu'on trouve seulement à la page 6oq, pres-
que à la fin du livre. M. S. n'a pas fait observer, en traduisant ce dernier passage,
qu'il renferme une citation de Juvénal (V, 54}, et doit, par conséquent, être entendu
cum grano salis,
d'histoirr et de LITTÉRATDRK 5ll
signifie « belle comme la belle Hélène » et rien de plus. — P. 326, M. S.
répète, d'après M. Rambaud, que le thème du Strymon était formé de
quelques cantons montagneux sur le haut du fleuve; j'avais déjà relevé
cette erreur dans la Revue du 16 février i885, en rendant compte de la
Sigillographie de M. S. L'inscription publiée dans le Bulletin de Cor-
respondance hellénique (t. VI, p. 268) prouve que le thème du Stry-
mon s'étendait, au x'' siècle, jusqu'à la rrter, A la page 219, M. S. parle
d'Hiérapolis et y place le culte de Derceto « la déesse poisson t. ; je crois
qu'elle n'était adorée sous cette forme que dans Ascalon. P. 16, le San-
garius étant une rivière, il ne fallait point parler du « marbre du Sanga-
rius ». M. S. montre de l'inconséquence dans la transcription des titres
byzantins. Il écrit Basileus, mais dierminevs ; stratigos, mais archi-
médecin (pourquoi pas archiâtre?) ; quant aux formes lokagos (au lieu
de lochagos), pour Xo^aY^ç (p. 5 32) et chitonite pour 7,o'.twvity)(; (p. 8,
662, 663), ce sont incontestablement des fautes d'orthographe. En
général, M. S. aurait eu profit à se servir plus souvent d'équivalents
français intelligibles pour tout le monde 1.
L'exécution matérielle de l'ouvrage de M. S. est, à peu de chose près,
irréprochable ~. Chromolithographies et gravures comptent parmi les
plus soignées et les plus fidèles que je connaisse. Paysages, ruines,
étoffes, bijoux, tout a été dessiné avec une exactitude minutieuse et une
élégance du meilleur aloi (sans broderies !). Cet éloge ne s'adresse pas
seulement aux artistes et à l'éditeur, qui a fait preuve, dans cette circons-
tance, d'autant de libéralité que de goût. Le choix des gravures est
excellent et témoigne du profond savoir archéologique de M. S. On
trouvera là près de 25o monuments d'un intérêt capital pour Thistoire
byzantine, monuments dont un grand nombre étaient inédits, dont
d'autres n'avaient été publiés que dans des monographies presque introu-
vables. A la différence de ces livres où l'illustration semble presque
étrangère au texte, tout vient ici juste à point, la leçon de choses à côté
du récit des faits. Je n'ai, sur ce chapitre, que deux observations à pré-
senter. La carte de Cilicie (p. 160) est dressée d'après celle que MM.
Favre et Mandrot ont publiée en 1878, mais on a déjà signalé (Geogr.
Jahrb.^ t. X, p. 426) les graves et importantes divergences qu'elle pré-
sente avec les cartes anglaises de la même région; le cours du Sarus,
notamment, y paraît très inexactement indiqué. Mieux eût valu, ut in re
incerta, prendre pour modèle la carte murale d'Asie-Mineure, dessinée
en 1888 par M. Kiepert. En second lieu, les légendes placées au bas des
gravures sont très inégales, parfois trop développées et farcies d'épithètes
laudatives, plus souvent insuffisantes ; l'on y cherche vainement la trans-
1. M. S. donne entre guillemets (p. i3) un passage de M. Marrast, où l'empereur
Julien est qualifié de « sophiste halluciné »; je m'étonne qu'il ait laissé passer cette
sottise sans la relever, du moins en note.
2. Outre les fautes d'impression signalées à Verratum, j'en ai relevé aux pages 41,
I. 6; i3o, 1, 6; 166, note; 375, note 3; 634, note. L'inévitable Lybie revient deux
fois (p. 382, 440).
5 12 REVUE CRITIQUE
cription de certaines inscriptions byzantines difficiles à lire, dont M. S.l
n"a même pas toujours indiqué le sens (p. Siy, 65i, 669, ôgB, 721, 725,'
etc.). Je regrette enfin que l'auteur n'ait pas noté avec précision les ma-l
nuscrits auxquels il empruntait ses gravures; un manuscrit du Vatican,'
un manuscrit de la Bibliothèque nationale sont des références qui ne]
suffisent à personne.
En somme, et malgré des défauts qui ne sont pas tous véniels, Nice-
phare Phocas est à la fois un beau et un bon livre, agréable à lire,
charmant à regarder et bien propre à donner une idée exacte, un senti-
ment vif de la civilisation byzantine. M. S. écrit que l'histoire de l'empire
byzantin est encore tout entière à faire, que « personne en France ne la
connaît, à une exception près ». Cette exception est en faveur de
M. Rambaud, que M. S. eût éié par trop ingrat de ne point nommer
dans sa préface ; mais M. Rambaud, malheureusement pour ces études,
ne s'occupe plus d'histoire byzantine depuis quinze ans. Si M. S. avait
écrit « rhistoire de l'empire byzantin au x^ siècle », je lui donnerais
peut-être raison, encore que des formules aussi tranchantes soient de
celles dont il vaut mieux ne point user. Mais puisque, dans la même
préface, quelques lignes plus bas, il est question de « cette prodigieuse
monarchie se défendant durant mille ans et plus », M. S. entend bien
par l'histoire byzantine celle qui va de Justinien à Constantin Dragosès,
auquel cas il ne devait pas faire abstraction de travaux aussi impor-
tants, aussi personnels que Y Autorité impériale et les Etudes byzan-
tines de M. Gasquer. Il n'y a là sans doute qu'un oubli et, si j'y insiste,
c'est uniquement pour exprimer à l'occasion l'esti.ne où je tiens le der-
nier de ces ouvrages, trop peu remarqué, à ce qu'il semble, chez nous 1.
Assurément, M. S. a raison de regretter que l'histoire de l'empire grec
n'attire pas un plus grand nombre de travailleurs; mais je ne conseil-
lerais pas à ceux qui veulent faire avancer la science sur ce domaine de
suivre l'exemple de M. S. en écrivant la biographie d'un empereur. Ce
qui doit appeler les recherches des érudits, c'est, en première ligne,
l'étude des sources de\sLBy:{antine; en second lieu, celle des institutions
de l'empire, marine, finances, fondations charitables, etc. M. S. a signalé,
chemin faisant, quelques-uns de ces sujets négligés; il est à désirer que
son appel soit entendu et que les études byzantines refleurissent, sous
ses auspices, dans la patrie de Du Cange, leur incomparable initiateur.
Salomon Reinach.
I. Voir le compte rendu qu'en a donné M. Krumbacher dans la Philologische
Woclienschrift, 1889, p. looi.
d'histoire et de littérature 5 I 3
200. Monumentf storicl eti artistici degli ^bruzzi. Studi di Vincenzo
BiNDi, con prefazione di Ferdinando Gregorovius. Opéra corredata da note e
documenti inedili, illustrata da 225 tavole in fototipia ed incisione de' monumenti
e délie opère di arte. Naples, typ. Giannini et fils, i88g. Texte in-8 de xxxvi-
966 p.; album in-folio, avec 20 p. de texte. (Edition de i85 ex. numérotés).
Prix : 200 fr.
Les revues spéciales ont déjà fait connaître Pimportance artistique et
archéologique du grand ouvrage de M. V. Bindi. L'album de planches
qui l'accompagne a révélé une série de monuments restés jusqu'à pré-
sent ignorés et qui jettent une vive lumière sur l'histoire de l'art dans
une province encore bien peu connue et bien rarement explorée. Je
veux seulement indiquer aussi l'intérêt du livre pour l'histoire politique
et ecclésiastique de l'Italie au moyen âge. L'auteur y a fondu, en effet,
une partie de ses monographies antérieures sur les villes, les châteaux,
les églises et les monastères des Abruzzes. Il y a fait entrer une foule de
documents inédits, quelques-uns fort étendus. On y trouvera, par
exemple, l'analyse sommaire des diplômes des archives d'Atri, les rubri-
ques du statut municipal de la ville de Penne, le travail de Pietro Poli-
doro De Jluminibus Frentatwrum, etc. Un des plus curieux chapitres
de M. Bindi est consacré à la grande abbaye bénédictine de S. Clémente
in Casauria; il a étudié directement un manuscrit célèbre de la seconde
moitié du xii'' siècle, le Chronicon Casauriense, conservé aujourd'hui à
Ja Bibliothèque nationale de Paris, et dont quatre planches de son
album reproduisent des fac-similés intéressants pour la paléographie et
la miniature. Ces indications diverses peuvent donner au lecteur une
idée de la variété des sujets abordés dans cet ouvrage et à propos des-
quels il est à consulter. On regrette l'absence d'un index des noms pour
faciliter les recherches ; l'étendue qu'il était appelé à prendre, à la
suite d'un volume déjà énorme, a fait reculer l'auteur. Il s'est borné à
dresser une liste alphabétique des artistes des Abruzzes, travail aussi
nouveau qu'utile. Des extraits d'ouvrages imprimés, anciens ou peu
accessibles (par exemple les documents sur la fondation de Sainte-Marie-
de-la-Victoire près Tagliacozzo, par Charles d'Anjou, etc.), le relevé des
inscriptions, la description des sceaux, médailles, etc., le dépouillement
d'un grand nombre d'archives publiques et privées, achèvent de faire
des Monumenti une véritable encyclopédie historique d'une des régions
les plus intéressantes de l'ancien royaume de Naples.
P. N.
291. — t,e Colloque de Poissy (septembre-octobre i56i), par le baron Alphonse
DE RuBLE. Paris, H. Champion, 1889, grand in-8 de 56 p.
L.' introduction de M. de Ruble est à la fois trop importante et trop
courte pour que je ne la reproduise pas en entier : « Le colloque de
Poissy doit tenir la première place dans le tableau des événements de la
5 14 RKVUE CRITIQUK
Réforme de Paris. Par une sorte de parti pris, il a toujours été négligé.
Les historiens de PÉglise catholique l'ont considéré comme une tenta-
tive du pouvoir civil, imprudente, mais sans conséquences; les protes-
tants, comme une expérience de peu de valeur ' ; les écrivains laïques,
comme un débat théologique étranger à leurs recherches. Pour nous, le
colloque est le point de départ de la guerre civile, la première rencontre
où rhistorien peut mesurer la protondeur de l'abîme qui séparait les
deux partis. Nous allons essayer de présenter le récit de ce grand fait
avec impartialité et sans entrer dans la controverse dogmatique. »
M. de R. a tenu parole. Son histoire du colloque de Poissy est admi-
rablement impartiale. L'auteur, comme dans tous ses travaux, du reste,
ne se préoccupe que de trouver et de dire la vérité. C'est avec le calme
et la sérénité d'un juge qu'il apprécie les deux personnages qui jouèrent
les rôles principaux dans l'assemblée de Poissy, Théodore de Béze et le
cardinal de Lorraine, ainsi que les autres personnages mêlés de prés
ou de loin à l'histoire de cette assemblée, le prince de Condé, le
duc de Guise, Catherine de Médicis, la reine de Navarre, le cardinal
de P'errare, et pour raconter ce qui se passa dans les séances tenues de
depuis le 9 septembre jusqu'au 9 octobre, M. de R. a interrogé
nombreuses correspondances et quatre relations contemporaines 2.
Ajoutant le piquant au solide, il a passé en revue, dans les dernières
pages de son mémoire, diverses poésies, la plupart satiriques, composées
à Poccasion du colloque : le Pasquin pour le concile national, d'un
auteur inconnu, du parti catholique, qui fut très réDandu au xvi*" siècle,
si l'on en juge par les nombreuses copies qui nous en ont été conservées
dans les manuscrits du temps (p. 49-51), la chanson grivoise de Ronsard
et de Baïf, qui dormait inconnue depuis plus de trois siècles dans le
recueil de Rasse des Nœuds (p. 5 i-53), les Sonnets, prières et devises en
forme de pasquins pour rassemblée de MM. les prélats et docteurs
tenue à Poissy, par Anne de Marquets, poétesse de 23 ans, alors reli-
gieuse dominicaine de Poissy (p. 53), six sonnets d'un anonyme, d'un
huguenot, sonnets que M. de Ruble a voulu publier en entier (p. 54-56),
à cause de leur mérite littéraire, et dont il dit avec une juste admiration :
« Le tour presque Cornélien des strophes, la vigueur du style ne nous
paraissent pas indignes des plus grands poètes du xw siècle. »
T. DE L.
1. Un calviniste de grande réputation, tcu le professeur Baum, de Strasbourg, fai-
sons-le remarqutr à M. de R., a pourtant consacré près de 400 pages au colloque de
Poissy, dans le tome II de son Theodor Be^a (Leipzig, grand in-S», p. 16S à 569).
2. Voir des quatre relations consultées par l'auteur (celle du président La Place,
celle de Jean de Serres, celle deTh. de Bèze et celle de Claude Despence), un très inté-
ressant examen critique (p. 8-1 1). Il a emprunté à la relation de Despence de larges et
curieuses citations (p. 11-21 et 24-33, enfin 33-46), avec rapprochements fournis
par les autres narrateurs. Le Journal inédit de Despence avait déjà été utilisé par M•
Klipff"el (Le Co/Zo^ue de Pomy, Paris, in-12, 18G7). Cf. un article d'un des plusan"
ciens et des plus savants rédacteurs de noire Revue (1868, second semestre, p. 280-
283).
d'histoire ht de LITTÉRATURK 5l5
202. Pierre de Corvin. (Pierre Nevsky). Le Xliêàti-e en Russie depuis ses
origines jusqu'à nos jours. Un vol. in-12 de ii-358 pp. Paris, Savine, 1890.
M. de Corvin est l'heureux auteur des Danicheff. En cette qualité, il
était peut-être plus que tout autre désigné pour nous raconter l'his-
toire du théâtre. Mais, pour être habile dramaturge, on n'est pas néces-
sairement bon historien du théâtre. M. de G. nous a donné une chro-
nique agréable : il n'a pas fait œuvre sérieuse. Son style est celui d'un
journaliste et non d'un historien : il a systématiquement laissé de côté
tout ce qui est du domaine de la critique littéraire. Il n'analyse même
pas sérieusement des œuvres capitales comme celles de von Vizine. Les
erreurs ou les omissions de détail sont fréquentes. Nous en citerons
quelques-unes :
P. 16, des voyageurs moscovites racontaient combien ils s'étaient
amusés des inventions diaboliques qu'ils avaient vu représenter en
Volhynie, en Podolie, en Litliuanie et plus loin encore en Germanie.
L'auteur aurait pu ajouter en Italie. Dès le milieu du xve siècle,
Abraham, évêque de Souzdal, qui accompagna le métropolitain Isidore
au concile de Florence, raconte un mystère religieux auquel il a assisté
(Vengerov, Dictionnaire critique des écrivains russes, t. I^'', p. 82.
Polevoï, Histoire de la littérature russe, 5* édition, p. 234]. Au xvii^
siècle, les ambassadeurs du tsar Alexis Mikhailovtch assistent dans la
même ville à un drame mythologique qu'ils racontent longuement dans
leur relation '. — P. 17, une troupe allemande est organisée par un acteur
nommé yo^ane. A quoi bon Joganc?G'est Johann qu'il faut dire, puis-
qu'il s'agit d'un allemand. Les Russes qui écrivent en français commet-
tent constamment des erreurs de ce genre. — P. 72, le compositeur ita-
lien dont le nom est défiguré s'appelle en réalité Araja; l'opéra d'Ab'ia-
sace s appelle Arsace. De même, p. yS, Djuseppi, lisez Giuseppi. — P.
89, parmi les opéras joués à Moscou durant les têtes du sacre d'Elisabeth,
figurent : i" la Serva pardona (lisez padrona); 2° Dgio Catore (sic),
lisez // Giuocatore. Le mot italien a été évidemment massacré dans
l'ouvrage russe dont s'est servi M. G. — P. 102, Lomonosov étudia la
métallurgie non pas à Fribourg, comme l'écrit à deux reprises M. G.,
mais à Freyberg. Ge n'est pas précisément le même endroit.
M. G. a beaucoup laissé à faire à ses successeurs : la partie la plus
intéressante de son livre n'est pas celle qui traite du théâtre russe, mais
celle qui raconte les annales du théâtre français en Russie. Le style est
très lâché : il renferme des négligences fort excusables chez un étranger,
mais qu'il etît été facile de faire disparaître : ainsi p. 24o, tel caporal
dont les pieds gelés l'avaient empêché de regagner ses foyers; p. 222,
pour donner une idée où en était la comédie russe, etc.. L'ouvrage ne
va que jusqu'en 1825 et doit être complété prochainement par un autre
volume. Sur le terrain du théâtre moderne, l'auteur se trouvera proba-
I. Voir mon récent vol. Russes et Slaves i» i8o-iSi.
5 l6 REVUE CRITIQUE
blement plus à l'aise : mais nous l'engagerons à mieux contrôler ses
sources, à serrer un peu plus son style et à relire plus soigneusement ses
épreuves.
L. L.
293. — Etn«le sui- l'Ai'sot fi-aiiçais, par Maurice Schwob et Georges Guieysse.
Paris, Emile bouillon, iiSSy, vui-28 pages.
En ouvrant cet opuscule, dû à la collaboration de deux tout jeunes
gens, on est péniblement surpris de voir que l'un d'eux n'est déjà plus :
M. Guievesse est mort à vingt ans, au moment où ce travail était sous
presse. Les critiques, dès lors, ne peuvent plus s'adresser qu'à M. Schwob;
quant aux éloges, il ne saurait, j'en suis sûr, les accepter sans en repor-
ter une partie sur la mémoire de son ami. — Ce qu'il faut louer tout
d'abord chez l'auteur, c'est le zèle scientifique et aussi une certaine pré-
cocité de jugement: à un âge où l'on entend autour de soi parler Targot
et où on le parle soi-même volontiers sans regarder plus loin, il a su y
voir un objet d'étude et une matière à d'intéressantes réflexions. De
plus, il est parti d'une idée fort juste, contenue tout entière dans ces
trois lignes : « L'argot est justement le contraire d'une formation spon-
tanée. C'est une langue artificielle, destinée à n'être pas comprise par
une certaine classe de gens. On peut donc supposer a ^priori que les
procédés de cette langue sont artificiels. » De là la nécessité d'appliquer
à cette étude une méthode particulière : je n'irai pas jusqu'à dire que
celle de M. S. soit d'une rigueur toujours parfaite, elle est encore çà et
là flottante, mais elle se précisera, j'en suis certain, et déjà elle lui per-
met d'entrevoir, de nous faire entrevoir quelques résultats. Les deux
points qui ont surtout attiré son attention, sont le procédé de déforma-
tion auquel s'applique le nom typique de loucherbème, et d'autre part
la métaphore i/e'rfvee que nous serions souvent impuissants à saisir, si
la « filiation synonymique » ne venait à notre aide. Le mot boucher,
par exemple, deviendra si l'on déplace sa lettre initiale pour la mettre à
la fin oucherb, puis par préposition de l'article loiicherb, et enfin par
addition d'un suffixe loucherbème : c'est un procédé qui se trouve appli-
qué déjà dans le célèbre recueil d'O. Chéreau intitulé : Jargon de l'ar-
got réformé. Quant à la métaphore, elle est élémentaire quelquefois en
argot, mais souvent aussi elle a pour point de départ un mot déjà
déformé artificiellement, et offre par là-même une difficulté du second
degré. M. S. a eu raison d'insister sur cela, de relever chemin faisant
quelques-unes des erreurs où sont tombés ses devanciers, Francisque
Michel, Lorédan Larchey, d'autres encore : il le fait toujours d'ailleurs
avec beaucoup de modestie, et montre qu'il a su lire avec fruit les tra-
vaux plus récents de MM. Ascoli et Bijvanck.
Si j'avais ici le loisir de descendre au détail, j'aurais à signaler dans cet
opuscule certaines solutions qui me paraissent heureuses. Ainsi (p. 10)
I
d'histoire et de littérature 517
l'explication de Tabarin par tabar anagramme de rabat, employé au
xv^ siècle avec le sens de manteau dans Villon, est bonne incontesiable-
meni. L'explication donnée de magot est vraisemblable; celle du mot
argot est à coup sûr fort ingénieuse et mérite d'être prise en sérieuse
considération : il y a du reste dans tout ce passage (pp. 17, i8j une con-
tribution de quelque importance à l'étude du thème ^0 si obscur encore,
et qui paraît bien avoir fourni un suffixe au langage argotique. Il est
naturel aussi de faire dériver toper de taper, choper et chiper de cha-
per : mais pourquoi supposer que dans ces formations le thème se soit
à un moment donné réduit à /- ou ch-, et ne pas voir là simplement une
variation arbitraire de la voyelle caractéristique du mot? Le rapproche-
ment de choquer et de chiquer (p. 23) est également admissible; mais
celui de /roque, fripe, frasque (p. 18) prête déjà davantage à contesta-
tion ; la façon dont /roque s'est dégagé de défroquer se comprend, mais
il est un peu hardi de supposer que le thème élémentaire /r- s'est ensuite
varié par adjonction des suffixes -ipe e\-usque;pn\s, dans cette hypo-
thèse, que deviennent les (ormes felpier, ferpier existant en français
dés le xiii" siècle? M. S., dans ce passage, comme dans plusieurs autres,
n'a pas tenu assez compte évidemment de Tétat ancien de la langue :
sous prétexte que les origines tangibles de l'argot ne remontent pas plus
haut que Villon et le xv» siècle (ce qui est contestable), on n'a pas le
droit, dans des recherches de ce genre, d'opérer une scission arbitraire
et de laisser de côté Timmense matériel du vieux français. Ainsi, il est
tout à fait inutile d'aller (p. 12) chercher le verbe ar s,oùque pitancher,
qui signitie boire, pour expliquer pitance, qui signifie nourriture, et
dont rétymologie est bien établie : l'article pictantia de Du Cange
suffit pour écarter a priori toute hypothèse de ce genre. Enfin j'ajoute-
rai qu'il me paraît tout aussi erroné de voir dans peluche un doublet
artificiel de pe/ (peau), et ce qui est dit (p. 17) du sutTixe -asse contient
certaines inexactitudes : d'une façon plus générale, on ne peut accorder
à l'auteur que, même en argot, le sens des suffixes soit toujours nul, et
qu'ils servent uniquement à former des doublets artificiels équivalant au
mot simple.
Mais ces critiques, et d'autres encore qu'il serait aisé de faire, n'infir-
ment point ce que je disais tout à l'heure : tel qu'il est, cet opuscule est
intéressant, il me paraît gros de promesses peut-être plus encore que de
résultats acquis. Lorsqu'il aura encore beaucoup étudié, réfléchi, com-
paré, lorsqu'il sera d'une façon définitive maître de sa méthode, M. S.
aboutira, je crois, à écrire sur l'argot le livre complet qu'il semble annon-
cer, et bien des desiderata actuels de l'étymoiogie française y trouve-
ront, je l'espère, leur solution raisonnée : c'est là une utile et grande
tâche. L'auteur est capable de la remplir, si, dans le temps, il ne s'arrête
pas aussi strictement qu'aujourd'hui au xv'= siècle, et si, dans l'espace,
il ne néglige pas non plus la comparaison du français avec les autres
langues romanes : il s'est un peu trop, pour le moment, débarrassé de
5i8
REVUE CRITIQUE
cette comparaison toujours indispensable dans une phrase de sa pré-
face qui, poussée à ses dernières conséquences, deviendrait dangereuse et
risquerait de stériliser en partie ses recherches ultérieures. Je suis sûr
aussi que, dans son futur ouvrage, M. Schwob se débarrassera des méta-
phores un peu pompeuses, dont la science n'a que faire; il ne dira plus
que « les filles servent entre l'argot et la langue classique de papillons et
d'abeilles » ; il ne nous parlera plus des « animaux des grands fonds
sous-marins », ni de leurs « taches pigmentaires et phosphorescentes ».
Ce sont là des exubérances, des défauts de jeunesse; mais on s'en corrige
aisément, et souvent plus vite qu'on ne le voudrait.
E. BoURCIEZ.
CHRONIQUE
FRANCE. — Nous avons rendu compte de la première partie d'une édition de
Catulle, en deux volumes, contenant dans le premier un texte latin établi par M. E.
Benoist et une traduction en vers français, par M. E. Rostand, et dans le deuxième
un commentaire philologique, critique et explicatif, par M. E. Benoist {Rev. cvit.,
3o avril i883). Malheureusement ce dernier volume était demeuré inachevé, à la suite
de la maladie, puis de la mort de M . Benoist. H reçoit aujourd'hui son complément :
Les poésies de Catulle, commentaire critique et explicatif des poèmes LXIV-CXVI,
par Emile Thomas (pp. 563-836; Hachette, 1890, petit in-8o). Ce fascicule contient,
outre des additions qui mettent au point la première partie de l'ouvrage, une étude
critique et exégétique digne en tout de l'éditeur déjà si connu des Discours de Cicé-
ron dans la grande collection Hachette. Le travail se distingue surtout par un dépouil-
lement très exact du ms. de Saint-Germain-des-Prés. Nous reviendrons prochaine-
ment sur cette publication ; mais nous tenions à la signaler dès maintenant. C'est
une bonne fortune pour l'aimable poète d'avoir rencontré auprès du public français
de tels introducteurs.
— On lira avec le plus vif intérêt les Lettres du Brésil de M. Max Leclerc (Paris,
Pion. In-83, 264 p., 3 fr. 5o). Ces notes du rédacteur du Journal des Débats, si rapi-
des qu'elles soient, nous font exactement connaître les causes de la récente Révolu-
tion, les hommes qui l'ont faite, et leurs premiers actes. Mais la politique n'a pas
absorbé M. Leclerc; il étudie dans la province de Saint-Paul aussi bien qu'à Rio-
Janeiro les ressources du pays et son développement économique ; il juge le caractère
et les mœurs du peuple brésilien. Il a donc bien fait de réunir ses correspondances,
et son livre sera très utile, d'autant plus utile que le Brésil était jusqu'ici très peu
connu en Europe.
ITALIE. — La maison Zanichelli, de Bologne, va publier une Biblioteca di Scrit-
tori politici italiani, où on trouvera réimprimées et annotées un grand nombre d'oeu-
vres importantes. On souscrit à la première série, qui sera composée de trente vo-
lumes in-iG, au prix de b francs le volume.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
M
de f
Séance du 14 juin 18 go. f|
. Ravaisson informe l'Académie qu'il a fait apporter et exposer dans le vestibule
l'Institut le groupe en plâtre représentant, par des moulages complétés sur ses
I
D^HISTOrRE KT DE LITTERATURE Sig
indications, la composition à laquelle appartenait, suivant lui, la Vénus de Milo. Ces
moulages reproduisent, l'un la Vénus, l'autre la statue du Louvre connue impropre-
ment sous le nom d'Achille. M. Ravaisson lira dans la prochaine séance une notice
contenant la justification de la restitution qu'il propose.
M. le marquis de Vogué communique une lettre de M. Bénédite, chargé d'une
mission épigraphique au Sinaï. Cette lettre est datée de l'Ouady Feiran, le 17 mai
iSgo. M. Bénédite a déjà relevé plus dt mille inscriptions entre l'Oued Nasb, la ré-
gion de Magharat, le Moqatteb et les ouadys du Feiran. Il craint que la région où
il va entrer ne soit un peu moins riche en textes épigraphiques, mais il ne négligera
rien pour en recueillir le plus grand nombre possible.
M. de Vogué insiste sur l'importance des résultats qu'a déjà produits la mission
de M. Bénédite.
M. Deloche commence la lecture d'un mémoire sur le jour civil ou légal aux dif-
férentes époques de notre histoire. Le point de départ du jour, considéré comme
une durée de vingt-quatre heures, au point de vue de la supputation des délais légaux,
a varié suivant les temps et les lieux. Chez les Gaulois, le jour se comptait de la
tombée de la nuit à la tombée de la nuit suivante. Les Romains comptaient de mi-
nuit à minuit, et cette supputation se substitua à celle des Gaulois à la suite de la
conquête romaine de la Gaule. Dans la suite du mémoire, M. Deloche se propose
d'étudier la même question pour les temps qui ont suivi l'invasion des barbares.
M. Léon Gautier, au nom de la commission du prix de La Grange, annonce que
le prix est décerné cette année à M. Ernest Langlois, chargé de cours à la Faculté
des lettres de Lille, pour son volume intitulé : le Couronnement Looys (publication
de la Société des anciens textes français).
M. d'Arbois de Jubainville lit une note sur un gentilice romain d'origine gauloise,
conservé dans un nom de lieu de la France. Le nom de Ligugé (Vienne), à l'époque
mérovingienne Locoteiacus, représente une forme plus ancienne, Liicoteiacus, dérivé
d'un gentilice Lucoteius. qui vient lui-même d'un nom d'homme gaulois, Liicotos.
Ce dernier nom signifie « l;i Souris »; il répond au breton moderne logod, plus an-
ciennement locot. et à l'irlandais luch. Le nom d'un chef appelé Lucoticnos a été
déchiffré sur une monnaie des Longostalètes. près de Marseille : on peut le traduire
par (c Fils de la Souris ». A ce i-.om d'animal appliqué à un homme, M. d'Arbois de
jubainville en compare un autre que fournit également la numismatique gauloise,
celui de Cattos, « le Chat », gravé sur une monnaie de Lisieux : de Lisieux à Mar-
seille, ajoute-t-il, il y avait assez loin pour mettre le « Fils de la Souris » à l'abri des
griffes du « Chat ».
M. Gaston Paris fait observer que, selon une opinion aujourd'hui établie sur des
preuves péremptoires, le chat domestique n'a fait son apparition dans l'Europe occi-
dentale que vers le iv'' siècle de notre ère. Avant cette date, le chat n'était connu
dans nos pays qu'à l'état sauvage : en Egypte seulement, il était domestique. Le mot
catciis ou des formes équivalentes se rencontrent, à partir seulement de cette époque,
dans diverses langues, pour désigner le chat domestique, inconnu jusqu'alors. L'exis-
tence du même mot dans la langue gauloise, avant la conquête romaine, serait un
tait tout à fait digne de remarque et qui demande à être vérifié de près.
M. Maspero dit que le chat de l'Egypte ancienne, à en juger d'après les momies
de cet animal, qui se retrouvent aujourd'hui par milliers, paraît avoir appartenu à
une espèce tout autre que notre chat domestique : l'origine de celui-ci doit donc
être cherchée ailleurs. Il ajoute que le chat n'était pas, à proprement parler, domes-
tique chez les Egyptiens : il vivait captif, tout au plus a demi-apprivoisé, comme
les animaux conservés aujourd'hui dans nos ménageries.
M. Saglio cite une peinture étrusque sur laquelle le chat paraît représenté dans
un état de domesticité complète.
M. Saglio présente ensuite des observations sur une monnaie romaine qui lui pa-
raît avoir été imparfaitement expliquée. C'est le denier connu d'Hostilius Saserna,
monétaire de Jules César, qui porte à la face la tête de Pavor ou de Pallov et au
revers la figure debout de Diane. On a reconnu dans les types de la face la person-
nification de la Peur et de la Pâleur, à qui le roi Tullus Hostilius avait voué des
temples. Hostilius Saserna, en rappelant ces fondations, voulait rappeler le roi dont
il tirait son origine. Mais c'est à tort, pense M. Saglio, qu'on a cru reconnaître dans
la figure du revers la Diane d'Ephèse. La divinité figurée sur le denier d'Hostilius
Saserna est une Diane chasseresse, qui n'a de commun avec les idoles de la déesse
asiatique qu'une certaine raideur propre aux figures archaïques. La religion de Diane
est très ancienne en Italie; elle a servi de lien aux peuples du Latium. L>es temples
de Diane, ses bois sacrés étaient pour les confédérés des lieux de réunion. Tuscu-
lum et la région qui l'entoure, ajoute M. Saglio, paraissent être l'antique foyer de ce
culte et c'est de là qu'il fut porté à Rome par Tullus Hostilius, qui personnifie dans
1 histoire légendaire des rois de Rome les Titsci ou Etrusco-Latins. C'est lui qui les
établit sur le mont Cœlius et qui y bâtit le premier temple de Diane. Hostilius Saserna,
qui avait gravé sur sa monnaie la tête de Pallor ou de Pavor, en souvenir du roi
dont il prétendait descendre, se rattachait encore à lui en y représentant l'antique
déesse du Latium.
520 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
M. Héron de Villefosse met sous les }cux des membres de l'Académie une plaque
de bronze portant une inscription romaine relative à un décret de patronage. Cette
inscription, découverte à Bénéveni au commencement de ce siècle, a été publiée par
l'antiquaire Carlo Fea ; mais, depuis iSio, on croyait l'original perdu. NI. Léon Pa-
lustre vient de le retrouver au chSieau de Valençay, chez M. le duc de Valençay, petit-
neveu de Taileyrand, prince de Bénéveni. Elle avait été sans doute offerte par les
habitants de Bénévent à leur prince. L'examen de la plaque originale permet de cor-
riger quelques erreurs de transcription commises par M. Fea.
Ouvrages présentés : — par Téditeur : Saint-Simon. Mémoires, publiés par A. de
BoislislÈ, tome VU ; — par M. Heuzey : Dumont (Albert), les Céramiques de la Grèce
propre, 8* fascicule; — par M. Héron de Villefosse: Jacquelot de Boisrouvray, Un
Corsaire et un Amateur bretons à la fin du xv* siècle (extrait de la Revue maritime et
coloniale); — par iM. Oppert : Strkssj^imer, Altbabylonisciie Texte.
Julien Havet.
Séance du 1 3 juin i8go.
MM. Croiset et A. de Barthélémy sont élus membres de la commission chargée de
vérifier les comptes de l'Académie.
M. Ravaisson commence la lecture d'un mémoire destiné à justifier la restitution
qu'il propose de la Vénus de Milo, ainsi qu'à déterminer l'âge de la composition^
dont elle fait partie, l'auteur de cette composition, le lieu où il l'avait placée, la des-
tination qu'il lui donnait.
M. le marquis de Vogué dit qu'il a visité à Milo, en 1875, le lieu où la Vénus passe
pour avoir été trouvée. C'est une terrasse étroite, au pied d'un mur hellénique quil
paraît être l'enceinte de la ville antique. Il est difficile qu'il y ait eu jamais là un mo-
nument ayant un caractère public, que la statue de la déesse y ait été exposée aux
regards ou aux hommages religieux de ses adorateurs.
M, Siméon Luce annonce que la Commission des antiquités de la France décerne
les récompenses suivantes :
fe médaille : Reinach (Salomon), Description raisonnée du musée de Saint-Ger-
main-en- Laye \
26 médaille : Blanchard, Lettres et mandements de Jean V, duc de Bretagne ;
3e médaille : Berthelé, Recherches pour servir à l'histoire des arts en Poitou;
fc mention honorable: Chénon {Emile), Histoire des alleux et Histoire de Sainle-
Sévère-cn- Berry ;
2^ mention : Robert {Ulysse), les Signes d'infamie au moyen âge;
3° mention ; Fontenay (Harold de) et de Charmasse, Aut.in et ses monuments ;
4e mention : Perret (Michel), Louis Malet, sire de Graville ;
b^ mention : Mémoires d'Olivier de la Marche, publiés par Beaune et d'Arbau-
mont;
6e mention : Panisse-Passis (le comte de), les Comtes de Tende.
En outre, la Commission signale avec éloge :
1° Les catalogues d'incunables rédigés par M"^ Pellechet;
2° L'édition des Qjtatre Ages de l'homme de Philippe de Novarre, par M. Marcel
DE Fréville;
3° Espérandieu, Epigraphie romaine du Poitou et de la Saintonge ;
40 Ernault, Marbode, évéque de Rennes, sa vie et ses œuvres.
M. Deloche continue sa lecture sur le jour civil en Gaule. 11 établit les principes
suivants ;
Sous les Gaulois, les délais légaux se comptaient par nuits;
Après la conquête de la Gaule, les Romains substituèrent à ce système celui du
calcul par jours;
A la suite ae l'invasion des barbares, les Francs rétablirent le calcul par nuits,
mais le calcul romain par jours resta en usage pour les Gallo-Romains, les clercs, les
Burgondes et les Visigoths; cette distinction dura tant que se maintint en Gaule le
principe de la liberté des lois.
Ouvrages présentés; — par M. Georges Perrot : Lanckoronski (Ch.), Niemann (G.)
et Petersen (E.), les Villes de la Pamphylie et de la Pisidie, I, la Pamphylie ; — par
M. l'abbé Duchesne : i" Gerspach, les Tapisseries coptes; 2'^ Duchesne (l'abbé), les
Anciens Catalogues épiscopaux de la province de Tours.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
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[sî» i Vingt quatrième année 6 janvier 1890
REVUE CRITIQUE
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Mélusine, tome IV, n" 24, 5 déc, 1889, (les bureaux de la Revue sont
transférés 2, rue des Chantiers, librairie Rolland; le vol. V se compo
sera de douze numéros paraissant tous les deux mois, de janvier 1890 à
déc. 1 89 1 ; prix de souscription pour les deux ans, i2tr. 5o). — A. Barth,
La littérature des contes dans l'Inde. — L'arc-en-ciel. — Gaidoz, La so-
ciété liégeoise de littérature wallonne et le folklore à Liège. — Tuch-
MANN, La fascination et les fascinateurs, animaux. — Propos d'esprits
forts, III. — Bibliographie : E. H, Meyer, Voluspa (élucubration pu-
bliée dans la première forme de brouillon). — Sixty Folktales from
exclusively Slavonic sources, transi, by Wratislaw. — Orlovic, der Burg-
graf von Raab, ein mohamni. slav. Guslarenlied aus der Hercegovina,
p. p. KuAUSs (fait avec critique et goût).
La Révolution Française, 14 déc. 1889 : Debidour, La Révolution et la
diplomatie en 1848. — Baudouin, L'admin. de la justice suivant les
cahiers de 1789, Haut et Bas Limousin. — Kuscinski, La noblesse à la
Convention. — Réimpression : La préface de Philinte, par Fabre
d'Eglantine. — Chronique et bibliographie . Instructions aux ambas-
sadeurs ; Pologne, p. p. Farges (cp. Revue 1889 n» 12); Bavière, p. p.
Lebon. — Journal d^un bourgeois de Paris et L'état de Paris en 1789
p. p. H. MoNrN (cp. Revue 1889, n" 35). — Dejob, Le Lycée et PAthénée
(cp. Revue, 1889, n» 44).
The Academy, n° 920 : Lord Melbourne's Papers, p. p. Sanders, VIL
— W. Pater, Appréciations. — Watson, 1 he Swedish Révolution un-
der Gustavus Vasa (malgré ses défauts, n'est pas sans mérite). — Sand-
wiTH, Egypt as a vvinter resort (un des meilleurs livres sur l'Egypte). —
Rob. Browning. — A sign used in old-english mss to indicate vowel-
shortness. — The etymol. of a ketchup ». — The origin of « off » in
« well otî » . — Negro and white. — Browning's Summum Bonum. —
The mss of the Yasna (West). — The religion of the Sémites (Smith). —
Max CoLLifjNON, Manual of mythology in relation to Greek art, transla-
ted by J. E. Harrison (livre qui n''est qu'une esquisse, mais excellent
et bien traduit).
The Athenaeum, n" 3243 : Collected papers of Henry Bradshaw. —
Sage, Memorabilia domestica or parish life in the work ofScotland;
Macdonald, Moidart or among the Clanranalds. — Rob. Browning. —
Kensington, picturesque and historicai. — Thomas Purnell (not. né-
crol.).
Deutsche Litteraturzeitiing, n" 5i : von Dôllinger, Beitr. zur Sectengesch.
des Mittelalters (« riche trésor de sources qui avance à un haut degré la
science de Phistoire ecclésiastique »). — De Robertv, L'inconnaissable
(cp. le présent numéro de la Revue). — Anzeiger der Akad. der Wiss.
zu Krakau. — Widmann, Eine Mainzer Presse der Reform. im Dienste
der kathol. Liter. — Lloyd, Phonetic attraction (bien des choses con-
testables ou manquées, mais en somme instructif). — Scholia in So-
phoclis trag. vetera, p. p. Papageorgius. — Aeneis p. p. Ladewig, 2^ éd.
p. Deuticke (très recommandable). — Burghauser, German. Nominal-
flexion auf vergleich. Grundlage (sans valeur et manque de bon sens). —
Pfeifker, Klingers Faust, (très convaincant). — Locella, Zur deutschen
Danielitteratur (utile). — KRaHE, JudischeGcschichte, I, bis 586 (ignore
les travaux des dix dernières années et sera nuisible). — Helen Zimmern,
The Hansa towns (mauvais). — W. Voss, Die Verhandl. Plus IV mit
den kathol. Machten ûber die Neuberuf. des Tridentiner Conciis i56o
(du soin, du talent, mais les résultats ne sont pas certains). — G. H.
MiiLLER, Das itadttheater zu Leipzig 18(32-1887.
— N" 52 : LosERTH, Wiclif Sermones, III, super epistolas. — Gutt-
MANN, Die Philosophie des Salomon ibn Gabirol (compilation com-
mode). — Des Kitab Al-Wuhusvon Al-Asmaî p. p. Geyer (cp. Revue,
1889, n" 3o). — NiLEN, Luciani codex Mutinensis (soigné). — Cassiani
opéra p. p. Petschenig, (excellente édition; cp. Revue, i88q, n" 2), —
VoLKELT, Grillparzer als Dichter des Tragischen. (remarquable et im-
portant à plus d'un égard). — Schaible, Shakespaere der Autor seiner
Dramen (sans prétention). — Brock, Die Entsteh. des Fehderechtes im
Mittelalter (erroné, mais original). — Die Pabsturkunden Westfalens
p. p. FiNKE, I, bis 1304. (bon texte). — Pompilj, Minghetti ; Guastalla,
Correnti ; Bertolini, Memorie stor. crit. del risorgimento italiano. —
Baumgartner, Nordische Fahrten, Island u. die Faroer. — Ghirardini,
Contributi all'archeologia delTItalia superrore, I ; i necropoli primitive
e Romane del Veneto; II, La collezione Baratela di Este.
Berliner philologische Wochenschrift, n" 5i : Programme : Linke, Siudien
zur Itala; Harder, Die Fragm. des Macenas; Lowinski, Zur Kritik der
Horaz. Satiren. — Aias, Philoktetes, 9^ Aufl. p. Nauck. — Berlage,
De Euripide philosopho (très soigné et profond). — Juvenalis, p. p.
Nagujewski ; (cp. i^evife 1889, n° 16). — Tacite, trad. p. Modestow;
Hérodote, trad. par Mischtschenko. — Petzke, Dicendi genusTaciti-
num quatenus différât a Liviano (travail estimable, mais qui n'avance
pas la science). — Holder, Inventio sanctae crucis — Mennessier, De
la ferme des impôts et les sociétés vectigaliennes. (travail de débutant,
mais clair et sensé en général). — Lanciani, Ancient Rome in ihe light
of récent discoveries (cp. Revue 1889, n^ 23). — Nagelsbachs latein.
Siilisiik fur Deutsche, 8'' Aufl. p. p. Iwan Mûller. — Schleusner, Die
Ausdrûcke u. Hedensarten aus Ciceros Pompeiana u. catilinar. Reden ,
sowie Càsars Comm. iiber den Gall. Krieg tiir Primaner zusammengest.
— Jadart et Pellot, Maitre Robert de Sorbon et le village de Sorbon ;
(cp. Revue, 1888, n" 19) Méric, La Sorbonne et son fondateur.
Gœttingische gelehrte Anzeiçen n^^ 25-25 : Festschrift fiir Georg Hanssen.
— HuBRicH, FrankischesWahl— und Erbkônigtum zur Merowingerzeit
(long art. de Sickel sur un travail dont Punique mérite est de traiter un
sujet qui n'avait pas trouvé de monographie depuis le mince programme
de Rospatt en i85i). — Soltau, Rômische Chronologie (Alatzat :
assure que le livre est, non pas une production scientifique, mais une
catastrophe scientifique; <c la vérité offensée se venge sur celui qui ose
toucher son voile d'une main frivole ou même impure » ), — Strûm-
PELL, Gedanken iiber Religion und religiose Problème. — Franke, Die
indischen Genuslehren (cp. Revue. 1889, n° Si).
Magazin fur die Litteratur des lu -und Auslandes, n° 52 : Ciampoli, Dolor
sine labe (fini — Willatzen, Altdan. Volkslied aus der Zeit vorderRe-
form. — PoESTiON, Neue island. Literatur, II (fin). — Kaberlin, Berli-
ner Buhnenbrief.
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N" 2 Vingt-quatrième année 13 janvier 1890
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Tome XI
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COMPOSÉ
Par MAITRE DENIS POSSOT
ET ACHEVÉ
Par MESSIRE CHARLES PHILIPPE
Seigneur de Champannoy et de Grandchamp.
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Publié et annoté par CH. SCHEFER, membre de l'Institut.
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PÉRIODIQUES
Bulletin critique, n° 24, i5 âéc. 1889 • Vernes, Précis d'hist. Juive de-
puis son orii^ine jusqu'à l'époque persane (thèse originale et paradoxale).
— Duc de NoAiLLES, Cent ans de république aux Etats-Unis. — Bapst,
Hist. des joyaux de la couronne de France (à la fois d'érudition et d'ac-
tualité). — Catal. des mss. grecs de Fontainebleau sous François l^i^et
Henri II, p. p. Omont (renferme une introduction précise et savante).
— Plessis, Traité de métrique grecque et latine (remarquable par Té-
tude des menus détails, par Temploi constant de la statistique, par la
place largement accordée aux mètres latins). — Sal. Reinach, Antiquités
nationales, description raisonnée du Musée de S.-Germain-en-Laye, I.
époque des alluvions et des cavernes (travail sérieusement lait et qui
comble une véritable lacune; résumé de la préhistoire, composé à un
point de vue strictement scientifique). — Bouillet, L'Eglise Sainte-Foy
et ses vitraux (fait avec zèle et conscience).
Revue historique, n" i, janvier-février : G. Cavaignac, L'état social en
Prusse jusqu'à Tavènement de Frédéric-Guillaume III (1797), les popu-
lations rurales et le servage. — Fr. Funck-Brentano, La Bastille d'a-
près ses archives, 1^^ article : les sources. — Ch. V. Langlois, Les ori-
gines du parlement de Paris. — Bulletin : France, Public, relat. à
l'antiquité latine, I (Sal. Reinach); Public, relat. à l'hist. moderne
(G. Monod et Louis Farges). — Correspondance : Harrisse, Le lieu
d'origine de Christophe Colomb. — Comptes rendus critiques : Knoke,
Die Krie^zûge des Germanicus in Deutschland; Duntzelmann, Der
Schauplatz der Varusschlacht (cp. Revue 1889, 11°^ 12 et 42). — Liber
diurnus roman, pontificum ex unicocodice Vaticano, p. p. Sickel; Gesta
di Federico I in Italia descritte in versi latini, p. p. Monaci; Historia
Johannis de Cermenate, notarii Mediolanensis, p. p. Ferrai; Ferrai.^
Benzo d'Alessandria e i cronisti milanesi del secolo XIV (éditions im-
portantes de textes relatifs à l'histoire d'Italie). — Historia de Felipe IV
rey de Espaiia ; De los muchossucesos dignos de meinoria que han ocur-
rido en Barcelona y otros lugares de Cataluna, por Miguel Parets, I et
II ; Canovas del Castillo, Estudios del reinado de Felipe IV; R. Villa,
El duque de Albuquerque en la batailla de Rocroy; Corresp. diplom.
de los plenipotenciarios espaiîoles en el congresso de Munster, 1643-
1648 (recueils de documents et ouvrages qui ont tous trait à l'histoire
d'Espagne au temps de Philippe IV). — Kraushaar, La sorcellerie à la
cour de Batory, épisode de l'hist. du mysticisme au xvi^ siècle [fort amu-
sant)
Revue de Belgique, i5 novembre 1889 : Vanlair, Les morts vivants. —
E. de Laveleye, Encore la question monétaire. — L. Frank, L'admis-
sion des femmes dans la société belge et la loi sur l'enseignement supé-
rieur. — LoNCHAY, Chiroux et Grignoux. — Essais et tiotices : The
Walloons and their church at Norwich, their history and register,
1 565-1 832, vol. I, Huguenot Society of London (isf vol. despublic.de
la Société huguenote de Londres qui fait honneur à l'éditeur, M. Moens.)
— i5 décembre 1889 : Goblet d'Alviella, La religion en Russie. —
Max SuLZBERGER, Deux médaillons, Jef Lambeaux et Aima Tadema. —
GiTTÉE, Folklore wallon. — Potvin, L'Iliade, édition d'Aristarque. —
Chronique littéraire. ,lfl
The Academy, n» 921 : Beard, M. Luther and Reformation in Ger-
many (incomplet, mais recommandable) — Clarke, Cardinal Lavigerie
and the African Slave Trade; Ashe, Two Kings of Uganda or lite by
the shores of Victoria Nyanza. — Hamlet, III, 4, 205-217. — The or-
talus vocabulorum of Wynkyn de Worde. — Survivais in negro funeraî
cérémonies. — Harnack, Der pseudocypr. Tractât de aleatoribus. —
Some philological books (Brandt, Die mandilische Religion; Schrader,
Sprachvergl. u. Urgesch., nouv. edit; Jastrow, A Dictionary of The
Targumim, III; Laistxer, Das Ratsel der Sphinx). — The ethnologie
affinities of the ancient Etruscans. — Brydall, Art in Scotland, its ori-
gin and progress.
The Athenaeuœ, n" 8244 : G. Rawlinson, History of Phoenicia (n'est
pas du tout au courant et plein de « blunders »). — Bunyon, Memoirs
of Bishop Macdougall. — Grant-Allen, Falling in love, with other
essays on more exact branches of science. — Psichari, Essais de gram-
maire néo-grecque (abondent en remarques intéressantes). — Unpubli-
shed notes by Mrs. Piozzi in her copy of Torbes' « Life of Beatti ». —
The bishop of Durham (not. nécrol. sur l'évêque Lightfoot, mort le
21 déc). — Horatia Nelson and « The Blind ». — Surnames ending in
s. — The Oriental Congress. — • Lord Melbourne's letters. — The Bo-
gomils.
Literarisshes Centralblatt, n° 52, 21 déc. i88g : The Latin Heptateuch,
publ. by W. Morel (i5oo) Martenes (iy33) and Pitra (i852-i88S), rev.
by Mayor. — WELLHAUSEN,Skizzen und Vorarbeiten, IV(sera le bienvenu
pour ceux qui s'occupent des origines de l'Islam). — Mûhlheim, Die
deutschen Kaiser u. ihre Zeit mit dem Zwischenreich von 1 806-1 871
(mauvais). — Wehl, Aus dem friiheren Frankreich, kleine Abhandl.
(sept essais). — Fraccaroli, Alcuni luoghi controversi di Pindaro di-
chiarati (digne d'attention). — Marx, Griech. Marchen von dankbaren
Thieren (cp. Revue, 1889, n^ 3j). — Corpus glossariorum latinorum,
VI, glossae codicum Vaticani 332 1, Sang, g 12, Leid. 67 F, p. p. Goetz
(choix énergique et raisonné; renferme la quintessence d'innombrables
mss.). — Ipomedon in drei engl. Uebersetz... p. p. Kôlbing (très bonne
publication). — Don Quii'ote, 1, 2, p. p. Kressner. — Lehfeldt, Bau
= und Kunstdenkmiiler Thûringens, V. — Litschel, Valentinus Greff,
ein Bild aus Birthalm's Vergangenheit, i524-i5 3o.
— No I, I" janvier 1890 : "Workman, The text of Jeremiah. — Hand-
MANN, Das Hebriier-Evangelium (cp. Revue, 1889, n^ 12). — Born, Ue-
ber die Négation (cp. Revue, 188g, n" 40. — Dûmmler, Akademika,
Beitr. zur Literaturgesch. der sokrat. Schulen (résultats intéressants et
remarquables, en partie assurés). — Seidl, Zur Gesch. des Erhaben-
heitsbcgriffes bei Kant. — Knoke, Die Kriegszûge des Germanicus in
Deutschland (cp. Revue, i88g, no 12). — Norrenberg, Gesch. der Pfar-
reien des Dekanates Gladbach. — Moses, Die Religionsverhandlungen
zu Hagenau u. Worms 1 540-1 541 ; Vetter, Die Religionsverhandlun-
gen auf dem Reichstage zu Regensburg 1541. — ScHiicK, Brandenburg-
Preussens Colonialpolitik unter dem Grossen Kurfûrsten und seinen
Nachfolgern 1647- 1721 (très détaillé). — Von Sybel, Die Begrûndung
des deutschen Reiches durch Wilhelm I, vornehmlich nach den preuss.
Staatsacten, 2 vols, (commencement d'une grande œuvre d'histoire faite
avec beaucoup d'habileté d'après les actes du gouvernement prussien ;
s'arrête à 1864). — VerôfFentlich. aus dem Muséum fur Vôlkerkunde,
I, I. Uhle. Ausgew. Stûcke des Muséums zur Archaol. Amerikas. —
Runze, Sprache und Religion (digne d'être lu, mais n'est pas très lisi-
ble). — VoGRiNZ, Grammatik des homer. Dialektes (il faudrait, pour
cette œuvre, beaucoup de tact critique et un solide savoir que ne pos-
sède pas l'auteur). — Allen, Notes on abbreviations in Greek mss.
(soigné). — BouRCiEZ, Précis de phonétique française (court, clair, habi-
lement fait). — BiNG, Japan. Formenschatz, 7-/1. — Staender, Chiro-
graphorum in regia bibliotheca Paulina Monasteriensi catalogus.
Deutsche Litteraturzeitung, n° i, 4 janvier 1890 : Gerbert, Gesch, der
Reformation (très original). — Staender, Chirographorum in regia bi-
bliotheca Paulina Monasteriensi catalogus. — Dunlop, History o1 prose
fiction, a new edit. revised by H. Wilson.— Toepffer, Attische Généa-
logie (cp. Revue, 1889, n» 33). — Feist, Grundriss der gotischen Ety-
mologie (essai qui n'est pas réussi). — Robert von Blots, Sammtliche
Werke, p.p. Ulrich, 1. Beaudous. — Liebenam, Die Lcgaten in den
rom. Provinzen von Augustus bis Diocletian (cp. Revue, 1889; n" 9).
— Bresslau, Handbuch der Urkundenlehre fur Deuischland u. Italien,
Ijtrès utile). — Landau, Gesch. Kaiser Karls VI als Konig von Spa-
nien (soigné, clair, prête à quelques critiques). — Bastian, Ueber Klima
und Acclimatisation nach ethnischen Gesichtspunkten. — Die Trierer
Adahandschrift, p. p. Menzel, Corssen, Janitschkk, Schnutgen, Het-
TNER, Lamprecht (la tàche a été parfaitement accomplie). — Kriegsgesch.
Einzelschriften, XI.
Berliner philologische Wochenschrift, n» 52, 28 déc. 1889 : Die Lyra des
Hermès, II (Ludwich). — ProgTaimne : Rauch, Gerundium u. Gerun-
diprum bei Curtius; Liesenbeug, Die Sprache des Ammian, i ; Schmitz,
Die Ged. des Prudentius u. ihre Entstehungszeit ; Anspach, Die Horaz.
Oden des I Bûches; Herwig, Das Wortspiel in Ciceros Reden. — Xe-
nophons Anabasis, p. p. Bachof. — Bassi, Le quattre orazioni di Ipe-
ride (des légèretés). — Plutarchi de provcrbiis Alexandrinorum libellus
ineditus, p. p. Crusius (rétablit autant que possible le texte corrompu et
mutilé). — Garizio, Il poema délia natura di Lucrezio (pénétrant). —
Hermès, Neue Beitr. zur Kritik u. Eikliir. des CatuU (souvent subtil.)
— Toeppfer, Attische Généalogie (cp. Revue, 1889, n" 33). — Rosx,
Deutsch-griech. VVôrterbuch, 11' edit. p. p. Albrecht. — Klussmann,
System. Verzeichnis der Abhandl. welche in den Schulschriften siimtli-
cher an dem Programmtausche teilnehmenden Lehranstaltcn 1876-
188 5 erschienen sind.
Deutsche Rundschau, janvier 1890 : Gussfeld, Die Erziehung der deuts-
chen Jugend. — Wundt, Ueber den Zusammenhang der Philosophie
mit der Zeitgeschichte, eine Gentennarbetrachtung. — Schonbach, Das
amerik. Staatswesen. — Rodenberg, Dingelstedt, Blatter aus seinem
Nachlass, Der Kosmopol. Nachtvilchter u. Geheime Hofrath. 1841-
1843. — Kluckhohn, Sybel's Gesch. der Begrund. des neuen deutschen
Reiches. — Brahm, Theodor Fontane. — Die neuen Essays von H.
Grimm. — Egelhaaf, Neue Reden u. Aufsiltze von Ernst Currius.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28, PARIS
.'INSTRUCTION PUBLIOUE ENÈ
par
YACOUB ARTIN PACHA
Un volume in-8 5 fr.
Le Puy, typographie Marchessou Mis, boulevard Saint-Laurent, 23.
N'^ 3 Vingt-quatrième année 20 janvier 1P90
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. CHUQUET
Prix d'abonnement
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
LIBRAIRE DE I. A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
CE l'ÉCOLB des langues ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28 , RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuqurt
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire), les livres dont ils
désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
HISTOIRE
DE
LOUIS XII
PAR
M. DE MAULDE-LA-CLAVIÈRE
Première partie
LOUIS D'ORLÉANS
Un beau volume in-8 Prix 8 fr.
LES
ORIGINES DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Au commencement du xvi« siècle.
LA VEILLE DE LA RÉFORME
par m. de Maulde-la-Clavière
Un volume in-8 8 francs.
PÉRIODIQUES
The Academy, n" 922 : The letters of Lord Chesterfield to his godson,
p. p. The Earl of Carnarvon. — Shields, Cruisings in the cascades. —
DoNKiN, Trooper and redskin in the Far-North-West. — Bishop
Lightt'oor (not. nécrol.). — Ch, Mackay. — Fragments of Yorkshire
Mysteries (Skeat). — The sources of Malory's La Morte Darthur (Som-
mer). — A twenty years' lover of Browning in i856. — The British
Record Society. — Rawlinson, History of Phoenicia (n'est pas au cou-
rant). — The inscriptions from Naukratis (Hirschfeld).
The Athenasum, n"^ 3245 : Lumholtz, Amoung cannibaîs, anaccount of
fo'jr years' travels in Australia and of camp life with the aborigines of
Queenshind. — Letters of Ghersterfield to his godson. — Calendar of
ancient records of Dublin, I, p. p. Gilbert, — Theological books :
Tertulliani Apologet. Adversus gentes pro christianis, p.p. Bindley;
Sayce, The life and times of Isaiah; Rawlinson, The kings of Israël
and Judah. — The death of Keat's sister. — The Hospitaliers in En-
gland. — Gh. Farran (not. nécrol.). — Sir Henry Yule. -- The « Déta-
chement » of Browning. — Nevill, Old cottage and domestic architec-
ture in South-West Surrey and notes on the early history of the division.
Literarisches Centralblatt, n° 2 : J. Schiller, Problème aus der christl.
Ethik. — GoTHEiN, Die Aufg. der Gulturgesch. (remarquable). —
Mahler, Ghronol. Vergleichungstabellen, 1, Die aegypt. alexandr.
seleuc. u. griech.Zeitrechnung (commode). — Whibley, Political parties
in Athens during the Peloponnesian war (habilement fait, bon tableau
d'ensemble, du nouveau dans le détail). — Manferin, Li Ebrei sotto la
dominazione romana, I (donne tout autre chose que ce qu'annonce le
titre). — Neuwirth, Die Satz. des regensburger Steinmetztages 1459. —
Papageorgios, Scholia in Sophoclis frag. vetera (important). — Platonis
dial. 11, p. p. WoHLRAB. — Nigidii reiiq., p. p. Swoboda (fait avec une
remarquable exactitude ; cp. Revue, 1889, n" 47). -~ Undset, Indskrif-
ter fra middelalderen i Throndhjems domkirke. ■ — Mûllenhoff,
Beowulf (renferme beaucoup de choses importantes). — Ehrhard, Les
comédies de Molière en Allemagne (très abondant et attachant, cp.
Revue, 1889, n" 43). — Leitschuh, Fûhrer durch die kônigl. Biblio-
thek zu Bamberg, 2^ Aufl.
Deutsche Litteraturzeittmg;, n" 2 : Workman, The text of Jeremiah. —
DuBOc, Hundert Jahre Zeitgeist in Deutschland. — Andreae, Zur
Selbsterz. des angehenden Lehrers. — Franke, Die ind. Genuslehren
(soigné et consciencieux ; cp. Revue, 1889, n» 5i). — Philonis libellus
deopiticio mundi, p. p. Gohn; Supplem. ad Procli comment, in Plato-
nis de republica libros nuper vulgatos, p. p. Reitzenstein; lamblichi
Protreoticus, p. p. Pistelli (i^très méritoire; 2° beaucoup de passages
complétés ou améliorés avec une heureuse sagacité; 3° le Protrepticus,
à part les perles d^Aristote en petit nombre, ne mérite pas tant de
dévouement), — Inventio sanctae crucis, p. p. Holder (« acribie » ; cp.
un prochain art. de la Revue). — Saran, Hartmann von Aue als Lyri-
ker (fait avec soin, indépendant, tient plus qu"il ne promet). — Wen-
DRiNER, Die paduan. Mundart bei Ruzante (méthodique et très soigné,
très instructii). — Michael, Die Formen des unmittelb; Verkehrs
zwischen den deutschen Kaisern u, souver, Ftirsten vornehml. im X,
XI, XII Jahrh. (solide et convaincant). — Wendt, Der deutsche Reichs-
tag unter Konig Sigmund 1410-143 i (très bon travail). — Polit, u. milit.
Gorresp. Konig Friedrichs von Wurtemberg mit Napoléon I, i8o5-
18:3, p. p. ScHLOssBERGER (coiitientpcu de chose pour un volurne
aussi « corpulent et relativement cher »). — Wasserrab, Sociale Politik
mdeutschen Reich. — Gesellschaft fur deutsche Litteratur (séance du
i8déc. 1889).
Gœttingische »elehrte Anzeigen, n° i : Giesbrecht, Gesch. der deutschen
Kaiserzeit, V (cp. Revue, 1889, n» 10). — Legrelle, La diplomatie fran-
çaise et la succession d'Espagne, I (l'auteur s^est efforcé de travailler
avec exactitude, mais il a commis beaucoup de méprises et « son coup
d'œil historique est troublé par le brouillard chauviniste du jour » ; —
il n'a pas envoyé son livre à la Revue critique). — Servaes, Die Poetik
Gottscheds und der Schweizer; Braitmaier, Gesch. der poet. Théorie u.
Kritik von den Discursen der Maler bis auf Lessing (très longue recen-
sion de B. Seuffert qui loue la clarté de Servaes, mais ne trouve pas un
guide star dans Braitmaier, et juge qu''il ne remplace pas Tétude des sour-
ces). — Berti, Giord. Bruno, sua vita e sua dottrina ; Tocco, Le opère
latine di G. Bruno espote e confrontate con le italiane; G. Bruni opéra
lat. conscripta I, 3, p. p. Tocco et Vitelli.
Berliner philologische Wochenschrift, n» i : Die Handschriften u. Klassen
der Aristophanesscholien (Zacher). — Dûmmleb, Akademika, Beitr. zur
Literaturgesch. der sokrat. Schulen (très instructif; quoique un peu
subtil). — Lucreti liber V, p p. Duff (pratique pour les commençants).
— Kruger, des Horatius Satiren u. Episteln, fur den Schulgebr'. erkl.
i2« Aufî. — Titi Livi liber I, p. p, M. Muller, 2« Aufl. — Codex Col-
bertinus Parisiensis, quatuor eyangelia ante Hieronymum latine trans-
lata post edit. p. Sabatier cum ipso codice collatam p. p. Belsheim. (A
été fait « festinanter »; l'éditeur devait plutôt dire « festinantissime »).
— Hermanns Lehrb. der griech. Antiq. I, Siaatsalt. 6" Aufl., p. p.
Thumser. — Schreiber, Die Wiener Brunnenreliefs aus Palazzo Gri-
mani. (Cp. Revue, 1888, n" 47.) — Volz, Grundr. der alten Geogr,
Griechenland, Italien, Palastma (beaucoup de fautes). — Kiepert,
Wandkarte der Reiche der Perser u. Macedonier (« par la critique, le
choix, l'exécution, digne de l'homme que nous nommons fièrement
nôtre »). — Dunzelmann, Der Schauplatz der Varusschiacht (cp. Revue,
1889, n° 43). — Pétrie, A season in Egypt 1887. — Scheindler, Me-
thodik des grammat. Unterrichts im Griech. (cp. Revue, 1888, n" 3o).
BuscH, Latein. Uebungsbuch, III, 3« Aufl.
N" 2 : Zur Abwehr (Carnuth). — Die Handschr. u. Klassen der Aris-
tophanesscholien (Zacher). — Elektra, p. p. Wecklein, 2° Aufl. (« con-
servatisme sensé »). — Lukas, Die Méthode der Eintheil. bei Plato. —
Stephani, De Martiali verborum novatore (soigné et « grundlich »). —
Titi Liviilibri XXVI-XXX, p. p. Riemann etHoMOLLE [toujours la même
compétence). — Schreiber, Die "Wiener Brunnenreliefs aus Palazzo
Grimani ; Hauser, Die neuattischen Reliefs (le livre de Hauser est très
recommandable et plein de remarques frappantes). — Gregorovius, Stadt
Athen im Mittelalter (œuvre classique qui mérite une place à côté de
Gibbon et de Finlay ; rarement sujet aussi maigre a été traité aussi ma-
gistralement; la langue est forte, « plastique » ; le sujet, ordonné avec
art; et on a là plus qu'une histoire d'Athènes, l'histoire des provinces
helléniques de l'empire byzantin). — Die Constantin. Schenkungsur-
kunde, L Brunner, Das Constitutum Constantini ; IL Zeumer, Der
atteste Text. — Klette, Joh. Conversanus u. Joh. Malpaghini von
Ravenna (i'^ série d'études que l'auteur fera bien de continuer).
Theoloçische Literaturzeitun», n» 26 : Kôhler, Lehrb. der bibl. Gesch.
Alten Testam., II, 2, i , — WeizscÏcker Das apostol. Zeitalter der
christl. Kirche, Sach := und Stellenregister. — W. Muller, Lehrb. der
Kirchengesch., I (très suffisant et distingué). — Loofs, Leitfaden lur
seine "Voiles, iiber Dogmengesch. — Miodorski, Anonymus adv, aleato-
res (soigné). — Koetschau, Die Textûberlief. der Bûcher des Origenes
contra Celsus, Prole^omena zu einer krit. Ausgabe (prolégomènes,
pleins d'exactitude, dc'soin, de sagacité et qui promettent pour l'avenir).
— Ihm Studia Ambrosiana (recommandable). — Schaff, A sélect h-
brarv of the Nicene and Post-Nicene Fathers of the Christian Church,
vol 'IX. Saint Chrysostom. - Sam. Berger, Les bibles provençales et
vaudoises (étude très étendue et riche en résultats ; cp. Revue, 1889,
no ,3) — Springer, Der Bilderschmuck in den Sacramentarien des
frûhen'Mittelalters(cp. Revue, 1889, n° 5i). — Dalton, Zur Gewissens-
freiheit in Russland.
Literaturblatt fïir german. u. roman. Philologie, n° 12, déc. 1889 : Kluge,
Angels. Lesebuch. — Baïts Psaultier, p. p. Groth (cp. Revue, 1889,
no 5) _ De Paula Brito, Dialectes crioulos portuguezes (long art. de
Schuchardt). — Weigand, Die Sprache der Olympo-Walachen (compte-
rendu très détaillé de Tiktin qui reproche à Fauteur un peu d'inexpé-
rience et le manque de « methodische Schnlung »).
Zeitschrift fur deutsches Altertura u. deutsche Litteratur, I : Schônbach, Be-
deut der Buchstaben. — Hildebrandt, Freidank u. Wahher - Bolte
Die Sultanstochter im Blumengarten. — Kochendôrffer, Bruchstuck
aus dem WiUehalm Ulrichs von Turheim. — Ottenthal, Zwei Fund-
stûcke aus Passeier. — Kôhn, Die Handschrift des rhem. Manenlobs.
— Brandes, Drei Samml. mn. Reimspruche. — Schônbach, Die Quelle
Wernhers von Elmendorf. — Schrôder, Zum Hildebrandshed. —
Stosch Noch einmal mhd. gelouben. — Bolte, Zwei Stammbuchblat-
ter Paul Flemings. — Weiland, Ahd. Schreibernotiz. — An^eiger :
MûLLENHOFF, Deutsche Altertumskunde (long art. de Kossinna; cp. Re-
vue 1888 n° 32]. — Feist, Grundriss der gotischen Etymologie (donne
trop de prise aux critiques). — Lûning, Die Natur, ihre Auffass. u.
poet. Venvend. in der altg. u. mhd. Epik (avance la question et offre
un 2rand nombre de citations). - De Gruyter, D-s deutsche Tagelied
(en: Revue, 1889, n» 8). - Die Ged. Reinmars von Zweter p. p. Roe-
THE (arrive à des résultats sûrs). - E. R. Mûller, Heinrich Loufen- J
ber-. — ScHWEiTZER, Hans Sachs (juste appréciation du poète de Nu- I
remberg; cp. Revue, 1889, n» 47) - Spengler, Der verlorene Sohn im
Drama des XVI Jahrh. (très louable). - Ranisch. Zur Kritik u. Metrik
der Hamthismal.-Orvar-Oddssaga,p.p. Boek. - Litteraturnottien :
BâBLEP Flurnamen aus dem Schenkenbergeramte; Cludius, Der Plan
von Goèthes Faust erlautert; Litzmann, Schrôder u. Gotter (cp. Revue.
1888, n° 23); Die siebenb. sachs. Schulordn., p. p. Teutsch. — Zur
Kaiserchronik (Jellinek). - Erwiderung (plainte d^Eug. Wolff a pro-
pos de rart. sur son Elie Schlegel, cp. Revue, 1889, n» 41, et réponse
du critique, Rentsch). .
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HISTOIRE ET DESCRIPTION
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N^ 4 Vingt quatrième année 27 janvier 1890
REVUE CRITIQUE
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COLLECTION DE CONTES ET DE CHANSONS POPULAIRES
Tome XV
LES CHANTS
et les
TRADITIONS POPULAIRES
DES ANNAMITES
Recueillis et traduits
Par G. DUMOUTIER
Inspecteur de l'enseignement de l'Annam et du Tonkin.
Un volume in-i8, avec musique en notatiogs chinoise et française,
illustrations d'après des documents originaux et portrait. . . 5 fr.
Division de l'ouvrage: Préface et avant-propos. — Les Chants popu-
laires des Annamites (Chants religieux, chants H'dmour ^ nts
guerriers, chants de bateliers, chants héroïques, chants s: ; '.es,
rondes enfantines, etc.) — - Chants contre les Français. — L». ire
annamite. — Contes, devinettes et passe-temps.
PÉ1<I(M)I(^UES
Annales de l'Est, janvier 1890, n" 1 : Jundt, Rulmaii Merswin et TAmi
de Dieu de l'Oberhind. — Nkrlinger, P. de Hagenbach et la domina-
tion bourguignonne en Alsace (suite), — Variétés : A. Collignon. Une
lettre inédite de François de Neutchâteau. — Comptes-rendus : Kraus,
Kunst u. Altcrtum ini Elsass-Lothringen 111,3 (^excellent). — Ganier
et Froehlich, Voyages aux. châteaux historiques de la chaîne des
Vosges. — La petite Chronique de la cathédrale, la Chronique strasbour-
geoise de Sebald Biiheler, p. p. Dacheux; Kleine Strassburger Chronik,
p. p. Reuss. — Hist. de Philippa de Gueldre, morte au monastère de
l'Ave Maria de Pont-à-Moussoa ; Vie de la vénér. mère Alix Le Clerc ;
Lhuillier, Sainte Libaire et les martyrs lorrains au iv siècle (le premier
ouvrage est un chant de triomphe en l'honneur de la duchesse Philippa ;
le deuxième destiné aux bibliothèques pieuses, mérite d'être consulté;
le troisième, trop délayé, et sans méthode, témoigne d'un grand labeur
et renferme des pages charmantes, écrites avec beaucoup de cœur et
d'émotion). — Frizon, Petite bibliothèque verdunoise, 5 volumes (digne
d'un accueil favorable). — M"'« Madeleine Buvignier-Clouot, Chevert
(cp. Revue critique, i8Sq, n° 26). — Badel, L'hôpital militaire de
Nancv.
La Révoluliou irançaise, n" 7, 14 janvier 1890 : Aulard, Le Comité de
salut public, I. — Debidour, La révol. et la diplomatie en Europe,
1 848-1 849 (fin). — Baudouin, De J'admin. de la justice, suivant les
cahier^ de 1789, Marche et Limousin. — Docum. inédits : Une lettre
de Carrier à la Convention (datée des Andelys, 27 juillet 1793). —
Bibliogr. : Les élections et les cahiers de Paris en 1789, III et IV, p. p.
Chassin (de graves défauts, n'est pas assez précis et exact]. — Procès-
verbaux du Comité d'instruction publique de la Législative, p. p.
Guillaume (cp. Revue, 1889, n'^5i). — Babeau, Paris en 1789 (ci'
Revue, n" 2). — Guadet, Les Girondins (nouv. odit. cp. Revue iSf
ri" 49, p. 434].
Revue rétrospective, i'"'' janvier : Expéditions d'Algérie, 1847-49, journS
du comte de Vauvineux. — Souvenir de Meiz, un maître espion, 1870.-
— La grippe en février i8o3, — Lettre d'un officier prisonnier, 1746.
— Un modèle de Latour. JBl
TheAcademy, n" 923 : Bradley, The life of the Lady Arabella Stuart.
— Tavernier, Travels in India^ transi, by Ball (traduction et annota-
tion qui méritent tous les éloges). — The letters of Wellington to miss
J., p. p. Herrick. — Current iiterature : O'Conor, Essays in literature
and ethics; Dryden's Essay of dramatic poesy, p. p. Th. Arnold;
Famous Elizabethan plays, adapt. by Fitzgibbon). — Sir Henry Yulej
(not. nécrol.). — Fragments of Yorkshire Mysteries. — Thesixth cen-
tenary of Dante's Béatrice (Busk). — Middle English notes (Bradley).
— An Irish mermaid (Quinn). — Leist, Altarisches Jus gentium. — |
Some old and provincial plantnames (H. Friend).
The Athenaeum, n» 3.246 : Life of Harriet Beecher Stowe, by her son.
— Sir Alfred Lyall, Warren Hastings (l'auteur de ce petit volume estl
maître de son sujet et impartial). — Jarmax, A history of Briedgewater-
Philoloyical books : Allen, Notes on abbreviations in Greck mss. ;
Catulli car.'nina, p. p. Postgate ; Anglo-Saxon chronicles 800-1001, |
p.p. Davis. — Australian cannibals. — Surnamesendingin^. — Hogarti^
Dévia Cypria, n )tes of an archaeological journey in Cyprus 1888. 1
Literarisches Centralblatt, n» 3 : Miodonski, Anonymus adversus aleatoj
res ; Lib. de aleatoribus, p. p. Hilgenfeld (cp. un prochain art. de la
Revue). — Troost, Inhalt u. Echtheit der Platon. Dialoge. — P.Girard,
Léducation athénienne (très recommandable, cp. Revue, 1889, n«' 48).
— Schubert, Gvozdec zrr Grossenhain, ein Beitrag zur ait. Gesch. des
Hanses Wettin. — Carutti, Regesta comitum Sabaudiae (publica-
tion très remarquable). — De Gontaut Biron, Ambass. en Turquie,
i6o5-i6io (cp. Revue, 1889, n» 44). — Delbrûck, Altindische Syntax
(tt sera pour longtemps une mine pour les observations déjà faites et un
point d'appui pour les recherches ultérieures. ») — Prellwitz, Die
argiv. Inschriften (beaucoup de bons matériaux). — Dionysii Halic.de
imitatione reliqniae epistulaeque criticae duae, p. p. Usener (très bon).
— Dionysii Halic. antiq. roman., p. p. Jacoby, U (il faudra ne se servir
de cette édition qu'avec celle de Kiessling, et, s'il en faut une, se servir
de celle de Kiessling sans celle de Jacobi). — Pfister, Ueber urgerman.
Formenlehre (singulier curiosum). — Gœthe's Gesprache, p. p. Bieder-
MANN, UI et IV. — HoLSTEN, Gœthe's drei letzte Lebenstage (rien de
nouveau). — Pellissier, Le mouvement littéraire au xix** siècle (clair et
pénétrant, cp. Revue, 1889, n" 42). — Ten Brink, Gesch, der engl.
Literatur, II, i (très bon; à remarquer les chapitres sur Chaucer,
Gower, Occleve, Lydgate). — Gudmundsson, Privatboligen pa Island ;
Sagatiden (détaillé et vivant). — Buchnkr, De neocoria (tait avec soin et
habileté, cp. Revue, 1889, n» 3). — Mittheil. zur Gesch. des Heidelber-
ger .^chlosses : von Schonherr, Alex. Colin u. seine Werke, i562-i6i2.
Deutsche Litteraturzeitung, n" 3 : Bernus, Chandieu (cp. Revue, 1889,
n" 35). — NippOLD, Die vertrauten Briefe des Erzbischofs Spiegel von
Koln. — Klussmann, System. Verzeichniss der Abhandl. Program-
maustausch. — Laotsee, Taotekking, aus dem Chines, von Noak (trad.
non seulement superflue, car il y a de meilleures traductions, mais nui-
sible, car elle donne une fausse idée de Poriginal). — Immerwahr, Die
Lakonika des Pausanias auf ihre Quellen untersucht (utile). — Be-
NESCH, De casuum obliq. apud Justinum usu (bonne étude et en latin
correct). — Petit, Bibliogr. del middelned.Taalr^en Letterkunde (soigné
et exact). — Landshoef, Kindheit Jesu, ein engl. Gedicht aus dem XIV
Jahrh. ; Hennemann, Untersuch. ûber das mittclengl. Ged. Wars of
Alexander. — Martens, Die falsche Generalconcession Constantins des
Grossen; Friedrich, Die Constantinische Schenkung (art. de Lôwen-
feld). — Polek, Die Erwerbung der Bukowina durch Oesterreich (digne
d'être lu). — Paulitschke, Beitr. zur Ethnogr. u. Anthrop. der Somâl,
Galla u. Harari. — Upcott, An introd. to Greek sculpture (clair, pré-
cis, court). — Kroker, Katechismus der Archaologie (bon, mais veut
trop dire). — Bûcher, Die alten Zunft = und Verkehrsordnungen der
Stadt Krakau (de grande valeur). — Clôt. v. Schwartz Koppen, Karl
von François, ein Soldatenleben, 2" edit. — Archàolog. Gesellschaft zu
Berlin, séance du 9 déc. 1889.
Gœttingische gelehrte Anzeigen, n" 26, 20 déc. 1889 : Uphues, Wahrneh-
mung und Empfindung. — Wl.assak, Die Litiscontestation im Formu-
larprocess; Schott, Das jus prohibendi u. die formula prohibitoria;
Wach, Der Feststellungsanspruch. — Ordnung des Hauptgottesdienstes
an Sonn = und Festtagen in der evang, luth. Landeskirche der Provinz
Hannover.
Berliner philologische Wochenschrift, n° 3 : Die Handschr. u. Klasseii der
Aristophanesscholien (Zacher). — Andocidis orat. p. p. Lipsius (soigné).
Rothstein, Quaestiones Lucianeae (importante contribution). — Figu-
REY, Les odes d'Horace, trad., extraits et adapt. en vers (imitations li-
bres et habiles). — Gylling, De argum. dispos, in satiris IX-XVI Juve-
nalis (réfléchi et à approuver), — Taciti Ann. XI-XVI, p. p. Prammer.
— Germania, p. p. J. Mueller, 3" edit. — Max. Mayer, Die Giganten
u. Titanen in der antiken Sage u. Kunst (fait avec soin et savoir). —
Defxke, Die Faliskcr ^cp. Revue, 1889, n« 27). - Bxunack, Studien
auf dem Gebiete des Griech. u. der arischen Sprachen I, 2 (cp. Revue,
,88- 11» 35). — Staender, Chiiographorum in regia bibliotheca Pau-
lina Monasteriensi catalogus. - JaoER, Das humanist. gynin u die
pétition um durcligreif. Schtilreform. - Wiegand, Thierschs Leben.
Theologische Literatiirzeitimg:, n° i : Tlieolog. Jahresbericht, p. p. Lip-
sms (cp. Revue, i88q, n« 52). - Riehm, Einl. in das Alte Testament,
p p. Al. Brandt, 1-6. — ScHULTE, De restitutione atque indole genui-
nae versionis graecae in libro Judicum. - Plehwe, Die Christenver-
fol'^. der ersten drei Jahrhunderte, 2^ Aufl. (plein d'erreurs) — Priscil-
liani quae supersunt, p. p. Schepss (très long art de Loofs). — J:<ried-
BERG, Lehrb. des kathol. u. evangel. Kirchenrechts, Y Auti.
Ma°-azm fiir die Lilteratur des In-und Aiislandes, n" 1 : Valdes Das Be-
keiinniiss eines Verbrechens. — Coppée, Am Schlusse eines Balles. -
Ernst Ein apokryph. zweiter TeildesGœtheschen Faust. - K. Blind,
zur Sprachkunde. — Keller-Jordan, Spanische Lyrik in Zentral-Ame-
rika. — Arno Holz, Die Freie Buhne, IV.
_ N" 2 • SuBERT, der Poésie, ûbertr. von Edm. Grun. — Mahren-
HOLTZ Die franz. Wehweisheit im XIX Jahrh. — Von Suttner, Ein
Ruckblick. — W. KiRCHBACH, Joh. Gutcnbcrg. — A. von Krajewska,
Englands vergessene Autoren. — Hoepfner, Luisa Sanfelice e la
conaiura dei Baccher.
ERNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28, PARIS
HISTOIRE
de
LOUIS XII
PAR
M. DE MAULDE-LA-CLAVIÈRE
Première partie
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LES
ORIGINES DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Au commencement du xvi^ siècle.
LA VEILLE DE LA RÉFORME
PAR M. DE MaULDE-LA-ClAVIÈRE
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N" 5 Vingt-quatrième année 3 février 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. CHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par comynissionnaire), les livres dont ils
désirent un compte-rendu.
tîKNEST LKROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
COLLECTION DE CONTES ET DE CHANSONS POPULAIRES
Tome XV
LES CHANTS
ET les
TRADITIONS POPULAIRES
DES ANNAMITES
Recueillis et traduits
Par G. DUMOUTIER
Inspecteur de l'enseignement de l'Annam et du Tonkin.
Un volume in-i8, avec musique en notations chinoise et française,
illustrations d'après des documents originaux et portrait. . . 5 fr.
Division de l'ouvrage: Préface et avant-propos. — Les Chants popu-
laires des Annamites (Chants religieux, chants d'amour, chants
guerriers, chants de bateliers, chants héroïques, chants satiriques,
rondes enfantines, etc.) — Chants contre les Français. — Le théâtre
annamite. — Contes, devinettes et passe-temps.
PÉRIODIQUES
Anuales de l'Ecole libre des sciences politiques. n° i : Chotard, L^œuvre
financière de M. de Villèle. — De Colonjon, La question des pensions
civiles en France. — Pensa, Le code spécial de l'indigénat en Algérie.
— Lebon, Les institutions prussiennes. — De Loménie, Les prélimi-
naires de la séance royale du 23 juin 1789. — Répertoire de Phistoire
diplomatique de PEurope depuis le congrès de Westphalie. — Analyses
et comptes-rendus : Ritchie, Darwinisim and politics. — Houdard,
Premiers principes de l'Economique. — G. de Pomairols, Lamartine,
Etudes de morale et d'esthétique. — G. Salomon, De l'occupation des
territoires sans maître. — Des constitutions delà France et du principe
d'une constitution nouvelle.
Revue celtique, n" 4 (1889). — Gerquand, Taranous et Thor (fin). —
Eug. Bernard, La création du monde (suite). — Nettlau, Irish texts in
Dublin and London mss. — H. Gatdoz, Le débat du corps et de l'âme
en Irlande. — Hogan, A puzzle in Irish parsing. — Mélanges : Loth,
Gwyr., goar ; eguetou ; fec'h, fi = cUiwec'h, c'hwi. — Bibliographie :
Rhys, Lectures on the origin and growth of religion as illustrated by
Geltic heathendom (l'auteur n'a pas réussi dans la reconstruction hardie
qu'il a tentée; la faute en est à la fois à son sujet et au système qu'il a
suivi). — Chronique. — Table des principaux mots étudiés dans le
tome par E. Ernault.
Revue d'Alsace, IV, 1 889 : Schoenberg, Le général Walther et sa famille.
— Gh. Pfister, Les mss. allemands à la Bibl. nat. relatifs à l'histoire
d'Alsace (suite). — Mossmann, Matériaux pour servir à Thist. de la guerre
de trente ans (suite). — A. Benoit, Arrest. de deux pasteurs dans la baro-
niede Fenetrange en 1724. — Libun, Souvenirs d'Alsace, les Berckheim-
Schoppenwihr (tin) : comment M. Liblin peut-il dire, à propos delà
lettre intéressante du 7 mars i833, que l'enfant de Guibourg et de la
duchesse de Berry est le comte de Ghambord ? — Zuber, Jean Dollfus.
— R. Reuss, Gorresp. polit, et chron. paris, adressée/ à Ghrist. Gûntzer,
1681-1685 (tin). — Liblin, Ignace Ghauffour et ses livres. — Boese,
Les poésies en dialecte alsacien (suite). — Kurtz : Gâtai, de la bibl.
Ghautîour, p.p. Waltz (cp. Revue, iSSg, 11" 48); Heimweh, La question
d'Alsace (cp. Revue, 1889, n^ 5o) ; Les habitations à bon marchépar
la Soc. industr, de Mulhouse à l'Expos. univ. de 1889 ; Gompte-rendu
de Pass. gén. de la Soc. Schongauer.
Revue de Belgique, i5 janvier : Thiry, La protection de Tenfance. —
Fréson, Bayreuth, un pèlerinage d'art. -- Potvin, Ghronique littéraire,
POrestie d'Eschyle. — Essais et notices : De Laveleye, Economistes
italiens et espagnols (sur les ouvrages de MM. Tramoyeres, Errera,
Gossa, et de Azcarate).
The Academy, n» 924 : Thirty years of colonial government, a sélect,
from thc despatches and letters of Sir George Ferguson Bowen,
p. p. Stanley Lane-Poole. — Edward White, Archbishop, Ghrist and
bis times, adressed to the diocèse of Ganterbury in his second Visitation.
— The Fables of Aesop, as first printed by Gaxton in 1484, with those
of Avian, Alfonso and Poggio, now again edited a, induced by J. Jacobs,
2 vols, (ouvrage remarquable ; contient, outre la réimpression, une
étude dont les conclusions ne sont pas toutes acceptables, mais qui est
faite avec méthode). — De Asboth, An ofîicial tour through Bosnia
and Herzegovina with an account of the history, antiquities, agrarian
conditions, religion, ethnology, folklore and social life of the people
(écrit avec agrément, sans rien de très nouveau). — Rich. Fred. Little-
dalc (not. nécrol.). — Percy Greg (not. nécrol.) — Glosses from Turin
-i
and the Vatican (Whitley Stokes). — The line-numbering in Brov/ning's
Ring and the Book (Furnivall). — Middle-english notes (Ramsay). —
SiMCOx, The language of the New Testament. — W. Sp. Simpson,
Gleanings from Ôld S. PauPs.
The Athenaeum, n" 3247 : Facsimiles of manuscripts in European ar-
chives relating to America, 1773-1783, with descriptions; editorial
notes, collations, références and translations, I and II (fait avec un com-
plet succès). — Harris, The land of an African sultan, travels in Ma-
rocco; Wake, A sélection of sketches and letters on sport and life in
Marocco. — Symes, A companion to school historiés of England. — Sur-
names ending in S. (Ov\'en). — The London University and the Royal
Commission. — The Hospitaliers in England. — Dr. von DôUinger
(not. nécrol.) — The Oriental Congress.
Literarisches Centralblatt, n° 4 : Bunsen (von), die Ueberlieferung. —
Jahresber. der Geschichtswissenschaft p. p. Jastrow, IX. — Sal. Rei-
NACH, Antiquités nationales, Descript. rais, du Musée de Saint-Germain-
en-Laye, I Epoque des alluvions et des cavernes (très important et très
précieux ; extrême clarté de l'exposition et de l'ordonnance, excellente mé-
thode).— MaxWEBER, Zur Gesch. der Handelsgesellsch. im Mittelalter
nach sûdeurop. Quellen. (essai bien réussi sur les sociétés et associations
de commerce au sud de l'Europe pendant le moyen âge). — Taëglichs-
BECK, Die Gefechte bei Steinau, i632 (clair). — Hamerling, Stationen
der Lebenspilgerfahrt. — Hessel, Deutsche Colonisation in Ostafrika.
— Huygens, Œuvres complètes, II. — Ovid, Trist. p. p. Owen (cp. Re-
vue, n" 2). — Inventio sanctae crucis p. p. Holden (cp. Revue^ n" 3). —
Glaser, Altnordisch (lecture réjouissante). — Die Trierer Ada-Hands-
chrift p. p. Menzel, Corssen, Janitschek, Schnûtgen, Hettner, Lam-
PRECHT (édition qui satisfait toutes les exigences scientifiques, et avance
singulièrement l'histoire critique de l'enluminure carolingienne). —
Fauth, Das Geduclitniss.
Deutsche Litteraturzeitung, n" 4 : Die Matrikel der Universitiit Rostock,
I, 1419-1499, p. p. H0FMEISTER. — Prince Ibrahim Hilmy, The Liter.
of Egypte and the Soudan from the earliest times to i885, II M-Z.
(beaucoup de méprises et de lacunes), — Meisterhans, Gramm. der at-
tischen Inschriften (2" édit. d'un très utile travail). — C. Lange, Die
latein. Osterfeiern (confirme ou contredit Milchsack presque toujours à
droit). — Mahrenholtz, J,-J. Rousseau (bon, précis, trop serré peut-
être). — E. Dûmmler, Gesch. des ostfr. Reiches, II u. III. Ludwig der
Deutsche; Die letzten Karolinger, Konrad I, 2'' Aufl. — Décrue.
Montmorency (original et très habilement exposé). — Kretschmer, Die
phys. Erdkunde im christl. Mittelalter (bon travail de début, non sans
imperfections). — Nyari, Der Portriltmaler Kupetzky. — Bielfeld ,
Gesch. des magdeb. Steuerwesens von der Reform bis ins XVI II Jahrh.
(important),
Ma^azin fur die Litteratiir des In-imd Auslandes n" 3 : Kosiakiewicz, Peter,
Novelle, iibertr. von Felicie Zand. — H. von Vintler, Aus der franz.
Lyrik (Uebertrag. nach Sully Prudhomme u. Ch. Baudelaire). —
H. von Basedow, zur kulturgesch. Litteratur. — R. Fuchs, Demeter
and other Poems. — Kaberlin, Der Laubesche Demetrius. — Filtsch,
Zur jungsten Gesch. der Balkanhalbinsel. — Rache, Leipziger Bûh-
nenbrief.
Bulletin international de TAcadémie des sciences de Cracovie, décembre 1889 :
Lettner, Bau, Wesen und Bedeutung des sogen. Agons in den aristo-
phanischen KomOdien.
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D'Aleinbert, par Joseph Bertrand, de l'Académie française, secrétaire perpétuel
do l'Académie des sciences. 1 vol.
Maiame de Sévigné, par Gaston Boissier, de l'Académie française. 1 vol.
George Sa7id, par M. E. Caro, de l'Académie française. 1 vol.
Turqot, par M. Léon Say, de l'Académie française. 1 vol.
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Maître de conférences à la Faculté des Lettres de Caen.
Docteur es lettres.
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Professeur à la Faculté des Lettresde Paris.
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N° 6 Vingt-quatrième année 10 février 1890
""revue critique
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. CHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc,
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(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
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ERNEST JOVY
I
ETUDES ET RECHERCHES
I
GUILLAUME PROUSTEAU
Fondateur de la Bibliothèque publique d'Orléans, et ses lettres inédites
à Nicolas Thoynard.
(Tiré à 100 exemplaires.)
« Les vingt-six lettres que M. E. J. publie et qui vont de 1678 à
1698 fourmillent de détails sur les savants du temps, français et
étrangers; on y rencontre Ménage, Bigot, l'abbé Renaudot, l'abbé
Nicaise, le P. Bonhours, les Périer, Gronovius, Grtevius, Noris, etc.
M. J, y a joint quelques extraits de la correspondance manuscrite de
Thoynard et une annotation fort minutieuse qui n'est pas moins
instructive que le texte. » Revue critique, novembre 1888.)
£ Voir aussi Bulletin critique, i^'' décembre 1888 ; Bulletin du Biblio-
^ phile, mai-juin 1889; Bulletin de la Société archéologique de l'Or-
léanais, 3*^ et 4^ trimestres i888.
Envoyer mandat-poste 3 fr. à M. Jovy, professeur, à Vitry-le-François
(Marne.)
PÉRIODIQUES
Annales du Midi, n" 5, janvier 1890 : A. Leroux, Etude critique sur
les Annales françaises de Limoges (suite et fin), — Ch. Joret, Le
P. Guevarre et là fondation de Thôpital général d^Auch. — Douais,
Les mss. du château de Merville, Haute Garonne. — Mélanges et
documents : P. de Nolhac, Une date nouvelle de la vie de Pétrarque;
A. -T., Lettres de rémission pour un apprenti tapissier d'Aubusson,
i528; A.'D., La famille de M""^ de Sévigné en Provence; Tamizey de
Larroque, Cinq lettres bénédictines inédites : DD. Brial, du Laura,
Estiennot, Lobincau; H. Omont, Les mss. méridionaux de la biblio-
thèque de Sir Thomas Phillips, à Cheltenham. — Comptes-rendus :
Jarriand, Hist. de la Novelle 118 dans les pays de droit écrit depuis
Justinien jusqu'en 1789 (étude attentive). — Livre de raison de la
famille de Fontainemarie, p. p. Tamizevde Larroque (cp. Revue, 1889,
no 5i). — Petits mém. inédits de Peiresc, id. {cp. Revue, 1889, n° 5i).
— Paul Janet, Les lettres de M"'' de Grignan (l'auteur a moins d'am-
pleur descriptive et de grande éloquence que Cousin, moins de finesse
et d'élégance que Caro, mais plus d'érudition et de précision dans le
détail). — MiREUR, Etats gén. de 1789, Cahiers des doléances des com-
mun, de la sénéch. de Draguignan, vœux du clergé et de la noblesse
(soigné). — Barthélémy, Hist. d'Aubagne, I (cp. Revue, 1889, n" 39).
The Academy, n° 925; Louisa May Alcott, her life, letters and jour-
nals p. p. Ednah 13. Chenev. — Stokes, Ireland and the Anglo-Nor-
man church (très recommandable). — Mallock, In an enchanted island
or a winter's retreat in Cyprus. — The language of Mitanni (Sayce). —
Eyton mss. in the British Muséum. — Saint Sidwell. — Old high-
german glosses in the Vatican (W. Stokes). — Ragman, ragman-roll.
— Some books on ancient history (Holm, Griech. Gesch. II ; Heistek-
BERGK, Fragen der aelt. Gesch. Siciliens; de Sckoeffer, De Deli insu-
lae rébus; Pallu de Lessert, Les fastes delà Numidie sous la domin.
romaine), — The Lycian language (Conderj. — Runic stones in the
isle of Man.
The Athenaeum, n° 3248 : The early diary of Frances Burney, 1768-
1778, Avith a sélect, from her corresp. and from the journals of her sis-
ters, Susan and Charlotte Burney, p. p. Annie Raine Ellis, 2 vols. —
Thirty years of colonial government, a sélection from the despatches
and letters of Sir George Bowen. p. p. Stanley Lane-Poole. — Fyffe,
A history of modem Europe, III, 1848- 1878 (bon dans l'ensemble). —
Philological books (Blind Harry's Wallace, p. p. Moir; Early Scottish
metrical taies, et the Heimskringla or the sagas of the Norse kings, p.
p. Laing; Ipomedon, p. p. Korting). — Recollections of Edgar Allan
Poe (Ingram). — The Hospitaliers in England (Torr),
Literarisches Centralblatt;, n« 5 : J. Levy, Neuhebr. u. chald. Wôrter-
buch, IV, — Bernhôft, Verwandtschaftsnamen u, Eheformen der nor-
damerik. Volksstàmme. — Battaglino e Callfgaris, Indices chronol.
ad antiq. Ital. medii aevi et ad opéra minora Muratorii, I. — H. Lud-
wiG, Deutsche Kaiser u. Kônige in Strassburg, Bliitter aus der gesch.
der Westmark des Reiches (soigné et fait avec goût). — Nielsen, Kjoe-
benhavn 1660-1696, III. — Legrelle, La diplom. franc, et la suce.
d'Espagne, 1, Le premier traité départage, 1659-1697 (beaucoup de
soin, et de clarté, et d^élégance; mais « le jugement de l'auteur est trou-
blé par la partialité et la prévention nationale »). — Osman-Bey, Les
Russes en 1877-78, guerre d'Orient [intéressant). — Félix, Der Ein-
fluss der Religion auf die Entwickel. des Eigenthums. — Papadémetr^»-
COPOULO6, Sur la prononciation du grec (l'ouvrage, écrit en grec,
montre pas « l'objectivité scientifique >• nécessaire, surtout à Tégard de
Blass; peu convaincant dans ses principaux résultats; à approuver sur
quelques points ; mérite en somme par son savoir et sa profondeur l'at-
tention des savants). — Sakellarios, bibliothèque du peuple (la librairie
grecque Sakellarios a entrepris de répandre dans le public, comme
Meyer et Reclam en Allemagne, les meilleures oeuvres de la littérature
néo-grecque). — Schweitzer, Hans Sachs (clair et instructif; cp. Re-
vue, 1889, n° 47). — Stopes, The Bacon-Shakespere question answered,
2" edit. — Schiller's Werke, Gedichte, p. p. Boxberger. — Vissing
(Henr. v.), das Leben der Dichterin Amalia von Helvig. — Benndorf
u. Nfemann, das Heroon von Gjôlbaschi-Trysa, I (cp. Revue, 1889,
n° 41). — Hauser, Grundziige der ornament. Formen-und Styllehre. —
Hallesches Heiligthumsbuch vom Jahre i520. — Gény et Knod, die
Stadtbibliothek zu Schlestadt (cp. Revue, 1889, n° 32).
Berliner philologisclie Wochenschrift, n°4: Waffenstillstand im Kampf um
Troja (Belger). — KLUGE.Die Entstehungsgesch. der Ilias (beaucoup de
soin et d'application sans résultat). — Walbe, Syntaxis platonicae
spécimen. — Dionysii Halic. de imitatione reliq. epistulaeque criiicae
duae p. p. UsENER (très bon et de très grande importance). — Ausgew.
Schritten des Lucian I, p. p. Sommerbrodt. — Bucciarelli, Utrum
Persius doctrinae stoicae sit sectator idem et interpres (médiocre).
— De senectute, p. p. Sommerbrodt, ii^ éd. — Zimmerer, Declam. in
Catilinam, eine Schuldeclam. aus der rôm. Kaiserzeit, I. — Félix,
Quaest. gramm. in Velleium Paterculum (mal fait et inutile). — Hopf,
Tierorakel u. Orakeltiere in alter u. neuer Zeit (très soigné, mais n'est
pas complet). — Delattre, Les inscriptions de Tell-el Amarna; Les
Chaldéens jusqu'à la form. de l'empire de Nabuchodonosor; Hugo
Winckler, Plagiat (cp. Revue, n"' 47 et 48). — Kampuroglu, Hisi. des
Athéniens, 1458 1687, tome I" (en grec). — Hôlzer, Beiir. zu einer
Théorie der latein. Semasiologie (beaucoup de peine, d'exactitude, de
soin, mais diffus). — Zum latein. Unterricht (art. d'ensemble sur des li-
vres d'exercices).
Theologische Literaturzeitung, n° i : Kurzgef. Comm. zu den heil. Schrif-
ten Alten u. Neuen Test, sowie zu den Apokryphen, p. p. Zôckler, u.
Strack, a. t., VI-VIII. — Klostermann, Zur Théorie der bibl. Weis-
sagung u. zur Charakteristik des Hebrâerbriefs. — Hilgknfeld, Lib.
de aleatoribus inter Cypriani scripta conservatum (manqué). — Seeberg,
Ein Kampf um jenseitiges Leben (vie de Seuse).
Magazin fur die Litteratur des In-und Auslandes, n° 4 : Kosakiev^ticz, Peter,
Novelle, ubertr. von Felicie Zand (fin). — Harsu, Macedo-ruma-
nische Volkslieder, Ueberlragungen. — Kaberlin, Famille Selicke. —
Fastenrath, Cartas americanas. — Filtsch, Makedonien und Alt-
Serbien. — Eckstein, Neues von Gerhard von Amyntor.
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Tome XI
LE VOYAGE
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COMPOSÉ
Par MAITRE DENIS POSSOT
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Seigneur de Champarmoxj et de Grandchamp
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PREMIÈRE PARTIE : LOUIS D'ORLÉANS
Un beau volume in-8 8 fr.
Le Puy, typographie .Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N* 7 Vingt-quatrième année 17 février 1890
REVUE^RITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. GHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2 5 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire ), les livres dont ils
désirent un compte-rendu.
KIINEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
LE LIVRE DES TRANSFORMATIONS.
Papvrus démotique 3,452 du Louvre, traduit, commenté et ac-
compagné d'un glossaire-index, par G. Legrain. Un vol. in-4, et
un fascicule de 14 planches 12 fr.
MANUSCRITS GRECS DE SUÈDE (Notices
sommaires des), par Ch. Graux, mises en ordre et complétées par
A. Martin. In-8 2 5o
L'ANNÉE ÉPIGRAPHIC^UE. Revue de. publi-
cations épigraphiques relatives à l'antiquité romaine, par René
Gagnât, professeur au Collège de France. 2^ année, 1889. In-8. 5 fr.
LES GRANDES LIGNES DU VOCA-
LloiVlc et de la dérivation dans les langues indo-européennes,
par Paul Regnaud, professeur de sanscrit et de grammaire comparée
à la Faculté des Lettres de Lyon. In-8 1 franc.
PEKIODIQUES
Mélusine, ir^ i : A. Barth, La littérature des contes dans Tlndc, II. —
Gaidoz, L'étymologie populaire et le folk-lore, III. Les saints pour
rire : Saint Personne, le frère Invicem, Sainte Touche, Sainte Bou-
teille, Saint Lundi, Saint Mabon. — Tuchmann, La fascination. Ani-
maux : serpent, basilic. — Les esprits-forts de l'antiquité classique,
XXIIl. — Bibliographie : Roscher, Ausfûhrl. Le.xicon der griech. u.
rom. Mythologie, Lief. XI-XV (toujours utile pour l'étude de l'anti-
quité et le mérite général des articles).
Revue rétrospective, 8 février 1890 : Papiers du chevalier de Thuisy,
1773-1777. — Le débarquement au golfe Juan, rapport d'un douanier.
— Deux lettres de Benjamin Constant. — La double lettre, fourberie
classique. — Un jeu de cartes sous la régence.
Bulletin critique, n" i ; Mahaffy, Greek life and thought (intéressant).
— La lex concilii provinciae Narbonensis d'après les travaux récents
(Mispoulet). — G. de Rochemonteix, Le Collège Henri IV de la Flèche
(bon). — Fr. Bouillier, Questions de morale pratique. — Ch. Nor-
mand, Nouvel Itinéraire — Guide artist, et archéol. de Paris.
— N» 2 : V. Guérin, Jérusalem, son histoire, sa description, ses éta-
blissements religieux (volume accessible à toutes les bourses; bon ré-
sumé historique). — Simson, La notion de Pâme chez Platon. — Sau-
REL, L'évêque F. R. de Villeneuve. — Babeau, Paris en 1789 (cp.
Revue, n» 2). — De Tannenberg, La poésie castillane contemporaine.
— Legrelle, La diplomatie française et la succession d'Espagne, I
(substantiel, mais trop compacte).
— N° 3 : Usener, Das Weihnachtfesl, I (le raisonnement de l'auteur
sur la date de l'institution de la fête de Noël, est très frag'le). —
P. Prosper de Martigné, La scolastique et les traditions franciscaines.
— Lacour-Gayet, Anlonin le Pieux et son temps (cp. Revue, 1889,
n" i). — Joret, Tavernier, un ms. de ses voyages, ses relations avec le
Grand Electeur, le lieu de sa mort et sa sépulture et Le P. Guevarre et
les bureaux de charité au xvii'= siècle (cp. Revue, 1889, n"' 26 et 44).
Revue des Etudes grecques, tome II, n" 7, juillet-septembre 1889 : Salo-
mon Reinach, Apollon Opaon à Chypre. — Decharme, Euripide et
Anaxagore. — G, Schlumberger, Sceaux byzantins inédits. — Ch. Em.
Ruelle, La Chrysoppée de Psellus. — Notes et documents : Th. Rei-
nach, Noms méconnus (suite), Mahès. — Chronique : Bulletin archéo-
logique (T. R.) ; Bulletin épigraphique (B, HaussouUier); Correspon-
dance grecque (D. B.); Nouvelles diverses. — Bibliographie.
The Academy, n» 926 : Memoirs of Gozzi, transi, by Symonds. —
LuMHOLTz, Among Cannibals, Australia and Queensland. — Nicoll,
James Macdonell journalist. — Cable, Strange true stories of Loui-
siana. — The historiés of Polybius, translated by Shucrburgh. -Not, né-
crol. : Emily Pfeiffer ; H. S. Fagan ; C. A. Hase. — A lost ms. of
Chaucer's Troilus (Skeat). — Bubonax in the Defence of poesy (Pur-
ton). — Bucecarle in Godefroy's Old French dictionary. — Weissmann,
Essaya upon heredity and kindred biological problems, transi. —
BuDGE, The history of Alexander the Great, being the Syriac version of |
the Pseudo-Callisthenes (de très grande valeur).
The Athenaeiim, n° 3429 : Corresp. of Prinzess Lieven a. Earl Grey,
p. p. Le Strange. — Boyce, Records of a Quaker family, the Richard-
sons of Cleveland. — Tuckerman, Life of General Lafayette (pouvait
être meilleur). — The Lyon King of Arms. — Fielding (Aitken). —
I
The Arabie library of Damascus (Lambros). — Emily Pfeiffer (not.
nécrol.). — The Arundel Society.
Literarisches Centralblatt, n" 6 : Perthes'' Handlexikon fur evangel.
Theologen, I. — Kessler, Mani, Forsch. ûber die manich. Religion,
I, Voruntersuch. u. Quellen (quelques inexactitudes, mais très recom-
mandable). — Grunewald, Histor. Stammtafeln (étrange). — Bresslau,
Handbuch der Uikundenlehre fur Deutschland u. Italien, I (livre qui
fait honneur à la science allemande par les profondes études de Tau-
teur, par sa critique pénétrante, par son soin persévérant). — Stahn,
Die Ursachen der Rilumung Belgiens (cp. Revue, n® 4). — Polit, u.
milit. Corresp. Friedrich's von Wurtemberg mit Napoléon I, p. p.
ScHLOssBERGER. — Griffith, The inscriptions of Siût and Dêr Rifêh
(cp. Revue, 1889, n" 49, art. de G. Maspero). — Kirc.hhoff, Hesiod's
Mahnlieder an Perses (publication très importante). — Rothstein,
Quaest. Lucianeae (très bonne critique de texte). — Hoffmann, Der
Codex Mediceus pi. XXXIX U. i des Vergilius (collation qui est un
modèle). — Wackernagel, Gesch. der deutschen Liter. II, 2. — Valen-
TiN, Ueber Kunst, Kunstler u. Kunstwerke.
Deutsche Litteraturzeitung, n» 5 : Musaeus, Gregorios Pakurianos (en
grec). — Froelich, Sectentum u. Separatismus im jetzigen kirchl. Le-
ben der evang. Bevôlk. Elsass-Lothringens. — Ed. v. Hartmann, Lot-
zes Philosophie (cp. Revue, 1889, n" 48). — Psichari, Essais de gramm.
histor. néo-grecque, études sur la langue médiévale, II (travail fonda-
mental sur ce domaine). — Juli Valeri res gestae Alexandri Macedonis
transi, ex Aesopo Graeco, p. p. Kuebler (texte reproduit avec soin et
réflexion). — Gœthes Gesprache, hrsg. v. Biedermann, I u. II. — Marc
MoNNiER, Literaturgesch. der Renaissance von Dante bis Luther (sans
valeur scientifique). — Pkessel, Die Zcrstreuung des Volkes Israël
(impartial, mais n'est pas toujours bien orienté). — Kôhncke, Wibert
von Ravenna (cp. Revue, 1889, n» 20). — Gardiner, Hist. of the great
civil war, II, 1644- 1647 i^^^ nouveaux et importants détails, exposé
clair et net). — Seler. Reisebriefe aus Mexiko. — Fellner, Gesch.
einer deutschen Musterbuhne, K. Immermanns Leit. des Stadttheaters
zu Diisseldorf (des matériaux, mais pas de mise en œuvre).
Berliner philologische Wochenschrift, n» 5 : Zum homer. Hymnus auf
Homer (Blumner). — Aeschylus, Perser, p. p. Schiller-Conradt. —
Demosthenes. De corona, p. p. Bassi. — Schultess, Annaeana studia
(très instructif et suggestif). — Ribbeck, Gesch. derrôm. Dichtung, II.
August. Zeitalter (à remarquer surtout le chapitre sur Virgile). —
Groeger, De Argonauticarum fabularum historia (témoigne d'un sens
critique). — Vaglieri, Le due legioni adjutrici (cp. Revue, 1888, n" 42).
— Erster Bericht ûber die vom Altertumsverein Kempten vorgenomm.
Ausgrab. rôm. Bauresie aufdem Lindenberge bei Kempten. — J. Mar-
tha, L'art étrusque (cp. Revue, 1889, n° 52). — Schweizer-Sidler u.
SuRBER, Gramm. der latein. Sprache, I (utile). — Briefe der Brûder
Grimm an Benecke, p. p. W. Muller. — Programme (Voss, Die Na-
lur in der Dichtung des Horaz; Wulsch, De verbis cum praepos.
« per » compositis apud Livium ; Becker, Die Brahmanen in der
Alexandersage; Mennicken, der Triumvir M. Licinius (Crassus). —
Zum latein. Unterricht (ouvrages de Netzker et Rademann, Rosenberg,
Meissner).
Gœttingische gelehrte Anzeigen, n" 2 : Rickert, Zur Lehre von der Défi-
nition. — Von Kries, Die Principien der Wahrscheinlichkeits-Rech-
nung. — Mûnsterberg, Die Willenshandlung. — Spitta, Die psycho-
log. Forschung u. ihre Aufgabe in der Gegenwart. — Wasserrab,
Preise und Krisen. — Huber, System u. Gesch. des schweiz. Piivat-
lechts, II.
Deutsche Rundschau, février 1890 : v. Natzmkr, Kaiser Wilhelm I, die
Prinzess Elise Radziwill u. die Kaiserin Augusta. — E. Zeller, Gym-
nasium u. Universitât. — Gûssfeldt, Die Erzieh. der deutschen Ju-
gend, XVII-XXVI (tin). — E. Brucke, Nacht u. Morgen des Michel-
angelo. — H. Conrad, Ernst von Wildenbruch als Dramatiker, I. —
Egelhaaf, Zum Gediichtniss Dollingers. — Liter. Rundschau : Schôn-
BACH, Ueber Leseii u. Bildung. — Répliques de Mantegazza et de
Garbe; rectification de Hausrath. — Liter. Noti^en (Lenz, Philipp
von Hessen u. Bucer; Keller, Staupitz; Jastrow, Jahresber. des Ges-
chichtswiss., VII-X; Hallier, Culturgesch. des XIX Jahrh. in ihren
Bezieh. zu der Entwickl. der Naturwiss,; Morf, Zur Biogr. Pestaloz-
zis; MiiNSTERBERG, der Ursprung der Sittlichkeit).
Altpreussische Monatsschrift, VII et VIII, 1889 : H. Freytag, Die Gesch.
der Jesuitenmission in Danzig. — Lohmeyer, Probe aus Kaspars von
Nostiz Haushaltungsbuch des Fiirstenthums Preussen. — Krause, Das
Landwehrkreuz aut dem Rinauer Berge bei Galtgarbea. — Kiewning,
Herzog Albrechts von Preussen und Markgraf Johanns von Branden-
burg Antheil am Fiirstenbund gegen Karl V. — Sembrzycki, Die Ma-
rienburg unter polnischer Herrschaft et Nachtragl. Bemerk. zu dem
Aufs. « Die Lycker Erzpriester Johannes u. Hieronymus Maletius. »
Mittheilungen imd Anhang : Reicke, Die Kantbibliographie 1888. —
Universitats-Chronik 1889. — Altpreuss. Bibliographie 1888. — No-
tizen. — Autorenu. Sachenregister.
Magazin fur die Litteratur des In-und Auslandes, n° 5 : Fernanflor, Die
Sângerin, Novellette, tibertr. von Asten. — Aus der engl. Lyrik
(ûbertr. nach. Waller, Keats, Burns u. Rossetti). — K. Erdmann, Aesthe-
tik der Bewegung. — Wigger, Portugiesische Literatur. — P. Raché,
Jean Aicard, Don Juan 89. — Kaemmel, Herzog Ernst, aus meinem
Leben u. aus meiner Zeit. — Schônfeld, Berliner Biihnenbrief.
Zeitschrift fur Katholische Théologie, I, i8go : Abhandlungen . l^ut. s-
BR0ECH , Die Schrift de aleatoribus als Zeugniss fur den Primat Oi..:
rôm. Bischofe. — Frins, Deber das Wesen der Stinde. — Arndt, Die
àltesten polnischen Bisthûmer. — Straub, Zur Kontroverse iiber den»
Glaubensact, I. — Recensionen : Holtzinger, Die altchr. Architektur.
— Wattenbach, Die Geschichtsschreiber der deutschen Vorzeit. —
Weiss, Berthold von Henneberg, Erzbischof von Mainz. — Wedewer,
Joh. Dierenberger. — Braun, Gesch. der Heranbild. des Wûrzburger
Klerus. — Vatschthaler, Bernhard Pez u. sein Briefnachlass. — Schif-
FiNi, Disput. metaphys. spec. II. — Lahousse, Praelectt. metaphys.
spec. III. — Costa-Rosettf, Allg Grundlagen der Nationalôkonomie.
— Woker, Gesch. der. Kathol. Kirche in Hannover. — Marres, De
justitia, III et IV. — Aualekten : E'ine Passauer Diôcesansynode. —
Ueber modernen Thomismus. — Papstwahlen u. die wehi. Macht. —
Wilpert u Schultze ûber archâol. Principienfragen. — Biographienaus
der neuesten engl. Liter. — Krit. Beitr. zur Religionsgesch. — Neue
period. Schriften ; Pasior bonus, Der Kathol. Seelsorger, Americ. Ec«
clés. Review, Zeitschrift fur christl. Kunst. — Probabiiiorismus ?
Le Puy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
j;fo 8 Vingt- quatrième année 24 février 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. CHUQUET
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Vn an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2 5 fr.
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ERNEST LEROUX, EDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
; LANGUES ORIENTALES \
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.Adresser les communications concej'nant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 2S}.
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
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2"»e édition, revue, corrigée et augmentée
d'une Préface
DE M. L. PASTEUR
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PERIODIQUES
The Academy, 110927 : Church, Early Britain ; The ancient laws of
Wales, p. p. Lloyd ; Hall, Court life under the Plantagenets. —
Vernon, Readings on ihe Purgartorio of Dante, chiefly based on the
commentary of Benv. da Imola. — Bain, Christina, queen of Sweden
(plein d'intérêt et de valeur). — Kenepas in the Anglo-Saxon chronicle
(Plummer), — An attempt to reform the procedure'ofthe Privy Council
under Elizabeth (Alexandrenko), — The Daybook of John Dorne
(Milne). — Yes Tor (Westlake). — Catulli carmina p. p. Postgate. —
The next Oriental Congress. — The Yenissei inscriptions (Rob. Brown
jun.). — The Lycian hmguage (Arkwright), — The mutilation of
monuments in Egypt. (Ross).
The Atheuaeum, n» 325o : Law, A historical sketch of the conflicts
between Jesuits and Seculars in the reign of queen Elizabeth (très
fouillé). — Edwardes, Sardinian and the Sardes. — Bury, A history of
the later Roman empire, from Arcadius to Irène, SgS-Soo (deux volâ-
mes en style clair et animé ; l'ouvrage est «scholarly and vigourous »).
— An, Leroy-Beaulieu, L'empire des tsars et les Russes, III, la
religion. — School-books. — The Royalist Composition Papers. —
Thackeray's Paris Sketch-book and The Corsair. — Lines by Pope. —
Bradley, a dictionary of miniaturists, iliuminators, calligraphers and
copiyists, II ard III.
Literaisches Centralblatt, n°y : Tiling, Taufeu. Abendmahl. — Paulsen,
System_ der Eihik. — Holm, Griech. Gesch. II, 5 et 6 (un peu trop
sobre; il manque l'éclat « classique-romantique » auquel on csl habitué
en Allemagne lorsqu'on traite des choses grecques, et le trait oratoire
qui rend Grote si attachant; mais de très grands mérites, d'excellents
tableaux, de fort bons chapitres comme Alcibiade et Cléon). — Riese,
Forsch. zur Gesch, der Rheinlande in der Romerzeit (très important).
— Staniey's Briefe ûber Emin Pascha's Belreiung. — Kessler, Das
Wesen der Poésie (écrit où il y a peu à gagner). — Ed. Zarncke, Die
Entsteh. der Griech, Literatursprachen (rendra de bons services comme
introduction à un sujet intéressant et souvent traité), — Kalb, Das
Juristenlatein (travail qui a de la valeur tant pour les juristes que pour
les grammairiens). — Kornmesser, Die franz. Ortsnamen german,
Abkunft, I, Die Ortsgattungsnamen (résultats à approuver dans l'en-
semble et en bloc). — Hirth, Der Cicérone in der illt. Pinakothek zu
Munchen ; Muther, Der Cicérone in der Gemaldegallerie zu Berlin.
Deutsche Litteraturzeitimg, n" 6 : Ihm, Studia Ambrosiana (très remar-
quable). — Haslam, Erklur, derTollheit, — Bugge, Beitr. zuretymolog,
Erleuter, der armen. Sprache (contestable sur beaucoup de points,
mais suggestif). — Melber, Ueber die Quellen u. den Wert der Strate-
gensammlung Polyans; Polyaeni Stratagem. p, p, Woelfflin et Melber
(travaux très louables) — H. Fischer, Zur Gesch, des mittelhoch-
deutschen (encore une étude sur la (f Schriftsprache », mais qui prouve
peu), — Thietmari Merseburg. Episcopi Chronicon p. p. Kurze
(nouveau texte in-octavo, qui sera désormais consulté et qui a été édité
avec le plus grand soin), — De Mazade, Un chancelier d'ancien régime,
le règne diplomatique de Metternich (commentaire et extrait très
agréable et souhaité des papiers de Metternich ; cp. Revue, 1889, n" 23),
— E. Hannover, Watteau, aus dem dan, ûbers. von Alice Hannover.
— Starcke, Die primitive Famille in ihrer Entsteh, u. Entwickel. (ins-
tructif et intéressant).
— N" 7 : Weizsaecker, Das apostol, Zeitalter der christl. Kirche,
Sach = und Quellenregister. — Golther, Studien zur german. Sagen-
gesch. I: Der Valkyrienmythus, II, das Verh. der nord. u. deutschen
Form der NibeJungensage (l'auteur n'a pas su remplir sa tâche; il est
superficiel et manque de critique). — Halfmann, Beitr. zur Syntax der
Sprache, I (très consciencieux et correct). — Kammer, Ein aesthet. Com-
Imentar zu Homers Ilias (en somme, utile et renferme de fines remar-
ques). — Caesar, de bello gallico 'p. p. Prammer (cp. Revue, i88g,
n° 5i). — ScHippER; Engl. Metrik in histor. u. system. Entwickel. Il
(très compkt et très soigné, livre excellent à consulter). — H. Ludwig,
Deutsche Kaiser u. Kônige in Strassburg (brillant récit populaire). —
Irmer, Die Verhandl. Schwedens u. seiner Verbundeten mit Wal-
lenstein u. dem Kaiser von i63i-i634, I u. II (art. de G. Droysen qui
contient quelques justes critiques 5ur la méthode de Téditeur). — Willi
MûLLER, Die Umsegelung Afrikas durch phonicische Schiffer ums
Jahr 600 (réussit à réfuter toutes les objections dirigées contre la possi-
bilité du voyage, mais cherche trop à exphquer des détails sur lesquels
on ne possède aucun document précis.) — O. Jahn, Mozart, 3^ Aufl.
p. p. Deiters. — Ecloga Leonis et Constantini p. p. Monferratus
(bonne contribution à l'histoire du droit byzantin). — Ludwig Félix,
Der Einfluss der Religion auf die Entwickl. des Eigentums'((( dans
l'ensemble, circonspect et objectif »). — ElfJahre Balkan, Erinnerun-
gen emes preussischen Offiziers 1876- 1887 (très vivant et rempli de
détails à la fois exacts et pittoresques). — V. Gunthert, Fr. Th. Vischer,
ein Charakterbild (donne trop ou trop peu, et n'est pas un livre).
Berliner philologische Wochenschrift, n° 6 : Programme : Hartmann, Me-
leagerin der griech. rom. Kunst; Nôthe, Der delische Bund, Ein-
ncht. u. Verfass. — Ilias, III, IV, p. p. Stier. — Aars, das Ged. des
bimonides m Platons Protagoras (cp. Revue, 1889, n° 18). — P. Stap-
FER, Shakespeare et les tragiques grecs. (Fait avec goût et intéressant,
Jaisse la meilleure impression.) — Plauti Menaechmi p. p. Ritschl u.
bcHOELL (i-^'art.) - Ciceronis orat. p. p. G. F. W. Mueller, éd.
leubnerjrepond à un véritable besoin). — Van Ballaer, Discours de
Cicéron à César à l'occasion du rappel de Claudius Marcellus, trad.
-omm. et analyse littéraire (utile). — Whibley, Political parties in
\thens during the Peloponnesian war (très louable dans l'ensemble).
- Gemoll, Das Recht von Gortyn (n'avance pas considérablement Pin-
elhgence d'un texte diflîicile). — Pfannschmidt, Entwickel. des Welt-
^fu (^°"^^''^"ce très superficielle). — Wendorff, Erklar. aller
/lythologie aus der Annahme der Erringung des Sprachvermôgens
:^. Revue, 1889, n» 11). — Maspero, Aegypt. Kunstgeschichte, deuts-
neAusg. von Steindorff (très bonne traduction d'un ouvrage qui con-
lent beaucoup de nouveau et qui est écrit avec beaucoup d'aisance et
^eclat). — Catal. codic. graec. qui in bibliotheca urbica Vratislaviensi
:^servantur. — Hess, Abriss der Gesch. des Kônigl. Christianeums zu
Itona, 1738-1888.
Zeitschrift fur deutsche Philologie, XXII, 3 : Joseph, Zwei Versversetzun-
m im Beovulf. — Bolte, Liederhandschr. des XVI u. XVII Jahrh.
as Uederbuch der Herzogin Amalia von Cleve. — San Marte, Ueber
;n Bildungsgang der Gral=und Parzivaldichtung in Frankreich u.
eutschland (fin). - Siebs. Bericht uber die Verhandl. der deutsch-
■man. Section der XXXX Versaml. deutscher Philologen u. Schul-
anner in Gorlitz. — Miscellen und Litteraticr : Grundriss der ger-
an. Philologie, p. p. Paul. — Orendel, p. p. Berger. —Wunderlich,
ih "5- u^'^^^ '^^" Satzbau Luthers. — Morsch, Gœthe u. die griech.
9n ^" t-i ~ -BuRGHAusER, Indogcrmau. Prasensbildung im Ger-
Qt T ^'opstocks Oden, p. p. Muncker u. Pawel. — Schultz, Die
uZlu o Sprachgesellsch. des XVII Jahrh. fur Reinigung der
'Utschen Sprache. "^ ^
Germania, XXII, 4 : LoscH,Zur Runenlehre. — Grienberger, Die Vor-
fahrcn des Jordanes et Eriliva. — Golther, Die Sprachbe^vegung in
Not•\vc^en. — Sprenger, zu Gerhard von Minden. — Kr-vtochwil,
Ueber "den çegenw. Siand der Suchenwirt Handschrifcen (fin). — Be-
haghel, zu Wolfram : Die Zeit seines Tliuringer Aufenthalts; zum
Titurel; zu den Liedern. — Reissenberger, Fragm. aus der Weltchro-
nik Rudolfs von Ems. — Ehrismann, Jappesstift. — Gombert, Bemerk.
zum deutschen Wurterbuche (fin). — Litteratur : Sweet, A history of
English sounds (à recommander aux linguistes, aux professeurs et aux
étudiants). — Steinmeyer, Ueber einige Epitheta der mhd. Poésie
(vingt pages fort instructives).
Theologische Literaturzeitiing, n" 3 : Riehm, Alttestam. Théologie, bearb.
u. hrs. von Pahncke. — Vogelstein, Der Kampf zwischen Priestern
und Leviten seit den Tagen Ezechiels, eine histor. krit. Untersuchung.
— Bâcher, Aus der Schrifterklar. des Abulwalid Merwan Ibn Ganah.
Soigné.) — Saadia, das Buch Hiob ûbers. v. Cohn. (Cp. Revue, iSS>g,
n» 49) — Otto, Commentar zum Rômerbrief, II. — Corssen, Epistula-
rum Paulinarum codices graece et latine scriptos Augiensem, Boerne-
rianum, Claromontanum exam. — Paulson, Symbolae ad Chrysosto-
mum patrem, I. De codice Lincopensi. — Jahn, Dionysiaca. (Cp. Re-
vue, 1889, no 5o.) — ScHAFF, Church and state in the United States or
îhe American idea of religions liberly and its practical effects, with offi-
ciai documents.
Ma2-azin fur die Litteratur des In-und Auslandes, no 6 : Vrchlicky, Pepuia,
Novelle, tibertragen von Edm. Grûn. — Kastner, Aus der czechis-
chen Lyrik. —Edm. Bayer, Nordpersische Volkslieder, libers, von
Franz Ruckert. — Manitius, Ueber des Grafen Schack Normannen-
geschichte. — Hoepfner, Sant Ilario. — Boltz, zur hellen. Litteratur,
— Kaberlin, Die freie Bûhne,
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PUBLICATIONS DE Li SOCIÉTÉ D'ETHNOGRÂPHilj
Mémoires de la Section orientale
Tome IX, partie i. In-8 3 5o
Tome IX, partie 2. In-8 3 5o
PUBLICATIONS DE LA. SOCIÉTÉ OCÉANIENNE
Mémoires de la Société, i^"" fascicule. In-8 ^ '•
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Tome IV. Un beau volume in-8 i3 fr-
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Le Puy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 2?.
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Bulletin critique, ii'^ 4 : Le Monnier, Hist. de S. François d'Assise (très
bonne vie de saint). — Le Congrès scientifique international des catho-
liques (cp. Revue, n° i). — Maumus, S. Thomas dWquiri et la philoso-
phie cartésienne. — Berthelot et Ruelle, Collection des anciens alchi-
mistes grecs (très belle et importante publication; cp. Revue, 1889,
n° 3-]. — Petit de Julleville, Le théâtre en France, hist. de la littér.
dram. depuis les origines jusqu'à nos jours (d'une érudition aussi dis-
crète que sûre). — Douais, Un nouveau ms. de Bernard Gui et des
chroniques des papes d'Avignon.
La Révolulioa française, 14 février : Souquet, Pierre Bayle, libre-penseur
et politique. — Aulard, La diplomatie du premier Comité de salut pu-
blic. Angleterre. — Pellisson, Chamfort avant la Révolution. — Do-
cuments inédits : La mort de Jeanbon Saint-André. — Chronique et
bibliograjphie : La Soc. de l'hist. de la Révol. ; Ann. de TEcole libre
des sciences polit. ; Mém. de Talleyrand; A. Leroux, Arch. révol, de
la Haute-Vienne, I (consacré aux doléances paroissiales de 1789); Pa-
piers de Barthélémy, p. p. Kaulek, III et IV (cp. Revue^ 1889, n° 6 et
le présent numéro; « on nous informe qu'en donnant ainsi des textes
tout nus et tout secs, M. K. n'a fait que se conformer aux instructions
formelles de la commission des archives diplomatiques; c'est donc à
cette commission, et non à l'éditeur du recueil, que doivent s^adresser
nos critiques; quelques notes courtes et claires étaient indispensables à
Fintelligence de ce texte si difficile »).
Revue de Flnstruction publique (supérieure et moyenne) en Belgique, tome
XXXIII, !■■" livraison : P. Thomas, Notes sur quelques passages d'au-
teurs latins : De leg. I, i, i; 1,8, 24; Catil. III, 2; XIII, 3. —
Waltzing, Une inscription du CoUegium negotiantium corariorum de
la ville de Rome. — Rutherford, Contrih. à Tétude du dialecte atti-
que (à suivre). — Comptes- rendus : Weiss, La Chambre Ardente, étude
sur la liberté de conscience en France sous François F'' et Henri II
(éclaire d'un jour nouveau une période obscure)." — The Iliad, p. p.
Leaf (texte faible, commentaire excellent). — "Vogrinz, Gramm. des
homer. Dialectes (rendra de grands services, mais manque d une table
systématique, de statistiques, de conclusions, et ne saurait remplacer
l'admirable livre de Monro). — Lange, Kleine Schriften aus dem Ge-
biete der class. Alterthumswiss. (suite). — Correspondance (épreuve
pratique des aspirants aux fonctions de professeur dans le Grand-
Duché de Luxembourg). — Varia.
The Academy, n° 928 : Corresp. of Princess Lieven and Earl Grey,
edited and translated by Guy Le Strange (d'un intérêt plus personnel
que politique). — Bury, A history of the Later Roman Empire, 395-
800 (brillant et intéressant). — Aeercromby, A trip through the Eastern
Caucasus. with a chapter on the languages of the country. — Mackay,
The English Poor, a sketch of their social and économie history;
S. W.Thackeray, The land and thecommunity. — Mrs Edmonds, Rhi-
gas Pheraios, the protomartyr of Greek independence. — Translations
from theclassics. — A Dani'sh contribution to the question of the ori-
gin of painting (Stephens). — The etymology of tertre (Toynbee). —
Kenepas in the Anglo-saxon chronicle (Plummer). — Margoliouth,
An essay on the place of Ecclesiasticus in Semitic literature (le juge-
ment de l'auteur n'égale pas son savoir). — CatuU XXV, 5 (Palmer). ||
The Athenaeum, n" 325i : Maccarthy, A history of the four Georges,
II (œuvre d'un homme qui est plutôt un écrivain agréable qu'un histo-
rien sérieux; va de lySi à 1760). — Lady Jackson, The lirst of the
Bourbons ; Bingham, The marriages of the Bourbons. — Murray, A
New English Dictionary on historical principles, V, Cast-Clivy. — Sir
George Sitwell, The barons of Pulford. — Theological books : De-
LiTzscH, Iris, studies in colour and talk about fiowers; Mabillon, The
life and Works of S. Bernard, translated by Eales; Margoliouth, An
essay on the place of Ecclesiasticus in Semitic literature. — A hero of
the Dunciad. — Lippmann, The art of wooJengraving in Italy in the
iîfteenth century (i" art.). — Lambros^ Notes from Athens.
The Bab^flonian and Oriental Record, vol. IV, n" 2 : Pinches, a Babylonian
duplicate of tablets I and II of the Création Séries. — Boscawen, The
Babylonian and Jewish festivals. — Beal, A fragment of the life of the
Buddha. — Scheil, Assyriological notes.
Literarisches Centralblatt, n°8 : Nitzsch, Lehrb. der evangel. Dogmatik,
I. — Stoll, Wander. durch Alt-Griechenland (écrit avec fraîcheur et
agrément). — Jarry, La polit, de Louis de France, duc d'Orléans, 1 342-
1407 (remarquable; cp. Revue, 1889, n" 21). — Schack, Gesch. der
Normannen in Sicilien (très bon ; l'auteur sait l'arabe et connaît le
pays; il a fait un livre remarquablement sympathique et aimable; il
sait raconter avec charmel. — Ehrenberg, Wie wurde Hamburg gross?
II Streifzûge in der hamb. Handelsgesch. I, Die Anfilnge des hamb.
Freihafens. — Album academicum der Kaiserl. Univ. Dorpat, p. p. Has«
selblatt, u. Otto. — Bachmann, Die landeskundl. Literatur tiber die
Grossherzogtumer Mecklenburg. — Jespersen, The articulations of
speech sounds, represented by means of analphabetik symbols (tous ces
efforts pour créer un standard-alphabet sont stériles). — Lauchert,
Geschichte des Physiologus (trêssuggestifetrecommandable; cp. Revue,
1889, "" -4)- — Landgkaf, Untersuch. zu Ciisar u. seinen Fortsetzern,
insb. ûber Autorschaft u. Compos. des Bellum Alexandr. u. Afric.
(recherches très détaillées). — Pogatscher, Zur Lautlehre der griech.,
latein. u. roman. Lehnworte im Altengl. (des assertions contestables,
mais beaucoup de choses instructives). — Muncker, Bremer Beitriiger,
I, Gellert's Fabeln u. geistl. Dichtungen. — Rembrandt als Erzieher,
von einem Deutschen. — Deutscher-Kalender auf das Jahr 1890,
p. p. KiiRSCHNER.
Berliaer Philologische Wochenschrift, n° 7 : Herr Prof. Krieg und seine
Kritiker. — Programme : Sturenburg, Zu den Schlachtfeldern am
Trasim. See u. in den caudin Pilssen ; Kummer, De urbis Romae ponti-
bus antiquis. — Bougot, Etude sur l'Iliade d''Homère (point de vue
critique qui ne trouvera point d'assentiment en Allemagne; recomman-
dable néanmoins; cp. Revue, i88g, n» 2). — Huemer, Die Genesis des
Entschlusses in den Tragodien des Euripides u. Sophocles (malgré tout,
intéressant et instructif). — Maisel, Observât, in Cassium Dionem
(conjectures rarement acceptables, mais à noter). — Plauti Menaechmi,
p. p. RiTSCHL u. ScHOELL (2*^ ct dernier article). — Stock, De Vitruvii
sermone (appréciation incomplète). — Dondorff, Das hellen. Land ais
Schausplatz der althellen. Gesch. (essai très réussi). — Riese, Forschun-
gen zur Gesch. der Rheinlande in der Rômerzeit (travail solide et
profond qu'il faudra consulter et suivre pour entreprendre des recherches
nouvelles). — Kubitschek, Imperium Romanum tributim discriptum
(ouvrage soigné et utile; cp. Revue, 1889, n» 18). — Florilegium
graecum, in usum primi gymn. ordinis collectum a philologis Afra-
nis, I-IV.
— N° 8 : Herr Prof. Krieg u. seine Kritiker (fin). — Programme :
Ohnesorge, Die rom. Provinzliste von 299 (cp. Revue, 1889, n° 39);
Gawanka, De summo bono quae fuerit Stoicorum scntentia. — Philo-
nis de opificio mundi p. p. Cohn (tâche remplie avec soin et habileté). —
Nigidii reliq., p. p. Swoboda (cp. Revue, 1889, n» 47). — Gôrres,
Studien zur griech. Mythologie, 1. — Diehl, Etudes sur l'admin.
byzant. dans l'exarchat de Ravenne, 568-751 (tableau d'ensemble très
remarquable). — L. M. Hartmann, Untersuch. zur Gesch, der byzant.
Verwaltung in Italien 540-750 (moins vaste et détaillé que le travail de
Diehl, et moins optimiste; mais en somme, sur beaucoup de points, le
Français et l'Allemand sont arrivés aux mêmes résultats). — E. Curtius,
Altertum und Gegenwart, III, unter drei Kaisern, gesamm. Reden u.
Aufsiitze (comme toujours, il semble « sortir de la poussière et du bruit
des rues pour entrer dans un beau bois de hêtres tranquille et om-
breux »). — Marx, Hiilfsbûchlein fiir die Ausspr. der latein. Vokale in
positionslangen Sylben, mit einem Vorwort von Bucheler. — Gross,
Die Tropen u. Figuren, 2^ éd. — Fischer, Joh. Hauler, ein ôsterr.
Schulmann.
Gœttingiscbe gelehrte Anzeigen, n° 3 : Lambros, A collation of the Athens
codex of the shepherd of Hermas, transi, and edited w^ith a préface and
appendices by J. A. Robinson. — W. Mûller, Lehrbuch der Kirchcn-
geschichte, I (très bon manuel). — Amiaud, La légende syriaque de
S. Alexis l'homme de Dieu (n''a pas résolu toutes les questions, mais
fournit un fondement sur lequel on peut bâtir). — Delattre, Les ins-
criptions de Tell-el-Amarna; Un nouveau livre sur l'hist. anc. de
l'Orient; Les Chaldéens jusqu'à la lorm. de l'empire de NaLuchodo-
nosor; Winckler, Plagiat (cp. Revue, 1889, n°'47et 48) — Mitzschke,
Sigebotos Vita Paulinae (cp. Revue, 1889, no 52),
Magazin fur die Litteratur des in-und Auslandes, n" 7 : Vrchlicky, Pepina,
Novelle, iibertr. von Grûn (suite). — Hood, Das Lied vom Hemd,
ûbertr. von Geilfus. — Chotzner, Ein modernes englisches Urtheil
ûber Heinrich Heine. — Von Suttner, Josef Freifeld. — Max Koch,
Ein deutscher Satiriker der Reformationszeit. — Edm. Bayer, Nord-
pers. Volkslieder, ûbers. von Fr. Rûckert (fin). — Tovote, Berliner
Biihnenbrief.
Bulletin international de l'Académie des sciences de Cracovie, 1890, janvier :
On insérera désormais dans le « Corpus poetarum Poloniae latinorum »
les ouvrages des étrangers ayant quelque rapporta la Pologne; M. Je-
ziENicKi publiera les poésies de Gorvinus et de Lang; M. Sternbach
éditera Léonard Coxus; M. Pelczar, Hussovianus; M. Windakiewicz,
Callimachus; M. Wizlocki, les Acta Rectoralia et les conclusiones Uni-
versitatis Cracoviensis. — Résumés : Bibliothèque des auteurs polonais
du xvi^ et XVII* siècle, VI et VII livr. : réimpressions de la Vie de Jo-
seph, de Nicolas Rey et de PAlgoritmus de Thomas Klos. — Kalina,
Materialien zur Gesch. der bulgar. Sprache. — Ostrozynski, Der letzte
Entwurf eines Strafgesetzes u. einer Strafpiocessordnung in Polen. —
Krzyzanowski, Die Immunitatsprivilegien Boleslav''s V fur das Kra-
kauer Bisthum. *
EDUCATION EN FAMILl.E
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M. ARNOULD ROGIER
Ancien professeur de rhétorique
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N" 10 Vingt-quatrième année 10 mars 1890
REVUE CRITIQUE
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Adresser les communications concernant la rédaction à M, A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire), les livres dont ils
désirent un comjpte-rendu.
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PÉRIODIQUES
Revue de Belgique, i5 février : Léon Leclère, La tribune française,
1870-1889. — MiNNAicRT, Souvenirs d'Egypte. — Heins, Un coup'd'œil
historique sur les unions professionnelles. — Potvin, Nécrol., Ludwig
Philippson. — Essais et notices: Rahlenbeck, Les public, de l'Univ. de
Gand; Em. Lecleucq, La censure et la liberté; Ph. Godet, Hist. littér.
de la Suisse française; Lesigne, La tin d'une légende, Vie de Jeanne
dWrc; Zubiaur, Quelques mots sur l'instruction dans la Républ. Ar-
gentine.
The Académy, n» 929 : The early diary of Frances Burney, 1768-78,
edited by Annie Raine Ellis. — Todd, On parlamientary government
in Lngland, IL — Miss Betham-Edwards, llie roof of France or the
Causses of the Lozère; Davies and Mrs Broughall, Our home in
Aveyron ; Martel, Les Cevennes et la région des Causses. — Blyth,
Lite of William Ellis. — Some points of English orthography in the
twelfth century (Napier). — A new mediaeval legend of Virgil (Crâne).
— Aeschylus, Agamemnon p. p. Verrall; Supplices p. p. Tucker. —
A Babylonian word « Ammatu » (Whitehouse). — Tw^o aniiquarian
books : WiLiAMsoN, Trade tokens issued in the sevententh century, I ;
Baryly, New studies in old subjects. — A Phoenician inscription in
Cyprus (Piérides).
The Athenaeum, n° 3252 : Sir Charles Dilke, Problems of Greater Bri-
tain. — Abercromby, A trip through ihe'Eastern Caucasus, with a chap-
ter on the languages of the country. — Réminiscences of Montagu Wil-
liams. — A hero of the Dunciad. — Copyright in Canada. — Sir John
Hawkwood (Mercer). — Notes from Cyprus (Munro).
LiterarisGhes Ceutralblalt, n» 9 : Holder, Die christl. Glaubenslehre. —
WûNscHE, Der babylon. Talmud II, 3. — Pappenheim, Der angebl.
Heraklitismus des Skeptikers Ainesidemos (inacceptable). — Pflugk-
Harttung, Untersuch. zur Gesch. Kaiser Konrad's II (très remarqua-
ble). — Die Recesse u. andere Acten der Hansetage 1256-1430, Vl. —
Brenner, Die echte Kartedes Olaus Magnus i539 (répand une nouvelle
lumière sur la cartographie du xvi^ siècle). — Demosthenis orat. p. p.
Blass, 3 vols. — Papyrus magica musaei Lugdun. Batavi p. p. Diete-
RicH (soigné). — Paul, Grundriss der german. Philologie (remplira le
but auquel il est destiné). — Pallu de Lessert, Fastes de la Numidie
sous la domin. rom. (cp. Reviie^ 1889, n" 9). — Vkstner, Verzeichniss
der an den Universitaten existirenden Stipendien (à ne pas recomman-
der, inexact et rapidement fait).
Deutsche Litteraturzeitun,^, n° 8 •. Hilgenfeld, Lib. de aleatoribus. —
Chantepie de la Saussaye, Lehrbuch der Religionsgesch. II (peu pro-
fond). — Barchudarian, Leibniz ein Vorganger Herbarts (cp. Revue,
1889, n° 5o). — MoRF, Zur Biogr. Pestalozzis. — Huth, Die Zeit des
Kalidasa (essai très heureux). — Genethliacon Gottingense (17 études
diverses en l'honneur du i5o^ annivers. de la fondation de PUniv. de
Gœttingue). — Orvar Odds Saga, p. p. Boer. — Provenz. Inedita aus
Pariser Handschriften, p. p. Apfel (bon). — Von Gutschmid, Kleine
Schriften, p. p. Ruhl, I, zur Aegypt. u. zur Gesch. der griech. Chrono-
graphie (i^"" vol. d'écrits qui vont révéler l'érudition gigantesque de
lauteur). — Nauroy, Les secrets des Bonaparte (cp. Revue, 1889,
n" 129). — An. Leroy Beaulieu, L'empire des tsars et les Russes, III.
La religion (très remarquable, à la fois pénétrant et impartial). —
Rembrandt als Erzieher, von einem Deutschen. — A. Schneider, Der
Process des Rabirius betrefif. verfassungswidrige Gewalttat. — M. Sche-
RER, Das rhein. Recht u. die Reichs ="und Landesgesetzgebung, I.
Literaturblalt fïir germanische imd rouianische Philologie, n° i : Burghauser,
Die Bild. des german. Perfectstammes; Indog. Praesensbild. im Ger-
man. ; Die german. Endsilbenvokale u. ihre Vertretung im Gotischen,
Altwestnord., Angelsachs. u. Althoch. (de bonnes connaissances, mais
parfois contestable). — WilcHTER, Mai u. Beaflor (singulier mélange
d'utile et d''in utile). — Loos, Die Bedeut. des Fremdwortes fiir die
Schule, eine method. Abhandl. — Spengler, Der verlorene Sohn im
Drama des XVI Jahrh. (très soigné et épuise le sujet). — Knortz, Die
deutschen Volkslieder u. Miirchen (deux conférences superficielles). —
Sarrazin, Beowulf-Studien (de bonnes pensées, mais manqué). — Tor-
rent of Portyngale, p. p. Adam (publication très recommandable). —
Jarntk, Neuer vollst. Index zu Diez' etymol. Worterbuch (cp. Revue,
1889, n" 33). — Carnoy, Les contes d'animaux dans les Romans du
Renard (travail facile et qu'on ne peut guère recommander, car il porte
un caractère peu scientifique). — Beaudous, ein alifr. Roman des XIII
Jahrh. Roberts von Blois, p. p. Ulrich (Péditeur fera bien de consacrer
une plus grande attention aux volumes suivants). — Lenient, La co-
médie en France au xvm'' siècle (fait avec goût et savoir). — Gehring,
J.-J. Rousseau, sein Lcben u. seine padagog. Bedeut. (peu profond). —
Trojel, Middelalderens Elskovshoffer (travail sur les cours d'amour ;
plus de lecture et de savoir philologique que d'esprit scientifique). —
Vaschalde, Hist. des troubadours du Vivarais, du Gévaudan et du
Dauphiné (sans valeur aucune). — La stoiia di Apollonio di Tiro, p. p.
Salvioni. — Vandriner, Die Paduan. Mundart bei Ruzante. — Ro-
BLEs, Leyendas de José, hijo de Jacob y de Ale:;andro Magno. — La
loi Gombette, p. p. V. Smith, I, II, III. — Wendt, Encyclop. des franz.
Unterrichts.
Theologische Literaturzeitung, n» 4 : Vernes, Précis d'hist. juive depuis
Jes origines jusqu'à Tépoque persane. (« Il suffirait de dire, pour juger
l'ouvrage, qu'il veut prouver que toute la littérature de PAncien -Testa-
ment est l'œuvre des écoles juives de Jérusalem de 400 à 200; mais ce
serait s'en tirer à trop bon marché; quiconque ne sera pas convaincu
par l'auteur, fera bien d'examiner les arguments de ce système conçu
avec une pénétration et une clarté extraordinaires ».) — Josephi Flavii
opéra, p. p. Niese, V (cp. Revue, n" 2). — Old-Latin biblical texts, III;
Le palimps. de Fleury, p. p. S. Berger; Stuttgardiana versionis sacra-
rum scripturarum latinae antehieronymianae iVagm., p. p. Ranke;
Codex S. Ceaddae latinus, p, p. Scrivener. — Harris, The rest of the
Works of Baruch, a Christian Apocalypse of the year i36. — Neumann,
Der rom. Staat u. dieallgem. Kirche bis auf DiocieLian, I (travail dis-
tingué). — Kessler, Mani, Forschungen ûber die manichaische Reli-
gion, ein Beitrag zur vergl. Religionsgesch. des Orients, I. Vorun-
teisuch. u. Quellen (ouvrage utile par sa matière diverse, par de bonnes
remarques, par de nombreux extraits qui, il est vrai, ne sont pas tou-
jours cités à propos; devra être consulté avec précaution^. — Leonhard,
Roms Vergangenheit u. Deutschlands Recht.
Magazin fur die Litteratur des in-und Auslaudes, n° 8 : Vrchlicky, Pepina,
ûbertr. von Edm. Grûn. — Xanthippus, Giosue Carducci. — Tel-
MANN, Neue Romane. — Brausewetter, Neue skandinavische Dramen.
~ AcHELis, Aesthetische Fragen. — Tovote, Berliner Biihnenbrief.
ÉDUCATION EN FAMILLE
Répétitions, préparation aux examens, langues vivantes
M. ARNOULD ROGIER
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BEETHOVEN. SiHudes, ou Traité d'harmonie et de composition,
traduites de l'allemand et accompagnées de notes critique, d'une
préface et de la biographie de Beethoven, par Fétis. Deux vol. in-8,
ornés du portrait de Beethoven et du premier essai de VAdéhûde
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FETIS (F.-J.). Manuel des principes cîe musique, à
l'usage des professeurs et des élèves. 2® édition. In-8° 3 »
— Solfèges progressifs, avec accompagnement de piano,
précédés des principes de la musique. In -4° En deux parties ;
chaque 0 »
— Traité d'accompagnement de la partition sur le
piano et l'orgue. In-4'' 10 »
— :!^lanueB des compositeurs, directeurs de musique,
chefs d'orchestre et de musique militaire, ou Traité méthodi-
que de l'harmonie, des instruments, des voix, et tout ce qui
est relatif à la composition, à la direction et à l'exécution de
la musique. In-8^' 10 »
— Traité du cliant en chœur, rédigé pour l'usage des
directeurs d'écoles de musique, des chefs de choeurs d'églises,
de théâtres, de concerts et des chefs d'institutions. In-4'' .... 12 »'
— Traité complet de la théorie et de la pra-
tique de l'Harmonie. Douzième édition, revue, fj
corrigée et augmentée d'une préface philosophique et de notes.
1 vol. in-80 15 »
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velle édition revue, corrigée et augmentée d'un grand nombre
d'exemples. In-4o 40 n
RODOLPHE. Solfège, nouvelle édition dans laquelle les leçons
trop hautes ont été baissées. In-8û 4 »
TIRPENNE. ï»etit solfège, composé spécialement ponr les pen-
.sionnats. In-8« 2 5(]f
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N» 11 Vingt-quatrième année 17 mars 4890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. CHUQUET
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PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc,
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Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directanent et
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PUBLIÉS EN PHOTOLITHOGRAPHIE
Par M. L. CLÉDAT
Professeur à la Faculté des lettres de Lyon
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I. CATULLE. Manuscrit de Saint-Germain des Prés (Bibl. Nat.,
n° 141 37), précédé d'une étude de M, Emile Châtelain, i vol.
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I. LE RITUEL DU NOUVEAU TESTAMENT PROVENÇAL
DE LYON. I vol. in-8 3 fr.
PÉIUODIQUES
Bulletin critique, n° 5 : Ciceronis ad Quintum epistola prima, p. p.
Antoini: (cp. Revue, 1889, n» 9). — Flach, Etudes crit. sur Tiiist. du
droit romain au moyen-âye. — Luck, Jeanne d'Arc à Domremy (recons-
titution précieuse). — Vaschalde, Le Vivarais aux Etats-Généraux de
1789 (savantes recherches).
Revue historique, mars-avril 1890 : A. Waddington, La France et les
protestants allemands sous Charles IX et Henri III, Hubert Languet
et Gaspard de Schomberg. — Fr. Flinck Brentano, La Bastille, d'après
ses archives : II, La Bastille-hôpital. — Farges, Le pouvoir temporel
au début du pontificat de Grégoire XVI, d'après la corresp. offic. de
Stendhal, — Bulletin : P'rance : antiquité latine, II (Sal.-Reinach) ;
moyen-âge (Molinicr); hist. des religions, hist. de l'art et hist. littéraire
(G. Monod). — Comptes-rendus : Soltau, Rom. Chronologie (revue
complète de tous les problèmes débattus entre chronologistes, solutions
habilement tenues à distance des extrêmes, et, dans cette moyenne, des
idées neuves). — Pribram, Beitrag zur Gesch. des Rheinbundes von
i658. — De VoGiiÉ, Rem. sur l'Expos. du Centenaire.
Romania, janvier : P. Meyer, Des rapports de la poésie des trouvères
avec celle des troubadours. — G. Paris, Henri de Valenciennes. —
WiLMOTTE, Etudes de dialectologie wallonne (fin). — Mélanges : Phi-
lippe de Novare (G. P.); une rotruenge en quatrains (P. M.); l'auteur
du Comte d'Anjou (G. P.); Le conte des Trois perroquets (Te Winkel);
L'auteur du Contreblason de faulces amours (E. Picot). — Comptes-
rendus : Recueil de mélanges philologiques offerts à M. G. Paris (An-
derssen, quelques remarques sur l'amuissement de Vr finale en fran-
çais : rare finesse et don remarquable de combinaison; Euren, Exem-
ples de Vr adventice dans des mots français : utile relevé; Geijer, Sur^
quelques cas de labialisalion en français : intéressant et contient des re-
marques pénétrantes; Munthe, Obsèrv. sur les composés espagnols du|
type aliabierto : judicieux et nourri de faits; et Romance de la tierra,
chanson popul. astur. : curieux; Nordfelt, classific. des mss. des En-.
fances Vivien : système qui ne convainc pas; Wahlund, Deux dise, sur
la nation et la langue française de la fin du xvi^ siècle et du comm. du
xix"; VisiNG, Les débuts du style français : indications sommaires, mais
justes et fines; Wulff Un chapitre de phonétique andalouse : cp. Re-
vue, 1890, n" 8). — Del Lungo, Dante ne'tempi di Dante (cp. Revue,
i88g, no 21). — Bartoli, Délie opère di Dante, La Divina Commedia,
parte H. — Rubio, El renacimiento clasico en la literatura catalana;
Menendez Pelayo, Discurso. — Le Songe de Bernât Metge, p. p. Guar-
DIA.
Revue rétrospective, 1" mars : Corresp. de Villenave et de miss Tasset,
1792. — Souvenirs de Pons de l'Hérault, 1814-1815, — La mort de
Louise-Gabrielle de Savoie, reine d'Espagne, 17 14. — Un épisode de la
prison des d'Orléans à Marseille, 1793. — Un alarmiste, 1793. —
Trousseau d'un écolier, 1702.
The Academy, n* 930 : Law, An historical sketch of confîicts between
Jesuits and Scolars in the reign of Elizabeth (« interesting and scho-
larly ») — Wedmore, H. de Balzac (<> admirable little monograph »). —
HiCKSON, A naturalist in North Celebes. — Patmore, Principles in art,
etc. — Mitchell. English lands, letters and Kings, from Celt to Tudor j^
(suite d'essais qui sont à lire). — Two foreign books on économies ""
(Freiland, Ein socialesZukunltsbiki; Valras, Élém. d'econ. polit, pure,
2'î éd.) — Prof. Lorimer (not. nécrol.) — John. Lovell. — Mary Fitton
and « the dark lady » of Shakspere's Sonnets. (Ch. Stopes.) — The date
i
of the Ruthwell Cross (Cook). — The Epistle to the Hebrews, the
Greek text with notes and essays, by Westcott. (rer art. — Letter from
Egypt (Sayce).
The Athenaeum, n" 3253 : Collinson, Journal of H. M. S. Eiflerprise
on the exped. in search of Sir John Franklin's ships by Behring Strait;
Clutterbuck, The skipper in Arctic seas. — The Century Dictionary, an
Encyclopaedic Lexicon of the English language, prepared under the
superint. of W. D. Whitney, 6 volumes. Vol. I, A.-Cono. — The Fa-
bles of Aesop, as first printed by William Caxton in 1484, with those
of Avian, Aifonso and Poggio, now again éd. and induced by J. Jacobs,
2 vols. (Le premier volume, sur l'hist. des fables d'Esope, mérite d'être
bien accueilli des amis du folklore). — Lippmann, The art of wood-
engraving in Italy in the fifteenth ceniury. (2"^ art. sur ce livre curieux
et intéressant dont l'auteur fait preuve d'une critique saine et péné-
trante).
Deutsche Litteraturzeitung;, n» 9 ; Die Loci communes Melanchtons, p.
p. KoLDE. — HôFFDiNG, Ethik. - Shakspere-Primer, p. p. Broder
Carstens (n'a pas dépassé le recueil semblable de Bandow). — A. So-
ciN, Arab. Grammatik, 1^ Aufl. (très utile). — Stephan, De Herodiani
technici dialectologia (bon). — Stephani, De Martiale verborum nova-
tore (fait avec grand soin). — Freybe, Luther in Sprache u. Dichtung
(étude populaire contre laquelle la science doit énergiquement prolester].
— Regulae cancellariae apostolicae, Die pabstl. Kanzleiiegeln von Jo-
hannes XXII bis Nicolaus V, p. p. Ottenthal. — Birck, Erzbischof
Dietiich von Moers und Pabst Eugen IV. — A. Stern, Das Leben Mira-
beaus (travail fait avec beaucoup de soin, de méthode et de stàreté, fort
instructif et sans prévention . — Schmidels Reise nach Sùdamerika
1 534- I 554, nach der Munchener Handschrift p. p. Langmantel. — To-
MAN, Studien uber Jan van Scorel, dem Meisier vom Tode Maria.
— No 10 : Koetschau, Die Textiiberliefer. der Bûcher des Origene
gegen Celsus (travail fait avec soin et habileté). — Bâcher, Aus der
Schrifteikl. des Abuhvalid Merwan Ibn Ganah. — Rossbach, u. West-
phal, Théorie der mus. Ktinste der Hellenen, 3^ éd. III, 2, Spec.
griech. Metrik bearb. von Rossbach (maintient son rang pour longtemps
encore). — Bellermann, Schillers Dramen, I (sensé). -- R. Bauer, Die
subject. Wend. in den franz. Karlsepen (intéressant pour la technique
de Tanc. épopée française). — Raphaël, Die Sprache der Proverbia,
quae dicuntur super natura feminarum fsoigné, sans rien de nouveau).
Matzat, Rômische Zeitrechn. 2 1 9-1. (méritoire). — Lotheissen, Zur
Culturgesch. Frankreichs im XVII u. XVIII Jahrh. (raisonnable). —
Amtl. Samml. der Akten aus der Zeit der Helvet. Republik, «798-
i8o3, II. — Buttner, Reisen im Kongolande. — Reisch, Griech. Weih-
geschenke (cp Revue, w" 4). — Exner, Die franz. Armée in Krieg. u.
Frieden. — Coppée, Gesch. in Prosa, deutsch von Burger u. Nather
(superficiel et plein de contre-sens).
Deutsche Rundschau, mars : Riïmelin, Ueber denZufall. — H. Conrad,
Ernst von Wildenbruch als Dramatiker (fin). — F. X. Kraus, Frauenar-
beit in der Archâologie. — Egelha.af, Die Denkwurdigkeiten des
Herzogs von Sachsen-Coburg-Gotha. — Die Berliner Marztage 1848,
ein Brief Graf Rudolfs von Stillfried Alcantara, p. p. Kugler'. — Ro-
denberg, Fr. Dingelstedt, Bliitter ausseinem NachIass, mit Randbemer-
kungen, VI. Der kosmopolitischc Nachtwachter und Geheime Rath, II.
Stuttgart, 1843-1851. — Th. Krause, Aus dem Berliner Musikieben.
— H. Grimm, Moritz Carrière et Die Bildsaule \VaUher"s von der
Vogelweidein Bozen. -— Erklarung, das Vaticanische Archiv betreffend,
von K. Schottmuller.
PH. MAQUET, et C'% Editeurs de musique, 103, rue Richelieu, Paris.
ANCIENNE MAISON BRANDUS
OUVI{AGi:S D'ENSEIGNEMENT MUSICAL
Méthodes de Chant.
KASTNKR (G.). Méthode élémentaire de chant, suivie d'exercices à une et à plu-
sieurs voix, et de six morceaux à quatre jmrties. In-S» 3 »
PANOFKA (H.). L'Art de chanter, théorie et pratique, suivi du Vade-mecum
du chanteur et de vingt-quatre vocahses. In-l". Pour soprano,
mezzo-soprano ou ténor 14 »
— Four contralto, baryton ou basse 14 »
— Abécédaire vocal, méthode préparatoire de chant, pour apprendre à
émettre et à poser la voix. hi-8o 3 »
Le même, en espagnol. In-8° 4 »
Méthodes de Piano.
KASTNER (G.). Méthode élémentaire. In-8° 3 »
MOSCHKLES et FÉTIS. Méthode des méthodes de piano, basée sur l'analyse
des meilleures méthodes depuis Ph.-Em Bach jusqu'à Kalkbrenner, et sur
la comparaison des divers systèmes d'exécution et de doigté de quelques vir-
tuoses modernes. 1 11-40. Première partie (théorique) 9 »
Deuxième partie, contenant dix-huit études de per-
fectionnement, composées expressément pour cette méthode par Benedict,
Chopin, Dœhler, Stephen Heller, Henselt, Liszt, Mendelssohn, Méreaux,
MoscHELÈs, R0SENHAIN, Thalberg et Ed. Wolff 6 »
ZIMMERMANN (J.). Méthode élémentaire, nouvelle édition refondue par Marc
BuRTY ^CIeorges Bull) ; précédée d'un exposé des principes de la musique sur
un plan nouveau et d'une clarté parfaite; contenant les règles principales du
doigté, toutes les gammes, des exercices combinés avec soin, un vocabulaire
des termes de la musique, de nombreux morceaux récréatifs et progressifs sur
les motifs favoris des chefs-d'œuvres lyriques (Meyerbeer, Auber, Rossini,
Ad. Adam. Flotow, Maillart, etc.l, et rédigée dans le but de faciliter la
tâche du professeur et au besoin de le remplacer. In-4~i 4 »^
Méthodes d'instruments divers.
Basson. Méthode complète, par Wii.lent-Bordogni. ln-4'^ 1-2 »
Clarinette. Méthode élémentaire, par Kastner. In-H» 3 »
— Petite méthode, par Leroy. In-S» oblong 1 50
Cor. Grande méthode par Gai.i.ay, revue et augmentée par Lichtlé. In-4°. . 12 »
— Méthode élémentaire, par Kastner. In-80 3 »
Cornet à pistons. Méthode complète de cornet ou de saxhorn, par Arban et
Fessy. In-40 (3 »
— Grande méthode, par Guichard. In- 4" 5 »
— Petite méthode, extraite de la précédente, par Guichard. In-8°. 4 »
— Méthode élémentaii'e, par Kastner. In-S" 3 »
Flageolet. Méthode élémentaire, par Kastner. In-S" 3 »
Flûte Méthode élémentaire, par Kastner. ln-8° 3 »
— Petite méthode par Leroy. In-8 oblong 1 50
Harmonium. Grande méthode, par Fréd. Buisson. In -4° 9 »
— Méthode complète, par Fessy. ln-4°. 7 »
Hautbois. Méthode élémentaire, par Kastner. ln-8° 3 »
Orgue (à tuyaux). Manuel, par Fessy. In-4" 3 »
Saxhorn. Méthode complète de saxhorn ou de cornet, par Arban et Fessy. In-4». fi »
— Méthode complète de saxhorn et saxotramba, par Sax. 111-40. ... •) »
Saxophone. Méthode complète, par Kastner In 4» ^'^ *j
Timbales. Méthode complète, par Kastner. In-S» J »1
Trombone. Méthode complète, par Dieppo. In- 4" ^ "J
— Méthode complète, par Vobaron. ln-4o ^ "^
— Méthode élémentaire, par Kastner. In-S» '^' *i;,
Trompette. Méthode complète, par Kresser. In-4o '"^ *ïl
Violon Ecole du violon, grande méthode complète, par Guichard. In-4o. . 9 «I
— Petite méthode extraite de la précédente, par Guichard. In-b". • • ^ ^\
— Petite méthode, par Leroy. In-S» oblong • ' ^Oj
— Méthode élémentaire, par Kastner. In-S" ^ *|j
Violoncelle. Méthode élémentaire, par Kastner. In-S» 3 »||
Le Puy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
^1
H° 12 Vingt- quatrième année 24 mars 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. GHUQUET
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Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue ; Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
?. franco par la poste (et non par commissionnaire), les livres dont ils
'c désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
HISTOIRE DE LOUIS XII, par m. de Maulde
LA Clavière. i""*^ partie. Louis d'Orléans. Tomes I et II.
Chacun 8 fr.
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ViAL, missionnaire apostolique. In-8...» , 2 5o
RECHERCHES SUR LES TREMBLE-
MENTS DE TERRE, par JuIcsCirard. In.i8, illus-
tré ..,,., 3 5o
PÉRIODIQUES
Revue de l'art chrétien, janvier : De Rossi, Cloches avec inscription
dédicatoire, du viii" ou ix° siècle, trouvée à Ganino. — An. de Montai-
GLON, De quelques inscriptions en vers, I. — Didelot, Etudes d'ana-
glyptique sacrée, IL — Mgr Dehaîsnes, L'art à Amiens vers la fin du
moyen âge dans ses rapports avec l'école flamande primitive, IL —
Mgr. Barbier de Montaui.t, Le tableau de dévotion de la collection de
Piolant, à Poitiers, I. — Helbig, Le mariage mystique de sainte Cathe-
rine, peinture de M. x\nthony; Restauration des églises dans le N. de
l'Allemagne et ailleurs. — Mgr. Barbier de Montault, Revue des
inventaires.
Tlie Acaclemy, n" qS i : Sir Charles Dilke, Problems of Greater Britain.
— Stowe, Life of Harriet Beecher Stowe. — Bingham, The marriages of
the Bourbons. — Gastellani, La stampa in Venezia (cp. n" présent de
la Revue). — Delitzsch (not. nécrol.) ■■ — An unknown ms. of Dante in
the Bodleian (Moore). — The date of the Ruthwell Cross (Browne). —
Mrs Mary Fitton and Shakspere's sonnets (Tyler]. — Winter darkness
in Iceland. — Mivart, The origin of human reason. — Madhava and
Sayana (Peterson). — Dehaisnes, La vie et l'œuvre de Jean Bellegambe.
— The Ajax of Sophocles at St. Andrews.
The Athenaenm, n° 3254 : Palgrave, O. Gromw^ell, the protector, an
appréciation based on contemporary évidence (selon l'auteur, Gromwell
ne reculait devant aucun crime pour arriver au trône et y établir sa
famille^. — Neilson, Trial by combat. — The source of « The ancient
mariner » (Taylor). — The fables of îvjoicrio; (Neubruer), — The oldest
regimental record. — Delitzsch (not. nécrol.) — Evans, The Horsemen
of Tarentum, a contribution towards the numismatic history of Great
Greece — Swinburne, A study of Ben Jonson (i"r art.].
Neues Archiv der Gesellschaft fiir seltere deiitschc Geschichtskunde, XV, 2 :
GuNDLACH, Der Slreit der Bistumer Arles u. Vienne um den Primatus-
Galliarum III, fin et appendices. — Kurze, Handschriftl. Ueberliefer.
u. Quellen der Chronik Reginos u. seines Fortsetzers. — L. von Heine-
MANN, Diealteste Translatio des heil. Dionysius. — Kehr, Die Purpur-
urkunde Konrad III fur Corvei. — Miscellen : Weiland, Handschrif-
ten der vormal. kôn. Handbibliothekzu Stuttgart. — Sacrur, Zu Petrus
de Ebulo. — Weiland, Verse auf Kaiser Friedrich, I. — Werner,
Latein. Ged. des XII Jahrh. — ■ Friedlaender, Eine ungedr. Urkunde
Konrad IV. — L. M. HarTxMamn, Zur Chronologie derBriefe Gregors I.
— Altmann, Bruchstiicke aus dem Liber Gancellariae Apostolicae. —
Nachrichten.
Zeitscbrift fur romanische Philologie, 1889, XIII, 3-4 : Eggert, Entwickl.
der normand. Mundart in Départ, de la Manche u. auf den Insein
Guernesey u. Jersey. — Behrens, Etymologisches. — Lang, Tradiçoes
populares açorianas. — Bonnier, Etude critique des chartes de Douai,
1 203-1275. — Schuchardt, Beitr. zur Kenntniss des kreolischen Roma-
nisch. — Vennischtes : Schuchardt, Roman. Etymol. — Foerster,
Volantiers. — Grôber, Franz, f. aus -d-. — Tobler, — Port, cortves,
meliana. — Besprechungen : Giov. Sercambi, nov. ined., p. p. Renikr.
Stimming, Ueber den provenz. Girart von Rossillon. — Malmignati, 11^
Tasso a Padova. — Ebert, Allgem. Gesch. der Liter. des Mittelalters
im Abendlande. ~ Il Propugnatore; Archiv fur das Studium der neue
ren Sprachen ; Giorn. stor. délia letter. ital. ; Romania.
Deutsche Litteraturzeituug, n" u ,: Bonvs^etsch u. Seeberg, Thomasius
Dogmengesch. II, 2. — Reusch, Index librorum prohibitorum von
Parma. — Salemann u. Shukovski, Persische Grammatik; Wahrmund,
^1
Prakt. Handbuch der neupers. Sprache (deux ouvrages qui seront très
utiles, chacun à leur façon). — Landgraf, Unters. zu Càsar u. seinen
Fortsetzern, insb. ûber Âutorschaft u. Compos.des Bellum Alexandr. u.
Afric. (savant, sagace, avance la question et lui fait faire un pas essen-
tiel, quoiqu'on n'approuve pas la méthode et quelques-uns des résul-
tats de l'auteur). — Schmalz, Ueber den Sprachgebr. desAsinius Pollio,
Cic. ad famil. X, 3i-33, 2^= ed, — Meister Stephans Schachbuch, II,
p. p. ScHLÛTER. — JuRiTscH. Otto vou Bamberg (cp. Revue, n° 1 1). —
Ranke, Weltgesch. IX, i : Zeiten des Uebergangszur modernen Welt;
2 : die Epochen der neu:;ren Gesch. — Nordhoff, Haus, Hof, Mark
u. Gemeinde Nordwestfalens im histor. Ueberblicke. — Màspero, Ae-
gypt. Kunstgesch. deutsche Ausg. von Steindorff (trad. aisée et fidèle
d'un excellent ouvrage). — Roskoschny, Das arme Russland. — Ar-
chaolog. Gesellsch. zu Berlin (4 février).
Berliner philologische V/ochensclirift, n" 9 : Neue Ausgrab. Schliemanns
im Hissarlik Hugel, die Aschenurnen (Sittl). — Programme : Straube,
Durch welche Mittel gelang es den Patriziern, in der zweiten Période
des Stiindekampfes die Plebejer von der obersten Magistratur fernzu-
halten ; Manus, Die Jagd bei den Griechen ; Conrad, Mark Aurels Mar-
komanenkrieg ; Wilsdorf, Beitr. zur Gesch. von Marseille im Alter-
tum. — Iliad, XIII-XXIV p. p. Monro. — Demosthenes, ausgevv. Re-
den, p. p. WoTKE, 2* éd. — L. Levi, L'Euxenippea d'Iperide con in-
trod. e note (jugement sain). — E. A Wagner, Die Erdbeschreib. des
Timosthenes von Rhodus (première et bonne monographie sur le sujet).
— Frohlich, Das Kriegswesen Ciisars, I Schaff. u. Gestalt. der Kriegs-
mittel (mérite l'éloge et doit être lu de tous les amis de César). — G.
Scheffer, Les campagnes de Vercingétorix. (écrit à « l'usage du peu-
ple » et fait du sénat romain un assemblage de coquins expérimentés et
de César un grand faiseur et un grand voleur).— Heisterbergk, Fragen
zur ait. Gesch. Siciliens (cp. Revue, 1889, n°33). — Buechner, De neo-
coria (cp. Revue, 1889. n" 3). — Reisert, Zur Attraktion der Rela-
tivsâtze in der griech. Prosa (clair, sensé, a presque toujours raison). —
GiLLHAUSEN, Prakt. Schulgramm. der latein. Sprache, 10^ éd. p. p.
MoiszissTziG. — Dettweiler, Die Erschliessung der Gegenwart aus
dem Altertum als Aufgabe des humanistischen Gymnasiums. — Zur
Gesch. der Géographie bei den Neugriechen, I. Sitzungsber. der kgg.
Preuso. Akademie der Wissensch. zu Berlin.
— N" 10 : SynonymaCiceronis(Beck).^ — Programme : Haage, Wert
der Freundschaft nach der antiken u. christl. Anschauung; Stephan,
Krit. Unters. zur Gesch. der Westgoten, 372-400, I; Kleinen, Die
Einftihr. des Christentums in Koln, II; Urban, Das alte Ratien u. die
rôm. Inschriften; Puls, Das Wesen der subjektlosen Satze, III;
P. Martin, Stud. auf dem Gebiete des griech. Sprûchwortes; Rudert,
Zwei Kapitel aus der griech. Schulsyntax. — Prf.ger, de epigramm.
graecis meletemata selecta, ace. Cyriaci Anconitani fragm. (fait avec
méthode et une critique réfléchie, et obtient des résultats). — Rawack,
de Platonis Timaeo quaest. crit. (méritoire). — Aulularia p. p. Langen.
— Cramer, Dasinfinitiv bei Manilius (soignée— Deltour, Hist. de la
littér. romaine, I (n'a rien de scientifique, simplement populaire, et en
partie très « vieilli »). — Das rôm. Lager in Bonn, mit zwei Planen,
hrsg. vom Verein von Altertumsfreunden im Rheinlande. — Zur Gesch.
der Géographie bei den Neugriechen, II. (Hirschfeld). — Sitzungsber.
der preuss. Akad. der Wiss. zu Berlin.
Gœttingische gelehrte Auzeigen, no 4 : Egenolff, Die orthogr. Stûcke der
byzantin. Litteratur (très bon). — Teletos reliq. p. p. Hknse, prolego-
mena (à approuver, mais diffus). — Bergk, griech. Litteraturgesch. IV,
p. p. PEppMÛLLKR(très long art. de Crusius. Bergk apparaît ici, avec ses
brillantes qualités et ses graves faiblesses).
Magazin fiir die Literatur des In-und Auslandes, n" 9 : Wrchlicky, Pepina,
ûbertr. von Grûn. — Carducci, Hymnus an den Satan, ûbertr. von
Wilm. — MiiNz, Das Milrchen von Iwan dem Narren — von Kra-
JEWSKA, Zwei neue Romane. — Wittich, Franz. Kinderlieder. —
E. G. preuss. Gesch. von W. Pierson. — Nitzschmann, Silva rerum. —
TovoTE, Berliner Biihnenbrief.
No 10 : Vrchlicky, Pepina, Novelle, ûbertr. von Grûn (fin). —
ScHATTENTHAL, Aus der magyar. Lyrik, Uebertr. nach Jakob u. Prem).
— Berghaus. Degeneration der Rasse in Frankreich. — Dresdner, Fr.
Spielhagens Lebenserinnerungen. — Xanthippus, zu Fritz-Reuter Lit-
teratur. — Groth, zur Geschichtsliteratur Frankreichs. — Kaberlin,
Die Freie Bûhne, VI. — Tovote, Berliner Biihnenbrief.
Theologische Literatiirzeitung, n° 5 : Hagenbach's Encycl. u. Method.
der theol. Wissensch. 12® éd., p. p. Reischle. — Lober, Die gesich. Er-
gebn. der Bibelkritik u. das von uns verkûndete Gotteswort ; Johans-
soN, Die heiJige Schrift u. die négative Kritik. — Vortrage der theolog.
Konferenz zu Giessen, 20 Juni 1889. — The Psalms in Greek accor-
ding to the Septuagint, p. p. Swete. — Renan, hist. du peuple d'Israël,
II (très supérieur au premier volume). — Hannion, Le sens du verset
7^, Gen. IV. — Marti, Der Prophet Jeremia von Anatot. — Schaff, a
companion to the Greek Testament and the English version. — Wil-
PERT, Principienfragen der christl. Archaologie; Schultze, Die ait-
christl. Bildwerke u. die wissensch. Forschung. — Amiaud, La légende
syriaque de saint Alexis, l'homme de Dieu (recherches solides et utiles).
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Catalogue des livres composant la Bibliothèque de M. Pavet de Courteille,
membre de l'Institut, professeur au Collège de France, etc.
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N** 13 Vingt-quatrième année 31 mars 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
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Directeur : A. GHUQUET
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Bulletin critique, n" 6 : Rksch, Agrapha, Aussercanonische Evangelien-
fra^mcnte. — Appleton, Hist. de la propriété prétorienne et de raction
publicienne (œuvre capitale où abondent théories neuves et aperçus
originaux). — Guyau, La morale, l'art et la religion et Education et
hérédité. — Rec. des instr. données aux ambass. de France, Bavière,
Palatinat, Deux-Ponts (intéressant). — Quellien, Chansons et danses
des Bretons (« un des livres, trop rares, qui font le mieux comprendre
l'intérêt delà poésie populaire ». Cp. Revue, 1889, n°s i-j et 18).
La Révolution française, 14 mars : Société de l'histoire de la Révolution,
rapport du secrétaire général. — Souquet, Pierre Bayle libre penseur
et politique (suite et fin). — Aulard, La diplomatie du premier Comité
de salut public, Hollande, Piusse, Autriche, Piémont, Espagne. —
ViGiNiER, L'affaire de Castelnau-Montratier. — Chronique et bibliogra-
phie : Discours de M. Colfavru; Robert et Cougny, Dictionnaire des
parlementaires (notes très instructives de M. Kuscinski qui rectifient
des erreurs). — Wallon, Les représentants du peuple en mission, III
et IV (cp. Revue, n° 5 et le n» prochain). — G. Feugère, La Révolution
française et la critique contemporaine (hâtif, superficiel, inutile). — De
Pressensé, L'Eglise et la Révolution française, o^ édit. (livre, non
d'histoire, mais de doctrine, et d''une doctrine noble et libérale).
The Academy, n° 932 : O. Browning, Life of Georges Eliot. —
L. Léger, A history of Austro Hungàry from the earliest time to the
year 1889, translated by Mrs Hill, wirh a préface by Freeman (ouvrage
très utile, conçu sur un plan original, d^ailleurs traduit avec grand
soin). — Mrs Smedes, A southern planter. — G. Freytag, The Crown
Prince and the German Impeiial Crown, transi, by Duncan. — Lebarc
Hist. crit. de la prédic. de Bossuet (cp. Revue, n^ i ij- — Some books oïl
the colonies : Heilprior, The Bermuda jslandi.; Bell, Obeah ; Bulke|
LEY, The lesser Antilles; Pa-ton, missionary to the New Hébrides.
The orthography of the Ormulum (Napier). — Cock (Murray). — Th(
invention of printing (Hessels^. — Early contact between Celts ana
Slavs (Krebs). — The University of Tomsk (Alexandrenko). — Th|
epistle to the Hebrews, the Greek text with notes and essays, by Wesi
COTT (2*^ art.). — Madhava and Sayana (Bendali).
The Athenaeum, n" 3255 : Corresp. between Pitt and Charles duke of
Rutland. — Ivor James, The source of the Ancient Mariner. — Sal-
moné, An Arabic-English Dictionary on a new system, 2 volumes (fait
avec grand soin et témoigne de recherches pénibles et minutieuses; le
système adopté est-il pratique pour les commençants?). — Miss Bradley,
Life of the Lady Arabella Stuart. — The tables of Kybises (Jacobs). —
Thom.as Guy as a publisher (Bettany). — Unpublished verses of by
Coleridge. — Bronze shields (Peacock). — Notes from Cyprus (Tubes).
Literariscbes Centralblatt n° 10 : Friedrichson, Gesch. der Schifîahrt,
Bilder aus dem Seewesen (mauvais : style enflé jusqu^à être comique,
illustrations faibles). — Kartenskizze der allen Welt und Zeittafel von
i5oo vor Christus bis 1492 nach Christus (incorrect à tous égards). —
Henne am Rhyn, Die Frcimaurer, deren Ursprung, Geschichte, Vertasij
sung. Religion u. Politik (petit écrit apologétique). — Resolutien
genomen by de vroedschap van Utrecht, betrefïende de illustre school^
en de Académie in hare stad van de garen 1 632-1 693, p. p. Wjjnne.— T
Erinner. aus dem Leben des Feldmarschalls Hermann von Boven, p. p|
Nippold II (intéressant). — Von Hormann, Die Jahreszeiten in deif
Alpen. — Bugge, Beitr. zur etymolog. Erlcuter. der armen. Sprache
(très instructif et neuf). — Fugner, Lexicon Livianum, partim ex Hil-|
debrandi schedis, I (recueil qui promet d'être très exact et complet). —
Gagnât, L'année épigraphique, revue des public, épigr. relat. à Tantiq.
rom. 1888 (Recueil très utile). — Ghurch, Bacon (petit livre recom-
mandable). — Shakspeare, Hamlet, trad. par Polylas (trad. en grec
moderne). — Riegl, Die mittelalteiliche Kalenderiliustration, ihr Ur-
sprung u. ihre Entwickel, bis zur vollstandigen Ausbild. der Typen im
XI Jahrh (recherches solides, menées avec soin, intéressantes par leur
sujet et riches en résultats). — Dessoir, K. Ph. Moritz als Aesthetiker
(petite ^tude soignée). — Castellani, L'origine tedesca e olandese dell'
invenz. délia stampa; La stampa in Venezia (cp. Revue, n° 12).
— N" II : WuNDT, System der Philosophie. — Kiepert, Wand-
karte von Alt-Gallien u. der Reiche der Perser u. Macedonier. —
RicHTER u. KoHL, Annaleu des deutschen Reiches im Zeitalter der Ot-
tonen u. Salier, I {cp. Revue, n° 12). — Treitschke, Deutsche Ges-
chichte im XIX Jahrhundert, IV. bis zumTode Konig Friedrich Wil-
helms 111. (Beaucoup de matériaux mis habilement en œuvre.) —
Ernst II von Sachsen Goburg Gotha, Aus meinem Leben u. aus meiner
Zeit. (Toujours riche en communications intéressantes et instructives.)
— OsTROGORSKi, Dc l'orgaulsation des partis politiques aux Etats-Unis,
— W. Geiger, Elementarbuch der Sanskritsprache. (Réunit les mérites
de Stenzler et de Biihler). — Gâtai, codicum graecorum in bibl. Vra-
tislav. — Marcelli de medicamentis liber, p. p. Helmreich. (Travail
fait avec soin.l — Minor, Schiller, sein Leben u. seine Werke, I ; Welt-
RiCH, Fr. Schiller, Gesch. seines Lebens u. Gharakteristik seiner Werke,
12 Liefer. (Le i" vol. de Minor et la 2* livr. de Welttrich sont arrivés
au même point ; le point de vue est plutôt esthétique chez Minor, et
critique chez Weltrich.) — Knight, Wordsworthiana ; Wordsworth,
Complète poetical works, The recluse; sélect, from Wordsworth, p. p.
George. — Bugge, Studien iiber die Entstehung der nord. Gotter =
und Heldensagen. (Renferme une foule de remarques fines qui rendent
ce livre indispensable à quiconque s'occupe des mythes et de la poésie
du nord ; mais on ne peut approuver le résultat en son ensemble.)
N" j 2 : NippOLD, Karl von Hase. — Jodl, Gesch. der Ethik in der
neueren Philosophie, II, Kant u. die Ethik im XIX Jahrh. — Gutt-
mann, Die Philos des Salomo ibn Gabirol. (Avicebron.) dargest. u.
erlautert (recommandable). — Alfr. von Gutschmid's Kleine Schriften,
hrsg. von Rûhl, I, Schriften zur Aegyptol. u. Gesch. dergriech. Chro-
nographie. — Liber fundationis episcopatus Vratislaviensis, p. p. Mar-
ckgraf u. ScHULTE. — Jaccard, L'églisc française de Zurich, une page
de l'histoire du grand refuge. (Très important pour l'hist. du protestan-
tisme français.) — Kennan, Sibirien, deutsch von Kirchner. — Schmitt,
Ueber den Ursprung des Substantivsatzes mit Relativpartikeln im grie-
chischen (soigné). — Hôlzer, Beitrage zu einer Théorie der latein.
Semasiologie. (L'auteur a des idées, mais sa pensée est indisciplinée et
souvent obscure, aussi n'est-il pas arrivé à un clair résultat.) — Sir Phi-
lipp Sidney, Astrophel and Stella u. Defence of poésie, p. p. Flugel
(édition aussi parfaite qu'on peut le souhaiter). — Fr. Schlegel's Briefe
an seinen Bruder August Wilhelm, p. p. Walzel (recueil de matériaux
précieux et fort bien annotés). — Socin, Ausfuhrl. Lehrb. der vereinf.
Sténographie. — G. Schuchardt, Schliemann's Ausgrab. in Troja, Ti-
ryns, Mykenae, Orchomenos, Ithaka, im Lichte der heut. Wissensch.
dargestellt (très instructif et suggestif. — Mlïller-Walde, Leonardo da
Vinci, Lebensskizze u. Forch. iiber sein Verhaltniss zur fiorentiner
Kunst u. zu Rafaël, — Horschelmann, Culturgesch. Cicérone fiir Ita-
lien-Reisende, II. Das Zeitalter der Hoch Renaissance in Italien.
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augmentée de variantes, de notices, de notes, d'un lexique des mots et locutions
remarquables, d'un portrait, de fac-similés, par M. Henri Régnier. é
Ce volume comprend : Contes et Nouvelles. Poèmes.
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N° 14 Vingt-quatrième année 7 avril 1890
REVUE CRITIQUE
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PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
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Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire), les livres dont ils
désirent un compte-rendu.
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Etude critique, texte copte et traduction
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PÈKIODIQUES
Revue des Etudes grecques, n° 8. — Documents administratifs. — Dis-
cours prononcé par M. Croiset aux obsèques du marquis de Queux de
Saint-Hilaire. — Darfste, Du droit de représailles, principalement chez
les anciens Grecs. — Weil, Observations sur les fragments d'Euripide,
— CosTOMUus, Les écrits inédits des anciens médecins grecs. — Notes et
Documents : Th. Reinach, Noms méconnus : Babyrtas. — IIuklle,
Note additionnelle sur le chant des sept voyelles grecques. — Vai'ié-
tés : S. Reinach, Lettre inédite de Bœckh à Raoul Rochette, au
sujet de la peinture murale chez les anciens. — Chronique : Bulletin
archéologique (T. R.); Bulletin épigraphique (B. Haussoullier). — Bi-
bliographie annuelle des études grecques par Ruelle.
Revue de Belgique, 3^1ivr. ; i5 mars : Thiry, La publication de l'en-
fance (fin). — Pergameni, Rabelais d'après un livre récent (d'après le
livre de Paul Stapfer qui est « un véritable modèle de ce que doit être la
critique littéraire »). — Schoeneeld, L'Espagne arabe. — Essais et No-
tices : Smith and Nash, The story of the dockers' strike; Bibl. de TEcole
des Hautes-Etudes, section des sciences religieuses (cp. Revue, 1889,
n''45). — Univ. de Liège, Soc. d'hist. et de géogr., tasc. I [cp. Revue,
1889, n" 10, p. 199).
The Babylonian and Oriental Record, fasc. 3 : Terrien de Lacouperie, The
déluge tradition and its remains in ancient China et The etymology of
Ketchup. — De Harlez, The origin and nature of the pehlevi et A
Buddhisc repertory. — Boscawen, Notes on some Babylonian tablets.
Bonavia, Did the Assyrians know the sexes of date palms? No. — Pin-
CHEs, Ammatum (with letter by Rev. O. C. Whitehouse).
The Academy, n" 933 : Shaw, Fabian Essays in socialism. — Dickson
a. Edmond, Annals of Scottish printing. — Biggar, Canada, a mémorial
volume. — Some histor. bocks : Stanîey Lane-Poole, The Barbary
Corsars (intéressant et peu connu); Ferguson, Carlisle; Horace Wal-
pole's letters, p. p. Yonge. — Thomas Rowley (Skeat). — A speech
attributed to Oliver Cromwell (Firth). — A legend of Abraham (Sto-
kes). — An old Italian playbill iMercer). — The Yenissei inscriptions
(Brown). — Cagnat, Cours d'épigr. lat. ; L'année épigr. 1888 (le Cours
d'épigr. lat. est excellent, « a thoroughly scholarly work » et devrait
être traduit en anglais ; L'année épigr. est très utile).
The Athenaeum, n° 3256 : Bridgett and Knox, The true story of the
catholic hierarchy deposed by queen Elizabeth, with fuller memoirs of
the last tvv'o survivors. — Baring Gould, Old country life. — Taver-
nier, Travels in India, transi, (cp. un prochain art. de la Revue). —
The source of « The Ancient Mariner ». — The supposed uncial codex
of the N. T. (Bliss). — The Oriental Congress. — The discoveries at
Lycosura (Waldstein). — Swinburne, A study of Ben Jonson (2" art.
sur cette chose fort remarquable, œuvre à la fois solide et éloquente).
Literarisches Centralblatt, n" i -î : Bâcher, Aus der Schrifterkl. des Abu-
walid iMervan ibn Ganah. — O. Ritschl, Schleiermacher's Stell. zum
Christ. — Lettres de Gerbert, p. p. J. Havet (excellent; cp. Revue,
1889, n° 41). — F0URNIER, Eine amtl. Handlungsreise nach Italien
1754 (cp. Revue, 1889, n" 3). — Schulthess' europ. Geschichtskal. —
De La Grasserie, Etudes de gramm. comparée (instructif et sera le
bienvenu malgré de nombreuses négligences et inexactitudes). — Le
livre des pai terres fleuris, p. p. Metzger (travail soigné). — O. bCHRA-
DER, Sprachvergl. u. Urgesch., 2" édit. a gagné en valeur à tous égards,
détails nouveaux et intéressants en grand nombre). — Caland, Ueber
Todtenverbrennung bei einigen der indogerm. Vôlker (très important).
Il
II
Gœttingiscbe gelehrte Anzeigen, n° 5 : Atlas vorgeschichtlicher Befesti-
gungen in Niedersachsen , bearbeitet von Oppermann. — Lamprecht,
Skizzen zur rheinischen Geschichte (cp. Revue, 1888, n° 38). — Cata-
logus codicum graecorum in bibliotheca urbica Vratislaviensi.
Berliner philologiscbe Wochenschrift, n" 11 : Zu Hyperides Euxenippe,
XL VII, 7 (Pantazidis). — Dieaelteste vollstandige Hs. des Lucan(Franc-
ken. — Programme : Oertel, Ist die Sprachw. ein Zweig der Natur-
wissenschaft ?; Grosse, Beitr. zur Syntax des giiech. Médiums u. Pas-
sivums. — Patrick, The fragm. ot Herakiitus on Nature, translated
from theGreek text of Bywater" — Anabase, p. p. Krtiger, 7^ Aufl., p. p.
PôcKEL — Horatius, Orelli, éd. IV, vol. II. satirae, epist.,. lexic., p. p,
M EWEs (s'efforce de rendre le livre aussi utile que possible). — Le Pu-
niche di Silio, trad. di Occioni (2^ édit. revue et corrigée de cette tra-
duction si honorablement connue). — M. Muller, De Apollinaris
Sidonii laiinitate (soigné et utile). — Von Hellwald, Haus und Hof in
ihrer Eniwickl. mit Bezug auf die Wohnsitten der Volker (l'auteur a
eu tort de se hasarder sur ce domaine; son livre n'a de valeur que sur le
domaine géographique et ethnographique). — Thraemer, Pergamos, Un-
tersuch. iiber die Friihgesch. Kleinasiens u. Griechenlands (important
et à lire). — O. Hoffmann, Eine Neugestalt. des griech. Unterrichtes,
bes des Elementarunterrichts.
— N» 12 : Zum Recht von Gortyn (Ludwich). — W. v. Christ,
Der Aetna in der griech. Poésie et Zur Chronologie pindarischer
Siegesgesange. — Pindare, édit. en cinq volumes, p. p. Cleanthos,
en grec (n"a aucune valeur). — A commentary on Catullus, p. p.
Ellis, 2^ édit. (singulier mélange de bon et de mauvais). — Matzat,
Rom. Zeittafeln fiir die Jahre 219 bis i vor Chr. (art. de Holzapfel
qui juge le livre manqué). — J. Jung, Géographie von Italien u.
den rom. Provinzen (court, mais solidement étudié). — Zékidès, Ae^'.y.bv
à-âvTO)v Twv pr,[j.âTO)v Tf,ç 'ÂTT'.y.?;; cta/ixTOu (très bon recueil, mais pour-
quoi Pauteur ignore-t-il de propos délibéré les travaux de ses devan-
ciers, Veitch, par exemple?).
Literaturblatt fiir germanische tind romanische Philolog'ie, n» 2 : Lauchert,
Gesch. des Physiologus (cp. Revue, i88q, n° 24). — Dahlerup, Physio-
logus i to islandske arbejdelser. — Jannsen, Gesammtindex zu Kluges
etymol. VVorterbuch der deutschen Sprache (cp. Revue, 1889, n» 52,
p. 5 18). — Gelbhaus, Ueber Stoffe altdeutscher Poésie (comparaisons
avec les récits juifs). — Reifferscheid, Ueber die Windeckhandschriften
in Ziirich. — Dunger, Die Sprachreinigung u. ihre Gegner; Sarrazin,
Beitr. zur Fremdwortfrage ; Arndt, Gcgen die Fremdwôrter in der
Schulsprache ; Blasendouff, Verdeutschungswôrterbuch fur Schule u.
Haus. — Cynewulfs Elene, p. p. Zupitza, 3« édit.; Zupitza, Alt r= und
mittelenglisches Uebungsbuch (deux très bonnes publications). —
KôNiG, Der Vers in Shakespeare's Dramen ; Price, The construction and
types of Shakespeare's verse as scen in the Othello. — Rabbinowicz,
Gramm. de la langue française, 2" édit. (cp. Revue, 1889, n° 32). —
Passy, Les sons du fransais, leur formacion, combinaizon, reprezanta-
cion (cp. Revue, 1889, n''43). — Groene, C vor A im franzôsischen
(bien fait). — J. Lange, Heinrichs des Gieissners Reinhart u. der Roman
de Renart in ihren Bezieh. zuein. — Sarrazin, Das moderne Drama
der Franzosen in seinen Hauptvertretern (attachant). — Noulet, Œu-
vres de P. Goudelin (cp. Revue, 1888, n^ bi). — Zambaldi, Vocabolario
etimologico italiano (n'est pas très au courant et ne paraît pas destiné
aux romanistes). — K. Engel, Die Don Juan-Sage auf der Buhne
1 auteur s'est rendu la tâche trop facile ; il lui manque des études sérieu-
ses, un jugement indépendant, le sens critique et esthétique; il n'a fait
en somme qu'une compilation qui n"'est ni complète ni sûre> — Le Lite-
laturblatt paraît désormais, non plus chez M. Paul Henninger, de
Heilbronn, qui s'est retiré des affaires pour raisons de santé, mais chez
réditeur de Leipzig, R Reisland (librairie Fues), qui a acheté, avec la
revue, la librairie de M. P. Henninger.
Bulletin international de l'académie des sniences de Cracovie, février : Biblioth.
des écriv. polon. livr. Vîïl (Protée, satire de 1564). — Cwilinski, Die
Beschreib. der attischen Pest bei Thukvdides. — GoUectanea ex archive
Collegii historici, tome V (renferme dix articles : Ulanowski, Sur les
statuts synodaux du diocèse de Cracovie; Abraham, Documents du
Vatican sur la Pologne au moyen âge; Textes sur le mode de célébrer
le mariage, tirés des reg. des offic. de Cracovie et de Lublin; Règle-
ments destinés aux visiteui s des paroisses ; les Béguines à Sweydnitz en
i332; L'application du droit canon, dans le dioc. de Przemysl ; Ordi-
natio bellicae motionis i5o6, p. p. Blumenstok ; brochure de Stanislas
Mirski sur le cérémonial que doit observer un ambassadeur se rendant
à la cour de Russie, p. p. Korzeniowski). — Dembinski, Rapports de la
France avec le Saint-Siège sous le règne de François II (d'après les
documents des archives nationales et de la Bibl. nat., et d'autres
encore : l'attitude menaçante de la France et ses menaces de convo-
quer un concile national accélérèrent la convocation d'un concile
général). — Smolka, Projet d'une ligue contre les Turcs, i583 (d'après
les archives de Venise et celles du Vatican).
Theologische Literaturzeitung, no 6 ; Margoliouth, An essay on the place
of Ecclesiasticus in Semitic literature (à ne consulter qu'avec réserve).
— H. A. W. Meyer's Krit. exeget. Komm. iiber das Neue Testament,
I, I. — Baljon, Exeget. krit. verhand. over den brief van Paulus aaa
de Galatiërs (soignél. — Lightfoot, Essavs on the work entiiled Super-
natural Religion. ■ — Das Muratori' sche Fragment in Versen (Schurerj,
— UsENKR, Sophronii de praesent. domini sermo; Vita S Theodosii a
Cyrille Scvthepelitano scripta ; Vita S. Theodosii abbatis a Theodoro
ep, scripta. — Handb. der theol. Wiss., p. p. Zôekler, 3*^ éd. ; Knoke,
Grundriss der prakt. Theol., 2" éd.
Magazin fur die Litteratur des Inund Auslandes, n" 1 1 : Tavastsjerna, Sonn-
tag vermittag (nouvelle), ubertr. von Joh. Oehquist. — Gisb. F'RErLi-
grath, Gedichte von Alg. Ch. Swinburne. — Kaberlin, Jenseits von
Schôn und Hilsslich. — Dresdner, Spielhagens Lebenserinnerungen
(fin). — H. Heinrich, Camilla-K. Erdmann, Wundts System der Phi-
losophie. — Grûn, Prager Bûhnen brief.
— N" 12 : Franco, Das Datum, Novellette, ubertr. von L. v. Asten.
— Eckstein, Aphorismen. — Kaberlin, Jenseits von Schôn und Hàs-
slich (tin). — Xanthippus, Pasquino. — A. Leist, Armeniscne Lyrik. —
Von SuTTNER, M. G. Conrad, Die klugen Jungfrauen. — L. Freytag,
Grabschriften und Marterlen. — Te vote, Berliner Biihnenbrief.
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N° 15 Vingt-quatrième année 14 avril 1890
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Melusine, n° 2, mars-avril : La collection internationale de la Tradition
(sur les volumes II, III, IV : Nicolaides, Les livres de divination, trad.
sur un ms. turc inédit ; Veckenstedt, La musique et la danse dans les
traditions des Lithuaniens ; Brauns, Traditions japonaises sur la chan-
son, la musique et la danse, tous trois avec une préface de M. Garnoy.
Manquent d'utilité scientifique, malgré leurs prétentions). — La frater-
nisation, VHI. — L'enfant qui parle avant d'être né. — R. Kôhler, Ne
frapper qu'un seul coup. — Karlowicz, Les deux arbres entrelacés. —
TucHMANN, La fascination, animaux, objets inanimés, divinités, esprits,
âmes. — Les esprits forts de l'antiquité classique XXIV. — Les ser-
ments et les Jurons X. — Bibliographie : Slokt, De Dieren in het ger-
maansche volksgeloof en volksgebruik (ouvrage de mérite). — Bonet-
Maury, Bûrger et les origines anglaises de la ballade littéraire en
Allemagne (cp. Revue n" i). — Demarteau Servais, Le roman des pro-
verbes en action, recueil de 6,5oo proverbes. — De Los Reyes El folk-
lore filipino (sur les llocans, peuple indigène de Luçon ou de Manille).
— L'auteur du compte-rendu de la collection de la Tradition, M. H.
Gaidoz y a joint quelques réflexions à propos d'un article de H. Wein-
HOLD sur les services que doit rendre le folk-lore. « Le folklore demande
plus que ce que MM. les folkloristes peuvent s'imaginer. C'est la mé-
thode qui consiste dans l'étude d'une religion, d'une mythologie, etc.,
non pas à considérer cette chose dans sa cristallisation complète et défi-
nitive, mais à la prendre à ses débuts, depuis son germe, à la suivre à
tous les degrés de son développement, à tenir compte de toutes les in-
fluences qu'elle peut avoir subies, et en même temps à mettre en paral-
lèle, comme illustration du sujet, toutes les formations analogues qui
ont pu se produire chez d'autres peuples ou en d''autres temps, de façon
à déterminer le point de départ psychologique de cette religion, de
cette mythologie, etc. Ces recherches reposent surtout sur l'observation
du peuple et sur les documents d'origine populaire. Mais combien de
nos folkloristes ont assez de critique et d'érudition, ou de patience pour
appliquer cette méthode? Profitant de ce que peu de savants, en France
surtout, s'occupent de ces études, ils se sont jetés dessus, comme des
trappeurs sur une région inhabitée du Far West américain. Et pour
donner de l'importance à ce qu'ils abattaient dans leurs chasses ou trou-
vaient dans leurs expéditions, ils se sont empressés de fonder des socié-
tés, des revues... Le folk-lore est discrédité auprès du peuple savant. Le
spectacle auquel nous assistons est celui d'une agitation vaine et stérile...
Ce n'est pas sans regret que nous voyons des écrivains, jusqu'ici collec-
teurs consciencieux de notre folk-lore, quitter le terrain solide de leurs
enquêtes, pour de grandes questions qu'ils ne sont pas préparés à traiter.
Recueillir et colliger est une chose — et une chose utile, quand elle est
faite avec soin — mais rechercher l'histoire ou essayer la synthèse en est
une autre, et combien plus difficile ! »
Revue de il'instruction publique (supérieure et moyenne) en Belgique,
tome XXXI II, 2° livraison : Société pour le progrés des études philolo-
giques et historiques, 34^ séance, 26 décembre. — Thil-Lorrain, Pierre
l'Hermiteà propos de l'ouvrage de M. Hagenmeyer. — Comptes-ren-
dus : Joh. ScHMiDT, Die Plurarbildungen der indogermanischen Neutra
(cp. Revue, 1889, n» 33). — The Œconomicus of Xenophon, p. p. Hol-
DEN (comme toutes les éditions de H., se distingue par l'abondance et la
sûreté du commentaire, mais ne contient pas de résultats nouveaux). --
— Hartman, Analecta Xenophontea nova (seconde partie qui n'est pas à
la hauteur de la première, plus de prolixité, mais choses intéressantes ei
instructives). — Plessis, Traité de métrique grecque et latine (ne peut
1
se mesurer au point de vue de l'originalité avec le livre de Lucien Mill-
ier, mais l'emporte pour la clarté de l'exposition et le bon arrangement
des matériaux). — L. Lange, Kleine Schriften aus dem Gebiete der clas-
sischen Altertumswissenschaft (suite et fin). — Kraus, Souvenirs d'un
milicien. — Varia (Van Even, Ein Jerlander, Francis O'Hearn, leer-
meester van Daniel O'Gonnell ; bon complément à l'étude de Van Duyse
sur Cats). — Les îles Bahrein et la découverte de M. Bent (De Geule-
neer : M. Bent a découvert dans ces îles que Pline appelle Tylos et
Ptolémée, Tyros et Arados, une vaste nécropole de plusieurs milliers de
tumuli; les tombes présentent une analogie frappante avec les sépultu-
res phéniciennes d'Amrith, de Sardaigne et de Carthage).
The Academy, n» 934 : Fyffe, A history of modem Europa, vol. IIL
(Récit bien composé; les faits militaires faiblement décrits ; jugements
quelquefois partiaux.) — Hallett, A thousand miles on an éléphant in
the Shan States. — Van Dyke, The poetry of Tennyson. — Classical
schoolbooks. (Livres de Hartel, Schenkl, Hensell, Scheindler, Ey-
MER.) — Mictis. (J. Taylor.) — Chaucer's référence to Diogenes. (Skeat.)
— Canynge and Rowley. (J. Taylor et Moyes.) — A legend of Abraham.
(Jacobs.) — The daims of Hobbes to the Darwinian struggle for life.
(Fergus.) — Caird, The critical philosophy of Immanuel Kant. (Très
remarquable.) — Letier from Egypt. (Sayce.)
The Athenaeum, n° SaSy : Anderson, English intercourse with Siam in
the seventeenLh century (intéressant et curieux), — Lady Wilde, An-
cient cures, charms and usages of Ireland, contributions to Irish lore.
— Aeschylus, Agamemnon, p. p. Verrall; Supplices, p. p. Tucker. —
The Register Booke of Inglebye juxta Grenhow since the yeare i53g
p. p. Blackburne. — The Rutland correspondence. (Fitz Patrick.) —
The source of The Ancient Mariner. (Samuel.) — The supposed uncial
codex at Damascus. (Lambros.) — The Paston mss.
Literarisches Centralblatt, n° 14 : Theol. Jahresbericht, Vlll, p. p. Lip-
sius (cp. Revue, 1889, n" 52). - Harnack, Grundriss der Dogmengesch.
— Krause, Abriss der Philosophie der Geschichte, p. p. Hohlfeld u.
WiiNscHE. — Hensel, Ethisches Wissen u. ethisches Handeln (cp.
Revue^ 1889, no4i). — Michel, Die rômische Kirche, ihre Einwirkung
auf die germanischen Stiimme u, das deutsche Volk (anthologie de tra-
vaux populaires et de citations bibliques). — Baasch, Forschungen zur
hamburg. Handelsgesch. L Die Islandfahrt der Deutschen, namentl.
der Hamburger, XV-XVII Jahrh. (digne d'attention). — Urkundenbuch
des Klosters Paulinzelle, I, 1068-1314, p. p. Anemuller. — Abd-el-
Rahman, el Djabani, Merveilles biogr. et histor. ou chron. trad. de
l'arabe par Mansour Bey, Abdulaziz Bey, G. N. Kahil Bey et Iskender
Ammoun Efîendi, II et III. — Seler, Reisebriefe aus Mexico. — Rich.
ScHRÔDER, Lehrbuch der deutschen Rechtsgeschichte (très bien fait et
répond à un besoin scientifique depuis longtemps ressenti). — Giinther,
Die Idée der Wiedervergeltung in der Gesch. u. Philos, des Straf-
rechts, I. Die Culturvôlker des Altertums u. das deutsche Recht bis zur
Carolina (bon). — G. Abel, Ueber Wechselbeziehungen der àgypt.,
indoeurop. u. semit. Etymologie, I (ne connaît pas les lois de la
phonétique ou ne s'en soucie pas). — Lambros, Gâtai, des mss. des
bibliothèques du mont Athos, I. (Entreprise très utile et qu'il faut sou-
tenir). — ScmppER, Englische metrik in histor. u. System. Entwickl.
dargestellt. II, Neuengl. metrik, 2. Strophenbau (très méritoire). ~
Heinzk u. GoETTE, Gcsch. der deutschen Literatur von Gœthe's Tode
bis zur Gegenwart (court, exact, tourne trop à la nomenclature).
Deutsche Litteraturzeilung, n° i 2 : Soden, Der Brief des Apostels Paulus
an die Philipper.— Walther, Wiss. oder Christ, (cp. Revue, n" i5). —
Catal. cod. graec. in bibl. urb : Vratisl. — Nedschib Sallum, Trauerode
auf deii Tod des deutschen Kaisers Wilhelm I, im transcr. Urtext lirsg.
aus dem Arab. lus Deutsche ubertr. von C. Lang (M. L. aurait mieux
fait de ne rien publier). — Œdip. Col., p. p. Wkcklein (très bon). —
RecivZky, Gramm. u. rliet. Stell. des Adjectivums bei den Annalisten,
Caio u. Sallust (clair et très estimable). — Jobst, Goethes relig. Ent-
wick. II, 1 770-1780 (un peu court, mais à approuver). — Psaltirea
Scheiana, 1482, p. p. Bianu, I. — Cod. diplom. Saxoniae regiae, I, 2,
p. p. PossE, et Die Siegel der Wettiner bis 1324U. der Landgr. von
Thûringen bis 1247. — Rochechouart, Souvenirs (cp. Revue, 1889,
n° 43). — MoHR, Die Kirchen von Kôln, ihre Gesch. u. Kunstdenkm.
(cicérone instruit, mais difficile à suivre). — Schultze, Gesch. der
preuss. Regierverwaltung 1766-1786, I (très intéressant et profondé-
ment étudié, pèche un peu par la forme). — Gesellsch. fur deutsche
Liter. (ig février).
N° f 3 : DrcIscke, Ges. patristische Untersuchungen. — Meister, Die
griech. Dialecte, il, Eleisch, Arkadisch, Kyprisch; Smyth, The Arcado-
Cyprian Dialect(M. prête beaucoup à la critique; S. n'a rien de nou-
veau. — T. Livi IV, 26-3o, p. p. Luchs (apparat court et complet). —
Sutterlin, Gesch. der nomina agentis im German. (insuffisant). — Bûl-
bring, Gesch. der Ablaute der starken Zeitwôrier innerhalb des Siid-
engl. (soigné). — Sybel, Die Begrûnd. des deutschen Reiches durch
Wilhelm 1, i-3 (fait avec art, et que de détails jusqu'ici inconnus; à
noter le jugement sur Fr. Guillaume IV). — Karten von Attika, Bl.
XVI-XIX. — Die Mannheimer Biihnenbearb. des Gôtz, p. p. Kilian
(intéressant). — Landsberg, Die Quaest. des Azo (i''" et très méritoire
édition). — Lammert, Gesch. der Seuchen, Hunger := u. Kriegsnot zur
Zeit des dreissigjiihr. Krieges (curieux et bien fait).
Gœttingische gelehrte Anzeigen, n» 6 : Fustel de Ccl'langes, Hist. des ins-
titutions politiques de l'ancienne France, la monarchie franque (long
article de Sickei, p. 209-248 : « œuvre d'un esprit original, d'unchercheur
solitaire, insensible au travail d'autrui, orgueilleusement obstiné dans
son jugement, familier avec les sources, comme le sont peu d'historiens,
abondant en pensées fécondes et, avec tout son détail, tellement incom-
plet qu'il laisse de côté de nombreux côtés de la vie de l'état; il cherche
la vérité à lui seul et la trouve par conséquent plus difficilement que
ceux qui se tiennent au courant de la littérature »).
Deutsche Rundschau, avril : G Adler, Der internationale Arbeiter-
schutz. - G. Brandes, Aristocratischer Radicalismus, eine Abhandlung
ûber Fr. Nietzsche. — Rodenberg, Dingelstedt, Blâtter aus seinem
Nachlass, mit Randbemerk. VI : Der Kosmopol. Nachtwachter u.
Geheime Rath, 1841-1851, III. Stuttgart. — Cohn, Dr. Laurentius
Scholz von Rosenau, ein Arzt u. Botaniker der Renaissance. — Zur
Erinnerung an Andrassy. — Karl Frenzel. — Neue Pomane u. Novel-
len. [W, Bôlsche.) — Literarische Notizen u. Neuigkeiten.
Magazin fur die Literatur des In-tind Auslandes, n° i3 : Kaberlin, Kar!
Bleibtreu. — Fastenrath, Catalanische Poésie (nach Apeles Mestres,
Manel Mila y Fontanals, Francesch Matheu u. Bartomen Ferra.) —
Xanthippus, Gabriele d'Armunzio, der letzte Romantiker Italiens. —
Theodor Opitz, Ueber What Whitman. — D. R. Das franz. Elément
in Kanada. — Wichmann, Deutsch-Ungarisches. — Tovote, Berliner
BiJhnenbrief.
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N® 16 Vingt-quatrième année 21 avril 1890
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Revue rétrospective, i^"'' avril : La famille d'Oiiéans dans les prisons de
Marseille, 1793 (documents et notes communiqués par M. Fred. Dol-
LiKULE. Archives des Bouches-du-Rhône, série L.) : 1° Ordres d'arres-
tation. Emprisonnement du duc de Montpensier, fils du duc d'Orléans;
— 2" Translation des prisonniers dans le fort de Notre-Dame de la
Garde; — 3° Lettres et interroi^atoires. — La Revue publiera prochai-
nement les Mémoires inédits d'Hippolyte Auger, romancier et auteur
dramatique, 1 796-1 881.
The Academy, n° 935 : Havelock Elus, The new spirit (volumes d'es-
sais pleins de fraîcheur et de sincérité sur Diderot, Heine, Walt Whit-
man, Henrik Ibsen, Tolstoï). — Maccarthy, A history of the four|Geor-
ges, vol. II (introduction populaire à l'histoire de l'Angleterre sous
Georges II). — A sixteenth-century treatise on the globes : Hue's Trea-
tise on the globes, p. p. Markham; Sailing directions, from a fifteenth
century ms, p. p. Gairdner and Morgan. — Current theology : Ball,
The prophecies of Jeremiah, witn a sketch of his life and times; Orelli,
The prophecies of Jeremiah, transi. ; Forbes, The servant of the Lord
in Isaiah XL-LXVI reclaimed to Isaiah as the autor from argument,
structure and date; Delitzsch, Biblical comnientary on the Psalms,
transi. III; Mozley, David in the Psalms; The Psalms in greek accor-
ding to the Septuaginta, p. p. Swetk. — Chaucer''s story of the mad
cow (Skeat). — Slavonic place-names inGermany (Krebs). — The origi-
nal of Leiçarraga's Basque New Testament (Dogson), — The philosophy
of the Mazdayasnian religion under the Sassanids, transi, from. the
French of Casartelli by Firoz Jamaspji Dastur Jamasp Asa. — Exca-
vations in the Fayum (Pétrie). — The Gangkee Tiger (Barton). —
Edwards, Idols of the French stage, 2 volumes.
The Athenaeum, n" 325 8 : Stubbs, The history of the University of
Dublin, from its foundation to the end of the eighteenth century bon
travail). — Nichol, Francis Bacon, his life and philosophy. — Sir Fre-
derick YouNG, A winter tour in South Africa. — Vernon, Readings on
the Purgatorio of Dante, chiefîybased on the commentary of Benvenuto
da Imola. — Early Christian literature : Resch, Agrapha, aussercanon.
Evangelienfragmente; J. Werner, Der Paulinismus des Irenaeus. —
The New Code. — Mr. Gladstone moiiel library. — Jahrbuch der kô-
niglich preussischen Sammlungen, volume X. — Coleridge's Osorio
and Remorse
Literarisches Centralblatt, n° i5 : Hand-Commentar zum Neuen Testa-
ment, I. Die Synoptiker, die Apostelgeschichie, bearb. von Holtzmann,
1-3. (entreprise que tous les théologiens doivent saluer avec joie;. —
Resch, Agrapha, ausserordentl. Evangelienfragmente, gesamm. u. un-
tersucht ; anhang, das Evangelienfragment von Fajum, von Ad. Har-
NACK. (Travail remarquable, préparé et exécuté avec soin à tous égards.)
— Hansen, Die drei Bevôlkerungsstufen, ein Versuch, die Ursachen fur
das Bliihen u. Altern der Vôlker, nachgewiesen (beaucoup de vérités et
de paradoxes, de pensées fécondes et de fausses conclusions). — Stolzel,
Fûnizehn Vortrilge ans der brandenburg-preussischen Rechts = uiid
Staatsgeschichte (des choses nouvelles). -^ Majunke, Gesch. des Kultur-
kampfes in Preussen-Deutschland, wohifeile Volksaufgabe (« Wust von
Unsinn, amas d'absurdités, d'ailleurs assaisonné pour des palais ordi-
naires par une incroyable grossièreté de la langue; espérons qu'avec
l'actuel apaisem.ent des passions, ce livre ne sera regardé que pour ce
qu'il est : l'essai hardi d'un homme — dont on s'est servi comme de
bélier dans le combat et qu'on a mis de côté — de rappeler à la mé-
i\
moire une triste période de Thistoire d'Allemagne où des grandeurs sem-
blables maintenant oubliées ont pu jouer un rôle! ») — Junker, Reisen
in Africa 1 8-5- 1886, I. — Exner, Die franz. Armée in Krieg und Frie-
den (livre très méritoire]. — Peters, Aus pharmaceutischer Vorzeit in
Wort u. Bild. - Ott, Die Tabula juris der klosterbibliothek zu Ray-
gern, ein Beitrag zur Literaturgesch. des canon, Rechtes im XIII Jahrh.
— SoLTAU, Zur Erkl. der in punischer Sprache gehalt. Reden des Hanno
im V Act der Kom. Poenulus von Plautus (on lit p. 17 que « don » si-
gnifie en phénicien seigneur, sieur, et qu'il est encore usité en Espagne ;
ab uno disce omnes). — Bachmann, Die philosophie des Neopythagorers
Secundus, ling. phil. Studie(bon). — Muhammed, Monsieur Jourdain,
der pariser Botaniker, im Qarabag, pers. Text mit deutschen Uebers.,
Anmerk. u. voUst. Wôrterbuch, p. p. Wahrmund (instructit). — Plu-
tarchi Chaeronensis moralia, p. p. Bernardakis, II (très louable). —
BiRCH-HiRscHFELD, Gesch. der franz. Liter. I. Das Zeitalter der Renais-
sance (remarquable). — Jensen, Die Kosmologie der Babylonie, Studien
u. Materialien (de très grande valeur).
Deutsche Litteraturzeitung, n^ 14, 5 avril : W. Moeller, Lehrbuch der
Kirchengesch. I. — Oswald, Angelogie. — Brasch, Welt-und Lebens-
anschauung Fr. Ueberwegs. — Matzat, Die Ueberf. der gelehrten Fâ-
cher u. die Schulreformfrage. — Catal. de la bibl. Chauffour, p. p.
Waltz (excellent ouvrage, déjà loué ici-même . — Dutt, A history of
civilization in ancient India, based on Sanscrit literature, in 3 volumes.
Vol. I, Vedic and Epie Ages. Vol. II, Rationalistic Age (plein d'erreurs,
mais travail d'un Hindou cultivé et qui a le sens his[orique et traite
particulièrement du bouddhisme avec clarté et impartialité). — Wila-
MowiTZ-MôLLENDORFF, Euripidcs' Herakles, I, Einleitung in die at-
tische Tragoedie; II, Text und Gommentar (une foule de résultats nou-
veaux, travail savant et plein d'esprit que le critique juge admirable et
très instructif pour tous les philologues). — Max Hirschfeld, Unter-
suchungen zur Lokasenna (important). — Paléologue, Vauvenargues
(tait avec soin et amour). — Anonymi gesta Francorum et alioruni
Hierosolymitanorum, p. p. Hagenmeyer (très méritoire et enfin satis-
faisante publication). — Duc d'Orléans, Lettres. — Buchholtz, Aus
dem Oldenburger Lande. — Gonway, Literay remains of A. Durer. —
Mommsen, Romisches Staatsrecht, I, II, III (occupe dans la littérature
une place très considérable, et, en son ensemble, offre une base stàre ; est
même définitif, d'après l'état actuel de notre savoir : le progrès ne ces-
sera pas, mais ne peut plus s'atfirmer que dans des monographies ; jus-
qu'à ce qu'on ait abondamment rassemblé de nouveaux matériaux, pour
ne pas faire regarder comme superflu un nouveau travail d'ensemble
sur tout le domaine, il se passera bien des dizaines d'années) — H. v.
Mondeville, Anatomie, i3o4, p. p. Pagel. — Zuns, Der Wucher auf
dem Lande. — Buchard, Torpilles et torpilleurs. — Spielhagen, Fin-
deru. Erfinder. Erinner. aus meinem Leben, I. — Verein fiir die Gesch.
der Mark Brandenburg, 12 mars,
Majazin fiir die Litterakr des In-iind Auslandes, n° 14 : Harden, Die Freie
Biihne in Berlin. — Silesius, Von Richard Wagner zur Mûnchner
Shakspeare-Bûhne. — Stempel, Erstauffûhrungen Shakspearescher
Dramen in Deutschland. — Balazs, Nacht und Morgen (aus dem ma-
gyar, von KoHUT, — D. AsHER, Fine Bemerkung zu Gesamm. Abhand-
lungen von Dr. Alex. Schmid.— -Le rédacteuren chef du journal, M. de
Schlieben, a donné sa démission; le Magazin a été vendu à MM. Al-
fred Stossel, et W. de Reiswitz, qui en prennent la direction ; il pa-
aît toujours chez Téditeur Ehlermann, de Dresde,
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BERGER (Ph.). Inscriptions céramiques de la nécropole punique
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BLONDEL (Spire). L'art capillaire dans l'Inde, à la Chine et au Japon.
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BONNET (d'"). Les gravures sur roches du Sud oranais. In-8. . i fr.
CARTON (d'') . Les nécropoles païennes de BuUa-Regia. In-8,'
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CASTAN(A.). Deux épitaphes romaines de femmes ayant fait partie de
l'avenue sépulcrale de Vesontio In-8 i fr. 5o
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Tonkin. In-8 i fr. 5o
GUILLEMAUD (J.). Les inscriptions gauloises, nouvel essai d'inter-
prétation, 2 articles. In-8, chaque 2 fr.
LA BLANCHÈRE (R. de). L'art provincial dans l'Afrique romaine.
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LECHAT (H.). Tête en marbre du musée de l'Acropole d'Athènes. In-8,
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LORET (Cl.). Recherches sur l'orgue hydraulique. In-8, illust. 2 fr.
MELY(F. de). Les reliques du lait de la Vierge et la galactite. In-8. i fr.
MENANT (J.\ Le cylindre de Urkham au musée Britannique, In-8,
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MONCEAUX (P.; et V. LALOUX. Restauration des frontons d'Olyra-
pie. ln-8, avec 3 planches 2 fr. 5oj
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travaux de H, Sommier, ln-8, fig 2 fr.f
SAYCE (A,-H.). Les tablettes cunéiformes de Tel-El-Amarna, trad.I
par S. Reinach. In-8 i fr. 5c|
WAILLE (V.). Note sur le Promélhée du musée de Cherchell. In-8|
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N° 17 Vingt- quatrième année 28 avril 1890
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PÉRIODIQUES
Bulletin du cercle Saint-Simon (Société historique), 1890, n° i, janvier-
mars : Réunion du jeudi 20 lévrier; banquet offert à MM. de Vogué,
A. Sorel et E. Haniy. — Gontérences : Abraham Dreyfus, Les colla-
borateurs d'Alex. Dumas fils; H. Joly, Les jeunes criminels parisiens;
FoNCiN, L'Algérie et la Tunisie au Congrès Colonial national; A. Le-
FRANC, Les origines du Collège de France.
La Révolution française, n" 10, 14 avril : Bizos, La comédie littéraire
sous la Kévolution. — Lemas, Ignace de Cazeneuve, évéque et conven-
tionnel. — AuLARD, La diplomatie du premier Comité de salut public,
Allemagne. — Les adhésions aux Bourbons en 1814. — Barroux, Acte
de naissance de Condorcet. — Bibliographie : Charavay, L'assemblée
électorale de Paris; Du Bled, Les causeurs de la Révolution; Marquis
de Villeneuve, Charles X et Louis XIX; Vallat, Etudes d'histoire, de
mœurs et d'art musical sur la tin du xvin« siècle et la première moitié
du XIX* siècle, d'après des documents inédits (ce volume n'est qu'une
biographie du violoniste Alexandre Boucher, et manque un peu de
rigueur critique; mais il est bien amusant).
The Academy, n» 986 : Sharp, Life of Robert Browning (contient tout
ce qu'on doit savoir, mais tait avec un peu de promptitude et de hâte).
— Corresp. between William Pitt and Charles duke of Rutland, lord-
lieutenant of Ireland, 1781-1787, with an introd. note by John duke of
Rutland. — W^arner, Studies in the South and West, with comments
on Canada. — Some books on économies. — Mr. Campkin (not. né-
crol.). — Mary Louisa Boyle (not. nécrol.). — Newly discovered mss.
of Giordano Bruno (découvertes faites par M. R. Stolzle à la bibliothè-
que d'Augsbourg). — The relations between Dante and Béatrice (Tora-
linson). — The verb mean to moan (Skeat). — Chaucer's story of ik
mad cow (Rhys Davids). - — Conradi Hirsaugensis dialogus super auc-
tores sive didascalon, p. p. Schepss (cp. Revue, n° i5;.
The Athenaetim, n° 3259 : Hurlbert, France and the Republic. —
Thornton, The Stuart dynasty, short studies ot its rise, course and
early exile (portraits qui ressemblent à ceux de la galerie d'Holyrood;
ils se l'essemblent, mais ils ne ressemblent pas aux originaux). —
Giffen, The growth of capital. — Venn, The principles of empirical
or inductive logic. — Dickson and Edmond, Annals of Scotish printing
from the introd. of the art in iSoy to the beginning of the XVII cen-
tury (méritoire), — Register of the Abtey of St. Thomas, Dublin, p. p
Gilbert. — Miss Bayle (W^atts). — Thomas Guy, Peter Parker ant
the University of Oxford, II (Bettany). — The Dict. of National Bio
graphy (liste des futurs articles de Kiallmark à Knight). — The nex
Oriental Congress. — Bishop Callaway.
Literarisches Centralblatt, n" 16 : Watke's Religionsphilosophie, p. p
Preiss. — Bruck, Gesch. der kathol. Kirche in Deutschland, IL -
Krause, Zur Gesch. der neueren philos. Système, p. p. Hohlfeld u
WûNscHE. — Hack Tuke, Gcist u. Korper. — Von Heyden, Die Trach
der Culturvôlker Europas vom Zeitalter Homer's bis zum Beginne de
XIX Jahrh.; Quincke, Katechismus der Costûmkunde (le travail d
Heyden est un manuel scientifique dans le meilleur sens du mot et ser
consulté avec grand profit; celui de Quincke est surtout utile à l'acteur
— Heigel, Der Umschwung der bayerischen Politik 1 679-1 683 (éclaii
cissements de grand intérêt). — M. Carrière, Lebensbilder (reçue
d'études éparses et aujourd'hui réunies, à notre grand contentement). -
Orosius, p, p. Zangemeister. — Knust, Gesch. der Legenden der i
Katharina von Alexandrien u. der h. Maria Aegyptiaca nebst unediei
tem Text (très estimable contribution à l'iiistoire de la littérature 'géné-
rale du moyen âge). — Index lect. quae in Univers. Freib. habeb. i.
Carmen francogallicum, p. p. Bedier ; 2. Streitberg, De comparativis
german. comm. (Bédier publie le Lai de l'ombre, petit poènie de
962 vers, d'après six mss. et son travail est très bien fait. — Streitberg
a voué d'excellentes recherches aux comparatifs germaniques en — ôs).
— - Verzeichnis altd. Hschr. von Keller, p. p. Sievehs (toujours la même
exactitude et netteté). — Noreen, Utkast till fôrelasningar i urgerma-
nisk judlara, etc. (très remarquable, court, concis et clair). — Condivi,
Leben des Michelangelo Buonaroiti, aus dem italienischen.
Deutsche Litteraturzeitung, n» i5 : Sôder, Biblische Parallelberichte. —
Laistner, Das Riitsel der Sphinx, (malgré les critiques et quel que soit
le point de vue du lecteur, l'ouvrage est très instructif et suggestif). —
L. Fischer, Grundriss des Systems der Philosophie als Bestim-
mungslehre. — Poten, Gesch. des Militarerziehungs =: und bildungs-
wesens in den Landen deutscher Zunge. I. AUgem. Uebersicht, Baden,
Baiern, Braunschweig, Colmar. — J. Barth, Die Nominalbildung in
den semitischen Sprachen, I, Die schlichten Nomina. (système que le
critique ne repousse pas, mais qu''il accueille avec réserve et doute). —
Ausonii opuscula, p. p. Peiper; Ausonii Mosella, p. p. De La Ville
DE MiRMONT (le travail de Piper offre, à côté de beaucoup de choses
inutiles et manquées, quelques bonnes conjectures; le travail français
est superbement édité, mais donne prise à de nombreuses critiques; cp.
Revue, n» jo). — Gœthes diei letzte Lebenstage, die Handschrift eines
Augenzeugen hrsg. von Holsten. — Birch-Hirschfeld, Gesch. derfranz.
Liter. seitAnfang des XVI Jahrh. I. Renaissance (intéressant et impor-
tant, cp. Revue, n» 11). — Seeliger, Erzkanzier u. Reichskanzleien,
(Soigné). — Cherbuliez, Profils étrangers (d'après le critique qui goûte
surtout les études sur la famille Buchholtz, sur un missionnaire écossais,
sur Louis II de Bavière, sur Lord Beaconsfield, sur Charles Gordon,
Cn. sait marquer les traits caractéristiques de la vie nationale des peu-
ples étrangers, il comprend et connaît PAUemagne, mais il « est en
politique sur un chemin décidément faux »). — Bau-und Kunstdenk-
miiler Thûringens, p. p. Lehfeldt, VI, Sachsen Meiningen, Saalfeld.
— DiETZEL, Karl Rodbertus, Darst. seines Lebens u. seiner Lehre, II.
Socialphilosophie. — Archàol. Gesellschaft zu Berlin, 4 mars.
— N" 16 : Perthes' Handlexikon fiir evangel. Theologen, 1-8. —
'WiiNSCHE, Der babylon. Talmud in seinen haggad. Bestandteilen ubers.
II, 4. — Phadon philosophisch erkl. u. durch die spâteren Beweise fur
die Unsterblichkeit erganzt von J. Baumann. — Reinisch, Die Kunama-
sprache in Nordostafrika, IL — Groeger, De Argonauticarum fabula-
rum hist. quaest. sel. (petit livre absurde). — "Wilmanns, Beitr. zur
Gesch. der ait. deutschen Liter. IV, Untersuch. zur mhd. Metrik
(recherches d'ensemble très sagaces aux résultats parfois intenables,
mais souvent très féconds). - Soltau, Die rom. Amtsjahre auf ihren
natûrl, Zeiwert reducirt et Romische Chronologie (tout cela ne peut
être recommandé aux étudiants et amis de l'antiquité ; mais, malgré ses
défauts et ses erreurs, l'œuvre est utile, elle renferme quelques pensées
saines; détaillée et pleine de choses comme elle est, c'est un répertoire
de toutes les tentatives qui ont été faites dans ces dernières années pour
la solution des problèmes de la chronologie romaine). — Urkundenbuch
der Stadt lena. u. ihrer geistlichen Anstalten, I, 1 182-1405, p. p.
J. E. A. Martin. — The constitutional documents of the Puritan Révo-
lution 1628-1660 p. p. S. R. Gardiner. — Stanleys Briefe iiber Emin
Paschas Befreiung p. p. Keltie u. W^obeser ; la délivrance d'Emin
Pacha. — GaedertZ; Gœthe u. Maler Kolbe. — H.achenburg, Die
besondere Streitgenossenschaft. — Manche, Die brand. preuss. Reiterei
seit der Zeit des Grossen Kuiiûrsten, (rien de nouveau et de bien remar-
quable). — Gesellschatt fur deutsche Literatur, 19 mars.
Berliner philologiscbe Wochenschrift, n° i3 : Prof. Niemann ûber Troja.
— Agrapha, aussercanonische Evangelienfragmente, gesammelt u.
untersucht von Resch; Anhang, das Evangelienfragm. von Fajj'um,
von Ad. Harnack. — Fourer, Ephemerides Caesarianae rerum inde
ab ineunte bello Africano usque ad extremum bellum Hispanense
gestarum (assez bon). — G. Plinii Caecilii Secundi Epistulae ad Traja-
num imperatorem cum ejusdem responsis, p. p. Hardy (très instructif).
— Conradi Hirsaugiensis dialogus super auctores sive didascalon, eine
Littcraturgescli von dem XII Jahrh., p. p. Schepss (cp. le numéro i5
de la Revue critique). — Schreiber, Ûie hellenistischen Reliefbilder,erste
Lieferung, Tafel I-X très remarquable publication, important pour Jes
philologues et aussi pour les artistes). — Cocchia, I Romani aile Forche
Caudine-, Stûrenburg, Zu den Schiachtfeldern am Trasimenischen See
und in den Gaudinischen Pilssen (deux bons travaux; celui de Gocchia
est solide et sûr; la belle carte, très soignée, de Stûrenburg sert à le
confirmer ; la défaite des Romains a eu lieu entre Arienzo et Arpaja). —
G. Ad. MûLLER, Pontius Pilatus, der tûnfte Prokurator von Judeaa und
Richter Jesu von Nazareth, mit einem Anhang « die Sagen ûber Pila-
tus » u. einem Verzeichnis der Pilatus-Litteratur (habilement écrit,
mais c'est la seule louange qu'on puisse donner à ce travail). — Otto
Richter, Topographie von Rom (excellent : à la fois exact et attachant,
offre sous une forme concise tout ce qu'il faut savoir, jugement sain).
— N014: Prof. Niemann ûber Troja, II. — Troost, Inhaltu. Echtheit
der Platon. Dialoge aufGrund log. Analyse, I. Die UnechtheitdesChar-
mides (n'est pas convaincant). — L. von Sybel, Piatons Technik, an
Symposion u. Euthydern nachgewiesen (nouvelle découverte!).— R. von
ScALA, Die Sludien des Polybios, I (livre attachant; vaste savoir, larges
points de vue, exposition vivante). — Fabia, Les prologues de Térence
(l'impression d'ensemble est favorable, cp. le n° 27 de la Revue a^itique,
1889). — Peregrinatio ad loca sancta, saeculi iv ineuntis, édita, rossice
versa, notis illustrata a Pomialowsky (rendra de grands services). — f
OcciONi, Storia délia litteratura italiana compendiata ad uso dei lycei.
— A. ScHAEFER, Abriss der Quellenkunde der griech. u. rom. Gesch.
I, bis au! Polybios, 4" Aufl., p. p. Nissen. — H. Macmillan, Roman
mosaics or studies in Rome and its neighbourhood (rien de nouveau).
— P1ETR0GRANDE, Ateste nella milizia impériale (intéressant). — Schu-
LiN, Lehrbuch der Geschichte des rômischen Reiches (manque de pro-
fondeur scientifique et trop de suppositions fantaisistes). — Jahr u.
WuLFF. Uebungsbuch zum Uebers. fur Quarta. — Ph. Mayer, Die
kulturhistor. Entwickel. Deutschlands in der zweiten Hàlfte des XVI
Jahrh. in besond. Bezugnahme auf die sachs Lande, bearb. von Carii:s
(petit écrit assez bon). — Zur Isylloshandschrift (A. Ludwich : fin).
Magazin fiir die Litteratur des In-und Auslandes, n<" i5 : Tovote, Berliner
Bûhnenbriet. — Silesius, Von Richard Wagner zur Mûnchner Shak-
speare-Bûhne (fin). — Stempel, Erstauffiihrungen Shakspearescher Dra-
men in Deutschland (fin). — Keller-Jordan, Einiges ûber altmexikan.
Gebrauche, Ritos u. Gewohnheiien. — Ch. Bartsch, Dainu Baisai
(besprochen von L. Freytag). —Alex. Balazs, Nacht und Morgen (aus
dem magyar, von Ad. Kohut, suite).
Le Fuy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
NO 13 Vingt-quatrième année 5 mai 1890
REVUE CRITiQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
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Directeur : A. CHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 2S).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire), les livres dont ils
désirent un compte -rendu.
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De feu M. Pavet de Courteille
Membre de l'Institut, professeur au Collège de France.
Vente les 22, 23, 24 mai.
PERIODIQUES
r
Aunales de TEcole libre des sciences politiques, n° 2, i5 avril : Chr. Sche-
FER, Louis XIV et Charles XII, I. La mission du comte de Guiscard.
— PoiNSARD, Le crédit public et les emprunts sous le Consulat et l'Em-
pire. — P. Matter, La constitution hongroise, 1861-1889, suite et fin.
— Marge, La cour des comptes italienne — D'Aubigny, L'affaire de
Port d'Egmont, la chute de Choiseul. — Borgeaud, Premiers program-
mes de la démocratie moderne en Angleterre 1 647- 1 649. — Ledoux, L'or-
ganisation du travail dans les mines et pariiculieremeut dans les houil-
lères. — Comptes-rendus : Vie. de Meaux, La Réforme et la politique
française en Europe jusqu'à la paix de Westphalie. — Lyon-Gaen et Re-
nault, Traité de de droit commercial. — Cherbuliez, Profils étrangers
— Costa de Beauregard, La jeunesse de Charles Albert. (Cp. Revue^
1889, n»23.)
Annales de l'Est, n^ 2, avril 1899: Campaux, De la critique du texte
d'Horace avant Peerlkamp (suite). — Debidour, Le général Fabvier
(suite). — Nerlinger, Pierre de Hagenbach et la domination bourgui-
gnonne en Alsace (suite). — Pfister, L'évêque Frothaire de Toul. —
Variétés : Une lettre inédite de saint Vincent de Paul. — Comptes-
rendiis : Bleicher, Les Vosges, le sol et les habitants (très boni. — Le-
PAGE, Inventaire sommaire des archives départ, de Meurthe-et-Moselle,
Tables des noms de personnes. — Ch. Schmidt, Strassburger Gassen-
und Hiiusernamen; Michael Schiitz gen. Toxites (cp. Revue, 1889,
n° 41). — Kaeppelin, Colmar de 18 14 à 1871. — Debidour, Les Chro-
niqueuis, Il (cp, Revue, iv^ g). — Graux et A. Martin, Notices som-
maires des mss. grecs de Suède, — G. Thomas, Du Danube à la Bal-
tique.
Annales du Midi, n° 6, avril 1890 : Prou, Peiresc et la numismatique
mérovingienne. — Douais, Les ms. du château de Merville (suite)
A. Thomas, Rodrigue de Villandrando en Rouergue. — Mélanges et\
documents : Une relation inédite de Tescalade de Genève, i682(Léonl
G. Pélissier). — Comptes-rendus : Sternfeld, Karl von Anjou als Grafl
der Provence (cp. Revue, 1809, n° 2 5). — Eyssette, Hist. admin. dej
Beaucaire (cp. Revue, n» 9). — Coville, De Jacobi Magni vita et ope-
ribus (Fauteur a tiré bon parti de son sujet). — Chavernac, Hist. de'
Puniversité d'Aix, I (de la bonne volonté, mais rien de plus), — Auriol,
La défense du Var et le passage des Alpes (cp. Revue, n° 12). — Mu-
gnier, Le théâtre en Savoie (utile).
Bulletin critique, n° 7 : Catal. cod. hagiogr. bibliothecae regiae Bruxel-
lensis; catal. cod. hagiogr. latinorum antiq. saeculo XVI qui asservan-
tur in bibl. nat. Parisiensi ; Analecta BoUandiana. — Caro, Mélanges
et portraits, Poètes et romanciers, Pilosophie et philosophes, Variétés
littéraires. — De La Grange et Cloquet, Etudes sur l'art à Tournai et
sur les anciens artistes de cette ville (dépouillement attentif et complet
des archives de Tournai en ce qui concerne l'art et les artistes locaux).
— Kervyn de Lettenhove, Marie Stuart, Pœuvre puritaine, le procès,
le supplice. (T. de L. : « J'oserais affirmer qu'aucun loyal lecteur ne
s'élèvera contre les conclusions de l'éminent historien, tant le faisceau
de ses arguments est d'une force irrésistible, tant l'ensemble de son beau
travail fait rayonner une souveraine lumière au milieu des intrigues
ourdies et des calomnies propagées par une haine qui ne recula devant
aucune extrémité. »)
— N° 8 : Mortet, Etude hist. et arch. sur la cathédrale et le palais
épiscopal de Paris (cp. Revue, 1889, n° 5i). — Abbé Thomas, Les temps
primitifs et les origines religieuses, d'après la Bible et la science (livre
de prudente sagesse et de haute raison]. — Viollet, Hist. des instit.
polit, et admin. de la France, tome 1*"" (i^' article). — Comte de Panisse-
Passis, Les comtes de Tende de la maison de Savoie (très bonnes re-
cherches). — De Maulde La Clavière, Les origines de la Révolution
française au commencement du xvi"" siècle, la veille de la Réforme
(théorie historique contestable, et titre de circonstance; l'auteur a pris
pour modèle le premier volume de Janssen, quMl n'égale pas pour la
largeur de Texposition et la richesse des détails; bon nombre de ren-
seignements curieux puisés à des sources inédites, mais des objections à
faire).
The Academy, n" 987 : Boyd-C arpenter, The permanent éléments of
religion, Bampton lectures for 1887. — Hunter, The marquess of
Dalhousie (de grande valeur]. — Taies and legends from the land of the
tzar, transi, from the original Russian by Edith Hodgetts. — Hissey,
A tour in a phaeton. — Some local historiés : Fishwick, Rochdale;
Rye, Cromer; Baigent and Millard, Basingstoke; Humphreys, Wel-
lington; Peach, Swainswick; Rogers, Yarlington ; Poster, St. Mary,
Whaplode; Montgomery, Kennington). — William Maskell. — John
R. Wise. — Rob. Browning's ancestors (Furnivall). — The Harleian
ms, 7334, Chaucer (Skeat). — Firdusi and the old high-german Lay
of Hildebrand (Krebs), — Chaucer's story of the mad cow (Clouston).
— Cartailhac, La France préhistorique d'après les sépultures et les
monuments (cp. Revue, n^ 48). — New Jaina inscriptions from Ma-
thurâ (Bûhler). — Howorth, Coins and tokens of the English colonies.
— Letter from Egypt (Sayce).
The Athenaeum, n^ 3260 : Col. Davidson, Memoirs of a long life. —
TozER, The islandsofthe Aegean (cp. Revue, n° i3). — Luge, La France
pendant la guerre de Cent Ans, épisodes historiques et vie privée (très
remarquable et plein de détails inédits). — Theological books : Elwin,
The minister of baptism ; Reynolds, Athanasius; Maccoll, Christianity
in relation to science and morals ; Simcox, The language of the New
Testament. — The Dictionary of National Biography (liste des futurs
articles de Knightley à Lansdowne). — Wallis, Notes on some exam-
ples of early Persian lustre ware. — Notes from Athens (Gardner).
The Babylonian and Oriental Record, n^ 4 : J, Halévy, The nation of the
Mards. — Terrien de Lacouperie, The Déluge-Tradition and its re-
mains in ancient China. — Bonavia, Did the Assyrians know the sexes
of the date palms? — Boscawen, Notes on the Assyrian sacred trees.
Magazin fiir die Literatur des Iii-und Auslandes, n^ 16 : Neumann-Hofer,
Berliner Theaterbriefe. — Chotzner, Eine moderne englische Stimme
liber Gœthe in seinem vorgertickteren Alter. — Mehring, Ein neuer
Prophet. — Edgar Poe, Das Colosseum, an Zante (zwei Gedichte libers.
von Wilda). — Balasz, Nacht und Morgen (aus dem magyar, von A.
Kohut).
Bulletin international de rAcadémie des sciences de Cracovie, mars : Winda-
KiEwicz, Poésie lyrique de Sarbiewsky, étude littéraire, (étude sur un
poète qui n'est pas sympathique; mais qui est très curieux à connaître).
— Leges, privilégia et statuta civitatis Cracoviensis, tomus II, 1587-
1696, I, p. p. PiEKOsiNSKi. — OssowsKi, Rapport sur les recherches
palethnologiques de Tannée 1889. — Birkenmayer, Sur un fragm.
d'astronomie ancienne, conservé par Tacite, et son importance pour
Thistoire de cette science (De oratoribus, cap. 16 : Hipparque ne peut
pas être considéré comme celui qui a découvert la précession des équi-
noxeSj puisque ce phénomène n'était pas inconnu aux philosophes
ioniens plusieurs siècles avant lui).
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N" 19 Vingt-quatrième année 12 mai 1890
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Revue de Belgique, i5 avril : Pkrgamkni, l'éloquence politique sous la
Rcvolution. — MiNNAERT, souvenirs de voyage, au Caire. — Schoen-
FELD, TEspagne arabe (dernier article). — Essais et notices : M™^ Clém.
RoYER, un philosophe américain.
The Academy, n*' gSS : Murdock, The reconstruction of Europe. —
Hatch, Towards rields of light, sacred poems ; Memorials of Edwin
Hatch, edited by his brother. — Kroupa, An artist's tour, gleaning and
impressions of travels in North and Central America and the Sandwich
islands. — Molines, Etude sur Alex. Vhiet critique littéraire (fait avec
soin et détail). — The Birds of Aristophanes p. p. Merry, The Iphige-
neia of Aulis p. p. Headlam. Plinv's Letters I and II p. p. Cowan, The
Historiés of Tacitus, Ill-V p. p. Godley, Sélections from Valerius
Maximus p. p. Inge; The Ethics of Aristotle, analysed, annot. and
transi, by Jeyes; Agricola p. p. Schône; KônigOidipus p.p. Schubert.
— Irish items (O' Grady). — The relations between Dante and Béatrice
(Miss Busk). — The etymology of Teuton (Bradley : se rapporterait
au goth. thiuths, bon). — Catal. of the Persian, Turkish, Hindustani,
and Pushtu Manuscripts in the Bodleian library, begun by Prof. Ed.
Sachau, continued, compleied a edited by Ethé, part I, The Persian
Manuscripts. — Etruscan and Libyan divinity names (Rob. Brown,
jun.). — A relie of Naukratis (Am. B. Edwards).
The Athenaeum, n" 3261 ; The life of Carmen Sylva, queen of Rou-
mania, transi, h'om. the German by baroness Deichmann. — Carstensen,
Two summers in Greenland. — I\itchin, Winchester (bon livre d'his-
toire locale). — Barton, History of New South Wales from the records,
vol. I. — Frenchbooks; Paleologue, Vauvenargues (cp. Revue, n" i3);
An. France, la vie littéraire; Yacoub-Pacha, l'instruction publique en,
Egypte (cp. le présent art. de la Revue). — A review of Thackerays.*^
— Benedict of Oxford (Neubauer). — Miss Boyle. — The Dictionary of
National Biographv (liste des futurs art. de Lant à Layton). — Bulga-
rian literature. — The Teacher's Guild. — A fasting man of the sixteenth
century. — The legend of the Briar Rose. — The excavations at Mega-
lopolis (Lorings et Richards).
Literarisches Centralblatt, n" 17 : Dalman, Studien zur biblischen Theol.
Der Gottesname AdonaJ u. seine Gesch. (soin et savoir, réflexion et
grande clarté). — Mûnkel's nachgel. Scnriften. — Gottlob, Aus der
caméra apostolica des XV Jahrh (cp. Revue, n" 9). — Die Verhandl.
Schwedens u. seiner Verbiindelen mit Wallenstein u. dem Kaiser i63i-
1634, p. p. Irmer (beaucoup de docuinents de grand intérêt). — Bie-
DERMANN, 23 Jahre deutscher Gesch. Vom Wiener Congress bis zum
Thronwechsel in Preussen, eine Erganz. nach riickwarts zu des Verf.
3o Jahren deutscher Gesch. I (« ein Volksbuch im besten Sinne »).
— Fkiederichsen, Die dsutschen Seehafen, I. — Burckhardt, Zur
Gesch. der Locatio Conductio. — Rivif.r, Lehrbuch des Vôlkerrechts.
— Philonis Alexandrini libellus de opificio niundi, p. p. Cohn (comble
une lacune). — Taciti Agricola, p. p. Schoene (plus de cent conjectures
nouvelles). — Meyer-Lubke, Grammatik der roman. Sprachen, I,
Lautlehre (œuvre d'nn seul jet qui est au point de vue du sujet et de iaj
méthode à la hauteur de la science). — Judith, p. p. Cook (édité aveQi|
grand soin). — M. Hirschfeld, Untersuchungen zur Lokasenna (tra-'
vail superficiel, l'auteur n'a pas les plus simples éléments de la méthode
philologique et les connaissances les plus nécessaires). — Regel u.
ScHULER, Einfuhr. in das heutige Englisch. — Denkm. griech. u. rom.
Scuiptur, p. p. BuuNN u. Bruckm.ann, Lief. 14-19. — Jahrb. des hohe-
ren Unterrichtswesens in Oesterreich bearb. von Neubauer u. Divis.
m, 1890.
— N» 18 : Seydel, Vom Christentum Ghristî, vier Vortrâge. — Von
DôLLiNGER, Beitnige zur Sektengesch. des Mittelaltérs (cp. Revue, n» 7).
— Harms, Ethik. — Vkrnes, précis dhist. juive depuis les origines jus-
qu'à l'époque persane. (L^auteur ne répète pas ce que les autres ont dit,
et il pense par lui-même; mais son travail ne peut être regardé comme
le résultat réellement mûri d'une recherche sérieuse qui aspire unique-
ment au vrai, et non au nouveau). — P. Viollet, Hist. des instit. polit,
et admin. de la France, 1. (Œuvre d'un savant indépendant et circons-
pect; rien de sec; ensemble artistement composé; l'auteur est maître
de son sujet, il écrit brièvement sans rien oublier d'essentiel et expose
des opinions nouvelles; pour parler comme lui, il est clair et reste
simple, cp. Revue, n" i5). — Necrologia Germaniae, II, i, Dioc. Salis-
burgensis, p. p. Siegm. Herzberg-Fraenkel. — Theoderici de Nyem
de Scismate libri très p. p. Erler (fait avec le meilleur soin). — Proksch,
Die Liter. ûber die venerischen Krankheiten von den ersten Schriften
ûber Syphilis aus dem Ende des XV Jahrh bis 1889. — Saran, Hart-
mann von Aue als Lyriker (sagace et réfléchi). — Von Sosnoksky,
Sprachsunden,eineBlûthenleseausdermodernen deutschen Erzilhlungs-
literatur (trop sévère et pédantesque). — Gaedertz, Gœthe u. Maler
Kolbe (intéressant). — Musen u. Grazien in der Mark, Ged. von
F. A. W. Schmidt, p. p. Geiger (très louable). - Mejer, Wolt" Gœthe,
ein Gedenkblatt (biographie d'un des deux petit-fils du poète, tous deux
écrasés par le nom de leur aïeul). — Boutkowski-Glinka, Petit Mionnet
de poche, i (utile et commode pour les numismates en voyage. —
Schoekfer, De Deli insulae rébus (fait avec application et soin). —
Graul, Die antiken Portriitgem.ïlde aus den Grabstiltten des Faijum.
Deutsche Litterattirzeitung, n° i-j : Weiss, Meyers Comm. zum Mat-
thausevang. S"^ ed . — Blass, Ueber die Aussprache des Griech. 3^ éd. ;
Zachkr, die Aussprache des Griech. — Plauti Menaechmi, p. p. Lowe
u. ScHÔLL. — ScHWEiTZER, Haus Sachs (cp. Revue, 1889, n» 47). —
Italien. Bibliothek, p. p. Ulrich, I, Aehere Novellen (les notes sont
faites avec une grande négligence, beaucoup sont obscures, quelques-
unes fautives, nombreuses tautes d'impression), — Gesch. des Volkes
Israël, II. Stade, Gesch. des vorchristl. Judentums bis zur christl. Zeit;
HoLTZMANN, Das Eudc des jud. Staatswesens u. die Entsteh. des Chris-
tentums (fin d'un owvrage remarquable). — Kaemmel, Deutsche Ge-
schichte (clair et savant exposé en un volume, tâche vaste, tentative
sérieuse et à saluer avec joie). — Rubsam, Joh. Baptista von Taxis, ein
Staatsmann u. Militiir unter Philipp H u. Philipp III, i5 3o-i6io,
nebst einem Excurs : aus der Urzeit der Taxischen Posten, i5o5-i520
(n'est qu'une suite de notes). — J. Schlosser, Die abendl. Klosteran-
lagedes friihen Mittelaltérs (très solide). — Bericht tiber die Arbeiten
der Wiclifgesellschaft (Buddensieg).
Berliner Philologische Wochenschrift, n" i5 : Archaologisches (Mehlis). —
Eine Gefahr u. eine Warnung. — Programme : Butzer, Der lonicus
amaiore; Bindseh,, Einfl. des Klass. Unterrichts auf die Ausb. der
Sprachtertigkeit im Deutschen; G^de, Die lat. Schulgram. von Ellendt-
Seyffert u. Stegmann; Braun, Zur Reform des lat. \Jnterr. ; Tschirch,
Stiftung u. erste Blutezeit der Saldernschen Schule. — Haigh, The
Attic théâtre (très bon travail auquel Dôrpfeld consacre un long art.).
— Odyssey I-IV, p. p. Perrin. — Nageotte, Hist. de la poésie lyrique
ç;recque (fait avec goût et esprit à la façon de Sainte-Beuve). — Frey,
Ausgew. Briefe Ciceros. — Corpus gloss. lat. IV. Glossae codicum
Vaticani 332 1 Sangall. 912 Leid. 67 F. p. p, Goetz. — Runze,
Siudien zur vergl. Religions wiss. T. Sprache u. Religion (éclatante
ignorance au moins en ce qui concerne la mvthologie et l'étymologie).
— Hkrzog, Stuiiien zur Gesch. der griech. Kunst (bon). - Ellinger,
Die antiken Quellen der Staatslehre Machiavellis (veut prouver que
Machiavel doit tout aux anciens, surtout à Polybe, comme Gicéron
philosophe doit tout aux Grecs). — Zum lat. Unterr. : Meissneu, Lat.
phrasaeol.; Tegge, Lat. Schulphrasaeol. ; Lutsch, Lat. Lehr rz und
leseslûcke.
— N" i6 : KiRCHHOFF, Hesiodos' Mahnlieder an Perses (suggestif,
mais n'est pas convaincant). — Platons Apol. des Sokrates u. Griton,
p. p. Ghrist; Republic, X, p. p. Turner; Fedone, p. p. Ferrai. —
Juvenalis, p. p. Weidner (peu recommandable et beaucoup de choses
incomplètes, fausses et flottantes; Téditeur n'est pas assez familier avec
la manière de Juvenal et n'a pas fait les études nécessaires à qui veut
éditer ce poète). — Genethliacon Gottingense, Miscell. philol. — Droy-
sen, Heerwesen u. Kriegfiihrung der Griechen, II (fortifications et ma-
rine). — Archiv fur Liter. u. Kirchengesch. des Mittelalters, p. p.
Denifle u. Ehrle. IV, 4. — G. Meyer, Kurzgef. albanes. Grammatik
mit Lesestûcken u. Glossar. — Paulsen, Das Realgymn. u. die huma-
nistische Bildung. — Die Dauer der Konsulatsjahre (Soltau).
Librairie Française et Etrangère, H. WELTER, rue Bonaparte, 59, PARIS
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laye, lit volume in— t. Niort l-i77-82. (Reliure 35 francs en plus).
Grammaire des Langues romanes. — Par W. MEYER, professeur à l'Univer-
sité d'Iéna. — Traduction française par E. Rabiet, revue par l'auteur.
L'ouvrage formera 3 volume grand in 8. — Le prix de chaque volume sera de 20 francs I
— Le premier volume est en vente.
Le Puy, typographie Mahchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
No 20 Vingt- quatrième année 19 mai 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. CHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire ), les livres dont ils
désirent un compte-rendu.
KRNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
DICTIONNAIRE TURC-FRANCAlS.
Supplément aux Dictionnaires publiés jusqu'à ce jour, renfer-
mant : 1° Les mots d'origine turque; 2° Les mots arabes et
persans employés en osmanli, avec leur signification particulière;
3" Un grand nombre de proverbes et de locutions populaires ;
4" Un vocabulaire géographique, par A. C. Barbier de Meynard,
membre de l'Institut, 2 forts volumes publiés en 8 fascicules. 80 fr.
Le 8^ fascicule terminant cet important ouvrage vient de paraître.
Sixième centenaire de l'Université de Montpellier. \
LES
CONSTRUCTIONS DU PAPE URBAIN V
A Montpellier (1364- 1470)
d'après les Archives secrètes du Vatican
par Eugène Muntz,
Conservateur de l'Ecole nationale des Beaux-Arts.
Brochure in-8, tirée à petit nombre 3 fr.
PÉRIODIQUES
Revue rétrospective, i''''mai ; Corresp. de Villenave et de miss Tasset
(suite). — Les conséquences de la capitulation de Baylen (trad. d'une
brochure en allemand intitulée Carrière militaire d'un lieutenant delà
garde suisse, Am. de Murait). — Le rapatriement des prisonniers de
Cabrera, 1814 (Lettres de l'enseigne Pujol). — Le n° du i^^ avril a
reproduit des documents qu'on trouve ailleurs (Ternaux, Hist. de la
Terreur. VII, notes) : l'arrêté du Conseil exécutif et les interrogatoires
du duc d'Orléans et du comte de Beaujolais.
Revue celtique, n°^ 1-2, janvier-avril : L. Duchesne, La vie de saint Malo.
— Nettlau, The Fer Diad épisode of the Tain bo Cuailnge. — Saglio,
Les bracae et les hosae. — Whitley Stokes, A note about Fiacha Muil-
lethan. H. de La "Villemarqué, Anciens noëls bretons. — Nettlau,
Notes on Welsh consonants. — S. Reinach, Inscription attique relative
à Pinvasion des Galates en Grèce. — Thurneysen, Gloses bretonnes. —
Ernault, De Tanalogie dans la conjugaison bretonne. — Kuno Meykr,
Uath Benine Etair. — Loth, Les anciennes litanies des saints de
Bretagne. — D'Arbois de Jubainville, Les Gaulois et les populations
qui les ont précédés dans Tltalie du nord. — A. de Barthélémy, Essai
de classitication chronologique des différents groupes de monnaies
gauloises. — Ernault, 'Versions bretonnes de la Parabole de l'Enfant
prodigue. — Mélanges : Thurneysen, Notes sur quelques gloses gal-
loises. — LoTH, Le suffixe d^égalité gallois en-et; De Tadjectif subissant
la mutation initialeaprès un substantif masculin; L'initiale du complé-
ment du verbe fléchir subissant l'infectio destituens; Morgablou ; Eru-
bloblion. — Kuno Meyer, Tene cen coicled (Echtra Nerai) ; Addenda
to the Echtra Nerai. — Theod. Reinach, Note sur un texte de Thistorien
grec Eusebios relatif au siège d\me ville des Gaules par les Francs. —
D''A. de J. Hercynia. — Gaidoz, Le ms. luxembourgeois des Hssperica
Famina. — Correspondance : Lettres de MM. de Kay, Prou, Salomon^
Reinach (les simulacra, di S. Reinach, dont parle César, VI, 17.
seraient les menhir). — Bibliographie : D'Arbois de Jubainville, Le
premiers habitants de l'Europe d"'après les écrivains de l'antiquité et lé
travaux des linguistes, 2^ édition (grande conscience dans les recherches^
sincérité parfaite dans la discussion, zèle infatigable à profiter dMJ
travaux et des progrès de la science ; mais deux défauts : laisse de cotF
en grande partie les découvertes de l'archéologie et néglige, au moins
en apparence, de nombreux travaux parus sur les sources des historiens
et géographes de l'antiquité et sur la critique des textes; toutefois, édi-
tion sensiblement supérieure à la première ; cp. Revue. 1889, n'' 26).
— Alllmer et DissARD, Trion, antiquités découvertes en i885, 1886,
et antérieurement au quartier de Lyon dit de Trion. — Chronique.
Bulletin critique, n° 9 : Lipsius, Theolog'. Jahresbericht, I u. II. (Cp-
Revue, 1889, n° 52). — Hauréau, Des poèmes latins attribués àj
saint Bernard (montre très bien que le grand abbé de Clairvaux n'a rienj
de commun avec les plats rimailleurs dont on a mis les œuvres à sa ^
charge). — Viollet, Hist. des instit. polit, et admin. de la France, L'
(Fin de Tarticle : Touvrage est le meilleur traité d'histoire du droit!
f.aiiçais à l'usage des étudiants et l'antidote nécessaire à ce que leurs!
études juridiques peuvent avoir de malfaisant pour leurs esprits;
livre ne s'embarrasse moins des théories abstraites des juristes, ne
mieux en pleine vie humaine, et ne reporte l'esprit, d'une allure plu;
franche et plus décidée, des brocards sur les faits, des systèmes sur le;
choses, et des règles de Pargumentation juridique sur les lois du déve-,
loppement historique, cp. Revue, n° i5). — David-Sauvageot, Le réa
lisme et le naturalisme dans la littérature et dans l'art. — Le Camus
I
Notre voyage aux pays bibliques. — Bretonneries (publications de
M, de la Borderie, etc.).
Tlie Academy, n" 989 : Fustel de Coulanges, Hist. des instit. polit,
de l'anc. France, I. La monarchie franque, II. L'alleu et le domaine
rural ; P. Viollet, Hist. des instit. polit, et admin. de la France. —
Ibsen's prose dramas, p. p. Archer. — Besant, Gaptain Gook (fait partie
de la collection des a English men of action »). — Trollope, Forther
réminiscences. — Bryden, Kloiof and Karroo, sport, legend and natu-
ral history in Cape colony. —William Blades. — Irish items (Whitley
Stokes), — Mazzini and united Italy (K. Blind). — The works of
Xenophon, transi, by Dakyns, 1, Hellenika. 1-2, and Anabasis ; The
History of Herodotus, transi, by G. G. Macaulay. — The language
of Aram.-Naharaim and the 'su of the Assyrian tablets (Sayce). — Ivan
Lermolieff, Die Galérien Borghese and Doria-Panfili in Rom.
The Athenaeum, n° 3262 : Diaries of Sir Moses and Lady Montefiore,
comprising their life and work as recorded in iheir diaries 18 12- 188 3,
p. p. LoEWE. — Green, Among the Selkirk glaciers. — Sir William
HuNTER, The marquess of Dalhousie (bien fait et intéressant). —
Ch. Edmonds, Poetry of the Anti-Jacobin, 3^ édit. — The Scotch
fasting man. — The Oriental Gongress, — Mr. Blades.
The Endish Historical Review, avril : Sanday, Bishop Lightfoot as an
historian. — Hardy, The provincial concilia from Augustus to Dio-
cletian. — Bury, The relationship of the patriarch Photius to the
empress Theodora. — Gh. V. Langlois, The comparative history of
England and France during the middle âges. — Stanley Lane-Poole,
Sir Richard Ghurch, part II. — Lord Acton, Wilhelm von Giesebrecht.
— Notes and documents : Some political poems of the XVI century,
p. p. KiNGSFORD. — Marriage alliance of the Infante Pedro of Aragon
and Edward I of England, 9 oct. 1273, p. p. F. D. Swift. — The date
ofWycHfs attack on transsubstantiation, by F. D. Matthew. — Robert
Aske's narrative of the Pilgrimage of Grâce, with other documents,
p. p. Miss Mary Bateson. — Two accounts of the battle of Marston
Moor, p. p. G. H. FiRTH. — Revievps ofbooks : Schuckburgh's transla-
tion of the Historiés of Polybius. — Kaufmann, Gesch. der deutschen
Universitiiten, I. — Alex. Sorel, La prise de Jeanne d'Arc devant Gompiè-
gne. — PÉRiN, L'ordre international. — Gourtney, The Parlamientary
Représentation ofGornwall to i832. — Skelton, MaitlandofLethington
and Henderson, The Gasket Letters. — Gardiner, History of the
Great Givil War, IL — Farges, Recueil des instructions données aux
ambassadeurs et ministres de France, Pologne. — Fiske, The critical
period of American history. — Sciout, La constitution civile du clergé.
— White. The ancient history of the Maori. — Ghetham Society
publications.
Berliner Philologische Wochenschrift, n° 17 : Konferenz in Hissarlik,
mars 1 890. — Programme : Frenzel, Entwickel. des relativen Satzbaues
im Griech. — Shuckburgh, The Hist. of Polybius, transi, from the
text of HuLTSCH (bon). — Grammatici graeci recogniti et apparatu cri-
tico instructi, IV. Theodosii ylexandrini canones, Georgii Ghoerobosci
scholia, Sophronii patriarchae Alexandrini excerpta rec. Hilgard. I,
Theodosii canones et Ghoerobosci scholia in canones nominales conti-
nens (travail tout-à-fait sérieux et excellent). — B'abia, De orationibus
in Bello Gallico (cp. Revue, 1889, n° 28). — Haacke, Worterbuch
zu den Lebensbeschreib. des Gornelius Nepos, lo*^ éd. — Stowasser,
Stolones latini. — Wirth, Quaestiones Severianae (soigné et utile). —
Loret, l'Egypte au temps des Pharaons (vivant et attachant). — Opitz,
Schauspiel u. Theaterwesen der Griechen u. Rômer (destiné au grand
public). — Papadémktracopoulos, Bicavoç xùjv Tcspi tyjç ^EW-q^/VA-qq zpoçopaç
'Epa-ix'.y.tov à-ocst^stov (bien iait, abondant — 752 pages — et a une
valeur objective même pour celui que rargumention n'aura pas con-
vaincu). — Dknifle, Urkun.den zur Gesch. der niittelalterl. Univer-
sitilten. — Rembrandt als Erzieher, von einem Deutschen. — Die
Daucr der Consulatsjahre, II.
Altpreussische Mouatsschrift, janvier-mars, 1-2 : Krumbholtz, Samaiten
u. der Deutsche Orden bis zum Frieden am Melno-See (suite). —
Treichel, Piper oder Capsicum, hist. botan. Lôsung. — Arnoldt, Zur
Beurtheil. von Kanfs Kritik der reinen Vernunlt u. Kant's Prolego-
mena, Anhang n" 2. — Bolte, Zwei Kônigsberger Zwischenspiele 1644.
— Sembrzycki, Die Marienburg unter polnischer Herrschaft (fin). —
Kritikenu. Referate : Die Recesse u. andere Aktender Hansetage, i256-
1430. — Vagantensang u. Schwerterklang, Lieder aus deutscher Vot-
zeit, von Fr. Hirsch. — Am Urquell, Monatsschrift zur Volkskunde,
hrsg. von Krauss in Wien. — Lohmeyer, Aus Tilsits Vergangenheit.
— Celichowski, Beitrag zur Lebensgesch. des Martin Kwiatkowski z
Rozyc (en polonais), — Bezzenberger, Die Kurische Nehrung u. ihre
Bewohner. — Alterthumsgesellschaft Prussia 1889. — Mitteilungen u.
Anhang : Lohmeyer, Der Geburtstag des Herzogs Albrecht von Preus-
sen. — G. Conrad, Die Konstitution des ehem.kôn, Kommerz-Kollegs
zu Kônigsberg, 17 Aug. 1718. — Universitats-Chronik, 1889. — Ly-
ceum Hosianumin Braunsberg 1890. — Altpreuss. Bibliographie 1888.
PARIS. — LIBRAIRIE DE FIRMIN-DIDOT ET C"=. — 56,rue jacob.
GUSTAVE SCHLUMBERGER
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Un volume in-40 de 800 pages. — Broché : 3o francs. — Relié : 40 fr.
Il a été tiré 3o exemplaires sur papier vélin, numérotés de i à 3o
du prix de QO francs.
Le Puy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 2'i.
N° 21 Vingt-quatrième année 26 mai 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
R !■: C U E I L HEBDOMADAIRE
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(Au bureau de Ja Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
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désirent un compte-rendu.
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KKNESr LKHOUX, EDITEUK, KUK BONAPARTE, 28.
PUBLICATIONS DE UÈCOLE DES LETTRES D'ALGER
Bulletin de Correspondance africaine.
I.E.CAT. NOTICE SUR LA CARTE DE
L OGOOUE. In-8, avec carte 3 fr.
II. E. A„iuNEA„. VIE DU PATRIARCHE
1D/\A.V>>, Texte copte et traduction française. In'8. . 5 fr.
m. E. cat. essai sur LA VIE ET LES
OUVRAGES DU CHRONIQUEUR
GONZALO AYORA, suivi de fragments inédits
de sa chronique. In-8 2 5o
IV. E. lefébure. rites Égyptiens, construction
et protection des édifices. In-8 3 fr.
PÊklODK^UES
Revue historique, maî-juin : A. Baudrillart, Les intrigues du duc
d'Orléans en Espagne 1708-1709, I. — Th. Reinach, Le premier siège
entrepris par les Francs. — R. de Maulde, Eloge de Louis XH, père de
la France, en iSoq. — H. Harisse, Nouvelles recherches sur Thist. de
TAmérique. — Flammermont, A propos d'une fausse lettre de M""» de
Lamballe. — Bulletin : France (Farges et Monod) ; Etats-Unis (H. B.
Adanis). — Comptes-rendus : Prou, Manuel de paléographie latine et
française (sans cire très neuf, très bien renseigné, épargnera bien du
temps et des peines aux apprentis en érudition; cp. Revue, 1889, n" 5i).
— RoEHRicHT, Deutsche Pilgerreisen nach dem Hl. Lande (utile). —
Frkdericq, Corpus docum. Inquis. haeret. pravit. neerl. I, i025-i52o
(recueil des pièces justificatives d'une hist. de l'inquisition néerlandaise),
— ScHULTE, Gesch. der Habsburger in den ersten drei Jahrhunderten
(jette un jour tout nouveau sur des questions controversées). — M""^ J.
Darmesteter, The end of the middle âges (cp. Revue, 1889, n" 22). —
CoEN, Le grandi stiade del commercio internaz. hno dal sec. XVI (cp.
Revue, 1889, no 16).
The Academy, n» 940 : Reports of State Trials, new séries, vol. II,
i823-i83i, p. p. Macdonell. — Hurlbert, France and the Republic,
a record ofthings seen and learned in the French provinces 1889. —
Tozer, The islands of the Aegean [cp. Revue, n° i3). — Jones, The life
times and labours of Robert Owen. — Historical books : Stebbing,
Peterborough ; The King's Book of Sports ; Adams, Witch, Warlock
and Magician ; Parkinson, Yorkshire legends and traditions. — Edwin
Waugh. — The Oxford invitation to the Oriental Congress (Sayce et
Rhys). — Cockney (Murray). — The Irish mss. at Cheltenhara
(K. Meyer). — Lives of saints from the Book of Lismore (W. Stokes).
Baudissin, Die Gesch. des alttestam. Priesterthums; Chavannes, La le-
ligion dans la Bible, II, Le Nouveau-Testament. — The Persian cata-
logue of the Bodleian Library (Ethé). — Excavations at Platea (Wald-
stein).
The Athenaeum, no 3623 : Lyrical ballads, reprinted from the first edi«.f
tion of 1798, p. p. DowDEN. — CouRTNEY, Thc parliamentary représen-
tation of Cornwall to i832. — Wakeman, Life of Charles James Fox
(des jugements contestables et beaucoup de points importants passés
sous silence ou trop sommairement traités). — A biographical curiosity,
Histoire des joyaux (Bail). — Edwin Waugh. — The Béatrice Exhibi-
tion (Hamilcon). — Notes from Cypi us (Tubbs et Munro). — The
excavations at Megalopolis (Gardner).
The Babylonian and Oriental Record, n" 5 : Casartelli, Oriental tcstimo-
nies regarding Khvétuk-Das. — Terrien de Lacouperie, The Déluge-
Tradition and its remains in ancient China. — De Harlez, A Bud-
dhist repertory. - Bonavia, Did the Assyiians know the sexes of the
date palms? — Terrien de Lacouperie, Stray notes on ancient date
palms in Anterior Asia. — Boscawen, Campaign ofSargon II (a. c. 712).
against Judea.
Literarisches Centralblatt, n" 10 : Werner, Der Paulinismusdes Irenaeus.
— Matzat, Romische Zcitrechnung 219 i (malgré toutes les objections
et toutes les critiques, mérite d'être attentivement étudié). — Bohmer,
Reg. Imp. VI II, add. i, Erstes ErgUnzungshefi zu den Reg. des Kai-
serreiches unter Kaiser Karl IV, 1346-1378, p. p. Huber. — Kaemmel,
Deutsche Gesch. Hcft 2-1 3. — Lossen, Der Anfang des Strassb. Kapi-
telstreites (cp. Revue, 1889, n" 48). — E. Koch, Die Stiftung Kaspai
Tryller's vom 29 sept. 1617 u. der Stammbaum der Tryller. — An-
sprachen u. Reden des Ministers G. von Gossler. — âchelis , Die
Entwickel. der modernen Ethnologie. — Gurlitt, Ueber Pausanias,
Untersuchungen (démonstration soignée, ne méconnaît pas les faiblesses
de récrivain, mais prouve décidément !'« autopsie » ; cp. Revue, n° 1 1).
— Valerii Maximi libri IX p. p. Kempf (instructif et sera utile). — Ce-
DERSCHiôLD, Kalfdrapet och vànprofningen, ett Bidrag till Kritiken of
de Islandska Sagornas Trovardigtied. — Siebs, Zur Gesch. der engl.
fries. sprache (fait avec beaucoup de soin et renferme de bonnes idées).
— Gœdeke, Grundriss zur Gesch. der deutschen Dicht. 2" Aufl. p. p.
Jacoby u. Goetze. VI 11. — Karpeles, Gœthe in Polen (intéressant). —
Warnecke, Kunstgeschichtl. Bilderbuch fur Schule u. Haus.
Deutsche Litteraturzeitung, n» 18 : Mïmkels nachgel. Schriften, p, p.
Frommel. — RoHDE, Psyché, Seelencult u. Unsterblichkeitsglaube der
Griechen, I (vastes matériaux bien ordonnés). — D. H. Mûller, Zur
Gesch. der semit. Zischlaute (petite et instructive étude). — Comment,
in honorem Studemund (cp. Revue, 1889, n" 3y). — P. Heinze and
GoETTE, Gesch. der deutschen Litteratur von Gœthes Tode bis zur Ge-
genwart (le tableau n'est pas très clair, mais les jugements sont soignés,
indépendant, parfois trop favorables). — W. E. Symonds, Sir Thomas
Wyatt and his poems (bon travail). — Wilsdorf, Beitr. zur Gesch. von
Marseille im altertum (incomplet). — Die Heiligen Englands, p. p.
LiEBERMANN (publicatiou faite avec soin et précision, et qui sera très
utile). — Marquis de Villeneuve, Charles X et Louis XIX en exil (cp.
Revue, 1889, n» 23), — Nauroy, La duchesse de Berry (cp. Revue,
1889, n° 33). — Ratzel, Die Schneedecke besonders in deutschen Ge-
birgen. — Haeberlin, Studien zur Aphrodite von Melos (ne marque pas
un progrès). — Kriegsgesch. Einzelschriften, XII. — Rumân. Volks-
iieder u. Balladen, iibers. von Franken, — Gesellschaft fur rheinische
Geschichtskunde.
— No 19 : JoHANNsoN, Die hl. Schrift. u. die négative Kritik. —
Huemer, Genesis des Entschlusses in den Tragôdien des Euripides
u. Sophocles (très contestable sur un grand nombre de points). —
Germann, Altestein, Fichte u. die Univ. Erlangen. — Bruchmann,
psychol. Studien zur Sprachegesch. (cp. Revue, 1888, n" 40). —
Christiansen, De apicibus et i longis inscriptionum latinarum (soigné
et en partie utile, mais beaucoup de choses à revoir). — Keinz, Nach-
trag zur Neidhartausgabe. ~ Briefe von Gœthes Mutter an die Her-
zogin Anna Amalia p. p. K. Heinemann. — Fortier, Sept grands au-
teurs du xvii^ siècle, an introd. to nineteenth century literature. —
WiTTE, Die Armagnaken im Elsass (important). — Heigel, Quellen u.
Abhandl. zur neueren Gesch. Baierns (recueil d'études diverses). —
Corpscommersbuch nach eigenen Erfahr. u. unmittelb. Erkundig. bei
den Corps zusammengest. u. krit. bearb. von Armknecht. — Von Con-
RADY, Das Leben des Gênerais Aug. von Werder (intéressant).
Berliner philologische Wochenschrift, n" 18 : Gsell-Fels, Unteritalien u.
Siziiien, 3^ éd. — Fick, Hesiods Ged. in ihrer ursprûngl. Fassung u.
Sprachform wiederhergestellt (restitutions qui ne sont pas réussies). —
De senect. et De amicitia p. p. Novak. — Seitz, L'œuvre polit, de Cé-
sar jugée par les historiens de Rome au xix*" siècle (résultats arbitraires).
—ScHMALZ, Ueber den Sprachgebr. des Asinius Pollio(cp. /?evue, n" 16).
— Aeneis, p. p. Ladewig, 2^ éd. p. p. Deuticke. - Waldstein, Fitzwil-
liam Muséum Cambridge, Catalogue of casts in the Muséum of classi-
cal archaeology. — Montelius, The civilisation of Sweden in healhen
times transi, from the second swedish édition by Woods (cp. Revue,
1889, n" 29). — Winkler, Weiteres zur Sprachgesch. (cp. Revue, 1889,
n» 20). •- Hatch, Essays on Biblical greek (cp. Revue, n" 2). — Dict.
latin-franc, par Quicherat et Daveluy, nouv. éd. p. p. Châtelain (cp.
Revue, n^ i). — Die Dauer der Konsulatsjahre, tin (Soltau).
— N" 19 : Ueberreste einer etruskischen Stadt. — Ciceronis Syno-
nyma (Sabbadini). — Programme : Kahl, Democrit in Ciceros phi-
los. Schritten ; Kraut, Uebers. der i u. 2 olynth. Rede; Opitz,
Scholiorum Aeschineorum qui fontes fuerint ; G. H. Mûller,
Beitr. zur Erkliir . u. Kritik des Horaz. — Polybii Hist. p. p.
BiiTTNER-WoBST, II 2" Aufl, der Dindorf. Textausgabe (fait avec soin
et dans l'esprit de Hultsch). — Lamblichi Protrepticus p. p. Pistelli
(très recommandable). — Supplem. ad Procli comment, in Platonis de
republica libros nuper vulgatos p. p. Reitzenstein (bon). — W. von
Wyss, Die Sprûchwôrter bei den rôm. Komikern (complet et en somme
soigné et habilement présenté). — Ullrich, Studia Tibulliana (cp. Re-
vue, n» 12). — Germania, Agricola, De orat. p. p. Novak (de nombreu-
ses conjectures et qui ne sont pas convaincantes). — Mayor, The La-
tin Pentateuch, publ. piecemeal by the French printerW. Morel, i56o,
and the French Bénédictines Martène, lySS, and Pitra, 1852-1887,
critically reviewed (très méritoire). — Cartault, Vases grecs en forme
de personnages groupés. — W. Mûller, Eine Terrakotta der Gôttinger
Sammlung. — Metchnikoff, La civilisation et les grands fleuves histo-
riques (intéressant, manque souvent de profondeur et de critique, origi-
nal toutefois), — W, Mûller, Die Umsegelung Afrikas durch phôni-
zische Schifier 600 (« beaucoup de diligence sacrifiée pour un sujet
ingrat »). — Bell. De locativi in prisca latinitate vi et usu (beaucoup
de pénétration et de largeur de vues).
Deutsche Rundschau, mai : Ftirst Bismarck. — H. Grimm, Homer'sl
Ilias, zweiter u. dritter Gesang. — Brugsch, Joseph in Aegypten. — |
Fischer (P, D.), Aus dem modernen Italien. — Lady BLENNERHAssEXTi
Zeitgenôssische Gedankenstromungen, i. — Rodenberg, Dingelstedtl
Blatter aus seinem Nachlass, mit Randbemerk. VII. Der Kosmopolit.!
Nachtwâchter u. geheime Raih 1841-185 i ; 4. Der Ausgang der Stutt-
garter Zeit. — Liter. Rundschau : Recueil des actes du comité de salut
public, p. p. AuLARD, I et II (cp. Revue, 1889, n" 40 et 1890 n» 10). —
Schleiden, Erinnerungen eines Schleswig — Holsteiners, neue Folge,
1841-1848.
Gœttingische gelehrle Anzeigen, n" 7 : Schmarsow, Italien. Forsch. zur
Kunstgesch. I. S. Martin von Lucca u. die Anfânge der toskan.
Sculptur im Mittelalter (l'auteur s'est acquitté de sa tâche; il a pris le
bon chemin, et ses recherches sont excellentes; il faudra toujours le con-
sulter lorsqu'on voudra décrire les commencements du Rinascimento).
— H. Prutz, Entwick. u. Untergang des Tempelherrenordens (très
long art. de Wenck; de nouveaux matériaux; avance sur plusieurs
points noire connaissance ; indispensable; mais conclusion inexacte et
beaucoupde défauts; au fond, aussi peu instructif et recommandable que
le livre de Schottmûller; il faut renvoyer pour ce sujet à Lea, History
of the inquisition of the middle âges). — Finke, Forsch. u. Quellen zur
Gesch. des Konstanzer Konzils (beaucoup de documents inconnus). —
GuNO, Vorgesch. Roms, II, Die Etrusker u. ihre Spuren im Volk u. im
Staate der Romer (art. très détaillé de Bruck : beaucoup de points sur
lesquels on ne peut approuver Fauteur, mais de nombreux passages tout
à fait remarquables comme sur Tannée étrusque, le nombre des cheva-
liers, la chute des décemvirs^ etc.; et partout du soin, du sérieux scien-
tifique et l'amour du sujet).
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i.e.ct. NOTICE SUR LA CARTE DE
L OGOOUE. In-8, avec carte 3 fr,
li. E, améoneau. vie du patriarche
i^AA.V^, Texte copte et traduction française, In-8. . 5 fr.
m. e. c.t. essai sur la vie et les
ouvrages du chroniqueur
vJwiNZ.ALC-/ AYOKA, suivi de fragments inédits
de sa chronique. In-8. 5o
IV. E. Lefébure. RITES ÉGYPTIENS. ConsU tion
et protection des édifices. In-8 '• fr.
PERIODIQUES
La Révolution française, 14 mai : Dkbidour, Le colonel Fabvier. — Le-
MAS, Ignace de Cazeneuve, évêque et conventionnel (tin). — Aulard,
La diplomatie du premier Comité de salut public : Pologne, Suède,
Danemark, Turquie. — Mélanges : Faut-il dire Maine et Loire ou
Mavenne-et-Loire ; Les derniers moments de Couthon ; Les erreurs du
Moniteur; La Monarchie prussienne, de Mirabeau. — Bibliographie :
Mège, Gaultier de Biauzat, député du Tiers-Etat aux Etats-Généraux,
sa vie et sa correspondance (très utile). — M. Pellet, Variétés révolut.
IIL — BiRÉ, Paris pendant la Terreur (récit encadré dans une fiction;
rien d'inédit; mais de jolies trouvailles dans des imprimés rares). —
LoDs, L'Eglise réformée de Paris pendant la Révolution (cp. Revue,
n° i).
Bulletin critique, n^ 10 : Engelbrecht, Studien ûber die Schriften des
Bischofes von Reii Faustus. — J. Havet, Les origines de Saint-Denis,
Quest mérov. V (mémoire intéressant, rédigé avec précision et sûreté).
— Reusens, Elém. d'archéol. chrét. 2^ éd. ; Manuel d'archéol. relig.
(excellent). — B.arthélemy Saint-Hilaire, La philosophie dans ses rap-
ports avec les sciences et la religion (éloge de la philosophie). — Lûbke,
Essai d'hist, de l'art, trad. par Koella (traduction à lire avec précau-
tion ; contre-sens et erreurs). — Sepet, Les préliminaires de la Révolu-
tion itableau succint).
The Academy, n° 941 : The Acts of ihe Privy Council of England,
new séries, vol. I, 1 542-1 547, p. p. Dasent. — G. Smith, Life of Jane
Austen (bonne étude, vraie et juste). — Woodford, A naturalist among
the Head-hunters, being an account of three visits to the Solomon Is-
lands. — MouLTON, The ancient classical drama (donne une idée com-
plète et exacte du sujet par des analyses et des exemples). — Requin
(L'abbé), L'imprimerie à Avignon en 1444 (important travail dont la
i^ei'z^e parlera prochainement). — W. K. Sullivan (L^éditeur des Mss.
Materials of Ancient Irish history est mort le 12 mai). — The Oxford
invitation to the Oriental Congress. — Bracton's cône and key (Steven-
son). — The etvmology of cockney Mayhew et Earle). — France and
the Republic (Hamerton. — Some Catalan publications (travaux de
Don Joseph Balari y Jovanv). — A late Babylonian tablet of Aspasine
(Pinches). — The British Muséum Catalogue of Greek coins. Pontus,
Bithynia and Bosporus, by Warwick Wroth.
The Athenaeum, n» 3264 : J. Martineau, The seat of authority in reli-
gion. — CuNNixGHAM, Growth of English industry and commerce, early
and middle âges (très bon travail; l'auteur est maître de son sujet). —
Kôhler, Die Entwickel. des Kriegswesens u. der Kriegfûhr. in der Rit-
terzeit, vol. III, i-3. — Edw. Moore, Dante and his early biographers.
— The story of a sonnet (Bromley : Miscellaneous Sonnets de Words-
worih, XLVI. Filial Piety). — The anonymous Boece de Consolation,
Bruges, 1477, ^'^^ Paris, 1494 (H. Stewart). — Dr. Emm. Forchham-
mer.
Deutsche Lltteraturzeitung, n^ 20: Loofs, Dogmengesch. — Pfungst, Das
Sutta Nipata, I. (traduction soignée , — H. von Arnim, Quellenstiid.
zu Philo von Alexandrien (cp. Revue, 1889, n^ 17. — Frakke, De Silii
Italici Punicorumtropis (étude très soignée, mais que de patience pour
la lire!) — Gupfert, Wurterb. zum Kleinen Katechismus Luthers
(insuffisant). — Jacoby, Viermittelengl. geistl. Ged ausdemXIII Jahrh.
— Crivellucct, Dclla fede storica di Eusebio nella vita di Costantino
(pénétrant et réfléchi). — Jahrb. des Gesellsch. fur lothring. Gesch. u.
Altertumskunde, I. — Eichstett im Schwedenkriege, Tagebuch der
Nonne Clara Staiger, p. p. Schlecht. — Radaelli, Cenni biografici di
Manin. — Die Reisen des Chr. Columbus, p. p. Navarrette, ubers.
V. Fr. Pr. (horrible! Navarrete, est écrit partout Navarette, Harrisse,
Harrise; etc. ; fourmille d'erreurs; s'est servi delà traduction française
de 1828). — P. Adam, Der Bucheinband.
Berliner Philologische Wochenschrift, n° 20 : Neue kyprische Inschriften
im Syllabar (Meisier). — Zu Ciceros Briefen ad Qu. fr. (Lehmann). —
Belskr, Gramm. krit. Erkl. von Laktantius de moribus persecutorum
cap. 34. Tolevanzedict des Galerius. — Pappenheim, Der angebl. Hera-
klitismus des Skeptikers Aenesidemos (des choses instructives). — Ano-
nymi grammaticae epitoma, liber alter, p. p. Egenolff. — Germania,
p. p. Prammer, 2® éd. — Orosii hist. adv. pag. libri VII, p. p. Zange-
MEisTER. — MioDONSKi, Anouymus adversus aleatores u. die Briefe an
Cyprian, Lucian, Celerinus u. an der Karthag. Clerus ; Hilgenfeld,
Lib. de aleator. inter Cypriani scripta conserv. - Teuffel, Studien u.
Charakt. zur griech. u. rôm. Lit. 2<= éd. — Arnold, Die Néron.
Christenverfolgung (recherches menées avec soin). — Zacher, Ueber
griech. Wortforschung (conférence). — P Schmitt, Ueber den Ursprung
des Substantivsatzes mit Relativpartikeln im Griech. (travail excellent
et qui est un modèle).
Gœttingische gelehrte Anzeigen, no 8 : Flach, Etudes crit. sur l'hist. du
droit romain au moyen âge avec textes inédits (études très soignées
et très importantes). — Rosenthal, Gesch. des Gerichtsv^^esens u. der
Verwaltungsorganisation Baierns, I. Vom Ende des XII bis zum
Ende des XVI Jahrh. 11 80-1 598. — J. Havet, Lettres de Gerbert,
983-997, publiées avec une introd. et des notes (distingué à tous
égards; cp. Revue, 1889, n» 41).
— N" 9: Studnicza, Kyrene eine altgriech. Goitin, archâol. u. mythol.
Unters. (Maas : long art. — p. 337-384 — sur un livre très instructif
et plein de détails).
Theologische Literaturzeitung, n" 7 : Delitzsch, Iris, Farbenstudien u.
Blumenstûcke (science étonnante sur différents domaines et qui est ex-
posée d'une façon spirituelle et comme en se jouant). — Ghantepie de
LA Saussaye, Lehrbuch der Religions-geschichte, II (intéressant et bien
fait). — DuHM, Ueber Ziel u. Méthode der theolog. Wissenschaft. —
Jensen, Die Kosmologie der Babylonier, Studien u. Materialien (de
haute valeur). — Sellin, Die verbal-nominale Doppelnatur der hebr.
Participien u. Infinitive. — Von Soden, Der Brief des Apostels Paulus
an die Philipper. — Hasenclever, Aus Geschichte u. Kunst des Chris-
tentums, I. — Law, A histor. sketch of the conflicts between jesuitsand
seculars in the reign of Queen Elizabeth (fouillé et attachant). — Biblio-
graphie des Bénédictins de la congrégation de France, par des Pères de
la même congrégation. — Trede, das Heidentum in der romischen
Kirche, Bilder aus dem relig. u. sittl. Leben Suditaliens. I (contribu-
tion importante à la caractéristique de la situation de Pltalie, renferme
une foule de détails sur la dégénération du culte des saints et sur une
superstition dont l'on peut à peine se faire une idée). — Runze, Stu-
dien zur vergleich. Religionswissenschaft, I. Sprache u. Religion. —
Spitta, Die psychol. Forsch. u. ihre Aufgabe in der Gegenv^^art.
— N° 8 : Gilbert, The poetry of Job. — Seyring, Die Abhang. der
Spruchc Salomonis, cap. 1-IX von Hiob. — Moses, Nadab u. Abihu.
— Strack, Schabbâth, der Mischnatractat Sabbath hrsg. u. erkiart. —
Schaefeh, Die Bûcher des Neuen Text. erkl. I, Die Briefe Pauli an die
Thessalonicher u. an die Galater. — Rômheld, Theologia sacrosancta,
Grundlinien der bibl. Théologie, I. — Brandt, Ueber die dualist. Zu-
>àtze u. die Kaiseranreden bei Lactantius. — Calvin, Instit. de relig.
chrét. nouv. éd., p. p. Baumgartner. - Le Thresor de Tame chrét. par
H. B. de la Rochelle, i588, p. p. Perrochet. — Zsilinsky, Der Frie-
den von Linz u. die Gesch. der relig. polit. Gesetzesartikcl von 1647.
— Paulsen, System der Ethik. — Die Bibel, hrsg. von Pfleiderer,
12-17.
— No 9: Neuere englisch theolog. Literatur : Stalker, Imago Christi ;
Drysdalk, Hisiory oi the Presbyterians in England; Lightfoot, Text-
book of the thirty-nine articles of Church of England; Lux Mundi,
p. p. GoRE. — Novum Testam. graece p. p. Tischendorf, III, proleg.
scripsit Gregory, 2. — Duchesne, Origines du culte chrétien, étude sur
la liturgie latine avant Charlemagne (excellent travail, cp. le numéro
présent de la Revue). — Kolde, Luthers Selbstmord, eine Geschichts-
lûge Majunkes. — Mélanchton, Loci communes, in ihrer Urgestalt, p.
p. Kolde. - Lefranc. La jeunesse de Calvin (travail remarquable, et le
plus complet qu'on ait sur le sujet; (cp. Revue, 1889, n^ 42). — Hans,
Der protestantische Kultus.
— N» 10 : Vernes, Les résultats de Pexegcse biblique, l'histoire, la
religion, la littérature (très attachant, et souvent juste, passe sur bien
des difficultés sans les lever.) — Westcott, The Epistle to the Hebrews.
— Diels, Sibyllinische Blatter. (évident.) — DRazEKE, Gesamm. patrist.
Untersuch. — Dibelius, DieEinfuhr. der Reform. in Dresden. — Wil-
KENs, Gesch. des span. Protestantismus im XVI Jahrh. — Tietzen,
Zinzendorf.
Magazin fur die Litteratur des In-tmd Auslandes, n" 17 : Brausewetter,
H. Bulthaupts Dramaturgie des Schauspiels. — P. Ernst, Eine neue
Moralphilosophie. — E. Kraus, Aus der neuesten bohmischen Littera-
tur. — Sartorius Episcopus, Lolales Klage um Kelea. — L. pRàNKEL,
Ein neuer realistischer Dramatiker. — Aug. Weiss, Oscar Browning's
George Eliot. — Neumann-Hofer, Die neue Kunst.
— No 18: Neumann-Hofer, Zola's Bête humaine. — Kretzer, Im neuen
Sparta. — Mahrenholtz, Rousseaus Krankheitsgeschichte. • — Sommer,|
Stoansteirisch. — Bechstein, Die letzten Veroffentl. des literar, Vereins.
— Bret Harte, Angélus, iibertr. von Gisberte Freiligrath. — Macedoru- ■
manische Volkslieder, ûbersetzt von Melchior Harsu. — Wsewold Gar-
CHiN, Die rote Mohnblume. j
— N" 19 : K. Br.iND, Gladstones Entstaatlichung des griechischen'
Panthéons. ■- Edm. Bayer, Eine Hafisnummer. — Mëhly, Die Sprache ^''j
u. ihre Ersaizmittel, L — Neumann-Hofer, Berliner Theaterbriefe. '
— Aus der italien. Lyrik, Uebertrag. von V. Matthes. — Garchin, Die
rothe Mohnblume (suite).
Zeitschrift fur Katholische Théologie, II : Abhandlungen : P. v. Hoens-
BROECH, hlg. Cyprian u. der Primat des Bischofs von Rom. — Knaben-
BAUER, Der Israels Restauration nach Ezechiel 40-48. — Frins, Ueber das
Wesen der Sunde, IL — Michael, Pabst Innocenz IV u. Oesterreich.
— Recetisionen : BrIick, Gesch. der kathol. Kirche im XIX Jahrh. 1 u.
IL — Feldner, Lehre des hl. Thomas ûber die Willenstreiheit. —
Harmel, Catéchisme du patron. — Michael, Rankes Weltgesch. —
Marx, Die Vita Gregorii IX. — Zimmermann, Englands Universitâten
im XVI Jahrh. — Hammerstein, Winfrid. — Analekten : Die Passauer
Diôcesansynode 1435. — Napoléons I Stellung zur Religion in seinen
letzten Lebensjahren. — Gregors des Grossen Reform des Kirchen-j
gesanges. — Die Oxforder Professoren. — Die ersten Bischofe von,
Przemysl. — Die neuesten Forschungen uber Heinrich von Gent. —
Furstbischoi Kiinigl von Brixen in Hannover. — Kleinere Mittheilun-
gcn bes. aus ausliind. Literatur. — Literarischer Anzeiger.
Le Puy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent,
I
N° 23 Vingt-quatrième année 9 juin 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEliDOMADAIRE
Directeur : A. CHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Pans, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc,
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
j I anco par la poste (et non par commissionnaire ), les livres dont ils
désirent un compte-rendu.
I
ERNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 2&.
En DISTRIBUTION :
CATALOGUE DE LA BIBLIOTHÈQUE
de
FEU M. MAURICE JAMETEL
Professeur de chinois à l'Ecole des Langues
orientales vivantes
dont la vente aura lieu
les lundi i6 et mardi 17 juin 1890
28, rue des Bons-Enfants.
^ip polyglottes et commentaires. — Sciences naturelles. —
lux-Arts. — Voyages. — Littératures orientales, — Livres
clpois. — Livres japonais illustrés. — Ouvrages en nombre de
iSchœbel.
PÉRIODIQUES
Mélusiue, n» 3, mai-juin : Doutrkpont, Un chant monorime de la Pas-
sion. — TucHMANN, Gens et animaux qui se fascinent eux-mêmes. —
EssER, Mœurs et usages de Malmédy ei de la Wallonie prussienne : la
Cusnée, la Saint-Jean, Poirlé l'Trouvlai, les Joupsennes. — Orain, De-
vinettes de la Haute-Bretagne, X. — La pierre de serpent, I, la Naja-
Kallu ou pierre de Cobra. — L'étym. popul. et le folk-lore, IV, l'Etre
suprême. — Bibliographie : The Fabls of Aesop as first printed by j
W. Caxton in 1484, with those of Avian, Alfonso and Poggio, p. p.
J. Jacobs (l'introd. renferme une histoire approfondie et ingénieuse de
la fable d'animaux et de ses origines). — Lives of saints from the Book
of Lismore, éd. with a translation, notes and indices by W. Stokes. —
Les contes moralises de Nicole Bozon, p. p. L. T. Smith et P. Meyer.
— Le Mabinogion, trad. par Loth, II. — Folk and Hero Taies, p. p,
Mac Innés with notes by Nutt. — Feilberg, Dansk Bondeliv navnlig i
Vestjylland (l'auteur a déjà publié un grand dictionnaire du patois
jutlandais; son nouveau livre est une étude détaillée et très bien menée
sur la vie des paysans du Jutland occidental qui nous est présentée ici
dans toute sa variété pittoresque).
Revue de Belgique, i5 mai ; De Laveleye, Deux utopies nouvelles (sur
Bellamv, Looking backward et Secretan, Mon utopie). — Rahlenbeck,
Le Perron de Liège. — Potvin, Orphée, tragédie lyrique de Gluck. —
Navez, Les causes et les conséquences de la grandeur coloniale de TAn-
gleterre.
The Academy, n" 942 : Corbett, Monk (clair, exact, à recommander
hautement). — Turner, The modem novelists of Russia (cp. Revue,
n° 20). — Hutchinson, Golf. — Laing, Problems of the future; Carus,
Fundamental problems. — Colonial life : Moore, New Zealand for
Emigrant, Invalid and Tourist; Russel, A journey to Lake Taupo;
sir Frederick Young, A winter tour in South Arica; Saxby, West-Nor'-
West. — Franges, Beyond the Argentine or letters from Brazil. —
Convocation du 9*^ congrès des orientalistes à Londres. — The English
diphtong — ay. (Murray). — Ribbeck, Gesch. der rôm. Dichtung, II.
Augusieisches Zeitalter (livre d''un maître, au style clair, vigoureux
vivant).
The Athenaeum, n° 3265 : Renan, L'avenir de la science. — Le Strangf|
Palestine under the Moslems (intéressant et important). — Bodenstedî
Erinner. aus meinem Leben (très attachant). — V. Giraud, Les lacs d
l'Afrique équatoriale; Buttikofer, Reisebilder aus Libéria, I; Gold'»
Calabar and its mission; Smith, Sub sole; Willoughby, East Atr-ai
and its big game; Gillmore, Trough Gasa land and the scène of -le
Portuguese aggression. — Records of the borough of Nottingham, VJ
1545-1625. — 9^ congrès intern. des orientalistes. — Thackerayn^
(Johnson). — Lord Lovât (Groome). — The Needy Knife-gri:r
(Adami). — G. Hooper. _, '*%
Literarisches Centralblatt, n° 20 : The Ante-Nicene Fathers, p. pRi'''
chardson and Pick. — Ed. von Hartmann, Lotze's Philosophie-J.jres-
ber. der Geschichtswiss. X, p. p. Jastrow. — Soltau, Die ronL^nts-
jahre auf ihrem natiirl. Zeitw^ert reducirt (peu d'objections à tai-)'
ScHULTZ, Das hôf. Leben zur Zeit der Minnesinger, 3" Aufl. — Toniasi
Platter's Briefe an seinen Sohn Félix, p. p. Burckhardt (très •leres-
sant). — V. DuRUY, Hist. de France, 1789-1795, hrsg. von Ha"mann.;j
— Varrentrapp, Joh. Schulze u. das hohere preuss. Unterrichwesen
in seiner Zeit (important). — Der Rigveda oder die heiligen ^mner
der Brâhmana, zum ersten Maie voUsl. ins Deutsche iibertr. mi^^on^"^
u. Einl. von Alfr. Ludwig VI, B, Register der Belegstellen, Vcrzeich-
niss der Conjecturen, Glossar, sachl. u. grammat. Repertorium. —
Asini PoUionis de bello Africo comment, p. p. Wôlfflin et Miodonski
(une foule d'améliorations au texte et un grand nombre de notes érudi-
tes). — Henning, Die deutschen Runendenkmaler (fait avec très grand
soin et bien souvent juste). — Strnadt, Der Kurnberg bei Ling u. der
Kiirenberg-Mythus; Hurch, Zur Kritik des Kurenbergers (deux études
diffuses et « dilettantisch »). — E. H. Meyer, Vôluspa, eine Unter-
suchung (hypothèse difficile à soutenir, mais l'influence chrétienne est
désormais indéniable). — Jeanroy, Les origines de la poésie lyrique en
France au moyen âge, étude littér. fr. et comparée suivies de textes
inédits, et De nostratibus medii aevi poetis qui primum lyrica Aquita-
niae carmina imitati sint (instructif, sans être toujours convaincant, et
partout bien orienté). — Herder's Briefe an Hamann, p. p. Hoffmann.
— Antoniewicz, Ikonographisches zu Chrestien von Troyes. — Opitz,
Schauspiel u. Theaterwesen der Griechen u. Rômer (très réussi; unit
un solide savoir et une forme agréable). — Eiselen, Abbildungen von
Turnûbungen.
— N° 21 : Spitta, Die Offenbarung des Johannes untersucht.— Moel-
LER, Lehrb, der Kirchengesch. — Urkund. der Stadt Zurich, p. p.
EscHER u. Schweizer, I, I. — Die Matrikel der Univ. Heidelberg i386-
1662 III, Register, i, p. p Toepke; Aeltere Univ. Matrikeln, 1. Univ.
Frankfurt a. o, p. p. Friedlaender, II, 1649-1811-, Die Matrikel der
Univ Rostock I, 1419-1499, p. p. Hofmeister. — Granier, Die Schlacht
bei Lobositz (très détaillé). — Weber, Gesch. des XIX Jahrh., 2* édit.
— Charpentier, Russ. Wanderbilder (cp. Revue 1889, n°6). — Bezold,
Catal. of the cuneiform tablets, British Muséum, I. — Le mystère de
Ste Barbe, p. p. Ernault (très utile]. — Heinzerling, Fremdworter un-
ter deutschen u. engl. Thiernamen (attachant, sans rien de nouveau).
— Schrittproben aus Hs. des XIV-XVI Jahrh., p. p. Thommen. —
A. Meyer, Zu Walthers Ehre (rien de scientifique). — Lucae, Aus
deutscher Sprach u. Litteraturgesch. (recueil d'études variées et instruc-
tives). — Deutsches Wôrterbuch, XII, 3 vergeben-verhôhnen, p. p.
WuLCKER. — Reisch, Griech. Weihgeschenke (cp. Revue, n» 4). —
SoiJTZo, Introd. à Tétude des monnaies de F Italie antique, II (système à
désapprouver, mais quelques points de vue remarquables). — Heyde-
mann, Marmorkopf Ricardi (montre toujours les mêmes qualités et les
mêmes défauts).
— N° 22 : Heidemann. Die Reformin der Mark Brandenburg. — Fu-
jisHiMA, Le bouddhisme japonais. — Soltau, Rom. Chronologie (beau-
coup de choses utiles). — Die westf. Siegel der geistl. Corpor. u. der
Stifs-Kloster = und Pfarrgestlichkeit, p. p-Ilgen. — Em. Michael, Sa-
limbene u. seine Chronik (travail qui ne vaut pas celui de Dove). —
Frapan, Vischer-Erimnerungen. — Penck, Ziele der Erdkunde in Oes-
terreich. — Erman, Die Sprache des Papyrus Westcar (cp. Revue,
n" 22). — Stoll, Die Maya-Sprachen der Pokom-Gruppe, l. Pokonchi-
Indianer. — R. Becker, Wahrheit u. Dicht. in Ulrich von Lichtens-
tein (soigné, quoique contestable). — Larned. The Pennsylvania Ger-
man dialect (très étudié et fort louable). — Fôrster, Das Leben Emma
Fôrster's, der Tochter Jean Paul's in ihren Briefen.
Deutsch Litteraturzeitung, n" 21 : Orosii hist., p. p. Zangemeister (edit.
Teubner, très soignée et à bon marché). — M. Rieger, Ueber die
Abnahme der Bibelkenntniss in der Gemeinde. — Gussfeld, Die Erzie*
hung der deutschen Jugend. — Catal. of the Cuneiform Tablets in the
Kouyundjik collection of the British Muséum, p. p. Bezold, I (très
utile). — P. ScHMiTT, Ueber den Ursprung des Substantivsatzes mit
Relativpartikeln im Griech (ne s'occupe que d'Homère.) — Sauvé, Le
folklore des Hautes- Vosges (très soigné). — Gaidoz, La rage et S. Hu-
bert (très exact, très complet et peut passer pour un modèle; cp. Reviie^
1880, n° 7). — H. von Treitschke, Deutsche Geschichte im XiX Jahr-
hundert, IV, bis zum Tode Friedrich Wilhelms HI (très habilement
composé et reproduit avec tînergie et vigueur tous les faits de la vie pu-
blique et littéraire, retrace tous les courants du génie scientitique, artis-
tique et politique du peuple allemand; oeuvre unique en son genre et
singulièrement attachante; partout des vues neuves et superbes). — Du-
MON, Le théâtre de Polyclète, reconstruction d'après un module (très
remarquable). — Quesnay, Œuvres économ. et philos., p. p. Oncken.
— Gesellschaft fur deutsche Litteratur (23 avril).
— N° 22 : LiNK, Die Einheit des Pastor Hermae; BAUMoâRTNER, Die
Einheit des Hermasbuchs. - H. Gruber, Aug. Comte. — S. H.
ScHMiDT, Handb. der lat. u. griech. Synonymik (d'abondants matériaux
recueillis avec soin). — Gagnât, Cours d'epigr. lat. 2'^ éd. (très réussi;
cp. Revue, n° 20). — Loewe, Die Dialektmisch. im magdeburg. Ge-
biete. — James, Wôrterb. der engl. u. deutschen Sprache, 7^ éd., p. p.
Stoffel. — Haubold, De rebus lliensium (soigné). — F. Voigt, Die
Klosterpolitik der salischen Kaiser u. Kônige (clairement disposé et
offre des résultats à approuver). — W. Wilson, The State and Fédéral
Government of the United States (manuel utile). — Buchholtz, Die ein-
fache Erdzeit mit Stundenzonen u. festem Westmeridian als Zifferblatt
ohne Stôr. der Tageszeiten fur aile Lander u. Vôlker der Erde. — Ein
amerikan. Lutherwerk (Buddensieg).
Berliner philologische Wochenschrift, n» 21 : Die einzige bisher gef. rôm.
Inschrift in Pommern (Ziemer). — Trag. graec. fragm., p. p. Nauck,
2" éd. (ouvrage tout nouveau et témoigne de la sagacité et de l'érudition
de Pauteur). — Fouillée. La philos, de Platon, II, III, IV. — Lina,
De praepos. usii Platonico (fauteur a eu plus de patience encore que
Panatomiste qui compterait tous les poils d'un cadavre). — Windel,
Demosthenis esse orationem -Kôpi awziçnoç ià lire). — Zimmermann, Krit.
Unters. zu den Posthomerica des Quintus Smyrnaeus (ce qu'il y a de
meilleur et de plus remarquable depuis Kôchly). — Birt, Zwei polit.
Satiren des alten Rom (prouve que Claudien a imité certaines satires
de Lucilius dans les livres contre Eutrope). — Brandt, Dualist. Zusâtze
u. Kaiseranreden bei Lactantius, IL — - Morlais, Etudes morales sur
les grands écrivains latins (intéressant). — DRasEKE, Gesamm. patrist.
Untersuch. (plein de savoir et de résultats à approuver.) — Cremer,
Bibl. theol. Wôrterbuch der neutest. Grâcitat, 6« éd. — Kinch, Die
Sprache der sizil. Elymer (fait avec soin). — Pi-ogramme : Schramm, De
consecratione domus Ciceronianae. — Dietrich, Die rechtl. Natur
der Societas publicanorum. — Straub, der Natursinn der alten Grie-
chen.
Bulletin international de l'académie des sciences de Cracovie, avril : Archives
de l'histoire littéraire, tome VI (renferme, à l'exception de Part, de
Celichowski sur Martin Kwiatkowski, des matériaux relatifs à l'histoire
des Universités de Pologne et aux Polonais qui ont fréquenté les Uni-
versités étrangères), — Ulanowski, Contrib. à l'hist. du droit en Po-
logne, I. — LuTOSLAWSKi, Logika Platona, I.
1
Le Puy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, zS.
N° 24 Vingt -quatrième année 46 juin 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE'
RECUEIL H E B D O M A D a'i R K
Directeur : A. GHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2 5 fr.
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ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
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Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuqute
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 2S).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire), les livres dont ils
désirent wt compte-rendu.
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L'ART D'ENLUMINER
Par A. LECOY DE LA MARCHE, Archiviste aux Arcliives nationales.
Un volume in-18, de luxe 3 fr. 50
Forme le tome XII de la Petite Bibliothèque d'art et d'archéologie, publiée sous la
direction de M. Kaempfen.
Instructions adressées par le coinité des travaux historiques et scientifiques
aux correspondants du Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts.
Littérature latine et Histoire du Nojeu âge
Par M. L DELISLE, membre de l'Institut.
In-8, avec une planche en héliogravure 3 fr. 50
L'AFRIQUE DU SUD
HISTOIRE II LA C0L01ÎI3 AII5LAISS DU CAP DE EOITIÎS-SSPÉÎIAITSS
ET DE SES ANNEXES
. Rar M. PAUL LÉLU
In-8 avec une carte 2 fr. 50
PER101)I()UES
Revue des études grecques, tome IIL n" 9, janvier-mars. ~ D. Bikélas,
Le marquis de Queux de Saint-Hilaire. — Alfred Croiset, Simonide
de Céos. — Salomon Reinach, Inscriptions inédites d'Asie Mineure re-
cueillies par le capitaine Callier (1830-1834). — Théodore Rhinach, le
collectivisme des Grecs de Lipari. — Chronique. Bulletin archéologique
(T. R.). Correspondance grecque (D. B.). Nouvelles diverses. Actes de
l'Association, ouvrages offerts. — Bibliographie.
The Academy, n» 943 : Nettleship, Rob. Browning. Essays and
thoughts.— GuNNiNGHAM.The growth of Englishindustry and commerce
during the early and middle âges (de très haute valeur). — Green,
Among the Selkirk glaciers. — Lady Jackson, The first ot the Bour-
bons, i5 i5-i6io (populaire). — La Perrière, Henri IV, le roi, l'a-
moureux (intéressant). — Récent theology. — The Béatrice Exhibition
at Fiorenz. — Chaucer (Gunthorpe). — Hanselyn in Ghaucer (Loge-
man). — The Nevilles in Domesday (Round). — Wharton, Etyma
latina (fait avec soin et d'un caractère très pratique). — Jensen, Die
Kosmologie der Babvlonier [remarqui^ble). — The Antonius and Sal-
lustius of Horace (Ramsay). — Perrot and Chipiez on the art of Ju-
daea (Pétrie).
The Athenaeum, n° 3266 : Russell, Nelson and the naval supremacy
of England, (tait sans critique, sans soin, et plein d'erreurs grandes et
petites). — Bridgett, Blunders and forgeries, historical essays. — Cook
WiLSON, On the interpret. of Plato's Timaeus, critical studies, with
spécial référence to a récent édition. — Maccarthy, The French Révo-
lution, I and II (du pittoresque, des allusions littéraires en grand nom-
bre, des gallicismes, cherche à taire sensation, mais « the permanent
value of his volumes is slight, as they are lacking in scholarship and
thought »). — Coleridge and the Anti-Jacobins. — L^npubiished letters o|
Samuel Pepys. — The excavations at Megalopolis.
Gœttiagische gelehrte Auzeigen, a" 10: Brandt, Die mandaiscbe Religion,|
ihre Entwickel. u. geschichtl. Bedeutung (cp. Revue, n°^ 6 et 12).
PiscHEL u. Geldner, Vedischc Studien, II Heft (très instructif, parfois*
fautif néanmoins parce que les auteurs ne voient qu'un côté du pro-^'
blême). — Benfey, Kleinere Schriften, ausgew. u. hrsg. von Bezzen;^
berger, I, I u. 2. •
Berliner philologische "Wochenschrift. n° 22 : Erwiderung (Gruppe). — Die
Ausgrab. in Obrigheim, Plalz (Mehlis). — Programme : K. Miller,
Reste aus rôm. Zeit in Oberschwaben; Schôttler, Lage der gesch. Orte
Aduatuca Eburonum, Ara Ubiorum, Belgica; Kolb, zur Gesch. des
alten Haller Gymnasiums; Friederich, Die Schulverhaltn. Reutlin-
gens zur Zeit der freien Reichstadt, il; Hehle, Das ehem, Zwiefalterj
Gymn. u. KoUegium zu Ehingen, 1686-1719. — Petersen, u. Lus-
CHAN, Reisen in Lykien, Milgas u. Kibyratis. (cp. Revue, 1889, n° 6).'
— P. VoGT, De Luciani libellorum pristino ordine quaestiones, I. —\
Horaz p. p. Nauck, i3« éd. Oden u. Epoden. — Urbini, La patria dij
Properzio (se décide pour Hispellum et ne nous convainc pas). — P.
Girard, L'éducation athén. au V et au iV^ siècle avant J.-C. (cp. Revue
1889, n" 48). — Wackkrnagel, Das Dehnungsgesetz der griech. Corn-
posita (recherches détaillés et vastes, riches en résultats). — Archaàolj
Gesellschaft zu Berlin, avril (suite). :
Literaturblatt fur germanische und romanische Philologie, n» 3 : W. Muller
Zur Mythologie der griech. u. dcutschen Heldensage. — H. Môllep
Zur ahd. Alliterationspoesie (important). — Keinz, Die Lieder Neid
harts von Reuenthal ; Beitrage zur Neidhart-Forschung (deux bon
travaux). — Brahm, Schiller, ï (ouvrage qui a de grands mérites et qui •
a été apprécié par notre recueil). — Volkelt, Grillparzer als Dichter
des Tragischen (très bon). — J. G. Zimmer u. die Romantiker, p. p.
H. W. B. Zimmer. — Mussafia, Osservazioni sulla fonologia francese,
la formola tj fra vocali (très vraisemblable). — De Fréville, Les quatre
âges de l'homme, traité moral de Philippe de Navarre. — Martens, Die
Anfànge der franz. Synonymik (essai bibliographique et court résumé
de tout ce qui a été fait sur le domaine de la synonymie jusqu'à Girard).
— NovATi, Studi critici e letterari (recueil d'essais déjà analysés par la
Revue). — Dante-Literatur : Locella, Zur deutschen Dante-Literatur
mit besond. Beriicks. der Uebers. von Dantes Gôttlicher Komôdie, mit
mehreren bibliogr. u. stat. Beilagen. — Gietmann, Die GottHche Ko-
môdie u. ihr Dichter Dante Alighieri ; Béatrice, Geist u. Kern der Dan-
teschen Dichtungen; La Divina Commedia di Dante Alighieri col
comento di Cornoldi; Ruggero della Torre, Poeta-Veltro; L'Ali-
ghieri, rivista di cose dantesche, dir. da Pasqualigo, 1, 1-2. — Gunth-
NER. Calderon u. seine Werke, 2 volumes (bien étudié, mais voit plus
en Calderon le catholique que le poète, et ne dispense pas de recourir
au livre excellent de Schmidt).
— N° 4 : Grundriss der german. Philologie, p. p. Paul, i (bel ouvrage
dont on attend la suite avec contiance), — Toischer, Ueber die Sprache
Ulrichs von Eschenbach (intéressant résultat). — Parzifal von Wisse u.
Colin, p. p. ScHORBACH (très précieuse source pour la langue de l'Alsace
et la métrique du xiv^ siècle). — Jan z Michalovic, Joh. von Michels-
ber.;, ein deutsches Gedicht des XIII Jahrh. p. p. Kraus. — Meister
Stephans Schachbuch u. Glossar. p. p. Schliîter. — Ipomedon, p. p.
KoLBiNG (édition très soignée). — Le Lai de l'ombre p. p. Bédier (texte
habilement établi). — Un samedi par nuit, die ait. franz. Bearb. des
Streites zwischen Kôrper u. Seele, p. p. Varnhagen. — Le Bestiaire,
das Thierbuch des normann Dichters Guill. le Clerc p. p. Reinsch
(introduction à remanier). — Ehrichs, Les grandes et inestimables cro-
niques de Gargantua u. Rabelais' Gargantua et Pantagruel (sagace et
conséquent) .
— N" 5 : E. H. Mever, Vôluspa, eine Unters. (résultats pénétrants,
contraires à ceux de Mûllenhotï, et qui trouveront une rude résistance).
— GuDMUNDssoN, Privatboligeu pa Island (cp. un prochain art. de la Re-
vue). — Daniel von Soest, p. p. Jostes {excellente édition de ce satirique
. westphalien du xvi" siècle). — Uhl, Unechtes bei Neifen (très soigne et
détaillé). — Koerting, Encyclop. u. Method. der engl. Philologie (cp.
Revue, 1889, n" 49 . — Portjoli, Le opère maccheroniche di Merlin
Cocai (publie deux œuvres rares, mais a des défauts). — Nyrop, Kort-
fattet spansk grammatik, et Laerebog i det spanske sprog (travaux de
grande valeurj. — Reinhardstoettner, Die klassischen Schriftstelier des
Altertums in ihrem Einfluss auf die spàteren Litteraturen, L Plautus,
Spatere Bearbeit. Plautin. Lustspiele. (très long art. de Stiefel sur un
travail où il y a nombre de faiblesses, de lacunes, d'erreurs, quoique
l'auteur ait fait preuve d'une grande diligence, d'une patience extraor-
dinaire, et d'un savoir étendu).
Zeitschrifl fur deutsche Philologie, XXII, i : Marold, Ueber die poetische
Verwertung der Natur u. ihrer Erscheinungen in den Vagantenliedern
u. im deutJîChen Minnesang. — Rôhricht, Die Jerusalemfahrt des
Herzogs Friedrich von Oeterreich, ein mhd. Ged. — - Erdmann, Ueber
eine Conjcctur in der neuen Lutherausgabe. — R. M. Werner, Gers-
tenbergs Briefe an Nicolai nebst einer Antwort Nicolais. — Duntzer,
Die Entsteh. des zweiten Teiles von Gœthes Faust, insbes. der klass.
Walpurgisnacht, nach den neuesten Mitteil. — Holstein, Zur Topo-
graphie der Fastnachtsspiele. — Erdmann, Zum Einfluss Klopstocks auf
Gœthe. — Litteratiir u. Miscellen : Mûllenhoff, Beowulf; Tkn-
Brink, Untersuch. ûber Beowulf. (La théorie dcTen Brink marque un
proi^rès essentiel après la critique de Mûllenhoflf ; elle est plus simple et
plus convaincante). — Kressner, Gesch. der franz. Nationalliteratur
von den iiltestcn Zeiten bis zum XVI Jahrh. (forme la i "^^ partie delà
sixième édition du Manuel de Kreyssig, dont la seconde partie, relative
aux temps modernes, sera revue par M. J. Sarrazin; assez bien groupé,
mais quelques défauts, n'est pas complet, et le style sent trop le feuil-
leton).
Zeitschrift fur deutsches Alterthum u. deiitsche Litteratur, Il u. III : Roette-
KEN, Das innere Leben bei Gottfried von Strassburg. — Herzog, Zu
Otfrid. — Cauer, Ueber das urspr. Verh. der Nibelungenlieder XVI,
XVII, XIX. — Meyer, Volksgesang u. Ritterdichtung. — Bolte, Du
bist mîn, ich bin dîn. id. Eine unbek. Ausg. des Frankfurter Lieder-
biichleins. — Henrici, Ulrich Fuetrer's Lôwenritter. — Ammann,
Nachtrâge zum Schwerttanz. — Kluge, Ae. gaerdas, bocstafas, bôc. —
ScHÔNBACH, Ein Zeugnis zur Gesch der mhd. Lyrik. — Schulze, Neue
Bruchst. aus Veldekes Servatius. — Seemûller, Zu Konrads Klage der
Kunst. — Holthausen, Ags. aus Copenhagen. — Anieiger : Strauch,
Verzeichnis der auf dem Gebiete der neueren deutschen Literatur 1888
erschien. wissensch. Publikationen. — Lexer, Zur Gesch, des deutschen
Wôrterbuches, Mitteil. aus dem Briefw. zwischen den Brûdern Grimm
u. Salomon Hirzel. — Mûllenhoff, Beowulf. — Fischer, Zur Gesch. des
mhd. — Schachinger, DieCongruenz in der mhd. Sprache. — Wëchter,
Mai u. Beaflor (du bon et du mauvais). — Beyer, Deutsche Poeiik ;
Biese, Das Metaphorische in der dichter. Phantasie; Viehoff, Die
Poetik auf der Grundlage der Krfahrungsseelenlehre; Steiner, Goethe
als Vater einer neuen Aesthetik. — Munckler, Klopstock (cp. Revue,
1889, n" 41). — Koller, Klopstockstudien, I. Klopstock als musikal.
Aesthetiker, II. Kiopsîocks Bezieh. zu zeitgen. Musikern. — Froitzheim,
Lenz, Gœthe u. Cleophe Fibich (cp. Revue, 1888, n" 44). — Litteratiir-
noti\en : De dûdesche schlômer, p. p. Stricker; Les Joies du mariage,
caquets rimes en dialecte strasb. 1687, p, p. Froelich; Archivai. Nachr.
iiber die Theaterzustande von Hildesheim, Liibeck, Lûneburg im XVI,
u XVII Jahrh., p.p. Gaedertz; Kriemhild, ûbertr. von W. Hahn;
Miillenhoffs Paradigmata zur deutschen Gramm. zum Gebrauch fûr-il
Vorles. 6" aufl. v. Roediger; Briefe der Brûder J. u. W. Grimm an'
Benecke 1 808-1 829, p. p. W. Mûller; Schweitzer, De poemate Wal-
thario ; Meister Stephans Schachbuch, ein mnd. Ged. des XIV Jahrh. ||
II, Glossar ; Vonbun, Die Sagen Vorarlbergs; Mnd. Handworterbuch il
von Lûbben, vollendet von Chr. Walther. — Linturali, ritterlicher
Frauendienst in Swanetien am Kaukasus.
Forschiingen zur brandenburgischen und preussischen Gescbichte, III, i '■
LiESEGANG, Die Kaufmannsgilde von Stendal. — Holtze, Die Bamber-
gensis in der Mark. — Seidel, Der Lustgarten am Schlosse in Berlin
bis zu seiner Auflôsung 171 5. — Schiemann, Luise Charlotte Radziwill,
Markgrâfin von Brandenburg. — H. Weber, Venezianische Stimmen
zum siebeniahrigen Kriege. — R. Koser, Zur preuss. Gesch. im XIX
Jahrh. — Kleine Mitteilungen : Bischof Johann Félix von Havelberg
(G. Schmidt). — Vom Jubelfeste dermarkischen Reformation (Holtze).
— Ein Urteil Josefs 11 ueber Friedrich II u. Preussen 1772 (Michael).
— Zur Gesch. Chr. L. von Kalckstein (Hirsch). — Nachwort
(Paczkowski). — Neue Erscheinungen : Zeitschriftenschau (Holtze,
Lohmeyer, Treusch von Buttlar); Ùniversitàtsschriften u. Schulpro-j
gramme (Runge).
Le Puy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N» 25 Vingt-quatrième année 23 juin 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. GHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuqute
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire ), les livres dont ils
désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
PETITE BIBLIOTHÈQUE D'ART ET D'ARCHÉOLOGIE
Publiée sous la direction de
M. Kaempfen
Directeur des Musées Nationaux et de l'Ecole du Louvre.
Tome XII
LA VATICANE, de Paul m à Paul V, d'après des do-
cuments nouveaux, par Pierre Batiffol. In- 18 3 fr.
Tome XIII
, L'ART D'ENLUMINE'
Par A. Lecoy de la Marche
Archiviste aux Archives Nationales.
In- 18 de luxe , . , . i^ 3 f>o
PÈklODIQUES
Bulletin critique, n" 1 1 : Gesta domni Aldrici p. p, Charles et Frogrr.
— Abel, Aegypt. indo-europ. Sprachverwandtschaft (travail et savoir
dépensés en pure perte). — Cartailhac, La France préhistorique (cp.
Revue, 1889, n" 48). — Joubert, Hist. de l'église réformée de Laval
au xvii" siècle. — G. Pelissier, Le mouvement littéraire en France au
xix= siècle, (Sagement pensé; bon style tel que l'enseignent les traités de
rhétorique, et d'une désolante perfection ; n'a pas cherché assez profon-
dément les origines de nos révolutions littéraires ni démêlé dans la mul-
tiplité des groupes et la variété des programmes le fonds commun; con-
clusion fausse ou que le livre n'impose pas; cp. Revue, 1889, n° 42).
Revue rétrospective, i"" juin : Corresp. de Villenave et de miss Tasset
(fin). — Bonaparte et Carnot, 1796. — Un mystificateur, 1793. — Un
bourreau respectable. — Dombrowski et les Allemands, 1871. — Note
d'un garçon de bureau, mai 1871. — Les fiacres de Paris (xviii« siècle).
— Frère, il faut mourir! (1812). — Lettres de Voltaire à Le Bret (1757-
1772). — Inventaire des effets de Voltaire. — Les subsistances sous la
Terreur. — Deux lettres du général Menou. — Apostille de Louis-
Philippe sur le recours en grâce de Fieschi. — Restif de la Bretonne in-
venteur du Mérite agricole.
Revue de l'instruction publique supérieure et moyenne en Belgique, tome XXXIII,
3^ livraison : 35^ séance de la séance de la Société pour le progrès des
études philologiques et historiques, samedi 12 avril 1890. — Thil-Lor-
RAiN, Pierre i'Hermite à propos de l'ouvrage de M. Hagenmeyer, 2. —
ViOLLET, Hist. des instit. polit, et admin. de la France (nul ne lira cet
ouvrage sans être frappé par la largeur des vues et l'élévation de la pen-
sée; cp. Revue, n° i5). — Varia (Harroy, Les Eburons à Limburg).
The Academy, n» 944 : Giffon, The growth of capital. — Couder, Pa-
lestine (souvenir condensé d'^explorations et de découvertes en Pales-
tine). — Haliburton, In Scottish fields. — H. Goodwin, The Founda-
tionsof theCreed. — The life of Carmen Sylva, translated by Baroness
Deichmann. — Welzhofer, Gesch. des griech. Volkes bis zur Zeit So-
lons (brillamment écrit; cp. Revue, n" 22). — The American Oriental
Society. — Discovery of the sixth Brâhmana of the Sâmaveda (Max
Miiller). — Etymological notes : cockney, clock, coble (Cook et Heath).
— The Word hauselyns in Chaucer (Skeat). — Goodwin, Syntax of the
moodo and tenses of the Greek verb (indispensable). — An inscribed
Gaulish menhir. — The Antonius of Horace (Wilkins). — Proposed
excavations at Chester.
The Athenaeum, n" 3267 : Story, Conversations in a studio; Russell
(A. P.;, In a club corner. — Rabbi David Philipson, The Jew in En-
glish fiction. ~ Ausonii Mosella, p. p. De La Ville de Mirmont (cp.
Revue, n° 10). — Lynch, Egyptian sketches. — Isaac Taylor, The ori-
gin of Aryans. an account ot the prehistoric ethnology and civilization
of Europe (brillant petit livre, à la fois court et clair). — An early Ame-
rican édition of Elia. — Lord Lovât. — The Hospitaliers in Englands.
— Dr. Schmitz. — The topography of Alba (Bent).
Literarisches Centralblatt, n° 23 : Saadia, Das Buch Hiob ûbers. u. er-
klart (cp. Revue n° 49'. — Gooszen, Der Heidelberger Catechismus. -
Teichmuller, Neue Grundleg. der Psychologie u. Logik, hrsg. von
Ohse. — Krause, Philosoph. Abhandl. p. p. Hohlfeld u. V/ûnsche.
— Gasner, Zum deutschen Strassenwesen von der ait. Zeit bis zur Mitte
de<; ]CV1I Jahrh. (très soigné), — Max Schilling, Quellenbuch zur
Gescfî. der Neuzeit. — Czerny, Der zweite Bauernaufstand in Oberôs-
tfTi-OàCh 1 595-1597 (instructif). -— Lanman, A sanskrit reader with voca-
bulary and notes (bon). — P, Regnaud, Esquisse du véritable système
primitif des voyelles dans les langues d'origine indo-européenne (ne
rappelle que par le titre le mémoire génial de Saussure). — Janssen,
Gesammtindex zu Kluge's etymolog. Wôrterbuch der deutschen Sprache
(cp. Revue, 1889, n" 5 18). — Schônbach, Walther von der Vogelweide
(tableau d'ensemble exact dans Tessentiel et dignement tracé). — Ran-
Now, Der Satzbau des ahd. Isidor im Verhaltn. zur latein. Vorlage (cp.
Revue, 1889, n" 5i). — Cordes, Der zusammenges. Satz bei Nicolaus
von Basel (tait avec grand soin). — Systemat. Verzeichniss der Lessing-
Literatur der herzogl. Bibliothek zu Wolfenbûttel, mit Ausschluss der
Handschriften. — Schultz, Die Bestreb. der Sprachgesellsch. des XVII
Jahrh. fur Reinigung der deutschen Sprache (soigné, quoique inférieur
à Wolff). — GoERREs, Studien zur griech. Mythologie, I (suppositions
et fantaisies sur toutes les figures et questions de mythologie possibles).
— Monumenti antichi, publ. per cura délia Accademia dei Lincei, I, i.
Deutsche Litteratiirzeitung', n° 23 : Gûldenpenning, Die Kirchengesch.
des Theodoret von Kyrrhos (cp. Revue, n» 19). — Pischel u. Geldner,
Vedische Studien, I (plein de sagacité et de savoir, malgré des objec-
tions à faire). — Diels, Sibyllinische Blatter (preuve fournie avec une
pénétration victorieuse). — O. Harnack, Gœthe in der Epoche seiner
Vollendung, i8o5-i832 (bon). — Church, Early Britain (manqué, à la
fois erroné et incomplet). — Bonin, Die Besetz, der deutschen Bistû-
mer 1077-1016 (excellente suite du travail de Beyer). — Gradnauer,
Mirabeaus Gedanken iiber die Erneuer. des franz. Staatswesens (bon,
mais ne connaît pas Décrue). — Schmarsow, S. Martin von Lucca u.
dieAnf. der toscan. Sculptur im Mittelalter. — Heysr, Italien. Dichter
seil der Mitte des XVIII Jahrh. Uebers. u. Studien. 111 u. IV.
Berliner philologische Wochenschrilt, n° 23 : Der Schuss des Odysseus durch
die zwulf Aexte. — Programme : Schrôder, Die subjectiosen Sàtze ;
Froehlich, de grammaticae lat. locis aliquot controversis; Dohmen, Der
latein. Unterricht in Sexta u. Quinta; Ammer, Reihenfolge u. Zeit der
Abfass. des herod. Gechichtswerkes; S. Martin, De Odyssea et Theo-
gonia; ScHrERUNOER, Die unterordn. Satzverbind. bei Antiphon. — Pe-
tersen u. Luschan, Reisen in Lykien (cp. Revue, 1889, n° 6). — Per-
sika of Ktesias p. p. Gilmore (louable travail). — Zosimos p. p. Mrn-
DELssoHN (marque un grand et remarquable progrès). — T. Macci Plauti
fabul. reliq. Ambrosianae, codicis rescripti Ambrosiani apographum
conf. et éd. Studemund (art. de Goetz : rend un juste hommage à Stu-
demund qui était non seulement paléographe excellent, mais qui pos-
sédait en maître la langue de Piaule et joignait à cette connaissance un
heureux don de combinaison et de divination). — Dumon, Le théâtre de
Polyclète, reconstruction d'après un module (travail d'un philologue
hollandais; on peut en dire : beaucoup de bruit pour rien; le résultat
scientifique est : rien, absolument rien). — Meister, Tempelrecht von
Aléa (travail recommandable; texte exact, traduction fidèle, commen-
taire détaillé). — Sasse, De numéro plurali qui vocatur maiestatis (ré-
sultats qui ne soulèvent pas d'objection).
Ma^azin fur die Litteratur des In-und Auslandes, n° 20 : Hansson, Skandi-
navische Litteratur. — Mrhly, Die Sprache u. ihre Ersatzmittel, II.
— ScHULTHFjss, Le Sages Gil Blas kein Plagiat. — Neumann-Hofer,
Berliner Tiieaterbriefe. — De Mont, Das Geheimnis der See, Gerechtig-
keit (ubertr. aus dem flàm. von A. Moser). — De La Revilla, Das
Spielzeug des Knaben. — Campoamor, Die Kirschen u. die Rose (ubertr.
von E. Dorer). — W. GARcmN, Die note Mohnblume (fin).
— N° 21 : Harden, Der Nazarener von Tula. — Keller-Jordan,
Armando Palacio Valdes u. sein neuester Roman. — W. von Troll,
Simon Jakovlevitsch Nadson. — Schwarzkopf, Wiener Theaierhrief,
— A. de Musset, Lied, An eine Tote, ubertr. von Geilfus u. Mehring.
— De RoBERTO, Die Tote, ûbers. von Sôhns.
— No 22 : Hansson, Skandinav. Liter. — Pluim, Amann de Vos u.
die fliim. Literatur. — L. pRilNKEL, Das gegenw. Studium der deuts-
chen Liter. in Frankreich. — H. von Basedow, Neues von Dostoievsky.
— Neumann — HoFER, Berliner Theaterbrief. — Coppée, Verlassen;
De Rioja, An die Rose, libers, von Mehring u. Léon — de Roberto,
die Tote, ûbers. von Sôhns.
— N° 23 : Neumann-Hofer, Der literarischeOccultismusin Frankreich.
— SiLEsius, Hundert Jahre Zeitgeist. — K. Blind, German. Spraciie in
franzos. Huile (à propos du Franzôs. étymolog. Wôrterbuch. de Schô-
tensack). — Sacher Masoch, Paul Hervieu. — Das Trauerlied von
Douglas, altschott. Ballade (ûb'^rtr. von Geilfus). — Okonski, auf dem
Markte, ûbetr. von Lôwenfeld.
Theologische Litteraturzeitung, n<> 1 1 : p. Werner, Der Paulinismus des
Irenàus (très méritoire). — Bratke, Wegw. zur Quellen-und Literalur-
kunde der Kirchengesch. (les explications ne pouvaient être plus bana-
les et plus insipides; le choix de la littérature, plus incohérent). —
DopFFEL, Kaisertum u. Papstwechsel unter den Karolingern (question
importante traitée avec détail et à fond). — Finke, Forsch. u, Quellen
zur Gesch. des Konstanzer Konzils (recherches d'une clarté et d'une
pénétration convaincante). — Usteri, Die Bedeut. u. Berechtig. des
mystischen Eléments in der christlichen Religion.
Deutsche Rundschau, juillet : W. Vulpius, Stammbuchblâtter aus Gœ-
the^s Nachlass. — Lady Blennerhassett, Zeitgenôssische Gedanken-
strômungen, II. — Friedlaender, Petron's Gastmahl des Trinialchio. —
Junker von Langegg, Heiiige Baume und Pflanzen, culturgesch. Skizze,
I-IV. — PosT, Die jûngste Schule Londoner Wohlthilter. — Frenzel,
Die Berliner Theater. — Hirschfeld, Oesterreich. Unternehm. in
Kleinasien. — Jul. Lessing, zur Gesch. der deutschen Goldschmiede-
kunst.
EMILE BOUILLON, ÉDITEUR, 67, RUE RICHELIEU.
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MAMEL POCR ÊTI'DIER LE SAICRIT VlDIdUE
précis de grammaire CHREST0MATH1E — LEXIQUE
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MANUEL POUR ETUDIER LA LANGUE SANSCRITE
CHRESTOMATHIE — LEXIQUE — PRINCIPES DE GRAMMAIRE
Par Abel BERGAIGNE
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Le Puy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
]Sfo 26 Vingt quatrième année 30 juin 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. CHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
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(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire), les livres dont ils
j désirent un compte-rendu.
\
KKNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
LA BRODERIE
DU XP SIÈCLE JUSQU'A NOS JOURS
D'après des spécimens authentiques et les anciens inventaires
Par M. Louis de Fakcy
Prix de souscription 80 fr.
Ce prix sera porté à 100 fr. lors de la publication du second volume,
I.^ BitOI>^:ftSl^, du X.!" siècle jusqu'à nos jours,
par M . Louis de Farcy, paraîtra en deux fascicules.
Chaque fascicule comprendra environ 5o pages de texte in-folio et au
moins 60 planches en phototypie.
Voici le titre sommaire des chapitres :
1. Définition de la Broderie et généralités.
2. Technique de la Broderie.
3. Différentes sortes de Broderie.
4. Rôle de la peinture et de rorfèvrerie dans la Broderie.
5. Noms et travaux de quelques brodeurs célèbres.
6. Caractères de l'ornementation et motifs de décoration préférés à
chaque époque.
7. Revue des expositions rétrospectives et industrielles en ce qui con-
cerne la Broderie.
8. Description des planches.
PÉRIODIQUES
Bulletin critique, n» 12 : Meignan, David roi, psalmiste, prophète. —
Die Trierer Ada-Handschrift, p. p. Menzel, Corssen, Janitschek,
ScHNUTGEN, Hettner, Lamprecht (magnifique ouvrage). — Bouchot,
Callot (petit livre excellent;. — Lemaitre, Impressions de théâtre, IV.
Romania, avril : Novati, I codici francesi dei Gonzaga secondo nuovi
documenti. — P. Meyer, Fragment d'Aspremont conservé aux Archives
du Puy-de-Dôme, suivi d'observations sur quelques mss. du même
poème. — Plaget, Oton de Granson et ses poésies. — E. Picot, Frag-
ments de mystères de la Passion. — Mélanges : Ambulare (Cornu) ;
accoutrer, fatras (G. P.); Guillaume de Montreuil (Lot); L'auteur de
la Complainte de Jérusalem (G. P.); Chanson en l'honneur de la Vierge
(P. M.) ; juge, marner, se mettre au plein (Bas); bouquetin (DelbouUe).
— Comptes-rendus : Notices et extraits des mss. de la Bibliothèque
nat. et autres bibliothèques, p. p. Acad. des Inscr. et Belles- Lettres,
tome XXXIII. — La Naissance du chevalier au cygne ou les enfants
changés en cygnes, p. p. Todd ^apporte un véritable enrichissement à
notre vieille poésie). — Novelle epoesi francesi inédite [o] rarissime del
secolo XIV. — Taeuber, I capostipiti dei manoscritti délia Divina Com-
media (quelques observations utiles, mais qui ne méritent pas tout un
livre).
La Révolution française, 14 juin : Bizos, Mélodrames militaires de Pi-
card sous la Révolution. — Debidour, Le colonel Fabvier (suite). —
Documents inédits : Bornarel, La Terreur blanche à Montpellier; Et.
Charavay, Louis XVI au Temple. — Aulard, Not. biogr. sur Fournier
l'Américain. — Chronique et bibliogr. : La Société de l'Hist. de la
Rév. : Le rapport de M. X. Charmes sur les archives; Boissonnade, Les
volontaires de la Charente (cp. Revue, n° 21).
The Academy, no 945 : Frazer, The golden bough, a study in compa-
rative religion (livre qui appelle l'attention sur un aspect de la religion
primitive jusqu'ici négligé: avec plus de sobriété de jugement et le cou-
rage de laisser de côté quelques analogies spécieuses, l'ouvrage mérite-
rait d'être recommandé sans réserve). — Poetry and prose by John
Keats, a book of fresh verses and new readings, essays and letters lately
found and passages formerly suppressed. p. p. Buxton Forman. — Kebbel,
Lord Derby (clair et judicieux). — Carstensen, T\vo summers in Green-
land. — The dedication ot Shakspeare's Sonnets (Tyler). — The spelling
of « was » in the alliterative poems (Skeat). — The masts and yards of
a ship and the sign of the cross (Cook). — The word hansely in Chau-
cer (Round). — Martineau, The seat of authority in religion. — Some
Semitic etymologies (Muss-Arnolt.)
The Athenaeum, n° 3268 : Fitch, Notes on American schools and trai-
ning collèges; Howland, Practical hints for the teachers of public
schools. — Curzon, The blue ribbon of the turf. — Haliburton, In
Seottish fields. — Sir G. Duckett, Visitations of P'nglish Cluniac foun-
dations. — Delitzsch. Biblical commentary on the Psalms, transi, by
Eaton. — The Hospitaliers in England. — Washington's ancestry
(Waters). — Notes from Cyprus (Munro et Tubbs).
The Babylonian and Oriental Record, n° 6 : Colinet, Puramdhi is the god-'
dess of abundance in the Rig-Veda. — Pfnches, A Babylonian tablet
dated in the reign of Aspasine. — Terrien de Lacouperie, Hispaosines,
Kharacenian king, on a Babylonian tablet dated 127 and the Arsacian
era, 248. — A daughter of Nabonidus.
Litterarisches Gentralblatt, n» 24 : Baudissin, Die Gesch. des alttestam.l
.1
Priesterthums unters. — Dahn, Urgesch. der german. u. roman. Vol-
ker, IV (de bonnes choses, mais manque de clarté el parfois inégal). —
Die Chroniken der westf. u. niederrhein. Stadte, IL — Edelmann,
Schûtzenwesen und Schûtzenfeste der deutschen Stadte XllI-XVIII
Jahrh, (matériaux rassemblés avec soin). — Green^s Gesch. des engl.
Volkes, libers, von Kirchner. — Jaeger, Die franz. Revol. u. die so-
ciale Bewegung, I, Frankreich am Vorabende der Revol. (tait au point
de vue « chrétien-social. »} — Kreschmer, Die phys. Erdkunde im
christl. Mittelalter (cp. le prochain numéro de la Revue). — Delbrûck,
Die indogerm. Verwantschaftsnamen (recherches brillantes et très dé-
taillées qui peuvent passer pour modèle). — Fick, Eine jainistische
Bearb. der Sagara Sage. — Cicero, ad Quintum epist. prima, p. p.
Antoine (cp. Revue, 1889, n°9). — Aucassin u. Nicolete, p. p. Suchier,
3« edit. — Feist, Grundriss der gothischen Etymologie (court, précis,
souvent contestable dans le détail). — E. R. Miiller, Heinrich von
Loufenberg (lourd, mais soigné). — Steinhausen, Gesch. des deutschen
Briefes, zur Kulturgesch. des deutschen Volkes, 1 (bon travail, très
complet, exact et plein de jugements justes). — Czoernig, Die deutschen
Sprachinseln in Siiden des Sprachgebietes in ihrem gegenw. Zustande
(brochure intéressante; l'auteur « ist ûberall durch eigene Kenntniss
und Autopsie zu Hause. ») — Schlosser, Die abendl. Klosteranlage des
frûheren Mittelalters (très instructif).
— N° 25 : KocH, Die Karmeliten-Klôster der niederd. Provinz, XIII-
XVI Jahrh. — Kluckhohn, Westenrieders Leben u. Schritten (court et
pénétrant). — Ed. von Hartmann, Das Grundproblem der Erkenntniss-
theorie. — Wolkf, Kosmos, die Weltentwickel : I. Die naturw. psy-
chol. Weltauffass. der Gegenwart; II. Biontologie. — Hertzberg. Gesch.
der Stadt Halle a .S. I, im Mittelalter (soigné). — Niemann, Vechta u.
Cloppenburg (cp. Revue, iSSg, n» 5 1). — Wittelsbacher Briefe 1 590-1610,
p.p. Stieve, IV. — Staiger, Eichstatt im Schwedenkriege,Tagebuch, p. p.
ScHLECHT (intéressant). — Von Scharfenort, Bilder aus der Gesch. des
Kadettencorps. — Beutner, Die preuss. Garde-Artillerie. — R. Simon,
Beicr. zur Kenntniss der vedischen Schulen (recommandable). — Uhl,
Unechies bei Neifen (résultats à rejeter). — Ebeling, Der Kahlenberger,
zur Gesch. der Hotnarren (récit modernisé). — Reifferscheid, Quellen
zur Gesch. des geistigen Lebensin Deutschland wahrend des XV II Jahrh.
I. (commencement d'un vaste ouvrage, d'un des « standard w^orks » de
notre littérature scientirique).
Deutsche Literarturzeitun», n° 24: W. Schmidt, Das Gewissen. — Uphues,
Die Erinnerung. — Goldscheider, Die Erkl. deutscher Schriftwerke in
den oberen Ciassen hôherer Lehranst. — Edlinger, Die Bildung der
Begrifîe, ein etym. vergl. Worterbuch aus allen Sprachgebieten, i (inu-
tile de critiquer une pareille œuvre). — Blase, Gesch. des Irrealis im
Latein (très bon). — Strnadt, der Kirnberg bei Linzu. der Kûrenberg-
mythus. Hurch, Zur Kntik des Kûrenbergers (querelle entre deux Au-
trichiens). — The Jew of Malta, p. p. A. Wagner (n'est pas à la
teurhau des deux précédents volumes de la collection Breymann). —
Sommerfeldt, Die Romfahrt Kaiser Heinrichs VU, i3io i3i3, I. Die
beiden Speierer Reichsiage iSop, u. i3io. — D'Avenel, Richelieu et la
monarchie absolue, IV (cp. Revue, n" 19). — Kiepert, Wandkarte von
Altgallien; von Altkleinasien ; der Reiche der Perser u. Macedonier;
von Altlatium. — Baasch, Forsrch. zur hamburg. Handelsgesch. I. Die
Islandfahrt der Deutschen, nam. der Hamburger, vom XV-XVII Jahrh
(méritoire). — Frôhlich, Das Kriegswesen Ciisars, I (cp. Revue, n" 18).
— N" 25 : Mandel, Kephas der Evangelist. — Die Universitats-bi-
bliothek Kiel. — Homeri Carmina, II, Odyssea, i, p. p. Ludwich (cri-
tique assez défavorable de Cauer). — Fischer, Klassicismus u. Roman-
lik in Schwaben zu Anfang unseres Jahrh. (court et intéressant). — Lu-
cas, Portr. et souv. litt. (sans prétention). — Winckler, Unters, zur
altorient Gesch. (cp. Revue, n° 25). — Merx, Thomas Miinzer. u. H.
Pfeifler, I (fait avec très grand soin). — Haigh, '1 he Attic tlieatre (utile
et consciencieux). — Kalb, Das Juristenlatein, z" éd. — Granier, Die
Schlacht bei Lobositz (très estimable). — Geseilschaft fur deutsche Li-
ter. 2 1 mai.
Gœttingische gelehrte Anzeigen, n" 1 1 : Mûnsterberg, Der Ursprung der
Sittlichkeit. — Wundt, System der Philosophie. — Aulard, Société des
Jacobins, 1 (cp. Revue, n" lo). — Commentationes in honorera Stude-
mundi (cp. Revue, 1889, n" 37).
Berliuer philologische Wochenschrift, n» 24 : zu den Lucianhandschriften
(Nils Nilen). — Programme: Lindauer, De Polybii vocabulis militari-
bus; Baumann, Platos Phaedo: Franziski. Hok.z als Nachahmer griech.
Lvriker ; Schinnerer, Senecas Schrift an Marcia. — Tannery, pour l'hist.
de la science hellène, de Thaïes à Empedocle (cp. Revue, 188g, n" 3j). —
GoETZELER, Quaest. in Appiani et Polybii dicendi genus (lanx satura
qui renferme les fruits mûris d'un travail soigné et patient). — Catulls
Buch der Lieder in deutscher Nachb. von P. Heyse, 2® éd. — Fine. Der
Verschluss bei den Griechen u. Rômern (très recommandable, et avance
la question). — O. Hoffmann, Das Prâsens der indogerm. Grundspra-
che in seiner Flexion u. Stammbildung (du savoir et de la sagacité,
mais manque encore de méthode;. — Paltrinieri, Come parlano gli
uomini (bon travail). — A. J. Schilling, Johann Jakob Dillenius 1687-
1747, sein Leben u. Wirken.
Theologische Literaturzeitung, n" 12 : Perthes' Handlexicon fur evang.
Theologen, 1-8 Lief. — Hatch, Essays in Biblical Greek (cp. Revue,
no2). — Tertuliiani Opéra, p. p. Reifferscheid u. Wissowa, I (très im»
portant). — Inscript. Christ, urbis Romae VII saec. antiq., p. p. de
Rossi. vol. II, I. — M. GiFFERT, Dialogue beiween a Christian and a
Jew, Greek text (spécimen eruditionis qu'il fallait donner, mais Papis-
cus et Philo ne méritent pas une étude de 99 pages.)
Magazin fiir die Litteratur des In-und Auslandes, n" 24 : Chotzner, Das Jour-
nal der Marie Bashkirtseff. — H. von Basedow. Claude Bernard. — E.
S. Ein Brief Heinrich Heines an Keribény. — Silesius, Hundert Jahre
Zeitgeist (fin). — Neumann-Hofer, Berliner Theaterbriefe. — Georgische
Volkslieder, iibertr. von A. Leist. — Das Madchen u. die Sonne, siid-
slav. Voikslied, iibertr. von Krauss. — Wl. Okonski, auf dem Markte,
trad. par Lôwenfeld.
^
^
Le Puy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint- T;aureiit, 23.
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REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
V1NGT-QUATF<IÈME ANNÉE
(Nouvelle féri.-. — Fome XXXX).
«
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : M. A. Chuquet
VINGT-QUATRIÈME ANNÉE
DEUXIEME SEMESTRE
Nouvelle Série. — Tome XXX
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE I,A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUK BONAPARTE, 28
1890
ANNEE 1890
TABLE DU DEUXIÈME SEMESTRE
ARTICLES
TABLE ALPHABETIQUE
pages
Abbadie, Lettres d'un cadet de Gascogne sous LouisXI V (A. G.) . 3/8
Abd-el-Kader , 39
AcHELis, Théologie pratique (A. Loisy) 445
Alger 53
Altercation (1') de Simon et de Tliéophile 338
Amaraca , 340
Ancien Testament [Y] 406
Arbois de Jubainville (d'), L'origine de la propriété foncière et
des noms de lieux habités en France (S. Reinach) 439
Armaillé (M""® d'), La Gomtesse d'Egmont (L. Brunel) .... 201
Armoises (Claude des) 233
Atkinson, La mort, de Keating 424
AuDisio, Histoire civile et religieuse des papes (Gh. Pfîster). , 5o2
Augier 484
Augustin-Thierry (Gilbert), Le capitaine Sans- Façon (E. B.). 432
AuvRAY, Les registres de Grégoire IX, I (M. Prou) 149
Bacon et Shakspeare 475
Batiffol, La Vaticane de Paul IH à Paul V(P. de Nolhac et
L.-G. Pélissier) 195
Baudissin, Le sacerdoce dans lAncien Testament (M. Vernes). 3o6
Baumann, Ghartes dAllerheiligen 48
Bayle, Sa correspondance 472
Bédier, Le lai de l'ombre (L.) 118
Benndorf, Album archéologique (S. Reinach) 63
Bérenzi, L'école bresciane de Lutherie (L. g, p.) 77
Bergaigne, Manuel pour étudier le sanscrit védique (A. Barth) . 24 1
Berger, Stylistique latine (P. L.) 382
Bergmans, L'autobiographie de Juste Lipse(P. Lejay). ... 8
Bergson, Les données immédiates de la conscience (L. Herr). 5 17
VI TABLE DES MATIERES
Berluc-Perussis (de), Wendelin ea Provence (T. de L). . . ,
Bernard (saint)
Bernheim, Manuel de la méthode historique (A. Lefranc). . . .
Bernoni, Les Torresani (P. de Nolhac).
Bernoulli, Chroniques de Bàle, IV. (R.)
Bertana, Études sur le xviii* siècle (L. G. P.)
Berthelé, Recherches sur l'histoire des arts en Poitou (H. de
Curzon)
Bertrand (Edouard), Cicéron artiste (Em. Thomas)
Bertrand (Joseph), Biaise Pascal (Salomon Rcinach)
Besson, Fischart (A. Bossert)
Besthorn, Ibn Zaidoun (R. Duval). = . ,
BiART, Cervantes (G. Strehly)
Blanchet, Manuel de numismatique (T. R.)
Blandini, La tyrannie italienne à la Renaissance (L. G. P.). .
Blaydes, Les fragments des comiques grecs (U. W.)
BoBBio, Deux mazarinades (T. de L.)
Boislisle, (de], Me'm. de Saint-Simon, VII (T. de L.). . . . i
BoLTE, Le Schloemer de Stricker (A. Chuquet)
Bonnet, Le miracle de Tarchi-stratège Michel (P. A. L.) . . .
Boos, Sources pour l'histoire de la ville de Worms, II (R.) . .
Bouddhisme (le)
BouLFROiD, Rome et ses monuments (R. C.)
BouvY, Pietro Verri (L. G. P.)
BoYER, Les enceintes de Bourges (H. de Curzon)
Braitmaier, Histoire de la critique allemande (E. Grucker) . .
Brandes, Un poème de Rusticias (P. A. L.)
Bratke, Sources de Thistoire ecclésiastique (Ch. V. L.) ....
Bresslau, Manuel de diplomatique, I (H. Pirenne)
Bridier (abbé)
Brissaud, Trad. de Marquardt
Brlcker, Ordonnances de police de Strasbourg (R.) ......
Brunel, La Nouvelle Héloïsa et M""^ d'Houdetot (F. Hémon).
Brunetière, L'évolution des genres (R. Doumic)
Bugge, Etrusque et arménien (A. Meiilet)
Burdeau, Trad. de Schooenhauer
BuRDO, Stanley (H.-D. de G.)
Burton, Histoire de la Nouvelle Galles du Sud (B, Auerbach).
BcRY, Le bas-empire romain (R. Cagnat)
Campbell, Description de la Rhétie
Camus, Les mss. français de la bibliothèque d'Esté (L. C.)- • •
Cara (de), Les Hyksos (G. Maspero)
Castellani, L'épithalame de Prodrome (S. Reinach) .....
Castelli, Histoire des Israélites (T. R.)
Catherine de Ricci
pages
99
147
87
193
io5
235
36o
477
89
I
5o6
254
89
358
104
258
86
002
372
495
83
141
238
395
488
252
24
174
3
428
68
282
355
5i8
209
5i5
5 00
5d
340
465
304
22c
i33
TABLE DES MATIERES VU
pages
Catherine (sainte), Sa légende i63
Catulle 332
Cauchon (Pierre) 233
Cervantes 5o6
César, son armée, , 446
Cicéron 218, 36ô
Chantilly (Catalogue des livres de) i5
Chevalier, Répertoire hymnologique (T. de L.) 66
Christ, Apologie de Criton, Eutyphron et Gorgias (E. Baudat) . 33 1.
Chrysostome 63, 419
Clédat, Grammaire élémentaire (A. Delboulle) 6^
Cléomène , . . . . 188
Cluny [VoràrQ de) en Angleterre * 278
Commodien, p. p. Do>ibart (Paul Lejay). » ii3
CoMMUNAY, Pierre de Lancre (T. de L.) 454
Co;72^zè^«e ^Société historique de) 45
Constantin (les) 140
Conta, Les fondements de la métaphysique (L. Herr), . ... 5 18
Cordier (H.), Stendhal et ses amis (A. C.) * . . . 483
Corréard, Histoire de l'Europe et de la France (Ch. Pfister) . 339
CoRSSEN, L'Altercation de Simon et de Théophile (L.) 338
CosNAc (comte de), 'Eà.àç.sMéni. du marquisdeSourches(A.G.). 32
Coz^rfrfif (Bataille de) ^ . . . . 44
Cruise, Le Codex Paulinus de l'Imitation (T. de L.) 192
Curti, La création de la langue (V. H.) 61
Dahmier, a propos des Précieuses Ridicules (R, P.) 197
Danielsson, Epigraphica (M. Grammont) 42
Dante 5i
Darmesteter (A.), Le Talmud (M. Vernes) 499
Del Balzo, Les poésies sur Dante (P. de Nolhac) 5i
Delbrûck, Les noms de parenté indo-européens (V. Henry). . 81
Delisle, Instructions du Comité des travaux historiques (T.
de L.) , 289
Desilve, L'école de Saint Amand (H. Pirenne). 99
Deutschmann, La versification rythmique des Grecs (L. Duvau). 463
Devaux, Les patois du Haut-Dauphiné (E. Bourciez) 56
DiEHL, Excursions archéologiques en Grèce (S. Reinach) . . . 273
D0LLINGER, Lettres et déclarations (Ch. Pfister). . ^ i55
DoMBART, Ed. de Commodien , ii3
DouMic, La question du Tartuffe (R. P.) 94
Du Bartas 487
Dubois, Précis de la géographie économique des cinq parties
du monde (B. Auerbach) 487
Du BoYs, Deux correspondants limousins de Baluze (C). . . . 282
— La Monnoye et Thoynard (T. de L.). ....-.;....; 93
Vlll TAHLE DES MATIERES
pages
DucKETT, Les visites de l'ordre de Glu ny en Angleterre (M. Prou). 278
Diimourie\ 76
Du Pac de Bellegaj'de , L'Eglise catholique de Hollande
(L. G. P.) 68
DuvAU, Ciste de Préncste (M. Bréal) 269
Ebert, Littérature latine du moyen âge, 2^ éd. I (P. Lejay) . . 244
£'^?;20«f (comtesse d') 201
Ehni, Le mythe de Yama (S. Lévi) 354
Elisabeth et les catholiques 386
Engelbrecht, Fauste de Riez (P. Lejay) 1 1 5
Ennodhis, Sa chronologie (L. G. P.) 172
Escalade (!') 120
Ethé, Catalogue des mss. persans de la Bodléienne (J. Dar-
mesteter) . . 2i3
Euripide 269
Fabri, Description de la Suisse * 49
Fabricius, Thèbes (Salomon Reinach) 4[
Faguet, xviii'= siècle. Études littéraires (A. Delboulle) 261
Falci, Description de la Suisse 49
Fauste de Riez 1 1 5
Fay, Journal d'un officier de Tarmée du Rhin (A. Ch.) .... 142
FÉLIX, Comptes-rendus des échevlns de Rouen (A. Delboulle). i63
Fz«/20-02/^rie;2;ze (Société), son Journal (E. Beauvois) 223
Fischart ' 89
Fischer, Foi ou science (M. V.) 488
Fleet, Recueil des inscriptions de l'Inde, III (E, Drouin). . . 328
Fortunat , . . . 447
Foiicquet • 255
FouRNEL (V.), Les hommes du 14 juillet (Frantz Funck-Bren-
tano) 234
Fredericq, Documents sur les persécutions contre les héré-
tiques en Néerlande 279
Frœlich, L'armée de César (R. G.) - 446
FujisHiMA, Le bouddhisme japonais (S. Lévi) 495
Ganier et Froelich, Voyage aux châteaux historiques des Vosges,
I. (G.). • 58
Gasquet, Etudes byzantines (G. Schlumberger) 226
Gasté, La jeunesse de Malherbe (A. Delboulle) 43 1
Gebhart, L'Italie mystique (L. -G. Pélissier) 375
Geiger, (L-P.-A.), Sur quelques cas de labialisation en fran-
çais (Ch, J.) 177
Geiger (L.), Goethe — Jahrbuch, IX (A. G.) 54
Gherardi, Lettres de Catherine de Ricci (F. -T. Perrens) . ... i33
GiGAS, Choix de la correspondance de Bayle, I (T. de L.). . . . 472
GiNDELY, Wallenstein et son traité avec l'empereur (R.) .... 9'
TABLE DES MATIERES IX
pages
Glaskr, Esquisse deThistoire et delà géographie de TArabie . 297
Godet, Histoire littéraire de la Suisse française (A. Gazier) . . 108
Goethe 54
GouRCUFF et Bénétrix, Du Bartas(T. de L.) 487
Grand-Carteret, J.-J. Rousseau jugé par les Français d'au-
jourd'hui (L. Brunel) 71
Grébaut, Le musée égyptien (G, Maspero) 409
Grégoire IX 149
Groh, L'empereur Justin II (Gh. Diehl) , 447
Groot, Histoire de la Nouvelle Grenade, II (G. Strehly). . . . 404
GuDMUNDsoN, L'habitation en Islande (Beauvois) 64
Guérin, La question du latin et la réforme profonde de l'ensei-
gnement secondaire (A. Delboulle) 480
Gûnther, Kepler et le magnétisme terrestre (B. Auerbach). . . 28
GûNTZER, Ses correspondances parisiennes 120
Gutscher, Epitaphes attiques ^Salomon Reinach) 469
H AB ASQUE, Le dernier duc d'Aquitaine, Xavier de France (T. de L.) 347
Hans, Le culte protestant (Gh. Pristerj g5
Hardy, Le bouddhisme (S. Lévi) 495
Harlez de). Le Yi King (L. Feer) 161
Hartmann (J.-J.), Les fables de Phèdre (Em. Thomas) .... 3o4
Hartmann (L -M.), L'administration byzantine en Italie (Ch.
Diehl) 175
Halck, Histoire ecclésiastique de TAllemagne, I (Ch. Pfister). 817
Hauréau, Des poèmes latins attribués à saint Bernard (A. Mo-
linier) 99
Havet (Louis), Simplification de l'orthographe (A. Delboulle). 55
Heiden'hain, Philippe de Hesse ;Ch. Piister) 376
Heitz, Bois gravés du xvi^ et du xvii^ siècle (S.) 194
Henry(V.), Manuel pour étudier le sanscrit védique (A. Barth). 241
Héro et Léandre 418
Hérodote, second livre 493
Hexateuqiie (V) 3o6
HiLGENFELD, De aleatoribus (P. Lejay) 364
Hogan, Documents sur saint Patrice, II (H. d'Arbois de Jubain-
ville). 419
HoLDER, L'Invention de la Sainte Croix (P. Lejay) i63
Houdetot (Mme) 5g
HuBNER, La domination romaine dans l'ouest de l'Europe
(R. Cagnat) i3i
Hucher (Eugène) 237
Hydk DE Neuville, Mémoires et souvenirs, II (C.) 461
Hyksos (les) 465
Ibn Zaidoiin i
Inventaire général des richesses d'art de la France, Paris,
X TABLE DES MATIÈRES
pages
Monuments civils, IL (H. de Curzon) zSj
Isabelle d'Esté 383
Islande [Vhdthhdiùon en) . . , 64
Jadart, Mémoires de Jean Maillefer (T. de L.) 198
Janet (Pierre), L'automatisme psycliologique (L. Herr) 5i8
Jean, Le Maduré. (B. A.) . . . . , iSg
Jeanne d'Arc 100, 233
Jeanne d'Arc au théâtre 33
Jean Paul 394
Jellinek, Héro et Léandre (S, Reinach) 418
JoGUET-TissoT, Les armées allemandes sous Paris (C.) 126
Josèphe, p. p. NiESE, IV (T. R.) 38 1
JouBERT, Les Constantin, grands prévôts d'Anjou (A. L.)- • ■ 14°
Juste Lipse ■. 8
Justin II 447
Keating, La Mort, p. p. Atkinson(H, d'Arboisde Jubainville). 424
KiEM, Les Actes de Mûri 49
KiRCHNER, Catalogue des citoyens athéniens (My) 359
KiRSTE, Le Grihyasûtra (A. Barth) i85
Klatt, Cléomène (A. HauvetCe) 188
Knust, La légende de sainte Catherine (P. Lejay) i63
Knuttel, Les pamphlets de la bibliothèques de La Haye (R.). 27
KoBERT, Études historiques (Ch. J .) i56
Koestlin, Prolégomènes d'esthétique (L. Herr) 57
Kraft-Bucaille (Mi""^), Causeries sur la langue française (A.
Delboulle) ! . . . . 34
Krauss, Manuel de théologie pratique (A. Loisy) '445
Kretschmer, La géographie au moyen âge (B. Auerbach) .... 6
Kroman, Logique et philosophie (L. Herr) 517
Kronenberg, Minuciana (P. Lejay) = . . . . 118
Kuenen, Les livresprophétiquesde l'ancien Testament(M. Ver-
nes) , 406
KuKULA, Le saint Augustin des Bénédictins (P. A. L.) 189
La Bouère (Mine de), Souvenirs (A. C.) 400
La Bruyère, p. p. Servois et Rebelliau (A. Delboulle). . . . 346
Lachmann-Muncker, Ed. des Œuvres de Lessing, IV (A. C). 200
La Fontaine 12
Lagrèze (De), Les Normands dans les deux Mondes (E. Beau-
vois) 207
Lair, Foucquet(Ch. Pfister) 255
Lambert, Les Fédérations en Franche-Comté (Frantz Funck- ^j
Brentano) 399
La Monnaye 93
Lancre (Pierre de) 454
Lanquetin, L'œuvre de Villalobos (G. Strehly) 472
TABLE DES MATIERES XI
pages
La Rochejaquelein (A. C.) 400
Law, Les catholiques sous Elisabeth (H. d"'A. de J.) 386
Lebaigue, La réforme orthographique et l'Académie française
(L. Havet) \ . 108
Lecoy de la Marche, Les sceaux (H. de Curzon) 236
LeGoffic, Les romanciers d'aujourd'hui (Léo Claretie). ... 124
Lentzner, Bacon et Shakspeare (Ch. J.) 475
Lessing, Œuvres, IV, p. p. Lachmann-Muncker (A. C.) .... 200
Liebenam, Les corporations romaines (R. Gagnât) 38i
Lippert, L'ordre militaire de Santiago en Terre Sainte (Ch.
Pfister) 470
LiTZMANN, Schroeder. I. (A. G) 461
Loch, Les épitaphes grecques (S. Reinach) 23
LoDs, Les églises protestantes de la principauté de Montbé-
liard (G.) 480
LoEB, Le juif de l'histoire et de la légende (M. Vernes) .... 470
LoTH, Ghrestomathie bretonne. I (H. d'Arbois de Jubainville). 425
Louis-LucAS, Trad. de Marquardt 3
Lucas, Portraits et souvenirs littéraires (A. Delboulle) i23
LuzEL, Ghants populaires de la Basse-Bretagne (H. d'Arbois de
Jubainville) 427
Luzio, Isabelle d'Esté (P. de Nolhac) 383
Macaire (La ville de) i 53
Maduré [\€] 169
Mahrenholtz, Jeanne d'Arc (Gh. Pfister) 100
Maillefer (Jean) 198
Malherbe 43 1
Mandrin 139
Margoliouth, Le texte de l'Ecclésiastique (M. Vernes) .... 445
Marie- Antoinette 206
Maroni 119
Marquardt, Organis, de Pempire romain, trad. par Weiss et
Louis- Lucas.
— Le culte chez les Romains, trad. par Brissaud (R. Gagnât) . 3
Marsy (de), La fausse Jeanne d'Arc, Glaude des Armoises
(T. de L.) 233
— Pierre Gauchon (T. de L.) 233
Massip, Le collège de Tournon (T. de L.) 5o3
Maugras, Journal d'un étudiant pendant la Révolution (A.
Chuquet). 38
Maximien, Élégies 275
Ma^arinades 104
Meaux (De), LaRéformeet la politique françaiseen Europe(R.) 388
Meyeu de Knonau, Gariulaire de Rheinau 4g
Meyer (G.), Ghants populaires grecs (Jean Psichari) 471
XM TABLE DES MATIÈRES ♦.
pages
Meynfel, Napoléon I^'' (Ch. P.) 507
MiNOR, Schiller, I et II (E. Veyssier) 5o8
Mimicius 118
MiODONSKi, De aleatoribus (P. Lejay). ... 364
Mirabeau 2o3
MoHEL, Les écoles dans les anciens diocèses de Beauvais,
Noyon et Senlis (A. Lefranc) 45
MossMANN, Cartulaire de Mulhouse, V (R.) 78
Mulhouse 78
MuLLENHOFF, Antiquité allemande I, p. p. Rôdiger(H. d'Ar-
bois de Jubainville) 5oi
MûLLER (Th.), Le conclave de Pie IV (Ch. Pfister) j32
MuNSTERBERG, Psvchologie expérimentale (L. Herr) 57
Napoléon I^^ 50;
Naville, Le libre arbitre (L. Herr) 5 18
Neri, Etudes biographiques et littéraires (P. N) 3i
Nerrlich, Jean-Paul (A. C.) 394
NÈVE, La Renaissance en Belgique (P. de Nolhac) 1 38
NiESE, Ed. deJosèphe, IV 38i
NisARD (Ch.\ Le poète Foriunat (P. L.) 447
Notation (la) musicale du moyen âge (L. D.) 86
Nouvelle Galles du Sud {la.) 5 16
Nouvelle G^'cnade (la) 404
NovAK, Éd. de Tite-Live, I et IL 446
Ollivîer-Beauregard, La science la robe au vent (H. Cordier). 2i3
Omont, Catalogue des mss. celtiques et basques de la Bibliothè-
que nationale 275 et 488
Ordre Teutonique (!'), Ses statuts 450
Papadimitracopoulos, La prononciation érasmienne(J. Psichari). 24
Parigot. Emile Augier (Léon Dorez) 484
Pascal 477
Patorni, Abd el KaJer (H. D. de Grammont) 39,.
Paulson, Un manuscrit de Chrysostome (P. A. L.) 4'9.
— Un nouveau ms. de Chrysostome (P. A. L.) 63
Peiresc ' 344
Pélissier, Lettres de Dom de Vie à Maroni.
— Relation inédite de l'Escalade (T. de L.) 119
Perlbach, Les statuts de l'Ordre Teutonique (Ch. Pfister). . . 45o
Perrero, Les derniers rois de Savoie;
— La glorieuse Rentrée de 1689 (L. G. P.) 208
Perrot, (J.), Nos utopies politiques et socialistes (M. V.) . . 435
Perse, Trad. par Ronchini(P. A. L.) 6
Petroz, Esquisse d'une histoire de la peinture au Musée du
Louvre (H. de Curzon) 23?
Petschenig, Élégies de Maximien (P. A. L.) 275
TABLE DES MATIERES XIII
pages
Pflugk-Harttung, Considérations sur l'histoire (Ch. Pf.) . . 191
Phèdre (le fabuliste) 804
Philastre, LeYi-King(L. Feer) 162
Philippe de Hesse[\t\'ànàg\-^vQ] 876
Picot, Catalogue du cabinet des livres de Chantilly (T. de L.). i5
Pirenne, La version flamande et la version française de la
bataille de Courtrai (C.) 54
Plantet, Correspondance des deys d'Alger avec la cour de
France (H, D. de Grammont) - 53
Platon 33 1
Polj^be, Ses études 146
Ponial, Ed. des Mém. du marquis de Sourches 32
Pressensé (Fr. de), L'Irlande et l'Angleterre (A. d'Arbois de
Jubainville) 2S5
Pribram, L'Autriche et la guerre du Nord (B. Auerbach) ... io3
Properce 332
Prou, Peiresc et la numismatique mérovingienne (T. de L.) . 344
Puitspelu (Du), Dictionnaire du patois lyonnais (Ch. J.) . . . 404
Puymaigre (comte de), Jeanne d'Arc au théâtre (T. de L.). . . 33
Quesnel., Borromée (L. G. P.) igS
Racine, sa poétique 432
— et Héliodore 5o6
Rajîdon (Le maréchal) 106
Rastoul, Le maréchal Itandon (H. D. de Grammont) . ... 106
Rebelliau, Éd. de La Bruyère 346
Régnier, Œuvres de La Fontaine, VI (A. Delboulle) .... 12
Reich, Institutions gréco-romaines (A. B.-L.) 218
Reifferscheid (A.) Éd. de TertuUien 114
Reuss (R.), Corresp. et Chroniques parisiennes adressées à
Gûntzer (Ch. Pfister) 120
Robert, La poétique de Racine (L. Brunel) 482
Rocheterie (de la), Histoire de Marie-Antoinette (A. C). . . 206
RoNCHiNi, Trad. de Perse 6
Rousseau (J.-J.) 68-71
Rusticius ^88
Sabatier, De la vie intimedes dogmes (P. M. Vernes) .... 370
Saint- Aniand gg
Saint-Bris, L'empire d'Amaraca (L. Gallois) 340
5fl/7^^5/;;^o;^, Mémoires, VII (T. de L.) 258
Salamon, Mémoires, p. p. Bridier (A. Chuquet) 74
ScALA (R. de), Les études de Polybe (A , Hauvette) 146
ScHENK, Le dieu Télesphore (Salomon Reinach) 304
Schiller 5o8
Schipper, Shakspeare et Bacon (Ch, J.) 29
Schlegel (les) 5i5
XIV TABLE DES MATIERES
pages!
ScHOENBACH. Lecture et culture (A. Chuquet) looi
Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représen-
tation, trad. BuRDEAU (L. Herr) 5i8'
ScHRADER, Atlas de géographie moderne (H. de Curzon). . . . 485j
Schroeder 461!
ScHRUMPF, Les langues indo-européennes (V. Henry) 145
^c/e/îce (la) la robe au vent 21 3
5cf^«ce ^^crèfe (la), par Barlet, Ferran, Papus(M. V.). . . 462I
Seger, Historiens byzantins du x^ et xi^ siècle (Ch, Diehl). . . 373
Seignobos, Hist. de la civilisation contemporaine (Gh. Pfister). 36
Servois, Ed. de La Bruyère 346
Setaelae, Histoire des explosives et la langue commune Suo-
mie, chapitre de phonétique historique finnoise 35 1
Seyboth, Le vieux Strasbourg (R.) 452
Shakspeare et Bacon , . 475
Skutsch, Les noms en-no. (P. L.) 499
Smyth, Le vocalisme du dialecte ionien (V. H.) ■. 6i
Société finno-ougrienne [}owrna\ dQÏSi) 22?
Société historique do. Compiègne, Bulletin, tonie VII (A. Le-
franc) 45
SoDEN, Commentaire du Nouveau Testament III, 2 (A. Loisy]. 469
Sources de r histoire suisse, 111 et V-VIII (Ed. Favre). ... 48
Sourches (marquis de), Mémoires sur le règne de Louis XIV
V-IX(A. G.) 32
SouRiAU, L'esthétique du mouvement (L. Herr) 517
Spanhogue, Gorrections à Gicéron (Em. Thomas) 218
Stanley 209
Stein, Pierres tombales du Musée municipal de S. Germain.
— Les frères Auguier.
— Jean Goujon et la maison de Diane de Poitiers à Etampes
(T. de L.) 280
Stendhal 483
Stern, La vie de Mirabeau (Fr. Décrue) 2o3
Stokiîs, Le livre de Lismore (H. d'Arbois de Jubainville). . . 422
Stowasser, Mots obscurs (P. L.) 499^
5fra^o/z, trad. par Tardieu, IV (G. E. R.)
Strasbourg, [LQViQny.). . 452
Streitberg, Les comparatifs germaniques (L.) 119
Stricker, Le Schloemer 86;
^■wme (Sources pour l'histoire de la) 4^
SuPFLE, Histoire de Tinfluence de la civilisation allemande
sur la France (Gh. J.) - 456
SuRcouF, Robert Surcouf (H. D, de Grammont) 7^
Sweet, Manuel de phonétique (V. Henry) 9^|
Tacite, Germanie, p. p. Zernial (Em. Thomas) 244
1
TABLE DES MATIERES XV
pages
Tardieu, Trad. de Strabon, IV (C. E. R.) 2
Tartuffe (le) 94
Tertullien, p. p. Reifferscheid et Wissowa (Paul Lejay) . . . 114
Thèbes » 41
THiBAUTetSuDHAKARADviVEDi,LePanchasiddhantika (A.Baith). 325
Thomas (Em.); Catulle, III (Max Bonnet) 332
Thoynard 9 3
Timmermans, Traité de l'onomatopée (V. Henry) 358
Tite-Live, I et H, p. p. Novak(P. A. L.) 446
T0MMASINI, Le Journal d'Infessura (L. G. P.)
— Les Génois de Rome (L. G. P.)
— Le registre des magistrats municipaux de Rome (L. G.
Pélissier). .... » 174
Torresani (les) 87
TouRNEux, Bibliographie de l'histoire de Paris pendant la
Révolution (T. de L.) 265
Tournon, Son collège 5o3
Trautmann, Comédiens français à la cour de Bavière (Gh. J.) . 9
Triger, Eugène Hucher (H. de Curzon) 237
Tuchert, Racine et Heliodore (G. Dalmeyda) 5o6
Turba, L'expédition de Charles-Quint contre Alger (H. D. de
Grammont) 343
Turst, Description de la Suisse » . . . . 49
Urbini, La patrie de Properce (P. N.) 332
Valera, Lettres américaines (G. S.) 407
Vaticane (la) 195
Vendée (guerres de) 400
Vernes, Précis d'histoire juive (T. R.) 221
Yernière, Courses de Mandrin dans l'Auvergne (T. de L.). . 139
Verri (Pietro) 141
Fie (Dom de) 119
ViGNOLs, La piraterie sur l'Atlantique au xviii" siècle (H. D.
de Grammont) 94
Villalobos 472
ViRAC, Recherches historiques sur la ville de Macaire (T. de L.). ] 5 3
VoGRiNZ, Grammaire du dialecte homérique (My) 84
Waag, Poèmes allemands du xi^ et du xii- siècle jC.) 372
Wahlund, La philologie française au temps jadis (Ch. J.) . . . 179
Wallenstein 91
Wallon, Les représentants en mission, V(A. Chuquet) .... 122
Walzel^ Lettres de Frédéric Schlegel à son frère (A. C.) ... 5i5
Weiss (A.), Trad. de Marquardt w 3
Weiss (N.), La Chambre Ardente (A. Lefranc) i35
Wellhausen, La composition de l'Hexateuque (M. Vernes). . 3o6
Welschinger, La jeunesse de Dumouriez (A. Ch.) 7^
X\'l TABLE DES MATIERES
pages
Wcndelin, en Provence 545
Wharton, Etymologie latine (V, Henry) 129
Whitney, Grammaire sanscrite (A. Barth.) 21
WiEDEMANN, La religion égyptienne (G. Maspero) 437
— Le second livre d'Hérodote (G. Maspero) 493
Wilamowitz-Moellendorf, L'Herakles d'Euripide (A. Croiset). 269
WissowA, Ed, de Tertullien 114
Wolfram, Une statuette de Charlemagne (H. de Curzonj . . . 238
Wonns (ville de) 372
Xavier de France, le dernier duc d'Aquitaine . . 347
Yama, Son mythe 354
Yi King (le) 161
Zdekauer, Le codice Pisano (L. G. P.) 85
Zeller (B), L'histoire de France racontée par les contempo-
rains (B. D.) 401
Zeller (J.), Histoire d'Allemagne, VI (Ch. Pfister) 228
Zernial, La Germanie de Tacite (Em. Thomas] 244
Lettres et communications.
Lettre de M. Clédat et réponse de M. Paul Lejay. . .
Lettre de M. Louis Lucas et réponse de M. Gagnât .
Lettre de M. Michael et réponse de M. Pfister. . . .
Pélissier, La querelle de M. Cantoni contre M. RoJ,
53
126
18
CHRONIQUE
Académie royale de Belgique, Concours
BiESE, Elégiaques latins
Brpxet, Eléments de grammaire latine
Charpy, Exercices latins
Clédat, Revue de philologie française
CoRDiER, Le colonel sir Henry Yule
Coubertin (de), Universités transatltantiques
Darbishire, Addition à une. étude sur Tesprit rude en grec. . .
Darmesteter (M^^s James), La vie du paysan français au xiv«siè-
cle
Des devises du Dezert, Lettres de Servat Loup, abbé de Fer-
rières. . , . ^
294
79
5x9
5 19
59
160
96
380
49
,1
463
i
TABLE DES MATIÈRES XVJI
Diis Granges, Sermon de Bossuet sur rarabitioii 379
DiEHL, Monuments byzantins de la Calabre 2g5
Dorez, Notes et documents sur la Bible polyglotte de Paris. . i5g
Encyclopcidie der neueren geschichte , » 1 60
Ennodius et sa chronologie 239
FiNACZY, L'enseignement secondaire en France iio
Fischart 210
Gaidoz, Appel aux savants des pays slaves 078
Gherardi, Consulte délia republica fiorentina, XV 80, 295
Graf, Médusa i i i
Grèce (Nouvelles) 182
Heitz (Not. nécrol.) 160
HÉuoN DE V1LLEFOSSE, Le marbre de Vieux .^gi
Jadart, Bergeat; L'église d'Asfeld; Pierre le Grand à Reims. . 7g
Jakn, Les Pfeiferbrûder , icg
Joubert(â.), Brochures diverses 209, 293,463
Kaden (W.), Impressions de voyages 491
KoNT, Éd. de Poésie et Vérité de Goethe 40
Kraus, La restauration de la cathédrale de Fribourg 79
Laband, Le droit public de l'empire allemand, II, 2 463
Lefranc, Étude sur les origines du Collège de France 20
Le Grand (Léon), L'hospice national du tribunal révolution-
naire o 435
Maspero, Lectures historiques 379
Meininger, Rapport sur le Cartulaire de Mulhouse de M. Moss-
mann 293
Menghini, Poèmes populaires iii
MoscHETTi, Langage figuré. . . , 293
Pf.lissier (L.-G.), Documents révolutionnaires, I • . 379
Pfister, La limite du français et de l'allemand en Alsace-Lor-
raine 435
— Éloge de Lionnois 436
— Notes sur trois mss. de Moyenmouiier 436
— Un monument de Mercure trouvé à Hatrize 436
PiSANi, Les possessions vénitiennes de Dalmatie Sig
PsicHARi, La prononciation du grec 160
QuiNTARD, Jetons de l'Hôtel de ville de Nancy Sg
Ravaisson-Mollien, Mss. de Léonard de Vinci 209
Reymond, Trad. de l'édition Lucrèce-Munro 295
RuGGiERi, Dictionnaire épigraphique , 80
SiMONYï, Causeries sur la langue hongroise 110
Société historique de Girgenti 239
Stern (Ad.), Impressions de voyage 491
Tamizey de Larroo.ue, Lettre de Peiresc à son relieur Corberan. 209
— Boniface Borilly;
XVIII TABLE DES MATIERES
— Hercule d'Argilemont
Thoumas, Causeries militaires, II
Uhlig, Das humanistiche Gymnasium
VoDSKOv, Culte de l'âme et culte de la nature, contribution à la
détermination de la méthode mythologique
VuiBERT, Annuaire de la jeunesse
SOCIETES SAVANTES
Académie des inscriptions et belles-lettres (bulletin rédigé par M. Julien
Havet;, du 27 juin auj9 décembre 1890).
PERIODIQUES
ANALYSÉS SUR I.A COUVERTURE
FRANÇAIS
>
Annales de V Ecole libre des sciences politiques.
Annales de l'Est.
Bulletin critique.
Bulletin du cercle Saint-Simon.
La Révolution française.
Mélusine.
Revue celtique.
Revue d'Alsace.
Revue des études grecques.
Revue historique.
Revue rétrospective.
Romania.
ALLEMAND
Altpreussische Monatsschrift.
Berliner philologische Wochenschrijt.
Deutsche Litieratur^eitung.
Deutsche Rundschau.
Forschungen \ur brandenburgischen iind preussischen Geschichte.
TABLE DES MATIÈRES XIX
Germania.
GiJttingische gelehrte An\eigen.
Literarisches Centralblatt .
Literatiirblattfiir germanische iind romanische Philologie.
Maga\infur Literatur.
Theologische Litteratur\eitung.
Zeitschrift fur Katholische Théologie.
ANGLAIS
The Academy.
The Athenaeiim.
The Babylonian and Oriental Record.
The English Historical Review.
BELGES
Revue de Belgique.
Revue de l'instruction publique (supérieure et moyenne) en Belgique.
POLONAIS
Bulletin international de l'Académie des sciences de Cracovie.
LE PUY, IMPRIMERIE MARCHESSOU FILS, BOULEVARD SAINT-LAURENT, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 27 - 7 juillet - 1890
Sommaire : 294. Besthorn, Ibn Zaidoun. — 295. Strabon, Table, p. p. Tardieu.
296-297. Marquardt, L'oiganisation de l'empire romain, trad. Weiss et Louis-
Lucas; Le culte chez les Romains, trad. Brissaud. — 298. Ronchini, Les Satires
de Perse. — 299. Kretscumer, La géographie au moyen-âge. — 3oo. Bergmans,
L'autobiographie de Juste-Lipse. — 3oi. Trautmann, Comédiens français à la
cour de Bavière. — 3o2. La Fontaine, vi, p. p. K. Régnier. — 3o3. Picot, Cata-
logue du cabinet des livres de Chantilly. — Lettre de M. Michael et réponse
de M. Pfister. — La querelle de M. Canton! contre M. Rod. — Chronique. —
Académie des Inscriptions.
294. — Ibn ZaidunI vitam scripsit epistolamque ejus ad Ibn Dschahvarum
scriptam nunc primum edidii R. O. Besthorn. Copenhague, Guillaume Prior,
1889, in-8, 97 p.
Ibn Zaidoun fut le plus célèbre des poètes arabes de Cordoue du
xie siècle. Il excella dans le genre épistolaire rythmé, composa plusieurs
poèmes renommés et écrivit l'histoire des Omaiyades d'Espagne. Son
éloquence et ses connaissances étendues dans les sciences philosophi-
ques et juridiques en firent le favori des princes arabes; il remplit les
fonctions de grand-vizir à la cour de Cordoue et, à la fin de sa vie, à la
cour de Séville. Il sut aussi gagner les faveurs de la princesse Wallada,
fille du calife Al-Mustakfi Billahi et femme d'un esprit supérieur à son
sexe, qui captiva tous les cœurs par ses charmes et ses poésies. Tant de
fortune ne pouvait durer sans vicissitudes; aussi Ibn Zaidoun connut
Tamertume de la vie après en avoir goûté les douceurs. A propos de
ses amours avec Wallada, il fut mis en prison où il demeura une année
et demie et, après s'être évadé, il dut errer en proscrit pendant plusieurs
années. Sa célébrité lui valut de nombreux biographes. Il reste cepen-
dant dans sa vie une page obscure ; c'est cette page que M. Besthorn a
éclaircie au moyen de nouveaux documents et qui fait l'objet de sa thèse
soutenue devant l'Université de Copenhague pour l'obtention du grade
de docteur.
Sur la foi d'ibn Khaqan, les savants modernes, Weijers, Dozy et
Schack, admettaient qu'Ibn Zaidoun avait été jeté en prison sous Aboul-
Hazam ibn Djahwar et que, après s'être échappé, il avait erré pendant
de longues années dans les contrées occidentales de l'Espagne, jusqu'au
moment où il se fixa à la cour de Séville, où il fut accueilli avec hon-
neur par Al-Motadid. Cependant Ibn Nubaita rapporte qu'Ibn Zaidoun
fut vizir d'Aboul-Walid ibn Djahwar, fils et successeur d'Aboul-Hazani
Nouvelle série, XXX. 27
2 REVUE CRITIQUR
ibn DJahwar, et que, après être tombé en disgrâce sous ce prince, il
vécut à la cour d'Al-Motadid à Séville. On pourrait croire qu'Ibn
Nubaita a confondu Aboul-Walid avec Aboul-Hazam, désignés tous
deux sous le nom d'Ibn DJahwar; et, en effet, Aç-Çafadi parle d'Ibn
Djahwar sans mentionner le premier nom du prince régnant. Mais
M, B. public pour la première fois un passage d'Ibn Bassam, duquel il
résulte qu'Ibn Zaidoun fut effectivement Incarcéré sous Aboul-Hazam,
mais que, après la mort de celui-ci, arrivée en 1043, il avait été rappelé
par Aboul-Walid et qu'il fut son vizir jusqu'au moment où, ayant de
nouveau déplu à son souverain, il dut s'exiler et se retirer à Séville. La
lettre, accompagnée d'un poème, qu'Ibn Zaidoun écrivit à un puissant
ami, après avoir fui de sa prison, était adressée à Aboul-Walid, du
vivant de son père, et le priait d'intercéder auprès de celui-ci en faveur
du poète. Cette intercession n'ayant pas eu d'effet, Ibn Zaidoun dut se
cacher jusqu'à la mort d'Aboul-Hazam, arrivée en 1043. On peut donc
fixer son incarcération vers 1040, Après sa fuite, il continua ses rela-
tions, au moins par correspondance, avec Wallada qui lui avait con-
servé son amour. De retour à Cordoue, après la mort d'Aboul-Hazam,
il reprit ses fonctions de vizir auprès d'Aboul-Wahd; peu à peu ses
relations avec Wallada se refroidirent et devinrent même hostiles ; elles
donnèrent bientôt lieu à un échange d'accusations et d'épigrammes entre
les deux amants. C'est en l'année 441 (1049 5o de notre ère) qu'Ibn-Zai-
doun aurait été exilé de Cordoue pour la seconde fois; il devint alors
grand-vizir d'Al-Motadid à Séville, où il mourut en l'année 463 (1070-
71) ; il était né à Cordoue en 394 f 1003-4).
La lettre et le poème qu'Ibn Zaidoun adressa à Aboul-Walid pour
rentrer en grâce auprès d'Aboul-Hazam ont été édités et traduits pa^
M. Besihorn avec un apparat critique qui fait honneur à l'éditeur et
son maître, M. van Mehren. Cette thèse, qui éta'olit un point d'histoirl
intéressant, augure bien des futurs travaux de son auteur, et mérite le^
félicitations et la reconnaissance du lecteur.
Rubens Duval
293. — Géogi*aphte de Strabon. Traduction nouvelle par Amédée Tardleu:
Tome IV : Table alphabétique et analytique. Paris, Hachette, 1890. i vol. in-iô.i
Ouvrage couronné par l'Académie française et par l'Association pour l'encoura-ï
gement des études grecques. • .
f
Ce volume, de plus de 600 pages en caractères de notes, mérite une*|
présentation en forme. Ce n'est pas seulement un aride répertoire desjj
matières traitées dans la Géographie ; c'est l'ouvrage lui-même trans-îl
formé par son traducteur et devenu comme un dictionnaire de géogra-M
phie et d'ethnographie anciennes. 11 est à peine utile d'ajouter que cette ij
table, œuvre toute personnelle de M. Amédée Tardieu, est exécutée avec?
un soin minutieux et une méthode irréprochable. Aussi l'étudiant ou -
d'histoirk et de littératdrb
l'homme du monde qui commencera par la feuilleter d"un œil distrait,
sera-t-il bientôt amené à s'engager résolument dans la lecture du célèbre
géographe. M. Tardieu ne pouvait faire plus et pour son auteur et
pour le public.
C.-E. R.
296. — J. Marquardt. Organisation de l'en^plre romain. (Traduction de
MM. A. Weiss et P. Louis-Lucas Tome l"). Paris, 1889, in-8, 327 pages.
297. — Le culte chez les Romains. (Traduction de M. Brissaud. Tome II).
Paris, 1890, in-8, 457 pages. Librairie Thorin.
La traduction du Staatsrecht deM . Mommsen et celle du Staatsvenyal-
tung de Marquardt se poursuivent avec la même régularité, mais avec
une fortune différente; j'entends par là que si la première ne mérite
guère que des éloges, la seconde peut donner lieu à plus d\me observa-
tion. Je ne parlerai pas longuement de la façon dont le texte allemand a
été rendu : on pourra relever des inadvertances ou des impropriétés, ou
trouver que les traducteurs ne se sont pas suffisamment affranchis du
joug de leur modèle; mais ce sont là des imperfections inhérentes à
toute traduction et j'ai de bonnes raisons pour réclamer Tin dulgence envers
ceux qui entreprennent de faire passer dans notre langue les ouvrages
étrangers. Somme toute, ils rendent service aux travailleurs; c'est beau-
coup. Ce qui me choque surtout dans la méthode employée par les tra-
ducteurs de Marquardt, ce sont les additions qu'ils font subir à leur mo-
dèle dans les notes, sous prétexte de le compléter et de le mettre au courant.
Une des qualités du Handbuch de Marquardt est de donner au bas de
chaque page et à propos de chaque détail, les textes essentiels et d'indi-
quer à côté les livres où la matière est traitée le plus complètement : le
lecteur y trouve donc de quoi contrôler l'assertion de l'auteur et de quoi
pousser plus avant le travail, s'il en sent le besoin. J'avouerai que cette
bibliographie est bien un peu exclusive et que les travaux allemands y
tiennent la plus grande place, ce qui est naturel puisque le livre est
destiné surtout au public allemand; il y avait donc lieu, en le faisant
passer en français, d'ajouter quelques références aux ouvrages que les
travailleurs ou les étudiants peuvent se procurer aisément dans nos
bibliothèques, et dont bon nombre auraient peut-être pu et dû entrer
aussi dans l'édition allemande. Mais de semblables additions, pour être
vraiment utiles, demandent une certaine réserve : c'est ce que n'ont pas
compris les traducteurs. Je dois pourtant faire une distinction très nette
entre le procédé de M. Brissaud et celui de MM. Weiss et Louis-Lucas.
M. B. n'a ajouté que rarement en note des observations : il les a réser-
vées pour des appendices dont il a fait suivre le volume ou qu'il a insé-
rés à la fin des certains chapitres; à sa place, j'en aurais omis les trois
quarts, et pour le quatrième j'aurais renvoyé aux ouvrages ou aux arti-
cles des auteurs qu'il cite, au lieu de leur emprunter des passages qu'il
4 REVUE CRITIQUE
reproduit in-extenso ; cav c'est du Marquardt que nous attendions de lui,
et non une sorte de pot-pourri. MM. VV.-L. n'ont pas craint, au con-
traire, de surcharger le bas des pages de renseignements de toute sorte,
surtout bibliographiques, qui me paraissent absolument déplacés. Je
sais qu'ils onj cru rendre service et qu'ils se sont imposé à notre inten-
tion de longues et fastidieuses recherches; je voudrais les en remercier;
mais Je ne le puis, car je crains bien que cette orgie d'additions
n'égare les travailleurs au lieu de les guider. Je me permettrai de leur
signaler les détails qui ont particulièrement frappé mon attention :
i" Dans leur bibliographie, ils ne tiennent aucun compte de la valeur
relative des différents ouvrages. Exemple : p. 269 et 270, ils ont ajouté
entièrement un renvoi au mot Sénat (municipal), que Marquardt n'a
pas indiqué. Ce renvoi qui commence à Antibolus (i5 i3 !) pour finir à
MM. Robiou et Delaunay (1888) — je ne compte pas les renvois qui
terminent la note et qui ont trait au sénat romain, sous le spécieux
prétexte qu'il est souvent question de ce corps dans le chapitre, — con-
tient, en comptant largement, soixante et une références. Naturelle-
ment MM, W.-L. n'ont pas cité tous les ouvrages qui parlent du sénat,
je ne l'apprendrai à personne. Mais franchement, parmi tous ces
travaux, combien MM. W.-L., je ne dis pas en ont-ils lus, mais com-
bien en liraient-ils s'ils voulaient faire un travail consciencieux sur le
sujet? Et surtout, quels sont ceux qu'ils liraient la plume à la main?
Ce sont ceux-là, et ceux-ià seuls qu'il convenait d'ajouter ^. Agir au-
trement, c'est « faire de la fantasia », comme nous disons, en Afrique.
2" MM. W.-L. ajoutent des références entièrement étrangères au
sujet. Exemple : p. 265, Marquardt parle des sommes honoraires, et
cite certaines villes où il était d'usage d'en payer : Aeclanum Lanuvium
Ostia. Or, à chacune de ces villes les traducteurs ont ajouté une réfé-
rence ainsi conçue : sur Aeclanum, voir etc. ; sur Lanuvium, voir etc.
Est-il donc question dans ce passage de ces villes en général ou seule-
ment de sommes honoraires qu'on y payait? Aussi, ou l'on ne tiendra^
pas compte de la référence, et elle est inutile, ou on se reportera aux pas-
sages indiqués et on n'y trouvera que des détails étrangers au sujet.
Autre exemple. P. 226, Marquardt dit : On retrouve les quinquennales
au temps de Constantin le Grand; ce qui veut dire, tout le monde le
comprend, de 3o6 à 337. Or, les traducteurs se sont crus autorisés à
ajouter en note : Sur l'époque de V avènement de Constantin, voir la
Revue numismatique, 1887, etc. Mais il ne s'agit pas dans Marquardt
de l'époque précise de l'avènement de Constantin à quelques jours près,
et s'il y avait une addition à faire, ce qui n'était pas, il fallait indiquer,
pour le lecteur ignorant, les dates extrêmes de son règne.
I. Je citerai, pour la curiosité du fait, la note suivante insérée aux addenda :
a. M. Beudant, fils de l'éminent doyen lionoraire de la Faculté de Droit de Paris, pré-
pare actuellement sa thèse de doctorat sur ce sujet » (p. 325). Quelle riche biblio-
graphie on pourrait faire avec les ouvrages que chacun de nous prépare!
I
i
d'histoire et de littérature 5
3° Je n'aurais pas ajouté non plus de références aux manuels d'insti-
tutions romaines ou aux dictionnaires, même à celui de M. Saglio, sauf
peut-être par exception. Il est bien évident, en effet, que pour étudier
le sénat municipal, par exemple, et contrôler les assertions de Mar-
quardt, chacun de nous se reportera aux livres de Willems, Mispoulet,
Bouché- Leclercq, ainsi qu'aux articles Curia, decurio^ curiales, etc.,
des dictionnaires. Il en est de même des Indices du Corpus, d'Orelli-
Henzen, de Wilmanns, Le manuel de M. Bouché-Leclercq est sur ce
rapport un modèle de discrétion et de méthode.
4° MM. L.-W. vont plus loin. Ils introduisent en note des
développements tout à fait déplacés dans un manuel. Exemple :
p. 245. -A propos du flamine municipal, ils citent tout au long une
inscription nouvelle de Sidi-Brahim en ajoutant que le principal
intérêt du texte est.... non pas qu'il y est question d'un flamine mais
qu'on y lit tribuniis ab ordine lecttis, ce qui les amène à parler des
tribuni militiim a populo et à donner 25 lignes de bibliographie
dans lesquelles le journal le Temps, du i3 juin 1887, est cité! — De
même, à propos du flamine municipal, MM. W.-L. traduisent et com-
mentent la loi récemment trouvée à Narbonne — cette addition com-
prend exactement dix pages entières de petit texte serré. Ils ont com-
mencé, d'ailleurs, par avouer (p. 248, note i5) qu'il n'est nullement
question dans ce document du flamine municipal, mais du flamine pro-
vincial. Comme cette même loi est donnée en entier à sa vraie place
dans le volume de M. Brissaud, p. 229-402, les acheteurs du manuel
sont sûrs de l'avoir au moins deux fois.
5° Pour conformer les citations à de mauvaises habitudes que l'on
suit encore, je ne sais pas pourquoi, dans les ouvrages de droit, MM. W.-L.
\ ont corrigé Marquardt dans ses citations. Là où celui-ci a mis par exem-
ple : Dig., L, I, 21, § 4, ce qui est clair et permet de trouver aisément
le passage voulu dans un Digeste, MM. W.-L. écrivent : Paul., L. 21,
§ 4, Ad municip. et de inc, D., L, i, ce qui est, on ne peut plus em-
brouillé, ne serait-ce que parce que L signifie à la fois Lex et quin-
quaginta. M. B. n'a pas suivi cette fâcheuse méthode. Ce n'est rien
et c'est beaucoup; car dans des notes aussi chargées que celles de
Marquardt, surtout avec les additions des traducteurs et les crochets
de toute nature dans lesquels ils ont été insérés, de semblables détails
augmentent la confusion.
Dernière observation, celle-ci, commune à tous les volumes de la tra-
duction. Marquardt fait souvent des renvois à d'autres passages de son
manuel. Les traducteurs les donnent naturellement d'après l'édition
française quand la traduction est faite; mais pour les parties non tra-
duites ils renvoient à l'édition allemande, ce qui n'est pas sans inconvé-
nients. Ainsi, au tome II du Culte, ^. 341, on lit: Cpr. ci-dessous,
p. 565, 5... et le volume français à 452 pages ! 11 faut ou abandonner
ce système et supprimer des références de cette sorte, ou maintenir en
marge et entre crochets les pages de l'édition allemande.
6 REVUE CRITIQUE
Si j'ai donné à mes critiques autant de développement^ c'est que, à
mon sens, les traducteurs sont en train de nous préparer un Marquardt
médiocre au lieu du bon que nous étions en droit d'attendre. Il est
temps encore pour eux de s'arrêter et de revenir à la saine méthode.
Qu'ils mettent dans les volumes suivants beaucoup moins de phrases
et de pensées ^étrangères à leur modèle. L'imprimeur en sera peut-être
contrarié; mais j'en sais plus d'un autre qui s'en félicitera.
En terminant je dois, et c'est toute justice, signaler l'excellente table
des matières analytiques que M. Brissaud a ajoutée à sa traduction.
R. Gagnât.
298. — Le satii-e dl ;%.ulo Persio Flacco interpretate dal prof. Amadio Ron-
CHiNi. Parma, impr. M. Adorni, i88q, x-169 pp. In-8.
M. le professeur Ronchini a publié, peu avant sa mort, le travail qui
avait fait Toccupation de presque toute sa vie, une traduction de Perse j-;
avec un commentaire. L'originalité de cette tentative est dans l'idée de
retrouver la forme du dialogue dans les satires de Perse et de diminuer
ainsi leur obscurité proverbiale. Il distribue entre deux ou plusieurs
personnages le texte du poète latin, introduit dans sa traduction les
jeux de scène et les gestes, en un mot fait de chaque morceau un petit
drame en un acte. L'idée est séduisante. Dans bien des cas, on arrive à
mieux comprendre la pensée de Perse. C'est là un moyen d'interpréta-
tion qui n'est peut-être pas aussi nouveau que le croit M. R., mais J
qu'on n'avait pas encore songé à appliquer avec autant de suite. La |
traduction elle-même semble exacte, autant qu'en peut juger un étran-
ger. Les notes ont quelquefois un caractère élémentaire qui étonne le
lecteur. On peut aussi leur reprocher une certaine prolixité.
P. -A. L.
29g. — K. Kretschmer. Die pliy^ieclie Ei-dkunde im christlichen Mittel-
alter. Geogr. Abhandl. herausgegeben von Penck. Vienne et Olmùtz, 1889,
pp. iv-i5o. Ij
Si, pendant le moyen âge chrétien, les doctrines géographiques —
comme tant d'autres — subirent une éclipse, on jugerait à tort qu'elles
furent négligées. Les problèmes posés par les anciens furent recueillis,
les vérités proclamées par eux soumises à une nouvelle critique. Mais
la spéculation et l'observation cessent d'être désintéressées et libres;
elles sont serves de la théologie. L'esprit scientifique ne périt pas assu-
rément, mais il se fausse et s'oblitère. C'est qu'il se débat entre la tra-
dition antique et la révélation; il s'épuise à vouloir concilier ces an- |j
tinomies irréductibles. L'histoire de cette phase ingrate et stérile de
la pensée humaine vaut-elle d'être racontée en détail? Elle a tenté
M. Kretschmer. L'auteur cède aune double tendance : l'une, louable,
la curiosité qui s'exerce dans un domaine jusqu'alors à peu près inex-
d'histoire et de littérature 7
ploré; l'autre, louable ou condamnable à volonté, le désir de faire le
procès, sur cet article spécial, moins au christianisme qu'à la théologie.
Il y a beau temps que la cause est entendue.
Les savants du moyen âge s'éprirent des questions naturelles, dont ils
trouvèrent les données dans les œuvres latines de Martianus Capella,
de Pline, de Macrobe, etc., et plus tard, dans les oeuvres grecques qui
leur parvinrent déligurées à travers des traductions aussi multiples
qu'infidèles. A leur tour ils rédigèrent des Encyclopédies^ des Miroirs^
des Sommes. Nécessairement ils abordèrent la géographie, non pas
comme une discipline indépendante, à vrai dire, — le mot n'est même
pas en usage — mais sous diverses rubriques : mensuration de la terre,
nature des lieux, géométrie, cosmographie, cosmométrie. Beaucoup
d'entre eux sont (que l'on nous passe l'expression) en coquetterie avec
les idées païennes : c'est le fruit défendu; c'est aussi le fruit vivace et
nourricier. Mais la géographie ancienne avait le tort grave de contredire
la Bible, et la Bible le tort non moins grave de se contredire elle-même.
Les exégètes ressentirent de cruels embarras : ils s'en tirèrent par l'allé-
gorie. Le Paradis terrestre, impossible à localiser, devint chez saint Am-
broise, V anima fecunda ;\QS(\u3i\.ïQ fleuves paradisiaques sont les quatre
vertus théologales. M. K. cite d'amusants exemples du genre. Il y eut
assurément des révoltes et des écarts : le moine Kosmas Indicopieustes,
auteur d'une Topographie chrétiemte ^ et Lactance, fulminèrent contre
ces fenratives insensées. La plupart s'ingénièrent à mettre d'accord leurs
sympathies et leurs scrupules. On professa couramment que la Bible
avait éclairé les géographes païens; que Hipparque et Ptolémée procé-
daient de Moïse. Grâce à ce stratagème s'annonça la résurrection des
sciences antiques, puis au xiii" siècle, l'apothéose d'Aristote.
Cette influence se manifesta puissamment dans les théories géogra-
phiques. La notion primordiale est ici la forme de la terre. L'Église se
prononçait sur ce point : elle niait les antipodes, châtiant comme héré-
tiques ceux qui adhéraient à cette doctrine; donc la sphéricité était
elle-même impliquée dans la condamnation. Au nom des Écritures»
Lactance, l'école syrienne à laquelle se rattache Kosmas, poursuivirent
la polémique contre la sphéricité; ils proposèrent des systèmes plus con-
formes à l'orthodoxie. M. K. résume, sans fatigue... pour lui, les rêve-
ries et les absurdités d'un Severian deGabala, de Kosmas, du Pseudo-Cae-
sarius, de Procope de Gaza, etc. Il énumèreavecla même impartialité les
partisans de l'opinion contraire, parmi lesquels figurent des noms illustres
dans l'Eglise, saint Basile, saint Grégoire de Nysse, saint Augustin,
Isidore de Séville, Bède le Vénérable. Tous se réclament de la Bible et y
découvrent des arguments. Ceux de saint Augustin, dit avec justesse
M, K., offrent quelque chose de comique : ils témoignent en tout cas
que le saint avait professé la rhétorique.
Depuis le vine siècle, aucun cosmographe sérieux ne mit plus en
doute la sphéricité. Albert le Grand et Bacon interprètent en toute li-
berté et confirment Aristote.
8 REVUE CRITIQUE
I
Nous n'entreprendrons pas l'analyse des analyses que M. K. consacre
à chaque ordre de problèmes, hydrographie, orographie, météorologie,
etc. Car de ces nomenclatures répétées où reparaissent forcément les
mêmes noms, de ces revues d'opinions qui, quand elles ne sont pas la
paraphrase de textes anciens, n'ont de personnel que leur ineptie, se dé-
gage rarement une vue vraiment originale et féconde. On relève cepen-
dant la controverse du Dante sur la position respective de la sphère
terrestre et de la masse aqueuse. Les discussions d'Albert le Grand et de
Bacon sur divers sujets méritent aussi d'être signalées bien que leurs
idées n'aient point fait fortune.
Le livre de M. K. est un répertoire complet de tout ce que le moyen âge
chrétien a su de géographie, de tout ce qu'il en a ignoré. On y peut suivre
révolution de chaque théorie : car Fauteur a soin d'inaugurer ses cha-
pitre par un exposé de la doctrine antique qu'il oppose, s'il y a lieu, à
celle de la Bible. C'est là le véritable intérêt de son ouvrage. Nous dou-
tons que le moyen âge gagne à être mieux connu. Mais la géographie
n'y perdra rien ; c'est ce qui nous console.
Il importe d'ajouter que M. Kretschmer déploie autant de savoir
comme géographe que comme philologue : il cite avec une égale aisance
l'hébreu, les textes de la basse grécité et de la basse latinité, le vieux
français. Nous recommandons son introduction bibliographique ; c'est
une étude des sources à l'intention de ceux qui ne sont pas familia-
risés avec la patristique et la scolastique.
B. AUERBACH.
3oo. — JL'autobiograpliîe de Juste Lipse, publiée avec une traduction fran
çaise et des notes, par Paul BERCiMANs. Gand, C. Vijt, 1889, 69 p. in-8.
Dans une lettre des calendes d'octobre 1600, adressée à son ami e
ancien élève, Jean van den Wouwer (Woverius), Juste Lipse a raconté
les principaux événements de sa vie. Ce n'est pas l'unique base de la
biographie de Lipse, comme le dit M. Bergmans, puisque sa volumi-
neuse correspondance, la collection de ses ouvrages et les écrits contem-
porains fournissent bien des détails omis dans ce récit de 9 pages. Mais
c'est un cadre commode pour le biographe. M. B. reproduit le texte de
ce précieux document d'après l'édition de 1602 (Epistolariwi selecta-
mm Centiiria miscellanea, ep. 87), en donnant en note les variantes
de l'édition de i6o5. M. B. pousse l'exactitude jusqu'à conserver des
fautes d'impression évidentes (intcriores pour interiores, p. 20) ^ En
regard du texte se lit une traduction française assez fidèle ^. La plus
r. Il semble en avoir ajouté pour son propre compte: p. i3, la date de naissance
de Lipse est 00. b XLVII non (x. b XLVIII.
2. P. 12 : in coniubernio meo fiiisti et hoc paene est uitam meam totam nosse : « tti
as vécu dans mon intimité et c'est presque connaître mon existence tout entière
non pas: u c'est assez pour connaître... » P. 22, dernière ligne, amevidie n'est pa
traduit; le texte de celte phrase n'est pas d'ailleurs serré de très près.
d'histoire et de littérature 9
grande partie de la brochure (3y pages) contient des notes destinées sur-
tout à renseigner sur les personnages nommés par Lipse.
Il est regrettable que M. B. se soit borné à annoter ce que dit Lipse,
sans suppléer ce qu'il ne dit pas. Dans une autobiographie, il est des
lacunes volontaires. M. B. aurait pu au moins signaler les changements
de religion du célèbre savant i. Mais il préfère peut-être aborder cette
délicate question dans un travail plus étendu. Son étude, nous dit-il
dans sa préface, peut être considérée comme le canevas d'un travail
consacré à Lipse et à ses amis. Espérons qu'il nous donnera ce livre qui
nous manque encore ^. Nous ne saurions trop l'engager, s'il l'entre-
prend, à ne pas se borner à une simple biographie : Thistoire des voya-
ges de Lipse ne nous intéresse plus que comme indication sur la forma-
tion d'esprit et l'éducation scientifiques du grand philologue. Ce sont les
œuvres et la méthode de travail de l'érudit que nous tenons surtout à
connaître. Il ne suffira plus, comme dans la présente esquisse, de ren-
voyer à la Bibliographie Lipsienne 3. De récents auteurs ont trouvé le
moyen d'écrire de gros volumes, utiles par ailleurs, sur Mabillon et sur
Muret, sans traiter ces questions, en omettant précisément ce qui fait que
Mabillon et Muret sont aujourd'hui autre chose que des noms d'incon-
nus. Il serait bien regrettable que M. Bergmans suivît ces exemples.
Paul Lejav.
3or. — Karl Trautmann. Fi'any.œsisclie ScliauÉ-pieler am I)ayi-isclicii
liofc. (Extrait du Jahrbuch fur Mûnchener Geschichte, 2"-''' Jahrgang, Munchen,
iStii^, in-8, p. 185-334).
Voici un chapitre bien curieux de l'histoire de l'influence littéraire de
la France à l'étranger pendant le xvii*^et la première moitié du xvnF siè-
cle; on sait combien cette influence a été grande à cette époque dans
tous les genres et dans tous les pays; M. K. Trautmann nous apprend
ce qu'elle fut au point de vue dramatique à la cour de Munich. Si le
1. Cf. K. Halm, Sitiiingsberichte der philos. — philol. Classe der K. bayer.
Acad. der Wissensch., 1882, II, p. i.
2. On ne peut considérer la lacune comme comblée par le livre d'Amiel. Un pu-
bliciste du xvie s., Juste Lipse, Paris, 1884. M. B. ne paraît pas le connaître : il n'y
a rien perdu. Cf. Rev. cr., i885, I, 296.
3. Il existe à la bibliothèque de l'Université une édition des deux premières cen-
turies non signalée dans cet ouvrage : Itisti Lipsii Epistolarum centuriae diiae qua-
rum prior innoiiata altéra noua. Parisiis, apud Viduam Gulielmi Cavellat, sub Pe-
licano MC.XCIX. In-i6, 223 pp. (côté LL pr. 55). Cf. Bibl. Lips. I, 285. qui men-
tionne une seule édition parisienne. L'exemplaire de la Chilias, éditée à Avignon en
1609, que possède la Bibliothèque nationale flnvent. Z, i3gg5; reliure en parche-
min au timbre du monastère Saint-Bernard des Feuillants de Paris) contient sur des
feuillets ajoutés à la fin une copie manuscrite des lettres Xlil, XIV, XV, XVI, XXIll
de la deuxième des centuries indiquées plus haut. Cette copie anonyme a été faite au
xvue s. ex Autographe quem habeo. Elle présente avec l'imprimé des différences
qu'un lecteur (ou le copiste i) a notées en marge.
lO REVUE CRITIQUE
mariage d'Elisabeth de Lorraine, en i568, avec le duc Guillaume V de
Bavière contribua à répandre dans ce dernier pays le goût des choses de
la France, c'est avec Adélaïde de Savoie, petite-fille, par sa mère Chris-
tine, de Henri IV, que l'influence française s'établit d'une manière dé-
finitive à la cour de Bavière; reléguée encore dans l'ombre pendant la
vie de la duchesse douairière, Anne-Marie d'Autriche, elle put se livrer
toute entière à ses goûts artistiques et littéraires après la mort de celle-ci.
Son influence se fit partout sentir; ce fut elle en particulier qui déter-
mina Ferdinand-Marie à appeler, en 1671 ^, à Munich une troupe fran-
çaise. Ce n'était pas la première qu'on vit en Allemagne et M. K. T. a
consacré quelques-unes des premières pages de son étude à nous faire
connaître celles que, dès la fin du xvi'= ou au commencement du xvii'^ siè-
cle, on rencontre dans les villes de la région du Rhin. Ce n'étaient là, il
vrai, que des troupes de passage; les ducs de Brunswick furent les pre-
miers à en avoir une à demeure dans leur cour. Le duc de Bavière sui-
vit leur exemple.
L'histoire des comédiens de Munich est aussi pleine d'intérêt qu'elle
était inconnue avant M. K. T., on doit lui être reconnaissant aussi de
l'avoir reconstituée et d'avoir rappelé l'attention en particulier sur son
directeur Philippe Millot, cet ancien camarade de Molière au temps de
rillustre théâtre, et qui depuis lors avait couru la France et l'étranger.
M. K. T. nous le montre tour à tour à Lyon, à Dijon, à Saint-Fargeau
avec les com.édiens de Mademoiselle, à Bruxelles, à Chambéry, à Turin;
ce fut sans doute son séjour en Savoie qui le fit connaître de la duchesse
Adélaïde. Appelé à Munich, il arriva dans cette ville au mois de juin
1671 et y resta jusqu'en 1677, après la mort d'Adélaïde, suivie bientôt
de celle de Ferdinand-Marie. Le départ de Millot et de sa troupe ne mit
pas fin aux représentations dramatiques de la cour ; mais elles sont don-
nées maintenant par des amateurs. Ce ne fut que vingt-cinq ans plus 1
tard que des acteurs français revinrent à Munich.
Pendant son séjour à Bruxelles au milieu de la guerre de la ligue
d'Augsbourg, le nouveau duc de Bavière s'était pris du goût le plus vif
pour le théâtre français. A peine de retour dans sa capitale en 1701, son
premier soin tut d'y appeler une troupe française; elle y resta jusqu'à
l'époque de l'occupation de Munich par les Autrichiens. M. K. T. a ra-
conté avec soin et, comme toujours, à l'aide des documents originaux,
l'histoire littéraire de ces temps troublés et les tribulations des comé-
diens français obligés de fuir devant l'invasion ennemie. Maximilien-
Emmanuel s'était retiré en Belgique; ils ne tardèrent pas à l'y rejoindre,
et grâce à eux le duc exilé put satisfaire son goût pour notre théâtre.
Quand il rentra aussi dans ses états en 171 5, il ne manqua pas de les
I . M . K. T. dit de cette princesse qu'elle avait été sur le point d'épouser Louis XIV;
ce fut avec sa sœur Marguerite que ce mariage dut avoir lieu, encore, je le sais, que
Grammont affirme le contraire; mais M'e de Montpensier, que cite M. K. T., ne fait
pas cette confusion.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE I I
faire revenir à Munich. C'est l''époque la plus glorieuse peut-être des
représentations françaises à la cour de Bavière. La troupe ducale comp-
tait même un poète, Dauvilliers, que M. K. T. nous fait connaître. Un
journal, celui de Vacchiery, les notes prises par le comte Max. Preysing,
lui ont permis de donner la liste des principales pièces jouées à cette
époque; on voit que les comédiens français représentaient à Munich tou-
tes les œuvres les plus connues de l'ancien répertoire. Le mauvais état
des finances bavaroises ne permit pas au duc d'entretenir sa troupe au
delà de 1 720 ; les comédiens français quittèrent alors Munich. Max-Em-
manuel mourut lui-même six ans après.
Le goût de son successeur Charles-Albert pour le théâtre français ne
devait pas tarder à ramener à la cour de Bavière des acteurs de notre
nation; ils y reparurent dès 1728. La troupe nouvelle comptait un poète,
comme celle de I7i5; il s'appelait Legrand ; on le voit entre autres
composer en 1740 un « Dialogue pour le jour de la naissance de son Al-
tesse Sérénissime électorale de Bavière «. Il y avait aussi à côté du théâ-
tre de la cour un théâtre de société sur lequel des membres de la famille
ducale et de l'aristocratie bavaroise jouaient des pièces françaises. Lors
de l'entrevue de la famille électorale, en lySg, avec l'impératrice mère
Wilhelmine-Amalie au monastère de MoJk, cette troupe d'amateurs re-
présenta Athalie et le Mari 7'etrouvé de Dancourt, auteur très aimé de
la cour de Bavière. La guerre de la succession d'Autriche porta un coup
fatal à la troupe française de Munich ; elle se dispersa. Charles-Albert,
élu empereur, s'établit d'ailleurs à Francfort; il songea un instant à y
rappeler les débris de son ancienne troupe; sa mort vint en 1745 tout
arrêter. C'est à cette date que s'arrête M. K. T. ; il y eut encore plus
tard sans doute des troupes françaises à Munich ; mais elles se trouvè-
rent en concurrence avec le théâtre national naissant; leur présence n'a
plus dès lors la même importance que dans la période précédente, où
M. K. Trautmann en a recherché les traces et refait l'histoire. On ne
saurait trop le remercier de l'avoir écrite; Pexactitude des renseigne-
ments ', la sûreté et l'abondance des informations — trente pages de no-
tes en donnent la mesure — assurent à son étude une inestimable valeur ;
on pourrait lui reprocher trop de digressions peut-être; mais ces di-
gressions nous apprennent tant de choses qu'on les pardonne aisément
et qu'on s'y arrête même avec plaisir.
C. J.
I. Dans le vers de Mimi, p. 253, il faut qu'ils au lieu de qui, et p. 254, le vers
Je ne seray. Jamais comme elle.
n'a pas de sens ainsi ponctué, il faut:
Je ne seray jamais comme elle.
12 REVUE CRITIQUE
3o2. — Œuvres de «I. de ï>a Fontaine, T. \'I. Paris, Hacheite. Un volume
in-8, 374 pages. Prix : 7 fr. 3o.
Les éditeurs, comme dans les volumes précédents, ont illustré le texte
de La Fontaine d'un commentaire qui est en général juste, riche et
abondant. Néanmoins ils laissent encore à glaner derrière eux.
P. II, V. Ô9. — Le fond des bois et leur vaste silence.
Vaste, belle épiihète employée par Tacite : per vastum silentiiim.
(Ann. IV, 5o.)
P. 42, V. i5, — A peine son menton
S'étoit vêtu de son premier coton.
Juventas
Occipit, et molli veslit lanugine malas. (Lucrèce, liv. V.)
P. 43, V. 23. — Les seuls parens, par un tsçv\l manceau, etc.
Les Manceaux n'ont jamais eu une réputation de franchise : « Li pa-
pelart du Mans », est un proverbe cité dans le Dit de VApostoile,
xiii^ siècle. Ils ont cependant trouvé un apologiste : « Les Manceaux
sont gens industrieux, de subtile esprit, non aisez à décevoir, bons mé-
nagers..., entiers en parolles, quoy qu'aucuns gaussant dient que un
Manceau vaut normand et demy. » (Belleforest, Cosniog. univers, de
Munster, 1" partie, 52, édit. iSyS).
P. 5i, V. i. — Paris sans pair n'avoit en son enceinte, etc.
Paris sans pair est une locution qui signifie « Paris sans égal, qui
n'a point son pareil ». Les éditeurs ne l'ont pas comprise, puisqu'ils
mettent en note : « Sans qu'on pût rien trouver qui fût égal à cette
beauté. » Je lés renvoie à un article intéressant de M. Meyer, où il est
démontré que la ville de Paris « a accaparé un éloge qui n'était pas fait
pour elle, et en a exproprié celui qui y avoit les droits les plus légiti-
mes. Celui-ci n'est point autre que le beau Paris, le ravisseur d'Hélène.
On trouve, en effet, le dicton Est Paris absqiie pari dans le poème de
Excidio Trojœ, qui est très probablement d'Hildebert, mort archevê-
que de Tours en ii33 ou 1134 ». L'exemple suivant confirme la re-
marque de M. P, Meyer : « O noble Paris sans per, perlifié de toute
spéciosiié corporelle [dit la gente damoiselle), pourquoi te celerois-je la |j
vérité? » (Le Maire de Belges, ///,, I, 171, Stecher).
P. 68, V. 14. — Ayant su raffiner sur l'amour conjugal.
Boileau a dit de même : « Mais vous qui raffine^ sur les écrits des
autres {Sat. IX).
P. 77, V. 114. — Et déjà l'autre passion
Se trouvoit un peu ralentie;
Le temps avoit agi.
Lcntescunt temporc citrce;
Vanescit que absens, et novus intrat, amor.
(Ovide, Ars amat., II, 357).
Multa vetustas lenit. (id., II, 647).
O HISTOIRE ET DE LITTERATURB
i3
P. 80, V. i53. — Voilà donc nostre veuve écoutant la louange,
Poison qui de l'amour est le premier degré.
Délectant etiam castas prœconiaformœ. (Ovide, Ars amat., I, 623.)
Il n'est riens qui tant famé atise
Come qui bien la loe et prise...
Meismes les leides pucelles
Quant l'en lor dit que elz sont belles
Soies certain que elle croient
Et très durement s'en gogaient.
(La Clef d'amour, Sg.Tross.)
P. 83, V. 177. — O volages femelles!
Virgile fait aux femmes le même reproche : <i Varium et mutabile
semper femina. » (Enéide, IV, 569.)
Sor tote riens est feme de muable talent...
En son propos est ferme com est fumée a vent.
(UEiivangille as femmes, 40, Constans.)
P. 92. v. 33. — Princes et rois, et la tourbe vienne
Jetoient maint pleur.
La note « toute la hiérarchie des enfers », ne dit rien, ou plutôt elle
explique mal ce qui n'avait pas besoin d'être expliqué.
P. 100, v. 141. — Solennités et lois n'empêchent pas
Qu'avec l'hymen Amour n'ait des débats.
Littré, qui cite ce passage sous Solennité, explique le mot par « céré-
monie publique qui rend une chose solennelle «. Ce terme très usité
chez nos vieux jurisconsultes avait le sens de formalité^ comme solen-
nitas dans le latin du Digeste, ex. : « Le moyeu justicier prend les
espaves en gardant les solempnités declairées au chappitre d'espaves. »
(Cont. de Touraine, 224, D'Espinay.) La Fontaine l'emploie avec cette
signification, et les vers qui précèdent le prouvent clairement.
P. 147, I. — Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux.
Guy de Tours (Poésies, I, 22, édit. Blanchemain) a dit à peu près
dans les mêmes termes :
Les biens ni les grandeurs ne nous soulagent point.
P. i63, v. i53. — Le corps n'est tantôt plus que feuillage et que bois.
Ce tantôt signifie « peu après, peu de temps après » : la note de Gé-
ruzez, citée par les éditeurs, obscurcit ce qui est très clair.
P. 197, v. 286. — Un coup de son trident fit sortir de la terre
Un animal fougueux, etc.
Sur le bouclier d'Achille « on voyait Neptune et Pallas qui dispu-
taient entre eux à qui aurait la gloire de donner son nom à une ville
naissante. Neptune de son trident frappait la terre, et on en voyait sor-
tir un cheval fougueux, etc. » (Fénelon, Télétnaque, Xlllj.
P. 212. Adonis. Parmi les poètes qui ont traité ce sujet légendaire,
il fallait ne pas oublier Froissart (Trésor amoureux), Jean Passerai
(Poés. I, 21 édit. Blanchemain) et Ronsard (Œuv. IV, 289, bibl. el^.J.
14 REVUE CRITIQUS
P. 239,v. 137. — Là, sous des chênes vieux où leurs chiffres gravés
Se sont avec les troncs accrus et conservés, etc.
Certum est in sylvis...
Malle pati, tenerisqiie meos incidere amores
Arboribus ; crescent illce, cvescetis amores, (Virg., X« Eglogue.)
P. 243, note 3. — Combien de fois le jour a vu les antres sourds
Complices des larcins qu'ont produits leurs amours.
Ces deux vers étaient dans le manuscrit de i658; plus tard, La Fon-
taine remplaça sourds par creux, sans doute pour éviter la rime des
deux hémistiches. Boileau applique cette épitbète, qui a été critiquée,
au mot antre, comme l'avait fait La Fontaine :
Mais sans examiner si vers les antres sourds
L'ours a peur du passant ou le passant de l'ours.
(Sat. sur l'homme).
P. 245, V. 191. — Gardez-vous d'irriter tous ces monstres félons.. .
Les daims et les chevreuils, en fuyant devant vous
Donneront à vos sens des plaisirs bien plus doux.
Dans Froissart (Trésor amoureux, v. 1745), Vénus donne les mêmes
conseils à Adonis, qui n'est pas son amant, mais son fils :
Pour ce que tu ne sces tes pars.
Je te deffens tigres, lieppars,
Lyons, senglers, ours ne licornes
Et cerfs qui ont agues cornes...
Bien veul que tu mettes cure
A chasser singes, biches, dains,
Lièvres et connins,
De même dans Ronsard :
Chasse les daims légers et les sauvages chèvres,
Et les cœurs effrayez des connils et des lièvres
(T. IV, 242, bibl. elz.).
P. 2 5g, v. 400. — Elle (la bête) en frémit de rage, écume et tourne tête.
Et son poil hérissé semble de toutes parts
Présenter au chasseur une forêt de dards.
Il y a dans la Chasse au sanglier par Cl. Gauchet, des vers qu'on
peut comparer avec eaux de La Fontaine :
Et faisant teste aux chiens escumante s'accule.
Elle dresse son poil et soufflant des nazeaux.
Menasse les chasseurs, les chiens et les chevaux
\Poés., 237, bibl elz.)
P. 367, V. 537. — Il cherche encore un coup la lumière des cieux.
Réminiscence évidente de ce délicieux vers de Virgile :
Quœsivit cœlo lucem ingemuiîque reperta. (Enéide, IV, 692.)
P. 325, V. i3o. — L'art est long et trop court les termes de la vie.
Traduction assez languissante du célèbre apophtegme d'Hippocrate :
« L'art est long, mais la vie est courte ».
P. 33o, V. 177. — C'est sa guide...
La note qui explique pour quelle raison guide est ici féminin, es< à
effacer. Voir le Dict. de Liltré.
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE l5
P. 336, V. 288. — Il nous faut par des pleurs ouvrir notre carrière.
La Fontaine se rappelait sans aucun doute ce beau passage de Pline :
c Itaque féliciter natus jacet. .., /lens, animal cœteris imperaturum,
et suppliciis vitam auspicatur (I, 5).
p. 338, V. 16. — " Les destins avec lui (Louis XIV) semblent être d'accord.
Est-ce un souvenir de ce vers de Boileau dans le passage du Rhin?
Le destin à ses yeux n'oseroit balancer.
J'ai un reproche à faire aux éditeurs : ils font beaucoup trop voyager
le lecteur. Ainsi la note 3 de la page 366 de ce volume renvoie à la
page 34 note 8, laquelle vous renvoie encore au t. V, p. 79 et note 6.
Comme je suis assez patient, je cherche à Tendroit indiqué, espérant
bien cette fois être au bout de ma course. Il n'en était rien : on me
donne une nouvelle adresse, le t. IV, p. 276 et note 2. Je prends dans
ma bibliothèque le t. IV, je cherche la page, la note, et l'on me dit de
recourir au t. III, p. 122, etc. On comprendra que je n'aie pas voulu
aller plus loin.
A. Delboulle.
1
3o3. — Catalogue du cabinet des livres de Cliantilly. Spécimen rédigé
par M. Emile Picot. Paris, Damascène Morgand, 1890, grand in-8 de 48 p.
Les beaux livres de Mgr le duc d'Aumale sont représentés dans ce
spécimen par 3i articles (i pour la théologie, i pour la jurisprudence,
4 pour l'histoire et 25 pour les belles-lettres). La rédaction du catalo-
gue est telle qu'on pouvait l'attendre d'un bibliographe consommé tel
que M. Picot, et l'impression est telle qu'on pouvait l'attendre d'un im-
primeur aussi habile que M. Dunel. Les titres avec leurs bois sont re-
produits avec une admirable fidélité sur un magnifique papier. Les des-
criptions de chaque livre sont accompagnées de notes qui complètent et
rectifient les travaux précédents. C'est ainsi, pour nous en tenir à quel-
ques exemples, que nous lisons (p, y), à propos de l'édition du Stille de
Parlement donnée vers i52o par Jacques Nyverd : « M. Brunet ne
cite pas cette édition. M. Ernest Langlois dit à tort dans ses Notices
des manuscrits français et provençaux de Rome, 1889, p. 291, que le
livret imprimé au commencement du xvi° siècle reproduit des instruc-
tions abrégées qui se trouvent dans plusieurs manuscrits à la suite du
Stilus Parlementi de Guillaume Du Breuil et qui se rencontrent aussi
séparément. C'est un ouvrage tout différent. Notre livret ne se confond
pas non plus avec le Brief Traité sur le stille et forme de poursuivre
plusieurs matières en la court de parlement, etc. contenu dans le ms.
fr. 2840. » Veut-on des renseignements aussi précis que complets sur
Le Grant blason desfaulces amours? Les voici (p. 11) : « Nous assi-
gnons à cette édition la date approximative de i5i4, parce qu'elle a dû
être publiée en même temps que Tédition du Contre Blason décrite ci-
après, laquelle a été exécutée entre 1 5 1 2 et 1 5 1 5. Parmi les ouvrages en
l6 REVUK CRITIQUE
vers composés dans le dernier quart du xv" siècle, il n'en est aucun qui
ait eu plus de succès que le Blason des faidces amours. Ce succès est
attesté par plus de 2 '^ éditions imprimées entre i486, date de celle de
Pierre Levet, et 16 14, date de celle de Pierre Menier. Le Blason n'était
pas même oublié dans la seconde moitié du xvii*' siècle, puisque La Fon-
taine a fait au moine de Lyre l'honneur de Timiter et de reproduire la
disposition de ses strophes. L'ouvrage de Guillaume Alexis a été repro-
duit par les soins de Le Duchat à la suite des Qiiin\e joyes de mariage
(La Haye, Rogissart, i726,in-i2). M. G. Brunet en a donné une réim-
pression moderne (Genève, Guy, 1867, in- 16). » Au sujet du Contre
blason des faulces amours^ M. P. rappelle (p. i2-i3) qu'il a montré
(no 73 de Romania, 1890), que l'auteur devait s'appeler Estrées, que le
prince et la princesse à qui l'ouvrage est dédié sont Charles de Croy,
mort en i52i, et Louise d'Albret, sa femme, morte en i53i, que la date
indiquée en acrostiche est celle de 1 5 12, et il relève ainsi une plaisante
erreur d"un des doyens de la bibliographie : « Le poète était un povre
simple frère hermite et immérité jprestre religieux; c^est ce qu'il nous
apprend lui-même dans son prologue. La Croix du Maine, qui avait
mal lu le logogriphe, avait cru que Charles de Croy était le nom du
poète, réduisant ainsi à l'état de pauvre ermite le prince qui fut chargé
de tenir Charles-Quint sur les fonts baptismaux. » Diverses omissions
de l'auteur du Manuel du Libraire sont comblées ça et là, notamment
p. 14: « M. Brunet, qui décrit deux éditions du Testament [de Jehan
MolinetJ, ne cite pas celle-ci [Paris, vers i52o] ; il n'a pas connu non
plus rédition de Troyes, iSgS, dont la bibliothèque de Wolfenbûttel
possède un exemplaire ^ » Un homonyme de l'auteur du Manuel du
Libraire, M. Gustave Brunet (de Bordeaux) a mis au nombre des Li-
vres perdus (Bruxelles, 1882, in-8°, p. 20) La Couvée des Anglais et
des Espaignol^ qui ont cuyde descendre en Bretaigne. M. P. décrit
I. Ce ne sont pas seulement les omissions de Brunet qui sont signalées, mais
aussi ses méprises. La complaincte de la cité crestienne (vers ib^b) contient, dit
M. P.(p. 191, une vue de ville que Brunet (II, i iSy) dit à tort être une vue de Nancy;
c'est en effet une vue de Paris, et c'est probablement l'une des plus anciennes que l'on
puisse citer. Je me reprocherais de ne pas mettre sous les yeux du lecteur cette im-
portante note (p. 20) : « La complaincte de la cité creitiemie est l'œuvre de Pierre
Gringore, qui y déplore le dommage causé à l'Eglise par l'hérésie des Luthériens. Du
Yerdier cite cette pièce; il indique même exactement l'édition que nous venons de
décrire; mais on n'en connaissait jusqu'ici qu'un simple fragment (Biblloth. nat.,
Rés., Y bi33, c. I, art. 3), et l'attribution à Gringore restait toujours assez incertaine.
L'exemplaire complet que nous décrivons la justifie : il se termine en effet par l'acros-
tiche et par la devise du poète. » Cf. une note de la p. 17 contenant l'énumération
par ordre chronologique des neuf ouvrages de P. Gringore qui nous sont parvenus,
énumération d'une minutieuse t\zcin\xàt, comme on le voit dès la première ligne
« Les Abus du monde parurent pour la première fois au mois d'octobre 1009. '
Indiquons d'autres curieuses et savantes notes sur le poète Michel Boucher (p. 2'),
sur les iîegrefjj- de Picardie et de Touniay (i522), insérés par Le Roux de Lincyl
dans son Recueil des chants historiques français {U, 140-149), avec la fausse date dej
1543 (p. 29}, etc.
^
d'histoire et de littérature 17
(sur le n° 25) cette pièce dramatique (Paris vers i523) dont le titre seul
était connu jusqu'ici, de même que sous le numéro précédent il a décrit
(p. 39) une Farce nouvelle à troy s personnages (Paris, vers i52o), qui
est restée inconnue à tous les bibliographes.
La haute valeur du spécimen publié par M. Emile Picot permet dès
à présent de déclarer que le Catalogue du cabinet des livres de Chan-
tilly sera entièrement digne de cette admirable collection.
T. DE L.
Lettre de M. Michael et réponse de M. Pfister.
Veuillez me permettre de vous faire quelques courtes observations sur l'apprécia-
tion qu'un de vos collaborateurs vient de publier dans votre estimable feuille sur ma
brochure « Rankes' Weltgeschichte » (mai 19, p. 392). Depuis bien des années, je
suis lecteur attentif de votre Recueil; j'en ai conçu une haute idée et je sais apprécier
toute la valeur de ses articles. C'est pourquoi je ne me serais jamais attendu à y trou-
ver tant d'inexactitudes en si peu de lignes. M. Ptister n'a évidemment pas lu mon
travail avec l'attention requise pour en faire un rapport objectif conforme à la vérité.
Il me fait souvent dire le contraire de ce que j'ai avancé dans ma brochure, et je crois
rendre un service à la Revue et à vous, Monsieur le Directeur, en signalant ici quel-
ques-unes de ses erreurs. Ainsi, par exemple, il n'est pas vrai que « je ne saurais
reconnaître aucune valeur à l'histoire universelle de Ranke, parce que les desseins de
la Providence lui échappent dans l'histoire et qu'il explique les événements par des
motifs purement humains ; parce qu'il a comparé le sacrifice d'Isaac à celui d'iphi-
génie; parce qu'il ne croit pas à la réalité objective de la vision de Constantin;
parce qu'il a trouvé les prétentions de Grégoire Vil nouvelles et excessives; parce
qu'il a appelé Luther un grand homme ». En général, ce n'est pas vrai que « je ne
saurais reconnaître aucune valeur à son Histoire universelle », que <i je ne lui accorde
que certain mérite d'écrivain. » Aussi est-ce faux de dire que « j'affirme que Ranke
est un esprit fort étroit». M. Pfister me fait pareillement tort par son assertion géné-
rale que « je proteste contre les jugements favorables rendus sur ce livre, notamment
par votre collaborateur M. A. Lefranc 7/ (Revue critique, t5 mai 1889, p. Sôg). Enfin
le reproche n'est pas fondé que je me suis « permis de parler (de R.) de façon irré-
vérencieuses. Tout ce que j'ai avancé sur Ranke est prouvé par ses propres paroles.
11 n'a jamais été considéré comme manque de respect à un historien de faire contre
lui de sérieuses observations objectivement fondées.
Voilà, Monsieur le Directeur, ce que j'ai cru devoir brièvement observer dans l'in-
térêt de la vérité sur l'appréciation de mon écrit dans votre honorable feuille. J'ose
espérer de votre impartialité que vous voudrez bien vous en servir pour rectifier les
fausses assertions de M. Pfister. Je me réserve de traiter la question plus longuement
dans un autre endroit.
Emile Michael,
Je crois inutile d'entrer dans une longue controverse avec M. Michael, à propos de
son insignifiante brochure. Il juge Ranke à un point de vue strictement catholique
et, — malgré lui, nous en sommes bien persuadés, — il est injuste et irrévérencieux
a son égard. Voici quelques-uns des titres placés en tête de ses pages : « Rankes
Willkiir. — Neue Paradoxa. — Subjektive Evgûsse. — Ungerechtigkeit Rankes.
— Sein schlecht verhullter Hass gegen Rom. — Rankesche Phraséologie. — Rankes
l8 RKVUE CRITIQUE
Befangenheit. — Andere historische VerstUsse. — Rankes blinder Glaube. » Voici
maintenant quelques phrases de l'ouvrage même; p. 18 : « Was wiinder, dass ihm
fia- Kirche, Katholicismus u. Papsttum jedes tiefereVerst.indniss abgehi? » P. 24 :
« Sein Unglaube ist imi so gefàhrlicher, da sicit devselbe unter einer irugerischen
Fonn verbirgt u. durcit salbungsvolle Sprûchleinfur viele unkenntlichwird.-» P. 45:
Ranke fùlirt eine doppelte Sprache, er misst die Dinge nicht yiach objektivem Wert,
sondern nach den Eingebungen seiner Sympathie. Diirch dièse werden vielfach seine
so hoch gerûlimten historischen Portraits bestimmt. » Voici enfin la conclusion de
l'ouvrage : « Es xvird nie an Verehrern fehlen, welche die Rankesche Art kunstvoll,
génial nennen. Aber es giebt aucli einen Geniekult, mit dem der Wahrheit wenig
gedient ist. » Si M. Michael croit, en écrivant de la sorte, parler de Ranke sans
« irrévérence », il montre une grande naïveté.
Ch. Pfister.
LA QUERELLE DE M. CANTONI CONTRE M. ROD.
Mon cher Directeur,
Vous m'avez chargé, il y a quelque temps, d'examiner une plainte en plagiat
portée par M. Alberto Cantoni de Mantoue, contre M. Edouard Rod, de Genève,
au sujet du roman de celui-ci, Le Sens de la Vie, publié en février 1889 à la
librairie Académique et couronné par l'Académie française (prix de Jouy). M. Can-
toni déclarait ce roman imité d'une sienne nouvelle « L'altalena délie antipatie »
(La Bnscule des Antipathies), publiée avec deux autres études Piii persane ed un
cavallo, et // Demonio dello Stile, dans un volume édité sous ce dernier titre par
Barbera, Florence, 1887. — D'après lui, ces trois nouvelles sont des satires du pes-
simisme dans l'art, dans la famille et dans la société, et elles sont « à base d'intui-
tivisme ». Il résumait ainsi sa querelle sur un exemplaire qu'il m'a adressé du Sens
de la Vie :
« Prière de comparer la présentation monologuée du pessimisme domestique dans
une famille composée d'un seul jeune père, d'une seule jeune mère et d'une petite
fille, les doutes et les oscillations dans le mariage, la peur et la contrariété dans la
paternité, la maladie de l'enfant, même le sermon à la petite fille inconsciente (au
bout) qui sont dans ce volume avec la deuxième nouvelle du « Démon du style »
1887. M. Rod a ajouté à lui seul ce qui a rapport avec l'altruisme et la religion.
Aucun extrait du Sens de la Vie n'avait paru avant i88g. »
Et, dans une note inscrite en tête du Demonio dello Stile, il ajoutait : « Prière de
comparer la seconde nouvelle de ce volume satirique, sa mise en scène, ses person-^
nages principaux, sa méthode, son plan et la plus grande part de ses épisodes et de
ses incidents avec le Sens de la Vie. »
M. Cantoni répondait en même temps à une objection qu'on n'aurait pa8i
manqué de lui faire, à savoir que M. Rod a donné un compte rendu de son livre, et^j
qu'il est peu vraisemblable dès lors qu'il l'ait pillé. Sa réponse est assez subtile
pour que je la cite : ,
<i Si vous me demandiez pourquoi M. Rod, après m'avoir pris... ce qu'il m'a pr'S»|J
ait néanmoins parlé de mon petit livre, deux mois avant de paraître avec le sien,
dans la Revue suisse, de décembre 1888, page 610, je vous répondrais que ce fût
probablement pour pouvoir dire que s'il eût admis le parallélisme, il ne l'aurait pas
fait du tout et parce que je venais de lui envoyer, quoique très tard, un exemplaire
recommandé du Démon du style, lui ôtant ainsi sans le savoir la possibilité de se
défendre en disant d'avoir ignoré ma nouvelle. »
M. Cantoni disait du reste, très galamment, « n'avoir pas le plus petit intérêt
matériel dans l'affaire », et ajoutait que « rien ne lui serait plus pénible que de passer
pour un revendicateur de prix académiques ».
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE ig
J'ai lu de près le roman de M. Rod et la nouvelle de M. C, et je ne puis que
redire ici ce que je viens d'écrire à M. Cantoni, au sujet de ce prétendu plagiat :
i» Ily a certainement ressemblance entre VAltalena et le Sens delà Vie, au sujet
des personnages et de quelques épisodes (l'ennui d'êire père, la maladie de l'en-
fant, le discours à la petite fille). Mais on ne peut dire qu'il y ait imitation, car long-
temps avant C. et R., on a eu l'idée de mettre en scène un jeune ménage avec
un enfant et de traiter des épisodes de la vie de famille. Dans Monsieur, Madame et
Bébé, il y a aussi un père, une mère et un enfant, un père parfois ennuyé de l'être,
une maladie de l'enfant, un discours (et même plusieurs) au petit entant inconscient.
Cependant, ni Rod ni Cantoni n'ont imité Droz. Voilà pour la matière du roman;
20 Quant à la méthode littéraire et à l'esprit du roman, je ne comprends pas que
M. Cantoni ait pu croire à une imitation. La nouvelle italienne est satirique et
humoristique (c'est là sa principale qualité), tandis que celle de M. Rod est pessi-
miste, philosophique et, parfois, à mon avis, un peu prétentieuse Dans L'Altalena,
'1 s'agit d'un homme de caractère inquiet qui. après diverses alternatives, finit par
trouver la paix de l'esprit dans la vie de famille; dans le Sens de la Vie, d'un pes-
simiste qui découvre que le toltoïsme et la religion sont les raisons d'être de la
vie. M. Cantoni reconnaît que M. Rod a ajouté à lui seul ce qui a rapport à l'al-
truisme et à la religion ; mais c'est l'essentiel dans son roman ; la peinture de la
famille n'est pour ainsi dire que la préparation de ces deux dernières parties. — Il est
surprenant de croire que M. Rod ait imité M. Cantoni ;
3° Du reste, il y a presque toujours, « depuis quatre mille ans qu'il y a des hom-
mes et qui pensent, » des imitations involontaires et des réminiscences inconscien-
tes. Si je voulais faire une mauvaise querelle à M. Cantoni, je pourrais lui dire que
dans VAltalena, le paragraphe y, page 63, est imité de la préface de VAmi des Femmes,
d'Alexandre Dumas II. 11 s'agit du mariage considéré comme panacée universelle;
« Perché — dato che l'ignoriate — quando non si sa come addirizzare una creatura
umana, si cura sempre col matrimonio .^.. Oh universale panacea ! Basta che non si
sappia più come tener ritta una donna isterica, o quasi tisica, o peggio, che le si da
marito. Che coôa importa se guarirà a tuite spese dei suoi primi nali ? Basta che
guarisca Lei... Oh panacea universale! Oh sciroppo Pagliano!! » Ce passage ne
semble-t-il pas être une réminiscence — abrégée et alourdie — du célèbre morceau
qui commence par « Docteur, je suis vraiment inquiète de ma flUe », et qui finit par
« et que la nature, qui a fait la sottise, s'en tire comme elle pourra »? Il est très
probable, cependant, que M. Cantoni ne songeait guère à l'Ami des Femmes en écri-
vant les lignes précitées i.
J'ai mis sous les yeux de nos lecteurs, très longuement, les réclamations de
M. Cantoni et mes réponses. Quelques ressemblances évidentes dans des détails ma-
tériels ne m'empêchent pas de penser que M. Cantoni a tort de se plaindre d'avoir
été dérobé. M. Cantoni, qui cite fréquemment Horace dans sa correspondance, me per-
mettra de le renvoyer à ce sujet à « Publica materies privati juris erit... » Il n'y a pas
plagiat, quand l'esprit d'un roman et son sujet diffèrent autant de ceux de VAltalena
que ceux du Sens de la Vie. Il me semble hors de doute que M. Rod n'a rien pris à
M. Cantoni, et que son compte rendu n'a pas eu les intentions par trop machiavéli-
ques que lui suppose l'auteur italien. Que si mes arguments, au surplus, ne suffisent
pas à convaincre et à rasséréner M. Cantoni, que ne défère-t-il le serment à M. Rod ?
J'espère qu'il s'en tiendrait à une explication sincère de l'auteur du Sens de la Vie:
je doute que cette explication diffère beaucoup des miennes^.
Veuillez agréer, mon cher directeur, avec mes remerciements pour l'honorable
mission que vous m'avez confiée, mes meilleurs sentiments.
Léon-G. Pélissier.
t. Il m'a écrit depuis n'avoir jamais lu cette préface.
2. Il serait à souhaiter, pour mettre le public français à même de se prononcer,
que Madame Bentzon publiât la traduction qu'elle a faite de VAltalena.
20 REVUE CRITIQUE d'hISTOFRE ET DE LITTÉRATURE
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Abel Lefranc a fait tirera part son instructive étude sur les On^j-
ties du Collège de. France, parue dans la « Revue internationale de l'enseignement »
du i5 mai. On y trouve nombre de détails curieux et inédits sur les lecteurs royaux
et sur le premier fonctionnement de l'institution qui fut fondée, non point formelle-
ment, non point par des lettres-patentes du 24 mars i52qou i53o (qui n'existent pas),
mais sans bruit ni apparat, pour ne pas alarmer la Sorbonne. Notons également
tout ce que dit M. L. de la négligence de François I", de son peu de conviction,
de « la part de fantaisie » qu'il apporta dans l'affaire : malgré les plus séduisantes
ordonnances de paiement, les lecteurs durent attendre quatre, cinq ans avant de tou-
cher leur traitement, et beaucoup durent plaider pour se faire payer. M.L. établit la
chronologie précise des premiers professeurs ; il esquisse la physionomie de chacun,
de Danès, « le chef des nouveaux régents », de Jacques Toussaint, de Vatable, de
Fine, d'Agathias Guidacerius, de Paradis sur lequel il a trouvé plusieurs actes au-
thentiques inédits. Enfin, il retrace rapidement le combat décisif que la Sorbonne
livre aux lecteurs.
ACADEMIE DB.S INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 2 y juin 18 go.
L'Académie désigne M Ravaisson pour lire, à la séance publique annuelle des
cinq Académies, au moîs d'octobre, un extrait de son mémoire sur la Vénus de Milo.
M. Ravaisson, continuant la lecture de ce mémoire, expose les circonstances de
l'acquisition de la statue par l'ambassadeur de France à Constantinople, M. de Ri-
vière. Il réfuie les récits légendaires d'après lesquels la Vénus, encore entière au
moment de la découverte, aurait été brisée dans une lutte entre les marins français et
les habitants de l'île; il n'est pas douteux, dit-il, que la statue n'ait été découverte
dans le même éiat où elle est arrivée au Louvre, c'est-à-dire en morceaux et sans
bras. Déposée au Musée, elle fut transportée à l'atelier de restauration, où on en
assembla les morceaux, non sans commettre dans ce travail quelques fautes qui ont
toujours nui depuis à l'intelligence du monument. M. Ravaisson s'élève à ce propos
contie « cet usage si général des restaurations, presque toujours très nuisibles aux
œuvres d'art des temps passés ».
M. Jules Girard annonce que la Commission du prix Bordin a décerné le prix au
mémoire unique déposé sur cette question : Examen de la Géographie de Strabon,
L'auteur de ce mémoire est M. Marcel Dubois, maître de conférences à la Faculté des
lettres de Paris.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, M. Deloche continue la lecture de son mé-
moire sur le jour civil et le calcul des délais légaux en Gaule.
Après la période franque, sous les derniers Carolingiens, le principe de la person-
nalité des rois disparaît partout, et avec lui l'usage de compter dilTéremment les
délais légaux selon la nationalité des parties. Mais il reste deux classes d'hommes,
soumises à deux lois difterentes : les clercs, pour qui les délais sont comptés par
jours, selon le mode romain; les laïques, pour qui on compte par nuits, à la façon
germanique. Cette distinction est établie par un texte de l'abbé Geofl'roi de Ven-
dôme, au XII' siècle. Mais, précisément vers cette époque, l'intervention de plus en
plus fréquente des clercs et des lettrés dans les actes, notamment dans la rédaction des
chartes de coutumes et de commune, provoque une réaction, et l'on remarque une
tendance à revenir dans tous les cas à la supputation romaine par jours.
Ouvrages présentés : — par M. l'abbé Duchesne : Allahd (Paul), la Persécution de
Dioclélien et le triomphe de l'Eglise; — par M. Renan : Lefranc (Abel), les Origi-
nes du Collège de France; — par M. Senart : Iadrintseff (N), Anciens caractères
trouvés sur des pie) res de taille et des monuments au bord du Orkhon dans la Mongo-
lie orientale ; ~ par M. Delisle : i" Molinier (Auguste), les Obituaires français au
moyen âge; 7" Deux correspondants limousins de Balu^e. Lettres inédites de Pradi-
Ihon de Sainte- Anne et de M. du Verger {lùgs-iùgS), publiés par Emile du Boys.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le tuy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, si.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N^ 28 - 14 juillet - 1890
Sommaire s 3o4. Whitney, Grammaire sanscrite. — 3o5. Loch, Les épitaphes
grecques. — 3o6. Papadimitracopoulos, La prononciation erasmienne. — Soy.
Bresslau, Manuel de diplomatique, 1. — 3o8. Knuttel, Les pamphlets de la bi-
bliothèque de La Haye. — 3og. Gûnther, Kepler et le magnétisme terrestre. —
3io. ScHipPER, Shakspeare et Bacon. — 3ii. Neri, Etudes bibliographiques et
littéraires. — 3 12. Souiches, Mémoires, p. p. Cosnac et Portal, v-ix. — 3i3. Puy-
MAiGRE, Jeanne d'Arc au théâtre. — 314. Mme Kraft-Bucaille, Causerie sur la
langue française. — 3i5. Seignobos, Histoire de la civilisation contemporaine. —
3 16. Maugras, Journal d'un étudiant pendant la Révolution. — 317. Patorni,
Abd-el-Kader. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
304. — William Dwight Whitney : A Sanskrit Gramimar, including both the
Classical Language, and the Older Dialects, of Veda and Brahmana. Second
(revised and extended édition). Leipzig, Breilkopf and Haertel. London, Trûbner
and Co. 1889, xxv-332 p. in-8.
En rendant compte de la première édition de la grammaire de
M. Whitney ^, j'ai indiqué les caractères généraux de Touvrage, et j'ai
rendu homrnage aux admirables qualités qui, dès son apparition, l'ont
mis aussitôt hors de pair. Je n'ai donc plus à décrire, encore moins à
recommander de nouveau un livre qui, depuis dix ans, est dans toutes
les mains, et je me bornerai à indiquer brièvement en quoi se distingue
cette seconde édition. C'esl à bon droit que M, Whitney la déclare
« revue et augmentée ». Le nombre et l'ordre des paragraphes
sont restés les mêmes, de façon que toute référence à Tancienne édition
reste valable pour la nouvelle ; mais le nombre de leurs subdivisions a été
considérablement augmenté, et à peine en est-il un seul qui n'ait reçu
quelque addition. L'auteur y a incorporé, en tant qu'elles concernent
la grammaire générale, les données recueillies et publiées par lui sous
forme de supplément en i885 ^. II a aussi mis à profit les obser-
vations de M. Holzmann ^ et celles d'autres savants. Les anomalies,
les exceptions, les exemples, tant pour la phonétique et la morpho»
logie que pour la syntaxe, ont été multipliés ou enregistrés d'une
façon plus complète. La statistique de la langue est devenue encore
plus riche et plus précise. La rédaction même, déjà si irréprocha-
i. Revue critique du 11 juillet 1881.
2. The Roots, Verb-fonns and Primary Derivatives of the Sanskrit Language,
Leipzig, Breitkopf and Hœrtel, i885.
3. Grammatisches aus dem Mahabharata. Ein Aiihang ^u W. D. Whitney s
Indischer Grammaiik. Ibidem, 1884.
Nouvelle série, XXX. 28
22 REVUE CRITIQUE
ble, a vu disparaître ses dernières imperfections. Les chapitres relatifs
à l'alphabet et à la phonétique ont été portés ainsi de 79 pages
à 87, avec une augmentation d'un dixième; pour Tenseinble, cette
augmentation a été d'un huitième, 55 1 pages au lieu de 485. Et,
pour bien apprécier ces chiffres, il faut se représenter comment ils se
décomposent; il faut y voir le total de milliers d'additions dont les plus
étendues dépassent rarement les proportions d'un membre de phrase.
Quant aux suppressions, comme on pouvait s'y attendre en une œuvre
d'une doctrine si sûre, elles ont été infiniment moins nombreuses. En
me reportant à des cas qui m'avaient frappé jadis, je n'en ai relevé que
deux : au paragraphe 21, M. W. a retiré une observation sur Torigine
relativement récente de la prononciation samvrita de Va bref, et au
paragraphe 69 il a atténué son verdict sur le caractère purement théo-
rique du jihvâmûliya et de Vupadhmdniya. Sur ce dernier point, j'aurais
aimé trouver une rétractation plus complète. Les inscriptions ne per-
mettent pas de douter de l'usage pratique de cette notation. Dans des
parties écartées de l'Inde, comme le Cashmire, elle s'est conservée jus-
qu'à une époque toute récente dans l'écriture des manuscrits et, peut-
être, a-t-elle laissé une trace dans les fluctuations de l'orthographe
commune pour le groupe de sifflante -|- k, kh; car, dans plusieurs
alphabets archaïques, ii est difficile de distinguer le sh du jihvâmûliya.
Par contre, une addition, si je la comprends bien, est de trop ; au
paragraphe 5/1 c, à propos du sens bénédifeùf attribué par les gram-j
mairiens à l'impératif en tât^ M. W. ^ute cette fois : « No instance
of such use appears to be quotable. » Il faut que je ne saisisse pas bien
la portée de l'observation; car l'usage très fréquent de cette forme,
précisément dans les stances de bénédiction, ne peut faire doute.
En fait d'omissions, il va sans dire qu'il n'y a rien d'important à signa-
ler. Peut-être M. W. aurait-il pu dire que la contraction de saisha pour
sa eslia est si fréquente dans la langue épique qu'on pourrait tout aussi
bien la présenter comme étant la règle. J'aurais aussi voulu voir du
moins discuter les formes verbales avec infixe préjoratif ak mentionnées
par Patanjali et par d'autres grammairiens, et dont M. Aufrecht croit
avoir trouvé un exemple dans le Kaushttaki Brâhmana ^ M. W. a
relevé assez de formes rares et même uniques pour admettre encore
celle-ci. Enfin, je regrette qu'il n'ait rien dit des optatifs avec la signifi-
cation du passé que M. Holtzmann a signalés dans le Mahàbhârata ^. .,
Depuis, j'en ai relevé d'autres dans des inscriptions du Cambodge ^ et,
dans celles de Campa, préparées par feu Bergaigne et qui paraîtront
prochainement, ces exemples ne se comptent pas *. La même dépra-
1. Zeitschr. d. Deutsch. Morgenl. Gesellsch. XXXIV, p. 175.
2. Grammatisches aus dem Ma'iabharata, p. 42.
3. Inscriptions sanscrites du Cambodge, XV A, 2 et 5; B, 4.
4. Dans le Mahâbhâraia et au Cambodge, les cas se réduisent à des optatifs de la
forme iyât, bhûyât, ce qui peut s'expliquer comme une sorte de pracritisme. Mais
à Campa, la coufusion s'est étendue à des optatifs de ihèaies en a, comme bhavet.
d'histoire et de littérature 23
vation, apparaissant à des distances pareilles, devient privilégiée. Elle
est un des rares indices qui nous permettent de supposer que, même
en sanscrit, il y a eu parfois une règle d'usage en contradiction avec la
grammaire officielle. Comme on voit, ce sont là de simples vétilles; et
je doute fort que de meilleurs yeux que les miens en trouvent beaucoup
d'autres et de plus graves. Depuis dix ans, l'œuvre de M. Whitney
est notre meilleure grammaire sanscrite. Il est à prévoir qu'elle le res-
tera longtemps encore.
A. Barth.
3o5. — De xitulls grsecis sepulcralibus. Dissertatio inauguralis quam....
publiée defendet.... Eduardus Loch. Regimonti, ex officina Leupoldiana, 1890.
In-8, 64 p.
Cette dissertatio inauguralis d'un jeune élève de M. Gustave Hirsch-
feld est la première partie d'un travail d'ensemble sur les épitaphes grec-
ques, travail dont le besoin se faisait vivement sentir et qui promet de
fournir d'intéressants critériums pour fixer la date et la provenance des
inscriptions. Le premier essai de ce genre est la thèse latine de M. Vidal-
Lablache (1871 ) sur les épitaphes d'Asie-Mineure; le second en date est
le mémoire de M. G. Hirschfeld, publié dans les Kœnigsberger Studien
et dont nous avons rendu compte dans la /^eyzie (1888, I, p. 269). Ces
dcvLx savants s'étaient surtout occupés des inscriptions qui édictent des
clauses pénales à l'adresse de ceux qui violeraient les sépultures;
M. Loch a laissé de côté ces textes, qui appartiennent à l'époque de la
décadence, pour étudier les épitaphes archaïques (p. 1-12), celles du
v« siècle (p. 12-17), les épitaphes aitiques (p. 17-57), les formules des
épitaph'^s attiques qui se rencontrent dans toute la Grèce (p. 57-62).
Chemin faisant, il s'est occupé, après M. Brueckner, des bas-reliefs qui
décorent les stèles attiques, scènes de réunion, banquets funèbres, et
s'est inscrit en faux contre Topinion qui place ces représentations fami-
lières dans le monde élyséen (p. 56). Cette partie de son travail est insuf-
fisante ; M. L. ne semble pas connaître les deux mémoires de M. Ravais-
^on (Ga\. ArchéoL, 1876 et Revue de l'histoire des religions, t. II),
dont les idées n'ont été que partiellement adoptées par M. Furtwaen-
gler (Sammlung Saburoff, préface, p. i5 et suiv.). Mais les chapitres
proprement épigraphiques de la dissertation de M. L. témoignent d'un
dépouillement consciencieux et intelligent des textes, d'où il a tiré plu-
P sieurs observations nouvelles. M. Koumanoudis avait cru établir ('Atti-
v.r^q èirtYp. è-iT6[;.5toi, p. 452) que dans aucune épitaphe attique avant
Euclideon ne rencontre le démotique du défunt ;à la suite de M. Kirch-
hoff, M. L. montre qu'il faut modifier cette règle et dire seulement que
le démotique ne se trouve dans aucune épitaphe écrite dans l'alphabet
attique (tel qu'il était usité avant Euclide). On doit, en effet, attribuer
au v" siècle, comme l'a montré M. Koehler, bon nombre d'épitaphes où
24 REVUE CRITIQUE
Talphabet ionien est employé avant lu .réforme qui l'introduisit dans
l'épigraphie officielle. L'absence complète de la formule Xatps dans les
épiiaphes de citoyens athéniens avait déjà été signalée ; M. L. confirme,
sur ce point, la doctrine de M. Koumanoudis et écarte le témoignage de
l'inscription C. I. A. III, 2200, qui paraissait faire exception à la règle.
Les études de l'auteur sur la forme des noms, l'indication du patrony-
mique et du démotique, sont conduites avec beaucoup de méthode et at-
testent une louable préoccupation de distinguer les époques.
Le latin de M. Loch est convenable, bien qu'embarrassé d'incises qui
trahissent trop souvent, aux dépens de la clarté, une plume germanique.
Salomon Reinach.
3o6. — Th. Papadimitracoaoulos, Bâsavoj tûv Ttipt t/;, £»,/jvtxïjs -po-^opxi spx<!/j.ixûv
à:Tooôi'?£cov. Athènes, iSSg. In-8, lo'-ySa.
M. Papadimitracopoulos est un homme studieux et passionné. Il en
veut à Érasme. Il en veut aussi à M. Blass — BAassioç — dernière
incarnation du méchant Hollandais. Il croit volontiers que les décou-
vertes récentes de la science sur l'évolution et la prononciation du grec
— c'est tout un — sont une taquinerie personnelle d'Érasme ou de
Blass à regard de M. P. et des Hellènes. Pour réfuter Érasme et M.
Blass, il écrit un livre épais, il y accumule les citations ^, et ces citations
sont exactes. Il a recueilli des faits en grand nombre; est-il besoin
d'ajouter que, pour les comprendre, la méthode a fait défaut? Ce serait
dur, mais sincère.
Nous ferons un seul reproche à M. P., et encore est-ce plutôt un
doute que nous lui soumettrons. M. Papadimitracopoulos intitule son
livre Bisavo;, etc. Ce titre, quand on cherche dans les dictionnaires,
finit par signifier : Critique des preuves, etc. Mais le Grec, qui n^a pas
de dictionnaire sous la main, pense immédiatement au moJerne Baiavo,
qui veut dire supplice. Pourquoi, dès le seuil, jeter au lecteur cette
prophétie menaçante ?
Jean Psichari.
307. — H. Bresslau. Handbuch dei- Ui'kundenlelire fui* Deutscliland
und Italien. Tome I. Leipzig, Veit et C'«, 1889, xxiv et 99a pp. in-8.
Si la longueur d'un compte-rendu devait être en proportion de li
valeur du livre auquel il est consacré, celui-ci serait extrêmement
étendu. Peu d'ouvrages, en effet, étaient attendus avec plus d'impatience
et seront plus utiles que le Handbuch der Urkundenlehre de M. Bress-
i. M. P. n'a négligé qu'un seul petit article de la Revue critique (iSS-j, n° i4>
p. 261-208). Il est vrai que cet article ruine d'avance toute son argumentation et rend
le livre superflu. — Disons aussi, pour être complet, que partout où l'auteur cite du
grec moderne (entre autres, p. 5ig, n, 2), il le cite mal et sans compétence spéciale.
i
d'histoire et de littérature 25
lau. Le nom de Fauteur est ici un sûr garant de l'excellence de l'œuvre.
Dès son apparition, le livre de M. B. a figuré sur la table de tous les
diplomatistes à la place la plus proche de la main.
Le manuel de M. B. aura deux volumes. Le premier est consacré à
la partie générale de la diplomatique; l'autre contiendra la partie spé-
ciale. Comme le titre l'indique, l'auteur n'a pas compris dans son sujet
l'ensemble de TEmpire au moyen âge. Des trois royaumes dont il se com-
posait : Allemagne, Italie, Bourgogne, il n'a cru devoir s'occuper que
des deux premiers. Pour la Bourgogne, il Ta laissée en dehors de ses
recherches. Les actes dressés dans ce pays appartenant scientifiquement
à la diplomatique française, M. B. n'eût pu s'en occuper sans altérer
le caractère spécial qu'il a voulu donner à son livre.
Depuis la publication du Vei^such eines vollstclndigen Systems... der
Diplomatik de Schônemann en 1818, c'est-à-dire depuis quatre-vingts
ans, il n'a plus paru de traité de diplomatique digne de ce nom. En
comparant l'ouvrage de M. B. avec celui de son devancier, on peut se
faire une idée du prodigieux développement de la science pendant cette
période. Les travaux de Sickel, de Ficker, de Bohmer et de tant d'autres
ont renouvelé et précisé la méthode, augmenté les moyens d'infor-
mation, mis plus de souplesse dans la critique et fait enfin de la diplo-
matique, cette science qui rend à l'étude du moyen âge autant de servi-
ces que l'épigraphie à celle de l'antiquité, la plus exacte peut-être, des
sciences auxiliaires de l'histoire.
Lelivre de M. B. n'est pas seulementun exposé des travaux antérieurs.
Venant après des maîtres, et maître lui-même, l'auteur a sur bien des
points apporté des solutions nouvelles et fait la clarté. Son Handbuch,
au mérite d'une connaissance impeccable de l'immense littérature du
sujet, joint celui d'être un ouvrage original et de première main.
Comme je l'ai dit, le présent volume traite de la partie générale de la
diplomatique. L'auteur a réservé pour le tome II l'examen spécial des
caractères internes et externes des chartes et diplômes. La liste des cha-
pitres du premier volume fera apprécier de suite la valeur de son con-
tenu :
I. Objet et définition de la diplomatique.
IL Histoire de la diplomatique.
III. Des diverses parties des documents diplomatiques et classification
de ces documents.
IV. Originaux, copies, registres, etc.
V. Archives des papes, des rois francs et lombards, des empereurs,
des rois de Sicile, des princes ecclésiastiques et laïcs, des villes.
VI. Chancellerie des empereurs romains et chancellerie des papes.
VII. Chancelleries des rois et empereurs francs, allemands, italiens.
VIII. Autres chancelleries d'Allemagne et d'Italie.
IX. La preuve par document écrit au moyen âge.
X. Langue des documents diplomatiques.
26 REVUE CRITIQUK
XI-XI I. Formulaire, actes, Vorurkunden et leur rapport avec les
documents dressés d'après eux.
XIII. Pétition, supplique, consentement.
XIV. L'acte juridique et sa consignation par document (Handlun g
und Beiirkiindiing' .
XV. Intervenientes et témoins.
XVI. Date.
XVII. Matières sur lesquelles sont écrits les documents diplomati-
ques.
XVIII. Écriture des documents.
XIX. Sceaux.
Il faudrait, pour donner une idée de la richesse de ces dix-neuf cha-
pitres, pouvoir en imprimer ici les sommaires. Tous sont également au
courant de la science et pas un seul n'est écrit de seconde main. M. B.
a tout vu, tout contrôlé. Là même où il semblerait qu'il ait pu se con-
tenter d'exposer les résultats acquis par des recherches spéciales, on
trouve encore dans son livre des additions, des rectifications de détail.
Il n'y a pas un point, si minime soit-il, de la diplomatique de Tempire
ou de l'Italie, pour lequel il ne faille désormais consulter son Handbuch.
Quelques-uns des chapitres sont neufs d'un bouta l'autre. L'histoire
des rapports de la chancellerie pontificale avec la chancellerie des em-
pereurs romains (ch. vi) et celle de la pieuve par écrit au moyen âge
(ch. ix) appartiennent complètement en propre à M. Bresslau.
Comme on le voit sutlisamment par cette courte analyse, le livre de
M. B. est destiné aux diplomatistes et non aux étudiants en diplomati-
que. Le plan du travail n'a pas été, dans ces conditions, ce qu'il aurait
dû être si l'auteur avait écrit pour des commençants. Le public auquel
s'adresse M. B. le remerciera d'avoir surtout insisté sur les détails et ne
songera pas à lui demander des divisions plus nettes, des catégories plus
tranchées, une allure plus systématique. Tel qu'il est, d'ailleurs, le
manuel est non seulement riche et original, mais aussi très commode.
Chaque page est pourvue d'un entête spécial qui facilite singulièrement
les recherches. Ajoutons que l'impression et la correction du volume
sont irréprochables.
Il serait puéril de présenter ici des critiques de détail. M. B. a par-
couru un champ immense dont bien des parties sont encore inexplorées.
Il a vu et connu tout ce qu'il était possible de voir et de connaître, lu
tout ce qu'il fallait lire. Humainement parlant, son travail est donc
aussi consciencieux qu'il est complet. Il serait absurde, par exemple, de
lui reprocher de n'avoir pas étudié davantage tant de chancelleries
princières ou ecclésiastiques de second ordre, quand on sait où en sont
encore aujourd'hui les études de diplomatique privée. Les chancelleries
des Pays-Bas qui se sont constituées plus tôt et plus régulièrement que
celles des autres territoires de l'empire, sont passées à peu près complè-
tement sous silence dans son livre. Mais qui les a étudiées jusqu'à pré-
i
d'histoire et DR LITTÉRATDRR l'J
sent? Ni Tévêché de Liège, ni le comté de Hainaut, ni celui de Hol-
lande, ni le duché de Brabant n'ont fait encore Tobjet du moindre travail
de diplomatique. D'ailleurs, ce qui est vrai de la Bourgogne, Test en
grande partie aussi de ces contrées. A bien des points de vue, les docu-
ments qui y ont été dressés au moyen âge rentrent plutôt dans le cadre
de la diplomatique de la France que dans celui de la diplomatique de
l'empire
Sur d'autres questions, M. B. s'attend lui-même à n'avoir pas emporté
tous les suffrages. « Sur bien des points, dit-il, comme par exemple sur
la classitication des documents au point de vue formel, il sera toujours
difficile d'obtenir l'assentiment unanime des spécialistes. Cela tient à ce
que le moyen âge, abstraction faite de la chancellerie pontificale pen-
dant les derniers siècles, n'a pas connu lui-même ni systématiquement
appliqué une telle classification. Il en résulte que tout essai de classifi-
cation a fatalement quelque chose d'artificiel et cela d'autant plus qu'il
est plus compliqué. Chacun se fait à lui-même son système et personne
ne parvient à faire disparaître toutes les objections. Heureusement, cette
question si controversée a beaucoup moins d'importance qu'on ne l'a
dit souvent. » Je m'arrêterai ici. Le comple-rendu d'un manuel est tou-
jours difficile à faire. Tout manuel court, en effet, un grand risque :
celui d'être jugé, non d'après ce qu'il est er ce que l'anteur a voulu qu'il
fût, mais d'après ce que le lecteur voudrait qu'il eût été. Chaque spé-
cialiste a dans la tête, plus ou moins précis, le plan d'un manuel de la
science dont il s'occupe. 11 faut se garder contre soi-même pour appré-
cier le travail d'autrui. Quand, comme c'est ici le cas, la science la plus
solide, la plus grande sûreté d'informations, l'intelligence la plus com-
plète des questions se trouvent réunies, la critique n'a pas à s'occuper
de tel ou de tel détail. Elle ne peut que constater avec reconnaissance
l'excellence de l'œuvre.
H, PlRENNE.
3o8. — <^atalogus van de Ramfletten-Verzameling berustende In de
Kontnkljke Bibliotheek.... door W. P. C. Knuttel; S'-Gravenhage,
Allgemeene Landsdrukkerij, 1889, v, SgS p. 493 p. pet. in-4.
Le présent catalogue sera le bienvenu auprès de tous ceux qui ont
à s'occuper de l'histoire des Pays-Bas et de l'histoire générale de l'Eu-
rope au xvi^ et au xvii" siècle. La collection de La Haye est si riche en
plaquettes ou feuilles volantes, relatives aux affaires politiques et reli-
gieuses du temps, que le répertoire de ces trésors, dressé par M. Knuttel,
est bien près d'équivaloir à une bibliographie complète de la matière.
En dehors d'une courte introduction, rédigée par M. F. -A. -G. Camp-
bell, bibliothécaire en chef de la Bibliothèque royale de La Haye, les
deux volumes de M. K. ne renferment que des titres, avec quelques
courtes notes explicatives là où l'éditeur les a cru indispensables. On
2 8 REVUE CRITIQIIS
peut Juger par là quelle masse de matériaux est accumulée dans ces
mille pages de texte, et que de pièces, bien inédites pour les historiens
actuels, quoiqu'elles soient sorties jadis des presses néerlandaises ou
flamandes en un grand nombre d'exemplaires, renferme cette rubrique
spéciale des collections de La Haye. Le premier volume s'ouvre avec
l'avènement de Philippe-le-Beau ; le second se termine par les négocia-
tions relatives aux traités de Westphalie (1486-1648). Ils offrent aux
érudits un ensemble de plus de 5, 800 pièces, rentrant toutes dans la
catégorie des brochures d'actualité (ayant de un à trente feuillets), tirées
d'ailleurs dans tous les formats possibles et traitant les sujets les plus
divers. Ce qui frappe, c'est la répartition chronologique, très inégale, de
ces pamphlets. Quatre seulement se rapportent au règne de Philippe-le-
Beau et io3 à celui si long pourtant et si mouvementé de Charles-
Quint. Évidemment, le chiffre des publications d'alors doit avoir été
bien plus considérable, en réalité, et les nôtres ne s'expliquent que par
la date tardive de la formation des collections de La Haye. Le règne
de Philippe II, jusqu'à la déclaration d'indépendance, en i58i, compte
466 pièces. Mais c'est surtout l'historien de la guerre de Trente-Ans qui
maniera les volumes de M. K. avec plaisir; il n'y a pas moins de 2,683
pièces relatives aux années 1620-1648, et Ton y trouvera dorénavant un
guide aussi sûr qu'abondant en renseignements sur les mouvements de
l'opinion publique des Pays-Bas à cette époque. Naturellement, la langue
néerlandaise est celle de l'immense majorité des auteurs, généralement
anonymes, de ces feuilles volantes. Un assez grand nombre sont écrites
en latin, quelques-unes en français, très peu en allemand, ce qui ne
laisse pas d'étonner, vu les rapports suivis de la République avec les
états protestants du Saint-Empire romain. On n'analyse pas un cata-
logue de ce genre ; s''il est bien fait, on le signale à la reconnaissance
des érudits, et nous nous empressons de satisfaire à ce devoir. Le jour
où les bibliothèques de Munich, de Berlin, de Wolfenbiittel et d'autres
encore, que nous pourrions nommer, publieront des répertoires ana-
logues à celui de M. Knuttel, et permettront ainsi de prendre connais-
sance, autrement que sur place, des vastes collections analogues de
brochures contemporaines qu'elles recèlent, un desideratum souvent
formulé par les travailleurs sérieux serait réalisé, et leurs administra-
tions auront bien mérité des études historiques.
R.
309, — s. GÛNTHER. Jfoliannes Kepler und der tellariscli-kosmlschc Ma^
gnetismus. Extrait des Georg. Abhandl. de Penk. Vol. III, fasc. 2. Vienne,
1888.
L'on ne savait guère que Kepler au cours de ses spéculations astrono-
miques descendit parfois du ciel sur terre et toucha quelques problèmes
de physique du globe. M. Brocard de Grenoble, dans son Essai sur la
•i
d'histoire et de littérature 29
météorologie de Kepler (1879-81) revendiqua, le pfemier^ pour Kepler
ce ikre de gloire qui lui manquait. Stimulé peut-être par le savant tra-
vail de cet « étranger », auquel il rend hommage, M. Siegmund Gtin-
ther, réminent historien de la géographie mathémathique, met en lu-
mière la part que prit Kepler au développement de la doctrine du ma-
gnétisme terrestre et cosmique.
Après avoir exposé les progrès et l'état de la question — avec un sens
critique toujours en éveil et cette impeccable abondance d'informations
qu'il a déployée déjà dans son Lehrbuch der Geophysik — M. G. recher-
che comment la théorie s'est formée dans l'esprit de Kepler. C'est la
correspondance de l'astronome avec un Mécène allemand, Herwart
V. Hohenburg, chancelier de Maximilien I^'' de Bavière, qui livre le
secret de cette genèse. M. G. ne laisse pas d'interroger les autres œuvres
et rattache cette théorie spéciale à la cosmogonie singulièrement mystique
de Kepler. La conclusion de M. G. est que Kepler s'est convaincu,
après de longues études, de l'identité de la pesanteur avec le magnétisme
terrestre et planétaire, maïs qu'il a commis une erreur de formule, parce
qu'il considère comme foyer d'attraction non le globe entier, mais sim-
plement l'équateur.
Il suffira d'indiquer ici que Kepler prend désormais rang parmi ceux
qui ont servi — de très haut — la géographie,
B. AUERBACH.
3 10. — Dr. J. ScHipPER. Zui* Kritîk tler Sliakspere-Baconfragc. Wien,
18S9, in-8, IV, 99 pages.
Shakspere est-il l'auteur des drames et des poèmes mis sous son nom?
Voilà une question qui pourra surprendre plus d'un lecteur en France,
mais qui a été posée depuis de longues années déjà en Amérique, —
jusqu'en 1882 elle n'y avait pas suscité moins de deux cent cinquante-cinq
mémoires ou articles de revue, — et qu'on a agitée également en Angle-
terre et en Allemagne. Dans ce dernier pays, entre autres, le comte Vitz-
thum von Echstadt, en 1888, a publié à Stuttgard, chez Cotta, un li-
vre ', où il Texamine et la résout négativement. Si cet ouvrage paraît
avoir déterminé M. J. Schipper à prendre la plume, ce n'est pas à lui
toutefois qu'il s'attaque et répond, mais à celui de l'écrivain américain
Ignace Donnelly, paru la même année : The Great Cryptogram Fran-
cis Bacons Cipher in the socalled Shakespeare-Plajys, publication en
deux énormes volumes, l'une des plus étranges qu'aient pu inspirer l'a-
mour du paradoxe, ainsi que l'absence la plus complète de tout esprit
critique et, disons le mot, du bon sens le plus vulgaire.
Ce nest pas Shakespeare qui a composé les œuvres mises sous son
nom ; son éducation négligée, sa jeunesse aventureuse et misérable, la
vulgarité du milieu où il a grandi, l'ont rendu incapable de concevoir
I . Shakespeare uiid Shakspere. Ziir Genesis der Shakspeare-Dramen.
3o RKVUE CRITIQUE
et d'écrire des drames et des poèmes aussi admirables et passionnés'; il a
pu jouer les pièces qu'on lui attribue, c'est de la plume de Bacon qu'el-
les sont sorties ; lui seul a été capable de produire ces chefs-d'œuvre qui
témoignent d'une connaissance si profonde du cœur humain. Et ce ne
sont pas seulement les drames shakespeariens qu'il a composés, mais
encore ceux qui sont attribués à Marlowe. Comment Thomme d'état
a-t-il pu trouver le temps, au milieu de ses nombreuses occupations,
d'écrire tant de pièces de théâtre? Comment se fait-il, que le philosophe,
qui s'est refusé lui-même tout espèce de talent poétique — / prq/essnot
io be a poet, a-t-il écrit quelque part — en a-t-il pu montrer un si grand
et aussi réel? Enfin pourquoi Bacon a-t-il si soigneusement caché qu'il
était l'auteur de drames, qui lui auraient procuré tant de gloire et les
a-t-il mis sous le nom de Shakespeare? Voilà quelques-unes des objec-
tions principales qu'on peut faire à ceux qui attribuent à Bacon les œu-
vres du grand tragique anglais. M. Donnelly les a prévues et a cherché
à y répondre. Il lui paraît tout simple que Bacon, pour se reposer sans
doute de ses graves occupations, ait composé des pièces de théâtre,
comme il lui est arrivé d'en faire représenter à l'occasion de fêtes qu'il
donna; on voit ce que vaut la raison. Le style des œuvres philosophi-
ques de Bacon, dit encore le critique, rivalisant ici avec Mrs. Pott, qui,
elle aussi soutient cette jolie thèse ', offre plus d'une ressemblance avec
celui des drames shakespeariens, et il fait de nombreux rapprochements,
qui ne prouvent qu'une chose, c'est que Bacon et Shakespeare, ce qui
ne peut surprendre de la part de contemporains, parlaient la même lan-
gue, celle même du xvi*' siècle. Enfin, Bacon a caché, il est vrai, qu'il
était poète dramatique, mais c'était pour ne pas compromettre son cré-
dit d'hom.me d'état, comme si, à l'époque où il vivait, le nom de poète
n'avait pas été une recommandation, bien loin d'avoir été une cause de
discrédit; — M. J. S. en donne de nombreux exemples.
Mais si Bacon s'est tu pendant sa vie, il n'a pas voulu que la postérité
restât dans l'ignorance de ce qu'il avait fait; elle l'a appris dans le
a grand cryptogramme » découvert par M. Donnelly, et qu'il s'est bien
gardé néanmoins de nous faire connaître en entier. Ce qu'il nous en dit
toutefois suffit pour nous édifier, sinon sur la paternité poétique de Ba-
con, du moins sur l'état intellectuel de M. Donnelly. Le lord chancelier
a bien mis ou laissé mettre le nom de Shakespeare sur les drames qu'il
avait composés ; il les a même laissé publier, après la mort de cet auteur
prétendu, sous son nom de convention ; mais il a pris soin d'avertir la
postérité: si on n'en a rien su jusqu'à notre époque, c'est qu'on avait mal
lu les œuvres poétiques du philosophe. M. Donnelly a été plus habile
ou plus heureux ; il a découvert dans le Henri IV la réfutation de l'er-
reur si longtemps accréditée; aux pages 74, y5, yG de l'édition prin
I. Mrs. Pott, n'est pas la seule femme qui ait attribué à Bacon les drames de Shakes-
peare ; mais s'il a eu des adversaires, le grand tragique a trouvé aussi des défenseurs
parmi le sexe faible.
I
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 3l
ceps se trouvent épars les mots d'une déclaration qui ne laisse plus l'om-
bre d'un doute; les voici tels que les a réunis la patience du voyant amé-
ricain :
Seas m said that more low or Shak'st spiir never writ a word ofihem ;
ce qui signifie :
Cecil dit que Marlowe ou Sliakespere n'en ont jamais écrit un mot (de ces drames).
Qui hésiterait encore à croire après une preuve aussi convaincante ?
On pourrait demander pourquoi M. Donnelly n'a pas trouvé d'autres
déclarations dans cette pièce ou dans les autres drames de Shakespeare;
mais celle-ci suffit sans doute, et il me semble même que c^était assez
de la citer pour réfuter l'auteur du Great Cryptogram; on ne discute pas
avec un écrivain capable d'avancer une pareille insanité. M. J. S. a cru
bon de le faire néanmoins; il s'est attaché entre autres à venger Shakes-
peare de l'indignité que M. Donnelly fait peser sur lui ; il a rassemblé
tous les témoignages, — depuis la diatribe de Robert Greene en i5g2,
jusqu'à réloge de Milton en i632, en faisant la plus grande place,
comme de juste, aux vers admirateurs de Ben Jonson, — qui prouvent
que tous les contemporains ont vu dans Shakespeare l'auteur des dra-
mes et des poèmes qui portent son nom. La démonstration est complète ;
si elle n'était pas nécessaire pour quiconque est de sang froid, elle ser-
vira à montrer à quelles théories étranges peut conduire un esprit para-
doxal et faux; à cet égard M. J. Schipper n'a pas eu tort d'écrire son
livre, et il m'a semblé qu'il pouvait y avoir aussi quelque intérêt à en
parler, — même un peu longuement, — ne fut-ce que pour mettre les
lecteurs de la Revue au courant d'une polémique, que beaucoup d'en-
tre eux peut-être ignoraient.
^ Ch. J.
3ii. — Achille Neri. Stadt hibliografîci e letterari. Gênes, typ. des sourds-
muets, 1890, ia-i2 de 297 p. Prix: 3 fr.
M. Neri vient de réunir en volume, en les remaniant et les complé-
tant, une série d'articles parus dans diverses revues. On notera ceux
qui regardent un opuscule ignoré de Giorgio Sommariva, poète véro-
nais contemporain de Texpédition de Charles VIII, un manuscrit de
musique du xvi^ siècle, des autographes de Chiabrera et la Galatea du
même poète, quelques traductions de Juvénal (Leone Allacci, etc.), la
chronique génoise des Stella, publiée par Muratori, la dernière œuvre
de Goldoni, les vieux almanachs milanais, etc. Je signale particulière-
ment le travail sur Goldoni et la supplique inédite, par laquelle l'illustre
écrivain, vieilli et malade, privé par le décret de la Convention de son
traitement annuel sur la Liste civile, s'adressait « aux Représentants de
la République françoise pour obtenir de leur bienveillance et de leur
justice les moyens de subsister pendant le peu de jours qui lui restent à
32 REVUE CRITIQUE
vivre avec sa femme septuagénaire ». Cette supplique, d'un ton simple
er digne, tut, comme on le sait, écoutée. Tout le volume de M. Neri
est d'une bonne érudition, consciencieuse et intéressante.
P. N.
3 12. — Mémoires du marquis de Soui'ehes «>ui* le règne de I^ouis'XIV,
publiés d'après le ms. authentique par le comte de Cosnac (Gabriel Jules) et
Edouard Pontal. Tomes V-IX. Paris, Hachette, 1888-1889.
La publication de ces mémoires suit son cours avec une régularité
parfaite, et les volumes succèdent aux volumes, sans que l'intérêt
devienne plus vif. C'est toujours un recueil des on-dit du temps de
Louis XIV; plus on avance, plus on trouve de phrases commençant
par « On sut, on eut avis, on apprit, on eut iiouvelle, on disait, on par-
lait de... Si le lecteur est désireux de savoir le plus ou moins bien
fondé de ces informations, c'est à lui à chercher ses renseignements ail-
leurs. Le marquis de Sourches dit parfois que la nouvelle annoncée ne
fut pas confirmée, ou même qu'elle se trouva fausse ; quant à ses édi-
teurs, leur discrétion est beaucoup plus grande; ils n'ont pas cru devoir
contrôler. Même silence relativement aux indications que l'on pouvait
espérer d'eux lorsque Sourches dit, par exemple, à la date de i6g5,
que l'évéque de Langres était malade (t. IV, p. 71). Comment se nom-
mait cet évéque ? Lecteur curieux, vous n'avez qu'à consulter la Gallia
christiana ou les autres recueils de ce genre que tout le monde a évi-
demment sous la main, et vous saurez que l'évéque de Langres, mortWl
en 1695, à l'âge de 90 ans, se nommait Louis-Marie-Armand de Cordes. Il
On trouve pourtant çà et là quelques notes, surtout pour constater que^
tel ou tel nom est resté en blanc dans le manuscrit, rarement pour il
combler les lacunes signalées.
Mais si nous voulons savoir combien de fois Louis XIV a eu le
dévoiement, si nous désirons compter les accès de fièvre de M™^ de
Maintenon ; si, en un mot, nous sommes curieux d'apprendre ce que
peut indiquer un apothicaire de profession, le marquis de S. est
sur ces matières d'une abondance extraordinaire, et l'on a cru s'aperce-
voir qu'il avait entre les mains, ce grand prévôt de France, de véritables
journaux d'apothicaire.
Ajoutons, pour être juste, que ces mémoires, généralement si secs,
si décharnés, sont parfois d'un intérêt relatif, notamment quand il est
question de la jeune princesse de Savoie, devenue duchesse de Bour-
gogne, ou encore quand l'auteur relate quelques faits de guerre comme
ceux de Vendôme en Espagne, quelques exploits de marins tels que
Jean Bart et Pointis. Mais, en somme, il est toujours vrai que les
mémoires du marquis de Sourches sont absolument illisibles, que l'ab-
sence totale de tables partielles les rend d'un maniement très difficile, et
qu'ils ne peuvent être utiles qu'à un fort petit nombre d'érudits cher-
DHÎSTOIRE ET DE LITTÉRATURE 33
chant à connaître les menus événements d'une année déterminée. C'est
quand ils seront publiés en entier, avec de bons index, qu'ils pourront
rendre quelques services aux historiens désireux de contrôler l'exactitude
de Saint-Simon ou de Danseau.
A. G.
3i3, — Comte de Puymaigre. Jfeanne d'Arc au théâtre I439-1890. Paris,
A. Savine, 1890, in-8 carré de ii-ii5 p.
Ce n'est pas aux lecteurs de la Revue critique que j'ai besoin de le
dire, l'étude de M. de Puymaigre sur les œuvres dramatiques où figure
la Pucelle, est l'œuvre d'un consciencieux érudit et d'un spirituel écri-
vain. M. de P. a su metrre autant d'agrément que d'exactitude dans son
dénombrement, accompagné de force citations dont plusieurs sont tirées
de livres ou livrets d'une grande rareté. Le travail est complet, et M. de
P. a pu dire (p. ii) : « Je ne crains pas d'avoir commis trop d'oublis
dans la longue période qui commence en 1439 par le Mystère du siège
d'Orléans et tinit en 1890 par la pièce remaniée de M. J. Barbier, Je
crains plutôt d'avoir trop arrêté mon lecteur devant bien des écrivains
au sujet desquels j'aurais dû peut-être lui répéter le vers de Dante : Non
ragioniam di lor, ma guarda et passa. » M. de P. mentionne d'une
plume légère et rapide une soixantaine d'œuvres dramatiques inspirées
par Jeanne d'Arc 1. Citons-en quelques-unes : le Mystère, de 20,529
vers, publié par MM. Guessard et de Certain; l'Histoire tragique de
la Pucelle d'Orléans^ par le P. Fronton du Duc, représentée devant
Charles III, duc de Lorraine, le 7 septembre i58o -, la pièce attribuée
à Shakspeare, et dont, pour l'honneur du grand poète, on voudrait lui
refuser la paternité ; la pièce de VireydesGraviers (Rennes, 1600), et la
Grande pastorale de Nicolas Chrétien, 1608; \a. Joanna Darcia de
Nicolas de Vernulz, de Louvain, i656; Jeanne-d'Arc, tragédie en
prose de l'abbé d'Aubignac, 1642; la Juana de Francia de Lope de
Vega, pièce dont on n'a que le titre 4; la Jungfrau Von Orléans, 1802,
1. Aucun personnage, dit-il (p. i), n'en a inspiré autant. En France seulement, on
en compte plus de cinquante On a fait débiter à Jeanne d'Arc de la prose de drame,
déclamer des alexandrins de tragédie, chanter des vers d'opéra : on l'a fait gesticuler
dans des pantomimes, galoper dans des cirques, on lui a même fait fredonner des
couplets de vaudeville.
2. On remarquera (p. 9) une excellente note bibliographique sur les éditions de la
tragédie du jésuite bordelais. M. de P. cite p. (p. 1 1) « un beau vers » du « mauvais
poème » de Chapelain :
Elle se cherche en elle et ne s'y trouve plus.
En revanche, il cite (p. 43 un vers bien c< étrange » que le même poète met dans la
bouche de Jeanne interpellant Agnès :
Eloigne de ce camp ton agréable peste!
3. M. F.-V. Hugo ne croit pas que Shakspeare ait écrit la première partie de
Henri IV, où est si déplorablement souillée la mémoire de la bonne Lorraine.
4. Encore n'est-il pas certain qu'il s'agisse là de notre Jeanne! M. de P. a, ce me
semble, un peu trop facilement adopté la conjecturale théorie de M. de Latour
34 REVUE CRITIQUE
de Schiller; la Jeanne d'Arc de Dumolard, jouée sur le théâtre d'Or-
léans, en 1807; celle de M. de Puymaigre (Metz, 1843), dont l'auteur
parle avec une charmante bonhomie. Nous arrêterons là l'indication
des excellentes analyses et appréciations du critique, et nous reprodui-
rons ses conclusions (p. 1 1 5) : « Les noms des auteurs dramatiques ins-
pirés bien ou mal par Jeanne d'Arc forment une longue liste. Est-elle
close? Cela n'est pas probable. Sans doute l'avenir garde de nouveaux
poètes à la Pucelle d'Orléans, mais dès à présent, tout en souhaitant
qu'un sujet si beau, si propre à éveiller les plus nobles sentiments soit
encore souvent traité, ne peut-on penser que jamais on n'aura sur
Jeanne d'Arc rien de plus émouvant, de plus sublime que sa chronique,
que son procès, que la vérité? »
T. DE L.
i
314. — Causeries sur la langue française» le Goût, la Poésie champêtre,
par Mroe Krafft-Bucaille, officier d'Académie, membre de la Commission des
brevets et du Conseil d'administration du Lycée de filles de Nice, i vol. in-12,
3oo pages. Prix : 3 fr. 5o. Paris, Perrin et C'^ 1890.
Cet ouvrage est un recueil de leçons ou de conférences prononcées
sans doute devant un auditoire féminin. Il se divise en trois parties :
1° origines, difficultés, mérites, bizarreries de la langue française ; 2" le
goût; 3° la poésie champêtre. Le livre, heureusement, n'a que 3oo
pages aux lignes très espacées, ce qui ne l'empêche pas d'être mauvais;
s'il était plus long, il serait détestable. M^^ Krafft-Bucaille prouve une
fois de plus qu'il est impossible de parler raisonnablement de ce que
l'on ignore ou de ce que l'on ne sait que très superficiellement. Le pre- 1
mier chapitre est un ramassis de toutes sortes de sornettes où l'auteur ||
nous débite quelques souvenirs personnels sur la maison d'éducation f |
de Saint-Denis, cite un calembour échappé à Napoléon I^r, un bon
mot de M'"^ Théodora Malher, et en arrive, je ne sais par quelle tran-
sition, à nous raconter que le participe passé « l'amphibie de la gram-
maire, est plus capricieux qu'une jolie femme, qu'il s'accorde par ici, se
désaccorde par là », tandis que chez nos voisins d'Outre-Manche a ce
bon participe, aussi bien que son frère l'adjectif, possède au plus haut
degré le fîegme britannique r. Après ces préciosités qui ont dû faire
pâmer d'aise les Cathos et les Madelons, car il y en a encore, M™« K.-B.
passe à l'origine du français, lequel, dit-elle avec assurance « commence
à poindre dans \qs poèmes de Roland et les Chroniques de Tiirpin ».
Elle ne se doute guère que ces chroniques ont été écrites en latin, et
qu'il y avait presque trois siècles que notre langue existait quand elles
ont été mises en français. On ne lira pas sans étonnement cette affirma-
lion que Charles d'Orléans, Villon, Commines, sont les précurseurs de
(Jeanne d'Arc sur la scène espagnole, dans la Revue britannique du 10 octobre
1875}.
d'histoire et de LITTÉRATDRB 35
la Renaissance. Quant à Antoine Muret, qui a écrit en latin, il est mis
au nombre de ceux qui, au xvi« siècle, ont enrichi et épuré la langue
française. Cette causerie qui, comme on le voit, fourmille d'aperçus
tout nouveaux, se termine par une citation de Maupassant « un de nos
auteurs contemporains, choisi parmi les plus dans le mouvement
comme idées philosophiques et comme formules de style ». L'au-
torité du jeune romancier est invoquée pour renforcer un précepte de
Boileau : assurément Tauteur de Bel Ami ne s'attendait pas à tant
d'honneur.
La seconde Causerie n'est pas inférieure à la première. M"ie K.-B.
commence par faire une excursion dans les « régions culinaires » (car
elle entretient d'abord son auditoire du goût physique et matériel), puis
elle s'étend assez longuement sur les gastronomes célèbres, depuis Brillât-
Savarin jusqu'à Monselet, et enfin nous donne le menu du banquet
offert, en l'an de grâce 1889, par la ville de Paris aux maires de toutes
les communes de France, lequel « fut servi miraculeusement chaud et
en deux heures », ce qui est aussi inslructif qu'intéressant, et ce qui
prouve quels progrès nous avons faits depuis Nemrod qui dévorait son
gibier tout froid et tout cru. Mn^^ K.-B. traite ensuite du goût dans les
œuvres d'art et dans la littérature : « L'esclavage, la religion du temps
et les combats de bêtes annihilèrent la sensibilité » et empêchèrent qu'il
se développât chez les anciens. Il y en a sans doute dans Aristippe (il
paraît que M™« K.-B. a lu les ouvrages de ce philosophe), dans Ovide et
même dans Horace, mais « que de passages chez eux sont en opposition
avec le goût de nos jours » ! Pour le moyen âge « il n'offre aucun intérêt
sous le rapport du goût », et l'auteur c ne pense pas qu'il y ait choses
très intéressantes à en dire ». Ce n'est qu'au xvi^ siècle et surtout au
XVII* que le bon goût « s'insinue dans des sociétés qui jusqu'alors en
• avaient fait peu de cas », grâce à l'influence féminine « affirmée ».
C'est pourquoi M^^e K.-B. nous fait un historique rapide des salons,
à partir de M^^^ la marquise de Rambouillet jusqu'à M"'^ Swetchine,
en regrettant fort qu'aujourd'hui ils aient été remplacés par les clubs,
les cercles, les cafés, les estaminets « où les mœurs ne sont assurément
pas bien jolies ». Quelques pages sur la révolution littéraire de i83o,
qui « commença par une crise de germanisme et d'anglomanie », et sur
la Mode « qui est un des sceptres du goût », mettent fin à cette très
divertissante leçon.
La troisième et dernière, sur la poésie champêtre, permet à M^^^ K.-B.
de se promener ou plutôt de courir à travers champs, c'est-à-dire de
raconter toute sorte de choses ab hoc et ab hac avec la plus plaisante
assurance. Ainsi elle affirme que « la Bible n'est qu'une succession de
tableaux champêtres » (l'a-t-elle lue?), que les Égyptiens ont eu néces-
sairement une littérature pastorale, vu qu'ils adoraient le bœuf, le
chien, le chat et les légumes.
Il paraît que chez nous, Charles d'Orléans et la fidèle Clotilde de Sur-
36 REVUE CRITIQUE
ville (dont les poésies ont été faites par Vanderbourg, au commencement
de ce siècle), peuvent être classés parmi les poètes pastoraux, et des
centaines d'autres, jusqu'à Sainte-Beuve, Lamartine et Hugo, car
y[mt K.-B. trouve partout de la « bergerie », comme feu Raspail se
faisait fort de trouver de larsenic dans tous les barreaux de chaise. Elle
nous apprend que Boileau « savait cent fois mieux que Malherbe ce
que pouvait être le véritable amour », et que Vlsviène de Fontenelle,
dialogue de la plus fine galanterie « est assez semblable aux compli-
ments et aux déclarations qui se font sous le feu des lustres, en papil-
lonnant de l'éventail ». Voilà un passage qui pourrait faire rêver les
jeunes filles, comme les quelques lignes où il est question de M™^ du
Bocage « qui était coiffée à coiffer tout le monde p, et de M™^ Tallien
« qui tenait plus à mettre en relief la beauté de ses formes que le talent
de sa couturière ». Il y en a bien d'autres de cette espèce, mais je sup-
pose que ce livre n'a pas été fait pour les jeunes filles. En somme, cet
ouvrage de M'^« Krafift-Bucaille ne m'empêche pas de reconnaître qu'il
y a eu, qu'il y a encore des femmes qui ont écrit et écrivent délicieuse-
ment de jolis riens et des choses sérieuses, et de trouver très brutal ce
mot de Napoléon : « 11 faut que les femmes tricotent ^ »
A. Delboulle.
3i5. — Ch. Seignobos. IIi$<toire de la civilisation contemporaine, i vol.
in-12, 424 pages. Paris, G. Masson, 1890.
Comme le titre le fait deviner, M. Seignobos n'a pas voulu faire une
œuvre d'érudition; il n'a pas non plus eu la prétention de composer
une philosophie de l'histoire contemporaine et de dégager des lois de g.
l'énorme masse des faits. Dans sa pensée, son livre n'est qu'un m\
livre de classe. Quand les élèves possèdent dans leur mémoire les prin-
cipaux événements de l'histoire, leur tâche n'est pas terminée : ils doi-
vent discerner quelle est l'importance relative de chacun de ces événe-
ments, s'il a été un bien ou un mal, s'il a contribué au progrès ou,
pour mieux dire, s'il a amené une transformation dans la société. M. S.
a voulu les aider dans cette étude générale : et, pour eux, il a écrit suc-
cessivement trois ouvrages : la Civilisation ancienne, la Civilisation
au moyen âge et dans les temps modernes, enfin, la Civilisation con-
temporaine.
Pour réussir dans ce dessein, il était nécessaire de réunir deux qua-
I. M™e K.-B., qui ne me semble pas avoir l'oreille très poétique, estropie superbe-
ment, page 29, un vers de Molière : {\
Oh ! vicissitude à mon oreille est rude.
Il faut lire : (en petit). . .
Ah! sollicitude à mon oreille est rude.
P. 137. « De ses gais festins on exilait la gêne », vers de onze syllabes.
P. 195. Bion, poète pastoral, est appelé Dion.
I
d'histoire et de littérature 37
lités en apparence contradictoires. M. S. les possède l'une et Tautre, et
c'est ce qui donne à ces volumes une très haute valeur.
La première est une grande curiosité, qui s'applique à tous les
faits, à toutes les idées, à toutes les manifestations de l'esprit humain.
Tel historien n'attache d'importance qu'aux événements militaires; tel
autre croit avoir rempli sa tâche quand il a suivi les intrigues d'une
négociation diplomatique et quand il a raconté, pendant une certaine
période, les relations de la France avec les pays voisins; un troisième
étudie seulement les institutions. M. S., lui, ne fait pas de semblable
choix; dans la Civilisation contemporaine, qu'il fait dater avec raison,
non de 178g, mais du milieu du xvin° siècle, vous trouverez un remar-
quable résumé des campagnes de la Révolution et de TEmpire; vous y
lirez des pages fort bien faites sur les négociations et les traités de paix,
notamment sur le congrès de Vienne et sur la politique des congrès;
enfin, vous y verrez quelle était la situation de la France en 1789, et
quelles constitutions multiples notre pays s'est données de 1791 jus-
qu'en 1875. Mais là ne se borne pas la curiosité de l'auteur. Comment
faire une histoire de la civilisation sans Jeter un coup d'œil sur les let-
tres et les arts? M. S. leur a consacré d'excellents chapitres; Je le félicite
d'avoir osé, dans un livre de classes, nous dire ce qu'était l'école réaliste
et de citer, avec Alphonse Daudet, Emile Zola; Je le félicite surtout
d'avoir donné une place aux littérateurs et artistes étrangers, qu'il
semble bien connaître; des écrivains comme Thackeray, Tolstoï, Frey-
tag, des sculpteurs comme Thorwaldsen et Schwanthaler, des musiciens
comme Richard Wagner doivent être appréciés dans une histoire duxix*
siècle. Ce n'est pas encore tout. On sait de quelle importance sont de
nos jours les questions économiques et sociales; M. S. n'a eu garde de
les négliger; il a fait connaître avec clarté les doctrines de Lassalle et de
Karl Marx ; il a expliqué ce qu'étaient un collectiviste et un anarchiste;
il a même dit quels efforts on a tentés pour amener l'émancipation
civile et politique de la femme.
Mais comment faire contenir tant de choses dans un livre assez petit?
Comment, sans être confus, et en restant toujours clair, exposer tant de
faits, tant de systèmes? M. Seignobos y a réussi, et c'est la seconde
qualité dont nous parlions. Il y a réussi, d'abord parce qu'il a lui-même
une vue très nette de l'histoire, des idées personnelles très arrêtées, par-
fois un peu tranchantes; parce qu'ensuite il sait enfermer ses opinions
en des formules simples et précises; enfin parce qu'il prend soin de très
bien diviser ses chapitres, d'annoncer d'avance son plan, de ne le jamais
perdre de vue et de le reprendre à l'occasion (cf., p. 83, ce qu'il dit de
l'ancien régime; le même plan se retrouve p. 108, et servira à résumer
l'œuvre de la Constituante).
Pour tous ces motifs, malgré quelques petites erreurs de détail ^ ce
I. P. 86, M. Seignobos prétend qu'avant 1789 les Etats provinciaux votaient
l'impôt foncier; la quotité de cet impôt était fixée par le conseil du roi; les Etats
38 REVUK CRITIQUE
livre intéressera non seulement les élèves pour lesquels il a été écrit,
mais encore les historiens de profession. Il apprendra à ceux-là à réflé-
chir; il leur montrera qu'en histoire les faits ne sont qu'une matière
première, que l'essentiel est d'en saisir l'enchaînement et la portée.
Ceux-ci feront leur profit d'une série d'observations de détail fort
justes ; ils retiendront quelques unes des ïormules énoncées, celle-ci, par
exemple, qui nous dépeint fort bien l'état actuel du monde : « Le
monde civilisé se trouve pris entre deux courants opposés. La civilisa-
tion commune crée un courant international qui pousse les peuples à
se sentir solidaires et à se rapprocher; les réalités et les haines créent
un courant national qui pousse les peuples à s'isoler et à se traiter en
ennemis. De la force de ces courants dépendra l'avenir du monde » ; ils
entreront en communion d'idées avec un esprit vif, tout-à-fait dégagé
de préjugés.
Ch. Pfister.
3 16. — G. Maugr\S. «loui-nal d'un étudiant pendant la Révolution,
1789-1793. Paris, Calmann-Lévy, 1890. In-8, xi et 393 p. 3 fr. 5o.
M™^ Jardel-Géraud a confié à M. Maugras la correspondance de son
père, Edmond Géraud. Cette correspondance s'étend de décembre 1789
à décembre 1792; Edmond Géraud, fils d'un r'che armateur bordelais,
faisait alors ses études à Paris, sous la direction d'un jeune médecin du
nom de Terrier; et, de temps en temps, Géraud ou Terrier mandaient
à Bordeaux les événements du jour. M. M. aurait dû nous donner
purement et simplement le texte de ces lettres, comme l'a fait M, Loc-
kroy en publiant le Journal d'une bourgeoise. 11 a mieux aimé grossii
son volume, en reliant les lettres ou extraits de lettres par quelques'
lignes d'explication ou de récit et par des citations du Journal d'une
bourgeoise, de Mercier et d'autres. Ces lettres de Géraud et de Terrier,
sans être, comme dit la préface, une « peinture merveilleuse » et un
« saisissant tableau », retracent assez fidèlement les impressions de la
classe bourgeoise. Parmi les sujets qu'elles traitent, on remarquera une
séance de l'Assemblée nationale (p. 24); les cours de Sélis au collège de
France (p. 29) et de Fourcroy et de Delille au Lycée (p. 3r), la mort de
Favras (p. 37-38), l'entrée du roi à Paris (p. 42-44), le séjour de Paoli
(p. 70), la fête de la Fédération (p. 86-87), la mort de Mirabeau (p. ii3-
122), Varennes (p. 175). A mesure que la correspondance approche de
l'année 1792, elle prend un ton plus révolutionnaire, plus patriote :
le répart: ssaient ensuite. — P. 92, l'auteur affirme qu'avant 1789 les nobles étaient
totalement exempts de la taille; mais, dans certames provinces, les nobles devaient
l'impôt pour les terres roturières qu'ils possédaient ; en revanche les roturiers, pro-
priétaires de terres nobles, ne payaient rien. — P. 128, lire 1793 au lieu de 1792-
— P. 239, aux termes de la constitution de 1875, les 72 sénateurs inamovibles ont
été élus d'abord par l'Assemblée nationale, puis par les autres sénateurs, non par le
congrès.
d'histoire et de littérature Sg
peu à peu Edmond s'exalte; il trouve Paris froid et timide; il voit par-
tout des traîtres; il ne parle de Pé[ion et des Girondins qu'avec admi-
ration et de Louis XVI qu'avec haine et mépris ^ ; il décrit sur le ton de
l'enthousiasme le triomphe des Suisses de Châteauvieux ; il applaudit à la
journée du i o août qui « consacre à jamais raffermissement de la liberté »
et« nousavance de dixans ». Viennent les massacres de septembre : notre
étudiant les justifie (p. 35o); mais bientôt il en a horreur, et il ne voit
plus dans Paris qu'a un amas impur d'hommes dont tous les projets
tendent à perpétuer l'anarchie sans laquelle ils ne sont rien » (p. 365).
Marat, dit-il dans une lettre qui renferme de curieux jugements sur les
principaux députés de Paris, Marat est un/orcené, et « sa nomination
atteste la lâcheté et l'étrange turpitude des électeurs », Les Girondins,
écrit-il encore, sont « seuls dignes de porter le nom d'amis de la liberté
et de l'égalité »; les Jacobins « ne sont que des esclaves », et le jeune
homme qui prévoit de sinistres événements, appelle les Bordelais à
marcher sur Paris pour sauver et la Convention et la France (p. S6g).
Ici s'arrête cette intéressante correspondance. Terrier et Edmond
Géraud se rendirent à l'armée des Pyrénées 2.
A. Chuquet.
Siy. — L.'Emir El H ad J A bel el Kader, par F. Patorni, interprète militaire.
(Alger, 1890, in-8 de 94 p.)
Lorsque l'Émir organisa des forces régulières destinées à servir de
point d'appui et de centre de ralliement aux contingents indigènes, son
premier soin fut de donner des règlements à ces nouvelles troupes; il en
confia la rédaction à son secrétaire Si Kaddour ben Mohammed ben Rouila,
qui choisit pour son œuvre le titre de Ouichah el-Kataïb. (L'Echarpe des
escadrons.) Cet intéressant document fut traduit en 1848 par M. l'in-
terprète Rosetty, et publié d'abord dans le Spectateur militaire {\5 lé-
vrier 1844), puis dans le tome IV de la Revue de V Orient (p. 225-234
et 341-355). Mais cette traduction est fort inexacte 3, et l'on doit savoir
1. « Un traître, un parjure, vrai tigre déguisé en cochon » (p. 245).
2. P. 97, lire Deprez-Grassier mon Despre^ de Crassie:[); p. 171, Pont de Som-
mevesle (non Sommevelle) ; p, 25 1, maréchal (non général Bender); p. 281, Berthois
(non Butois); p. 3o8, les Prussiens n'étaient pas 80,000, et Luckner, en Flandre, ne
tint jamais tête à Brunswick ; p. 329 Servan était à Lyon, non à Soissons.
3. II faut se méfier des traductions de M. Rosetty; on peut, sans trop craindre de
se tromper, lui attribuer celle de l'inscription de Taza, reproduite à la légère par
Pellissier de Reynaud (Annales, II, 4G8), auquel M. Camille Roussel l'a empruntée,
parmi tant d'autres choses. (La Conquête de l'Algérie, 1841-1857, t. I, p. 41.) Cette
version est un contre-sens d'un bouta l'autre; elle est pleine de jactance, alors que
le texte est profondément empreint d'humilité religieuse. L'Emir a dit : Dieu sait
bien que ceci n'est pas de ma part l'indice de longues espérances, et on lui fait dire :
Dieu m'est témoin que cette œuvre m' appartient et que la postérité m'en conservera
des souvenirs. Et ainsi de suite! Aussi, M. C R. s'écrie : si flère et sitôt démentie!
Exclamation qui serait juste, si la traduction était exacte. (Voir M. P., p. 72, note 5.)
40
REVUE CRITIQUE D^HISTOIRE ET DE LITTERATURE
gré à M. Patorni d'avoir donné une nouvelle version, aussi fidèle pour
le fond qu'élégante pour la forme ; elle est enrichie de notes abondantes,
qui décèlent chez l'auteur beaucoup d'érudition et de goût littéraire, et
qui font attendre avec impatience la publication de ses travaux sur les
œuvres d'Abd-el-Kader. H.-D. de Grammont.
CHRONIQUE
FRANCE — La librairie Delagrave vient de mettre en vente le i" fascicule du
Dictionnaire général de la langue française, si longtemps attendu, par MM. Hatz-
FELD et Darmesteter, avec le concoursde M. A. Thomas. Ce i^^ fascicule xomprend
une introduction de 28 pages et 64 pages de Dictionnaire (jusqu'au mot ajournement.)
L'ouvrage sera publié en 3o fascicules de 80 pages, au prix de i franc chacun. Il pa-
raîtra un fascicule tous les deux mois, et aussitôt que l'avancement du travail le
permettra, un fascicule tous les mois. La Revue reviendra prochainement sur le début
de cette œuvre capitale.
— Voici un nouveau et excellent travail de M. Kont, c'est une édition d'ex-
traits de Poésie et vérité (Garnier, in-8o,xxet lySp.). L'introduction est attachante,
exacte, pleine de jugements qu'on ne peut qu'approuver; on reprochera toutefois à
M. K. de n'avoir pas eu un mot d'éloge pour M. de Loeper. Les textes sont choisis
avec goût. Le commentaire se lit avec intérêt, et porte presque toujours sur les en-
droits qu'il faut expliquer; on y remarquera les notices sur les écrivains et les œuvres
que l'auteur de Dichtung und Wahrheit mentionne au cours de son récit; M. K. a
tiré un très grand profit de l'admirable annotation de Loeper, — toutefois, sans le^
dire trop haut. — P. 53, lire Thorenc et non Thorane; p. 07, Derosne et non De
rones ; p. 102, maréchal des logis et non sergent {\& Pau] Werner d& MinnaJ ; p. i25,
ne pas dire que kirre se rattache à Kœder ; p. 147, citer sur H. L. Wagner, non pas
Froitzheim, mais Erich Schmidt.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 4 juillet 18 go.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance éiant redevenue publique, l'Académie procède au scrutin pour l'attribu-
tion des piix fondés par le baron Gobeit.
La commission a proposé, pour le premier prix, M. Coville, auteur de l'ouvrage
intitulé les Cabocliiens et l'ordo)inance de 1418 ; pour le second prix, M. Julien Ha-
vet, éditeur des Lettres de Gerbert. M. Luchaire avait envoyé au même concours son
livre intitulé : Louis VI le Gros.
Le scrutin donne les résultais suivants :
Premier prix :
i" tour 2« tour
M. Coville 16 voix. 19 voix.
M. Luchaire 14 — 17 —
M . Julien Havet 7 — i —
Second prix :
M. Julien Havet 27 voix.
M. Luchaire 2 —
Bulletins blancs 2 —
3i
En conséquence, le premier prix Gobert est décerné à M. Coville et le second prix
àM. Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le tuy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 29 - 21 juillet - 1890
Sommaire: 3i8. Fabricius, Thèbes. — Sig. Danielson, Epigraphica. — 320.
PiRENNE, La version flamande He la bataille de Courtrai. — 32i. Bulletin de
la Société historique de Compiègne, vu. — 322-325. Sources de l'histoire suisse,
III et vi-viii. — 326. Del Balzo, Les poésies sur Dante, i-ii. — 327. Plantet,
Correspondance des deys d'Alger avec la cour de France. — 328. Geiger, An-
nuaire de Goethe, xi. — 32q. L. Havet, La simplification de l'orthographe. —
33o. Devaux, Les patois du Haut-Dauphiné. — 33 1. Kœstlin, Prolégomènes de
l'esthétique. — 332. Mûnsterberg, Psychologie expérimentale. — 333. Ganier
et Frœlich, Voyage aux châteaux historiques de la chaîne des Vosges. — Lettre
de M. Ciédat et réponse de M. Lejay. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
3i8. — Ernst Fabricius. Tlieben. Eine Untersuchung ueber die Topographie und
Geschichte der Hauptstadt Bœotiens. Fribourg en Brisgau, J. C. B. Mohr, 1890.
In-4, 32 p., avec une carte en couleurs. Prix : i mk. 60.
Aucune grande ville de la Grèce propre, sans en excepter Sparte, n'a
laissé aussi peu de vestiges apparents que Thèbes. De là viennent les
difficultés particulières que présente la restitution de sa topographie
antique. Ce qu'on trouve à ce sujet dans les ouvrages modernes dérive
surtout des études d'Ulrichs (1841) et de Forchhammer (1834). M.
Fabricius, en reprenant leur travail en i885, s'est fondé sur ce principe
fort juste, que l'accumulation des débris céramiques témoigne avec
certitude de la présence dhabitations anciennes. L'observation de ces
débris, disséminés à la surface du sol, Ta conduit à la conclusion que
la ville antique était beaucoup plus étendue vers l'ouest que ne l'ont
admis les précédents topographes, et se développait à peu près égale-
ment de part et d'autre du ruisseau de Dircé(Plakiotissa). La découverte
de fragments de tuiles faîtières, qui doivent avoir servi de couronne-
ment au mur d'enceinte, lui a permis de suivre presque entièrement
l'ancien tracé de ce mur. Il a pu aussi établir que Penceinte de la
Cadmée, loin d'être enveloppée par celle de la ville, se confondait avec
celle-ci au sud et venait, en quelque sorte, s'y appuyer. Ces modifica-
tions aux opinions reçues en ont naturellement entraîné d'autres;
ainsi la porte N-/;'i-a'., qu'Ulrichs indique sur la rive droite du ruis-
seau de Dircé, se trouve rejetée très loin de la rive gauche de ce cours
d'eau; la porte Kpr,vaTat subit une translation analogue. Il faudrait,
pour bien faire comprendre Timportance du travail de M. P., repro»
duire sa carte à côté de celle d'Ulrichs; nous devons nous contenter
d'indiquer cette instructive comparaison à ceux que la question inté-
resse. Si, comme paraît l'avoir établi M. Fabricius, le vaste terrain à
Nouvelle série, XXX. 29
42 REVUE CRITIQUE
l'ouest Je Plakiotissa, qui n'est pas occupé par la ville moderne, faisait
partie de la ville antique, il y a lieu de se demander si des sondages
opérés sur ce terrain ne conduiraient pas à des découvertes importantes.
Salomon Reinach.
319. — Epigrnpbîon scripsit O. A. Danielsson. Upsala Universitets Arsskrift,
1890.
Dans la seconde partie de cette brochure, M. Danielsson étudie une
ancienne inscription arcadienne, trouvée par M. V. Bérard, en décem-
bre 18S8, près du village de Piali,à deux cents pas environ au nord du
temple d'Athéna Aléa. C'est un règlement de temple en dix articles,
dont l'interprétation présente de grandes difficultés. Publiée avec un
commentaire par M. Bérard ^, dès le commencement de I889, cette ins-
cription fut peu de temps après Tobjet d'un travail de M.Richard
Meister 2.
M. Danielsson n'a connu l'article de ce dernier que lorsque le sien
était imprimé : nous ne saurions malgré Pautorité incontestable que le
philologue allemand possède en ces matières, regretter ce retard qui
nous a valu sur le même sujet deux études absolument indépendantes
dont la divergence même peut suggérer de nouvelles hypothèses et dont
Paccord donne aux opinions proposées une certitude presque complète.
Le fac-similé présente à la première ligne le mot EIKO^I ; M. Daniels-
son pense que M. Bérard a mal lu et que la plaque de marbre porte
Fi/.ocrt, et il entre à ce sujet dans une discussion que l'on trouvera bien
longue si l'on considère qu'elle ne prouve rien : dans une inscription
a aussi soignée », on ne peut guère songer à une difficulté de lecture oujl
à une faute du la^icide; d'autre part, nous rencontrons plusieurs foisj
dans le même texte d et non Fei (osk. svaî — Hés. ^aixav... Kpv^xeç,
èàv?)etdans d'autres monuments arcadiens comportant le F initial,^
£ij-£p'C£Tr,v 3 qui est dans la même situation qu'ici le mot eîxcct. — Nous
ne discuterons pas l'interprétation de la phrase tout entière ; il y règne
encore beaucoup trop d'incertitude à cause du mot AEYTOÎN, qu'on ne
sait à quelle racine rattacher; disons cependant que pour le sens de ce
mot même et de y.aTaXXaaa-/3 M. Danielsson semble beaucoup plus près
de la vérité que M. Meister. — Pour ce qui est de îv âa[ji.ov, le philologue
suédois a fort bien montré que le dialecte d'une part et le sens de l'autre
ne permettent pas d'y voir avec M. Bérard un mot 'l'vâaiJLGV (= * 'i'vÇai^.ov) .
Il est d'ailleurs sur ce point d'accord avec le philologue allemand.
Au deuxième paragraphe, M. D. reconnaît dans HlEflO0YTE2 un
participe présent éolien : c'est une de ces interprétations qui, une fois
1. Bull Corr. Hell., XIII, p. 281 sqq.
2. Ber. ù. d. Verh. a. k. sachs. Ges. d. Wixs., phil. hist. CL, iSSfi, p. 71 sqq
(juillet 18^9).
3. Par exemple S. G. D. I., 1181.
D'HISTOTRE ET DE LITTERATURE 43
trouvées, ne permettent plus de songer à aucune autre. Mais peut-être
n'en a-t-il pas tiré tout le parti possible. Il s'étonne que Pinscription
ne parle que d'un hiérothyte, alors qu'il devait en exister toute une
corporation. Mais de deux choses l'une : ou TON HIEKO0ÏTÂN (ligne 5)
et HIEROOFTEi (ligne 7) désignent le même personnage, et alors il faut
de toute nécessité corriger le second en UpoOûxa;, comme l'a fait M.
Meister — il n'est pas admissible que dans le même mot un -%- panhel-
lénique soit représenté à deux lignes de distance, une fois par -a- et
l'autre par -YJ-; — ou bien Upcôuxéç signifie, comme l'a très heureuse-
ment expliqué M. 1)., celui des hiérothytes qui est en fonction ; alors
TON HIER06ÏTAN désigne toute la corporation, et il faut lire (ligne 5)
non pas xbv lepoôÛTav ace. sg., mais xûv UpoôuTôcv gén. pi., dépendant de
On peut nous faire une objection : la première phrase commence par
tbv UpTjv, qui est incontestablement le sujet de vé[j,£v, il est donc tout
naturel de construire dans la deuxième TON HIEHO0TTAN vé^i-ev de la
même manière. Mais si TON HIER06ÏTAN est un gén. pi., il doit éga-
lement commencer la phrase pour marquer le passage du premier article
au deuxième, de ce qui se rapporte au ispYiç à ce qui concerne le hiéro-
thyte. La construction est donc inditîérente à l'une ou à l'autre traduc-
tion. Reste le sens : or le sujet de èaTrepà^a-, ne peut pas être le même
que celui de XéYV), à savoir {spcôuTéç, et le sujet de vé[ji.£v est le même que
celui de ècTC£pac;ai, ce n'est donc pas TON HIEHO0VTAN. — Cette expli-
cation a l'avantage de bien déterminer les troupeaux dont il s'agit : au
premier article, celui du îepr,;, au deuxième, celui des hiérothytes. De
plus, elle tranche une difficulté au troisième en montrant qu'il faut lire
non pas cl)ç, mais oç [= 5ç), comme l'avaient déjà compris M. Bérard et
M. Meister.
Nous ne rapporterons pas parmi les conjectures de M. D. toutes celles
qui sont nouvelles ou intéressantes, mais seulement celles que nous
rejetons comme insoutenables ou que nous accueillons comme certaines.
M. Meister et M. Danielsson pensent tous deux et avec raison que
dans irX Bûjxa 7;jp è-ciarj (§ 6), le mot oûij.a désigne le temple ; mais le
philologue suédois a seul vu qu'il s'agit dans cet article de précautions
contre un incendie. Pausanias 1, rapportant que ce temple avait été
détruit par le feu quelques années seulement avant la date présumée de
notre règlement, donne à cette interprétation toute l'autorité désirable.
— Parmi les restitutions des quatre derniers paragraphes, celles de
y.£Xe[î.8]a) et de c9X£[v àvjxi ¥v/Az-cf.\i (§ 7), faites à la fois par les deux phi.
lologues, peuvent être considérées désormais comme certaines. Mais ici
encore, pour l'interprétation de l'article, nous accorderons la préférence
à M. Danielsson. La formule semble bien indiquer qu'il ne s'agit pas
d'une redevance pour un acte régulier, mais d'une amende pour un
délit. D'ailleurs le premier sens, adopté par M. Meister, néglige dans
I. Pausanias, VIII, 43, 4.
44 REVUE CRITIQUE ^^^B
::apay.aç£Jy; le préfixe zap- dont le second rend parfaitement compte. —
A partir de cet endroit, le texte est tellement muiilé qu'il ne peut plus
être question de le rétablir avec certitude. La conjecture de M. D.,
r.h-oi. [-i c'àXXa a]cç Ba[xtopYc[ç JJ] est du moins remarquablement ingé-
nieuse et peut fort bien être admise. Pour le reste, il faut espérer la
découverte de nouveaux monumeuts qui nous permettent de retrouver
les parents de AEY TON et d'éclaircir les autres obscurités que ce texte
présente encore.
En attendant, M. Danielsson a le grand mérite d'avoir fait notable-
ment avancer Pinterprétation d'un document qui apporte à la science,
pour ce qui concerne le dialecte arcadien, un certain nombre de formes
et de mots que nous ne connaissions pas encore, et pour le grec en
général un -F- intérieur (x,aTapFov) qu'un éminent linguiste ^ avait res-
titué par conjecture, mais qui attendait encore une confirmation histo-
rique.
Maurice Grammont.
320. — H. PiRENNE. La vei'sion flamande et la version française de la
bataille de Coiirtrai. Bruxelles, Hayez, 1890. In-8, 42 p.
Etude très sagace et pénétrante. M. Pirenne esquisse d'abord, d'après
le général Kœhler, dont il regarde le récit comme « définitif », la phy-
sionomie réelle de la bataille de Courtrai. Puis il montre comment se
sont formées sur cette bataille deux traditions nettement distinctes : la
version flamande et la version française. La première apparaît dans trois ^
sources : les Annales Gandenses [relaiion encore strictement historique, "f j
quoique tendancieuse)^ le Spiegel historiael de van Wehhem (narra-
tion vivante, pittoresque, mais légendaire;, la Genealogia comitum ;|
Flandriae, écrite au monastère de Clairmarais (également légendaire).
La version française n'offre qu'une seule source qui contiv^nne le récit
historique de l'événement : la continuation de la Chronique de Guil-
laume de Nangis ; elle donne « en quelques lignes très sèches, très précises,
le dessin fidèle du combat ». Mais Guiart, Geoffroi de Paris, l'auteur de
la guerre entre Philippe-le-Bel et Guy de Dampierre, le bourgeois de
Vuk-nciennes dénaturent les faits. Ce fut la version française qui se
répandit en Europe (chroniques d'Ottokar et de Jean de Winterthur, récit
de Villani); elle finit même par s'introduire en Flandre et par y sup-
planter la tradition nationale; que de gens croient encore aujourd hui
que les Flamands ont dû leur victoire aux fossés qui protégeaient leur
front de bataille et où vint s'engloutir la chevalerie!
C.
I. Wackernagel. K. Z. XXV, 262.
d'histoire et de littérature 45
321, — Bulletin de la Société historique de Conipiègnes t. VII. i vol.
in-8, 323 pages, 5 planches. Compiègne, Lefebvre, 1868.
La Société historique de Compiègne figure assurément, parmi les so-
ciétés d'érudition du Nord de la France, comme l'une des plus actives
et des plus sérieuses. Fondée en 1869, ^^^^ ^^ ^^^ arrivée aujourd'hui
au Vil" volume de son Bulletin. Ce dernier volume, récemment paru,
renferme plusieurs mémoires intéressants sur lesquels il n'est pas inu-
tile d'attirer l'attention. Le plus étendu et aussi le plus important est le
Mémoire de M. l'abbé Morel sur les Ecoles dans les anciens diocèses de
Beauvais, Noyon et Senlis^. Ce travail, qui occupe 160 pages du 52///e-
tin, présente à lui seul la matière d'un véritable ouvrage. On sait que,
depuis quelques années, les études sur l'histoire de renseignement dans
l'ancienne France sont tout particulièrement en faveur. Les sociétés
locales, en première ligne, se sont portées avec la plus grande et la plus
louable activité vers les recherches de ce genre. De nombreuses disser-
tations ont été mises au jour, sur cet attrayant sujet, dans la plupart
des publications régionales ou locales de notre pays. Il faut reconnaître,
en toute justice, que des résultats très appréciables ont été obtenus grâce
à ce mouvement. Personne évidemment ne peut songer à s'en plaindre.
Seulement, comme un certain nombre de ces sociétés (il n'est pas témé-
raire, je crois, de l'affirmer) professent pour l'ancien état de choses des
sympathies marquées, en même temps qu'un assez vif désir de déni-
grer les institutions actuelles, il en est résulté que la plupart de ces dis-
sertations ont pris un tour tout particulier. Louangeuses à l'excès pour
le passé, elles se sont attachées à démontrer que notre siècle n'avait rien
innové, qu'il n'avait fait que reconstruire à grand'peine et à grand fra-
cas ce que les siècles précédents avaient fondé solidement et sans bruit,
bref que la Révolution n'avait servi qu'à détruire et que l'œuvre, si vail-
lamment poursuivie par la troisième République, n'était qu'une re-
constitution coûteuse et pénible de l'œuvre anéantie par la première.
Telle est, en substance, la thèse qu'exposent la majeure partie de ces
travaux, avec une très sérieuse conviction, à grand renfort de textes et
de citations érudites. II y aurait assurément une curieuse étude de cri-
tique à entreprendre sur l'ensemble de ces mémoires et sur leurs com-
munes tendances. Il en résulterait des observations aussi piquantes
qu'inattendues sur les méthodes et les procédés de démonstration suivis
dans la plupart de ces apologies \ Mais la tâche serait trop vaste pour
1. Il faut signaler en outre d'intéressants mémoires de M. de Marsy, une cu-
rieuse étude de M. Alexandre Sorel sur les séjours de Jeanne d'Arc à Compiègne
et les maisons oij elle a logé en 1429 et 1430, etc.
2. Je ne crois pas qu'il soit possible de constater nulle part aussi nettement que
dans les travaux de ce genre les excès auxquels peuvent conduire le parti pris, l'ab-
sence de réflexion et l'interprétation littérale des textes. On en pourrait donner
u étranges exemples. Je citerai seulement celui-ci : pour démontrer que les évêques
d'un diocèse de Picardie ont témoigné constamment la plus vive sollicitude pour les
choses de l'enseignement, l'un de ces érudiis locaux cite gravement un mandement
46 REVUE CRITIQUE
être entreprise ici. Il est seulement permis de s'étonner que des asser-
tions aussi contestables aient rencontré autant de créance dans le monde
savant et que les conclusions d'ordre général qui s'en dégagent aient été
admises avec une pareille facilité, comme si cette vai>te et minutieuse
enquête avait été conduite partout avec une méthode rigoureuse et une
constante impartialité.
Le mémoire de M. M., tout en présentant de sérieuses qualités d'é-
rudition que n'ont pas toujours les travaux de ce genre, offre cependant
quelques-uns des défauts que je viens de signaler. Faisons tout de suite
la part des éloges avant d'en venir aux critiques. La somme des faits
réunis est véritablement considérable. Ce travail est le fruit de longues
et persévérantes recherches. L'information est consciencieuse, bien
qu'elle n'ait pas épuisé la matière, mais elle est en somme tout à fait
suffisante. De plus, un certain nombre d'inexactitudes mises à part, les
textes sont en général corrects, les sources précises et sûres. C'est là un
mérite très appréciable. Peut-être pourrait-on reprocher à l'auteur de
n'avoir pas mis assez d'art dans la composition et de n'avoir pas coor-
donné suffisamment ses matériaux. Tout cela est vraiment un peu sec,
parfois même indigeste. Il y a trop de divisions. Ilelàt mieux valu grou-
per pour chaque ville l'ensemble des données relatives à un même ordre
d'enseignement, au lieu de les répartir suivant les différents établisse-
ments. L'ouvrage comprend trois grandes parties : les Ecoles avant l'an
1100; les Grandes Ecoles depuis le xi*^ siècle; les écoles élémentaires.
Ce dernier groupe se divise lui-même en deux subdivisions : les
Écoles paroissiales et les Ecoles de congrégations. Quelques pièces justi-
ficatives intéressantes et bien choisies terminent le mémoire.
La première partie est très courte, mais elle donne lieu cependant à
plusieurs observations. M. M. affirme qu'il existait au v^ siècle de
grandes écoles à Vermand et à Tournai et une école paroissiale à
Salency. Passe pour la petite école de Salency, dont M. M. nous prouve
l'existence à l'aide d'un seul mot cité à propos de tout autre chose dans
la vie de saint Médaid, écrite par le poète Fortunat, près d'un siècle et
demi plus tard, à Poitiers. Mais pour Vermand et Tournai, l'objection
est plus grave : le seul texte cité par l'auteur à l'appui de sa démons-
tration est extrait de la vie de saint Médard par Raibod II, évêque de
Noyon. Or, cette vie a été écrite en réalité au xii® siècle. M. M., par suite
d'une confusion qu'un érudit de sa valeur aurait dû éviter, l'attribue à
Ratbod I^"" (989-997), mais c'est là une grave erreur. Ainsi la preuve
du fait avancé pour ce qui concerne les écoles au v° siècle repose uni-
de la fin du xviiie siècle, à côté d'un texte hagiographique du xii^ siècle s'appliquant
à un saint du vi" (!j ei de ces deux textes ainsi rapprochés, il tire les conclusions les 1
les plus enthousiastes en faveur de la sollicitude épiscopale. A coup sûr, de pareilles*^
sottises sont l'exception, mais, dans bien d'autres cas, le procédé, quoique moins
choquant et moins cynique est exactement le même. Il faut avouer d'autre part que
les exagérations commises en sens contraire et les attaques systématiques contre le
passé justifient trop souvent d'aussi puériles réponses.
d'histoikk et dk littératurk 47
quement sur quelques mots pris dans un texte hagiographique du
xn^ siècle. Je n'insiste pas. Plus loin, à la page suivante (p. 43), M. M.
affirme que « la présence d'enfants de chœur parmi les signataires d'un
contrat (du x^ siècle) prouve que les enfants savaient écrire et sans nul
doute lire ». Il n'est pas un médiéviste familiarisé avec l'étude des sous-
criptions de chartes qui puisse prendre au sérieux cet argument. Si
tous les gens dont on retrouve les noms mentionnés au bas des actes
avaient su lire, on pourrait alors soutenir que le moyen âge tout entier
n'a pas eu un seul illettré. Voilà comment M. M, démontre l'existence
de « ces foyers de lumière et de vertu qui jouirent dans tous les temps
d'une réputation justement méritée ».
Les deux autres parties sont meilleures. Seulement là encore on
constate à regret des vices de méthode non moins choquants. Il existe
pour l'histoire de l'enseignement dans le pays picard, dans la seconde moi-
tié du xi« siècle et au commencement du xii®, un texte capital, c'est ce-
lui deGuibert de Nogent ". Or, ce texte si curieux, unique à tout point de
vue, qui s'applique à larégion mêmequ'étudie M. M., ce texte qui donne
des détails si précis, détails lamentables, il est vrai, sur l'état misérable
de l'instruction et la monstrueuse ignorance des maîtres, M. M. ne le
cite nulle part. Est-ce là, je le demande, la saine et scrupuleuse méthode
historique? Plus loin, p. 54 et suiv., comment l'auteur ne voit-il pas
que l'enquête relative aux charges de l'écolâtre de Noyon, enquête dont
il proclame l'importance, ne prouve absolument rien. Les minutieuses
dépositions qui se trouvent rapportées dans cette pièce, non seulement ne
fournissent aucune donnée sur les études proprement dites, mais sont en
outre d'une rare ineptie. Les § 2 et 3 du chapitre II sont, sous le rapport
des renseignements, les moins contestables du mémoire 2. Seulement, là
comme ailleurs, M. M. manque d'érudition générale. Il n'a pas la
moindre idée de ce qu'était l'enseignement durant la période qui
précéda la Renaissance ni des changements décisifs réalisés par cette
dernière. Les termes dont il use pour célébrer les fondations de
Jean Standonc ^ indiquent qu'il ignore complètement ce que furent
Montaigu et les collèges du même genre, leur saleté infecte, la sottise
et la brutalité des maîtres qui y enseignaient. La réforme pédagogi-
que réalisée à ce moment par certains professeurs lui échappe tota-
lement. La dernière partie aurait pu être développée davantage. 1 elle
quelle cependant, elle renferme d'intéressantes indications \
Ce n'est point d'ailleurs sur la substance même du travail de M. M.
1. Guibert de Nogeni. Edit. d'Achery. p. 460 et 461.
2. Il y aurait cependant plus d'une remarque de détail à y faire, par exemple des
identifications de noms bizarres. Laurent de Médont pour traduire Laurentiim de
Medunta. La liste donnée page 1 1 1 renferme bien des lacunes,, pendant qu'on y voit
figurer des gens sans aucune valeur, etc.
3. Pourquoi orthographier ce nom, contrairement à l'usage.''
4- P. 125. Toute l'histoire du calligraphe est puérile, et la conclusion qu'en tire
M. M. l'est encore davantage.
48 REVUE CRITIQUE
que portent nos critiques, mais bien plutôt sur les conclusions quMl s'ef-
force de tirera chaque pas des plus petits faits et sur les préoccupations
auxquelles il obéit. Il triomphe de la moindre mention qu'il rencontre
d'un enseignement quelconque organisé par l'Église, sans songer que cet
enseignement avait le plus souvent pour but unique de former des en-
fants de chœur ou de jeunes clercs capables de lire et de chanter les offi-
ces. Que d'écoles où les lettres n'étaient que les humbles servantes du
culte, des auxiliaires de la liturgie! Il faut éviter de jouer sur les mots.
Certes, il n'est pas impossible de démontrer que nos pères n'ont pas été les
ignorants que l'on croit, que les siècles qui nous ont précédés ont apporté
eux aussi leur contingent d'efforts en faveur de l'enseignement, que
l'Eglise a eu un rôle plus noble, plus humain que celui qu'on lui attri-
bue, mais il faudrait démontrer tout cela d'une autre manière, avec une
méthode plus saine, avec moins de passion et plus de mesure, en sachant
reconnaître les faiblesses et les lacunes, bref en faisant œuvre de science et
non plus de parti. Qui veut trop prouver ne prouve rien ; or, M. Morel
veut trop prouver.
A. Lefranc.
Quellen zur Schweizer Geschichte hrsg. von der allgem. geschichtsforsch. Ge-
sellschaft der Schweiz. Basel. Schneider. In -8.
322. — Die œltesten Uikunden von Allerheiligen in Schaffhausen, Rheinau und
Mûri, hrsgb. von F. L. Baumann, G. Meyer von Knonau und P. Martin Kiem.
i883. V, 218, q8 et 206 p. 3 cartes. 10 mark 20 ,I[I<'r Band).
323. — eoui'ndi Xurst, de situ confœderatonim descriptio ; Balcî descriptio
Helvetise; Felicls Fabi-i, descriptio Sveviae; .loh. stumpf, Reisebericht von
1544. 18S4. 37a p. I carte 7 mark 20 (Vler Band).
324. — Ulrîcî Cainpelli Rastiee aipestris topographica descriptio, hrsgb. von
G. J. KiND. 1884. XVI et 448 p. 8 mark 60 (VI 1er Band).
325. — Uli-lcî Canipelli Historia raetica. Tomus I, hrsg. von Plac. Plattner.
1887. VI et 724 p. i3 mark 60 (VIU"' Band).
La Société générale d'histoire suisse poursuit avec succès la publica-
tion des Quellen ^ur Schipei^er Geschichte : depuis que la Revue criti-
que a annoncé les tomes III et IV ^ quatre autres volumes ont paru.
Le tome III, dont la seconde partie n'a été publiée qu'après le tomeV,
contient des documents relatifs à trois couvents de la Suisse, celui de
Allerheiligen de Schaffhouse, celui de Rheinau et celui de Mûri. L'ab-
baye de Allerheiligen avait des archives remarquables; elles sont main-
tenant dispersées; M. Baumann a entrepris de publier toutes les char-
tes qu'elles contenaient, jusqu'à l'année 1 1 5o. Il a réuni 72 pièces, pour
la plupart déjà connues, mais qu'il a rééditées avec soin, les faisant sui-
vre de notes explicatives et de commentaires portant sur la diplomati-
que et sur l'histoire. Une trentaine de ces documents émanent des chan-
celleries impériale ou papale ; les autres sont des actes privés du xi- et du
xii" siècle dont beaucoup sont originaux et qui constituent une série
I. Numéros du 3 octobre 1881 et du 8 janvier i883.
d'histoirb et de httkraturb 49
précieuse pour Thistoire politique et administrative et pour la topogra-
phie du duché de Souabe, ainsi que pour la diplomatique de cette
époque. M. Baumann a joint aux chartes de Pabbaye un terrier inédit
du milieu du xiii^ siècle et un certain nombre de notes historiques, en
partie inédites, relatives au couvent et rédigées à SchafFhouse ou ailleurs.
M. Meyer de Knonau a publié d'une façon tout analogue le cartulaire
de Rheinau; ce cartulaire date dans son ensemble du second quart du
xii^ siècle; les chartes qu'il contient, publiées déjà au siècle dernier,
sont comprises entre les années 841 et ii25. M. Meyer de Knonau a
eu soin de copier les pièces originales, toutes les fois qu'il les a retrou-
vées, et de ne suivre le cartulaire que lorsqu'il avait ce texte seul sous la
main, ce qui a été malheureusement le cas le plus fréquent; il a Joint
au cartulaire un nécrologe du monastère. Enfin, c'est M. Martin Kiem
qui a publié les ActaMurensia, un des écrits les plus consultés et les
plus discutés du moyen âge. Ils avaient été composés dans la seconde
moitié du xiii*^ siècle, pour donner une idée nette aux religieux de Mûri
des origines de leur couvent, de ses droits, de ses biens et de l'apparen-
tage de ses fondateurs. Ces fondateurs étant les Habsbourg, les généalo-
gistes, depuis le xvi* siècle, se sont emparés de ces documents, les ont
commentés et en ont le plus souvent tordu ou forcé le sens, chacun
espérant y trouver des preuves à l'appui de sa thèse. L'importance qu'ils
attachaient à ces Acta était pleinement justifiée, puisque, de nos jours,
i'is sont encore la source la plus importante à consulter sur la filiation
des premiers Habsbourg. M. Kiem les a fait suivre d'un nécrologe d'Her-
metswil qui complète sur plusieurs points cette généalogie et il a réédité
quelques chartes et lettres relatives à Mûri ; malheureusement les actes
de ce monastère sont très rares, ses archives ayant été détruites par le
feu en i3oo. Ce volume est accompagné de trois cartes destinées à figu
rer les biens des trois couvents ; chaque collection de documents est sui-
vie d'une postface (Nacluvort) et d'un index alphabétique.
Après ce volume documentaire, voici deux volumes contenant des
descriptions de la Suisse. Le tome VI s'ouvre par l'une des plus ancien-
nes que nous possédions : elle a été écrite dans les années 1495 à 1497,
en latin d'abord, puis en allemand, par un médecin zurichois, Conrad
Tûrst, dont la biographie n'est que très imparfaitement connue. Son
De situ Confœderatorum descriptio est accompagné d'une carte remar-
quable pour le temps où elle a été dressée et dont on nous donne un
fac-similé. Cette description, éditée par MM. Georges de Wyss et Her-
mann Wartmann, est suivie d'une autre écrite, peu après 1499, par un
Milanais nommé Balci ; elle fournit un curieux témoignage de l'impres-
sion que faisait sur un étranger la Confédération à une époque où elle
jouissait d'un si grand renom auprès de ses voisins; nous en devons la
publication à M. A. Bernoulli. Vient après le travail d'un Zurichois,
Félix Schmid. Ce Schmid ou Fabri avait été deux fois en Terre-Sainte,
et il nous a laissé, de ses pérégrinations, des récits qui lui assignent une
5o REVUE CRITIQOR
place honorable parmi les écrivains de voyages du xv" siècle. A son
retour, il écrivit une Dcscn'pt io Sueviae de laquelle M. Hermann Escher
a extrait et publié tout ce qui concernait la Suisse. L'ouvrage de Fabri
ne répond pas exactement au titre; il commence, il est vrai, par un traité
géographique ; mais, peu à peu, Fauteur est entraîné par son sujet; l'his-
toire des Habsbourg prend une place toujours grande, et les luttes de
cette maison avec les Confédérés finissent par devenir le centre de sa
narration. Les sympathies de Fabri, et on nous explique très bien pour-
quoi, sont tout autrichiennes: son récit, dont la première rédaction a été
terminée vers 1488 ou 1489, est trop partial, les sources auxquelles il a
puisé sont trop peu sûres et trop peu originales pour qu'on puisse espé-
rer trouver dans son travail des données historiques nouvelles; mais il
est intéressant parce qu'il nous fait connaître Tétat des esprits à cette
époque ; ses tableaux sont inexacts, la perspective en est fautive : ce sont
néanmoins autant d'illustrations qui ont leur prix. Ce volume se ter-
mine par le récit du voyage en Valais que le chroniqueur Stumpf fit en
1 544 ; ce voyage est curieux tant au point de vue géographique que par
les notes historiques que le savant Zurichois accumule chemin faisant.
Le VII« volume des Quellen contient une description de la Rhétie
par Ulrich Campell. Elle n'est que le livre premier d^une Historia Rae-
tica du même auteur dont une partie a déjà paru dans le tome VIII des
Quellen. Il nous paraît préférable d'attendre, pour parler de cette des-
cription, que l'œuvre de Campell soit entièrement éditée; on pourra^
la juger alors dans son ensemble et nous y reviendrons.
La publication des Sources pour l'histoire suisse est maintenant assez'^f
avancée pour qu^on puisse dire quelques mots du plan suivi. Elle est
restée fidèle à un programme fixé dès le début et dont voici les points
essentiels : 1° Les Quellen \iir Sc}upei:{er Geschichte contiennent des
matériaux narratifs, descriptifs ou documentaires, tels que chroniques,
curiosités, lettres, chartes, régestes; 2° chaque volume doit être homo-
gène, c'est-à-dire ne doit contenir que des sources de même nature, des
chroniques ou des chartes, et encore ces chroniques ou ces chartes con-
tenues dans le même volume doivent-elles avoir trait à la même époque
ou au même sujet; 3° chaque chronique ou collection de textes doit être
accompagnée d'une préface qui donne les renseignements nécessaires
sur son origine, sa valeur, sur le texte original et la manière dont il a
été reproduit; 4° chaque volume doit contenir un index des noms de 1
lieux et de personnes. Cette collection des Quellen, commencée en 1 877,
renferme déjà trois volumes de chroniques (tomes I, VII I, IX à paraître),
un volume de chartes (tome III), trois volumes d'histoire et de docu-
ments diplomatiques du xvii^ siècle (tomes II, IV et V), deux volumes
de descriptions de la Suisse ou de quelqu'une de ses parties (tomes VI
et VII). Les éditions sont excellentes. Peut-être y aurait-il quelques res-
trictions à faire au point de vue de Tordonnance matérielle de certains
volumes. Pourquoi, par exemple, l'emploi si fréquent de la postface
d'histoire et de LlTTéRATURE 5 I
(Nachwort)l Cet emploi, qui n^a pas même le mérite de pouvoir être
constant, rompt Tuniformité de la série. De plus petits détails pourraient
encore étonner; mais il vaut mieux ne pas s'y arrêter et ne pas porter
un jugement entaché de mesquinerie sur une entreprise utile et bien
menée.
Edouard Favre.
326. — Poésie di mille :tutoi>î intorno a Dante /iligliiei*i raccolte ed
ordinale cronologicamente con note storiche, bibliografiche e biografiche da Carlo
Del Balzo. Vol. I. Rome, Forzani, 1888, in-8 de xv-669. Prix : 12 fr. (Edition
de 5oo ex. numér.)
Je dirais mieux ma pensée sur le travail considérable entrepris par
M. Del Balzo, si l'œuvre était plus avancée et si on voyait plus com-
plètement les services qu'elle est appelée à rendre. Le premier volume
permet cependant, avec la préface qui Pintroduit, de prendre une idée
du but de l'auteur. Boccace, dans sa Vie de Dante, raconte qu'à la mort
du n divin poète », à Ravenne, ses confrères de la Romagne compo-
sèrent beaucoup de vers pour son tombeau, les uns dans un sentiment
d'admiration, les autres pour faire leur cour à Guido da Polenta, sei-
gneur de Ravenne, qui avait résolu de lui élever un monument. L''épita-
phe ne fut point gravée, et tous ces vers, sauf ceux de Giovanni del Vir-
gilio, furent perdus. La série devait en être considérable ; mais ne les
regrettons pas trop : M. Del B. tresse, en l'honneur du poète, une cou-
ronne de fleurs plus riche et de couleurs moins monotones. Tous les
poètes qui ont parlé de Dante sont appelés à y contribuer, et comme
Fauteur veut faire une collection complète, il descendra jusqu'à nos
jours et donnera toutes les œuvres, sans se préoccuper du choix qu'y
pourra faire la postérité au point de vue du mérite littéraire. Dans un
pareil ouvrage, où l'ordre chronologique doit être suivi, les premiers
volumes seuls ont un réel intérêt pour Térudition, C'est ainsi qu'on trou-
vera avec plaisir, dans celui qui nous occupe, une série de pièces qui
ont une importance considérable pour la biographie de Dante ou pour
l'histoire de son œuvre. Plusieurs sont très connues, mais la plupart
sont dispersées en des ouvrages différents et d'un accès parfois difficile.
La collection s'ouvre naturellement par les sonnets adressés à Dante par
Guido Cavalcanti, Cino da Pistoia, Dante da Maiano, en réponse au
premier sonnet de la Vita nuova ; sMivenX les autres correspondances
poétiques de Dante, les vers composés contre lui de son vivant, les son-
nets, canzones, vers latins inspirés par sa mort, les parties de VAcerba
de Cecco d'Ascoli dirigées contre Dante, le célèbre Capitolo de Bosone
da Gubbio, celui de Jacopo Alighieri, l'explication poétique de Vlnferno
par Fra Guido de Pise, etc. Un des plus curieux morceaux est le texte hé-
breu, transcrit en caractères latins, d'un grand ouvrage en prose rimée
d'un illustre écrivain juif, né à Rome en 1265, Immanuel ben Salomo
5 2 REVUE CRITIQUE
CManoel Giudeo); l'auteur a connu Dante personnellement et son
poème sui Tenfer et le paradis, qui a été composé au plus tard en i332,
se trouve être, par ordre de date, la première imitation de la Divine Co-
médie. J'aurais, pour ma part, dispensé M. Del B. de l'édition intégrale
des traductions anglaises, allemandes, hongroises de certains des mor-
ceaux publiés ; ces traductions sont en vers, et, à ce titre, rentraient dans
son cadre; mais je ne puis m'empécher de trouver qu'elles tiennent
beaucoup de place. Un titre courant varié eût mis de la clarté dans la
lecture. Les textes sont d'ailleurs publiés avec beaucoup de soin, et lors-
qu'il y a lieu, sous forme critique. L'éditeur s'est fait aider, toutes les
fois que sa compétence spéciale a été dépassée. Les notes historiques, bio-
graphiques, bibliographiques, sont extrêmement abondantes; plusieurs
sont de véritables dissertations d'une grande utilité et d'une informa-
tion très étendue L
— Le second volume des Poésie di mille aiitori paraît au moment où
me parviennent les épreuves de ce compte-rendu -. L'encombrement
des traductions inutiles y est moindre. On y trouve encore quelques
hors-d'œuvre; n'y a-t-il pas, par exemple, dix pages perdues, à donner,
à propos du sonnet où Pétrarque nomme Dante, le résumé chronologi-
que de la vie de Pétrarque par Ferrazi? Tous les lecteurs de M. Del
Balzo possèdent le Manuale dantesco, et la seule excuse de la réimpres-
sion de ce long morceau eût été de le compléter et d'en corriger les er-
reurs. D''ailleurs, le volume n'est pas moins riche que le précédent. On
y trouve d'abord la traduction en tierces-rimes du poème hébreu cité
plus haut, traduction due à S. Seppiili; puis viennent tous les témoi-
gnages poétiques se rapportant à Dante, qui vont de l'année i335 à
l'année 1390, mentions latines et italiennes dans Boccace, Pétrarque,
Antonio da Ferrara, Franco Sacchetti, Antonio Pucci, Benvenuto da
Imola, Chauceret beaucoup d'autres auteurs moins connus. Une grande
partie du volume, faisant exactement 200 pages, est occupée par l'im-
portant poème anonyme de la Léandréide, dont on trouvera ici pour la
première fois le texte intégral, publié d'après un manuscrit de Venise.
Les notices sont de valeur inégale; celle de Benvenuto da Imola est très
complète, très au courant des travaux récents ; il n'en est pas de même
de celle de Boccace ni des pages sur le Dante Vat. 3igg. Malgré ces
réserves et celles qui précèdent, le travail de M. Del Balzo n'en reste
pas moins une oeuvre importante et d'un très grand intérêt bibliogra-
phique et littéraire. Plus tard, de bons index, largement conçus et des-
tinés à orienter le lecteur dans la masse des renseignements réunis,
ajouteront beaucoup à la valeur de l'ouvrage.
P. DE NOLHAC.
1. Je regrette que M. Del B. ait cru devoir louer un admirable sonnet de Dante,
qu'il dit à juste titre « le plus beau sonnet d'amour du Parnasse italien, » au moyen
d'un mot méprisant pour Pétrarque.
2, 11 porte la date de 1890 et compte 568 pages. Le vol. III, assure l'éditeur, paraî-
tra avant la fin de l'année.
1
d'histoirk et de littérature 53
327. — Correspondance des Deys d'Alger avec la Cour de France
(i579-i838), par Eugène Plantet. (Paris, Alcan, 2 vol, grand in-8 de lxxv-56o
et 619 p.)
Les relations officielles de la France avec Alger datent du 1 1 février
1534, jour où François I«^ délivra des lettres de créance au sieur de La
Forest, pour le représenter auprès de Kheïr-ed-Din ^. A cette ambas-
sade, succéda celle de Jean de Monluc % puis la mission politique et
militaire de Saint Blancard et de Marillac ^ et, plus tard, celles de d'A-
ramon, du chevalier d'Albisse, de San Pietro d'Ornano et de M. de
Ménillon ^ Mais les lettres royales qui ont pu être adressées dans ces
occasions aux Pachas et aux Sandjiacs d'Alger n'ont pas été retrouvées,
non plus que les réponses auxdites lettres '\ Il en est tout autrement
de la correspondance entretenue entre les chefs de l'Odjeac et la France,
à partir des dernières années du xvi" siècle; ces relations, nouées à l'o-
rigine avec les gouverneurs de Marseille, se poursuivent directement
avec la Cour de France à partir de la mission de Sanson Napollon, et
sont continuées jusqu'en i83o. Les pièces originales, ou, à leur défaut,
les minutes, ont été conservées *' aux Archives de la Chambre de Com-
merce de Marseille, à celles de la Marine, des Colonies et du Minislcie
des affaires étrangères.
C'est dans ces riches dépôts que M. Piantet a réuni les matériaux du
bel ouvrage qu'il vient de publier; les lettres sont accompagnées de
nombreuses annotations et d'éclaircissements qui en font apprécier la
valeur historique, et montrent combien Fauteur s'est pénétré de son
sujet.
L'introduction est longue, et on ne le regrette pas; elle forme, à elle
seule, un excellent abrégé de l'histoire de la Régence, présenté sous une
forme très élégante et très claire. Nous y signalerons, cependant, quel-
ques petites inexactitudes ; il n'est pas juste de dire (p. xxvi), que notre
pavillon fut le plus insulté de tous par les Barbaresques; il le fut, au
contraire, moins qu'aucun autre ~. Le fort TEmpereur n'a pas été cons-
1. Négociations de la France dans le Levant, t. I, 255 et suiv.
2. Id., ibid., 327 et suiv.
3. Jd., ibid., 340, 371 et suiv.
4. Id. t. II, i56, 204, 201, 714. — T. III, 552 et suiv.
5. Il semble cependant presque certain que ces lettres ont existé, entre autres
celles par lesquelles Charles IX faisait savoir au Pacha d'Alger que l'Espagne se dis-
posait à l'attaquer (L. c. t. III, 388, 854 et suiv.)
(^1. A ce sujet, il est bon de dire qu'il a dû y avoir autrefois des pertes impor-
tantes dans les Archives de la Chambre de Marseille, qui n'avaient été ni classées
ni inventoriées jusqu'au moment où M. O. Teissier se chargea de ce travail et l'ac-
complit très heureusement. Pour donner une idée des lacunes qui existent, il suffira
de dire que la correspondance consulaire d'Alger manque de i633 à 1654.
7. Les captifs français, au moment où les déprédations furent le plus multipliées
contre nous, ne formaient que le vingtième du total des esclaves (1200 environ sur
25ooo).
54 RF.VUK CRITIQUE
truit par Charles V (p. xxvi) >; M. Barreau était laïque, et n'a aucun
droit à être qualifié de Père ^ ; les Reïs n'étaient nommés à un grade
par personne (p. xix), sauf dans les derniers temps de Pûdjeac; tous
ceux qui pouvaient armer en course un bâtiment quelconque étaient des
Reis ; le partage des prises (p. xx) a infiniment varié; enfin, la distinc-
tion établie entre les Deys et les Pachas -Deys (p. xxiii) n'a pas de raison
d'être ^ Cela dit, il ne nous reste plus qu'à faire des éloges mérités *;
cette œuvre, pour emprunter les expressions de l'auteur lui-même, /era
connaître lin grand nombre défaits ignorés jusqu'à ce jour ^ dHncidents
restés dans l'ombre, de détails rapportés d'une façon inexacte où tout
au moins incomplète . Nous terminerons en disant que l'édition est très
soignée, tant pour le choix du papier que pour l'exécution typographi-
que, et que chaque volume est orné d'une belle héliogravure représen-
tant, l'une, la vue cavalière d'Alger au xv!!"" siècle, l'autre, le palais de
la Jénina. M. Plantet prépare la publication de la correspondance des
Beys de Tunis, des Beys de Tripoli et de l'Empereur du Maroc avec la
Cour de France, ainsi que l'histoire des anciennes concessions de la
France en Barbarie; tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'Afrique
du Nord attendront l'apparition de ces nouvelles œuvres avec une im-
patience justifiée par le méiite de celle dont nous venons de parler.
H. D. DE Grammont.
I
328. — G<¥tbe-Jalirbucli. hrsg. von L. Geiger. XI Band. Frankfurt am Main,,
Litter. Anstalt (Rûuen et Lœning), 1890. In-8. s et 276 p. 10 mark.
U Annuaire de Gœthe pour 1890 s'ouvre par trois superbes portraits
de Gœthe, de Christiane Vulpius et d'Auguste de Gœthe. Ce sont les
1. Charles V campa sur l'emplacement du fort l'Empereur, le 24 octobre 1541,
au soir ; la tempête commença à neuf heures; on se battit toute la journée du len-
demain ib, et la retraite fut décidée le 26 au matin ; le temps matériel de la cons-
truction d'un fort fait donc défaut. De plus, Haëdo dit formellement que cet ouvrage
fut édifié par Hassan- Pacha, en ib^b. (V. Villegaignon, le Journal de Vandenesse,
et la Topografia de Haëdo).
2. Mémoires de la Congrégation de la Mission, t. Il, p. 186.
3. C'est M. Waibled qui, le premier, a fait cette distinction peu fondée. fRevue
africaine, l. XVII, p. 438), En fait, ce qui se passa en 171 1 (et non en 1710) n'avait
rien de nouveau, et Ali Chaouch, en refusant de recevoir le Pacha Charkan Ibrahim,
ne tit que suivre l'exemple de plusieurs de ses prédécesseurs, qui. comme lui, avaient
vu leur rébellion récompensée par le caftan d'investiture; on peut citer Hadj Hus
sein, en 1686, et Chaban, en 1691, Il n'y eut donc, en réalité, ni innovation, ni
révolution.
4. Nous signalerons quelques petites corrections à effectuer dans une nouvelle édi-
tion ; Gramaye était à Alger en 16 1 g et non en j568 (p. xx) ; — le chef de l'expédi-
tion de 1601 éxz'\t Jean- André Doria (p. lxvi); — l'édition du Massacre des Turcs
est de 1620 et non de 1640 (p. 7); on doit lire Piou, et non Pion (p. 52); id., le F.
Dubourdieu, et non le P . Dubourdieu (6oj. — La Croisière de Motheux était Officier \\
de marine et non Religieux (Table). — A la liste des Pachas, au lieu de El. Hadj,
lire El Hadj' Bêcher ben Ateladja.
1
d'histoire et de littérature 55
portraits en miniature que fit en iSi i,à Weimar, le capitaine Raabe.
La première partie (Neiie Mittheilungen), contient : 1° le ghasel de
Goethe sur TEilfer sous sa forme première, avec un instructif commen-
taire de M. K, Burdach; 2° une pièce de trois strophes attribuée à
Goethe, mais que M. Suphan restitue à Siegmund de Seckendorf;
30 un épilogue en vers de la Vasthi de Gotter, et qui serait peut-être
l'œuvre de Gœthe; 4° la correspondance de Gœthe et du prélat de
Diez, 181 5- 18 16; 5° des lettres bien intéressantes de Reinhard au
chancelier Millier, avec une annotation de M. L. Geiger, et, en appen-
dice, des extraits de lettres de Reinhard à Wessenberg ^ ; 6° l'itinéraire
de Gœthe dans son vovage de 1790 en Silésie (reconstitué par M.
Zarncke) ; 7° quarante-neuf lettres de Gœthe à divers personnages, deux
lettres curieuses de Lavater au poète (1775 et 1781), une lettre de Schiller
[1 i août 1802), une lettre des parents de Gœthe à Crespel (18 janvier
17771, une lettre de Frau Ratli à M"' Stock. (9 mai 1808).
La deuxième partie ( Abhandlungen), renferme quatre études. M. Sup-
han raconte, d'après un récit manuscrit du comte Maurice de Brûhl,
une journée de Gœthe à Carlsbad en 1785. M. de Loeper recherche
l'origine de quelques-uns des Spriiche in Prosa, d'après les manus-
crits du poète que possédait Varnhagen. M. Bûsgen apprécie les études
botaniques de Gœthe. M. H. Dechent fait mieux connaître les Seelsor-
ger de la famille Gœthe, Fresenius et Schmidt.
On trouvera dans la troisième partie, comme toujours, des mélanges
intéressants (entre autres sur la langue de la Bible, les proverbes, les
jeux de mots dans Gœthe, le théâtre de Leipzig à l'époque où le
poète suivait dans cette ville les cours de l'Université), une chronique
bien informée, une bibliographie à la fois précise et complète, ainsi que
le cinquième rapport annuel de la Gœthe- Gesellschaft.
A. G.
320. — ï-a Simpllfleatlon de Porthographc, par Louis Havet, professeur
au Collège de France. Paris, Hachette. Un vol. in- 12, 60 p. Prix : i fr.
« Nos chinoiseries d'orthographe coûtent au pays bien plus qu'il ne s'en
doute : perte de temps et perte de travail, moindre culture d'un bon nom-
bre de Français, moindre expansion de la langue française. » La chose est
très grave, si elle est vraie ; mais n'y a-t-il point là un peu d'exagération ?
Pourtant, je le veux bien : abrégeons, simplifions, régularisons l'ortho-
graphe ; supprimons dans les mots venus du grec les th ::z 6, les ch = 7,
les ph = 0, les hy = û, et écrivons auioktone, Korografie, idrqfobie,
idrocéfale, etc. Ceux qui savent le grec le reconnaîtront quand même
sous ce nouvel affublement, mais ceux qui l'ignorent en seront-ils plus
I . P. 42, le baron 5ef ^a doit être le baron Serra (cp. Jonas, C.G. Kœmer, p. 2 58) ;
— p. 54, lire dans la citation de Mignet « ouvrait » et non aurait ; — p. 61 , lire « de »
(Broglie) et non le; — p. 261, Firmery et non Firmey.
56 REVUE CRITIQUE
avancés? Ces mots, de quelque façon qu'on les orthographie, seron
toujours pour le populaire un assemblage de lettres mystérieux, et il est
absolument illusoire de penser que cette prétendue simplification lui
sera de quelque utilité. Il y a des réformes qui me paraissent plus ration-
nelles, plus nécessaires. Ainsi je ne serais pas opposé à ce que l'on sup-
primât dans beaucoup de mots très usuels les lettres inutiles qui sont
venues, je ne sais comment les surcharger, et attirer leur physionomie;
il y aurait avantage à orthographier abé. aquiter, atendre, ateler, ati-
rer, etc. Mais, comme le disait A. Darmesteter, c'est d'une main légère
et discrète qu'il faut toucher à la langue écrite, surtout quand cette lan-
gue a, comme la nôtre, produit dans sa maturité, une suite ininterrom-
pue de chefs-d'œuvre. C'est pourquoi les réformateurs sages et modérés,
tels que M. Havet, me permettront de proposer à leur méditation ces
quelques lignes de Vinet, qui, pour mon compte, m'ont fait beaucoup
réfléchir : « La langue est sacrée comme la Société. Elle n'est pas im-
muable, elle ne peut pas l'être; mais elle ne souffre aucun changement
arbitraire et capricieux, aucune violence gratuite, aucune modification
individuelle. Dans les changements qu'elle accepte, elle subit sa propre
loi, et n'obéit qu'à ses besoins. » Voilà qui me paraît fort bien dit : aussi
je trouverai les réformes proposées par M. Havet excellentes le jour où
le commun usage qui est le * jus et norma loquendi » leur donnera son
consentement.
A. Delboulle.
33o. — De l'étude des l^atois du Haut-Daupliiné, par labbé A. Devaux,
chanoine honoraire, professeur aux Facultés catholiques de Lyon, membre associé
de l'Académie delphinale. Grenoble, F. Allier, 18S9; in-8, 62 pages.
Cet opuscule est une lecture faite à l'Académie delphinale le 29 mars
1889 : après avoir retracé d'une façon détaillée l'historique des études
relatives à la philologie patoise du Dauphiné depuis le xvii*" siècle jus-
qu'à nos jours, M. l'abbé Devaux raconte comment il a été amené à
s'occuper à son tour de ces questions. Il a limité ses investigations lin-
guistiques à une contrée bien déterminée, celle du Haut-Dauphiné,
connue généralement sous le nom de « Terres-Froides », et qui com-
prend une notable partie de l'arrondissement de la Tour-du-Pin. Il
nous promet à brève échéance une étude complète sur la phonétique
comparée des patois de cette région, et aussi, semble-t-il, un glossaire
qui ne contiendra pas moins de 5o ou 60,000 formes. Ce sera là une
contribution considérable à la connaissance des parlers« franco-proven-
çaux », et il faut savoir gré à M. D. de l'avoir entreprise en recueillant
les faits sur place, en se mettant au courant des méthodes actuelles et
de la notation phonétique usitée dans la Revue des patois gallo romans.
Toutefois, si l'auteur veut publier son œuvre dans de bonnes conditions,
s'il veut, comme il semble en avoir l'intention, aborder des questions
I
d'histoire et de littérature 5y
délicates d'étymologie, trier l'élément indigène de rélément emprunté,
remonter en un mot jusqu'aux transformations du latin vulgaire dans
le Dauphiné, ce ne serait plus assez que d'avoir à sa disposition une
notation phonétique perfectionnée : il faut encore qu''il possède d'une
façon très sûre son « commencement », c'est-à-dire les principes de la
philologie romane. Espérons qu'il en est ainsi. — Dans les exemples
que, vers la fin du présent opuscule, M. D. cite un peu au hasard, gla-
nant, comme il le dit lui-même, à travers ses notes, on pourrait relever
certains détails et quelques expressions qui ne sont point d'une Justesse
parfaite. Ainsi, pourquoi dire (p. 40) que le fr. aimer reproduit le lat.
amare, puisque cette forme est analogique? Le dauphinois/avd/a (p. 47)
serait « un produit provençal » ! M. D. sait bien que le mot provençal
est faula, seule forme vulgaire possible; il y a bien des chances pour
que le mot en question ait été emprunté à l'italien /àyo/^, qui est litté-
raire, tout comme notre ir. fable. La forme larima[=^ lacryma) laisse
aussi des doutes. Enfin (même p.) on trouve encore ténye (tingere),
\imye (iungere), et autres analogues cités comme « des infinitifs proven-
çaux avec chute de 1';- final et recul de l'accent» : provençaux, soit;
mais où est ici le recul de l'accent? Il ne faut jamais se hâter non plus
de croire qu'on vient de faire une découverte, quelque minime qu'elle
soit. « On sait, dit l'auteur (p. 5o), que écrouelle vient du latin vulgaire
scrofella pour scro/nla; mais sait-on que scj'O fa avait le même sens
dans le latin vulgaire? Littré l'ignore, et je ne l'ai vu signalé nulle
part. » M. D. n'aurait pas écrit ces lignes, s'il avait ouvert sub verbo le
lexique de Georges 1. — Ces légères critiques n'empêchent pas d'ailleurs
que M. l'abbé Devaux ne fasse une œuvre utile et très méritoire en se
livrant à l'étude des patois du Haut-Dauphiné : le livre annoncé dans
cette lecture académique ne peut qu'être attendu avec impatience.
E. BOURCIEZ.
33 1. — Karl KœsTLiN. Prolegomena zur .^sthetik. Tûbingen, Fues, 1889,
io3 p. in-4.
332. — Hugo MÙNSTERBERG. lieiti'sege zui* ex.pei-iincntellen Pesyehologie.
l. Fribourg en Br. Mohr. 1889, 188 p. in-8.
I . L'étude de M . Kôstlin a un défaut capital, c'est d'être ennuyeuse. Ce
n'est pas qu'elle soit vide, mais elle n'est remplie que de choses tradition-
nelles et connues. Ce n'est pas qu'elle soit démesurément longue, mais
les développements se traînent, et ne marchent pas. Décidément l'intel-
lectualisme de la queue hégélienne n'est plus de notre temps, et perd sa
peine à se rajeunir.
II. M. H. Mûnsterberg a de belles qualités, une ardente confiance en
lui-même, une science solide, un esprit net et décidé, une aisance remar-
I. On peut encore trouver des exemples plus nombreux de scrofa (= scrofula) dans
H. Roensch, Semasiologische Beitrcege, p. 64, et dans Nettleship, Contributions to
latin Lexicography, p. 584.
58 REVOK CRITIQUA
quable dans la composition, et une production exiraordinairement
rapide. Il n'est pas douteux qu'il n'ait devant lui un bel avenir scienti-
fique, s'il sait éviter quelques écueils : la trop grande hâte dans la pro-
duction qui a failli déjà jouer un méchant tour à sa jeune réputation, la
prolixité diffuse à laquelle il paraît être porté, et une tendance un peu
juvénile à opposer fortement sa personalité à celle de Wundt, qui fut et
reste son maître.
Il nous envoie la première livraison d'une série d'études de psycholo-
gie expérimentale, où seront données, sous sa signature unique, les ex-
périences faites à Fribourg par lui-même ou sous sa direction. Il paraî-
tra environ trois fascicules par an. Celui-ci contient l'esquisse générale
d'un programme de psychologie physiologique, et une première étude
expérimentale sur l'association des représentations. — La science a évi-
demment tout à gagner et rien à perdre à cette concurrence toute scien-
tifique faite aux Philosophische Studien de M. Wundt.
Lucien Herr.
333. — H. Ganier et J. Frœlich, voyage au:x cliàteaux^ Itlstorlquee de la
cbalne des Vosges. Paris, Berger-Levrault, 1889. In-8, viii et 5o8 p.
L'ouvrage comprendra trois volumes : les Vosges septentrionales, les
Vosges centrales, les Vosges méridionales. C'est peut-être trop, par le J
temps qui court, et un seul volume aurait suffi, mais l'éditeur Ta voulu'^
ainsi et nous n'avons qu'à juger le présent tome qui comprend cinq
chapitres : de la Queich à la Lauter; de la Lauter aux vallées du Sauer-
bach et du Steinbach; groupe de Niederbronn; de la Zinsel savernoise
à la Mossig; de la Mossig à la Magel et au Donon. Ce n'est pas une
œuvre historique ni un livre d'érudition; c'est, comme disent les au-
teurs, une oeuvre vue; ils « font plus de pittoresque que d'archéologie »
et ne se préoccupent que du récit, de l'anecdote. Il serait aisé de relever
de ci de là quelques erreurs, des longueurs, des répétitions; mais à
quoi bon? Laissons, pour citer encore les deux auteurs, la description
et la légende occuper la place principale dans ce Voyage historique;
louons la plupart des dessins, des vignettes; et souhaitons que cette
« promenade à coups de crayon d'un bout à l'autre de nos belles mon-
tagnes » trouve de nombreux lecteurs.
G.
Lettre de M. Ccédat.
Permettez-moi de répondre quelques mots à l'article de M. Paul Lejay sur la re-
production photolithographiqiie du Catulle de Saint-Germain-des-Prés.
Entre la page donnée par M. Châtelain dans sa Paléographie des classiques latins
et la page correspondante de notre reproduction, il y a toute la dilTérence qui sépare
l'héliogravure de la photolithographie. Sans doute le premier procédé est bien supé-
rieur, mais il est infiniment plus coûteux.
D HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 5 9
La question est desavoir si le procédé économique permet d'avoir une reproduc-
tion du manuscrit de nature à rendre des services. 11 me semble que la réponse n'est
pas douteuse. Dans quelques cas il sera utile de se référer au manuscrit lui-même ;
mais dans beaucoup d'autres la reproduction suffira, et elle permettra toujours pour
le moins de faire commodément une étude préalable du texte.
Est-ce à dire que MM. Lumière et moi nous soyons satisfaits de l'exécution de ce
volume? Pas le moins du monde; mais grâce à une modification du procédé, qui ré-
duit au strict minimum le rôle de l'imprimeur, MM. Lumière comptent arriver dans
les volumes suivants à un résultat bien meilleur.
L. Clédat.
Comme on le voit, M. Clédat est du même avis que moi sur l'imperfection du Ca-
tulle et sur la nature des services qu'il rendra. M. Em. Thomas a porté un jugement
aussi sévère dans une note de son édition {Avertissement, p. vin, note i). Je n'ai rien
à ajouter à mon article. Il faudrait savoir si par le procédé photolithographique,
mieux surveillé dans son exécution, on peut obtenir des résultats satisfaisants. Les
prochains volumes de la collection nous donneront la réponse à cette question.
Paul Lejay.
CHRONIQUE
FRANCE.— La « Revue de philologie française» de M. CLÉDAT-adopte les modifica-
tions orthographiques suivantes (voir la brochure de huit pages in-S», qu'elle publie,
au prix de dix centimes, à la librairie Bouillon): 1° remplacer partout par une sl'x final
^uet ou prononcé comme s (caillous. Jalons, bébreus); 2° écrire par un ^ les adjec-
tifs et substantifs numéraux en :^ième, ^^aine; 3» à l'ind. prés, des verbes en re, oir,
ir, terminer uniformément par une s pure et simple les i"et 2» personnes, et par un
t la 3" personne du singulier (je prens, il prent) ; /^"^ ne jamais redoubler 1'/ ni le î
dans les verbes en eler et en eter (fappèlej ; 5° ne jamais faire l'accord du participe
passé quand le complément direct est le pronom en, quand le participe est suivi
d'un infinitif sans préposition (je les ai vu venir), pour le participe de coûter et de va-
loir.
— V Annuaire de la jeunesse, que M. H. Vuibert publie à la librairie Nony au prix
modique de trois francs (in- 12°, 900 p ), renferme dans ses trois parties Instruction,
Ecoles spéciales, Carrières et professions un tableau rapide et complet de notre ou-
tillage scolaire et un grand nombre de renseignements de tout genre sur nos gran-
des écoles, les moyens de s'y préparer et leurs débouchés.
— La librairie Sidot (Nancy, rue Raugraff, 5), publie I es jetons de l'Hôtel de Ville
de Nancy aux xvi", xvii'' et xvni' siècles, descriptions de ces jetons et de quelques
I autres qui intéressent la même ville, par M. Léopold Quintard. L'ouvrage, gr. in-4»
I raisin, orné d'un frontispice et de cinq planches en phototypie, se vend 12 francs,
ALLEMAGNE. — La collection des Deutsche Litteraturdenkmale du xviii» et du
Ixixe siècle que M. Seuffert publie, avec la collaboration d'autres érudits (Sauer,
iMuncker, Baechtold, Schmidt, Martin, Minor, Geiger, d'Urlichs, etc.), est désormais
Bditée, non plus par la librairie Henninger de Heilbronn, mais par la librairie Gœ-
Bchen, de Stuttgart. Elle compte à l'heure actuelle 32 volumes et se grossira bientôt
i'un volume nouveau : les poésies complètes d'Uz.
— La librairie Teubaer, de Leipzig, annonce les publications suivantes : Kalb,
^oms Juristen nach ilirer Sprache dargestellt ; Sudhaus, éd. des Volumina rheto-
60 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
rica de Philodème ; J.-W. Beck, Syiionyma Ciceronis, adjectae sunt Differentiae ser-
momim; Proksch, Auleitung ^ur Vorbereitung auf Ccesars Gallischen Krieg, III;
Rud. HiLDEBRANDT, Gesamiuelte Aiifscet:{e iind Vortrœge :{iir deutschen Piiilologie
und :{um deutschen Unierriclite ; W . Vietor et Fr. Dœrr, Uebungsbuch ^um englis-
chen Lesebuch [UnterstufeJ.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 1 1 juillet i8go.
M. d'Arbois de Jubainville annonce que la commission du prix La Fons-Méiicocq
a décidé de ne pas décerner le prix et d'en distribuer le montant (i,8oo fr.) ainsi :
1,200 fr. à M. Abel Lefranc, pour son Histoire de l.t ville de Noyon et de ses insti-
tutions jusqu'à la fin du xiue siècle, et 600 fr- à M. Alcius Ledieu, pour l'ensemble
de ses publications relatives à la Picardie.
M. Alexandre Bertrand entretient l'Académie des fouilles que dirige, pour le mi-
nistère de l'instruction publique, M. J. de Morgan, dans le Linkoran (nord de la
Perse, littoral de la Caspienne).
Ces fouilles ont donné les plus heureux résultats. M. de Morgan a constaté, dans la
contrée explorée par lui, l'existence d'un grand nombre de sépultures en forme de
dolmen. Mais ces dolmens, au lieu de renfermer, comme ceux des pays Scandinaves,
un mobilier funéraire de pierres polies, appartiennent, les plus anciens à Tâge du
bronze pur, les plus récents à l'âge du fer. M. de Morgan croit pouvoir affirmer que
le pays était inoccupé quand les constructeurs de ces monuments (qu'il croit être
des Aryens) sont venus s'y établir. L'âge de la pierre aurait été inconnu dans le
Linkoran.
Plus de treize cents objets ont été recueillis au cours de ces fouilles. Plusieurs
caisses, destinées au ministère, sont déjà en route. La vue des objets qu'elles ren-
ferment permettra de se faire une idée plus exacte de l'industrie de ces populations
primitives des montagnes septentrionales de la Perse.
M. Saglio, reprenant la question de l'existence du chat domestique chez les an-
ciens, débattue dans une précédente séance, met sous les yeux de ses confrères les
reproductions de divers monuments où il reconnaît l'image de cet animal, savoir :
i" Des peintures de tombeaux étrusques, oià l'on voit des chats dans l'iniérieu
des habitations, notamment un chat qui, pendant un repas, joue, sous les lits o'
sont couchés les convives, avec un poulet et une perdrix privée;
2" Deux hydries du Musée britannique, du v^ siècle avant notre ère, dont les pein^
tares représentent des chats familiers dans l'intérieur d'une école de musique : l'ui
est tenu en laisse, un autre est debout sur un escabeau et un jeune homme lui offn
un gâteau ;
30 Un couvercle peint, du Musée de Berlin, qui représente des souris chassées à
la fois par des hommes armés de bâton et par des chats : ceux-ci, rencontrant des
jattes, se précipitent pour y boire;
4° Un bas-relief lIu Musée du Capitole (celui-ci moins ancien que les monuments
précédents), où est figuré un chat dressé à danser au son de la lyre.
M. Wallon, secrétaire perpétuel, donne lecture de son rapport semestriel sur les
travaux de l'Académie.
M. Ravaisson, continuant la lecture de son mémoire sur la Vénus de Milo, donn^
des détails sur la façon dont se pratiquaient autrefois dans nos musées les restaura
tions qui ont défiguré tant de monuments précieux et dont il a enfin fait cesser
l'usage au Louvre. En ce qui concerne la Vénus, on n'osa pas la restaurer entière-
ment, à cause des divergences d'opinion qui s'étaient produites sur la façon d'enten-
dre cette restauration : mais, par des travaux en apparence peu considérables, on la
prépara en vue d'un système préconçu de restitution et on en altéra l'aspect assez
giavement pour retarder de longtemps la véritable interprétation du monument.
Ouvrages présentés : — par M. Siméon Luce : i" Labourasse (H.), Vouthon-Haut
et ses seigneurs; 2" Vimont (Eugène), Histoire du collège de Rabodanges ; — pai
M. Delisle : 1° Thierry- Poux (Olgar), Premiers Monuments de l'imprimerie ei.
France au xv« siècle; 2" Tourneux (Maurice), Bibliographie de l'histoire de Paru
pendant la Révolution française, tome 1, 3° Colin (Germain), Poésies, publiées pa'
Joseph Denais; — par M. Ravaisson : Les Manuscrits de Léonard de Vinci, P^^^^'
par Ch. Ravaisson-Mollien, Sf^ fascicule; — par M. Georges Perrot : Diehl (Cn.)j
£xcursions archéologiques en Grèce.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N' 30 - 28 juillet - 1890
Sommaire î 334- CuRTi, La création de la langue. — 335. Smyth, Le vocalisme
du dialecte ionien. — 336. Paulson, Un nouveau manuscrit de Chrysostome. —
337, Benndorf, Album archéologique. — 33S. Gudmundson, L'habitation en Is-
lande. — 339. U. Chevalier, Répertoire hymnologique. — 340. Clédat, Gram-
maire élémentaire. — 341. Du Pac de Bellegarde, L'église catholique de Hollande.
— 342. Brunel, La Nouvelle Héloïse et M"'* d'Houdetot. — 343. Grand-Carte-
RET, J. J. Rousseau jugé par les Français d'aujoura'hui. — 344. Surcouf, Robert
Surcouf. — 345. Salamon, Mémoires, p. p. Bridier. — 346. Welschinger, Le
roman de Dumouriez. — 347. Berenzi, L'école bresciane de lutherie. — 348.
MossMANN, Cartulaire de Mulhouse, V. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
334. — Die Sprachscfaœpfunjs. Versuch einer Embryologie der menschiichen
Sprache, von Theodor Curti. Wiirzburg, A. Stuber, 1890. In-», 74 pp. Prix :
I mk. 5o.
On remarquera, dans le nouvel ouvrage de M. Curti, maints aperçus
ingénieux, notamment sur le langage des animaux, maints rapprociie-
ments intéressants, sinon convaincants, et une classification fort métho-
dique de ce qu'il nomme les « Uripijrter », premiers embryons du lan-
gage humain. Mais, puisque le malentendu persiste entre ceux qui pros-
crivent le problème de l'origine du langage et ceux qui s'obstinent à en
chercher la solution dans les mots et les soi-disant « racines » des lan-
gues historiquement connues, puisque, malgré tout ce qu'on a dit et
écrit, l'on n'entrevoit pas encore la formule de synthèse supérieure qui
conciliera les positivistes et les idéologues de la linguistique, il faut se
borner à signaler le livre à l'attention de ceux-ci, en prévenant les autres
qu'il ne paraît pas de nature à les convertir.
V. H.
335. — Xlie Vowel System of tlie lonîc Dialect, by Herbert Weir Smyth,
Ph. D. Extracted from the Transactions of the American Philological Association.
(Strasbourg, Triibner, 1890). ln-8, i38 pp.
Tous les linguistes, et particulièrement tous les hellénistes qui s'inté-
ressent au progrès des études dialectologiques, connaissent le nom de
M. H. W. Smyth, et il est désormais superflu de faire l'éloge de sa mé-
thode et de la valeur scientifique de ses travaux. Ce qu'il entreprend au-
jourd'hui, c'est l'analyse statistique et raisonnée du vocalisme ionien,
œuvre plus ardue qu'il ne semble de prime abord. Ainsi qu'il le fait re-
marquer au début, le dialecte ionien est encore bien peu connu, eu égard
à son importance historique et littéraire et aux monuments qu'il a lais-
Nouvelle série, XXX. 3o
62 REVUE CRITIQUE
ses : longtemps on a vécu sur l'idée que, quand on changeait les a en y)
et qu'on résolvait toutes les contractions, on faisait de l'ionien, à peu
près comme on pourrait faire du picard en remplaçant partout ch fran-
çais par A' et c sifflant français par c/z. L'état déplorable dans lequel nous
sont parvenus les divers manuscrits d'Hérodote, successivement corri-
gés par des scribes qui les adaptaient à leur langue ou les « hyperioni-
saient » à leur plaisir, n'était pas de nature à rectifier cette vue som-
maire, et même la découverte de nombreuses inscriptions n'apportait
qu'un faible adjuvant à la reconstitution définitive du texte; car, à sup-
poser que la langue d'Hérodote ne fût contaminée {v.v/,px[j.érr,)^ que dans
son lexique, et eût gardé pur le phonétisme ionien, il n'en résultait
point nécessairement qu'il eût écrit dans la langue usitée de son temps;
il demeurait au contraire infiniment probable qu'il avait dû se servir de
quelque dialecte littéraire ou de convention, où dès lors le départ du
réel et du convenu reste encore à faire. On n'y arrivera que par la col-
lation constante et scrupuleuse des sources manuscrites et des sources
épigraphiques, méthode dont M. W. S. nous donne à la fois Tapplica-
tion et le modèle.
Son étude comprend une période d'environ dix siècles, soit du
VIII® avant notre ère au ii^ après, espace de temps largement suffisant
pour l'évolution d'un langage, s'il était possible de saisir des traces d'é-
volution dans l'ionien; mais, sauf dans les positions d'où il a été débus-
qué de bonne heure par la y.otvr) attique, l'ionien semble plutôt avoir
duré que vécu. En tout cas, d'un bout à l'autre de sa vie et de son do-
maine, les traits essentiels de son vocalisme subsistent sans altération, et
c'est le vocalisme seul que M. W. S. a eu en vue dans sa monographie.
Son plan très simple consiste à examiner successivement chacune des
voyelles — brèves, longues et diphtongues — du dialecte ionien, en la
rapportant à chacune des voyelles panhelléniques dont elle peut être le
substitut. L'ouvrage se termine par le relevé, également très détaillé,
des rencontres de voyelles et des contractions ioniennes. L'absence d'un
index alphabétique ne serait un défaut que si cette lacune ne devait pas
être comblée dans l'avenir au cours des travaux ultérieurs de l'auteur
sur le même dialecte.
Il va sans dire que M. W. S. n'a pas la prétention de résoudre toutes
les questions qu'il soulève. Quelques-unes sont désespérées. Ainsi y.aÀéç,
avec son a long ionien, demeure une énigme après comme avant ses re-
levés (p. 42) : il est aussi difficile de renoncer à une forme imaginaire
*y.V>c; ou V.x),/,;;, que de croire à l'emprunt ou à la contamination pour
un mot aussi usuel. Sur le type ionien à'/s-rfidr^ opposé au type attique
à\rfiti3. (a bref, p. 5o et 62), on voudrait des explications plus précises.
C'est l'ionien qui paraît ici dans le vrai : les féminins des adjectifs con-
sonnantiques se formaient au moyen du suffixe -î (cf. lat. suâvis = sk.
svâdvî), qui en grec donnait -j'a (a bref) ; au contraire, les noms fémi-
nins tirés des mêmes adjectifs avaient le suffixe -id (cf. lat. prûdent-ia,
d'histoire kt de littérature 63
glôria = sk. cravas-yd, etc.), et le grec même a conservé trace de cette
différence dans le contraste de çépoucia participe féminin et ^(tçiom\ix {jx
long) substantif dérivé ; lorsqu'on cessa d'employer en grec le féminin
des adjectifs du type àX-rjôriç, les deux formations, très voisines, durent
se confondre partiellement. — L'enclitique y^ (p. 21, i. n.), n'a aucun
rapport ni sémantique ni morphologique avec le sk. hi (puisque) toujours
accentué : la locution grecque ciyj est, au point de vue du sens et de Tac-
cent, l'exact équivalent du sk. nahî ^. — Le retour partiel de v; ionien
à a long attique, révoqué en doute p. 48, est pourtant mis en évidence
par l'exact parallélisme des contractions attiques àXr^Oéa devenant àXY]6Y}
et s'uçuéa devenant 'eùçuv], d'où eù^ua. — On ne voit pas trop comment
l'introduction du vocalisme ionien aurait 'i défiguré » le mot àOavaxoç :
si les Ioniens n'ont point écrit *7jOava-:sç tout comme yiv£(;.6£'.ç, c'est sans
doute que l'a initial n'était long que par position. — Le génitif çpéaTOç
(p. 1 1 1), devait être rangé sous la rubrique e -|- a long.
Il est à souhaiter que M. H. W. Smyth nous donne bientôt la suite de
ftes études si fortement documentées.
V. Henry.
336. — Symbolte ad chry^ot^touium patrem scripsit J. Paulson, II, de Libro
Holmensi. Lundae, Hjalmar Mœller, 1890, 96-v pp. in-4.
JM. Paulson nous a donné déjà sur un ms. de S. Jean Chrysostôme
une étude dont j'ai rendu compte il y a quelques mois '. Voici un
Hv deuxième ms, décrit, dépouillé, collationné avec le même soin minu-
:^- tieux et la même sagacité. Comme le Lincopensis, le Holmensis est
mutilé; il présente le texte plus ou moins complet d'une série d'homé-
lies dispersées dans les tomes III, IV et V de l'édition Migne. Ce qui
est important, c'est que le contenu paraît correspondre à ce qu'on 2ip-
ptUs le Catalogiis Aiigustamis. Des Indices, fort bien faits, terminent
ce travail et permettent de se retrouver facilement dans la masse énorme
de détails qu'il contient.
P.-A.-L.
337. — liVIenei* Vorlegeblaetter fur archaeologische Uebungen. 1889. Heraus-
gegeben von Otto Benndorf. Wien, A. Holder, 1890. In-fol.
Le nouveau fascicule de cette publication (cf. Revue crit., 1889, I,
p. 32i) contient 12 planches d'une très bonne venue, dont sept offrent
une collection de peintures de vases signés et les cinq autres des monu-
ments divers relatifs à la légende d'Œdipe, au cycle thébain et aux scè-
nes figurées sur la ciste de Ficoroni. La plupart de ces gravures ont été
faites sur des dessins nouveaux ; il y en a même quelques-unes d'inédites,
1. Cf. Mém. Soc.ling., VI, p. 378 sq.
2. Rev. a\, 1890, I, 307.
64 REVUE CRITIQUE
Parmi les vases signés, nous signalerons ceux de Ménaidas, d'Annasis, de
Timagoras, de Lasimos,qui appariiennent au musée du Louvre et dont
on trouve ici des dessins fidèles exécutés, sous la surveillance de M. E.
Pottier, par M. Devillard. Le texte est extrêmement bref; il se borne à
donner les références essentielles aux publications modernes, sans abor-
der les questions de technique et d'exégèse, sans même indiquer les su-
jets. Il nous semble qu'il y a là quelque excès dans la sobriété et que
huit ou dix lignes sur chaque gravure ne seraient pas un luxe superflu.
Salomon Reinach.
338. — Pi'îvntbolifsen pâ leland i Sagaliden samt delvis i det œvrige Norden
af Valtvr Gudmundsson (publié avec une subvention de la fondation du comte
Hjelmstjerne-Rosenkrone). Copenhague, And. Fred. Hœst et fils, 1889, iv-270 p.
in-8.
La question des demeures privées dans le Nord, après avoir été bien
des fois traitée, est plus que jamais à l'ordre du jour; en même temps
que le présent ouvrage, deux autres paraissaient sur le même sujet : l'un
en Danemark (les Anciennes maisons danoises du xvi^ au xvn" siècle,
par R. Mejborg) ; l'autre en Finlande (Die Gebœude der Tcheremis-
sen, Mordwinen, Esten und Finnen^ par le d'' A. O. Heikel). Notre au-
teur peut remonter plus haut que ses prédécesseurs ou ses émules con-
temporains, non pas que les constructions anciennes se soient beaucoup
mieux conservées en Islande qu'en Norvège, en Danemark ou en Suède,
mais parce que ses sources fort abondantes, les sagas, sont de plusieurs
siècles antérieures aux documents des autres pays Scandinaves. Il est vrai
que ces derniers sont également mentionnés çà et là dans les sagas, quoi-
que celles-ci traitent surtout des mœurs et usages de l'île où elles furent
composées pour la plupart. C'est donc l'Islande qui, selon la remarque
fort juste de M. Valtyr Gudmundsson, doit servir de terme de compa-
raison pour les temps anciens, sans remonter d'ailleurs au-delà du ix'= siè-
cle, puisque l'on ne sait rien sur les chapelles et cellules des cénobites
Gaëls, les Papas, premiers occupants de VUltima Thulé.
Il y avait d'ailleurs de nombreuses différences entre les constructions
de l'Islande et celles des autres pays Scandinaves : les habitants de cette
île, ne possédant en fait de bois de charpente que les troncs d'arbres
amenés par la mer, étaient le plus souvent réduits à bâtir en pierre et en
terre; tandis qu'en Danemark, où il n'y a pas de rochers en Jutland et
dans l'archipel des Belts, on se servait surtout de bois et, après le dé-
boisement, de briques en terre cuite. Des modifications ont aussi dû
avoir lieu dans le cours des temps : les sagas l'attestent en disant que
telle manière de construire était en usage à telle époque, de sorte que,
à la lueur des renseignements donnés par elles, nous pouvons parfois
suivre le développement des formes architecturales. Notre auteur a grand
soin de signaler les modifications tenant aux contrées et aux temps. Mais
i
d'histoire et de littérature 65
ce n'était pas la partie la plus difficile de sa tâche : il fallait établir avec
précision le sens des termes appliqués aux habitations, à leurs divisions
et à leurs détails. Outre que les descriptions ne sont pas toujours claires,
elles suffisent bien rarement à donner une image nette des objets que
l'on n'a pas sous les yeux, mais en réunissant, en comparant et en com-
mentant les passages des sagas relatifs à chaque sujet, M. V. G. en a
exprimé tout ce qu'il était possible d'en tirer, et ce n'est pas peu de chose,
on peut le dire à la louange de ces récits historiques ou romanesques
(les derniers ne devant pas être dédaignés dans la présente question),
car il n'y a que les plus riches littératures pour peindre non seulement
les hommes, mais aussi les circonstances dans lesquelles ils ont vécu.
Les habitations privées des Islandais du moyen âge, si simples et si
modestes qu'elles fussent, méritaient d'ailleurs bien d'être décrites : elles
ne comportaient pas la promiscuité des peuples barbares, chez lesquels
les âges, les sexes, les rangs, sont confondus, et les personnes à peine
séparées des animaux domestiques. Il y avait des bâtiments de plus de
deux cents pieds de longueur sur une trentaine de largeur. On avait
généralement cru jusqu'ici qu'ils se composaient d'une seule pièce, mais
M. Valtyr Gudmundsson a démontré qu'ils comprenaient plusieurs ap-
partements et chambres (cuisine, salle à manger, chambres à coucher,
ou tout au moins alcôves autour de la cuisine), soit sous un toit com-
mun, soit en différentes constructions communiquant entre elles par un
corridor couvert. Ses assertions sont confirmées par de nombreux restes
d'anciens soubassements, ainsi que par des constructions encore exis-
tantes. Ne s'en tenant pas à ces généralités, il passe successivement en
revue la forme des constructions et les matériaux employés (argile en
place de chaux ou de plâtre; planches en place de briques pour séparer
les pièces); huit diverses espèces de toits (cintré, conique, en coupole, à
deux pentes, en appentis, en plate-forme, en mansarde, en croupe et
demi-croupe); les couvertures en gazon, en chaume, en planches gou-
dronnées (mais non en tuiles'; les fenêtres et lucarnes servant aussi bien
au passage de la fumée et de l'air que de la lumière; enfin les diverses
sortes de pièces; la chambre commune, la cuisine, le dortoir (avec l'es-
trade en bois qui régnait autour et qui servait de lit commun, plus tard
divisée en alcôves et même en chambres), le garde-manger, les corridors,
l'étuve, le gynécée, les latrines, le magasin, la forge, la cave, le hangar,
la remise des embarcations, la chambre des esclaves, le moulin, le bûcher,
la vacherie, la bergerie, la grange, l'écurie, l'étable à chèvres, la porche-
rie, la gelinière, le parc à moutons, le cellier, la cour, les clôtures, l'o-
rientation des maisons, les chalets. Trente plans et dessins dans le texte
en facilitent l'intelligence, comme une table des termes islandais facilite
les recherches. Cet ouvrage, fait avec soin et où sont résumées toutes
les notions sur le sujet fournies par les sagas, devra être consulté pour
l'histoire générale de l'habitation humaine.
E. Beauvois.
66 REVUE CRITIQUE
339, — Repertorîuni iiyuanolo^icum. Catalogue des chants, hymnes, proses!
séquences, tropes en usage dans l'église latine depuis les origines jusqu'à no8
jours, par le chanoine Ulysse Chevalier, correspondant de l'Institut, i" fascicule^
Louvain, décembre 1889. Grand in-8 de 272 p.
Le nouveau répertoire de M. U. Chevalier comprend les lettres A, B,i
C et une partie de la lettre D (jusqu'à Deus) et se compose de 4,539 ar-
ticles qui sont numérotés ^ C'est un nionument de courage, de patience,!
de précise érudition. M. C. n'a pas seulement entrepris de cataloguer*
toutes les pièces lyriques de Péglise latine, quel que soit le nom que ces
pièces portent dans l'histoire liturgique, déjà imprimées : il a voulu
dresser aussi l'inventaire aussi complet que possible de celles de ces piè-
ces qui sont encore inédites. On est effrayé à la pensée de Pimmensité
des recherches auxquelles l'auteur s'est livré dans les collections publi-
ques ou privées, en France et dans presque tout le reste de TEurope.
L'admirable bibliographe a tout dépouillé : bréviaires, missels, antipho-
naires, processionnaires, simples livres d'heures, vies de saints, recueils
divers qui pouvaient renfermer quelque document hymnographique,
enfin des manuscrits innombrables de toute provenance, mais princi-
palement consultés à la Bibliothèque nationale de Paris, à la bibliothè-
que royale de Bruxelles, à la bibliothèque du Vatican, etc.
Autant la science de l'auteur est vaste et solide, autant sa méthode est
simple et sûre. Les chants d'église sont enregistrés par lui dans l'ordre
alphabétique des premiers mois, avec le premier ou les premiers vers de
la pièce. Puis sont condensés en quelques lignes tous les renseignements
utiles aux travailleurs : 1° la nature du morceau, chant, hymne, sé-
quence, prose ou trope, avec désignation de la fête et de la partie de l'of-
fice auxquelles il appartient; 2° le nombre des strophes et des vers com-
posant la strophe; 3" le nom de l'auteur, certain, probable ou douteux,
tout au moins le siècle oîi le morceau apparaît pour la première fois;
4° les sources manuscrites ou imprimées où il se trouve, spécialement
les bréviaires et les missels, avec la date du manuscrit ou de l'édition;
5° la liste des auteurs qui l'ont édité, traduit ou commenté. Tout cela est
indiqué avec une netteté parfaite et le Repertorium hymnologicum sera
d'un usage aussi commode que fructueux.
Pour plus de détails sur le plan et l'importance de l'ouvrage et sur lej
!«'■ fascicule, je renverrai mon lecteur à une notice spéciale fort bien!
faite et dont, dans mon incompétence, j'ai prudemment tenu grandi
compte 2; je me contenterai de dire que l'on ne peut assez louer les di-
i.-Le manuscrit est terminé avec le chiffre de 24,400 et M. C. espère qu'avant la|j
fin de l'impression il l'aura aisément porté à 25, 000. Il rêve même déjà à un supplé- •[
ment qui, grossi par de nouveaux voyages, donnerait plusieurs milliers d'autres arti-
cles.
2. De l'hymnologie latine à propos d'un ouvrage récent par l'abbé A. Devaux iLyon,
Vitte, 189O; brochure grand in-80 de 25 p.). J'emprunte au docte critique une anec-
dote qui montre mieux que de longs discours l'utilité du recueil de M. C. (p. i5) !
d'histoire et de littérature 67
vers mérites du savant qui nous aura donné deux répertoires bibliogra-
phiques auxquels l'érudition étrangère n'a rien à comparer 1,
T. DE L.
340. — Grammaîre élémeutalre» par L. Clédat, professeur à la Faculté des
Lettres de Lyon, lauréat de l'Académie française. - Livre du Maître. Paris, Emile
Bouillon, 1890. Petit in-12, i65 p. t fr. 5o.
M. Clédat a composé cette grammaire élémentaire pour ses enfants,
et c'est sur eux qu'il l'a expérimentée. Il a su, comme dit Montaigne,
« se ravaler pour s'accommoder à leur force, à leurs allures puériles ».
C'est pourquoi il a réussi à faire pour les débutants un petit livre à la
fois simple et original, et d'autre part à donner d'excellents conseils à
ceux qui sont chargés d'enseigner les premières notions du français. L'au-
teur n'a pas suivi Tordre théorique des parties du discours. Il commence
par donner quelques notions générales et sommaires sur le nom, Tad-
jectif et le verbe, ces éléments principaux de toute proposition. Les en-
fants, dont le vocabulaire est très restreint, commencent, dès qu'ils peu-
vent exprimer leur pensée, par employer le plus souvent ces trois espè-
ces de mots : il faut donc qu'ils apprennent d'abord à les reconnaître, à
les distinguer, et qu'ils sachent quel rôle jouent les noms et les adjectifs
dans la phrase, à quoi sert le verbe placé entre un nom et un adjectif, à
quoi servent les verbes qui ne sont pas placés devant un adjectif, etc.
Des exemples bien choisis, composés avec des mots que les enfants con-
naissent, où l'accord, comme disait Joubert, entre l'adjectif et le subs-
tantif, sera non seulement grammatical, mais moral, serviront plus au
développement progressif de leur esprit que les déhnilions les plus sa-
vantes. Plus tard et peu à peu on leur fera lire et écrire de courtes phra-
ses qui contiendront des articles, des pronoms, des adverbes, des pré-
positions, et par des analyses orales fréquemment répétées (exercice qui
est aujourd'hui beaucoup trop négligé), ils se rendront compte de cha-
que mot séparément, le maître ayant bien soin de procéder toujours du
connu à l'inconnu. Le tort des grammairiens et de beaucoup d'institu-
« Une revue, ordinairement bien renseignée, a commis une méprise assez explicable,
mais qui n'en est pas moins fort instructive. La Revue de l'art chrétien vient grave-
ment de publier, en qualité de pièce inédite, la prose Verbum boniim et suave ; il n'y
a qu'un petit malheur, c'est que cette prose se trouve intégralement dans 54 missels
et i3 éditions, sans compter d'autres écrits qui n'en donnent que les variantes. 11 est
vraisemblable que pareille erreur n'est pas isolée, et que les éditeurs d'hymnes an-
ciennes, pourraient, à la lecture du Repertoriumliymnologicum, regretter amèrement
que cette bibliographie n'ait pas existé de leur temps. »
I. Avant 1889 il n'existait aucune bibliographie hymnologique. M. A. Devaux
m'apprend (p. 1 5), qu'il vient d'en paraître une en Angleterre, en même temps que
celle de M. Chevalier : Moorsom, A historical companion to hymns ancient and mo-
dem, etc. (London, 1889). M. Chevalier, ajoute M. Devaux, n'a rien à craindre de la
comparaison; la bibliographie anglaise n'a que 25 hymnes latines en regard des
2,297 de M. Chevalier pour la lettre A: le reste à proportion!
68 REVUE CRITIQUE
teurs est de supposer des connaissances à priori chez Tenfant : ou ils
fabriquent pour lui des définitions exprimées dans des termes abstraits
qu'il peut retenir, (car la mémoire à cet âge est la principale faculté), mais
qu'il ne comprend pas, ou ils donnent aux règles une expression syn-
thétique sans les rattacher à un fait déjà connu, c'est-à-dire qu'ils posent
à l'enfant des problèmes qu'ail n'est pas encore en état de résoudre.
M. Clédat en donne des preuves frappantes, et il a raison d'insister pour
qu'on lui ménage les mots abstraits, les exceptions, les difficultés gram-
maticales. Quand il aura grandi, et que son jugement sera développé par
un petit nombre de connaissances bien digérées et solidement acquises,
il pourra alors aborder les complications délicates de l'orthographe, mais
en attendant il faut le promener sur un grand chemin uni, où il n'y a
ni ronces ni épines. J'ai relu cette grammaire plusieurs fois dans l'in-
tention de faire à Fauteur quelques objections de détail, mais le tout est
si raisonnable, si juste, si bien marqué au coin de Pexpérience, et parti-
culièrement les chapitres qui traitent du verbe, que je ne trouve rien
autre chose à dire que la recommander aux maîtres et maîtresses des
écoles enfantines.
A. Delboulle.
341. — Du Pac de Bellegarde. Coup d'œîl sur l'ancienne église catho-
lique de Hollunde, et Récit de ce qu'on a fait sous Clément XIV pour con-
cilier cette église avec la cour de Rome. Publié d'après les manuscrits inédits
par Rich. J. Hooijkaas. Un vol. in-^, 5g pp. La Haye, Martinus Nijhioff, 1890.
Le titre très détaillé de cette brochure indique suffisamment son con-
tenu. Ces deux mémoires fournissent quelques détails nouveaux sur
l'histoire de l'Eglise séparée de Hollande. Le premier qui n'est guère
qu'un résumé de VHistoire abrégée de l'église métropolitaine d'U-
trecht du même auteur, ne méritait peut-être pas d'être imprimé. L'é-
diteur donne une reproduction minutieuse du manuscrit, mais l'anno-
tation est insuffisante 1.
L. G. P.
342. — La IVouvelIe Héloïso et Mn>e d'Houdedot, par Lucien Brunel.
Berger-Levrault, gr. in-8 de 63 pp. 1889.
Depuis longtemps on aurait dû parler ici de cette brève, mais substan-
tielle et très originale étude sur la Nouvelle Héloïse. On ne le peut que
bien tardivement ; mais il n'est jamais trop tard pour signaler un travail
qui fait la lumière sur plus d'un point obscur de la vie et de l'œuvre de
Rousseau.
Quand on veut étudier la vie de Rousseau, on la cherche dans ses
I . La langue de l'éditeur n'est pas toujours correcte et il y a même à la première
ligne un barbarisme (inventariser).
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 69
Confessions plutôt que dans la Nouvelle Héloïse. Pourtant, la biogra-
phie est souvent un roman bâti sur des faits réels, et le roman une his-
toire vraie — vraie à demi et çà et là — mêlée à de pures fictions. On
s'était toujours douté que ce roman, si peu lu, si fastidieux aujourd'hui
dans son ensemble, mais éloquent et poignant par endroits, était dans
une certaine mesure une œuvre vécue. Il semble que l'auteur ait tenu
à éveiller la curiosité sans la satisfaire. Dans la seconde préface, il écrit :
« La correspondance entière est-elle une fiction? Gens du monde, que vous
importe?» — (( Ce n'est pas ainsi qu'on imagine », observait Duclos;et
Voltaire allait jusqu'à affirmer que c'était -■( Jean-Jacques tout pur ». On
sentait vaguement cela, mais personne n'avait alors le moyen de préci-
ser. De nos jours même, aucune étude consacrée à Rousseau n'a apporté
de lumière décisive sur ce petit problème. Villemain constate que le pu-
blic chercha l'homme dans son œuvre, sans dire s'il l'y trouva. Saint-
Marc-Girardin (J .-J. Rousseau, ch. 7) écrit bien : « 11 vit sa Julie en
M™e d'Houdetot, et il vit M^'^d'Houdetot telle qu'il rêv^iit Julie » ; mais
c'est reproduire simplement l'aveu de Rousseau lui-même dans les Con-
fessions, et Saint-Marc-Girardin est si loin d'aller au fond des choses
qu'il parle beaucoup moins de M™'' d'Houdetot que de M""^ de Warens.
Enfin, dans le Dix-huitième siècle de M. Faguet, le meilleur chapitre
peut-être est l'étude sur Rousseau. Il y est parlé de la Nouvelle Héloïse.,
où Rousseau a mis tout son cœur, mais l'affirmation n'est pas appuyée
de preuves.
Le premier, croyons-nous, M. Brunel a essayé, dans une étude criti-
que et approfondie, de remettre sous leur véritable jour bien des faits
habilement dénaturés par Rousseau pour les besoins de sa cause, notam-
ment en ce qui concerne ses relations avec M""^ d'Houdetot et leurs con-
séquences. A Tétude des faits il rattache une très curieuse étude sur la
genèse du roman; je les réunirai pour plus de clarté.
Les deux premières parties de \a Nouvelle Héloïse forment une idylle
voluptueuse, dont l'inspiration manque de chasteté, mais non de sincé-
rité ni de vigueur. Rousseau, dans ses Confessions, affecte de dédaigner
ce « remplissage verbeux » auquel il s'abandonnait, dit-il, sans aucun
plan arrêté. Il y est déjà pourtant sous les traits de Saint-Preux; mais
c'est un Rousseau jeune, ou plutôt rajeuni par les rêveries vagues et
passionnées dont il se grise au printemps de lySô, peu de temps après
son arrivée à l'Ermitage. Tout à coup M'^'= d'Houdetot vint fixer ces
rêveries indécises: « Je la vis, j'étais ivre d'amour sans objet; cet objet se
fixa sur elle; je vis ma Julie en M"'« d'Houdetot. » C'est alors qu''i[vécut
la 3"^ et la 4^ partie de son roman.
Distinguons la réalité et la fiction. Réalité : Rousseau a aimé
M""" d'Houdetot, mais M'"'' d'Houdetot n'a jamais songé à aimer Rous-
seau. Elle est fiattée, sans doute, d'apprivoiser ce sauvage; mais elle
aime, elle aima constamment, pendant un demi-siècle, Saint-Lambert,
alors à l'armée, et M. d'Houdetot, qui ne porta pas moins de constance
/O revue'^critiquk
dans une autre passion extra-conjugale, disait d'elle et de lui : « Nous
avions tous deux la vocation de la lidélité ; seulement, il y a eu un
malentendu. » Dans ses Confessions. Rousseau lui donne tous les me'-
rites et garde pour lui tous les torts. Ne semble-t-il pas cependant
que, se sentant invulne'rable près de Rousseau, elle en ait abusé pour
coqueter impunément avec lui, et l'affoler, cœur et sens? Il est vrai que
sa situation était difficile entre un fou comme Rousseau, qu''il fallait
ménager, ne fût-ce que par pitié, et un amant-époux comme Saint-Lam-
bert, Gont il fallait craindre d'éveiller la jalousie. C'est pour tout conci-
lier, sans doute, qu'elle imagina cet accommodement équivoque dont l'i-
dée plut si fort à Rousseau : « Elle ne me parlait de rien avec tant de
plaisir, que de Tintime et douce société que nous pourrions former entre
nous trois^ quand je serais devenu raisonnable. •» Voyons maintenant la
fiction : « Il (Wolmar) avait raison de croire que l'amitié, qui commen-
çait à s'établir entre nous rendrait cette société agréable à tous les trois. »
Ces points de contact entre la fiction et la réalité, M. B. les met ingé-
nieusement en lumière. Seulement, il ne faudrait pas exagérer la thèse.
Ce Saint-Preux, très amoureux, mais très sage en fait, c'est bien Rous-
seau, mais un peu idéalisé et apaisé ; cette Julie toute à ses devoirs,
mais hantée de doux souvenirs qui parfois la troublent, ce ne serait
tout à fait M"" d'Houdetot que si celle-ci avait eu à faire le sacrifice
d'un amour pour Rousseau qui n'a jamais existé; ce Wolmar, mari
confiant, philosophe imperturbable, est tel que Rousseau eût souhaité
Saint-Lambert, mais non pas tel que Saint -Lambert s'est montré
d'abord, car, averti par une indiscrétion, il témoigna quelque froideur,
quelque irritation même. M'"^ d'Houdetot devint plus prudente, et le
rêve du ménage à trois s'envola.
A quelles roueries, souvent peu délicates, Rousseau eut alors recours,
M. B. nous ledit; il montre le romancier amoureux, d'une part essayant
par de belles protestations d'endormir la jalousie de Saint- Lambert ; de
l'autre s'efforçant, comme l'atteste M^^^ d'Épinay, de faire naître chez
y[mQ d'Houdetot des scrupules sur une liaison qu'il juge criminelle,
pour la séparer de Saint-Lambert et la rapprocher de lui. Mais surtout
il indique avec une force et une clarté toutes nouvelles quelles sont les
vraies causes de la rupture de Rousseau avec Diderot (cf. la préface de
la Lettre sur les spectacles), conséquence directe des fausses manœu-
vres de Rousseau, près de M^^^ d'Houdetot et de Saint-Lambert d'abord,
près de Diderot ensuite. Appuyée sur des dates précises, cette explication
est absolument différente de celle qui est donnée dans les Confessions .
Loin d'avoir été trahi par son ami, c'est Rousseau qui l'a trompé; loin
de l'abandonner, Diderot et Saint-Lambert l'accablent de leur généro-
sité au moment où, brouillé par sa faute avec Grimm et M'"'^ d'Épinay,
il doit quitter l'Ermitage.
Dès lors, la. Nouvelle Héloïse peut finir, et doit finir médiocrement. 1
Les deux dernières parties en sont froides, n'étant plus soutenues par lesJ
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 7I
émotions et les souvenirs personnels. Tandis que le roman écrit est
couronné par la scène touchante de Meillerie et par la mort de l'hé-
roïne, le roman vécu resta, pour ainsi dire, suspendu en Pair, faute d'un
Wolmar qui sût comprendre et guérir Saint-Preux. M. B. a donc
le droit de conclure que la Nouvelle Héloïse vit surtout parce qu'elle a
d'individuel et de réel ; et nous avons le droit de le féliciter d'avoir éclairé
cet intérêt essentiel de l'œuvre. Mais le sentiment de la nature et la mé-
lancolie qui respirent dans les lettres sur le Valais et dans les dernières
scènes ne doivent rien à M""^ d'Houdetot. Même dans la partie vécue,
la fiction se mcle souvent à la réalité qu'elle altère. M™"^ de Staël a dit
très justement de Rousseau qu^il rêvait plutôt quMl n'existait et que les
événements de sa vie se passaient dans sa tête plutôt qu'en dehors de
lui. Voilà ce qui fait son roman si complexe et sa vie si contradictoire.
Autant que M. Brunel je le blâme, mais plus que lui je le plains.
F. Hémon.
343. — John Grand-Carteret. J.-J. Etousseau jugé pan les Français
fl'aujouiMl'Iiui. I vol. in-8 de xxxii, byb pages. Paris, librairie académique,
i8go.
Il a paru à Genève en 1878, lors du centenaire de Rousseau, un petit
recueil de six conférences, sous ce titre : J.-J. Rousseau Jugé par les Ge-
nevois d'aujourd'hui. Six professeurs de Genève, dont quelques-uns
(Amiel, Marc Monnier, Oltramare) avaient une très étendue notoriété,
et qui tous représentaient avec autorité l'élite lettrée de leur ville,
s'étaient partagé les principaux points sur lesquels il y avait lieu de juger
Rousseau. « Loin de se répéter, disait à bon droit Téditeur, ces confé-
rences devaient former un tout harmonique. Leurs auteurs étudiaient
successivement dans Rousseau, le philosophe, le politique, l'éducateur,
tout ce qui, en un mot, a fait de lui le grand initiateur sous tant de
rapports différents. » Ce recueil contient, en effet, un véritable corps de
doctrine. Vu son lieu d'origine, vu la circonstance qui en avait donné
l'idée, et dont il devait perpétuer le souvenir, il était assez naturel qu'il
tournât au panégyrique. Mais comme les écrivains associés pour cette
pieuse entreprise étaient gens de critique et d'enseignement, il était cu-
rieux de voir à quelles conclusions les amènerait, cent ans après la mort
du grand Genevois, le sentiment patriotique qui leur était commun avec
leur auditoire, corrigé, tempéré, dominé par leur méthode et leur
conscience de savants. Ils ont dédaigné de partir en campagne contre des
ennemis imaginaires ou frivoles. Ils ont simplement et comme de vrais
juges (puisque jugement il y avait) résumé les éléments du débat,
déterminé les points de vue qui leur paraissaient équitables, et prononcé
en faveur de Rousseau (non sans réserves) une opinion fortement mo-
tivée, qui n'affiche pas la prétention d'être définitive, mais qui doit faire
date, et dont toutes les parties s'adaptent assez exactement pour que cette
œuvre collective présente le caractère d'unité qu'elle annonçait.
72 REVUE CRITIQUE
Le i^ros volume publié par M. Grand-Garteret (à propos de la statue
de Rousseau inaugurée à Paris, place du Panthéon, le 3 février 1889)
est destiné, comme l'indique la similitude du titre, et comme le décla-
rent les premières lignes de la préface, à servir de pendant au recueil de
Genève, : cette fois, c'est « Rousseau jugé par les Français d'aujour-
d'hui ».
Mais une enquête de ce genre avait-elle sa raison d'être en France?
Il est permis d'en douter. II n'y a pas à l'heure présente en France, sur
Rousseau, d'opinion dominante et locale. Il en est chez nous tout autre-
ment qu^à Genève, où depuis cinquante ans Rousseau est à l'ordre du
jour, devant un public relativement homogène, qui a sa physionomie
propre, et qui s'est formé sur ce sujet, moitié par étude, moitié sous l'in-
fluence de préjugés respectables, une manière à peu près uniforme de
penser et de sentir. Il se peut qu'en France les préjugés ne soient pas
moins forts ; le principal auteur de l'ouvrage en est à lui seul un assez
bel exemple ; mais ils sont plus variés : chaque groupe philosophique,
religieux ou politique, applique à Rousseau des passions particulières,
en sorte que de cette anarchie je ne crois pas qu'il puisse résulter un
jugement commun ou moyen. En outre, laconnaissance de Rousseau est
parmi nous médiocrement répandue. Avouons-le : si française que soit
sa gloire, il n'est pas pour nous un sujet d'étude national. Les senti-
ments de mille Français, sur son compte, fussent-ils réunis en un seul
volume, ne seraient que mille sentiments individuels, et non pas le
« jugement des Français d'aujourd'hui. » Il n^y a pas là chez nous,
même au suffrage restreint, matière à plébiscite.
M. G.-G. a simplement présenté une sorte d'album à un certain nom-
bre de nos concitoyens lettrés, en les priant d'inscrire (un peu à la hâte, j
nous disent quelques-uns, et nous les en croyons) ce qu'ils pensaientde
Rousseau en général, ou de telle question à leur choix relative à Rou-;
sseau. Chacun a répondu ce que bon lui semblait, sur le sujet ou à côté.
Chaque réponse a sa valeur propre, extrêmement variable. Mais de cette
bigarrure, ou plutôt de ce chaos, je détie qu'un habile homme par-
vienne à dégager une conclusion, et je pense bien que, si l'on en pouvait j
dégager une, M. G.-C. n'aurait pas négligé de couronner ainsi son œu-j
vre. Comme il ne l'a pas fait, nous en voyons le pourquoi. Mais àquoij
bon alors sa consultation ?
En outre ces jugements, pour disparates qu'ils puissent être, n'auraientJ
de portée que s'ils émanaient des hommes qui, en critique, passent icif
pour chefs d'école. Lesquels ? ce n'est pas mon affaire de le dire, et je n'au-
rai garde de désobliger personne. Il est cependant hors de doute que le;j
« Français d'aujourd'hui >> ne sont pas représentés ici par leurs inter-
prêtes les plus qualifiés. Il est même regrettable que les illustrations don
M. G.-C. s'est procuré le concours, un Daudet, un Mézières, un Berthe-
lot, ne se soient pas mises en frais pour Rousseau, et n'aient vraiment pa
donné toute leur mesure Mais surtour parmi les Français qui font ic|
d'histoire et de littératurb ^3
figure comme sMls étaient chez nous les hérauts de Topinion, il s'en
trouve bien la moitié dont la signature n^engage qu'eux-mêmes. Cela fait
beaucoup de bruits discordants, et, ce qui est pire, beaucoup de bruit
pour rien.
Des aperçus, même hardis, ne sont pas des jugements. De là une con-
fusion de plus, et bien des morceaux parasites. Voici, par exemple, M. le
docteur Roussel, qui par des arguments très solides, je le veux croire,
assurément fort techniques, soutient que les cinq enfants de Rousseau,
les cinq enfants-trouvés, n'ont jamais existé, par la raison que son infir-
mité lui interdisait d'en avoir. Voici M. Edgar Monteil qui recom-
mande à notre sympathie certains vices secrets du grand homme, en
nous faisant entrevoir combien cette prétendue tare a favorisé le déve-
loppement de son originalité. Voici encore M. Eugène Garcin qui nous
montre en Rousseau le maître favori, « l'inspirateur » de Lazare Car-
not, découvre dans le Contrat social l'idée mère de la garde nationale,
et qui, en si beau chemin, finit par faire remonter au philosophe la
plus belle part de nos gloires militaires pendant la Révolution. Enfin,
voici toute une section du livre (qu'on aurait pu sans inconvénient
grossir encore) fort justement intitulée : Fantaisie. Cette section n'est
pas, tant s'en faut, la moins attrayante. Mais, ce me semble, on nous
promettait des jugements.
Dans le détail, il y aurait beaucoup à reprendre en fait d'exactitude,
beaucoup plus encore en fait de goût. Les enthousiastes, à qui M. G.-C.
paraît s'être adressé avec une extrême complaisance, se sont installés dans
son volume comme chez eux, et y ont épanché tout à leur aise un gali-
matias qu'il serait cruel d'imputer aux « Français d'aujourd'hui », qui
sont plutôt, sur cet article, en voie d'amendement. Les études d'un ca-
ractère précis et limité sont les plus instructives et, par surcroît les plus
agréables : Jean-Jacques devant la nature., par Jules de Glouvet;
J .-J . Rousseau précurseur, par Albert Réville; /.-/. Rousseau musi-
cien, par Arthur Pougin, etc.
Il y a fort heureusement, comme dans les solennités académiques de
province, \xut partie artistique qui aide à prendre patience. Le volume
s'ouvre par quelques poésies; celles de M. Chantavoine et de M. Manuel,
deux sonnets, ont bien de la grâce. 11 est d'ailleurs orné de gravures, dont
quelques-unes sont curieuses et ont bon air, et de deux fac-similé. Le
petit recueil genevois n'a pas, hélas ! tous ces agréments ; mais en revan-
che il réalise beaucoup mieux l'idée dont il est né, ce qui est bien aussi
quelque chose.
L. Brunel.
344. — Robert SureouT, par RoBERT SuRCOUF, ancien sous-préfet. (Paris, Pion,
1890, in-8 de (vii-524) p.)
Ce livre est une monographie du célèbre corsaire malouin, écrite par
un de ses descendants, qui a voulu présenter la véritable image de celui
74
REVUE CRITIQUE
que la légende et les romans ont quelque peu défiguré. L'auteur a cher!
ché des preuves irréfutables dans nos archives nationales; il s'est aid|
des travaux de Ch. Cunat et des Mémoires de Garneray, qui fut le $«
crétaire de Surcouf. Tout en écartant avec soin ce qui n'est pas absol
lument démontré, il lui est resté assez d'actions glorieuses pour consa
crer une véritable épopée en l'honneur de son aïeul. Il nous décrit avec
talent les luttes incessantes et les combats de tous les jours; il nous fait
aimer cet homme d'une nature exubérante, intrépide, généreux, terri-
ble dans la bataille, humain dans la victoire, et dont les grandes vertus
guerrières font aisément excuser un peu de violence et d'indiscipline.
H.-D. deGrammont.
345. — HW de Salamon. Mémoires inédits de l'internonce à Paris, pendant la
Révolution 1790-1801, avec introduction, notes et pièces justificatives, par l'abbé
Bridier, du clergé de Paris. Paris, Pion, 1890. In-8, lvi et SyS p. 7 fr. 5o.
Louis Siffenn de Salamon, auditeur de la rote et doyen du chapitre
d'Avignon, conseiller-clerc au Parlement de Paris, était internonce de
Pie VI auprès de Louis XVI lorsqu'éclata la Révolution. Ce fut lui qui
répandit les brefs relatifs à la constitution civile du clergé et rédigea
Tadresse des catholiques de Paris(6 octobre 1791). 11 était donc signalé
aux révolutionnaires. Aussi fut-il arrêté et conduit à l'Abbaye. Il
échappa aux massacres de septembre. Mais, comme dit son biographe
(p. xxxni), il y avait en lui deux personnages et tous a deux devaient
avoir maille à partir avec la Révolution. L'internonce en était quitte,
du moins pour le moment. C'était le tour du magistrat ». Il avait
collaboré à la protestation du Parlement contre les actes de l'Assemblée
nationale ; ce document fut découvert en 1794, et un décret de prise de
corps lancé contre les signataires. De nouveau Salamon échappa, et
lui-même raconte qu'il erra au plus épais du bois de Boulogne, cou-
chant sur la paille ou sur des feuilles, sans abri, sans pain, comme un
vagabond ou comme une bête fauve. Sous le Directoire, il fut derechef
emprisonné, d'abord à la Grande Force, puis à là Conciergerie ; il
devait négocier un concordat entre le pape et le gouvernement français
(p. 235), mais son courrier fut arrêté et une lettre qu'il écrivait au papeij
interceptée. Salamon était sous le coup d'une accusation capitale,'
Bellart, son avocat, le sauva par un chaleureux plaidoyer. L'internonce
a raconté ses Prisons dans des mémoires qu'il composa tout exprès
pour M"'« de Villeneuve, entre 1808 et 181 2; mais,, par précaution, il
les écrivit en italien. M. l'abbé Bridier les a traduits en français et l^J
publie aujourd'hui. On lui en saura gré. Tout d'abord, sans être ur
révélation, ces Mémoires contiennent de dramatiques détails sur le
journées de septembre, et on les rapprochera très utilement du récit dî
l'abbé Sicard — que Salamon nous montre « caché en un petit endron
retiré qui servait de lieu d'aisances » et « assis sur une pierre, au miliem
D''HISTOmE ET DE LITTÉRATURE 7 5
de l'infection » (p. 102). En outre, le livre deuxième, où Salamon ra-
conte son odyssée de proscrit, est bien curieux par les anecdotes qu'il
renferme, et, comme dit M. B., il « donne la sensation de la Terreur ».
Enfin, la physionomie de Salamon est assez originale; ce n'est pas,
ainsi que l'observe l'éditeur deses Mémoires^ un prêtre comme l'héroïque
curé de Saint-Jean en Grève ; c'est un prêtre qui fréquente peu les gens
d'église et fait sa société des gens de robe, qui « débite des rapports au
lieu de prêcher des sermons, instruit des procès au lieu d'entendre des
confessions, connaît mieux les coutumes de France que son Ecriture
sainte » (p. xxxix); en somme, diplomate, homme du monde, naïve-
ment satisfait de lui-même, plus Italien que Français, égoïste, poltron,
gourmand, mais couvrant tout cela sous de grands airs, et sympa-
thique par sa franchise et par la tendresse filiale que lui inspire
sa vieille gouvernante, Texcellente Blanchet, « la perle des héroïnes
de ces Mémoires » et, comme dit le docteur Guastaldi (p. iSg),
a la plus estimable des femmes ». L'introduction que M. B. a mise à
son texte, se lit avec autant de plaisir que de profit; il y a, outre les
recherches historiques, de l'esprit et de la verve. Mais pourquoi M. Bri-
dier dit-il que, « comme de juste, il a fait la toilette » aux Mémoires de
Salamon? Cette expression nous inquiète '. Comment n'a-t-il pas vu
(p. 6) que le mot inconnu et qu'il prend pour un mot de terroir, j'iïo-
lante, n'est autre que « epistolante ~ n — ou, puisque le texte est « mal
écrit », quelque chose de très approchant? Pourquoi n'a-t-il pas remarqué
une grave erreur de Salamon qui déclare qu'au moment des massacres
« une nouvelle assemblée s'était réunie sous le nom d'assemblée législa-
tive », qu'elle « avait cominencé ses travaux par la proclamation de la
République, et, le 27 août, décrété le serment de liberté et d'égalité »
(p. 3o) ? Pourquoi écrit il Monotte le nom de l'horloger Monnot, le
sauveu'' de Sicard (id.) et ne donne-t-il pas le nom du « très vieux
soldat, lieutenant général des armées du Roi », qu'il était si facile de
trouver (p. 43) 3 ? Citons enfin .SiîzV// pour Bailly (p. i 3o, i3i, i32),
Sulx pourSaulx (p. i63), Le Coûteux et Le Couteau pour Le Couteulx
de La Noraye (p. 3o2 et 307).
A. Chuquet.
1. P. 126, nous lisons dans le texte : « Si j'ai péché, j'espère avoir obtenu mon
pardon de la miséricorde infinie de Dieu » et en note « le tour italien est plus leste,
e a ciascun peccato misericovdia ». Pourquoi n'avoir pas traduit « et à -tout péché
miséricorde?» — P. 292, le passage « indéchiffrable» ne l'est pas du tout : La diffe-
ren:^a die non la caricava, e die essa andava sentendola, traduisez : la différence, c'est
qu'elle (ma sœur) ne la remontait pas et qu'elle (la montre) marchait en la pressant.
— De même (p. 270) ; si caryo:^:ça di ^eppi signifie « panier à salade, voiture des con-
damnés », ne dit-on pas una mala :{eppa,\xn mauvais sujet ï Quant à /d mia lovala...
ed'era bleio (p. 29), cela doit signifier « et j'étais beau », mais je ne connais pas bleio.
2. « Elle allait jusqu'à m'écrire trois lettres par jour. C'était une terrible (pitolante)
que j'avais à mes trousses ».
3. Wittgenstein.
76 RKVUE CRITIQUE
34Ô. — H. Welschinger. i.o Roman fie Uumourlez. Paris, Pion, 1890. In-8,
332 p. 3 fr. 5o.
Ce volume renferme cinq études .Le roman de Dumourie:{, Le li-
vret de Robespierre, Adam Lux et Charlotte Corday, Le comité de
salut public et la comédie française, Le journaliste Lebois et /'« Ami du
peuple », qui n'ont pas du tout, comme le croit M. Welschinger, « une
réelle cohésion », Aussi l'auteur a-t-il simplement— et inexactement —
intitulé son livre, comme font nos romanciers, d'après la première de
ses études, le Roman de Dumourie\. Ce roman, c'est le mariage de Du-
mouriez avec M"° de Broissy, mariage qui commença par la passion la
plus vive et se termina par une séparation à Tamiable. M. W. a con-
sulté la correspondance des deux époux et en reproduit d'attachants
extraits : « C'est à la femme^ conclut-il, que doivent s'adresser toutes nos
sympathies. C'est à elle, à l'épouse lâchement abandonnée, injustement
sacrifiée qu'il convient d'en adresser l'ample tribut. » Soit. Mais il fau-
drait ajouter que la femme de Dumouriez fut très dévote, très intolé-
rante, très acariâtre, et que sa maîtresse, M"'*' d'Angel ou de Barruel-
Beauvert, fut pour lui « l'amie sincère » à qui « il confiait avec sûreté
ses espérances et ses chagrins »'.— Dans la deuxième étude, M. W. étu-
die (et il le reproduit entièrement à l'appendice) un cahier où Robes-
pierre écrivait en 1793, à la hâte et en quelques mots, ses pensées les
plus intimes. — La troisième étude, la plus faible de l'ouvrage, est
consacrée à Adam Lux, cet admirable fou. Mais il faudra, même après
M. W., consulter encore le bel article de Louis Bamberger (Revue mo-
derne du I" oct. 1866) et M. W. n'a connu ni le récit saisissant de
Georges Kerner (voir le Bilderbuch de son frère Justin p. 75-92), ni
l'étude de Jean Paul Ueber Charlotte Corday, ni les pages brillantes
de Venedey (Die deutschen Republikaner, III, 140-157; Venedey avait
consulté la seconde fille de Lux); ni deux lettres importantes de Fors-
ter. Le 23 juillet 1793, Forster écrit sur son collègue mayençais les
lignes suivantes :« 11 a laissé libre cours à la vivacité de ses sensations et
imprimé son opinion sur les événements du jour ; par suite il s'est attiré
la colère et peut-être la vengeance de ceux qui peuvent tout. Son dessein
est noble; son courage, héroïque; son sentiment, juste et beau. » Le
lendemain, il écrit de nouveau : « Mes craintes se sont vérifiées. Mon
collègue a été arrêté ce matin, parce qu'en effet, soit imprudemment,
soit héroïquement, selon qu'on prend son action, il a hautement loué la
jeune fille qui a levé le poignard sur Marat avec un si merveilleux cou-
rage. Elle a fait perdre la tête à ce brave garçon qui ne connaît rien de
plus heureux que de devoir mourir pour elle et pour le parti qui lui
semble avoir exclusivement raison. La preuve qu'il a été en réalité trop
profondément saisi par ses sentiments : depuis huit jours il n'a presque
rien pris, et durant toute une journée il mange à peine le quart d'une
I. Cp. ce que dit d'elle Boguslawski, II, 285.
J
d'histoire et de littérature 77
livre de pain, et rien d'autre. On trouve que ses écrits troublent la tran-
quillité publique. Je lui avais toujours conseillé de ne pas s'abandonner
à son imagination, mais je préchais dans le désert; la crainte même de
me compromettre, la seule qui eût sur lui quelque influence, ne l'a pas
retenu. Il sera impossible de faire pour lui la moindre démarche, et il
ne le désire pas du tout. » — La quatrième étude de M W. expose les
rapports du comité de salut public avec les théâtres de la Nation et de
la République, et la censure brutale, rigoureuse qu'il exerça. — La
cinquième étude nous fait connaître, non sans lacunes, le journa-
liste Lebois qui continua la feuille de Marat, VAmi du peuple. — Ces
cinq études de M. Welschinger, composées d'après les documents des
archives nationales, se lisent avec intérêt, malgré quelques fautes assez
graves ^
A. Ch.
347. — Berenzi. Gll ai-teficî liutai Bi>esclani. Lettura con note. Un vol. in-8,
32 pp. Brescia, Appollonio, 1890.
Cette conférence faite à l'Athénée de Brescia, le 12 janvier i8go, est
un intéressant résumé de tout ce qui a été écrit sur l'école bresciane de
lutherie. Les assertions d'Arthur Pougin, Vidal, G. Hart, J. Stainer,
Heron-Allen, y sont critiquées et parfois corrigées. Les passages sur Gas-
paro da Salô et sur Scarampella sont surtout remarquables. Le second
a même une valeur de document original.
L. G. P.
I. p. 10, c'est en 1771 et non en 1772 que Dumouriez fut rappelé et remplacé par
Viomesnil ; — p. i6, lire du Muy et non de Muy ; — p. 20, Pirch et non Pirscit ; —
p. 66, Collot n'a pas coifle Dumouriez du bonnet rouge; — p. 68, M""' Dumouriez
était à Saint-Quentin, lorsqu'elle fut arrêtée ; — p. 101, il s'agit de René Moreaux, et
non de Moreau ; — p. 129, lire Kostheim et non Klostheim; — p. i3o, reporter les
séances du 26 et du 27 octobre au 24; supprimer le nom de Chantly, écrire Rûhl et
non Buhl ; — p. i32, lire d'Oyré et non Varé (\); — p. i52, M. W. se flatte d'avoir
mieux compris que Vatel les sentiments d'Adam Lux; il a tort : Lux n'éprouvaif pas
pour Charlotte Corday un « amour réel »; comme l'a très bien vu Venedey, Lux ju-
geait que Charlotte « avait fait quelque chose de plus grand que ce qu'il projetait lui-
même », et il faut dire avec Bamberger que « si son enthousiasme emprunte certaines
tournures au langage des amoureux, ce sentiment ne pouvait sérieusement entrer pour
quoi que ce fijt dans les mobiles de ses actes arrêtés depuis longtemps»; — p. 161, je crois
de même, avec Bamberger, que le patriote Moschenberg, « dont le nom est tout à fait
inconnu dans les annales de la révolution de Mayence », n'est autre que Lux. M. W.
ne trouve aucune ressemblance d'écriture entre la lettre de Moschenberg et les lettres
de Lux; parbleu ! — p. 176, les noms de Jean Paul, de Venedey, de Bamberger suffi-
sent pour que M. W. efface la phrase « les Allemands ont oublié Lux » ; — p. 25o,
lire Piorry et non Piori, p. 256, le titre de l'écrit de Lebois est non pas Rende:^
vous .' mais Rende^^-nous nos dix-huit francs ! (à moins que ce ne soit l'écrit intitulé
Rende:^-nous nos comptes et nos portefeuilles) — lire dans le « Livret de Robespierre »
rp. 288), Dentzelet non Deut^el ; — (p. 290), Blanval et non Blainval, Raffron et non
•Ra/»-o«, Jagot, et non Jayot, Laloy et non Laloi, Gentil du Mont-Blanc et non Gentil
Dunaut Blanc, Lombard Lachaux et non Fombaut Lachaux, Enlart et non Eulard;
— pourquoi ne pas dire que Lebois fut envoyé à Cayenne après l'attentat du 3 ni-
vôse (c'est du moins ce que rapporte la Biographie de Leipzig)}
yS RKVUK CRITIQUE
348. — Cnrtulnlre <le Mulliouse, par Xavier Mossmann, archiviste de la ville
de Colmar. Tome V. Strasbourg, Heitz ; Colmar, Baith, i88g, vin, bq3 p. in-4.
Prix : 2 5 fr.
Nous avons, à plusieurs reprises déjà, parlé du Cartulaire du Mul-
house aux lecteurs de la Revue. Le grand travail de M. X. Mossmann
avance avec une rapidité réjouissante. Le cinquième tome a suivi de
près ses aînés, et renferme les pièces relatives aux événements qui se
sont passés autour de la petite cité de la Haute-Alsace, depuis son en-
trée dans la Contédération suisse, de i5i6 à i586, mais avec une lacune
de quatorze années (i 549-1 563). Celle-ci provient de l'incendie de l'Hô-
tel-de-ville de Mulhouse, qui eut lieu en i552, et qui amena la des-
truction des dossiers d'affaires courantes et, par contre-coup, la disper-
sion des pièces officielles afférant aux années qui suivirent. Nous avons
longuement insisté, dans nos précédents comptes-rendus, sur les méri-
tes de la publication de M. M ., sur les soins minutieux qu'il lui a voués,
sur la longue préparation de son œuvre, préparation qui lui permet
de l'activer aujourd'hui, sans précipitation dangereuse pour sa valeur
scientifique. Nous n'aurions qu'à répéter ici ces éloges bien mérités.
Disons seulement que la seconde moitié du cinquième volume est con-
sacrée presque tout entière, à l'épisode le plus curieux de l'histoire de
Mulhouse au xvi* siècle, au procès des frères Finninger et du docteur
Schreckenfuchs et à tous les conflits qui s'en suivirent. Une insigni-
fiante querelle à propos d'un étang de la banlieue de Dornach, donna
lieu à des crises violentes, provoquées par la mésintelligence entre le
gouvernement aristocratique de Mulhouse, qui ne représentait en réa-
lité que la minorité des citoyens, et la majorité de ceux-ci. Elle amena
finalement l'intervention des cantons suisses. La rivalité des Eidgenos-
sen protestants et catholiques envenima la querelle, les premiers pre-
nant parti pour l'oligarchie régnante, les seconds soutenant le parti
populaire; c'est ce qui a donné lieu à certains historiens récents, d'at-
tribuer la révolution mulhousienne de 1586-87 à des motifs purement
religieux et d'y voir en quelque sorte un épisode de la grande lutte qui aj
se poursuivait alors par toute l'Europe en vue d'une contre-réformation
générale. Dans son introduction, M. X. Mossmann a nettement déter-
miné, ce nous semble, les véritables motifs du soulèvement populaire
et montré le rôle tout à fait secondaire que les questions religieuses
jouèrent en toute cette affaire. Le tome V s'arrête d'ailleurs au moment
delà révolution de décembre i586; le sixième volume nous en appor-
tera le dénouement. Le savant éditeur estime que ce prochain volume
suffira pour achever la belle entreprise à laquelle il a voué le meilleur
de ses forces depuis plus de vingt ans, et pour mener le dépouillement
des archives de Mulhouse jusqu'au moment où la petite république
helvétique s'absorbe, en 1798, dans la République française. Souhai-
d'histoire et de littérature 79
tons bien sincèrement au vaillant archiviste de Colmar que le couron-
nement de rédifice ne se fasse pas attendre i.
R.
CHRONIQUE
FRANCE — La 4« livraison du tome VII de V Histoire littéraire du xix» siècle, par
Ant. Laporte (Paris, Bouillon, 1889), contient la continuation de la bibliographie
des œuvres de V. Hugo, et termine le volume.
— M. Jadart nous envoie plusieurs études qu'il a composées tout récemment et qui
témoignent de son ardeur infatigable : 1° une notice biographique sur Nicolas Ber-
geat, dernier vidame du chapitre, premier conservateur du musée de Reims (ijSS-
i8i5); la notice est accompagnée de documents sur la fondation et les collections du
musée de Reims à Tépoque de la Révolution; 2" une notice historique et descriptive
de Véglise d'Asfeld (Ardennes), avec quatre planches donnant la vue, les plans et la
coupe longitudinale de cet édifice; 3° une notice sur le passage de Pierre le Grand
à Reims, le 22 juin 17 17; 4° la relation de Dom Sutaine, des derniers jours de l'ab-
baye de Saint-Remi de Reims (1790-1792), avec notice et pièces justificatives; 5" le
Catalogue des incunables de la Bibliothèque de Reims, sur lequel nous reviendrons
plus longuement.
ALLEMAGNE. — Dans le dernier automne, il s'est formé à Fribourg en Brisgau
un comité pour la restauration et la conservation de la cathédrale de cette ville. Dans
une grande réunion tenue le i3 mai de cette année, M. Kraus, si connu par son
Répertoire archéologique de l'Alsace-Lorraine, a exposé l'utilité de l'œuvre entre-
prise au triple point de vue religieux, artistique et patriotique; il a indiqué quels
étaient les travaux les plus urgents, dont il évalue le coût à 2 millions 1/4 de marcs;
il termine par un appel pressant au public allemand. Ce discours a paru dans une
brochure qui porte pour litre : Die Restauration des Freiburger Munsters. (Freiburg,
i. B. Herder, i5 p.in-80).
— La librairie Freytag, de Leipzig, nous envoie un recueil de pièces choisies des
élégiaques latins, préparé et annoté par M. Alfred Biese, l'auteur connu d'un livre
sur le sentiment de la nature chez les anciens {Rœmische Elegiker CatulV Tibull, Pro-
per:i[, Ovid, in Auswahl fur den Schulgebrauch, hgg. v. Alfr. Biese; xx-63 pp.;
1890 ; prix 75 pfennigs). Ce recueil est très capable de donnera déjeunes esprits une
idée juste et agréable de cette branche de. la littérature. Le choix est quelque peu
hardi : on trouve dans ce petit volume tout le roman de Catulle et de Clodia (pièces
5, 7, 8, 107, et autres). Mais peut-être péchons-nous en France par excès de réserve.
Le commentaire a un caractère bien élémentaire pour la classe élevée à laquelle on le
destine. Est-il utile de donner des notes comme celles-ci : diuum, gén. plur. ; nume-
'"«s, rhythmus ; nosti=-nouisti ; Romuli nepotes = Romani?
ANGLETERRE. — Vont paraître : The principles of Economies, par M. Alfred
Marshall (Macmillan) ; une nouvelle traduction anglaise de Rabelais, avec notes cri-
t. Parmi d'autres pièces, intéressantes pour l'histoire générale, nous signalerons
Particulièrement les rapports militaires de Franz Hagenbach, capitaine des milices
le Mulhouse, sur les opérations de guerre auxquelles il a pris part en Italie (i522)
■ous Lautrec. (p. 52-68).
80 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
tiques et explicatives, par M. W.-F. Smith (tiré par souscription à jbo exemplaires!
ITALIE, — Vient de paraître chez l'éditeur Sansoni, à Florence, le i5e fascicul"
des Consulte délia Repubblica Jîorentina, publiées par M. Alessandro Gherardi. Ce
fascicule va de la p. 33 à la p. 72, et du 3o mai 1 29 r au 5 décembre de la même année.
— Le XVIIIc fascicule du Di:{ionario epigrafico de M. de Ruggiero, qui paraît à
l'instant (Rome, Pasqualucci), contient un article très développé sur l'administration
des eaux de Rome et les principaux aqueducs qui alimentaient la ville.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 18 juillet 18 go.
M. Siméon Luce rappelle que dans un mémoire communiqué à l'Académie l'année
dernière, et v-iublié depuis dans son volume : la France pendant la guêtre de Cent
ans, il a signalé le rang de «. dixième preux » donné, à partir du xv** siècle, sur l'i-
nitiaiive du duc Charles d'Orléans, au connétable Du Guesclin. Dans le même mé-
moire, M. Luce avait cru pouvoir appliquer à Jeanne d'Arc le nom de « dixième
preuse ». 11 vient d'apprendre, par une communicaiion de M. Emile Bouchei, d'Or-
léans, que l'idée d'associer Jeanne d'Arc aux « neuf preuses » traditionnelles re-
monte à environ trois siècles. Dans la grande salle de l'hôtel de ville de Hondschoote
(Nord), se voient des peintures tie la fin du xvi^ siècle ou du commencement du
xvii^ siècle, qui représentent dix ligures de femmes : celles des neuf preuses de la lé-
gende et celle de la Pucelle d'Orléans.
M. Babin. ingénieur des ponts et chaussées, fait un rapport sur les fouilles de
M. Schliemann à Hissarlik (Troie). A la suite des attaques de M. Boetticher contre
M. Schliemann et de la polémique qui s'était engagée à ce sujet, M . Babin a été dési-
gné par l'Académie pour assister à une visite contradictoire des lieux, faites au mois
de mars dernier, en présence de divers savants. Le résultat de cet examen a confirmé,
sur tous les points essentiels, les conclusions de M Schliemann et a démontré l'ina-
nité des suppositions de M. Boetticher, qui ne voulait voir dans les ruines mises au
jour que les restes d'une nécropole à incinération. On est en présence, non à la vé-
rité d'une ville proprement dite (l'espace occupé est trop restreint), mais d'une cita-
delle, dans laquelle on distingue des constructions d'au moins quatre époques diffé-
rentes. Les plus récentes sont d'époque grecque et romaine ; les plus anciennes ont
encore été peu explorées et l'on n'en saurait rien dire; la couche intermédiaire, celle
de la seconde époque, se compose de monuments aussi anciens que ceux de Tiryn-
the et de Mycènes Ces édifices paraissent avoir subi un ou plusieurs incendies, ce
qui explique que M. Schliemann ait cru pouvoir y reconnaître les restes de la Troie
homérique, brûlée par les Grecs après la prise de la ville.
M. Georges Perrot confirme les conclusions de M. Babin et insiste, après lui, sur la
valeur et l'exactitude des constatations techniques dues à M. Dœrpfeld, l'ingénieur
qui assiste depuis quelques années M. Schliemann dans ses travaux.
M. Ravaisson, continuant sa lecture sur la Vénus de Milo. parle des travaux dont
la statue fut l'objet dans l'atelier de restauration du Louvre. Ces travaux furent diri-
gés dans le sens de l'opinion préconçue, qui voyait dans la Vénus une figure isolée
élevant en l'air, de la main gauche, un symbole de victoire. M. Ravaisson explique
les circonstances qui, à l'époque dont il s'agit, favorisèrent cette manière de voir. \
expose en outre comment les divers fragments de la statue ont été, par ses soins, re-
mis dans leur état primitif et comment il est possible maintenant d'essayer la resti-
tution de l'ensemble.
Ouvrages présentés : — par M. Jules Girard : Ruelle (Ch.-Em.), Damascius, so>
traité des premiers principes, 111 (extrait de VArchiv fur Geschicfite der Pnilosophie)
— par M. Boissier : Lafaye (Georges), V Amour incendiait e (extrait des Mélanges à
l'Ecole française de Rome) ; — par M. de Barthélémy : La Noë (G- de), Principes de l
fortification antique); — par M. Le Blant : Schwab (Moïse), les Coupes magiques e
l'hydromaacie dans l'antiquité orientale (extrait des Proceedings of the Society 0^
Bîblical archaeology.)
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le l'uy, imprimerie Alarchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE El DE LITTÉRATURE
N" 31 - 4 août - 1890
Sommaire: 34g. Delbrûck, Les noms de parenté indo-europe'ens. — 35o. Vo-
GRiNZ, Grammaire du dialecte homérique. — 35 1. Houlfroid, Rome et ses mo-
numents. — 352. Zdekauer, Le Codice Pisano. — 353. La notation musicale du
moyen-âge. — 354. Bolte, Le Schlœmer de Stricker. — 335. Bernoni, Les Tor-
resani. — 356. Blandini, La tyrannie italienne à la Renaissance. — 357. Besson,
Fischart. — 358. Gindely, Wallenstein et son traité avec l'empereur. — 35g. Du
BoYS, La Monnoye et Thoynard. — 36o. Doumic, La question du Tartuffe. — 361.
ViGNOLS, La piraterie sur l'Atlantique au xviii' siècle. — 302. Hans, Le culte pro-
testant. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
349. — Ole Indogei-manî^chen Vei*'wan<Iti!>eliartsnamcn. Ein Beitrag zur
vergleichenden Aherthumskunde, von Berihold Delbrûck. (Des XI. Bandes der
Abhandlungen der philologisch-historischen Classe der Kœnigl. Saechsischen
Gesellschaft der Wissenschaften N» Vj. Leipzig, Hirzel, 1889. Gr. in-8, 228 pp.
Nos ancêtres indo-européens ne nous ont laissé d'autre témoin de
Jeurs mœurs et de leurs institutions sociales, que leur langue recons-
truite pièce à pièce par la philologie contemporaine. Tel est pourtant
l'attrait de ce passé inconnu, que plus d'une tentative a déjà été faite
pour évoquer de ses cendres le génie primitif de notre race ; aucune plus
habile et plus heureuse que celle de M. Delbriick. Son but a été surtout
.-.de réagir contre une de ces généralisations brillantes et hâtives, dont il
faut parler avec respect alors même qu'on les condamne; car elles vivi-
fient un instant ce qui sans elles ne serait qu'une poussière de faits iso-
lés, et, lorsqu'elles disparaissent enfin devant une vue plus saine et plus
exacte, elles gardent encore l'éternel mérite de l'avoir préparée. Je crois,
avec M. D., qu'après son étude la thèse du matriarcat indo-européen a
vécu, ce qui d'ailleurs n'infirmerait point l'hypothèse, toute gratuite
alors, d'un matriarcat antérieur à l'époque la plus lointaine à laquelle
nous reportent nos documents.
Dans la première partie de son livre (pp. 3o-i6i), l'auteur examine
les noms des divers rapports de parenté et d'alliance dans toutes les lan-
gues immédiatement dérivées de l'indo-européen, et relève les dénomi-
nations qui, se retrouvant dans deux branches au moins de la famille,
iont par là présumées remonter à la souche commune. De ce travail se
légagent bien des constatations importantes. Ainsi l'union conjugale en
ant que telle n'a pas encore de nom chez nos premiers parents (p. 62) :
isconnaissaient certainement la cohabitation durable, permanente, con-
muée jusqu'à la mort ; mais elle n'avait pas encore revêtu l'aspect d'une
nion contractuelle, qu'un régime monogame pouvait seul lui donner,
l est aussi bien curieux de voir (p. 67) que le mot « veuf » paraît être
Nouvelle série, XXX. 3i
82 REVUE CRITIQUE
dans toutes les langues une création postérieure, tirée par flexion ou
autrement de celui qui signifiait <\ veuve », en sorte que ce dernier seul
serait primitif et que Tétat de veuvage n'aurait eu de nom en indo-euro-
péen que par rapport à l'épouse. Ce fait cadre bien avec Tinterdiction,
pour la femme, de la polygamie, non seulement simultanée ou polyan-
drie (p. i63), mais encore successive, ou, autrement dit, des secondes
noces (p. 175), toutes prohibitions inconnues à l'époux. On s'étonne
toutefois de ne pas voir cité le grec -^(Oso;, qui sans doute signifie « céli-
bataire », et non « veuf », mais qui ressemble fort à vidiius et qui, à
raison même de son changement de signification, ne prête guère au
soupçon.
En dressant la statistique des noms de parenté, M. D. ne pouvait
manquer de s'engager sur le terrain périlleux de l'étymologie. Il s'y
meut avec aisance et avec une sage réserve. 11 aime mieux ignorer que
de hasarder une dérivation de pure forme qui n'ajoute rien à la valeur
connue d'un vocable, et ne croit point, comme il le dit, qu'un mot soit
expliqué lorsqu'on est parvenu à le suspendre tant bien que mal à quel-
qu'un de ces portemanteaux étiquetés qu'on dénomme « racines ». Il
rejette à peu près en bloc (pp. 6-7) les étymologies séduisantes et suran-
nées, qui faisaient du « père » le « gardien », de la « mère » la « forma-
trice », du « frère » le « supporter »_, et ainsi de suite. Ce sont bien plutôt,
enseigne-t-il, des appellations enfantines et caressantes {papa, tata,
marna), qui, d'amorphes qu'elles étaient, ont pris forme et flexion dans
la bouche des gens mûrs. Mais ce qu'il conserve des anciennes spécula-
tions sur les origines ne me paraît pas toujours aussi heureux ni aussi
sûr qu'à lui-même. La racine av, en sanscrit, signifie « secourir, proté-«|
ger », et Bergaigne se refusait à lui reconnaître un autre sens dans le^
Rig-Véda ' ; qu'on y joigne encore, si l'on veut, celui de « favoriser,
satisfaire » ; mais n'y a-t-il pas un peu de complaisance à partir de là
pour voir dans ïavos latin un « donneur », quelque chose comme 1
« grand-papa gâteau » de nos familles bourgeoises, et surtout à donnei
pour certaine cette quasi-divination (pp. i3 et 104)? Je ne suis pas no;
plus convaincu que le mot sanscrit vadhû « jeune épousée » ait rien à voir
avec la racine vah 1 traîner » et le cortège nuptial (pp. 36 et 61) : si je
ne craignais de tomber dans les errements mêmes que je critique, je
dirais que le mot peut tout aussi bien, sinon mieux, procéder de bandh
« lier, unir », et avoir dévié sous l'influence d'une étymologie populaire
qui le rattachait à vah. En revanche, je serais beaucoup plus aflirmatif
sur la formation Ao, pitâmahd « grand-père » en sanscrit, qui me paraî^
d'une parfaite limpidité (p. 95) : une juxtaposition telle que mahdh pitâ
a'aurait pu signifier que « père de grande taille »; en plaçant, contrai-
rement à l'ordre syntactique habituel ", le déterminant après le déter-
1. Journ. Asiat., vin» sér., IV, p. 469.
2. Les tondemcnts de la syntaxe indo-européenne, découverts et exposés par Ber-
gaigne, ont été admis sans moditication par M. Delbrùck dans sa Syntaxe védique,]
cf. Rev.ctit.,XXWU, p. 3.
I
d'histoire et de littérature 83
miné, on appelait l'attention sur l'épithète mahd et la signification
spéciale qu'elle revêtait; puis, la juxlaposiùon pitâ tJiahdh, tout comme
mitrd vdrunâ et tant d'autres, tout comme en latin triumvir, et en
français gendarme, s'est fondue en un seul mot dont on n'a plus décliné
que la fin.
Dans sa lï^ partie (sachlicher theil), l'auteur a réuni les principales
particularités que nous révèlent les livres rituels sanscrits, sur le ma-
riage, les rapports légaux des époux et le rang de préséance des divers
membres de la famille. Il va sans dire que ces documents ne valent, à
proprement parler, que pour l'Inde; mais ce sont, faute de mieux, les
plus rapprochés de la période indo-européenne et ceux qui le mieux en
reflètent les usages. M. D. les utilise avec l'esprit critique et la subtilité
d'interprétation d'un maître à qui la vieille littérature de l'Inde est de-
puis longtemps familière.
Relèverai-je quelques minuties : — l'omission assez étrange du grec
OTCaxpoç « consanguin », qui eût trouvé sa place p. 88 ; — l'omission des
mots ital. \io, esp. tio « oncle ■», qui, bien que l'auteur ait avec raison
exclu de son plan les langues modernes, auraient dû être cités (p. 1 13)
en tant du moins qu'étrangers à la langue latine ; — avia « grand'mère »
considéré comme féminin régulier de avos et apparié à un sk. *avî
(pp. 97 et i6o), alors que le suffixe qui devient î en sanscrit n'apparaît
point, ne peut même, si je ne me trompe, apparaître sous la forme ia en
Jatin ; — stritavos (p. 98), qui, malgré l'autorité de Festus et l'appui
que lui prête M. D., ne peut guère avoir été une vieille forme latine,
puisqu'il serait devenu '''stertavos ; — le suffixe latin -aster mentionné
(p. 93) sans aucune référence à l'ingénieuse théorie de M. Bréa! qui le
rattache presque sûrement à un emprunt grec ' ? Sur le mot Sa[;,ap exclu-
sivement hellénique (p. 45), j'ai proposé, il y a déjà plusieurs années,
une étymologie que je maintiens encore provisoirement ^.
Viennent enfin les lapsus : quelques fautes d'impression, dont la moins
insignifiante est le faux accent de silte (p. t3, 1. 3), et un léger contre-
sens sur un passage védique (R. V. VI, 5i, 5) cité p. 84; la scansion à
elle seule indique que l'épithète ddhnig « non nuisante » s'applique à
prthivi et non pas à dgne.
A plusieurs reprises (pp. 4, 21, 29], M. Delbrûck nous promet la con-
tinuation de ces belles et solides études. Elle sera accueillie avec un égal
Intérêt par les philologues, les historiens et les jurisconsultes soucieux
d'histoire ^.
V. Henry.
1. Mém. Soc. Ling., V, p. 346.
2. Analogie, p. 118.
3. Le système de transcription qu'adopte M. D. est irréprochable, mais non pas
tout à fait celui qu'il préconise (p. 2 1 5) : ne lui en déplaise, la notation du yod indo-
éranien par J au lieu dt y ne serait pas un progrès, mais un recul. Quelle lettre
demeurerait disponible pour l'explosive palatale sonore? 11 faudrait en revenir au g
agrémenté d'un accent quelconque, qui n'a rien de commode ni d'attrayant. Et puis,
84 REVUE CRITIQUE
35o. — VoGRTNZ. Granimattk «les liomei-îsclien Dialektes (Laut=:, For-
men = , Bedeutungs = und Saizlehrc: . Paderborn, Ferdinand Schœningh, 1889,
p. XVI-41G.
« Les critiques modernes, en ce qui concerne l'établissement du texte
d'Homère, sont tellement en désaccord qu''une entreprise comme celle
d'écrire une grammaire du dialecte homérique est véritablement un
opiisplenum alece [p. 2) »; néanmoins l'auteur pense qu'un tel livre
peut être composé avec quelques chances de succès (p. vu). Je crois vo-
lontiers que M. Vogrinz n'est pas étranger aux théories linguistiques qui
peuvent nous éclairer sur le lexique d'Homère; je veux bien recon-
naître aussi qu'il a, pendant longtemps sans doute, vécu intimement
avec le poète grec, et qu'il a étudié de près toutes les difficultés de cons-
truction et de syntaxe qui surgissent à chaque instant dans la lecture de
l'Iliade et de 1 Odyssée. Mais jai des réserves à faire, et je ne saurais dire
que l'auteur ait pleinement atteint son but. N'est pas grammairien qui
veut; on peut savoir beaucoup, et ne pas savoir exposer ce que l'on sait;
et dans le domaine grammatical, il est besoin, pour composer un ouvrage
didactique, d'une sûreté de méthode, d'une netteté d'exposition, d'une
précision d'analyse qui, sans manquer entièrement à M. V., ne me
semblent pas être ses qualités dominantes. Des cinq parties dont se
compose son livre (3^ partie: Dérivation et Composition, plus les quatre
indiquées dans le sous-titre), les dernières sont incontestablement les
meilleures; dans la syntaxe, M. V. critique à juste titre (p. 292) la ter-
minologie « embrouillée et pleine de contradictions » de la grammaire
usuelle. C'est là, en effet, une des causes principales qui rendent les
traités si indigestes, et un dss plus sérieux obstacles à la composition
d'une grammaire intelligible. Mais à côté de bonnes théories, d'analyses
judicieuses, on rencontre trop souvent des développements confus, des
résumés incomplets, et même quelques passages obscurs. Par endroits, ;,
M. V., qui pourtant a l'habitude de discuter et se laisse même aller à
des subtilités, se contente trop facilement de renvoyer aux Syntaktis-
che Forschungen de Delbruck ou à d autres ouvrages du même genre,
là où l'on a le droit d'exiger quelques éclaircissements et où l'opinion
de l'auteur cité est très contestable. Le texte d'Homère et les différentes
éditions sont d'ailleurs consciencieusement étudiés; M. "V. a su puiser
d'excellentes observations dans les remarques des éditeurs et les théories
des grammairiens, sans compter celles qu'il doit à ses propres recher-
ches. — Je regrette d'avoir à juger tout différemment la phonétique et la
morphologie. M. V. a sur ces sujets des idées toutes personnelles : il ||
revendique le droit (p. viii-ix) de se servir des hypothèses qui lui plai- |l
sent : je me garderai bien de le lui refuser; il trouve qu'il n'est point
démontré qu'on doive partir de la forme forte des racines, et qu'il lui
pitié pour ceux qui, dans leur courte carrière, ont déjà dû apprendre et désappren-
dre tant de transcriptions différentes! Il y a de bons alphabets, il n'y en a pas de
délicieux.
I
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 85
est loisible de prendre une autre forme pour point de départ : à son aise,
chacun est libre. On est libre aussi d'user d'une méthode défectueuse, de
donner des explications dénuées de fondement, de confondre des forma-
tions différentes, et de mélanger au hasard des formes qui n''ont entre
elles aucun rapport ^. Mais alors il n'y a pas lieu de s étonner si la criti-
que impartiale vous accueille avec peu de faveur; et pour dire ma
pensée tout net, les deux premières parties de ce livre, quelle que soit
d'ailleurs la valeur des théories linguistiques de M. Vogrinz, sont mé-
diocrement traitées. Dans la préface, Fauteur nous avertit que l'ouvrage
devait primitivement paraître en deux parties séparées; il eût mieux fait
de donner suite à ce projet, et de ne publier que la dernière. C'est la
seule dont on puisse tirer profit.
My.
35 I. — A. BouLFROiD. Rome, ses monuments, ses souvenirs. Grand in-8 Jésus de
3oo pages illustré de Hô gravures. Prix : 3 fr. Société de Saint-Augustin, Lille.
M. l'abbé Boulfroid me permettra de ne pas parler longuement de son
livre ; car il échappe à la critique. La Revue n'a pas à s'occuper du pou-
voir temporel du peuple, à souhaiter ou à repousser son rétablissement;
elle n'a pas non plus à discuter des croyances parfaitement respectables;
son domaine est limité à l'examen des doctrines ou des méthodes scien-
tifiques; il n'y a rien de pareil dans ce volume.
R.C.
35i. — Zdekauer (Lodovico), ssu l'origine del manoserîtto Pisano délie
Pandette (ïiustiniaiiee, e la sua fortuna nel medio evo. Un vol. in-8, 38 pp.
Sienne, Torrini, 1890.
Dans ce discours d'ouverture de son cours dedroit italien, M. Zdekauer
essaie de prouver que le fameux manuscrit de la Laurenlienne, dit
Codîce Pisano, a été écrit àRavenne, et, qu'avant d'arriver à Pise, il a
été connu à Bologne, où sa présence a contribué au développement des
ijétudes juridiques. Ces deux démonstrations sont menées avec une
pande richesse d'arguments et, la seconde surtout, semblent concluantes.
Zdekauer souhaite que ce précieux manuscrit soit phototypé intégra-
lement : c'est un vœu auquel tous les juristes et tous les paléographes
Vassocieront volontiers.
L.-G. P.
f. Quelques exemples entre beaucoup d'autres: P. 63 : «: dans towp et-nT^ap le p est
1s à la place du v, comme le montrent les langues congénères » ; id.: « noter les
Iccusatits 'Atto/zw, Uo'jimôi...-^ cette formation est fréquente dans les comparatifs, par
exemple Ua-ho »; p. 65 -. «■ le sufF. du génitif aux thèmes consonnantiques n'est
pas -0,-, mais -?, cf. le latin tiionti-s » ; p. 97 : « dans rjtov, Vn est dû au jod qui
suit, mais cet effet pouvait être facultatif, exemple iziuxTo. » Les thèmes en ï et ï,
■■i et û sont perpétuellement confondus. J'ajouterai qu'un certain nombre de renvois
au texte d'Homère sont inexacts, et ne sont pas corrigés dans les errata.
86 REVUE CRITfQUE
353. — Xhe Musiciil iVototion of tlie Aii<ldlc Ages exemplified by facsimi-
les of Mss. writtcn between ihe tenth and sixteenth centuries inclusive. (London,
1890, in -fol.)
Sous ce titre, \i\ Plain-song and Mediœval Miisic Society publie un
recueil de lac similes fort intéressant pour la musique et la paléographie
du moyen âge. Les 20 planches i qui le composent sont bien exécutées;
une planche supplémentaire contient des essais de transcription. La
préface résume assez nettement l'état de la question; mais d'où a pu ve-
nir aux éditeurs la bizarre idée de rédiger en latin les sommaires margi-
naux de cette préface qui est écrite en anglais ? On y lit le nom de l'abbé
Raillard, mais sans aucune indication bibliographique; il n'aurait ce-
pendant pas été inutile de citer {'Explication de Newnes, couronnée
par l'Acad. des Inscr. en 1860, le Mémoire sur la restauration du
chant Grégorien, Paris, 1862, et le Mémoire explicatif sur les chants
de l'Eglise rétablis dans leur/orme primitive. Paris, 1882. Enfin, les
notices qui accompagnent les planches sont maigres et même insuffisantes.
— Pourquoi cette jolie publication est-elle encore déparée par une inad-
vertance? Dans le texte de la pi. XI, la Haute-Savoie se nomme alla
Savoia. La forme Saboia fut, il est vrai, employée au moyen-âge; mais
les paléographes du xix* siècle ne sont pas obligés, dans leurs notices, de
rechercher ou plutôt d'exagérer ainsi la couleur locale.
L. D.
354. — De diitlesclie Schloemef, ein niederdeutsches Drama von Johannes ^
Stricker, i584, hrsg. von J. Bolte. Norden et Leipzig, Sollau, 1889. In-8, 76 et*i
238 p. 4 mark.
Le Dûdesche Schlomer de Jean Stricker est, avec le Verlorener Sohn
de Burkard Waldis, le meilleur drame qu^on ait en bas-allemand, eâjl
on saura le plus grand gré au Ver^iinfUr niederdeutscheSprachforsch^X
ung d'avoir fait éditer cette œuvre importante, La tâche a été confiée
à M. Bolte qui s'en est acquitté avec le soin le plus louable. Il a re-
produit le texte d'après l'édition originale de i584(Lubeck, Balhorn),
en ajoutant à la fin du volume les petits changements des deux réim*^
pressions de i5g3 (Francfort sur l'Oder, Voltz) et les préfaces rimé^
qui les accompagnaient. Mais Tintroduction de M. B. mérite surtoi
l'attention. Il raconte plus complètement qu'on ne l'avait fait jusqu'ici,!
la vie de Jean. Stricker — qui écrivait son nom Stricerius — et analyse!
son premier drame qui a pour sujet la chute d'Adam et Eve. Puis il
étudie très longuement les sources du Schliimer qui sont VHomului
allemand de Gennep (1540) et V Hecastus hxt'm de Macropedius (i539)j
mais « Stricker n'a pas fait une mosaïque à la façon de Gennep; les imi
rations littérales sont très clairsemées ; c'était un poète indépendant qur|
I. A propos de la pi. XII, cf. [Barrois]. Éléments carlov. linguistiques et littér.,
Paris, 1846, in-40, p. 5i.
d'histoire et de littérature 87
n'empruntait à ses devanciers que l'ide'e, et non l'expression » (p. 47).
Enfin, M. Boite termine cette précieuse introduction par une analyse
du Schlomer et par seize pages de remarques sur plusieurs mots et locu-
tions du drame. Toutefois, ces remarques eussent mieux et plus commo-
dément figuré, soit sous le texte, soit en appendice, et l'éditeur aurait
dû, dans le texte même, signaler par un chiffre ou une astérisque les
mots qu'il explique.
A. Chuquet.
355. — Dei Xori-esanl, Blado e Ragazzoni, celebri stampatori a Venezia e
a Roma nel xv e xvi secolo, cogli elenchi annotati délie rispettive edizioni per Do-
menico Bermoni, cavalière della Corona d'Ilalia. Milan, Hoepli, i8go, in-8 de viii-
4o3 p. (3 20 ex. numér.) Prix : 10 fr.
Ce livre, très élégamment édité, n'a guère de valeur historique. Dans
rétude la plus étendue qu'il renferme, l'auteur a voulu soutenir une
thèse de clocher en faveur de ses compatriotes, les imprimeurs Torre-
sani, d'Asola en Lombardie. On sait que le chef de la famille, Andréa
Torresano, dit André d'Asola, fut le beau-père et Fassocié d'Aide l'an-
cien, et continua la maison avec ses fils, après la mort du grand impri-
meur vénitien. M. Bernoni croit que la gloire des Aide a fait tort à
celle que mériteraient les Torresani ; André d'Asola, selon lui, a été plus
qu'un collaborateur modeste de son gendre, et il est temps de venger, par
un éloge bien senti. « l'énorme injustice » traditionnelle commise à son
détriment. En achevant la lecture de ce plaidoyer, on demeure con-
vaincu, au contraire, que la tradition est exacte, à quelques nuances
près, et que ni les contemporains, ni la postérité ne se sont trompés à
la véritable importance des rôles. On peut dire plus : bien loin d'avoir
perdu i ses relations avec Aide, c'est à ces relations seules qu'André
Torresano doit de n'être point oublié; s'il n'avait été, à un moment
donné, le bailleur de fonds et le soutien d'Aide Manuce, s'il n'avait
mis son nom au frontispice des éditions aldines, personne ne son-
gerait à lui aujourd'hui. Que M. Bernoni veuille lire, par exemple, la
Stampa a Venezia de M. Castellani; il y verra qu'il y avait à Venise,
au temps d'André d'Asola, cinquante marchands de livres laborieux et
intelligents comme lui, qui ont peut-être gagné moins d'argent, mais
qui n'ont pas eu moins de mérite. Si Aide Manuce a laissé un grand
souvenir, c'est qu'il fut bien autre chose, un homme de science, d'ini-
tiative et de dévouement, un rénovateur de son art et un inventeur, un
des travailleurs, en un mot, qui ont rendu aux lettres, en une courte
carrière, d'inappréciables services. André Torresano ne fut rien de tout
cela, et on parle encore de lui-, de quoi se plaint-on à Asola?
Malgré l'erreur d'un point de vue qui fausse ses appréciations, M. B.
pouvait faire un livre utile, une monographie complète des Torresani.
Il n'y a réussi qu'à demi. Le catalogue, imprimé en appendice, est de
88 REVUE CRITIQUE
nature à rendre service aux travailleurs; quelques extraits de préface,
quelques documents nouveaux y auraient été joints avec profit. Les pa-
ges les meilleures du travail sont celles qui traitent des rapports de
Paul Manuce avec les Torresani, pour lesquels Renouard semble avoir
été injuste. Mais la partie la plus intéressante du récit, celle qui se rap-
porte à l'époque de la vie d'Aide l'ancien, est très insuffisante. L'hauteur
ignore les livres spéciaux sur la question, les sources qui lui auraient
permis de renouveler son sujet ^, Il cite sans cesse des ouvrages de se-
conde main \ il considère comme une autorité le livre si peu sûr d'Am-
broise Firmin-Didot. Les erreurs de détail abondent. M. B. fait d'André
d'Asola le premier imprimeur vénitien, p. 14 -. 11 continue à assigner
au mariage d^Alde avec la fille d'André, la date de 1499 au lieu de
i5o5 (p. 16, 18), ce qui modifie sensiblement les hypothèses qu'on
peut se permettre sur les rapports des deux imprimeurs. Il déclare que,
d'après les témoignages contemporains, Erasme était dedito alla cra-
pula, p. 40! Le grand hollandais, qui tient tant de place dans le vo-
lume, n'est, du reste, que bien peu connu de l'auteur. 11 attribue
une importance exagérée au colloque de ïOpulentia sordida, où
Erasme a décrit plaisamment, comme chacun saie, Tintérieur l'Aide
et de son beau-père ^ Les relations d'Erasme avec François Torresano
sont racontées très inexactement, p. 109, d'après la lettre unique de i526
imprimée dans la correspondance : M. B. n'a pas connu les autres let-
1. Je n'ai aucun scrupule à mettre au premier rang de ces sources deu's tra-
vaux signés de mon nom : Erasme en Italie (Paris, i888j et Les Correspondants'
d'Aide Manuce, i4o3-i5 14 (Rome, 1888; extrait des Studi e doc. di storia e di-
ritto, 1887-88 . Ces deux recueils ont plus que doublé le nombre de documents épis-
tolaires réunis jusqu'à présent sur Aide Manuce; le nom de « messer Andréa » y|
revient sans cesse, avec des dates et des faits qui permettent de remplacer les tra-
ditions vagues par des indications précises. M. Bernoni ne connaît pas davantage le]
Cabinet des manuscrits de M. Delisle ni l'existence des manuscrits grecs de François'
d'Asola portant l'inscription a me Francisco asvlano, qui se trouvent à Paris. (La
liste en est donnée par M. Omont, dans les notes de son Catalogue des mss. grecs
de Fontainebleau sous François /«r et Henri II, Paris, 1889).
2. Andréas de Torresanis figure le cinquante-deuxième sur la liste chronologiquej
approximative des imprimeurs vénitiens dressée par M. Casteliani (La stampa a Ve-
ne:[ia dalla sua origine alla morte di Aldo Manu^^io seniore, Venise, iSSg.j
p. xxxvii).
3. Le colloque a été traduit en français par M. Develay, au t. III de ses Colloques'^
d'Erasme, Paris, 1875-76; M. Bernoni l'a traduit pour la première fois en italien, i
en y ajoutant l'indication d'usages locaux intéressants. Je crois avoir déjà tiréï
de ce document tous les renseignements qu'il renferme sur la maison d'André d'Asolal
dans le chapitre d'Erasme en Italie consacré au séjour à Venise; mais il y faut faire|
une part, comme dans tous les colloques, à l'imagination de l'auteur et à la déforma-,
tion subie par ses souvenirs; je n'oserais y chercher, par exemple, comme le fail
M. B (p. 145), le chiffre de la fortune de Torresano. Je n'aurais pas non plus l'as-
surance qu'il montre pour identifier les commensaux d'Aide en i5o8; en tout cas, lel
Stratège du colloque ne saurait être Musurus, alors professeur à Padoue; j'ai pro
posé Démétrius Doucas, qui préparait à ce moment, chez Aide, les Rhetores grae
et le Plutarque.
d'histoire et de littérature 89
très d'Erasme à son éditeur, qui changent bien les choses ' ; il n'a pas vu
non plus les motifs de mécontentement que pouvait avoir Phumaniste
à propos de la réimpression tronquée des Adages, faite à Venise en
l520.
Il est inutile de multiplier ces observations. On voit déjà que, si le
sujet en valait la peine, le travail de M. B. serait à refaire. Je n'en dirai
pas autant de la biographie d'Antonio Blado, d'Asola, car, s'il faut tou-
jours se défier de la méthode de l'auteur, on est du moins satisfait de
trouver réunis un grand nombre de renseignements sur un imprimeur
qui mérite d'être connu et qui a joué à Rome, au milieu du xvi^ siècle,
un rôle assez important. La liste de ses éditions et de celles des Ragaz-
zoni, d'Asola-(i488-r5o5), complète le volume. Les érudits, qui s'occu-
pent de l'histoire de l'imprimerie, devront donc se le procurer. Pour
moi, qui ai jugé le livre au point de vue de l'histoire littéraire, il m'est
pénible d'avoir été obligé d'en dire si peu de bien.
P. DE NOLHAC.
356. — Blandini (Giacomo). La tîrannlde îtalîana nel rinascîmento. Un
vol. in-8, i3i pp. Catania, Galati, 1888.
L'idée mère de cet opuscule est ingénieuse. L'auteur essaie, après
Fertile, de retrouver le droit politique des tyrannies italiennes du
xv° siècle, qui passent ordinairement pour avoir été la négation même
du droit. Il faut remarquer surtout ce qu'il dit de l'évolution qui con-
duisit les républiques du podestat au prince, et les chapitres sur les lois
de succession dans les tyrannies, leurs rapports avec l'Empire et le
Saint-Siège, et leur gouvernement interne. Mais M. Blandini a rendu
la lecture de son livre très difficile par la division qu'il a établie entre
ses raisonnements et leurs preuves : il imprime seulement les premiers
dans le texte et les autres en notes. Son travail n'est plus qu'une disser-
tation fort abstraite où manquent tous les faits qui le rendraient vivant
et pittoresque, et que tous les lecteurs n'auront pas la patience de recher-
cher dans les notes.
L.-G. P.
357. — Etude sur Jean Fiseliai>t. Thèse de doctorat présentée à la P'aculté
des lettres, par P. Besson, agrégé de l'Université. Paris, Hachette. In-8, 364 p.
M. Besson, après un chapitre très court sur la vie de Fischart, exa-
mine d'abo! d le Gargantua et quelques autres ouvrages qui, sans être
directement imités de Rabelais, appartiennent au même genre humo-
ristique et satirique ; il parle ensuite des théories littéraires et esthéti-
ques de Fischart, de ses querelles théologiques, de ses idées sur la reli-
gion et l'éducation, de sa politique intérieure et extérieure, enfin de sa
1. Publiées dans Erasme en Italie, "p. 107-112; datées de i523, i525, i528.
go REVUE CRITIQUR
langue el de son style. Le sujet, comme on le voit, est bien divisé; les
écrits sont bien groupés, et le lecteur qui, sans se donner la peine de
lire un gros volume, voudra demander à Fauteur des renseignements
sur telle ou telle partie de l'œuvre multiple, authentique ou contro-
versée, de Fischart, les trouvera facilement sous Pune des rubriques indi-
quées. Les analyses sont ordinairement bien faites, et quand elles pa-
raissent longues, c'est plutôt la faute de Fischart que celle de son his-
torien. Les chapitres qui laissent l'impression la moins satisfaisante sont
ceux où M. B. essaye de condenser les résultats de ses recherches, de
donner une idée de Fischart soit comme écrivain, soit comme mora-
liste, en un mot de conclure. Et ici encore, ce n'est pas M. B. qu'on est
tenté d^accuser, c'est son sujet. Conclure est facile, lorsqu'on a affaire à
un génie clair et solide; mais quelle conclusion tirer d'une œuvre inco-
hérente, puisée à toutes les sources, et dont la marque caractéristique
est précisément le manque de personnalité dans la pensée comme dans
le style? Les théories esthétiques de Fischart se résument en ceci (cha-
pitre iv), que la littérature doit être subordonnée à la morale : cela est
peu profond ; l'Allemagne a vécu pendant deux siècles sur cette banalité.
En théologie, il estime que deux religions peuvent bien vivre ensemble |
dans un même état, mais le protestantisme est, pour lui, l'Eglise véri- \
table. C'est dans le chapitre intitulé : Conclusion, que Ton cherche natu
rellement l'opinion définitive de M. B. sur son auteur. Fischart, nous^
dit-il, en effet, est une incarnation de la Renaissance. Est-ce suffisant
et cela marque-t-il bien le caractère d'un écrivain? Peut-on, d'ailleurs^
considérer comme un représentant de la Renaissance un homme qui n'a]
su dérober à l'antiquité ni le secret de penser juste ni celui de bien
dire?
M. B., et c'est une justice à lui rendre, ne professe pas pour Fischart,
une de ces admirations de commande ou de ces préventions naïves qui
sont Passaisonnement ordinaire des thèses du doctorat. Il a pensé à
Fischart, parce qu'on n'y avait pas encore pensé avant lui dans les
soutenances deSorbonne; il l'a lu et il a essayé de le comprendre,
parce qu'il a jugé que c'était son devoir. Mais il semble le goûter médio-
crement. Dans le chapitre où il le compare avec Rabelais, et qui est
un des meilleurs du livre, sa préférence n'est pas douteuse. Il ne trouve
guère chez Fischart que l'exagération des défauts de Rabelais. « Chaqu
fois que le traducteur rencontre chez son modèle une longue énumé-l
ration, il se croit tenu de la grossir encore (p. 72); il traduit intégrale
ment tous les passages malpropres, et il en ajoute bon nombre de so
cru (p. 48) ; le texte français est délayé, amplifié de mille manière
(p. 109), sans être enrichi d'un seul épisode nouveau (p. 772). » Qu'on
lise, dans l'auteur allemand, le chapitre de la généalogie de Gargantua,
ou le passage, très court dans Rabelais, démesurément long dans Fis-
chart, où il est question des provisions de bouche de Grandgousier : il
est difficile de pousser plus loin l'abus de la parole. Rabelais dit beau-
d'histoire et de littératdrb gi
coup et suggère davantage; il engage ses lecteurs, dans son prologue,
0 à briser Tos et à sucer la substantifique moelle » : dans Fischart, l'os
est tout brisé, mais la moelle est répandue.
M, Besson ne trouve que peu d'éloges à donner à Fischart; pourtant
il lui consacre trois cent cinquante pages, et nous n'aurions rien à dire
là-dessus, si le cas était isolé. Un auteur, même un auteur de thèse,
n'a-til pas le droit de choisir son sujet, et de dépenser son encre comme
il lui plaît? Mais l'usage des grosses thèses sur de minces sujets tend à
se généraliser d'une manière inquiétante pour le bon sens critique.
Ecrire des centaines de pages sur un écrivain qui mérite tout au
plus un article, c'est d'abord une faute de goût. N'oublions pas
qu'un jeune docteur, une fois que sa thèse Ta fait déclarer dignus
intrare, peut devenir à son tour directeur d'études, être chargé de
conduire et de former, dans le travail scientifique et littéraire, toute
une génération d'étudiants. Autrefois, pour donner une preuve de
son aptitude à l'enseignement supérieur, on cherchait, dans un mince
volume qui ressemblait plutôt à une brochure, à jeter un peu de
lumière sur une question obscure ou mal posée; on reprenait, avec
des arguments et des documents nouveaux, un sujet controversé; on
discutait et l'on éclairait quelquefois un fait intéressant d'histoire litté-
raire. Aujourd'hui, on fouille dans les décombres, pour être sûr de ne
se rencontrer avec personne. Pourtant les grands sujets, à la fois grands
et nouveaux, ne manquent pas dans les littératures étrangères, et sur-
tout dans la littérature allemande. Les Allemands ont beaucoup écrit
sur leur littérature; mais ils en ont fait surtout l'objet d'une étude
scientifique, exacte, minutieuse. Il y aurait profit pour nous à repren-
dre leur travail à un autre point de vue, celui de l'art et du goût, qui
n'exclut pas la rigueur scientifique, mais qui l'élève et l'ennoblit. Nos
jeunes professeurs trouveraient là un beau champ d'expérience et une
occasion d'être vraiment neufs en apportant des idées neuves.
A. BOSSERT.
358. — Vl^aldstelii's Vertrag mit dem Kaiser bei der Uebemahme des
zAveiten Genei>alats, von Anton Gindely. ("Abbandlungen der K. Bœhmischen
Gesellschaft der Wissenschaften). Prag, Gregr, 1889, 44 p. in-4.
C'est un fait connu de tous et consigné dans chaque i/i^^o/remorferne,
même élémentaire, que Wallenstein, avant de reprendre le commande-
ment des armées impériales en i632, força Ferdinand 11 à signer un
traite formel, qui devait garantir le célèbre condottiere contre une sur-
prise pénible, pareille à celle de la diète de Ratisbonne en i63o. On
croyait même posséder le texte de ce traité de Znaym dans les Annales
Ferdinandei de Khevenhûller. Récemment, pourtant, il a été établi que
la pièce publiée par Khevenhiiller n'était qu'un avant-projet, qui n'a pu
être sanctionné par l'empereur, au moins dans sa forme présente. Peut-on
Q2 REVDE CRITIQIIS
fixer, par conséquent, le contenu de cette pièce importante, soit par de
nouvelles découvertes dans les archives, soit par des inductions légiti-
mes? Tel est le problème que M. A. Gindely, 'poursuivant ses études
sur « la question de Wallenstein », aborde dans le présent mémoire, et
qu'il traite, à son ordinaire, avec une connaissance approfondie du sujet,
basée sur la masse de documents réunis, durant trente années de fouilles
heureuses, dans les dépôts de Vienne, de Prague et de Municli. M G.
commence par remonter aux origines des négociations entamées avec
Wallenstein en mai i63r, peu après la prise de Francfort sur-l'Oder par
Parmée suédoise. La cour de Vienne ne demandait alors à Tex-duc de
Mecklembourg que des conseils, car les chefs de la Ligue catholique ve-
naient de se prononcer contre sa rentrée au service de T Empire, à la
diète de Dinckelsbiihl. Encore après l'écrasement de l'armée de la Ligue
à Breitenfeld, en septembre, Ferdinand hésitait, son confident Eggenberg
penchant pour Wallenstein et son confesseur Lamormain pour l'archi-
duc Ferdinand, roi de Hongrie. Les diplomates espagnols proposaient
de faire du premier ïad latus, le lieutenant-général du second. Mais
Questenberg envoyé vers Wallenstein, en octobre, pour lui proposer
cette combinaison, ou quelque autre analogue, essuya un refus catégo-
rique, sans explications. Alors le prince d'Eggenberg fut chargé de négo-
cier à Znayrn avec Wallenstein en personne. Ses instructions fort em-
brouillées, et qui, tout en concédant à W. le titre de Gêner aloberstfeld-
marschall, n'en faisaient pourtant qu'un conseiller du roi de Hongrie,
subsistent, mais pour les conférences de Znaym elles-mêmes nous n'avons
qu'un rapport assez détaillé de l'un des compagnons d'Eggenberg, de
Bruneau, président de la Chambre des comptes de Lille, à l'infante Isa-
belle ; Eggenberg a présenté sans doute un rapport verbal à l'empereur.
Nous voyons seulement que V/. s'engage à réunir en trois mois, sans
toucher de solde, et sans accepter un titre officiel, une nouvelle armée
impériale. Cette besogne préliminaire accomplie, il fait mine de rentrer
dans la vie privée. Eggenberg le supplie, au nom du souverain, de res-
ter à la tête des troupes, et revient vers lui, muni de nouvelles instruc-
tions également conservées, qui, cependant ne lui donnaient pas une au-
torité plus absolue sur l'armée que celle qu'il exerçait déjà en i63o. Le
i3 avril i632.W. et E. se rencontrent à Goellersdorf, entre Znaym et
Vienne, et, à la suite de longues et pénibles entrevues, Eggenberg rentre
épuisé à Vienne et annonce à Ferdinand que les prétentions de W. sont
« inouïes ».
Maintenant quelles étaient ces conditions ? On répondait jusqu'ici en
citant le document publié par Khevenhûller, et retrouvé depuis dans
d'autres archives; mais, ainsi que nous l'avons dit plus haut, le P. Du-
dik et Ranke ont prouvé que ce n'était là qu'un projet, le résumé d'un
rapport sur les demandes du futur généralissime. On y trouve, en effet,
des points que l'empereur ne pouvait pas du tout décider à lui seul, puis-
qu'ils concernaient directement la couronne d'Espagne, etc. iVI- ^'^1
(
d'histoire et de littérature g 3
essaie de fixer les points de cet accord secret entre W. et le souverain, en
interrogeant les documents authentiques, les correspondances diploma-
tiques de l'époque et c'est cette investigation, à la fois sagaceet prudente,
du savant professeur de Prague, qui est la partie la plus curieuse et la
plus neuve de son mémoire. Nous ne pouvons naturellement pas entrer ici
dans les détails de sa démonstration, qui nous paraît aussi lucide dans
ses développements que concluante dans ses résultats. Nous dirons seu-
lement que M. G. arrive à établir que la légende du traité supposé de
Znaym ne s'écartait guère des exigences véritables de W. et que c'est plu-
tôt encore davantage qu'il réclamait à son interlocuteur effrayé, pour
l'obtenir en fin de compte. Ainsi les dépêches du nonce de Vienne au car-
dinal Barberini affirment qu'on lui promit un électorat, celui de Saxe ou
de Brandebourg. D'autres correspondances montrent qu'on le dispensa
de tout serment, craignant à Vienne qu^il pourrait se refuser à le.prêter",
et Ferdinand II lui-même disait à l'ambassadeur espagnol Castaneda
a qu'il n'y avait point de troupes ni de chefs dans tout l'Empire qui ne
dussent lui être soumis ». Cela n'empêchait pas l'abbé de Kremsmûnster,
Fun des négociateurs impériaux, de parler, très sincèrement, delà « mo-
dération-» du duc de Friedland ! C'est que Ferdinand, affolé plus qu'on
n'a voulu l'admettre, et qui parlait à ce moment de se retirer à Graz, voire
rtiême en Italie, voulait avoir à tout prix une armée solide et un chef mi-
à litaire puissant entre sa capitale et le conquérant suédois. Ces conditions
rt léonines, plus ou moins librement consenties, firent, au dire de M. G.,
de W. un général fidèle jusqu'au moment où il perdit l'espoir d'une vic-
|-. toire décisive (juin i633). Alors commencèrent les intrigues diplomati-
i ques q ui l'entraînèrent toujours plus avant et finirent par amener sa chute.
Nous recommandons le travail de M. Gindely comme un modèle de dis-
cussion scientifique sur un sujet épineux et surtout controversé.
R.
359. — Un Boui*guîgnon et un Oi-léanais érudits au xvil^ siècle. Lettres
inédites de B. de La Monnoye à Nicolas Thoynard de 1679 à 1697, publiées
et annotées par M. Emile Du Boys. Paris, L. Techener, 1890, in-8 de 43 p.
Tout le monde donnera raison à M. du Boys déclarant (p. i) qu'une
des plus intéressantes figures littéraires en province, pendant la seconde
moitié du xvii'= siècle et la première du xviii", a été incontestablement
Bernard de la Monnoye (né à Dijon le i5 juin 1641, mort à Paris le
i5 octobre 1728). Tout le monde aussi reconnaîtra que cet « homme
d'infiniment d'esprit » se montre, dans les douze lettres tirées du dépar-
tement des mss. de la B. N. (vol. 562 des nouvelles acquisitions françai-
ses), digne de l'éloge que lui donne M. Fertiault (Nouvelle Biographie
générale) en s'écriant, au sujet de la correspondance générale de l'érudit
bourguignon ; Quel agréable causeurl M. du B. a réuni, dans les huit
premières pages de son élégante brochure, toute sorte de renseignements
94 REVUE CRITIQUE
sur La Monnoye et sur son correspondant Thoynard, n'oubliant aucun
des travaux récents dont ces deux travailleurs ont été l'objet de la part
de MM. Caillemer, A. Jacquet ', Henri Beaune, Moulin, Charavay,
Jovy, etc. Les informations du diligent éditeur ne sont pas moins com-
plètes, sur chacun des personnai^es mentionnés dans son petit recueil,
et l'on trouvera tout à la lois abondance, exactitude et saveur dans les
notes sur Maurice David, J.-B. Denis, le poète Lainez, Guillaume
Prousteau, Saint-Glas, abbé de Saint-Ussans, poète « que l'on cherche-
rait en vain dans nos recueils biographiques, mais auquel M. Viollet-Le-
Duc a consacré un article dans sa Bibliothèque poétique, » etc. Citons
aussi d'excellentes notes sur le Dictionnaire de V Académie (p. i8), le
Dictionnaire de Richelet (p. 24), le Dictionnaire de la Crusca
(p. 2b -26), VArlequiniana et le Bignoniana (p. 29-30), ces deux derniè-
res notes empruntées à l'ouvrage encore inédit du P. Adry (Bibliothèque
critique des anas, à la B. N. vol, 1955 des N. ac. fr.). Le soin et l'éru-
dition avec lesquels M. E. du Boys a publié, cette année, son La Mon-
noyé ~ et, l'an dernier, son E\échiel Spanheim, font vivement désirer
qu'il puisse bientôt nous donner les deux importants recueils épistolaires
qu'il prépare : les lettres inédites d'Etienne Baluze et les lettres inédites
d'Émery Bigot.
T. DE L.
I
36o. — René Doumic. La Question du Tartuffe. Paris, De Soye et fils, 1890,
in-8, 16 p.
Sous le titre de : La question du Tartuffe, M. René Doumic vient de
publier une énergique réponse à M. Brunetière. Il présente à l'appui
de l'opinion traditionnelle les arguments d'usage, insistant notamment ^1
sur les déclarations de Molière dans les placets, la préface et le rôle de
Cléante. Il cherche ensuite à ruiner les preuves que M. Brunetière a il
tirées du petit nombre des hypocrites en 1664, de la philosophie natu-
raliste de Molière et de ses attaches avec le groupe des libertins. C'est
une discussion fort habilement conduite, et, sinon convaincante, au
moins très intéressante à lire.
R. P.
35l. — i^a Riraterie sur 1'A.tlantique au xviii" siècle, par Léon VignolS. j
(Rennes, i8go, in-8 de 121 p.)
Le titre de cette brochure, extraite des Annales de Bretagne, n'est
pas parfaitement justifié; car il y est beaucoup plus parlé des pirates de |j
1. Les publications de ces deux savants ont été analysées et appréciées ici par celui
qui écrit ces lignes.
2. Je n'aperçois en toute la brochure qu'une petite tache formée par une faute
d'impression qui défigure le grand nom de Du Gange (p. i3) : M. du Fesne pour du
Fresne).
5
d'histoire et de littérature 95
la Méditerranée que de ceux de l'Atlantique, et des xvi« et xvii« siècles
que du xviiie. Mais la seconde partie donne des renseignements curieux
et peu connus sur la grande flibuste et sur les forbans qui survécurent à
la dissolution de l'association des Frères de la Côte.
Quelques-unes des appréciations de l'auteur nous semblent être un peu
hasardées. Les Barbaresques, en enlevant les vaisseaux chrétiens et en
portant le fer et le feu sur les rivages ennemis, ne firent guère qu'imiter
ce que les chrétiens eux-mêmes leur avaient appris, et les protestations de
Sélim et de Soliman contre les agissements des chevaliers de Rhodes
sont exactement celles que le roi d'Espagne faisait, cent ans plus tard,
contre les Algériens. Pourquoi traiter de chef de forbans Khaïr-ed-Din
Barberousse, le Grand-Amiral des flottes ottomanes, le rival souvent
heureux d'André Doria, et, surtout, pourquoi donner aux Musulmans,
en dépit de l'histoire tout entière, le monopole du prosélytisme religieux
à main armée? Que M. Vignols pense à Charlemagne, aux Croisades,
aux Chevaliers Porte-Glaives, aux Albigeois, aux Espagnols et aux Por-
tugais dans les Indes et dans l'Amérique du Sud !
H.-D. DE Grammont.
il
362. — J. Hans. ï>er pi'Otcstantiscbe I«;ultus. i vol. in-8, 140 pages.
Augsburg, Schlosser, 1890.
Ce volume, dû au pasteur protestant de l'Eglise Sainte-Anne d'Augs-
bourg, est beaucoup plus dogmatique qu'historique. L'auteur, il est vrai,
nous montre en vertu de quels principes le culte a été organisé dans la
religion de Luther et dans celle de Calvin; il nous indique brièvement
les principales modifications introduites dans la célébration de l'ofïice
divin depuis le xvi" siècle jusqu'à l'année 1822, où, sous l'influence de
l'union évangélique et du roi de Prusse Frédéric-Guillaume III, parut
la fameuse liturgie (Kirchenagende) pour la cathédrale de Berlin; mais
cet exposé, assez court, n'est qu'une introduction à la partie théorique de
l'ouvrage. M. Hans y fait voir la nécessité d'une réforme dans les formes
extérieures du culte; il indique ensuite en quoi devrait, selon lui, con-
sister cette réforme. Il faudrait donner plus d'éclat aux cérémonies reli-
gieuses, multiplier les services accessoires (Nebengottesdienste), et,
dans le service principal, introduire, à côté du sermon, une liturgie qui,
tout en respectant la tradition, satisferait les nouveaux besoins de notre
époque.
Ch. Pfister.
CHRONIQUE
FRANCE. — L'Académie des Beaux-Arts, dans sa séance du 21 juin, a proposé
pour le prix Bordin à décerner en 1892 le sujet suivant : Faire ressortir le caractère
national de la sculpture française à partir du xui^ siècle jusqu'à la Révolution, c'est-
96 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE KT DE LITTÉRATURE
à-dire depuis les imagiers qui ont décoré les cathédrales et autres édifices du cen-
tre de la France jusqu'à Houdon. F^es mémoires devront être déposés au secrétariat
de l'Institut avant le 1" janvier 1892.
— Sous le titre Universités transatlantiques (Hachette. In-S", p. 3 fr. 5o). M. Pierre
DE CouBERTiN raconte d'une façon très intéressante, alerte, familière, ses visites aux
établissements d'instruction du Nouveau-Monde. Il nous mène d'abord autour de
New- York (l'Université de Princeton et son collège de Lawrenceville, Columbia Col-
lège, Berkeley School, West Point), puis dans la Nouvelle Angleterre, au Canada,
dans la Louisiane, la Floride, la Virginie, enfin à Washington et à Baltimore. « Le
style fantaisiste, comme le reconnaît l'auteur, contraste avec l'habituelle gravité des
documents pédagogiques »(p.364), mais l'impression qu'il donne de ces universités
transatlantiques, est d'autant plus nette et plus vivante; comme toujours, M. de Cou-
bertin défend avec chaleur son programme : « Sport et liberté ».
ALLEMAGNE. — M. Alex. Conze, aidé de MM. Ad. Michaelis, Achille Postolak-
KAS, Robert de Schneider, Km. Lœwv et Alfred Bruckner, vient de publier, sous les
auspices de l'Académie impériale des sciences de Vienne, la première livraison d'une
grande publication intitulée Die attischen Grabreliefs (Berlin, Spemann, 16 pages ce
texte et 25 planches, 60 mark). L'ouvrage comprendra dix-huit livraisons environ.
— Viennent de paraître le premier volume du Deutsches Wœrterbuch, de Moritz
Heyne (Leipzig, Hirzel. In-8°, 10 mark), et une Italienische Grammatik, par \V. Meyer-
Lûbke (Leipzig, Reisland, 12 mark), qui forme le second volume de la « Collection
des grammaires romanes ».
— VArkivfor nordiskfilologi paraîtra, à partir du Vile volume, chez Harrassowitz,
à Leipzig.
— Les Romanische Forschungen de K. Vollmœller, paraissent désormais chez
Fritz Junge, à Erlangen.
— Le Literaturblatt annonce en préparation : une Altscechsische Grammatik, par
S. H. Gallée et O. Behaghel, et les éditions suivantes : Clef d'amours, par Doutre-
PONT (Bibliotheca normannica), Beuve d^Hanston, par A. Stimming, Anseïs de Car-
tilage, par J. Alton.
— M. Fritz Neumann, professeur à Fribourg en Brisgau, est nommé à Heidelberg,
— Le 6 mai est mort à Strehlen, près de Dresde, dans sa 68e année, Edmond Dorer,
connu par ses travaux sur l'histoire littéraire de l'Espagne.
— La classe de philosophie et d'histoire de l'Académie des sciences de Berlin dé-
cernera un prix de 5, 000 mark (6, 260 francs) à l'auteur du meilleur travail — en al-
lemand, latin, français, anglais ou italien — sur Suidas, ses sources et sa méthode.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 2^ juillet i8go.
M. Ravaisson continue la lecture de son mémoire sur !a Vénus de Milo.
Ouvrages présentés : — par M. Delisle : i- Brun-Durand, Censier de Vévêché de
Die; 2" Bkaurepaire (Ch. de). Notes sur les juges et les assesseurs du procès de con-
damnation de Jeanne d'Arc ; 3" Omont iH.), Fac-similés des manuscrits grecs dates
delà Bibliotiièque nationale; — par M. Gaston Paris : Hatzfeld, Darmesteti-r (Ar-
sène) et Thomas (Ant.),- Dictionnaire général de la langue française, if" livraison;
— par l'auteur: Deloche (Maximilien', Etudes de numismatique mérovingienne .
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
I
Le t'uy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 32-33 - 11-18 août — 1890
Sommaires 363. Sweet, Manuel de phonétique. — 364. Hauréau, Des poèmes
latins attribués à Saint-Bernard. — 365. Desilve, L'école de Saint-Amand. —
3ÔÔ. ScHŒNBACH, Lccturc et culture. — 367. Mahrenholtz, Jeanne d'Arc. — 368.
Pribram, L'Autriche et la guerre du Nord. — Sôg. Bobbio, Deux mazarinades. —
370. Bertana, Etudes sur le xviii' siècle. — 371. Rastoul, Le maréchal Randon.
— 372. Godet, Histoire littéraire de la Suisse française. — 373. Lebaigue, La
réforme orthographique et l'Académie française — Chronique. — Académie des
Inscriptions.
363. — (Clarendon Press Séries). A. Primer of Phonetics, by Henry Sweet,
M. A. — Oxford, at the Clarendon Press (London, H. Frowde), 1890. Pet. in-8,
xi-i i3 pp.
Cet excellent petit livre doit, dans la pense'e de l'auteur, servir tout à
la fois d'introduction élémentaire aux débutants en phonétique, et tenir
lieu d'une 2^ édition de son Handbook, qu'il se voit, nous dit-il, dans
* l'impossibilité d'arrêter en ce moment sous une forme définitive. Cet
[^ aveu plein de modestie et cet exemple de conscience scientifique, venus
1'^ de si haut, seront peut-être de nature à tempérer le dogmatisme d'é-
cole, toujours funeste aux sciences en formation.
Le manuel de M. Sweet se divise en deux parties, Tune analytique
(pp. 7-40), Pautre synthétique (pp. 41-110). Dans la première, il étudie
le mécanisme de la parole, la production des voyelles et des consonnes
à l'état isolé et indépendamment les unes des autres. Il est superflu de
dire, d'après le titre et le plan de l'ouvrage, que Ton n'y trouve rien
d'essentiellement nouveau, mais toujours cette clarté et cette sobriété
d'exposition, cette délicatesse d'observation et d'analyse, qui ont fait de
M. S, un initiateur et un maître de premier ordre. Dans la synthèse, il
reconstitue ce qu'il a décomposé, en montrant les relations des voyelles,
des consonnes, des syllabes, des mots, des groupes de mots entre eux,
et étudiant ainsi la quantité, l'intensité, les phonèmes de transition
(glides^), l'accent tonique; puis il transporte ces données dans le
Il domaine pratique, en établissant le phonétisme vrai, normal, ou tout
au moins moyen, de l'anglais, du français, de l'allemand et — autant
que faire se peut — des deux langues classiques, et donnant pour cha-
cune d'elles quelques spécimens de prononciation accompagnés d'une
transcription phonét'que.
I. Notre nomenclature manque de ces mots expressifs et pittoresques qu'aft'ection-
nent avec raison les phonétistes anglais, g-//ie (transition d'un phonème à un autre),
vanish (transition de la voix au silence), etc. (Ce dernier n'appartient pas non plus à la
nomenclature de M. Sweet.)
Nouvelle série, XXX. 32
gS REVUE CRITIQUE
Sur ce dernier point seulement je voudrais hasarder une timide
réserve. La transcription de M. S., qui rend en quelque sorte le langage
a visible », est certainement une merveille de précision scientifique;
mais ne se fait-il pas quelqu^i peu illusion sur la facilité avec laquelle on
l'adoptera? Nous sommes tous, depuis l'enfance, accoutumés à associer
certains signes et certains sons, et nous voici bien empêchés en face de
formes qui, non seulement ne nous rappellent rien de familier — ce ne
serait que demi-mal — mais nous rappellent tout autre chose que ce
qu'elles représentent; car nombre de signes de M. S. ont une ressem-
blance proche ou lointaine, en tout cas très fâcheuse, avec des lettres
d'alphabets connus. Cette difficulté d'ailleurs fût-elle aussi aisée à vain-
cre qu'il se Timagine, qu'il veuille bien aussi considérer que ses livres
ne s'adressent point seulement aux yeux et à la mémoire encore neufs
des apprentis phonéticiens, qu'ils sont lus avec intérêt par des linguistes
qui ont déjà déchiffré bien des grimoires, et qu'il y a conscience à leur
mettre à si haut prix le profit qu'ils en pourront tirer.
Une raison inverse, je veux dire l'absence complète, dans les types de
la Revue, d'une notation phonétique même approximative, m'interdit
naturellement de suivre M. Sweet dans les détails de sa minutieuse
analyse '. Je dois donc me borner à appeler l'attention de tous les lin-
guistes sur ce manuel si court et si plein à la fois, l'attention de tous les
lettrés sur les premières pages de ce livre, dont je ne puis me tenir de
détacher quelques lignes à leur intention :
« Souvenez-vous que le langage n'existe que comme fait individuel,
et qu''une expression telle que « prononciation anglaise normale » n'est
qu'une pure abstraction. Songez qu'il est absurde de fixer une règle
suivant laquelle les Anglais doivent parler, avant de savoir comment
ils parlent enfait^ notion encore toute rudimentaire à cette heure...
« Evitez en conséquence tout dogmatisme et toute généralisation
hâtive; soyez circonspect dans votre façon d'affirmer que « tout le monde
prononce ainsi » ou que a nulle personne instruite ne prononce de telle
façon ». N'en appelez point à l'autorité d'un être imaginaire tel que le
sujet parlant < correct m ou « attentif ».
« Bornez-vous à constater les faits. Si les gens vous disent que la
réforme de l'orthographe est « une hérésie pestilente », ou que votre
prononciation de Londres, d'i:î.dinbourg ou de Dublin est « abomina-
ble », ne discutez point avec eux. »
V. Henry.
I
I. Une seule observation : M. S. est-il bien sûr que «vêz se prononçât muta comme
ill'écrit (p. io8)? Je croirais bien plutôt que l't était voyelle et l'u semi-voyelle,
autrement dit, que l'initiale de uti^ était l'anglais wh : autrement, l'i intervocalique
serait-il demeuré r II est vrai qu'on trouve Oi;.
D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE QQ
'j^. — Des poèmes latine attribués à Saint-Bernard, par B. Hauréau, mem-
bre de l'Institut. Paris, Kiincksieck, i8go, in-8, v-102 pages.
Si, par une grâce particulière, l'illustre fondateur de Clairvaux avait
pu revenir au monde quelques cent ans après sa mort, il eût sans doute
été à la fois surpris et indigné des œuvres que certains copistes, plus
zélés qu'habiles, mettaient sous son nom. Saint Bernard avait écrit des
vers, et même des vers badins, on a sur ce point un texte formel; mais
c'étaient là péchés de jeunesse dont il était le premier à rougir, et sesadver-
saires eux-mêmes, Pierre Bérenger par exemple, se faisaient scrupule de
les citer dans leur défense d'Abélard. Mais entre ces vers mordants et sati-
riques et les platescompositionsquedes copistes plus récentsont par igno-
rance, par faux zèle attribués au grand réformateur du xii^ siècle, il n'y
a sans doute aucun rapport. Saint Bernard était avant tout un homme
d'action, plein de fougue et d'énergie ; les misérables œuvres qu'on lui
prête sont dues à des moines désœuvrés et mystiques; il s'était fait en
lisant beaucoup une langue personnelle ; rien de plus banal assurément
que le style et les pensées de tous ces poèmes. M. Hauréau, qui n'aime
pas saint Bernard (et nous partageons ce sentiment ; l'ennemi d'Abélard
iCt de la philosophie ii'a en somme rendu aucun service à la science et à
['humanité), a cru toutefois utile de venger sa mémoire et de réparer
îs bévues des anciens copistes et des premiers éditeurs. Prenant cha-
me des pièces poétiques publiées sous le nom de cet écrivain, il montre
Ique pour des raisons diverses aucune ne saurait lui être attribuée; des
unes on connaît pertinemment ou on soupçonne l'auteur; les autres,
restées anonymes malgré des recherches approfondies, sont de cent, quel-
Iquefoisdedeux cents ans plus récentes et ont pour auteur des moines men-
Idiants, franciscains ou dominicains. Présentées avec agrément, ces
[petites dissertations se lisent avec un réel intérêt et laissent le lecteur abso-
lument convaincu. C'est là assurément mérite assez rare, même dans
m ouvrage d'érudition.
A. MOLINIER.
f6b. — Desilve. Ho Scliola r<.lnonoiifi>i Banelî Anianili a sceculo IX ad XII
usque. Lovanii. Apud Carolum Peeters, 1890, in-8.
L'idée d'étudier en détail une grande école monastique carolin-
tienne était heureuse, et le choix fait par l'auteur de cellede Saint Amand,
Irréprochable. Malheureusement le livre, écrit dans un latin bizarre, de
l/I. Desilve, témoigne d'une ignorance impardonnable de la littérature
|u sujet. L'auteur ne connaît ni l'existence de la récente édition des
îttres de Loup de Ferrières, ni, ce qui est plus grave, celle d'une vie de
iint Lambert écrite en vers par Hucbald de Saint-Amand et publiée
es 1878. Il aurait dû lire le travail de Schulze sur la Réforme monas-
que en Lotharingie et en Flandre, ainsi que maints articles du Neues
rchiv, qui lui eussent été fort utiles. S'il ne l'a pas fait, c'est, semble t-
100 REVUE CRITIQUE
il, faute de connaître Tallemand. Il imprime, en effet, régulièrement
Hoelder pour Holder, Weber pour Ueber^ etc. Ces réserves faites, Je
reconnais volontiers que le livre de M. Desilve contient d'intéressants
appendices : des catalogues instructifs de la bibliothèque du monastère;
un office de saint Gyr et des hymnes inédits sur sainte Rictrude par
Hucbald, ainsi qu'un poème du moine Folquin (xii^ s.) sur la chute
d'Adam. Les recherches de l'auteur dans les manuscrits de la bibliothè-
que de Valenciennes lui ont, en outre, fourni des détails nouveaux sur
la destinée de l'école de Saint Amand après le x« siècle.
H. PiRENNE,
366. — ScHŒNBACH. Ueber Lesen untl Bildung. Graz, Leuschner u. Lubensky,
18S9. In-8, xni et 210 p. 3 mark. ((Quatrième mille).
Voilà un livre à lire. L'auteur, qui est un homme de grand savoir et
aussi un homme d'un goût très fin, essaie de déterminer au juste le
sens des mots Bildiing et gebildeter Mensch. Mais il remarque avec
mélancolie que la véritable Bildung n'tsi plus guère de ce monde; ce
n'est pas dans les écoles qu'elle s'acquiert, ni dans les voyages, et on ne
lit plus que les journaux. Et pourtant le seul moyen de devenir un
homme réellement gebildet^ est de lire, de lire avec choix; es gibt eine
Technik des Lesens ; lire est un art comme un autre. Emerson dit qu'il
ne faut lire que les livres célèbres qui ont plus d'un an et qui vous
plaisent. M. Schônbach fait mieux : il donne une liste des livres qu'il
faut lire dans toutes les littératures. Mais ce n'est pas cette liste qui fait
l'intérêt du volume de M. S.; ce sont ses propres réflexions, les
remarques ingénieuses qu'il exprime en un allemand toujours élé-
gant, châtié, et qui témoignent d'une lecture immense, d'une observa-
tion pénétrante de notre société, et d'un jugement sûr. Enfin, dans les
deux chapitres que M. Schônbach consacre à la poésie alleiîiand
contemporaine et au réalisme ', on trouvera sous une forme concise et'
brillante (p. 109-182) nombre d'appréciations excellentes qu'il nous im-
porte de connaître, sur Heyse, Fitger, K.-F. Meyer, Wildenbruch, An
zengruber, M"« d'Ebner-Eschenbach, Bleibtreu, Kretzer, etc.
A. Chuquet.
s J
I
367. — R. Mahrenholtz. Jeanne Mare in Gescliiehtes Légende, Dichtung
auf Grund neuerer Forschung. i vol. in-8, iv-174 pages. Leipzig, Renger, 1890
La liste des ouvrages sur Jeanne d'Arc s'allonge tous les jours et bien
tôt M. Pierre Lanèry d'Arc pourra ajouter un supplément considérable
à sa bibliographie, parue en 1887. Nous signalons aujourd'hui le livre
I. Le livre comprend six chapitres qui ont pour titre : Le temps présent. — Le
but. — Les moyens, — La poésie allemande contemporaine. — Le réalisme. —
Liste de livres.
d'histoire et de LITTÉR\TURK 10 I
d'un écrivain allemand, dont nous avons entrepris la lecture avec une
grande curiosité. Jadis les Allemands ont rendu justice à la Pucelle d'Or-
léans : en 1864, un de leurs historiens, Fr. Eysell, lui a consacré une
longue et fort savante étude; mais, après les événements de 1870, un
historien d'outre Rhin saurait-il parler de Jeanne avec tout le respect
qui lui est dû ; pourrait-il éprouver de la sympathie et de l'admiration
pour une héroïne dont le dévouement a contribué au salut de la France ?
Eh bien oui, M. Mahrenholtz nous entretient de Jeanne sur le ton le
plus convenable ; il admire son courage sur le champ de bataille ; il nous
raconte avec une commisération évidente son procès et sa mort 1.
Mais M. M. a voulu faire avant tout œuvre d'historien. Or, de très
bonne heure, nous le disions ici même il y a quelque temps, il s'est
formée une légende de Jeanne d'Arc : légende religieuse, qui nous mon-
tre la jeune fille de Domrémy inspirée par le ciel et qui ajoute foi à ses
apparitions miraculeuses ; légende patriotique, qui attribue à Jeanne
seule la délivrance du royaume, qui oublie la valeur du roi et de ses of-
ficiers, les progrés faits par Tartillerie, qui ne tient nul compte des dis-
senssions intestines des Anglais, commandés par un enfant. Notre auteur
a cherché à faire la part exacte de l'histoire et de la légende. Il a étudié
pour cela avec une très grande attention les documents contemporains :
il nous donne à la fin de son livre une critique remarquable des sources
de l'histoire de Jeanne d'Arc. Il distingue avec soin les chroniqueurs qui
ont écrit avant et ceux qui ont rédigé leurs ouvrages après le procès de
réhabilitation, les Français des Bourguignons, les laïques des ecclésiasti-
ques. A un autre point de vue, il partage les écrivains en trois catégories :
ceux qui ne croient pas du tout à la mission de Jeanne, comme Monstre-
let et le rédacteur du Journal de Paris, ceux qui y ajoutent une foi
entière comme Jean Chartier et Perceval de Cagny, ceux qui ne se pro-
noncent pas ou restent neutres, comme le héraut d'armes de Char-
les VII, Jacques le Bouvier. M. M. connaît de plus à peu près tous nos
ouvrages modernes sur Jeanne, iTiême de petits articles disséminés dans
des revues de province, et ici il nous faut bien signaler la différence
entre sa méthode et celle des derniers écrivains français qui ont abordé le
I. Nous avions écrit cet article avant d'avoir lu le compte-rendu fait du livre de
M. par la Revue des questions historiques (i^r juillet 1S90, 95* livraison, p. 282).
M. Sepet y cite une phrase de notre auteur, qui pourrait être fort mal comprise et
nous avons à cœur de rétablir le sens exact. M. M. conclut son chapitre sur la déli-
vrance d'Orléans par ces mots : « Nous ne voulons en aucune façon nier l'impres-
sion prodigieuse et salutaire que la jeune tille héroïque produisit sur le peuple et les
soldats d'Orléans, et grâce à laquelle elle finit par entraîner les chefs : mais sans les
fautes commises par Talbot et Fastolf, sans le taient militaire de Dunois, elle n'au-
rait pas suffi pour délivrer la ville. Nous devons lui contester le titre de Pucelle d'Or-
léans que les bourgeois reconnaissants lui ont donné et que la postérité lui con-
serve. » Cette dernière phrase est sans doute malheureuse; mais M. M. ne conteste en
aucune façon à Jeanne le litre de pucelle, il conteste celui de Pucelle d'Orléans.
Nous croyons d'ailleurs comme lui que des causes purement humaines expliquent la
délivrance de la ville.
102 REVUE CRITIQUE
même sujet : lui a tout lu, les autres ont comparé entre elles trois ou
quatre biographies modernes et entr'ouvert les documents réunis par
Quicherat, puis ils ont eu. la prétention de nous expliquer entièrement
Jeanne d'Arc.
Malgré toutes ces éludes piéliminaires, nous ne pensons pas que
M. M. ait complètement réussi dans son dessein. La légende s'est for-
mée du vivant même de Jeanne d'Arc : comment dès lors serait-il pos-
sible d'affirmer à propos de chaque événement : « Ici s'arrête la vérité
et commence le faux ? » Pour faire cette distinction, on ne se laisse
guère guider que par son sentiment personnel; mais mon sentiment
peut ne pas être le vôtre. Le sujet de Jeanne d'Arc ne saurait èire traité
entièrement par une critique objective des sources : bon gré mal gré
chaque auteur interprète les anciens documents d'après ses croyances et
ses préjugés. M. M. rejette, par exemple, à peu près tous les témoigna-
ges apportés dans le procès de réhabilitation; il prétend que la légende
avait pris corps en 1436, lors de l'apparition de la fausse pucelle ; que
presque tous les témoins avaient subi l'influence de la cour; que, pour
ce double motif, ils dénaturèrent à i'envi la véritable figure de Jeanne;
il a peut-être raison, mais pourquoi quelques faits avancés dans le se-
cond procès ne seraient-ils pas vrais, pourquoi ne pas admettre entre
autres que la mort de la bonne Lorraine ait arraché des larmes à ses
adversaires? 11 nous paraît bien que souvent l'écrivain allemand va trop
loin dans la négation; il diminue la part de l'histoire au profit de h
légende.
Cette réserve faite, nous reconnaissons qu'en règle générale nos appré^
dations sont d'accord avec les siennes : nous avons été très heureux del
lire dans son ouvrage nos propres pensées sur l'enfance de Jeanne : selonj
nous, il a fort bien expliqué comment l'idée d'une mission à remplir
germé et grandi en son âme. Nous ne nous séparons de lui que sur quel-|
ques points secondaires : nous pensons qu'il a été beaucoup trop indul-
geHt pour Pierre Cauchon. 11 ressort de son récit même que l'intérêt
seul guide l'ancien évêque de Beauvais. 11 ne cherche qu'à plaire au duc
de Bourgogne et aux Anglais, par ambition personnelle. Pour un motif
aussi bas, il avait jadis justifié au concile de Constance le meurtre de
Louis d'Orléans.
En dépit du soin avec lequel le livre a été fait, l'auteur a laissé échap-^^
per des erreurs. Nous avons contrôlé toutes les assertions des deux pre-
miers chapitres et nous relevons les inexactitudes suivantes. P. 2, il faut|
lire Philippe VI au lieu de Philippe IV. Le jugement porté sur le coui
nétable de Richemond, p. 14 et ss., doit être corrigé à l'aide du livra
de M. Goi>neau que M. M. ne connaît pas. P. 17, la comparaison entr^
le Brandebourg et la Bourgogne me paraît mauvaise, en tous cas bien!
inutile. P. 22, il est dit : « En 1419, une partie de Domrémy qui ap-
partenait jusqu'à présent aux ducs de Bar, suzerain de la France, futf
unie au daché de Lorraine, par suite à Tempire d'Allemagne. » Le fait
I
d'histoire et de littérature io3
nous paraît faux; en 1419, le cardinal de Bar fait donation du duché
de Bar à son petit-neveu René d'Anjou et celui-ci fut fiancé à Isabelle,
héritière de la Lorraine; mais René n'entrera en possession de la Lor-
raine que beaucoup plus tard. La question de la nationalité de Jeanne
d'Arc n'est pas bien comprise, p. 24. P. 3i, il est question du a tribunal
archiépiscopal de Toul ». Il n'y a jamais eu d'archevêque en cette ville.
Le dernier chapitre, intitulé : Jeanne d'Arc au cours des siècles est
intéressant. Mais à notre avis l'auteur a voulu trop rafîiner. Son juge-
ment sur la Pucelle de Chapelain est, somme toute, exact; mais pour-
quoi attribuer à l'auteur de cet ennuyeux poème des desseins politiques?
Le plan en aurait été conçu en 1625, et Richelieu aurait voulu se servir
de cette œuvre pour éveiller contre les Anglais, qui secouraient la Ro-
chelle, Tanimosité des Français ! Je pense aussi que dans cette revue
Michelet méritait mieux qu''une mention. M. M. explique d'ailleurs assez
bien comment Jeanne d'Arc est revendiquée de nos jours par le parti
catholique et comment nos désastres de 1870 lui ont valu en France de
chauds partisans, souvent assez peu au courant de l'histoire.
En somme, M. M. a beaucoup travaillé son sujet; il a suivi une bonne
méthode ; il a l'esprit critique éveillé, le jugement d'ordinaire sain ; mais,
peut-être pour comprendre Jeanne d'Arc, pour nous la rendre bien vi-
vante, faut-il plus que de la conscience, plus que l'habitude de manier
les textes historiques, plus que du bon sens. Ces qualités supérieures,
M. Mahrenholtz ne les a pas et voilà pourquoi son livre n'est qu'un li-
vre fort estimable.
Ch. Pfister.
367. — A. -F. Pribram. Oestereeiiisclie Vermittelungs-Politik im
Poliiiscli-ru»!>Ie«cheii KiMege ie£S.4-]6UO. Vienne, 1889, 66 p. in-8
Les dépêches de Lisola, précédemment publiées par M. Pribram,
avaient jeté un jour peu favorable sur l'action de l'Autriche dans les
affaires du Nord, pendant la guerre de 1654 à 1660, qui se termina par
la paix d'Oliva, Elles avaient révélé que l'Autriche pratiqua une poli-
tique d'intervention sans énergie, sans honneur et sans profit. M. P. exa-
mine celte politique à la lumière de documents nouveaux qui complè-
tent les relations de Lisola, mais n'infirment pas le jugement qui s'en
dégage.
Dés que la Pologne devint le champ clos des intrigues et des ambi-
tions étrangères, la maison d'Habsbourg se préoccupa d'y empêcher l'é-
tablissement de toute dynastie ou influence qui pût la menacer. Au
milieu du xvii" siècle, Français, Suédois, Moscovites l'inquiétaient éga-
I lement. Engagée trop à fond contre les deux premières puissances, elle
tenta de leur opposer le grand duc de Moscou, Alexis. Mais ce prince
méditait l'annexion entière et la confiscation de la couronne polo-
naise. Il était malaisé de le réconcilier avec les Polonais. La cour de
104 REVUE CRITIQUE
Vienne proposa sa médiation avec l'arrière-pensée de garantir Pintégrité
comme l'indépendance de la Pologne.
C'est sur ce thème que s'engagea une négociation dont le plus sail-
lant épisode est la conférence de Wilna (i656). Les Autrichiens y jouè-
rent un rôle peu glorieux. Leur protégé Jean Casimir dut signer un
traité qui assurait au czar l'hérédité, c'est-à-dire la perpétuité de la
royauté polonaise. Cet échec ne les dégoûta pas d'une nouvelle offre
d'interposition, quand la non-exécution de ce pacte provoqua un nou-
veau conflit : les Russes la rebutèrent grossièrement; les Polonais, à
l'instigation du parti français, la déclinèrent avec autant d'ingratitude
que de politesse.
L'Autriche voulut prendre sa revanche du traité d'Oliva en rappro-
chant la Pologne et la Moscovie : ces deux États, sous la pression du
péril turc, sentaient la nécessité d'un accord, mais ils exclurent sans
façon l'Autriche de la transaction dont l'armistice d'Andrussow fut le
début (janvier i65j].
M. Pribram condamne les tergiversations de la cour de Vienne, lui
reproche de n'avoir su comprendre ni seconder les combinaisons parfois
trop subtiles de Lisola, et conclut avec justesse que le prestige de l'em-
pereur était amoindri à l'orient comme à l'occident de l'Europe. Son
récit suggère une autre réflexion que l'auteur, en bon autrichien, a sans
doute gardée pour lui. C'est que la diplomatie russe déploie sur celle de
l'Autriche une éclatante supériorité : non seulement le czar traite de
pair à pair avec le César germanique, mais ses envoyés à demi barbares
traitent de haut, dans toutes les rencontres, les ministres impériaux.
L'Autriche a de longue date appris l'humilité.
B. AUERBACH.
369. — Curîosîtà Slorîco-letterarîe del Secolo XVII. Due famose Maza-
rinades studio di Giacomo Bobbio. Roma, unione cooperativa éditrice, 1890,
in-8 de 79 p.
M. Bobbio a eu la main heureuse en choisissant, pour en donner une
élégante traduction et une non moins élégante réimpression, deux piè-
ces aussi intéressantes que la foule des esprits revenus à Saint- Gennain
(lafola degli spiriti riapparsi in San-Germano) et que la plainte des
pauvres contre le cardinal Ma:{arin {La querela dei poveri contra il
cardinale Maiariiio). Chaque mazarinade est précédée d'une notice '1
explicative et suivie de notes courtes et excellentes. L'éditeur n'ignore
rien de l'histoire des événements et des personnages mentionnés dans
les deux livrets qui furent certainement au nombre des plus piquantes
publications fugitives de l'année 1649. Sur Mazarin, sur Anne d'Autri-
che, sur Louis XIII, sur Gaston d'Orléans, sur le prince et la princesse
de Condé, sur M"" de Montpensier, sur Charles, maréchal de la Meille-
d'histoire et de littérature io5
raye, Armand, duc de la Meilleraye, sur le comte de Guiche ', etc.,
M. Bobbio dit tout ce qu'il faut en quelques mots. Sa plaquette, où les
lettres ornées, les fleurons, les vignettes sont d'une grâce exquise 2, mé-
rite le meilleur accueil tant auprès des bibliophiles français que des bi-
bliophiles italiens.
T. DE L.
370. — Bertana (Emilio;. L'Arcadîa della Scienza. Castone délia Torre di
Rezzonico. (Studî sulla letteraiura del secolo XVIII). Un vol. in-S, 23o pp. Parme,
Luigi Battei. Prix : 3 f r.
Ces deux études n'intéressent pas seulement l'histoire littéraire, mais
aussi l'histoire sociale et psychologique de Tltalie au xviii^ siècle. Dans
la première, M . Bertana examine les rapports de la science et de la poésie
dans la péninsule et les œuvres produites par la poesia dotta, aujour-
d'hui si oubliée et qui excita alors tant d'espérances et d'admiration. Il
fait une revue très complète des diverses œuvres poétiques à base de
science : on allait jusqu'à composer en hommage de noces un poème sur
les lentilles optiques ou sur l'origine des fontaines, ou un poème sur
le système cartésien pour une prise de voile. Un chapitre spécial est con-
sacré aux poèmes didactiques, — laFz^ne, de Pelizzari,la Culture dur i:{,
de Spolverini, cinq Saisons de RoUi, Frugoni, Gherardelli, Vicini, Bar-
bieri,— parmi lesquels la palme revient àCalbi, pour sa Filosofia esposta
in sonetti. L'ambition de laisser un grand poème philosophique travailla
ce siècle depuis le poème en cent chants de Maffei jusqu'à Ylnvito a
Lesbia Cidonia de Mascheroni ; elle inspira le Pregiudi:[io de Bvoa,no\\,
la Plurità dei mondi de Cassola, le Sistemadeicieli de Rezzonico. Après
la revue de tant d'œuvres dont une seule a survécu, Vbivito a Lesbia Ci'
donia, on comprend la conclusion de l'auteur : « L'action indirecte delà
science sur la poésie, comme sur le reste de la vie intellectuelle et civile,
fut profonde et bienfaisante. Mais qu'a donné la science directement
transportée dans la poésie? Rien. »
Dans la seconde étude, M. B, trace un portrait bien vivant de l'un de
ces savants poètes, Rezzonico, « incarnation caractéristique de ce patri-
ciat du xviii« siècle, dans lequel finissait de se dissoudre^ non sans quel-
ques symptômes d'une prochaine renaissance, la décrépite société ita-
lienne. » La vie de Rezzonico à Parme pendant la Révolution française
est particulièrement intéressante.
L. G. P.
1. M. B. donne à tort deux m au nom du futur maréchal de Gramont, lequel, ainsi
que ses aïeux et ses descendants, écrivait son nom comme je viens de l'écrire. Le pé-
ché est si petit que ce ne serait pas la peine de le relever, si l'on avait une obser-
vation plus sérieuse à soumettre au soigneux éditeur.
2. Indiquons particulièrement deux portraits de Mazarin, l'un, en tête de la pla-
quette (gravure représentant le cardinal racontant, devant des hommes et femmes du
monde assis sous les beaux arbres d'un grand parc, l'historiette des esprits revenus à
Saint-Germainj, l'autre à la fin (p. 76, en cul-de-lampe).
I06 REVUE CfUTlQOh
371. — l.c Moréclial Itantlon, par A. Rastoul. (Paris, Didot, 1890, in-12 de
(ui-401) p., avec portrait).
a Cette étude est, avant tout, une œuvre de réparation », nous dit
Tauteur, dès la première ligne ; plus d'un lecteur dira : c'est un pané-
gyrique. On a cherché à y démontrer que le maréchal Randon fut un
bon général en chef, un très bon gouverneur de l'Algérie, un excellent
ministre de la guerre; qu'il eut toutes les vertus publiques et privées,
et que, si ses avis eussent été écoutés, les désastres de 1870 eussent été
épargnés à la France. S'il en était ainsi, il aurait été jugé bien inique-
ment par ses contemporains, par la plupart de ses chefs, et par la grande
majorité de ceux qui ont servi sous ses ordres. Bugeaud écrivait en le
désignant : // ne peut rendre aucun service à la têle des troupes, parce
quelles n'ont aucune confiance en lui Ce n'est pas un homme de
guerre '. Telle était l'opinion de Saint Arnaud qui ne consentit jamais
à lui rien laisser entreprendre d'important; de Baraguey d'Hilliers, qui
le nota en quelques lignes d'une concision draconienne; de Pélissier,
qui ne perdit jamais une occasion de le cribler de ses traits les plus
acérés -. Et les quatre maréchaux de France desquels je viens de parler
le connaissaient bien, Payant eu longtemps sous leurs ordres, ou à leurs
côtés.
Cela dit, il convient d'ajouter que cette biographie est exacte, en ce
qui concerne les faits qui y sont relatés; nous ne trouvons à redire qu'à
leur interprétation, qui nous semble quelque peu faussée par le parti-'
pris de l'admiration. M. R. loue son héros de sa conduite au moment
du retour de l'île d'Elbe ; nous estimons que, ce jour-là, il mérita toutes
les rigueurs de la justice militaire, qui ne lui furent épargnées, du reste,
que parce qu'il aurait fallu punir trop de monde ^ Mais le gouverne-
ment royal savait à quoi s'en tenir, et le laissa passer quinze ans dans
le même grade. Après la révolution de i830j il se fit un mérite de cette
disgrâce, et, en onze ans, échange les épaulettes de capitaine contre
les étoiles de maréchal de camp, sans que cet avancement extraordinaire
eût été justifié par des services éclatants. Nous n'avons pas à écrire ici
l'histoire du maréchal Randon; mais nous pouvons éprouver quelque
1. Lettre adressée au maréchal Soult, le 20 août 1843.
2. On remplirait plusieurs pages de ces boutades; nous n'ea citerons qu'une : ^i
<£ Chose bizarre que les prénoms! Randon s'appelle Alexandre César, et moi, je
m'appelle Amable! »
3. Que penser de l'aide de camp d'un général, qui, envoyé par lui, et le représen-j
tant ipso facto, assiste sans protestation à l'embauchage de ses soldats, à des pour-
parlers avec des insurgés, et se contente de prendre la fuite au moment final, sans
avoir même tenté une démonstration vigoureuse, laquelle eût très certainement
rallié la plus grande partie des hommes, qui, bien que sollicités depuis plus de vingt-
quatre heures, n'avaient pas encore fait défection ! — « Il paraît constant, dit-il, que
« j'excitai le commandant Desessait à comm.ander le feu. » — Cela ne nous paraît
pas constant du tout; car, dans ce cas, Napoléon n'eût pas, quelques jours après,
appelé à Paris le général Marchand et son neveu.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE IO7
surprise en voyant qu'on lui fait un mérite de son refus d'aller à Rome ',
de sa conduite au Ministère de i85i ^, de son abstention lors du coup
d'Etat ^. Quant à la campagne de Kabylie, nous réservons notre admi-
ration pour le maréchal Bugeaud, qui l'avait préparée ^, en avait dressé
le plan dans tous ses détails ; son successeur ne fit qu'appliquer ce plan ,
et encore le fit-il assez mal; il dut s'y reprendre à trois fois, subit plus
d'un échec grave, et le succès final lui coûta bien cher.
Nous touchons maintenant au point le plus important. Le Maréchal
a été accusé, et l'est encore, d'avoir, pendant son deuxième ministère
(1859-1866), laissé l'armée s'affaiblir à un tel points qu'on ne put pas,
après Sadowa, risquer une démonstration sur le Rhin. M. Rastoul
s'élève contre ces allégations, qu'il qualifie de calomnieuses ; mais, en
fait, il ne prouve qu'une chose; c'est que le ministre offrit de faire mar-
cher immédiatement 80,000 hommes, ci promettait à'' tn réunir 450,000
en un mois (p. 3oo). On se garde bien de nous parler des approvision-
nements et du matériel '.
Bien des pages sont consacrées à la louange des convictions religieuses
du Maréchal, qui, tout protestant qu'il était, fut un des plus dévoués
défenseurs des droits de Pie IX (p. 245). Après les dernières révéla-
lions de M. Rolhan, c'est un singulier éloge à faire d'un homme d'Etat.
Peu de personnes partageront l'avis de l'auteur, non plus que son admi-
ration pour la création de la légion d'Antibes, qui enlevait à la France
(en 1866!) douze cents hommes d'élite. Enfin, le 22 décembre 1867,
âgé de plus de soixante-treize ans, le Maréchal abjura la religion pro-
testante et se convertit au catholicisme; ses ennemis (et il n'en man-
quait pas) crurent qu'il cherchait ainsi à s'ouvrir les portes du conseil de
Régence; d'autres dirent qu'il voulut avoir, au moins une fois dans sa
vie, quelque chose de commun avec Turenne.
H. D. DE Grammont,
3/2. — Ph. Godet. Histoire littéi-aire de la Suisse Française. Paris,
Fischbacher, 1890; un vol. in-8 de ix-Sbg p.
L'auteur de ce livre n'a pas eu la prétention de faire une œuvre origi-
nale; dès la première ligne de sa préface, il avertit que cette histoire
1. Eli quoi la religion du Maréchal l'empéchait-elle de commander le corps d'oc-
cupalion? Ce fut un pre'texte, et rien de plus.
2. Il passa tout son temps à louvoyer entre les deux partis.
3. Il n'y participa pas; mais il en profita largement; d'ailleurs, en pareil cas, l'abs-
tention est une adhésion peu compromettante.
4. Une grande partie du dossier (lettres, etc.) du maréchal Bugeaud a été détour-
née des Archives du ministère de la guerre. Quand?
5. Quand on voit dans quel état Je dénuement nous trouva la guerre de 1870,
même après les efforts qu'avait faits le maréchal Niel pour réparer le passé, il est
difficile de croire que nous étions, en 1866, en état d'affronter une lutie semblable à
celle qu'une simple démonstration eût déchaînée.
I08 REVUE CRITIQUE
« existait déjà, pour ainsi dire, à l'état de chapitres isolés, dans plusieurs
ouvrages ; » et il considère « comme un devoir pressant » de rendre hom-
mage à ses devanciers. Il dit ailleurs, à propos des emprunts qu'il a faits
à tel ou tel, à M. Sayous par exemple : « Je pille trop pour pouvoir
citer toujours. » (P. i83). On voit par là ce que peut être le livre de
M. Godet, une véritable mosaïque; ce n^en est pas moins un manuel
utile que l'on consultera avec fruit, si l'on veut bien connaître l'his-
toire de la littérature française à l'étranger. Peut-être semblera-t-il un
peu long à ceux qui n'étant pas nés Suisses, ne tiennent pas absolument
à a vivre de la vie » des lettrés de Genève, de Lausanne, de Fribourg ou
de Neufchàtel, à étudier l'un après l'autre les illustres inconnus dont les
centaines de noms remplissent Tindex alphabétique. Intéressante pour
les compatriotes de M. G., cette histoire littéraire l'est aussi, dans une
certaine mesure, même pour le grand public français, et les chapitres con-
sacrés à Calvin, à Rousseau, à Benjamin Constant, à Mallet du Pan,
aux collaborateurs de Mirabeau, à M^^e de Staël, à Sismondi, à Tœpffer
sont d^une lecture instructive; on ne lira pas sans profit ce que M. G. a
dit du xvi^ siècle et de la Révocation de i685 qui a fait tant de bien à
la Suisse. M. G. est même parfois autre chose qu'un excellent secrétaire
de rédaction : il sait juger les hommes et les livres ; il ajoute aux indica-
tions sur M'^e de Staël quelques documents inédits.
M. G. critique (p. 3 19) les écrivains suisses qui emploient des locu-
tions comme « Mon but est renz^^/f... Je ne me rappelle i^e rien »; p. 171
il parle de » la langue un peu roide des écrivains indigènes. » La langue
de M. G., elle aussi, est parfois un peu roide, son style ne laisse pas
de sentir un peu le réfugié, et il emploie des locutions, des construc-
tions qui dénotent un étranger, par exemple : Un hymne latin (p. 27) ;
Un exode (p. 45-46^ ; C'est un des hommes qui sait le mieux son Vinet
(p. 494, note); Retremper le français dans le latin et dans le sérieux (p.
96) etc.
Il n'en est pas moins vrai que le livre de M. Godet a été fait avec grand
soin et qu"il mérite d'être consulté, même par les Français aux-
quels il apprendra bien des choses.
A. Gazier.
373. — Ch. Lebaigue. La réforme ortliograpliîque et l'Académie fran-
çaise. Deuxième édition. Revue et augmentée d'un Appendice. Paris, Delagrave,
1890, vii-i36 p. in-i2.
J'ai rendu compte de la première édition dans la Revue dvi 21 octobre
1889. Il y a un an qu'elle a paru, et déjà voici la seconde livrée au
public. 11 n'y a pas de meilleure preuve qu'on n'a réussi ni à le dégoû-
ter de la réforme, ni à entortiller son jugement.
La seconde édition diffère de la première par un format plus com-
mode et par l'addition de quelques pages, un court préambule et un
d'histoire et de littératurb 109
Appendice. Ce dernier est divisé en deux parties : 1° Réponse à
M. L. Havet (c'est-à-dire à l'article de la Revue) ; 2° M. Bréal et la
réforme. M. Lebaigue me fait l'honneur de discuter mes vues avec
beaucoup de précision et de courtoisie; je l'en remercie et je ne reviens
pas sur la discussion; je me bornerai à répondre à une question qu'il
me pose. Dans telles phrases, demande M. L. (il y fait entrer, par exem-
ple, la locution vains discours), est-il une seule lettre que M. Havet
consentirait à éliminer, sous prétexte qu'elle ne correspond pas à la
prononciation? « Non, sans doute. » Cette réponse n'est pas la mienne.
Non seulement je consens à ce qu'on élimine Va inutile de vains (tout
de suite si l'on veut), mais je désire qu'on le fasse un jour. Il y a des
réformes plus pressées, et j'aime mieux les voir passer d'abord. Mais
quand le moment sera venu d'ôter l'a non latin de vaincre = uincere,
je crois qu'il sera temps aussi d'ôter Va latin de vain = iianus. L' « éty-
mologie » continue de compter à mes yeux pour zéro. Ce n'est pas
l'étymologie qui indique sur quels points les novateurs doivent être
patients, c'est l'ordre pratique de la besogne. Cela dit, je suis heureux
de dire à M. L. que je respecterais en effet, quant à présent, la plupart
des mots qu'il cite (je voudrais seulement qu'on adoptât sans retard aus
pour azix, èles pour elles, home pour homme). Et je me félicite de voir
que, de son côté, il est tout prêt à faire des concessions sur l'emploi de
certains signes diacritiques.
Au fond, les divergences entre mon savant contradicteur et moi sont
toutes d'ordre théorique. Pour ce qui est à faire actuellement, il y a
accord parfait quant à la mesure et quant à la plupart des détails. Et si
M. Lebaigue était nommé, par l'Etat ou par l'Académie, dictator
orthographiae constitiiendae, je serais des plus chauds à applaudir
d'avance à toutes ses décisions.
Louis Havet.
CHRONIQUE
ALSACE. — Le cinquième centenaire du Pfeiffevtag de Ribeauvillé sera prochai-
nement célébré par la représentation d'une pièce en vers intitulée Die Pfeiferbruder.
Les rôles seront remplis par la jeunesse du lieu, costumée comme au xv^ siècle. L'au-
teur de la pièce, M. le D' Jahn, a placé l'action à l'époque où venait de se former la
corporation des Pfeifer, c'est-à dire dans la plus belle période de l'histoire des Ri-
beaupierre. 11 évoque assez habilement le passé, au moyen d'une intrigue qui excite
suffisamment l'iniérêt : il imagine qu'un jeune gentilhomme, enlevé en son bas-âge
par des bohémiens et vendu à un charlatan, est reconnu plus tard à Ribeauvillé
par son frère aîné qui, pour retrouver plus sûrement l'enfant perdu, a revêtu l'habit
de ménétrier et parcourt le pays sous ce déguisement.
T 10 REVUE CRITIQUE
ALLEMAGNE.— On annonce la publication d'un Kriiischer Jahvesbericht ûber die
Fortscliriite der romanischen Philologie. CcJahicsbericht qui offrira un tableau d'en-
semble de toutes les œuvres qui se seront produites sur le domaine des langues et
littératures romanes, sera publié par M. Vollmœller, professeur de philologie ro-
mane à rUniversité de Gœttingue, et « rédigé » par M. R. Otto, de Munich. (Mu-
nich et Leipzig, Oldenbourg). Il paraîtra chaque année en six fascicules qui seront
accompagnés d'un An^eigeblatt ou bibliographie. On est prié d'envoyer un exem-
plaire de tout ouvrage qui rentre dans le cadre du Jahresbenchi, à M. Otto, Munich,
Gabelsbergerstrasse, 55,
— Nous apprenons la mort d'Emile Heitz, professeur de philologie classique à
l'Université de Strasbourg, décédé dans sa 65' année, et de Gottfried Keller, « le
grand Zurichois, dit la Deutsche Litlcratuv^eitung, en qui les pays de langue alle-
mande ont perdu leur poète le plus original » (lO juillet).
ANGLETERRE. — M. Joseph Jacobs qui vient de publier les Fables de Bidpai et
VEsope de Caxton, va réimprimer le Palace of pleasure de W. Pointer (i567), qui
renferme la traduction de plus de cent nouvelles italiennes. C'est dans ce volume que
les dramaturges anglais, Shakspeare, Massinger, etc., ont puisé le sujet d'un grand
nombre de leurs pièces. M. Jacobs reproduit le texte de la deuxième édition qui est
plus complet. La publication formera i,5oo pages en trois volumes (chez David Nutt,
5oo exemplaires).
— On annonce, pour paraître prochainement dans la collection des c< Great Wri-
ters»,une étude de M. Moncure D. Conway sut Naihaniel Hawthomc.
— L'English Dialect Society fera paraître bientôt un Glossary of words in use in
ihe county of Gloucester, par M. J. D. Robertson et un ouvrage de M. Alex. Ellis,
English dialects, their homes and sounds.
HONGRIE.— M. E. Finaczv, attaché au ministère de l'instruction publique, vient
de publier un volume sur V Enseignement secondaire en France (265 p.). Après
avoir visité à deux reprises quelques lycées de Paris, et lu à peu près tout ce qu'on
a écrit dernièrement sur l'organisation et les réformes de notre enseignement se-
condaire, M. Finâczy, avec une hâte fébrile, a déposé dans ce volume le fruit de ses
expériences et de ses lectures La partie historique n'a rien d'original; elle embrasse
l'époque de Charlemagne jusqu'à i^id. La deuxième partie sur l'organisation actuelle
des lycées montre que l'auteur a souvent bien vu, mais comme tous les visiteurs, il
s'attache plutôt à des formalités extérieures qu'à l'esprit de l'enseignement. On voit
partout l'étranger habitué aux externats, guidé dans ses excursions par un membre
de l'enseignement libre; quoi de plus naturel dans ces conditions, que de s'élever
contre l'internat, le baccalauréat, le concours général et l'installation de quelques
établissements: Mais en général l'éloge l'emporte sur la critique.
— M. SiMONYï, après avoir publié ses deux grandes monographies sur les Conjonc-
tions et sur les Adverbes hongrois, vient de publier deux volumes de Causeries sur
la langue hongroise (pp. 3oi et 362). Il y expose au grand public les résultats obte-
nus par les philologues de ce siècle, en les appliquant à l'idiome hongrois. L'ori-
gine, les influences étrangères, les monuments linguistiques, la langue littéraire el \e
patois forment autant de chapitres curieux et qui montrent la grande compétence
de l'auteur.
— La langue turque, représentée à l'Université de Budapest, par le célèbre voyageur
Vâmbéry, a trouvé en M. Kunos un fervent adepte. Il vient de publier les Chants
populaires turcs en deux volumes (328 et 422 p.) et un volume de Contes turcs (202 p.),
recueillis par lui pendant son voyage en Turquie.
d'hJSTOIRE et DB LirrÉRATURB III
— M. Pecz, privat-doceiit, à rUniveisité, a fait paraître ie premier volume de ses
Études sur les tragiques grecs. Ce volume embrasse l'histoire géne'rale de la tragé-
die. M. Pecz a utilisé tous les travaux français et allemands sur le sujet.
— Signalons enfin deux études sur la littérature française; celle de M. Banfi, cor-
respondant du Figaro, sur Alceste et la Misanthropie (-jb p.), étude esthétique inté-
ressante, et celle de M. Hauaszti sur La poésie d'André Chénier (162 p.), publiée
dans les Mémoires de l'Académie hongroise.
ITALIE. — M. Arturo Graf, professeur à l'Université de Turin, vient de réimpri-
mer chez Loescher (Turin, i8go, in-S^de 292 p.), son recueil de vers intitulé Mé-
dusa, qui en est déjà à sa Si^ édition et se présente aujourd'hui augmenté d'un troi-
sième livre.
— On doit signaler la tentative d'un jeune érudit, M. Mario Menghini, attaché au
ministère de l'instruction publique, à Rome, qui s'est proposé de reproduire les an-
ciennes impressions de poèmes populaires conservés, quelquefois à un unique exem-
plaire, dans les bibliothèques italiennes. Le premier fascicule, très bien imprimé,
in-80, et reproduisant page par page le texte original, contient deux plaquettes tirées
de VAlessandrina de Rome. Cette collection, qui coûtera seulement i franc par fas-
cicule, a pour titre: Can:{oni anticlie'del popolo italiano et complétera la revue ré-
cemment fondée par le même éditeur, la Rassegnadi litteratura popolare e dialettale.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du i^'' août 18 go.
M. Fierlinger, professeur à Olmûtz, avait adressé à lAcadémie la photographie de
deux pages d'un livre imprimé, si l'on en croit la mention finale, à Venise en 1414.
M . le Secrétaire perpétuel communique une note de M. Delisle, qui, après examen des
photographies, a reconnu qu'il s'agit d'un livre imprimé en 1514. Le chiffre 1414
n'est qu'une faute d'impression. On possède d'autres ouvrages qui portent le nom
du même imprimeur, avec la date de i5i4.
M. Deloche termine sa lecture sur le jour civil en Gaule. Au calcul légal des délais .
par nuits, usité depuis la conquête franque, on voit sesubstituer, à partir du xiu" siècle,
selon les régions, deux modes nouveaux de supputation : le calcul par jours et le
calcul par jours et nuits. Le premier ne tarda pas à prévaloir et est seul resté en usage
jusqu'à aujourd'hui. C'est à tort que des historiens du droit français ont professé
que la numération par nuits avait persisté d'une manière générale jusqu'en 1789.
M. Edmond Le Blant communique une inscription latine chrétienne, qui lui paraît
remonter au vi* siècle, et qui a été découverte à Andance (Ardèche). Elle est ainsi
conçue :
HIC TITVLVS TEGET DIAC
EMILIVM QVEM FVNERE
DVRO EV NIMIVM CELERE
RAF VIT MORS IMPIA CVRSV
XXXVIII ETATIS SVE ANNO MGR
TEM PERDEDIT VITAM liNVE
NIT QVIA AUCTOREM VI
TE SOLVM t DILEXIT
On reconnaît au commencement de ce texte deux vers défigurés :
Hic titulus tegit Aemilium, quem funere dura,
Heu! nimium céleri rapuit mors impia cursu.
Le graveur de l'inscription a maladroitement ajouté, devant le mot Aemilium, le
mot diaconum, qui fausse le vers. M. Le Blant signale, dans les inscriptions de l'an-
tiquité chrétienne qui nous sont parvenues, un grand nombre d'exemples de fautes
Semblables. H indique aussi des textes où est exprimée une pensée analogue à celle
qu'on remarque dans les lignes de l'inscription : mortem perdidit, vitam inveuit.
M. Salomon Reinach communique une inscription grecque, découverte à Magnésie-
du-Méandre, par M. D. Baltazzi. C'est un récit, historique ou légendaire, des origines
du culte de Dionysius ou Bacchus à Magnésie. Un coup de vent ayant, dit le texte,
I I 2 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
fendu un platane auprès de la ville, on trouva une image de Bacchus à l'intérieur de
l'arbre. Les habitants de Magntisie, qui entretenaient des rapports suivis avec le
sanctuaire de Delphes, envoyèrent une députation pour la consulter. La Pythie ren-
dit un oracle, en quatorze vers hexamètres, que l'inscription nous a conseivés : elle
ordonna aux Magnètes d'élever un temple à Bacchus et de s'adresser à Thèbes pour
recruter les prêtresses du nouveau culte. Les ambassadeurs ramenèrent trois prê-
tresses ou ménades thébaines, Cosco, Boubo et Thettaié, qui organisèrent à Magné-
sie trois thiases ou collèges dionysiaques. Après leur mort, elles furent l'objet d'hon-
neurs publics et reçurent la sépulture sur trois points différents du territoire de
Magnésie, que l'inscription désigne par leurs noms ; l'une d'entre elles fut enterrée
auprès du théâtre.
Ouvrages présentés : — par M. de Barthélémy : Baye (le baron J. de), Note sur
quelques antiquités découvertes en Suède (extrait des Mémoires de la Société natio-
nale des antiquaires de France); — par M. de Boislisle : .Mever (Paul), Discours
prononcé à l'assemblée générale de la Société de l'histoire de France.
Julien Havet,
LIVRES DÉPOSÉS AU BUREAU DE LA REVUE CRITIQUE
D'Arbois de Jubainvillb, Recherches sur l'origine de la propriété foncière et des
noms de lieux habités en France (période celtique et période romaine). Paris,
Thorin. — Aulard, Mémoires secrets de Fourmer l'Américain publiés pour la pre-
mière fois d'après le manuscrit des Archives nationales avec introduction et notes.
Paris, Charavay. — Lady Blennerhassett, née comtesse de Leyden, Madame de staël
et son temps, 1766-1817, avec des documents inédits, portrait d'après Gérard,
ouvrage traduit de l'allemand par Auguste DiEXRrcH. Trois volumes, Paris, Westhaus-
ser. — Souvenirs de la comtesse de La Bouëre, La guerre de la Vendée, 1793-1796,
mémoires inédits publiés pour la première fois par M^^s la comtesse de La Bouëre,
belle-fille de l'auteur, préface par le marquis Costa de Beauregard. Paris, Pion. —
Costa de Beauregard imarquis), Epilogue d'un règne. Milan, Novare et Oporto. Les
dernières années du roi Charles-Albert. Pans, Pion. — A et M. Croiset, Histoire
de la littérature grecque. Alfred Croiset, Tome second. Lyrisme, premiers prosateurs,
Hérodote. Paris, Thorin. — Dejob, Madame de Staël et l'Italie, avec une bibliogra-
phie de l'intluence française en Italie, de 1796 à 1S14. Paris, Colin. — Deloume, Les
manieurs d'argent à Rome, ',es grandes compagnies par actions, le marché, puissance
des publicains et des banquiers jusqu'à l'Empire. Paris, Thorin. — Des Granges,
Bossuet, sermon sur l'ambition, étude critique littéraire et morale. Paris, Croville-
Morand. — Diei*l, Excursions archéologiques en Grèce, Paris. Colin. — Du Boys,
Deux correspondants limousins de Baluze, lettres inédites de Pradilhon de Sainte-
Anne et de M. du Veidier, 1692-1695. Limoges, Ducourtieux. — Dumont, Dépopu-
lation et civilisation. Paris. Afcan. — Firmery, Goethe (classiques populaires édités
par Lecène et Oudin). — Fustel de Coulanges, Histoire des institutions politiques
de l'ancienne France. Les origines du système féodal. Le bénéfice et le patronat pen-
dant l'époque mérovingienne. Ouvrage revu et complété d'après le manuscrit et lesj
notes de l'auteur, par Cam Jullian. Pans, Hachette. — GaChard, Etudes et notices!
historiques concernant l'histoire des Pays-Bas. Trois volumes. Bruxelles, Hayez. — I
Guillaume, Pestalozzi, étude biographique. — Jean (R. P. Auguste), Le Maduré. La]
nouvelle mission. — Joguet-Tissot, Les armées allemandes sous Pans. Paris, Perrin.J
— Le GoFFic, Les romanciers d'aujourd'hui. Paris, Vanier. — Parigot,^ Emile,
Augier (classiques populaires édités par Lecène et Oudin). — Pélissier i^Léon G.),'
Documents annotés, fascicule Vlll, Lettres inéditesde Dom Claude de Vie à Fr. Ant.
Maroni ; fascicule IX. Une relation inédite de l'Escalade de Genève, 1602. -- Rod. J
Reuss, Correspondances politiques et chroniques parisiennes adressées à Christophe Jj
Gûnizer, i68i-ib85. Pans. Fischbacher. — Maxime de La Rocheterie Histoire de
Marie-Antoinette. Deux volumes. Paris, Perrin. — Sigogne, Essais de philosophie et
de littérature. Paris, Carré. — Sorel Albert , Madame de Staël. Pans, Hachette
(collection des grands écrivains français). — Sourches marquis de). Mémoires sur le ,
règne de Louis XlV, tome X. Paris, Hachette. — Tourneux, Bibliographie de l'his-'
toire de Paris pendant la Révolution française. Tome premier. Préliminaires, événe-
ments. Paris. Impnm. nouv. (assoc. ouvr.) — Tueteï, Répertoire général des sour-
ces manuscrites de l'histoire de Paris pendant la Révolution française. Tomel
premier. Etats-généraux et Assemblée constituante. Pans, Impr. nouv. — Vander-'
LiNDE.N, La révolution démocratique au xiv<' siècle à Louvain.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le ruy^ imprimerie Marchessou Jils, boulevard Saint-Laurent, 23.
i
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE El DE LITTÉRATURE
N» 34-35 - 25 août-1 septembre — 1890
fiommaire î 374. Commodien, p. p. Dombart. — SyS. Tertullien, p. p. Reif-
FERSCHEiD et WissowA. — 3>']6. Engelbrecht, Fauste de Riez. — 377. Kronen-
BERG, Minuciana. — 378. Le lai de l'ombre, p. p. Bédier. — 379. Streitberg, Les
comparatifs germaniques. — 38o-38i. Pélissier, Lettres de Dom de Vie à Maroni
et Relation inédite de l'Escalade. — 382. R. Reuss, Correspondances et chroniques
parisiennes adressées à Gtintzer. — 383. Wallon, Les représentants en mission,
V. — 384. Lucas, Portraits et souvenirs littéraires. — 385. Le Goffic, Les ro-
manciers d'aujourd'hui. — 386. Joguet-Tissot, Les armées allemandes sous
Paris. — Lettre de M. Louis-Lucas. — Académie des Inscriptions.
374. — I. Coinmodlanî curmiiia, recensuit et commentario critico instruxit
Bernhardus Dombart {Corpus Scripiorum ecclesiasticovum latinorum, editum
consilio et impensis Academiae litterarum Caesareae Vindobonensis, vol. XV).
Vindobonae, apud C. Geroldi filium. mdccclxxxvii. xxiv-25o pp., in-8. Prix : 3 M
375. — 2. Q. Septiiui Florentin Xei-tulliuni opéra, ex recensione Augusti
Reifferscheid et Georgii Wissowa, pars 1 (Corpus Scriptorum eccl. lalin., vol
XX). Pragae et Vindobonae, F. Tempsky; Lipsias, Freytag, 1890, xiii-Sgô pp
in-8. Prix : i5 M. 60 (19 fr. 40!).
376. — 3. Studien uebei- die Seliriftcn des Biseliofea von Reîi Fauetus
Ein Beitragzur speetlateinischen Literaturgeschichte von Dr. August Engelbrecht
Prag u Wien, Tempsky; Leipzig, Freytag, 104 pp. in-8. Prix ; 3 M.
, 377. — 4. A.-J. Kronenberg. minuciana, siue annotationes criticae in Minuci
wt Felicis Octauium. Spécimen litterarium inaugurale. Lugduni Batauorum, S. C
H^ van Doesburgh, 18S9, loi p. in-8.
I
\
I. M, Dombart avait offert au monde savant les prémices de ses
recherches sur Commodien dans un mémoire lu à l'Académie de Vienne
et tiré à part; nous l'avons analysé en i885, quand il a paru '. Si nous
signalons seulement en 1890 Tédition publiée dans les derniers mois de
1887, cela tient à des retards en partie imputables aux libraires 2, Nos
lecteurs ont eu le temps de prendre connaissance de ce très beau travail,
qui est comme un Corpus de toutes les études antérieures sur Commo-
dien. Dans les dix années qui se sont écoulées depuis l'apparition de
l'édition Ludwig (1877-1878), les théologiens, les historiens, les philo-
logues se sont occupés souvent de cet auteur. M. Dombart a profité de
leurs recherches. Il a fait mieux. Il nous donne pour la première fois
1. Rev, crit., i885, I, 218.
2. [Nous saisissons cette occasion pour rappeler à MM. les éditeurs de l'étranger notre
prière de nous adresser directement, parla poste, non par commissionnaires, les ouvra-
ges dont ils désirent des comptes-rendus. C'est parce qu'on n'a pas suivi celte re-
commandation qu'un livre expédié le 5 novembre 1887 nous est parvenu en avril iSgo.
- Réd].
Nouvelle série, XXX. 34-35
114 REVUE CRITIQUE
une collation minutieuse des mss. de Cheltenham dont les précédents
éditeurs n'avaient eu qu'une connaissance fort imparfaite. C'est ce qui
a permis de classer avec sûreté les mss. des Instjmctiones et d'établir un
texte du Carmen apologeticum notablement supérieur à celui de Pitra.
M. D. s'est servi de toutes ces ressources nouvelles avec un tact parfait.
En voici un exemple. La pièce XXI II du liv. II des Instructiones a
pour titre De \elo cojiciipiscenxiae dans les mss., mais l'acrostiche assure
l'épel conciipjscenciae (v. i8 : Ciim, pro die tuo iiigilas...) ; M. Hanssen,
n'osant admettre l'assibilation, avait proposé de lire : Tii pro die.
M. D. a compris que ce qui peut se défendre dans une dissertation ne
peut pas toujours être admis dans une édition. Il a conservé ciim et
corrigé le titre : « Ego uero, dit-il, tam antiquum sibilationis indicium
caute notandum potius quam per cum auferendum censeo. » Exécutée
dans un tel esprit, la présente édition de Commodien paraît une cons-
truction durable ; à part la découverte de nouveaux mss., on ne voit pas
ce qui pourrait l'ébranler.
2. Auguste Reifferscheid est mort il y a deux ans, laissant de nom-
breux travaux préparatoires pour l'édition de TertuUien ; le premier
volume était presque achevé pour l'impression. C'est ce volume que
MM. Alexandre Reifferscheid, von Hartel et G. Wissowa nous donnent
aujourd'hui, après avoir revu et complété l'œuvre du défunt. On y
trouvera les traités parvenus jusqu'à nous grâce à VAgobardinus seul
(B. N. lat. 1622) ou aux premières éditions (de spectaciilis, de idolola-
tria, ad nationes, de testimonio animae, scorpiace, de oratione, de
baptismo, de pudicitia,de ieiunio aduersiis psychicos, de anima). Le
deuxième volume contiendra les oeuvres conservées par plusieurs mss.
du moyen âge ; le troisième, celles qui ne sont que dans les mss. récents.
J'avoue que je ne comprends pas bien cette disposition. On aurait pu sui-
vre un ordre chronologique ; c'eût été fort contestable, mais fondé en rai-
son ; on aurait pu adopter Tordre alphabétique, mécanique et conven-
tionnel, mais commode et ne soulevant aucune question délicate. Enfin
on aurait pu prendre l'ordre indiqué par l'index de VAgobardinus. Cet
ordre représente une tradition; quelle en est la valeur, c'est une ques-
tion que nous n'avons pas à discuter. Mais quand on se trouve en
présence d'un recueil de sermons ou de traités, le plus simple et le plus
sage est de se fier au classement des manuscrits les plus anciens. Souvent
ce classement nous est donné par une table qui survit aux perturbations
produites dans le texte par des accidents de tout genre. C'est le cas de
VAgobardinus. J'ajouterai qu'il est même du devoir d'un éditeur d'a-
dopter cette disposition, quand par un heureux hasard elle nous a été
ainsi conservée; elle fait partie de l'histoire de la tradition et, si l'on \\
doit mettre sous les yeux du lecteur tous les documents, on n'a pas le droit
de lui dérober cet élément d'appréciation. Agir autrement comme
pour le TertuUien de Vienne, c'est pêcher contre la méthode. On
retombe dans les errements des Bénédictins qui, dans une intention
d'histoire et de littérature I I 5
fort louable, ont classé les sermons de saint Augustin d'après le cycle
liturgique; ils ont ainsi détruit l'unité de recueils qui avaient une
existence propre et fait disparaître de précieux jalons du fourré touffu
de la littérature homilétique.
Ces réserves faites, il convient de louer les éditeurs de l'exactitude et
du soin avec lesquels ils se sont acquittés de leur tâche. Conformément
à un désir exprimé ici à l'occasion d'un autre volume de la même col-
lection, ils ont indiqué en marge les numéros des feuillets du ms. Ils
ont placé entre crochets les parties du texte dont le mauvais état de la
marge nous a privés '. L'apparat critique est d'une lecture claire et
sans surcharges inutiles. En un endroit, il est cependant obscur. P. 3,
1. 14 : nam apiid spectacula et in cathedra sedetur [et in ii]ia statur ;
de ce texte, il est très difficile de détacher ce qui est addition conjectU'
raie à l'aide des indications suivantes ; « et et sedetur add. E. Klussman-
nus, in cathedra om. A » ; le ms. donne de fait seulement : apud spec[ta'
cilla et in ii]ia statur. A la page suivante, l'apparat omet de relater que
les mots neque ad idolatriam de la ligne 17 manquent dans le ms.
d'Agobard.
3. L'édition de Fauste de Riez, que prépare M. Engelbrecht ne pouvant
paraître de suite, l'auteur publie les principaux résultats de ses recher-
ches sur trois points : l'état du texte du de gratia, la paternité du de-
spiritu sancto et l'authenticité des homélies de Fauste.
Grâce aux indications fournies par les indices et aux citations faites
par le moine lohannes Maxentius, M. E. démontre que le de gratia,
conservé dans un ms. unique (B. N. lat. 2166), a perdu dans le premier
livre la fin du chap. 14 et la plus grande partie du chap. i5, dans le
deuxième livre la fin du ch. 6, le ch. 7 entier et le commencement du
chap, 8, et la fin du ch. 1 1 avec le commencement du ch. 12 2.
Le traité de spiritu sancto a été attribué au diacre Paschasius sur la
foi de quelques mss. et sur un témoignage très vague du pape Grégoire le
Grand. Depuis longtemps, on croyait cependant assez ge'n étalement que
c'était l'ouvrage mentionné par Gennadius dans le catalogue des
ouvrages de Fauste de Riez. M. E. reprend à nouveau les preuves
qu'on en a données et les fortifie de* nouvelles considérations. M. E.
se fonde notamment : i» sur le témoignage de Gennadius qui fait
1. La marge du ms. a été rongée par l'humidité, puis réparée. Des portions de
texte ont ainsi entièrement disparu ; d'autres ont beaucoup pâli au point d'être illisi-
bles en plus d'un endroit; d'autres sont recouvertes de taches brun foncé qui rendent
toute tentative de lecture impossible. lien résulte que le commencement de certains
mots peut encore être lu, quoique avec difficulté, tandis que la fin est recouverte par
ces taches. Les éditeurs en général n'ont indiqué entre crochets que les parties du
texte qui ont été enlevées avec le parchemin. Ainsi, p. 7, 8, dans exinde ludi [Consua-
lia] dicti, qui..., Coiisualia éi&h dans la partie aujourd'hui détruite, t/Zc// est presque
eflacé et, à la suite, couvrant l'espace de deux à trois lettres se trouve la tache, puis sur
le parchemin sain, on lit qui etc. A cause de l'intervalle qui sépare dicii et qui, je
rétablirais s{unt) après dicti.
2. P. 19, 1. 18, lire sans doute 11, 9 au lieu de I, 9.
I l6 REVUE CRITIQIIB
allusion au début de notre traité ; 2" sur les citations de Sedulius Scotus,
écrivain qui vivait au ix'- siècle; 3° sur le style et l'emploi de la locution
caractéristique non est ita, au sujet de laquelle il entreprend une statis-
tique ; 40 sur le témoignage d'un ms. du Vatican (Palat. 241). Il existe
de ce dernier ms. une copie faite par Holstenius et conservée aujourd'hui
à la Bibliothèque nationale, copie décrite et étudiée par M. E. (p. 2g).
C'est le n° 1 22 33 du fonds latin. Or, à la suite de ce ms., f" 70, se trouve
la note suivante, écrite par J. Sirmond, comme l'atteste une indication
au crayon due à M. Omont ' : « Librorum de spiritu sancto qui Pasca-
sio tribuuntur auctor est Faustus Reiensis. — Gennadius scriptum ait
a Fausto sumpta occasione ex Symbolo. Quod quadrat. — Citatur a
Sedulio (CoUectaneum in Matthaeum) Fausti nomine ex cap. 2 lib. i :
Homo namque assumptus ex Maria, etc. — Stylus conuenit, et pharsis
illa ?ion est ita quam usurpât toties in libris de gratia et libero arbitrio.
— Fausto tribuuntur in Codice Vaticano, ut a Scaligero lib. V de
emendatione temporum, et Garsia Loaysa ad concilium Eliberitanum
[dicitur], etc. » Il est difficile que M. E. n'ait pas eu connaissance de
cette note où le vieux Sirmond, qui n'avait pas fait de statistiques, indi-
quait quelques-unes des raisons, fort bien mises en œuvre d'ailleurs, par
son émule moderne 2,
Dans la troisième partie de sa brochure, M. E. reconstitue et étudie
deux collections d'homélies. L'une est attribuée à Eusebius Emisenus.
M. E. la rétablit à l'aide de l'index du ms. B. N. 2166 ^ Il essaie
d'établir ensuite que Fauste est l'auteur de toutes les pièces de cette
collection. L'autre est conservée dans un ms. du ix°-x'^ siècle de la
bibliothèque de Carlsruhe. M. E. passe en revue, de plus, quelques ser-
mons conservés isolément. On voit que, dans cette partie de son travail,
il a suivi la vraie méthode. D'un seul coup, il semble avoir retrouvé ainsi
le recueil des homélies de l'évêque de Riez. Le procédé réussit surtout
quand on a un index, ce qui indique une collection bien définie. Il faut
au contraire des précautions quand elle résulte seulement du contenu
du ms. Il arrivait qu'on s'empruntait les mss. de sermonnaires de mo-
nastère à monastère, pour copier les pièces qu'on n'avait pas. Ainsi ont
pris naissance des recueils factices contre lesquels il faut être en garde.
J'ai trouvé la preuve de ces habitudes dans un ms. cité en passant par
M. E., le ms. B, N. lat. 1771. En marge du titre des homélies, on lit
1. La seconde main, qui a complété le texte du traité, mutilé dans le Palatinus, est
également celle de J. Sirmond.
2. P. 44, l'emploi du mot liber dans les anciens catalogues est très flottant, comme
on peut s'en convaincre en parcourant Becker. Tritheim a pu prendre ce mot dans lej
sens d' « ouvrage ». P. 45, il faut ajouter aux considérations exposées par M. E. qu'on
voit bien comment le nom de l'orthodoxe Paschasius a pu se substituer à celui du
suspect Faust de Riez, mais qu'on ne s'explique pas comment l'échange inverse aurait
pu se produire.
3. Sirmond avait aussi entrevu l'utilité de cette table, puisqu'il avait pris la peine
de la transcrire en l'accompagnant de renvois à la page des éditions. Sa copie se
trouve au f" 67 du ms. 12233 déjà mentionné.
d'histoire et de littérature 117
les indications suivantes écrites au xi^ siècle (le ms, est du viiie s.) : f 18*,
ista scribantur ; 34*, scribatur ; 35'', ista habemus; 36'', 39'', ista scri-
batur. On voit donc qu'avant de faire copier le ms., le moine chargé de
la bibliothèque avait vérifié dans Varmarium les sermons que Ton avait
déjà.
Pour déterminer la paternité des sermons étudiés, M. E. se sert de
rapprochements avec d'autres discours qui sont certainement de Fauste
ou avec les ouvrages didactiques de l'évêque de Riez. Je crains qu'il ne
se soit glissé quelques cercles vicieux dans la discussion de ces cent
vingt à cent cinquante homélies. M.E. attache beaucoup d'importance à ce
fait que Fausle aimait à se copier littéralement. Ce peut être en effet un
moyen de preuve assez sûr quand il s'agit de savoir quel est l'auteur du
De spiritii sancto. Il Test beaucoup moins à propos des sermons. M. E.
oublie trop facilement qu'il n'est pas de genre littéraire où le plagiat
s'exerce plus largement. Attribuer à un auteur un discours parce
qu'on y trouve un passage d'une oeuvre authentique copié textuelle-
ment, c'est s'exposer à de graves mécomptes. Il semble aussi que
M. E. n'a pas répondu d'une manière suffisante à certaines objections
soulevées contre l'attribution à Fauste de quelques pièces de la collec-
tion d'Eusèbe, surtout des nos j j^ 49 et 24 '. Malgré ces points sur les-
quels on désirerait un supplément de preuve les déductions de M. E.
ont une vraisemblance générale très suffisante.
Les recherches de M. E. portent sur un matériel manuscrit considé-
rable. Il me permettra de lui indiquer un ms. du ix'' siècle qu'il ne men-
tionne pas et qui contient des sermons de Fauste. C'est le ms. des nou-
velles acquisitions latines 447. Il porte en tête un titre du xii^-xiii^ siè-
cle : Ammonicioes cesarii. Au mois de janvier 1889, j'en avais indiqué
ici même le véritable contenu ~. M. Engelbrecht trouvera dans ce petit
ms. les sermons 38 (incomplet au début), 39 (fo 12), 40 (f» 22),43(f° 25'')
de la collection d'Eusèbe, i (f" 6''], 3 {i° 3o '') de son § II ^.
1. Je fais allusion aux raisonnements des auteurs de Y Histoire littéraire, t. 11^
p. 606 : « La I le, qui est sur sainte Blandine, a été prononcée assurément par un évê-
que de Lyon, qui nomme cette ville sa patrie, saint Pothin son père, et l'église de
Lyon, son église ». Même argumentation à propos de la 49'^. « De même on peut as-
surer que la 24^, qui est sur les litanies ou les Rogations, n'est point de Fauste. Elle
a été faite par l'évêque d'une ville qui, étant tombée sous la puissance des ennemis,
ne perdit rien ni de sa paix, ni de sa liberté. Assurément cela ne convient ni à la Ville
de Riez, ni à Fauste qui fut exilé, sitôt qu'Euric se fut rendu maître de la Ville ».
Le passage visé ici est cité par M. E., p. 70, qui veut en faire une preuve de sa thèse,
je ne vois pas comment.
2. Rev. cr., 1889, I, 27, n. i.
3. M. E. est assez indécis au sujet de l'origine du nom d'Eusèbe : p. 63, ce serait
un cas de substitution d'un nom connu à un inconnu, et p. 80, un pseudonyme pris
par Fauste. P. 73, 18, le texte cité ne peut-il pas s'entendre d'une façon tout oppo-
sée:" P. 83, 1. II du bas, Virs paenœ, 1. 12, coiiidiae; même page, une autre preuve
que le ms. i3333 est celui que Martène et Durand ont consulté chez le garde des
sceaux Chauvelin est la note du fol. i : Harlay 3y3 ; les mss. de Harlay avaient été
Il
1
I l8 REVUE CRITIQUE
4. Si la thèse de M. Kronenberg ne se rattache pas directement à l'en-
treprise de l'Académie de Vienne, elle appartient à cette classe de tra-
vaux dont le Corpus Scn'ptorum a été le point de départ. C'est un re-
cueil de conjectures, dont quelques-unes sont vraiment bonnes : XI, i,
compage qtia continetiir et cingitur diiiisa^ moles... (exemple de correc-
tion fourvoyée) ; XVII I, 3 Nilits et cotannis Euphrates. Toutes témoi-
gnent d'une excellente méthode. M. K. s'est en particulier servi très ha-
bilement des imitations cicéroniennes de Minucius et des rapports sen-
sibles, malgré tout^ entre sa langue et celle des auteurs chrétiens, de
Tertullien surtout. Notons que d'après certaines considérations paléo-
graphiques, un des ancêtres du ms. unique aurait pu être écrit en anglo-
saxonne (p. 46). Ces considérations paléographiques, dans lesquelles
M. K. se complaît, s'étalent çà et là un peu plus que de raison; voir la
n. I de la p. 56, où il s'agit d'expliquer un fait très simple, l'altération
de qiiis en qiiiuis. A la fin de la brochure sont indiquées sommairement
vingt-huit conjectures sur divers auteurs grecs et latins; la XVI® con-
cerne, H or. Ep. II, 3, 358 : quem, bis terue cum risi^ mirer au lieu de
cum risu. Voilà ce qui s'appelle une conjecture manquée. Fort heureu-
sement, M. Kronenberg en a fait de meilleures.
Paul Lejay.
378-379. — Index lectîonuni quae in Universitate Friburgensi per mensesaestiuos
anni mdcccxc inde a die xv Aprilis habebuntur. Praemittiintur i) Carmen fran-
cogallicum s. xiii, cui insciibitur « Le lai de l'ombre », ad fidem codicum manu
scriptorum editum a Josepho Bédier; 2) Guiielmi Streitberg, de comparatiuis
Germanicis qui suffixo -ôz- formantur, commentatio. Friburgi Heluetiorum,
1890, 1 10 pp. in-4.
Les débuts d'une Université doivent toujours exciteKun grand intérêt:
ceux de l'Université de Fribourg en Suisse en ont un tout particulier,
qui tient aux conditions mêmes de la fondation . Je me hâte de dire qu'ils
font bien augurer de l'entreprise.
Le poème, publié par M. Bédier, n'est pas un chef-d'œuvre; il a des
longueurs rebutantes. Mais non seulement la langue en est curieuse à
étudier, le fond même du récit a de l'importance au point de vue de l'his-
toire de tout un type de légendes. M. B. s'est très bien acquitté de sa beso-
gne d'éditeur. Sa classification des manuscrits est un modèle de clarté et'
de rigueur méthodique. C'est là l'important. On a contesté ses vues sur
les caractères de la langue. On ne peut guère décider d'une façon certaine
une question aussi complexe. Ce récit, comme tant d'autres, a dû traver-
ser plusieurs rédactions avant de nous arriver sous la forme que nous lui
connaissons. Si ces rédactions étaient dans d'autres dialectes, il est bien
difficile de croire qu'il n'en soit rien resté,
légués aux Bénédictins à la condition que Chauvelin en aurait l'usufruit (Cabinet des "
mss., II, I02-I03). P. io3, addition à la p. 32, la citation du de sp. s., 1, 8, sous le
nom de Paschasius, par Ratramnus de Corbie, est mentionnée par J. Sirmond dans
les notes du ms. 12233, fol. 70^.
d'histoire kt db littératdrb iig
Le travail de M. Streitberg est un chapitre de l'histoire du comparatif
allemand. Il est spécialement dirigé contre une hypothèse de Mahlow,
d'après laquelle les comparatifs germaniques en -o^- seraient le résultat
d'un développement d'un adverbe en -o par un suffixe -/;(- dont la finale
serait devenue monosyllabique, puis aurait subi une contraction. D'après
M. S., au contraire, le comparatif serait directement formé sur la racine.
Vindex lectiomim qui termine est important, parce qu'il nous donne
sur l'organisation des cours des renseignements officiels. L'enseignement
a lieu en trois langues: le français, le latin, l'allemand, et chaque cours
est annoncé dans la langue où il se fait. Voici d'après cela la statistique
des trois langues : droit : 7 cours en français ', 2 cours en allemand ; let-
tres : 7 cours en français, i cours en latin, 10 en allemand. Au point de
vue de la nationalité, les professeurs se groupent ainsi : droit : i français,
7 suisses, 2 allemands; lettres : 2 français, i américain, i polonais, 6
suisses, 10 allemands. De ce côté-ci du Jura, on pourra trouver peut-
être que la langue et la nationalité françaises tiennent une trop petite
place dans cette œuvre internationale.
L.
38o. — Documents annotés. Fascicule VIII. Lettres inédites de Dom Claude
de Vie à Fr. Ant. Maronl, publiées par Léon G. Pélissier, ancien membre
de l'Ecole française de Rome. Montpellier, 1890, grand in-8 de 64 p.
38i. — Même collection. Fascicule IX. Une relation inédite de l'Escalade
de Genève (1602), tirée de la Bibliothèque vallicelliane par le même. Toulouse,
1890, grand in-8 de 10 p.
C'est dans la bibliothèque Magliabecchiana que sont conservées les
25 lettres du collaborateur de Dom Vaissete à Francesco Antonio
Marmi, le savant Florentin qui succéda à Magliabecchi comme biblio-
thécaire des grands ducs de Toscane et qui avait accueilli dom C, de
Vie à Florence avec le même empressement que son devancier avait mis
jadis à recevoir Mabillon et Montfaucon. M. Pélissier a très bien
apprécié (Introduction) ces 2 5 lettres qui nous renseignent non seule-
ment sur le caractère et sur certains détails de la biographie de l'historien
du Languedoc, mais aussi sur le milieu où il a vécu, et qui, considérées
comme document sur la vie littéraire de Saint-Germain-des-Prés, de
1717 à 1721, sont d'une grande importance, car elles prouvent que
« jamais peut-être et nulle part au monde, l'activité scientifique n'a été
plus intense et ses résultats plus solides qu'à l'Abbaye. » Parmi les per-
sonnages dont s'occupe Dom de Vie dans sa correspondance citons Dom
Bernard de Montfaucon, Dom Coûtant, Dom Mabillon, Dom Martène,
Dom Touttée, Dom Garnier, Dom de Sainte- Marthe, D. Nie. Le
Nourry, le duc d'Orléans, « à qui le Gallia Christiana est dédié, » le
cardinal de Noailles, Anselme Banduri, bibliothécaire de Raguse, la
bête noire du correspondant de Marmi, l'archéologue Fontanini, Dom
I. J'entends par cours l'enseignement donné par un professeur.
1
T20 REVUE CRITIQUE
Gervaise, le biographe de saint Cyprien, l'académicien Boivin, « second
custode delà bibliothèque du roy, « Dom Félibien, M™e Dacier, « femme
fort distinguée par son bel esprit et par son érudition profane, » le
P. Hardouin, « toujours fort singulier dans tous ses sistèmes (sic) et
dans ses ouvrages, » le P. Poirée, D. Prudent Maran, le cardinal de
Bissy, Basnage de Beauval, Barbeyrac, David Martin, l'abbé Legendre,
Quirini, Etienne Baluze, le P. Lequien, Eusèbe Renaudot, l'abbé
Fleuri, Doin Malachie d'Inguimbert, le P. Le Long, Dom Calmet, etc.
Une 26™' lettre, tirée de la bibliothèque de Brescia, et adressée à
Mgr Quirini (173 1), roule sur l'édition de S. Ephrem préparée par le
prélat, sur les Monuments de la monarchie française présentés au roi
par D. de Montfaucon, sur le saint Basile de Dom Maran, sur les deux
premiers volumes de VHistoire générale de Languedoc^ etc.
La Relation inédite de VEscalade de Genève est à rapprocher des
Trois relations de VEscalade tirées des manuscrits de la Bibliothèque
nationale de Paris par M. Louis Duval (Genève, Fick, i885) et des
Deux relations de l'Escalade, suivies d'une lettre de Simon Goulart
publiées par M. Th. Dufour (Genève, Jullien, 1880]. Le mémoire (en
langue italienne) adressé à Mgr Germonio par un écrivain que M. Pé-
lissier regarde comme un capucin, se distingue, selon la remarque du
savant éditeur, des autres relations précédemment connues, qu'il com-
plète et qu'il permet de contrôler. On ne saurait, au surplus, trop con-
naître un événement qui caractérise si bien à la fois les vertus civiques
de Genève et la politique des ducs de Savoie.
T. DE L.
382. — R. Reuss. Correspondances politiques et chroniques parisien-
nes adressées à Clirîstoplie Guntzer. i68i-l685. In-vol. in-8 de 142 pa-
ges. Paris, Fischbacher, 1890.
En 1681, après la capitulation de Strasbourg, Christophe Gûntzer,
secrétaire de la ville, fut nommé syndic royal et à ce titre chargé de sur-
veiller, au nom de l'Etat, le gouvernement de la cité. Il fut le principal
représentant de Louis XIV dans sa nouvelle conquête jusqu'au mois
d'avril i685 où Obrecht reçut le titre de préteur royal. Glintzer passa,
à partir de cette date, au second plan. Aussi longtemps qu'il fut le pre-
mier en scène, il avait grand intérêt, cela se conçoit, à être renseigné sur
tout ce qui se tramait ou se disait à Paris, à la cour et à la ville, sur les
négociations diplomatiques et les événements de guerre, aussi bien que
sur les faits-divers, les scandales et les galanteries du jour. Le résident
strasbourgeois à Paris, J. Beck et d'autres correspondants plus obscurs, le
tinrent au courant; ils rédigèrent pour lui de véritables ga^^ettes à la
main, semblables à celles qu'on a longtemps compilées pour les princes
étrangers. M. Rod. Reuss a retrouvé aux archives municipales de Stras-
bourg les lettres adressées à Giintzer; il en a extrait les parties les plus
d'histoire et de littérature 121
curieuses et les a livrées au public dans la Revue d'Alsace et dans un
tirage à part. C'est un nouveau service qu'il a rendu aux historiens; ils
ne sont plus à les compter.
Voulez-vous savoir quelle impression ont produite à la cour les grands
événements survenus pendant les années 1682 ^, i683, 1684 et les pre-
miers mois de i685? Ouvrez cette correspondance ; on vous y racontera
comment y furent accueillies les réunions de l'assemblée du clergé,
l'exploration du Mississipi par M. de La Salle, la mort de la reine, celle
de Colbert, la naissance des ducs de Bourgogne et d'Anjou, le bombar-
dement de Gênes, le siège de Vienne par les Turcs. Voulez-vous d'une
façon plus spéciale étudier les mesures que prit Louis XIV contre les
' protestants avant la révocation de l'édit de Nantes? Vous les y trouve-
rez relatées tout au long, et rien n'est plus triste à lire que ces récits
d'une persécution de jour en jour moins déguisée : ministres arrêtés,
temples fermés parce qu'une relapse a assisté à l'office, premières dra-
gonnades, bibliothèque de l'Académie de Saumur confisquée et donnée
aux Oratoriens, etc — J. Beck semble prendre le parti des huguenots ;
mais il n'ose pas trop le montrer. Il sait que Giintzer est une créature
dévouée de Louvois, et prêt à le servir en toutes choses. Désirez-vous
des renseignements sur l'Académie française et sur l'histoire littéraire
de cette époque? La présente correspondance vous en fournira. Vous y
apprendrez^ par exemple, que le jour où Racine reçut à TAcadémie
Thomas Corneille et Bergeret (2 janvier i685), « M.Benserade y lut des
vers satiriques presque contre tous les membres de cette illustre compa
gnie; quoyque cette pièce fust fort spirituelle et fort agréable, elle n'a pas
plu à la plupart des académiciens qui n'y furent pas bien traitez. » Mais
surtout si vous voulez connaître toutes les médisances et toutes Tes ca-
lomnies qui se débitaient à la cour, adressez-vous à nos écrivains. Ils y
insistent avec complaisance, sachant faire plaisir à Gûntzer : ceux-là
comme celui-ci restent indifférents à la saine morale. Vous connaîtrez
par ces lettres les querelles de Monsieur et de sa seconde femme, la prin-
cesse palatine, à propos de M"^ Théaubon ; vous saurez que « la duchesse
de Vitry a pris en affection un Allemand, autrefois son laquais, et main-
tenant elle soutient qu'il est prince de la maison de la Saxe; présente-
ment elle veut épouser ce nouveau prince, fait de sa main, dont elle
connaît toutes les bonnes qualités. » Et comme si les scandales de Paris
ne suffisaient pas, on vous dira qu'à Brescia « il y a un couvent où il
n'y a que des nobles vénitiennes, dont il y en a présentement huit qui
sont grosses, du fait de jeunes nobles vénitiens. » Bref, tous les histo-
riens qui veulent étudier à fond les années précédant la révocation
de l'édit de Nantes, devront consulter cette correspondance; nous en
I. Deux lettres datant de 1681 sont antérieures à la capitulation du 3o septembre
1681. M. Reuss croit que la correspondance a dû être continuée après avril i685.Mais
il est permis de supposer que, Gûntzer cédant le pas à Obrecht en avril i685,
les lettres suivantes furent adressées à ce dernier.
122 REVDE CRITIQUE
conseillons même la lecture à tous ceux qui aiment à passer quelques
moments agréables; car si parfois elle est écrite un peu lourdement, la
pensée a une allure très dégagée. Le style est impersonnel, mais les au-
teurs ont touché de très près à la cour.
Si l'on veut bien oublier quelques fautes d'impression (par ex. p. i6,
Saint-Nicolas-du-Char donner et pour Saînt-Nicolas-du-Chardonnet),
rédition devient parfaite; elle fait le plus grand honneur à M. R. ; cette
publication, jointe à ses nombreux écrits antérieurs, lui assigne une
très haute place parmi les érudits alsaciens. On affecte par delà les Vos-
ges d'oublier les travaux de ces savants; mais nous avons le devoir de
rappeler combien l'histoire de notre Alsace et l'histoire générale doivent
à des hommes comme MM. Gh. Schmidt, X. Mossmann et Rod. Reuss.
Ch. Pfister.
383. — Les représentants du peuple en mission et la justice révolution-
naire dans les de'partements, par H. Wallon. Tome V. Paris, Hachette, 1890.
In-8, 418 p. 7 fr. 5o.
Voici le cinquième et dernier volume de l'ouvrage de M. Wallon.
On en sait à l'avance les défauts et les qualités. M. W. nous y raconte
les missions des représentants en Lorraine et dans le nord de la France.
Il nous transporte successivement dans les Vosges, dans la Meurthe, la
Moselle et la Meuse, dans les Ardennes, dans le Pas-de-Calais et le
Nord. Comme toujours, il a fait de très consciencieuses et utiles re-
cherches dans les achives des départements, sans négliger les documents
imprimés et les travaux de ses devanciers, de Bouvier sur les Vosges, de
A.-J. Paris et de tant d'autres sur le proconsulat de Le Bon et sur Arras
pendant la Terreur, de Thénard sur Cambrai, de Regnart sur Valen-
ciennes, ainsi que le précieux recueil de Plouvain qui est à la biblio-
thèque de Douai. Telle est la première partie du volume qui termine
rhistoire des terroristes en province. La seconde porte ce titre dramati-
que Les châtiments ; M. W. a jusqu'ici, comme il dit lui-même (p. 338)
« dépouillé les représentants de leurs masques de théâtre, de leurs man-
teaux de pourpre trop souvent teints de sang pour les montrer tels qu'ils
sont, tels que les a gardés le dépôt de nos archives, cette grande nécro-
pole d'où Ton peut sûrement évoquer les morts ». Il retrace maintenant
la réaction qui je produisit contre eux, contre les juges, contre tous ceux
qui avaient pris part aux violences et aux excès de la Terreur; & que
ceux qui ont échappé à la sentence des tribunaux subissent au moins le
jugement de l'histoire! » (p. 3o2). On trouve à la fin du volume plu-
sieurs appendices intéressants, notamment sur les victimes et les meneurs
des départements de l'Est, sur le tribunal criminel du Nord, sur Valen-
ciennes pendant l'occupation autrichienne, ainsi qu'aune liste d'errata —
assez incomplète — et une table générale des matières contenues dans
les cinq volumes. Cette table des matières achève de rendre Touvrage
d'histoire et de littérature !23
indispensable à quiconque veut bien connaître la Révolution, et nous
devons louer encore le zèle érudit de M. Wallon qui n'a ménagé, pour
composer ces cinq gros tomes, ni son temps ni sa peine i.
A. C.
384. — Portraits et souvenirs littéi'ulress par Hippolyte LucAS, avec des
lettres inédites d'écrivains contemporains. Paris, librairie Pion, 1890, in-i8,
261 pages. 3 fr. 5o.
Hyppolyte Lucas, mort en 1 878 à l'âge de 70 ans, a été poète, roman-
cier, auteur dramatique, historien, philologue, journaliste, critique, et
par dessus le marché, bibliothécaire à l'Arsenal, c'est-à-dire beaucoup
trop de choses à la fois. J^ai lu, il y a bien des années, les compte-rendus
de théâtre qu'il faisait dans le journal le Siècle, au temps où Janin
apportait chaque lundi ses fanfreluches aux Débats. Ils étaient d'une
belle insignifiance, et écrits à la diable, mais non pour l'immortalité.
Cependant auteurs, acteurs, musiciens, et parmi eux les plus huppés,
faisaient la cour au critique, et lui envoyaient les autographes les plus
flatteurs, comme celui-ci qui est d'Alexandre Dumas père : « Mon cher
confrère, soyez assez bon pour me faire passer à la postérité en disant
dans le Siècle que le Voyage au Sinaï est le chef-d'œuvre des chefs-
d'œuvre. Mille compliments empressés ». — « Cher Lucas, lui écrivait
un autre, un mot de vous, c'est la vraie monnaie de la gloire, et ce
matin vous m'avez fait riche. » Il peut se faire que le critique prît ces
compliments au sérieux, et comme on dit, pour du bon argent; en tout
cas il faisait de son mieux pour contenter, ce qui n'est pas facile, la
vanité de la gent littéraire, et il avait assez d'imagination et sur-
tout d'indulgence pour trouver du talent à des écrivains parfaitement
« ineptes et inutiles. » Il était réellement né obligeant, serviable, et à
défaut d'autre gloire, il a eu celle qui suit la bonté. Il ne fallait pas
grand'chose pour gagner sa bienveillance, mais pour la conquérir tout
entière, il suffisait de lui citer adroitement quelques vers de ses Heures
d'amour : les malins connaissaient bien son faible. En 1860 Victor
Hugo lui assénait ce compliment : « Nous avons lu solennellement vos
beaux vers. Votre livre est solide et charmant, etc. » Lucas dut longtemps
savourer ce billet. Aussi, lorsque Victor Hugo revint à Paris en 1870,
le critique offrit généreusement au poète de venir, pendant le siège,
habiter avec sa famille la bibliothèque de l'Arsenal, comme étant à l'abri
des obus prussiens. Le poète lui répondit avec cette simplicité que l'on
connaît : a Je vous remercie du fond du cœur... Je suis venu à Paris
pour des devoirs suprêmes, et j'ai l'intention de peu me ménager. Je ne
ferai pas au bombardement l'honneur de me déranger. » Quel comé-
I. Lire à la table des matières : Riel et non Ruel (art. Beurnonvilie) ; Bruiile et non
Bruile; D'Hangest et non Dangest; D'Elbhecq et non Delbhecq (cité en outre IV, 3);
d'Espagnac, /F, 38 et non V, 38; Fibich et non Fibisch; Févelat et non Sévelat.
124 REVUE CRITIQUE
dien! J'aurais bien envie encore de citer la lettre où il remercie M. Fré-
déric Masson de lui avoir envoyé « la gargousse historique » du canon
offert par lui et nommé le Châtiment, lequel fit sauter une poudrière
prussienne : c'est aussi grand que le monde, mais, comme dit l'autre,
il faut savoir se borner.
En somme, les lettres des écrivains contemporains sont la partie la
plus intéressante de ce petit volume : elles pourraient servir à faire un
chapitre assez piquant sur « la vanité des gens de lettres. »
A. Delboulle.
385. — Charles Le Goffic. Les Romanciers d'Aujourd'hui. Paris, chez
Vanier, 1890, i-v, 3b-j p. in-12. 3 fr. 5o.
Il y a bien du talent, de la finesse, un bien Joli style, bien du désor-
dre et bien des idées contestables dans le livre de M. Le Goffic, Les
romanciers d'aujourd'hui. L'auteur paraît admirablement informé et
son travail représente une somme considérable de lectures, dont il a eu
peine à se dégager.
Cet ouvrage doit prendre place dans une série sur les Écrivains
d'aujourd'hui, où Jules Tellier a déjà fait les poètes. Le plan de ces
volumes a été concerté entre les collaborateurs; il servira pour les étu-
des suivantes, et c'est grand dommage. On sent que M. Le G. s'est dé-
battu contre un plan proposé ou imposé, mais détestable, avec des appa-
rences rigoureuses et claires. Après avoir parcouru le domaine du ro-
man, l'équerre et la chaîne d'arpenteur à la main, après l'avoir, au prix
de bien des combinaisons, mesuré, sectionné, jalonné et quadrillé comme
un plan du cadastre, il nous fait cette piteuse confidence : « Je prie
qu'on n'attache pas plus d'importance à ces catégories que je n'en atta-
che moi-même. » C'était bien la peine. D'ailleurs M. Le G., qui est un
agréable dilettante, est un lamentable architecte. Sa boîte de compas le
gêne, et il manie mal la règle plate. Son plan n'en est pas un. Le terri-
toire du Roman se divise en dix provinces que voici : Naturalistes,
Impressionistes, Symbolistes, Philosophes, Rustiques, Mondains, Nou-
vellistes, Romantiques, Éclectiques, Divers. Cette nomenclature n'est-
elle pas de celles que Voltaire se plaisait à appeler du gali-Thomas? On
nous explique ces formules, on fait des naturalistes, impressionistes et
symbolistes trois variétés du genre réaliste, sans qu'on nous rende suffi-
samment compte de ce que le symbolisme vient faire ici; dans la préface
(p. iv), l'auteur est même conduit à renier ces classifications qu'il sim-
plifie, n'en reconnaissant que deux, réalisme et idéalisme : il fallait lesj
adopter. Le reste de la nomenclature est arbitraire et même incomplet
je n'y vois pas, par exemple, le roman historique, et j'aurais voulu qu'on|
ne confondit pas les romanciers philosophes avec les psychologues. Je
trouve la Vie parisienne dans les Nouvellistes : puisqu'il y a une classe
pour les Mondains, c'est peut-être là que je l'aurais cherchée d'abord.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE [25
Le Roman Feuilleton, qui revêt à volonté tous les caractères, me parait
peu propre à devenir le type d'une catégorie à part. Quant aux deux
dernières classes, Eclectiques et Divers, on n'aperçoit pas nettement
pourquoi c'est là, et non ail^urs, que nous rencontrons Cherbuliez,
H. Malot, Fr. Coppée, G. Ohnet, H. Gréville ou H. France.
Le plan n'est pas net, et pourtant on eut rarement besoin de plus de
clarté pour se diriger et s'orienter à travers la quantité énorme de noms
et de titres qu'on nous offre. Si on ne nous présente pas tous les roman-
ciers vivants, c'est qu' « on dit qu'ils sont six mille ! » d'après Bergerat;
quoi qu'il en soit, on nous en présente beaucoup trop. Il y a deux façons
d'aborder un sujet d'histoire littéraire : ou bien on l'épuisé en réunis-
sant patiemment et scrupuleusement tous les documents qui s'y rappor-
tent, on en fait un relevé consciencieux, un pouillé complet, et l'on a
tous les éléments d'un très bon dictionnaire spécial; ou bien on com-
mence par limiter et. déterminer le champ de ses investigations, on choi-
sit dans la foule non pas toujours ceux qui dépassent, mais ceux qui
caractérisent le mieux leur genre, et l'on travaille seulement après ce
choix éliminatoire au quatrième ou au cinquième degré. M. Le G. n'a
pris ni l'une ni l'autre de ces deux méthodes, mais un peu de l'une et de
l'autre, et c'est un tort. Il a fait un dictionnaire raisonné, une nomen-
clature rédigée; en un mot, le livre sent le manuel, par la surabondance
des détails auxquels il manque d'être dominés et coordonnés sous de
grandes idées générales. La gêne, où cette position fausse a mis l'auteur,
est sensible à la recherche variée, mais quelquefois pénible des procé-
dés d'exposition et des transitions. Une page parodiée de Zola nous sert
d'introduction au Réalisme; nous faisons connaissance avec les Mon-
dains grâce à un interview de l'auteur avec un « Monsieur homme du
monde ». Le chapitre commence : «... Je l'allai voir et lui dis d'abordée :
« Monsieur l'homme du monde, que pensez-vous de nos romanciers
« mondains? » Il se recueillit... » Voici comment se présentent les Nou-
vellistes (p. 257) : a J'imagine une sorte de défilé des nouvellistes où
nous verrions... » Suit la liste des noms : elle occupe cinq pleines pages,
et ce n'est qu'une seule phrase (257-261). L'auteur s'arrête essouflé
d'énumérer « tous les dignes figurants de cette Courtille littéraire » et
ajoute en note : « Il y faudrait la plume d'airain qui servit dans sa tâche
l'auteur du Dictionnaire des cent mille adresses. » Mais quel besoin de
faire un dictionnaire? Ou alors, il fallait franchement adopter la forme
du vocabulaire, à laquelle l'auteur finit par arriver au chapitre ix : c'est
le dictionnaire dans toute sa limpidité.
Cette méthode intermédiaire et douteuse l'a empêché de nous rendre
tous les services que nous pouvions attendre de son travail. Comme no-
menclateur, il est trop incomplet, et nous le trouvons un peu sans gêne
quand il nous conseille : « pour les manquants, il sera plus simple de
se reporter au Journal de la Librairie » ; comme critique, il est un peu
bref quand il nous parle de noms connus sur lesquels on eût aimé à
126 REVUE CRITIQUB
Tentendre s'expliquer plus amplement, et quant aux inconnus, il ne
nous les fait pas connaître. Ajouteiai-Je que sa critique n'est pas toujours
suffisamment personnelle, et que MM. Bruneiière, Cartault, J. Lemaî-
tre et autres en font un peu trop souven^t les frais? Certains jugements
étonnent. Je ne crois pas devoir être taxé de népotisme si je proteste, par
exemple, de voir G. Ohnet (p. 329) mieux traité que J. Claretie (p. 81).
Ces réserves mises à part, on sent à travers ce livre un peu émietté un
talent fin et délicat, une agréable science de la plume, un vocabulaire
riche et pittoresque, une facilité rare... Mais arrêtons-nous et n'allons
pas consacrer à ce volume plus de temps qu'il n'a coûté à faire.
Léo Claretie.
386. — J. JoGUET-TissOT. Les armées allemandes sous IParie. Paris, Perrin,
1890. In-8, VII et 498 p. 7 fr. 5o.
M. Joguet-Tissot a fait là un récit intéressant du siège de Paris. Il
s'est surtout servi du livre du général Ducrot, La défense de Paris, et
de la relation de l'É'tat-major allemand. On peut même dire qu'il s'est
borné à rapprocher et à combiner — parfois trop littéralement — les
informations que lui fournissaient ces deux ouvrages. Mais tout ce qu'il
avance est exact, et son travail mérite d'être consulté. Il laisse de côté
la partie politique du sujet pour ne reproduire que les opérations les
plus marquantes, et il s'attache particulièrement, avec un soin louable,
à bien marquer les emplacements des Allemands, leur manière de com-
battre et de se ravitailler, (voir p. lOî-.iog), les travaux de campagne
grâce auxquels ils résistèrent efficacement aux furieux assauts de l'as-
siégé, le chiffre de leurs effectifs et des pertes qu'ils essuyèrent. Le récit
comprend sept chapitres : Chatillon, L'investissement, Les premiers
combats, Villiers-Champigny (3o novembre et 2 décembre), De Cham-
pigny à Buzenval, Montretout-Buzenval ^
G.
LETTRE DE M. LOUIS-LUCAS ET REPONSE DE M. GAGNAT
I
Le numéro du 7 juillet contient un compte rendu du tome I de la traduction de
V Organisation de l'empire romain de Marquardt (pp. 5-6), que je ne puis laisser
passer sans réponse. M. R. Gagnât, qui en est l'auteur, se trouve « choqué surtout... '
par les additions » que nous avons « fait subir à notre modèle dans les notes, sous ■
prétexte de le compléter et de le mettre au courant ». Je n'hésite pas à repousser ■
cette critique et les observations qu'elle a motivées de la part de M. Gagnât. Pour
moi, un Manuel n'est vraiment utile qu'autant qu'il peut fournir tous les renseigne-
ments connus se rattachant à une question donnée. Voilà pourquoi la partie du
Handbucli, dont la traduction nous a été confiée, nous ayant paru aussi arriérée
qu'incompltte (M. Gagnât est obligé de 1' a avouer » lui-même, p. 6), nous avons ac-
cepté la lourde tâche de la mettre à jour dans la mesure du possible.. Voilà pourquoi
I. Lire p. 97 « von der Tann, et non von der Tltann. »
d'histoire et de littérature 127
surtout je me refuse énergiquement à « revenir à la saine méthode », qui consiste-
rait, aux yeux de votre savant collaborateur, à donner aux lecteurs français une tra-
duction aussi vieillie que l'original, dût notre Marquardt lui sembler plus « médio-
cre » encore. Aussi bien, quelque « déplacés» qu'ils puissent paraître, notre tome
second, actuellement sous presse, contiendra-t-il encore beaucoup plus de renseigne-
ments bibliographiques et autres que le premier, et si, au cours de l'impression,
quelque travail était publié ayant trait à notre sujet qui parvînt à notre connais-
sance, ce qui est fort probable, M. Gagnât peut être dès à présent assuré qu'il le
trouvera consigné dans nos notes. Au surplus, je tiens personnellement à exprimer
ma reconnaissance à M. Gagnât pour les longues et inutiles critiques qu'il s'est donné
la peine de formuler. De toutes parts, en effet, en France comme à l'étranger, en
Allemagne même, où le défaut d'impartialité était ici particulièrement à redouter,
nous avons reçu les témoignages et les encouragements les plus flatteurs. Il y a
plus : plusieurs membres de l'Institut de France (Académie des sciences morales et
[politiques; Académie des Inscriptions) ont poussé la bienveillance jusqu'à nous affir-
mer que notre « orgie d'additions » et notre « fantasia, comme on dit en Afrique »,
rendraient les plus réels services au public français. Il y avait bien là de quoi éga-
rer notre modestie, et je me permets d'adresser à M. Gagnât mes plus sincères remer-
ciements pour être venu juste à temps jeter une note discordante dans ce concert, à
coup sûr immérité, mais unanime, d'éloges. Je n'insisterais pas autrement, si je
n'avais à cœur d'être, moi aussi, utile aux lecteurs de la Revue critique en leur
signalant deux erreurs commises par M. Gagnât. L'une résulte de sa dernière obser-
vation (p. 5, dernier alinéa). M. Gagnât articule ce grief « commun à tous les volu-
mes de la traduction », que les traducteurs indiquent les renvois à certains passages
de Marquardt à la fois d'après l'édition française, « quand la traduction est faite »,
et d'après l'édition allemande, a pour toutes les parties non traduites ». Or, s'il avait
lu, « la plume à la main », notre premier volume de traduction, sa critique se fût
certainement spécialisée. Nous avons toujours pris soin d'indiquer si le renvoi était
fait à l'édition allemande ou à l'édition française, de telle sorte que r« inconvénient »
et l'incohérence qu'il relève ne nous touchent en rien. Quant à l'autre erreur, elle est
beaucoup plus grave, et je suis d'autant plus à l'aise pour la dénoncer, qu'ici c'est
aux ouvrages de droit en général que M. Gagnât fait le procès. « Pour conformer les
citations à de mauvaises habitudes que l'on suit encore, je ne sais pourquoi, dans les
ouvrages de droit, écrit M. Gagnât, MM. W.-L. ont corrigé Marquardt dans ses cita-
tions. Là où celui-ci a mis par exemple ; Dig., L, i, 21, g 4, ce qui est clair (!) et per-
met de trouver aisément (!!!) le passage voulu dans un Digeste, MM. W.-L. écrivent:
Paul., L. 21, g 4, Ad municip. et ae iuc, D., L. i, ce qui est on ne peut plus em-
brouillé, ne serait-ce que parce que L signifie à la fois Lex et quinquaginta. » Je
maintiens que MM. W.-L. ont raison de corriger Marquardt et d'écrire avec les ou-
vrages de droit incriminés comme ils le font et j'avoue qu'une pareille critique
m'ébranlerait plus de la part d'un romaniste que de celle de M. Gagnât à qui, puis-
qu'il veut bien m'en prociy^er l'occasion, je suis heureux de donner un renseignement
qu'il confesse ignorer : c'est que les jurisconsultes ont d'excellents motifs pour citer
de la sorte les passages par eux visés des Pandectes. Adopter le procédé de Marquardt,
c'est courir la chance de fréquentes erreurs, et si M. Gagnât se doutait de toutes celles
qui ont été relevées par nous, il reconnaîtrait sans doute la supériorité de l'autre
mode. En suivant ce dernier, évidemment plus long, on a le double avantage d'une
grande clarté, quoi qu'il en dise, et d'une précision à l'abri de tout danger^ même de
fautes typographiques. Le lecteur sait d'abord de qui émane la Loi dont il s'agit; il
sait ensuite, — et c'est là le point essentiel, — à quel titre elle appartient. De telle
manière que si, par le résultat d'une incorrection quelconque, le numéro de la Loi,
128 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
le livre ou le titre du Digeste, quelquefois même tous les trois, sont faussement ci-
tés, grâce à l'indication de la rubrique du titre et du nom du jurisconsulte, il arri-
vera sans trop de peine à retrouver le fragment qu'il désire consulter, ce qui lui est
impossible avec l'autre méthode. Q.uant à l'amphibologie qui résulte de l'emploi de
la lettre L, suivie du n» de la Loi et de la transcription de la rubrique, elle n'exis-
tera jamais dans l'esprit du jurisconsulte, j'en puis donner l'assurance à M. Gagnât.
Et, de même qu'un épigraphiste, lisant à la fin d'une inscription cette formule si fré- ■
quente : L. D. D. D., ne songera pas à traduire L. par lege, libero, liberto ou qidn-
quaginta, mais bien par loco, ainsi l'homme de droit ne s'ingéniera pas comme à
plaisir à chercher laborieusement dans un Dictionnaire tous les mots commençant
par L, ou le sens numérique qu'il convient d'attacher a ce signe, pour attribuer à
cette lettre la signification de l'un d'eux,... sauf la bonne i. — Louis-Lucas.
RÉPONSE DE M. GAGNAT
Je n'ai rien à ajouter ni à retrancher à mon article du 7 juillet dernier. Libre à
M. Louis-Lucas de croire que sa traduction est réussie et que la méthode qu'il suit
est la bonne. — René Gagnât.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 8 août 18 go.
M. le Secrétaire perpétuel donne lecture d'un décret du président de la Républi-
que, par lequel l'Académie est autorisée à accepter le legs universel qui lui a été fait
par M. Eugène Piot.
M. Ravaisson achève la lecture de son mémoire sur la Vénus de Milo.
De l'étude de la statue, des fragments qui en dépendent et de la configuration de
la base, il résulte, dit M. Ravaisson, qu'elle était groupée avec un second person-
nage, sur l'épaule duquel posait sa main gauclie et vers lequel s'élevait sa main
droite. Ce personnage, d'après la comparaison de nombreux monuments antiques,
était semblable à la statue du Musée du Louvre qu'on a longtemps pris pour un
Achille et qui est en réalité un Mars. La composition primitive, dont la statue trou-
vée à Milo est la copie, représentait Vénus apaisant et peut-être désarmant le dieu
de la guerre. Elle dut avoir pour premiers auteurs Alcamène et Phidias. On l'ap-
pelait la Vénus des Jardins, parce qu'elle était placée dans la région d'Athènes ainsi
dénommée, comprenant le Céramique et l'Académie, où étaient ensevelis les morts
illustres et oit l'on élevait, comme en leur présence, la jeunesse. Le Mars Borghèse
porte à la jambe droite l'anneau qu'on mettait aux captifs. Cette particularité doit
faire reconnaître ici, divinisé en Mars, Thésée, fondateur et patron d'Athènes, qui
avait subi, pour délivrer ses concitoyens, un esclavage volontaire.
Le groupe, ajoute l'auteur du mémoire, conforme, dans sa composition, et aux
idées d'apothéose que rappellent presque tous les monuments funéraires de l'anti-
quité, et à l'idée qu'elle se faisait de l'héroïsme, représentait donc, par l'union de
Vénus identifiée, comme elle l'était souvent, avec Proserpine, et de Thésée, transformé
en Mars, la divinisation finale, couronnement de la vie héroïque. Aussi en fit-on,
pendant des siècles, des imitations destinées à orner des sépultures.
M. Maspero communique un rapport de M. René de la Blanchère, directeur du ser-
vice des antiquités et des arts dans la régence de Tunis, sur les fouilles exécutées
par les soins de ce service depuis le commencement de l'année 1890. Sept chantiers
ont été ouverts, savoir : à Tabarka, au Bardo, à BuUa Regia, à Bicharna, à Sousse, à
Gafsa et à Mahédia. Celte campagne de fouilles est certainement, dit M. de la Blan-
chère, la plus fructueuse qui ait jamais été faite en Afrique et une des plus heureu-
ses que l'archéologie française ait menée dans ces derniers temps en aucune partie
du monde antique.
NL Menant communique à l'Académie la traduction d'fin passage des inscriptions
hétéennes de Hamath,qui avait résisté jusqu'ici aux teniatives d'interprétation de ses
devanciers. Cette traduction, dit-il, est d'autant plus importante qu'elle complète
le sens général de l'inscription et qu'elle apporte la confirmation de la lecture du
nom de la_ ville de Kar-Kemis (Kar-Kamis), que M. Menant avait présentée dans une
séance précédente.
Ouvrages présentés, de la part des auteurs, par M. Maspero : — 1° Louet (V.),
les Flûtes égyptiennes antiques (extrait du Journal asiatique); 2" Loret (CL), Re-
cherches sur l'orgue hydraulique (extrait de la Revue archéologique).
I . M. Weiss s'associe pleinement et sans réserve à cette réponse et joint son nom au mien.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Fuy-y imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 36-37 - 8 septembre 15 septembre — 1890
Sommaire s SSy. Warton. Elymologie latine. — 388. Hûbner, La domination
romaine dans l'ouest de l'Europe. — SSg. Th. Mûller, Le conclave de Pie IV.
— Sgo. Catherine de Ricci, Lettres, p. p. Gherardi. — Sgi. Weiss, La Chambre
Ardente. — 3q2. Nève, La Renaissance en Belgique. — 3g3. Vernière, Courses
de Mandrin dans l'Auvergne. — 304. Joubert, Les Constantin, grands prévôts
d'Anjou. — 3g5. Bouvy, Pietro Verri. — 396. Fay, Journal d'un officier de l'ar-
mée du Rhin. — Chronique.
387. — Etyma Latina, an etymological Lexicon of classical Latin, by Edward
Ross Wharton, m. A., fellow and lecturer of Jésus Collège, Oxford. — London,
Rivingtons, mdcccxc. Pet. in-8, xxxiv-i52 pp.
M. Wharton, que ses pénétrantes recherches sur la grammaire histo-
rique et notamment sur la phonétique du latin ont mis hors de pair
en quelques années, nous donne aujourd'hui le résumé de ses travaux,
sous la forme d'un dictionnaire étymologique aussi court que complet,
accompagné d'un aperçu sommaire de la phonétique du langage indo-
européen et des langues qui en sont issues. Ce petit volume, maniable,
solide, d'une netteté typographique irréprochable, est à tous égards le
bienvenu. C'est affaire à la librairie anglaise de joindre ainsi Télégance
de la forme à l'excellence du fond. Les têtes d'articles, rigoureusement
rangées par ordre alphabétique, sont rapportées à leur origine probable
et rapidement rapprochées de leurs principaux congénères indo-
européens : jamais de superflu, mais tout l'essentiel i, et une concision
de rédaction qui, sans nuire à la clarté, fait tenir en trois lignes la
matière d'une longue discussion. Bon mémento pour les dérivations
déjà, connues, le livre en contient aussi beaucoup de nouvelles : la
plupart sont discutables — on ne fait plus rien d'original qu'à ce prix
— mais parfaitement scientifiques; quelques-unes, peu convaincantes
(amô, fore, parricidaj ou même inintelligibles (formica); plusieurs,
d'une heureuse et frappante s\m^\\c\ié (abundô, edepol ~^fa77iês,pulcer^
vitricus) .
Concision et nouveauté, ce sont là deux qualités qui, sans s'exclure,
ne vont pas ensemble sans un assez grave inconvénient, et M. Wh.
ne se l'est certainement pas dissimulé, mais il a dû s'y résigner. Sur
1. Il y a pourtant quelques lacunes : ainsi iniiniâ et pùniô sont omis, à dessein
sans doute en tant que verbes dérivés; mais, si par hasard le débutant ne s'avise
pas de songer à moenia et à poena, il ne se tirera point d'affaire.
2. Finale détachée du juron complet « E Castor ed (= et) e Pol, O Castor et
3 Pollux ».
Nouvelle série. XXX. 36-37
l3o REVUE CRITIQUE
chaque mol il ne donne jamais qu'une étymologie, y en eût-il quatre
ou cinq aussi plausibles. Rien de mieux pour les vétérans de la linguis-
tique, qui, en la lisant, ont les autres présentes à la mémoire, ou savent
au besoin où les trouver. Mais les étudiants, à qui spécialement le livre,
est dédié, qui les avertira que telle dérivation fournie par leur guide
n'est pas la seule proposée, n'est peut-être point la vraie, en tout cas
doit être discutée, contrôlée avec soin, tenue provisoirement pour
hypothétique i? La forme de renseignement qu'ils reçoivent les invite
trop à devenir homines imius libri. Il faut donc leur dire en toute fran-
chise que l'usage quotidien de ce précieux lexique ne les dispense point
de recourir souvent à d'autres ouvrages, tels que les Gnind:;uge de
Curtius — mis au point, bien entendu, en ce qui concerne la phonétique
— ou le Dictionnaire de MM. Bréal et Bailly. Il ne leur est point
permis d'ignorer que certains linguistes assimilent seruà\r,\v.c\.glôria au
sk. çravasj^d, dussent-ils même, quand ils le sauront, préférer ces vieilles
dérivations à celles de leur auteur; et, pour ma part, j'avoue que je ne
me sentirais pas le cœur de les en blâmer. ^
La même raison, entre mille autres, empêche d'entrer dans Texamen
détaillé des dérivations proposées par M. Wh. : quand, par exemple,
on le voit rattacher cella à cêlv, on ne peut savoir s''il ignore ou s'il
repousse l'étymologie récente ceîla = * cêlla = * cêrula ~ « fragment
de cire (dans un rayon de miel) ». Mais, a priori, c'est la seconde pré-
somption qui doit l'emporter; le savoir et la conscience de Tauteur
nous en sont garants.,
C'est avec une vive satisfaction qu'on voit se multiplier les livres
destinés à répandre en Angleterre la connaissance, le goût et les saines
méthodes de la grammaire comparée. L'ambition de M. Wharton est
plus haute, et il la justifie : les indogermanistes de tous pays lui sauront
gré de ce qu'il leur apprend, leur suggère ou leur rappelle ^.
V. Henry.
1. Le défaut est atténué par la liste des trois cent soixante dérivations nouvelles que)
l'auteur a dressée dans sa préface; mais il subsiste tout entier pour les cas nom-
breux où l'auteur cite exclusivement une des étymologies anciennes, sans donner
aucune raison de sa piéférence ni même avertir qu'il en existe d'autres (un simple
signe, tel que « pb. » signifiant « probable », eût pu suffire à mettre en garde le
lecteur et à distinguer les rapprochements conjecturaux de ceux qui sont absolument
sûrs). Que dire enfin des cas, fort rares, il est vrai, où l'auteur semble trop céder a
l'attrait de la nouveauté et lui sacrifier un peu la vraisemblance.'
2. K. Z., XXIX, p. 192.
3. Au nombre des incontestables mérites de M. Wh., je dois mentionner la notatior
de la vraie quantité latine, souvent si difficile à reconnaître quand la voyelle est er
position, v. g.fôrma,/ortâssis, ôrnô.vêstibulum, etc.
i
d'histoire eT de littérature i3i
388. — E. HÛBNER. Rœmlsche Herrscliaft In TVesteuropa. Berlin, 1890,
in-8, chez W. Hertz, 296 pages. (6 marks).
Le titre que M. Hûbner a inscrit en tête de son livre ne donne pas
une idée exacte du contenu. On pense, avant de l'ouvrir, que Ton va y
trouver un tableau d'ensemble sur le développement de l'occupation
et de la civilisation romaines dans l'ouest de l'Europe , quelque
chose comme des chapitres détachés d'une Histoire romaine, écrits
largement, à la manière de M. Mommsen. Il n'en est rien. Le vrai
titre de l'ouvrage devrait être Mélanges d^Histoire et d'archéologie.
M. H. a repris un certain nombre des articles qu'il a composés depuis
quelque trente ans ; il les a mis au courant et en a fait un volume. On
se tromperait aussi si l'on cherchait dans ce livre un travail de science
pure; c'est plutôt un écrit de vulgarisation scientifique; la preuve en
est que M. H. n'a pas introduit une seule référence dans le corps de
l'ouvrage; il signale seulement, au début de chaque chapitre, les arti-
cles principaux parus sur le sujet. Il n'y est question que de trois pro-
vinces de l'empire romain, la Bretagne, la Germanie et l'Espagne,
celles que l'auteur a étudiées plus spécialement, soit parce qu'il est alle-
mand, soit parce qu'il a rédigé le recueil des inscriptions latines qui y ont
été trouvées. (Corp. insc. lat.^ t. II et VII. j II est inutile de dire que la
lecture du volume est fort instructive. M. H. est trop connu pour qu'il
soit utile d'insister; nul ne peut parler avec plus d'autorité que lui
de l'Espagne et de la Bretagne romaines. Il suffira d'indiquer ici la
suite des sujets qu'il a abordés. Le chapitre P" traite de la Bretagne.
L'auteur raconte les destinées de cette île depuis sa soumission jusqu'à
la fin de la domination romaine dans le pays, en insistant surtout sur
la description du vallum d'Adrien et de celui d'Antonin. Un para-
graphe spécial est consacré à Mars Thingous, signalé par une inscription
de Borcovicium, et, à ce propos, aux dieux dont les auxiliaires gaulois
et germains amenèrent avec eux le culte en Bretagne. Au chapitre II, il
est question du limes d^ Germanie et du développement des différentes
villes romaines de la région. Dans un appendice, M. H. a émis des
réflexions intéressantes sur Arminius, particulièrement sur son nom.
Le dernier chapitre, qui m'a paru supérieur aux autres, sans doute
parce que les sujets qui y sont traités m'étaient plus étrangers, a
trait à l'Espagne. M. H. s'arrête successivement sur Tarragone^ avec
ses murs primitifs qui remontent aux Ibères; sur les Baléares et sur Li-
tania, ville de Lusitanie. Le livre se termine par la description d'une
tasse d'argent (C. 1. L., II, 2917J, dont j'aurais souhaité trouver une
reproduction à côté de la description, et par quelques réflexions instruc-
tives sui les eaux minérales de l'antiquité.
R. Gagnât
l32
REVUE CRITIQUE
389. — Dr. Theodor Mûller. Oas lionUlavo Plus' IV, i55q. i vol. in-8,|
vii-278 pages. Gotha, Andr. Peilhes, 1889.
Dans son livre, à la fois d'une érudition si solide et d'une lecture si
agréable, sur le cardinal Carlo Carafa, M. Georges Duruy nous résu-
mait naguère l'histoire du conclave, qui fut réuni le 5 septembre iSSg,
à la mort de Paul IV et qui se termina le 26 décembre, par l'élection du
cardinal Gianangelo Medici (Pie IV). Mais le brillant écrivain ne vou-
lait nous donner qu'un récit sommaire de cette assemblée ; il se con-
tenta par suite de reproduire les détails fournis par Bromato (Storia di
Paolo IV), par Pallavicino (Istoria del consilio di Trento) et surtout
par les Mémoires d'Estat réunis par Ribieret publiés à Paris en 1666.
Il laissa de côté d'autres pièces de premier ordre, par exemple celles que
Petrucelli mit en œuvre dans son Histoire diplomatique des conclaves,
les rapports envoyés au roi des Romains, Ferdinand, par son député à
Rome, Thurm, et publiés en partie par Sickel fZz/r Geschichte des Kon-
:{ils von Trient), entin les dépêches adressées à Philippe II par son repré-
sentant à Rome, Vargas, et éditées par Dollinger-Heinc (Beilrage ■{ur
politischen, kirchlichen iind Kiiltiir geschichte der let^ten sechs Jahr-
hunderte). En s'appuyant sur tous ces documents et sur une série de
lettres inédites trouvées aux archives de Simancas-, M.Théodore Miiller
nous fait aujourd'hui un récit complet, peut-être trop complet, du fameux
conclave de ôSg. Il nous montre successivement quelle était la situa-
lion du Saint-Siège, sous Paul IV; quel plan formèrent les diverses
puissances catholiques, au moment de la mort de ce pape; quels
candidats se disputèrent sa succession. Puis il entre dans le récit des
opérations électorales. (Peut-être ici sa narration eût-elle gagné en
netteté, s'il nous avait dit d'une manière générale quelles règles l'on
suivait lors de la nomination du souverain pontife). Pendant près de
quatre mois, quarante-huit cardinaux enfermés dans le Vatican avec en-
viron cent cinquante conclavistes, n'ont d'autre occupation que de dési-
gner un pape. En dépit des règlements, ces cardinaux entretiennent une
correspondance active avec leur souverain ; par la fenêtre de leurs cellu-
les, ils communiquent avec les représentants de leur pays. L'on peut
s'imaginer par suite combien d'intrigues furent nouées, combien de ruses
furent inventées, combien de pièges furent tendus. Et cela se passait à
un moment où la Réforme triomphait en Allemagne et où Calvin
était encore en vie! Tantôt un candidat français, tantôt un candidat
espagnol semble l'emporter; puis le lendemain tout est à recommencer.
Entin, de guerre lasse, l'on s'accorde à élire un cardinal, auquel l'on
n'avait pas songé au début, mais qui rallia tous les suffrages autour de
1. Nous signalons à M. M. une relation ine'dite de ce conclave, due à l'un des
cardinaux présents, probablement au cardinal de Guise, et qui se trouve à la biblio-
thèque nationale de Paris, fonds français, n° 6617, fol. 73. M. de Ruble s'est
servi de cette relation dans son histoire du Traité de Caleau-Cambvésis . Paris.
Labitte, 1889, p. 100.
1
I
d'histoire et de littérature 1 3 3
son nom, à cause de son honnête médiocrité et de son grand âge. Il faut
lire dans M. Millier le journal exact du conclave ; je connais peu de
récits aussi instructifs et plus propres à faire réfléchir. Un dernier cha-
pitre retrace la vie de Pie IV jusqu'au jour de sa nomination ; il ne dé-
pare pas un volume très étudié, assez bien conduit, qui eût toutefois
gagné à être un peu réduit.
Ch. Pfister.
3go. — Le lettere dî Sancta Catarina tle' Ricci fiorentina religiosa
domenicana in S. Vincenzio di Prato alla fainiglia con la giuiita di alcune altre
raccolte da Cesare Guasti e pubblicate per cura di Alessandro Gsieraudi. Firenze,
coi tipi di Mariano Ricci, via san Gallo, n" 3i, 1890. i vol. ia-12 de xxix-406 p.
Sainte Catherine des Ricci jouit d'une si grande renommée en Tos-
cane que sa vie a été plusieurs fois écrite, et que diverses parties de sa
correspondance ont déjà vu le jour en 1846 et 1861. Aux lettres qui le
voient aujourd'hui pour la première fois, quelques-unes des précéden-
tes ont été jointes, parce qu'elles avaient été corrigées avant la publica-
tion, non pas, comme les Pensées de Pascal, pour que rien ne s'y
trouvât qui ne pût concourir à édifier les fidèles, — il ne se trouve
dans les missives de sainte Catherine des Ricci rien que d'édifiant,
— mais par un scrupule exagéré d'académicien de ne donner son exeat
à aucun terme qui ne parût d'une irréprochable noblesse. Ou avait, par
exemple, fait disparaître les mots pantoufles^ souliers, bas et autres sem-
blables, pour les remplacer par le mot générique, mais peu explicatif, de
vanités. Notre respect actuel pour les textes ne permettait pas de tolérer
plus longtemps, même dans le passé, de telles libertés.
Le recueil ainsi constitué contient quatre cent trente-trois lettres
adressées aux parents et aux amis de la sainte religieuse qui les écrit, et
je n'ai pas besoin de dire quelle confiance il doit inspirer, puisque c'est
l'impeccable Alessandro Gherardi qui a pris, après la mort de son chef
et ami Cesare Guasti, le soin de cette publication.
Pour se rendre compte de l'intérêt qu'elle présente, il faut se rappeler
qui et quelle était sainte Catherine des Ricci. Issue d'une des plus illus-
tres familles de Florence, qui avait longtemps tenu tête aux Albizzi
dans la période oligarchique de la République florentine, ayant trois
frères et une sœur du premier lit, dont elle était, quatre frères et cinq
soeurs du second, elle était entrée en religion; elle faisait profession en
1 536, quoique sa marâtre fût une mère. Dans les familles nombreu-
ses, le couvent était un bon moyen de débarras : quatre des sœurs de
Catherine y entrèrent comme elle, après elle et auprès d'elle.
Sa célébrité tient à ses extases. C'est une Louise Lateau avant la let-
tre. Elle est malade d'hydropisie, voit Savonarole en vision et est par lui
guérie deux fois. Pendant douze ans elle a, toutes les semaines, l'extase
de la Passion, avec stigmates. Son immobilité durait vingt huit heures.
Elle n'en sortait que pour mouvoir son bras et bénir, si quelque assis-
l34 REVUE CRITIQUE
tant demandait par son intermédiaire la bénédiction de Dieu. On avait
commencé par se demander si c'était de Dieu ou du Diable qu'elle était
possédée; mais le doute n^Avait pas duré longtemps. Chaque fois qu'elle
devait communier, on en était averti par un parfum des plus agréables
qui sortait de son corps. Bientôt, même, sans communier, elle par-
fumait le couvent. Jésus, le divin rédempteur, lui avait ôté son cœur
pour lui en donner un nouveau formé sur le modèle de celui de la
Vierge. C'était bien avéré. Elle avait une puissance miraculeuse pour
convertir les pécheurs. Le Christ et la Vierge avaient avec elle de gran-
des familiarités. Ils la prenaient dans leurs bras et la couvraient de ca-
resses. Les anges et les saints venaient Pentretenir dans sa cellule avec
un abandon tout fraternel, « comme si, déjà, dit le père Rayonne, un
de ses biographes, elle leur eût appartenu ». Des vierges martyres
des temps héroïques du christianisme venaient aussi lui rendre visite.
On ne pouvait faire moins que de la nommer prieure. Il paraît
qu'elle gouverna très bien son troupeau, qu'elle exerça même une
action bienfaisante au dehors, et, ce qui est curieux, qu'elle obtint de
Dieu, sur sa prière, d'être délivrée des effets extérieurs de ses extases.
Morte, elle fit plus tard de nombreuses apparitions dans son couvent,
et, selon l'usage, constaté par les hagiographes pour tant d'autres saints,
de non moins nombreux miracles.
On comprend, dès lors, le genre d'intérêt que peuvent présenter les
lettres familières d'une personne si fort avant dans les grâces du Sei-
gneur. Elle y donne sans doute des conseils relatifs aux devoirs de la
vertu et delà religion; mais pas trop fréquents, ni trop longs, en vérité.
C'est une femme, c'est une sœur qui ne se désintéresse pas des siens, qui
leur montre sa tendresse, sa sollicitude, et descend aux moindres détails.
Ces Italiens, quoiqu'ils nous aient donné saint François d'Assise, ne se
perdent pas dans le mysticisme, comme tant d'autres en diverses nations.
Elle fait aux siens des cadeaux, rajeunit ou renouvelle leur linge, leur
garde-robe, s'occupe de leur santé, s'inquiète de ne pas recevoir de
leurs nouvelles, en demande au tiers et au quart. Envers son plus
jeune frère, son demi frère Vincenzo, qui a vingt-deux ans de moins
qu'elle, et qui est orphelin depuis ses premières années, elle est une
véritable mère, elle administre les biens de ce Benjamin, fait pour
lui des rentrées, passe pour lui des contrats. Quand il est sur le point
de se marier, elle veut sans doute qu'il traite raff"aire avec le cœur,
mais elle veut surtout qu'il fasse « les choses claires », qu'il ne « laisse
pas son bien à un autre », et qu'il « ne faiblisse pas dans ce qui est
juste ». Elle travaille avec ardeur au trousseau de la mariée, comme si
elle n'avait pas autre chose à faire. Elle parle à tout instant de chemises
à coudre ou à raccommoder, de collerettes, de coiffes, de torchons.
Comme cette belle-sœur est jeune et sans expérience, elle lui recom-
mande de ne rien gaspiller, de ne rien laisser perdre; elle lui envoie un
tas de recettes pour les indispositions et maladies; elle prépare le trous-
d'histoire et de littérature i35
seau du bébé à venir; elle cherche la nourrice; elle sait, quoique n'ayant
pas eu d'enfant, quoique n'ayant jamais ressenti, assure-t-on, « l'aiguil-
lon de la chair », comment il faut s'y prendre pour que le nouveau-né
ne se torde pas les jambes ; elle demande s'il ne veut rien de sa tante.
Le père est-il absent pour les affaires de sa banque, elle console et ras-
sure sa belle-sœur, malgré sa propre et vive inquiétude. Tonino,
écrit-elle une fois, ne veut pas rester sans son papa, ni moi sans mon
frère.
La partie édifiante de ces lettres a pour nous moins de prix que pour
les Italiens, et aussi les détails qui leur permettent de rectifier certains
menus faits de l'histoire florentine d'alors; car, en ce qui concerne ces
derniers, l'histoire de Florence et de la Toscane, après l'immolation
définitive de la liberté, n'a plus d'intérêt que pour eux. Mais n'est-il
pas curieux de voir qu'au milieu du xvi^' siècle, Catherine parle d'une
épidémie d' influença, en lui donnant les mêmes caractères qu'a pré-
sentés celle qui vient de travailler si fortement l'Europe?
Il y a aussi dans cette correspondance bien des renseignements utiles
sur la vie des couvents. Outre les travaux féminins communs à tous,
dans le couvent dominicain de Prato, les nonnes peignaient, et leurs
anges bouffis leur rapportaient gros. Comme les couleurs coûtaient
moins cher à Venise qu'à Florence, quand son frère Vincenzo était dans
les lagunes pour ses affaires, elle le chargeait de ses achats. Mais les
bénéfices que rapportait la peinture, d'art devenue industrie, ne dimi-
nuaient en rien le prurit d'acquérir. Après tout, c'était peut-être pour
donner d'une main ce qu'elles recevaient de l'autre que les domini-
caines de Prato les tendaient toutes deux.
Ce nouveau travail du vigilant éditeur est un modèle comme les
précédents. Toujours exact, on peut se fier à lui. Toujours sobre, s'il
met des notes au bas de toutes les pages, il se borne au strict nécessaire.
J'ai quelquefois cherché à le prendre en faute, et je n'y ai jamais
réussi. Pauca, sed bona.
F. -T. Perrens.
Sgi. — La Cliambre ardente, étude sur la liberté de conscience en France
sous François I" et Henri II (i540-ib5o), suivie d'environ 5oo arrêts inédits,
rendus par le Parlement de Paris de mai 1547 à mars i55o, par N. Weiss,
pasteur, bibliothécaire de la Société de l'histoire du protestantisme français. Paris,
Fischbacher, 1889, in-8, CLi-432 pages.
L'ouvrage que vient de publier M. Weiss, pour le premier centenaire
de la liberté de conscience, est, à tous égards, digne de cette grande date.
Il peut, mieux que toute autre publication, nous en faire apprécier l'im-
mense bienfait. C'est une oeuvre fortement conçue qui jette des clartés
nouvelles et presque inattendues sur tout un côté de l'histoire religieuse
du xvi« siècle, jusqu'ici négligée et mal connue. De tels livres, en décou-
vrant impitoyablement à tous les yeux la part de cynisme et de cruauté
que peuvent dissimuler les époques en apparence les plus brillantes et
1
i
l36 REVUE CRITIQUE
les plus polies, rendent à la cause de la justice et de la vérité historique
un signalé service. Voilà près de quarante ans que le Bulletin de la so-
ciété de l'histoire du protestantisme français travaille vaillamment
dans ce sens. Ses efforts n'ont pas été inutiles. 11 a interrompu, sur nom-
bre de points, le concert des admirations béates, dénonçant courageuse-
ment le crime de si haut qu'il soit parti, et faisant entendre les voix des
victimes oubliées. Malgré tout, il reste encore bien des erreurs à rectifier
et des préjugés à combattre. Pour ce qui concerne notamment le milieu
du xvi« siècle, période cependant décisive, on ne possédait que des infor-
mations insuffisantes. Le rôle de Henri II dans les questions religieuses
et son attitude vis-à-vis des réformés étaient très vaguement définis. Le
savant rédacteur du Bulletin s'est attaqué courageusement à ce pro-
blème. Il a fait sortir, presque tout entière des archives, l'histoire infini-
ment poignante des cruelles persécutions de la Chambre ardente, persé-
cutions que les précédents historiens avaient à peu près passées sous si-
lence. Sachons lui gré d'avoir entrepris et mené à bien cette oeuvre sa-
lutaire.
Son livre se compose de deux parties distinctes : une étude historique
et un recueil d'arrêts rendus par le Parlement de Paris contre les lu-
thériens, depuis le mois d'avril 1547 jusqu'au mois de mars i55o. L'é-
tude historique traite de la liberté de conscience, pendant les dernières
années du règne de François I"et les trois premières de celui de Henri II
(i 540-1550). C'est un morceau solide, condensé, aux vues larges et sû-
res, qui témoigne d'une connaissance approfondie de Tépoque. Un
souffle vigoureux circule à travers ses pages, d'où Tauteur a su bannir
les déclamations inutiles. Peut-être le ton aurait-il pu être en quelques
endroits moins agressif, et l'indignation moins véhémente. Mais cette
énergie dans le langage s'explique parfaitement dans l'espèce. Du reste,
l'auteur se contente le plus souvent de grouper des faits précis et signi-
ficatifs qui emportent, mieux que tout commentaire, la conviction du
lecteur. Le deuxième chapitre, en particulier, renferme des données
vraiement neuves et intéressantes. L'auteur y expose les préliminaires
de la Chambre ardente (déc. 1547) et les circonstances dans lesquelles elle
fut fondée. 11 esquisse, au passage, les hommes qui ont pris une part
active à Torganisation de cette juridiction exceptionnelle et flétrit, comme
il le mérite, ce féroce Pierre Lizet dont un journal tentait, il y a quelques
mois, une réhabilitation bien importune. Il traite ensuite de la suppres-
sion de l'institution arrivée en 1549. Un édit de Henri II, promulgué
le 19 novembre de cette année là, et rendu exécutoire, à partir du 8 jan-
vier de l'année suivante, substituait en effet les juridictions ecclésiasti-
ques aux juridictions séculières, sauf en ce qui concernait les cas ap\it-
lés privilégiés. La découverte tout à fait inattendue faite aux Archives
nationales d'un registre original du Parlement confondu jusqu'ici au
milieu des copies de la série U ^ a fourni à M. W., malheureusement
I. C'est à mon savant collègue M. Paul Gue'rin qu'est due la découverte de ce re-
gistre. Le registre est coté U. 446.
d'histoire et de littérature i3y
trop tard puisque son livre était déjà imprimé, tous les actes officiels
concernant l'établissement et le fonctionnement de la première Chambre
ardente, appelée au palais la seconde Tournelle. Les lettres d'institu-
tion sont du 8 octobre i 547 et se trouvent, par là même, antérieures de
quelques mois à la date conjecturée tout d'abord par M. W. Un autre
résultat important qui ressort de ces nouveaux textes, c'est qu'il y eut
quelques années plus tard une seconde Chambre ardente, dont l'exis-
tence était restée ignorée jusqu'à présent.
Le registre U. 446 renferme, en effet, à la suite de Tédit du ig no-
vembre 1549, dont il vient d'être parlé, et de l'édit de Châteaubriant,
promulgué le 27 juin i55i, un troisième édit qui rétablit la seconde
Tournelle criminelle a discontinuée et délaissée » à l'occasion des deux
précédentes ordonnances. Il n'y avait eu de la sorte qu'une interruption
momentanée dans les opérations du tribunal extraordinaire institué contre
les hérétiques. C'est là une donnée précieuse, faute de laquelle il était
difficile de se rendre un compte exact du véritable caractère de cette ju-
ridiction. Ces divers documents, découverts après coup, montrent d'ail-
leurs que l'auteur avait vu juste sur la plupart des points et que plu-
sieurs de ses conjectures étaient sérieusement fondées. 11 est à souhaiter
maintenant que, muni de ces éléments nouveaux, M. W. puisse étendre
et remanier son étude, en lui donnant les proportions que comporte un
sujet à la fois si neuf et si fécond.
Rien de plus instructif ni de plus varié que le recueil d'arrêts publié
par M . Weiss. Certains de ces jugements sont, si Ton peut dire, éloquents
dans leur simplicité. Il faut lire ces textes pour se faire une idée des hu-
miliations terribles, plus poignantes que la mort même, infligées dans
certains cas aux malheureux condamnés 1. Comme le fait très bien re-
marquer l'auteur, il est presque impossible de se rendre un compte
exact du chiffre des victimes. C'est que la peste, les prisons infectes, les
cruautés de la procédure dispensaient souvent le bourreau de faire son
œuvre. Il est nécessaire de tenir le plus grand compte de ces circonstan-
ces pour apprécier avec justesse le caractère et les proportions véritables
de la persécution religieuse, à cette époque. C'est pour les avoir négligées
que la plupart des historiens ont émis des jugements si inconsidérés
à son sujet. Remarquons encore que nombre de ces victimes eurent une
attitude très courageuse et souffrirent avec une admirable constance.
Parmi les personnes poursuivies, il s'en trouve de conditions sociales
les plus diverses : des prêtres, des religieux, des écoliers (par exemple,
nos 1 16 et 1 17), des libraires, etc. Il est à remarquer que la proportion des
gens de modeste condition est considérable. Que d'histoires tragiques,
parfois même mystérieuses, se dissimulent sous ces formules monotones
de jugements et de procès-verbaux ^!
1. Je citeicii en particulier les arrêts n'^^ 40, 5o, 58, 5q, 89, loi, i3o, i36, 104,
282 et l'arrêt 81 condamnant un certain Bouffeau a être fouetté au collège de Mon-
taigu, par les régents dudit collège, en présence des étudiants assemblés.
2. On aimerait à savoir par exemple ce que sont ces Enfants sans soucis, aux sur-
l38 REVUE CRITIQUE
Ces documents sont publiés et analysés avec soin. Une table très dé-
taillée rend les recherches commodes. Il suffit de la parcourir pour juger
du grand nombre de renseignements que ce recueil fournit à Thistoire
locale de certaines villes, de Langres, d'Amiens, de Sens (n" 119), pour
ne citer que quelques exemples. Plusieurs noms de lieux, restés non
identifiés, auraient pu l'être sans trop de difficulté. Nous ne pouvons
qu'engager M. Weiss à poursuivre ses recherches et à nous donner sur
cet importante question de la Chambre ardente le travail définitif qu'on
est en droit d'attendre de lui.
A. Lefrang.
3g2. — La Renaissance des lettres et l'essoi* de l'érudition ancienne
en Belgique, par Félix Nève, professeur émérite de l'Université de Louvain.
Louvain, Peeters; Paris, Leroux, 1890, in-8 de vin-439 p. Pi-ix : 8 fr.
Ce livre ne tient pas toutes les promesses du titre. On attend un
tableau d'ensemble de la renaissance littéraire en Belgique ; on trouve un
recueil de monographies détachées sur des sujets se rattachant à cette
époque; des points importants, comme le rôle de Plantin, celui de
Juste Lipse ne sont pas étudiés. L'ouvrage, formé en grande partie d'an-
ciens articles de revues, est donc irrégulièrement composé et plein de lacu-
nes. Ce n'est pas dire qu'il soit sans mérite. Il y a beaucoup à prendre
dans cette série d'études qui commencent aux rapports d'Érasme avec
le Brabant, objet d'un chapitre long et nourri, pour finir aux érudits du
commencement du xvn« siècle, Pierre Castellanus, André Catulle, et le
premier auteur de la Bibliotheca Belgica, Valère André. L'Université
de Louvain, ses maîtres, ses élèves tiennent dans l'ouvrage une place
prépondérante, justifiée par le rôle que ce grand établissement scienti-
fique a joué au xvi° siècle; les prédilections de l'auteur s^y attachent
pour d'autres raisons et, depuis l'époque où il publiait son grand Mé-
moire sur le collège des Trais-Langues (iS56], il n'a cessé d'étudier
avec amour l'histoire des écoles catholiques de Louvain, où il a lui-
même professé avec honneur. On remarquera le chapitre sur les rela-
tions de Thomas Morus avec Louvain et la Belgique, qui fait pendant
au chapitre sur Érasme, la biographie de Jérôme Busleiden, celle de
Martin Dorpius, d'Adrien Barlandus et le récit de la vie et des voyages
en Portugal, en Espagne et en Afrique de Nicolas Cleynaerts (Clenar-
dus) de Diest. Il faut signaler aussi le travail de M. Nève sur Guy Le
Fevre de la Boderie, la plus complète étude qui ait été consacrée à ce
savant français, poète et orientaliste, collaborateur de la Bible royale.
L'auteur a relevé avec soin tout ce qui, dans son sujet, se rattache aux
études hébraïques et orientales, et, à côté du chapitre sur La Boderie, il
faut citer celui sur J.-B. Gramaye. Il y a, en somme, un grand nombre
noms classiques, Narcissus, Troilus, Hector, Pviam et Ascanais, arrêtés à Noyon,
et dont il est question à diverses reprises (n»' 227 et 243).
d'histoire et de littérature iSg
de renseignements dans ce livre, un grand effort de recherche neuve et
utile. Après avoir dit ce qui lui manque, je crois le louer suffisamment en
déclarant que nous n'avons rien d'équivalent en France, pour la même
période d'histoire littéraire, et que les travailleurs ont souvent l'occasion
de le regretter ^.
P. DE NOLHAC.
SgS. — Courses de Mandrin dans l'Auvergne, le Velay et le Forez (1754),
par Antoine Vernière. Clermont-Ferrand, typographie Mont-Louis, 1890, grand
in-8 de 98 p.
M. Vernière déclare (p. 5) que, bien que le récit de la vie et des gestes
de Mandrin ait tenté beaucoup de plumes ^, son histoire vraie reste
encore à faire ^. En attendant qu'un érudit Dauphinois publie le travail
d'ensemble dont il s'occupe depuis longtemps, M V. a voulu apporter à
cette étude une part contributive, la région par lui habitée ayant été un
des principaux théâtres des méfaits de Mandrin. De nombreux docu-
ments, puisés aux sources officielles, surtout aux Archives départemen-
tales du Puy-de-Dôme, ont permis à l'auteur « de suivre jour par jour,
presque heure par heure, cet audacieux bandit dans ses courses à tra-
vers le Forez, l'Auvergne et le Velay. » Avant d'établir avec tant de
précision l'itinéraire de Mandrin, M. V. raconte rapidement la vie de
Louis Mandrin depuis sa naissance (à Saint-Éiienne de Saint-Geoirs,
le I r février 1725), jusqu'à sa rentrée de Savoie en France (5 janvier
1729). A partir de cette dernière date, il emboîte le pas, pour ainsi dire,
du célèbre brigand et ne le quitte qu'à Va^lence où, le 26 mai 1755, ce
dernier fut roué, puis étranglé. L'exactitude du narrateur n'est jamais en
1. Plusieurs travaux allemands importants restent inconnus à l'auteur; je citerai
seulement deux recueils de documents qu'il aurait eu profit à consulter : la correspon-
dance de Beatus Rhenanus (éd. Horawitz et Hartfelder; et celle d'André Masius (éd.
Lossen, 1886). Les conclusions sur Érasme qu'il veut bien annoncer, p. 55, ont été
déjà données dans la Tîei'Me des Deux-Mondes du i^r juillet 1888. L'édition originale
des traductions latines d'Euripide par Erasme, citées p. 69, n'est pas de Venise, lôoy,
mais de Paris, i5o6 .
2. Une ample Bibliographie des écrits relatifs à Mandrin a été récemment publiée
par M. Edmond Maigiiien, conservateur de la bibliothèque de Grenoble. Voir sur les
principaux biographes, nos contemporains (1860-1882), consultés par M. V., p. 5,
note I.
3. M. V. rétablit ainsi en quelques lignes le portrait réel d'un personnage que l'on
a travesti dans trop de livres : « La légende, si facile à créer en France, a fait de ce
brigand un précurseur de Fra-Diavolo, une sorte de chevalier-errant qui s'était
donné la mission de soutenir les intérêts du peuple contre les sévérités parfois exa-
gérées des employés des Fermes. Sa méthode, ses allures, nous n'en disconvenons pas,
ont pu séduire certains esprits romanesques et servir de thème à de nombreuses
variations littéraires. Nous estimons, après mûr examen, qu'il faut considérer cet
homme, non comme un vulgaire malfaiteur (son courage et son intelligence le met-
taient au dessus de la tourbe à laquelle il commandait); mais simplement comme
un hardi contrebandier, doublé, lorsque l'occasion semblait l'exiger, d'un voleur ou
d'un assassin ».
140
REVUE CRITIQUE
défaut, et c'est presque un procès-verbal que cette histoire des mille cour-
ses de Mandrin dans les trois provinces d^Auvergne, du Velay et du'
Forez, mais un procès-verbal plein d'animation et d'intérêt, et écrit d'une
plume agréable et fine. Autour du personnage principal, M. Vernière
a groupé beaucoup de personnages accessoires, que tous il nous fait
bien connaître soit à l'aide de documents imprimés, soit encore plus à
l'aide de documents manuscrits (documents des dépôts publics, des col-
lections particulières) '. Les notes, très abondantes, éclairent mille points
géographiques, généalogiques, bibliographiques, et on peut leur appli-
quer l'éloge qui a été donné à celles dont l'éditeur du Journal de
voyage de Dom Jacques Boyer a enrichi ce précieux recueil (1886).
Texte et commentaire sont si riches en indications de toute sorte, que
M Rochas, dans son tableau général des aventures de Mandrin, n'aura
guère qu'à reproduire, pour Tannée 1754, les excellentes pages de son
devancier.
T. DE L.
394. — KJae famille de grands prévôts d'Anjou, aux xvii® et xvili^ siècles.
Les Constantin, seigneurs de Varennes et de la Lorie, d'après les Archives iné-
dites du château de la Lorie, par André Joubert. Angers, CJermain et Grassin,
1890. In-8, xi-363 p.
Voilà un livre auquel on ne saurait guère reprocher de n'avoir pas
épuisé la matière dont il traite. Un gros volume de près de quatre cents
pages, imprimé avec le plus grand luxe et orné de vingt-quatre gravures,
c'est peut-être beaucoup pour l'histoire d'une famille de grands prévôts
d'Anjou, durant deux siècles seulement. Il nous semble que M. Jou-
bert a quelque peu exagéré l'intérêt de son sujet. Les fonctions dont les
Constantin furent investis n'étaient pas si importantes qu'il le prétend
(p. viii). Je crois qu'on peut dire sans exagération, d'après le tableau
qu'il en trace lui-même (p. vu), qu'elles ne différaient pas essentielle-
ment de celles d'un officier supérieur de gendarmerie ou d'un procureur
de la République de nos jours. Et puis, quel luxe de documents! Tout y
passe, depuis la lettre la plus insignifiante jusqu'aux comptes ou mémoi-
res de fournisseurs, les plus monotones. Franchement, pendant qu'il reste
encore tant de documents intéressants, essentiels même, à mettre au
jour, n'est-il pas fâcheux de voir une publication si soignée et si coû-
teuse comprendre de pareilles inutilités? Les pièces justificatives qui
occupent cent soixante pages du livre ^ sont loin, pour la plupart du
moins, f^d'être aussi curieuses que l'affirme M. J, Pour ne choisir qu'un
1. M. V. a reproduit dans toute leur teneur quelques uns de ces documents, par
exemple des actes notariés où figure Mandria (pp. 32-33), une délibération munici-
pale de la ville d'Ambert (p. 34), une chanson conservée parmi les mss. de la bibliothè-
que de Clermont-Ferrand (p. 80), etc. Voir (entre les pages 36 et 37) le fac-similé
d'une quittance de Mandrin et (entre les pages 64 et 65) une gravure représentant le
coquin au combat de Baune.
2. Non compris celles, très nombreuses, qui se trouvent intercalées dans le texte.
o'histoirk et dk littékaturb 141
seul exemple, le fait de l'occupation du château de la Lorie par les
soldats de la République puis par les troupes vendéennes étant connu,
était-il bien nécessaire de consacrer près de vingt pages à nous donner,
d'après un mémoire, l'énumération complète de toutes les serrures
forcées et de tous les carreaux brisés^ Si Ton s'obstine à marcher dans
cette voie — et il semble bien que ce soit le désir d'un certain nombre
d'érudits — il faudra nous résigner à voir publier dans leur' intégrité les
minutes du moindre notaire rural. Plaignons de grand cœur nos arrières-
neveux. Il ne suffit pas qu'un inventaire ou qu'une prisée quelconque
présente un certain nombre de chiffres, pour qu'il abonde «Jen rensei-
gnements nouveaux sur la vie privée, à la ville et à la campagne, à la
rin du xvn^ siècle ». Cette réserve faite, nous ne faisons pas difficulté de
reconnaître que le travail de M. Joubert a été exécuté avec soin, que
les recherches sont étendues et bien coordonnées, et que les gravures
— bien qu'on puisse contester Futilité de certaines d'entre elles — sont
agréables à regarder. Que n'a-t-il réuni tout cela en une brochure
modeste qui Taurait forcé à supprimer les détails fastidieux d'une étude
qui, réduite à des proportions restreintes, pouvait n'être pas sans attrait?
A. L.
3gb. — Eug. Bouvv. I.e eomte Pletro VerrI (1728-1797). Ses idées et son
temps. Un vol. in-8, vii-3oo pp. Paris, Hachette, 1889.
A ce titre en trois parties correspondent trois séries de chapitres: 1° La
biographie de ce personnage de médiocre importance est très bonne.
M. B. a connu et utilisé toutes les sources accessibles, et tracé un por-
trait qui semble exact de ce brouillon encyclopédique. Pourquoi n'a-t-il
pas joint à cette biographie les deux pages qu'il consacre à la mort de
son héros et qui sont perdues à la fin ? — 2" Les idées sont décrites et expo-
sées avec une grande exactitude et d'une façon aussi complète que solide :
il y en a dans le nombre de bien singulières, et elles ne démontrent pas
toutes que leur auteur fût le génie qu'il voulait qu'on crût qu'il était. —
S*» Reste le temps. Qu'est-ce que le temps d'un homme? Je comprends
cette expression quand l'homme a fortement marqué son époque de son
empreinte, ou quand il a été, au contraire, le miroir fidèle de son épo-
que : mais pour un personnage comme la maréchale de Villars, comme
Girolamo Morone ou Verri, le mot me paraît mal employé. Groupe
serait plus modeste et plus juste : c'est le terme que Sainte-Beuve a
employé pour Chateaubriand. — Le temps sert ici de prétexte à di-
vers chapitres, les plus intéressants peut-être du livre, sur la société du
Caffé, sur Beccaria (un assez triste caractère), sur les réformes adminis-
tratives en Lombardie, sur Milan pendant la Révolution française. On
aurait pu en glisser bien d'autres sous le même titre; deux au moins me
semblent manquer : description de la société milanaise au milieu et à
la fin du xvm^ siècle, tableau de l'administration de Firmian et du gou-
142 REVUE CRITIQUE
vernement de Joseph II. — Le tout fait un livre intéressant, qui sera con-
sulté avec fruit par tous les historiens de l'Italie settecentista : je ne
dis pas les historiens futurs de Verri, car c'est bien assez d'un bon livre
sur cet assez mince sujet '. L. G. P,
39Ô. — Joui'iial (l'un oiTîcici* de l'armée du Etliin, par le général Fay.
Avec une carte des opérations, 5« édition. Paris, Berger-Levrault, 1889. In-8,
VI et 404 p.
Ce livre vient d'atteindre, et c'est justice, sa cinquième édition. L'au-
teur, bien connu de nos lecteurs (cp. Revue, n° 16), était attaché au
quartier-général de l'armée du Rhin en 1870. Il retrace ses impressions
mois par mois depuis la déclaration de guerre jusqu'à la reddition de Metz.
Les trente-six pages consacrées au mois de juillet signalent les premiè-
res erreurs d' a un déplorable système en vertu duquel les agents du pou-
voir ont perdu tout esprit d'initiative et tout sentiment de la responsa-
bilité ». Suit le journal du mois d'août où Ton remarquera la description
du désordre qui régnait dans la petite salle de l'état-major général, à
l'hôtel de l'Europe (p. 3y), les observations sur le service d'état-major
tel qu'il aurait dû être (p. 63), le récit de la bataille de Rezonville et
les réflexions qu'inspirent à l'auteur les difficultés de cette sanglante
journée (p. 96-100), la bataille de Saint Privât, l'envoi de M. Fay en
parlementaire et l'émotion qui le saisit au château de Jussy, à la vue de
la vallée de la Moselle ravagée par la guerre (p. i33-i35), les projets de
sortie, le combat de Sainte-Barbe. Notons dans le journal du mois de
septembre les pages consacrées aux abus de la convention de Genève
(p. 169-170), aux premières rumeurs de Sedan, aux nouvelles de la
Révolution de Paris. Déjà la situation s'assombrit; les chevaux dépéris-
sent; les journées deviennent monotones : « Pendant les longs loisirs que
nous laisse notre service, nous lisons tous avec avidité quelques classi-
ques, découverts dans une maison du Ban Saint-Martin. Cette lecture
nous procure un repos véritable; les héros de Corneille surtout nous
rafraîchissent et nous fortifient par la grandeur et l'élévation de leurs
caractères; avec eux, on sort du terre à terre de la situation actuelle; on
parvient à donner un cours moins triste aux idées de chaque jour. Le
soir, dès que nous sommes réunis, nous devisons sans fin sur les rares
et incomplètes données qui nous arrivent à travers le cordon ennemi. ••
Et pendant que notre esprit s'épuise à creuser les secrets de la situation,
pendant que nous mourons presque sur place, par ennui de ne rien
faire, au-delà de la ligne des sentinelles à casques, qui nous enserre
étroitement, tout s'agite, tout se transforme, tout combat, tout est en
I. M.B qui connaît à fond Verri et son temps, puisque temps il y a, semble moins
familier avec les choses italiennes qui ne sont pas de ce temps. Il appelle Quenni le
cardinal Quirini, de Brescia; il parle des tortures organisées par Galéas Visconti, de
Pavie, et d'un décret de Philippe II. souverain de Milan, publié le 7 août i63o. Il
suffirait d'une révision attentive pour faire disparaître ces petites taches.
d'histoire et de littérature 143
feu! Seuls, comme dans une île déserte, ou plutôt comme dans le re-
mous que forme l'eau courante au coude d'une rivière, nous tournons
sur nous-mêmes, enveloppés de forts et de hautes collines qui nous
cachent même une partie du ciel! » (p. 188-189). Vient le mois d'octo-
bre; l'auteur commence à deviner les calculs du commandant en chef.
« Si Paris se rendait ces jours-ci, le Gouvernement français ne pour-
rait qu'accepter les conditions du roi de Prusse. L'armée du maréchal,
pourvue de vivres jusqu'au milieu d'octobre, victorieuse dans plusieurs
batailles, et non entamée par l'ennemi, sortirait pleine de gloire d'une
situation fort difficile; et quel critique insensé pourrait prétendre ensuite
que, la guerre continuant, cette armée aurait pu être réduite à capituler
comme celle de Sedan! » (p. 234). Mais la guerre continue, Paris ne se
rend pas, le temps se passe. « Il faut, écrit M, Fay, il faut absolument,
coûte que coûte, se faire jour, sans tarder davantage », et, un instant, il
croit aux « résolutions viriles » (p. 246-247). Hélas! la pluie tombe;
les chevaux s'abattent par dizaines; le soldat n'a plus qu'une ration de
pain insuffisante, et il est triste, découragé; au lieu d'agir, « on paraît
vouloir temporiser, négocier encore; on semble n'attendre que du dehors
la solution » (p. 25o). Des bruits étranges se répandent; au départ inex-
pliqué de Bourbaki succèdent les deux missions de Boyer ; on parle de
l'arrivée de l'impératrice, de la capitulation de l'armée, de la reddition
de la place. Entin, au 25 octobre, M. F, écrit dans son journal : « L'im-
pératrice a refusé de se prêter à la combinaison proposée. Nous nous
retrouvons en face de la question des vivres. Plus de pain ! De négocia-
tions en négociations, les ennemis nous ont conduits à ce terme final où
les plus courageux sont obligés de taxer de folie une tentative de sortie »
(p, 3oi). Il accompagna Jarras à Frescaty. « Jamais je n'oublierai ces
six mortelles heures pendant lesquelles j'ai éprouvé la plus grande dou-
leur de ma vie et assisté à l'agonie de notre armée, de notre honneur
militaire. Quel supplice dans cette salle où j'ai entendu tomber goutte
à goutte comme du plomb, sur mon cœur de français, tant de choses
que je ne puis redire! Que de frémissements j'ai dû comprimer, en écri-
vant, sous la dictée du vainqueur, ces dures conditions! » (p. 3x2). Le
livre de M. Fay se termine par un Supplément qui renferme quelques
documents; le plus intéressant est le journal du commandant David,
de l'armée de Mac-Mahon. A. Ch.
CHRONIQUE
BELGIQUE. — On vient de réimprimer en trois volumes les Études et notices his-
toriques coyiceniani l'histoire des Pays-Bas qu'avait publiées le regretté M. Gachard
(Bruxelles, Hayez, 1890, in-S», 524, 465 et 610 pages). On trouve dans le premier
volume les études suivantes : Les États de Gand en 1476; Captivité de François I^'^ ;
La chute du cardinal de Granvelle en 1564 ; Sur Vorigine du nom de Gueux donné
aux révolutionnaires des Pays-Bas dans le xvi° siècle; Sur le Conseil des Troubles
institué par le duc d'Albe; L abolition du Conseil des Troubles; les quatre Études
144 REVUE CRITIQUE d'hiSTOIRE ET DE LITTÉRATURE
historiques sur don Juan d'Autriche {]& mère de don Juan, l'enfance de don Juan, don
Juan et Marguerite, Donna Giovanna d'Austria); La déchéance de Philippe II; Am-
bassade du prince de Ligne en i6 16 ; Histoire d'un procès célèbre à propos de l'in-
ventaire du palais Granvelle à Besançon ; Le voyage de Pierre le Grand dans les Pays-
Bas autrichiens en 1717. — Le deuxième volume comprend : Acceptation et publica-
tion aux Pays-Bas de la pragmatique sanction de l'empereur Charles VI; Jean-
Baptiste Rousseau, historiographe des Pays-Bas autrichiens; Mémoires du feld-ma-
réchal comte de Mérode- Westerloo ; Leprince-évéque de Liège et Frédéric le Grand ;
Eloge de l'impératrice Marie-Thérèse (discours prononcé à la séance publique de
l'Académie le 11 mai 1864); Voyage de Paul Ii^^ en Belgique [lySi] ; Les d'Arenberg ;
quatre études sur Jeanne la Folle (la publication de M. Bergenroth, Jeanne et Charles-
Quint, Jeanne et saint François de Borja, Les derniers moments de Jeanne) ; et vingt-
trois Variétés (I. Documents inédits surCommines, Charles le Téméraire et Charles-
Quint; IL Les derniers moments de Marguerite d'Autriche; lit. Le nombre des exé-
cutions faites aux Pays-Bas par le duc d'AIbe;IV. La princesse d'Epinoy; V. Am-
bassade de Jacques I"' à l'archiduc Albert pour demander justice contre Erycius
Puteanus; VI. Le peintre Gerbier et la conspiration de la noblesse belge contre
l'Espagne; VIL Contestation entre les Pays-Bas espagnols et les Provinces-Unies sur
l'emploi des mots sieurs et seigneurs; VIII. Introduction et usage du thé en Belgi-
que au XVII" siècle ; IX. Joseph II et la franc-maçonnerie belge ; X. Les trois couleurs
brabançonnes et les trois couleurs flamandes; XL M"" de Robespierre à Tournai;
Xll. Extravagances révolutionnaires de la fin du xvrii" siècle; XIII. Mot de Philippe
le Bon sur Gand; XIV. Hommage rendu au caractère belge par Alexandre Farnèse ;
Translation des entrailles de Marguerite d'Autriche (1778) ; XVI. Sur le titre de sou-
verain des Pays-Bas; XVII. Une colonie belge établie dans l'île de Nordstrand (Sles-
wig); XVIIL La fontaine du Sablon à Bruxelles et le comte d'Ailesbury ; XIX. L'in-
troduction de la culture des pommes et poires de terre en Belgique; XX. Marie-Thé-
rèse et ses deux médecins, Van Swieten et Engel ; XXI. Gustave III à Bruxelles (1771);
XXIL Des anciennes inaugurations des souverains des Pays-Bas; XXIU. Théroigne
de Méricourt). — Le troisième volume est ainsi composé : Anne de Boleyn, son élé-
vation et sa chute ; Le duc Emmanuel Philibert de Savoie, gouverneur-général des
Pays Bas; Christophe Plantin et la Bible polyglotte; Floris de Montmorency, baron
de Montigny (sa mission en Espagne, son arrestation à Madrid et son supplice au
château de Simancas i 566-1 370); Le cardinal Bentivoglio, sa nonciature à Bruxelles;
La cour de Bruxelles sous les princes de la maison d'Autriche; L'incendie du pa-
lais royal de Bruxelles (1731): Le traité de Versailles {iy56, lettres confidentielles
de Marie-Thérèse au prince Charles de Lorraine) ; Un épisode de l'histoire de l' Uni-
versité de Louvain ; Le jubilé du prince Charles de Lorraine (1769-1775); Voyage
de Joseph II en Belgique {i~8i}; Le feld-maréchal prince Charles-Joseph de Ligne,
particularités inédites; Les Mémoires historiques et politiques du chef et président de
Nény ; Les Bollandistes, leurs travaux, leur suppression sous Joseph II (1773- 1789);
Recherches historiques sur les princes de Chimay et les comtes de Beaumont (141 5-
1843). — Il est inutile d'insister sur l'utilité de ce recueil, où les historiens du xvi^ et
du xviit* siècle trouveront beaucoup à prendre et à apprendre. On regrettera qu'une
introduction, si courte soit-elle, ne précède pas le premier volume. Tome III, p. 3 1 1 ,
supprimer la phrase « jour où l'on célébrait la réunion de la ville à la république
française» (on célébrait simplement la bénédiction du drapeau des sans-culottes); id.,
p. 390, note, lire « Boux 7> au lieux de Roux .
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 38-39 — 22 septembre-29 septembre— 1890
Sommaire t Sqy. Schrumpf. Les langues indo-européennes. — SgS. R. de Scala,
Les e'tudes Je Polybe. — 399. Bernheim, Manuel de la méthode historique. —
400. AuvRAV, Les registres de Grégoire IX, l. — 401. Virac, Recherches histo-
riques de la ville de Macaire. — 402. Dœllinger, Lettres et déclarations. — 403.
KoBf'RT, Etudes historiques. — 404. Jean, Le Maduré. — Chronique.
397. — A. first Aryon Kender, consisting of Spécimens of the Aryan Lan-r
guages which constitute the basis of comparative philology, viz., Indic, Erânic,
Armenian. Hellenic, Albanian, Italie, Keltic, Baltic, Slavonic, Teutonic, edited
by G. A. Schrumpf. — London, D. Nutt. 1890. Pet. in-8, x-212 pp.
Cet ouvrage est destiné, dans la pensée de l'auteur, à servir d'intro-
duction à la Chrestomathie Indo-européenne de Schleicher, en donnant
à l'étudiant une idée générale et sommaire de la structure et de la phy-
sionomie de chacune des langues indo-européennes. L'intention est
louable et le travail méritoire ; mais il est permis de se demander si le
but est entièrement atteint. Ne parlons pas, si Ton veut, du manque
d'équilibre, qui fait tenir les langues italiques en douze pages et le
grec en six, tandis que le sanscrit, par exemple, s'espace sur quarante-
quatre pages. N'insistons pas sur les fautes d'impression, relativement
peu nombreuses, mais'toujours fâcheuses dans un livre élémentaire, ni
même sur les erreurs grammaticales, qui tiennent à ce que M. Schrumpf
a visiblement travaillé de seconde main; il ne s'en cache point d'ailleurs.
Mais voici qui est plus grave.
Celui qui n'a aucune idée d'une langue en apprendra-t-il quelque
chose pour en avoir lu cent lignes accoinpagnées d'une traduction et
d'une rapide analyse? Ne vaudrait-il pas mieux lui donner un bon lexi-
que, et qu'il se tirât d'affaire tout seul? Pour moi, je le crois : l'on ne
sait bien que ce qu'on a appris soi-même. Avec la meilleure volonté
du monde son guide ne peut tout lui dire : il lui enseigne (p. 14) — à
tort, du reste; c'est s\iv patita (p. 16) que la leçon devrait venir — que
pâtita est le verbal du sk. pat; mais sur vvddhum (p. 2 3) il se contente
de traduire « old »; dans un lexique l'élève verrait : 1° que vvddha
n'est pas un simple adjectif, mais le verbal de vardh « croître j> ; 2" que
le t du suffixe -ta- prend ici euphoniquement une forme particulière-
Double profit qui lui échappe, de par la méthode qui lui fournit le
travail tout fait au lieu de le lui laisser faire.
Je ne voudrais point, toutefois, ériger en principe une impression
toute personnelle. 11 peut y avoir, il y a sans doute des débutants qui
aiment mieux être tenus par la main que d'être abandonnés à eux-
Nouvelle série, XXX. 38-39
146 RKVUK CRITIQUE
mêmes. C'est pour eux que le livre a été écrit : il les intéressera par
l'abondance et la variété des tiocumeiits; il piquera peut-être leur curio-
sité. Je souhaite qu'il nous amène beaucoup d'adeptes.
V. Henry.
iîgS. — ScALA (Rudolf von). Die Studien des Polyblos, I Band, Stuttgart,
Kohlhammer, 1890, S. xvi-344, in-8.
M. Rud. von Scala s'excuse dans sa préface d'ajouter encore deux volu-
mes au nombre déjà considérable des écrits relatifs à Polybe ; mais il
Justifie par d'excellentes raisons le choix de son sujet. Polybe lui-même
a signalé une singulière contradiction chez les historiens de soti temps :
s'agit-il de l'histoire d'une ville, on s'étend avec complaisance sur toutes
les circonstances qui ont préparé, accompagné et suivi la fondation de
cette ville; mais, pour les hommes qui ont eu en main les affaires publi-
ques, on passe sous silence et on néglige l'iiistoire de leur éducation,
c'est-à-dire la formation même de leur esprit (X. 21, 3). M. R. v. S. n'a
pas voulu mériter ce reproche, et, appliquant à Polybe lui-même la
méthode d'investigation que le profond historien demandait qu'on appli-
quât aux grands personnages de l'histoire, il s'est efforcé de mettre en
lumière les circonstances où s'est développé le génie propre de Polybe, et
les influences diverses qui ont agi sur son éducation. Aussi bien, cette
étude particulière d'un homme prend-elle un intérêt général, si l'on
songe que Polybe est pour nous presque le seul représentant de toute
une période de la littérature grecque, et que cette période, peu connue,
offre tout l'attrait qui s'attache aux époques de transition. Quel était au
second siècle avant notre ère l'état des esprits en Grèce? De quoi se com-
posait alors l'éducation d'un jeune homme? Quelle place y occupaient
la poésie, la philosophie, l'éloquence, l'histoire, les sciences proprement
dites? Voilà les questions que M. R. v. S. a essayé de résoudre, en pre-
nant Polybe pour guide et pour témoin.
Le premier volume, le seul paru jusqu'à ce jour, contient d'abord,
après quelques pages d'introduction, un tableau de la jeunesse de Po-
lybe ; le caractère et les idées du futur historien de la conquête romaine
y sont expliqués en partie par l'influence directe de sa famille, de sa ville
natale, de sa patrie. Abordant ensuite les études spéciales de Polybe,
M. R. V. S. signale d'abord chez lui certains souvenirs d'Homère, d'Hé-
siode, et quelques allusions aux autres genres de poésie. Mais il n'insiste
pas outre mesure sur ce point, et il arrive bientôt à ce qui forme la partie
la plus considérable et la plus importante du livre : les études philoso-
phiques de Polybe Ce chapitre se divise en six paragraphes : traces de la
philosophie d'Heraclite, Platon et l'Académie, Aristote et Théophraste,
Démétrius de Phalère. Straton de Lampsaque, l'école stoïcienne. Cha-
cune de ces recherches est poursuivie avec une pénétration et une sub-
tilité remarquables ; l'auteur s'efforce de donner des démonstrations
d'histoire et de littérature 147
rigoureuses, et il soumet au lecteur tous les éléments du problème, en
rapprochant, pour les comparer, les passages de Polybe et des philoso-
phes. Enfin le volume se termine par huit appendices, parmi lesquels
nous signalerons le second, sur les sources de Polybe, et le huitième, sur
le droit des gens chez Polybe. A ce propos, M. R. v. S. fait un résumé
intéressant des théories antérieures sur le même sujet, dans Hérodote,
Euripide, Thucydide, Xénophon, Platon et l'école d^Isocrate.
•Le tome II, annoncé pour l'année prochaine, comprendra les études
oratoires, historiques et géographiques de Polybe.
On ne saurait trop encourager un auteur qui nous promet un tableau
aussi complet de la culture grecque au second siècle.
Am. Hauvette.
399. — B.ehi-biicli den liistorîsclien Metliocle, mit Nachweis der wichtigsteii
Quellen und Hûlfsmittel zum Studium der Geschichte, par Ernst Bernheim (pro-
fesseur d'histoire à l'Université de Greifswald.) Leipzig, Duncker et Humblot,
1889, I vol. in-S, xi-53o p.
Les ouvrages de la nature de celui-ci ne sont pas sans inspirer, de
prime abord, une certaine défiance. On craint, en les ouvrant, de se heur-
ter à des généralités vagues et inutiles 1, quand elles ne sont point
paradoxales et fantaisistes. Il est si facile de raisonner à perte de vue sur
la méthodologie historique et d'échafauder des considérations pompeu-
ses et hardies sur une science qui, étant en réalité la plus concrète et la
plus vivante de toutes, se prête assez peu à des développements abstraits.
Depuis quelque temps, les ouvrages de ce genre semblent vouloir se
multiplier. Il serait facile d'en signaler un nombre relativement consi-
dérable, aussi bien en France qu'en Allemagne -. Il y a là assurément
un symptôme tout à fait caractéristique. Je me hâte de dire qu'au mi-
lieu de ces productions, gros livres ou articles de revue, il en est peu
d'aussi sérieuses, d'aussi complètes et surtout d'aussi utiles, que celle
dont il s'agit ici.
M. Bernheim observe justement, au début de sa préface, qu'il n'y a
guère de science oîi règne, au même degré que dans la nôtre, une si
extraordinaire diversité d'opinions touchant les principes fondamen-
taux de la méthode. Il part de là pour tenter d'exposer dans son ensem-
ble la méthode des sciences historiques, depuis les principes essentiels
jusqu'aux détails concrets de savoir-faire technique. Le livre de M. B.,
clairement divisé et composé avec beaucoup de soin, comprend six
parties bien distinctes. La première est consacrée à la notion et à
l'essence de la science historique; la seconde à la méthodologie; la
1. Telles que celles du Précis de la scicnca de l'histoire, dont nous avons rendu
compte dans le n' 43 de la Revue de 1888.
2. Pour ne citer qu'un exemple, le plus récent numéro de V Historische Zeilschrift
contient une étude de M. Paul Hinneberg : Die pkilosopliischen Grundlagen der
Geschichiswissenschaft.
148 RXVIJK CMTIQUK
troisième à la science des sources, et, en particulier, à l'étude des scien-
ces auxiliaires. La suivante, qui traite de la critique, est, comme de
juste, la plus importante, la plus approfondie de toutes. Vient ensuite
la conception historique (Auffassung), partie également subtile et déli-
cate, qui comprend, à son tour, l'interprétation, la coordination, l'ima-
gination historique, l'appréciation des conditions générales, la philo-
sophie de l'histoire, l'essence de la compréhension (objectivité et
subjectivité). L'exposition fournit la matière du dernier chapitre. Tout
cela, à ne considérer que le plan, peut paraître assez abstrait, rébarbatif
même. Mais il ne faut pas s'en tenir aux apparences. Le ton général du
livre est, au contraire, vivant et animé, et par là même beaucoup moins
vague qu'on ne pourrait le supposer de prime abord. Chacun des cha-
pitres est illustré de nombreux exemples, topiques et bien choisis. Tout
au plus pourrait-on reprocher à ces derniers une forme qui devient,
en certains cas, par trop mathématique, une simplification excessive
dans Targumentation qui ne tient pas assez compte de l'extrême com-
plexité des choses et semble attribuer aux raisonnements en matière
historique une rigueur qu'ils ne comportent pas. Je reprocherai égale- l\
ment à M. Bernheim de n'avoir pas fait la part assez large aux faits de
l'histoire moderne et de s'être trop cantonné dans les choses du moyen
âge 1. Il aurait dû varier un peu davantage et prendre moins d'exemples
dans Thistoire dWUemagne, étant donné le caractère général de son
livre. Il faut signaler en particulier le chapitre relatif à la critique.
C'est un morceau vraiment intéressant, sobrement et clairement écrit.
Le § 3 du chapitre II, Développement historique de la méthode (p. 119-
1 5 1) est également substantiel. Au point de vue bibliographique, toute
cette partie est au courant, bien qu'on puisse relever çà et là plusieurs
lacunes et que certaines indications n'y figurent pas à leur place ~. La
classification des ouvrages cités est aussi parfois un peu compliquée.
Nous constatons avec plaisir que justice a été pleinement rendue par
l'auteur aux services rendus par l'érudition française^ que le rôle de cette
dernière est équitablement mis en relief, et qu'en particulier l'œuvre des
anciens bénédictins et celle de l'école des Chartes se trouvent citées en
une place des plus honorables.
Ce qui manque le plus dans cet ouvrage — et c'est le principal repro-
che qu'on ait à lui adresser — c'est un index méthodique et alphabéti-
1 . Il y a cependant des exemples tirés de l'histoire contemporaine, tel que celui
de la page 437, sur les chutes de nos ministères.
2. De Wailly cité p. 17g devrait l'être plutôt à la page 184; page i65, l'auteur aurait
dû citer le supplément de la bibliographie de Vallée. Peut-être aurait-il bien fait
d'indiquer par un mot les observations critiques auxquelles les grands répertoires
bibliographiques peuvent donner lieu. Plusieurs des chiffres donnés ne sont pas
exacts. Pour ce qui concerne en particulier les publications françaises, l'auteur en
est resté aux chiffres cités par d'anciens répertoires. P. i63, par exemple, la
Société de l'histoire de France, a aujourd'hui publié près de quatre-vingts ouvrages.
P. 200, pour la géographie, M. Bernheim aurait dû citer les travaux de Freeman
et surtout l'atlas de M. Longnon actuellement en cours de publication.
d'histoire et de littérature 149
que. En raison de la diversité des matières traitées, l'absence d'une table
complète rend les recherches pénibles et peu sûres. Quoi qu^il en soit,
ce livre, qui n'est pas seulement un exposé de considérations ou d'idées
générales, mais encore un répertoire commode et précis, est appelé à
rendre de réels service. C^esC une tentative courageuse en vue de cons-
tituer une synthèse de la science historique. L'auteur y a mis le résul-
tat de longues réflexions et d'habiles recherches. Sans doute, il n'est pas
besoin pour devenir historien d'avoir une connaissance approfondie des
principes qui président aux études historiques, mais encore est-il vrai que
cette connaissance n'est pas sans but. Grâce à elle, l'historien se rend
mieux compte que, suivant le mot de Ranke « tout se tient : l'étude
critique des sources authentiques, la conception impartiale, l'exposi-
tion objective. DasZiel ist die Vergegenwartigungder vollen Wahrheit. »
A. Lefranc.
400. — Les* Registres de Gi-égoii-e IX. Recueil des bulles de ce pape publiées
et analysées d'après les manuscrits originaux du Vatican, par Lucien Auvray.
Premier fascicule. Paris, iScjo, in-4, 256 colonnes. (Biblioth. des Ecoles fran-
çaises d'Athènes et de Rome).
Le premier fascicule des Registres de Grégoire IX se rattache à la
série des registres pontificaux dont PÉcole française de Rome poursuit
la publication depuis plusieurs années. L'éditeur, M. L. Auvray, s'est
conformé au plan de ses devanciers ; c^est-à-dire qu''il s'est appliqué à
donner la physionomie des manuscrits originaux, en suivant dans la
publication des lettres apostoliques l'ordre même où elles sont transcri-
tes dans les registres de chancellerie conservés aux Archives du Vatican.
Il s'est contenté d'analyser celles dont une exacte reproduction avait été
donnée dans des ouvrages accessibles à tous ; mais il l'a fait de telle
façon que souvent les historiens pourront se dispenser de recourir aux
livres où se trouve le document tout entier. Pour les lettres déjà publiées
M. A. renvoie à Potthast et aux recueils ou ouvrages postérieurs à
l'achèvement de ce précieux répertoire, tels que Valois (Guillaume
d'Auvergne), Rodenberg {Epistolœ sœculi XIII e regestis pontificiim
romanorum selectœ), Denifle et Châtelain (Chartularium Universita-
tis Parisiensis.) Ces références sont toujours exactes. A peine osons-
nous reprocher à M. A. de n'avoir pas indiqué que la bulle n° 16 de sa
publication est analysée dans Potthast sous le n° 9670, car cet auteur
Ta rangée parmi les bulles non datées l'ayant empruntée aux décrétâtes ;
il en est de même du n° 219 qui est le n° 9675 de Potthast. Enfin la
bulle n° 94 d' Auvray correspond au n° 7920 a ou 26176 de Potthast.
Ce sont là de bien légères omissions. Les textes sont établis avec le plus
grand soin. Je signalerai toutefois à M. A. une faute d'impression ; dans
l'analyse de la bulle n^ 122, à la troisième ligne il faut lire regularem
au lieu de sœcularem. Ce premier fascicule comprend les bulles expé-
I 50 REVUE CRITIQUE
diées pendant les trois premières années du pontificat de Grégoire IX,
soit 409 chapitres, je dis chapitres, car, comme on le sait, dans les
registres pontificaux, plusieurs lettres adressées à divers personnages
mais de même teneur, sont insérées sous une seule rubrique. Pour
donner une idée du genre de ressources que fourniront les registres de
Grégoire IX aux historiens, je ne crois pouvoir mieux faire qu'indiquer
parmi les documents inédits qu'ils contiennent ceux qui sont relatifs à
la France. La bulle du 23 mars 1227 par laquelle Grégoire IX annonça
au roi de France son élévation au trône pontifical n'avait pas encore été
publiée, mais elle n'a pas grand intérêt. Le pape y proclame le roi de
France fils de l'Eglise romaine, et en retour du dévouement respectueux
qu'il lui demande, lui promet de son côté une affection paternelle.
Les troubles qui marquèrent les commencements du règne de saint Louis
donnèrent occasion à Grégoire IX de manifester ses sentiments de
bienveillance à l'égard du jeune roi. Comme au traité de Vendôme
(16 mars 1227) on avait arrêté le mariage de Jean, deuxième frère de
Louis IX, héritier des comtés d'Anjou et du Maine, avec Yolande, fille
du comte de Bretagne, et aussi celui d'Alphonse, autre frère du roi,
avec Isabelle fille du comte de la Marche, et que ces unions ne pouvaient
manquer, par la création de grandes puissances baronales, de susciter
dans l'avenir de terribles embarras au gouvernement royal, le souverain
pontife lui vint en aide et déclara (Auvray, bulles 11° &y et 88 des 26 et
25 mai 1227) s'opposera ces mariages en raison du degré de parenté
des parties contractantes, Ce qui ne permet pas de douter que la régente
n'ait elle-même provoqué l'intervention du pape, c'est qu'une clause
du traité de Vendôme Tavait préparée en réservant l'approbation de
l'Église. En décembre 1229 (n°* 376 et 377) nous voyons encore
Grégoire IX se préoccuper de maintenir l'ordre en France et écrire aux
évêques de Senlis, d'Orléans et de Meaux d'apaiser les troubles qui
pouvaient exister dans le royaume et de veiller à ce qu'aucun autre ne
se produise désormais. Par lettre du 14 novembre précédent (n° 23 1) il
avait engagé le duc de Bretagne à se montrer plus respectueux envers
l'Église. Le représentant du pouvoir pontifical en France, le légat
Romain, cardinal de Saint-Ange, était entièrement dévoué aux intérêts
delà régente; dans son désir de lui procurer des subsides, il se laissa
aller à des exactions contre le clergé qui lui attirèrent les réprimandes
du souverain pontife. L'affaire mérite qu'on s'y arrête ; Le Nain de
Tillemont l'a résumée (t. I, p. 470) d'après les bulles analysées et
publiées par Rinaldi; ces mêmes documents et deux autres donnés par
M. A. dans leur intégrité (no"^ i3o, i3i, i33, 134 et 182) permettent
d'ajouter quelques détails. Le 3o novembre 1225 s'était tenu à Bourges,
sur la convocation du lé.^at, un concile où celui-ci s'était effoicé d'ob-
tenir du clergé de France l'engagement de payer au roi Louis VIII,
pendant cinq ans, la décime des revenus ecclésiastiques pour subvenir
aux frais de la guerre contre les Albigeois. Les députés des chapitres.
d'histoire et de littérature I 5 I
sans rien promettre, répondirent que la demande leur paraissait rai-
sonnable ; au reste ils en parleraient à ceux qui les avaient délégués,
n'ayant pouvoir de rien consentir. Le clergé, voyant que le roi se don-
nait tout entier à la guerre contre les hérétiques, pensa qu'il ne pouvait
se montrer moins ardent pour la cause de la foi, et, de son plein gré
accorda un subside, et non une décime; il en acquitta une partie, pro-
mettant de payer le reste plus tard si le roi persévérait dans son entre-
prise. Après la mort de Louis VI II, les chapitres des églises, jugeant que
personne ne pouvait prendre l'affaire en main et en assurer le succès, refu-
sèrent de rien donner, d'autant plus que la reine et le légat avaient agi
sans les consulter et que la reine se refusait à prendre de son côté aucun
engagement ni sur la date de l'expédition, ni sur le nombre d'hommes
qu'elle armerait. Le légat eut recours à des mesures de rigueur et fit
saisir par les gens du roi les biens des églises. Les chapitres en appelè-
rent au Saint-Siège le 27 mai 1227. Ils eurent gain de cause. Le pape,
par bulle du 18 juillet 1227, ordonna à son légat de révoquer l'ordon-
nance, datée de Sens, qu'il avait fait publier au sujet du paiement de la
décime et qui avait provoqué le mécontentement du clergé de France;
il lui enjoignit aussi de faire restituer aux églises les biens mis sous la
main royale à cette occasion. Le Nain de Tillemont (t. I, p. 472)
ajoute : « Ces lettres du pape n'estoient pas sans doute arrivées au mois
d'aoust lorsque les évesques de Sens et de Chartres promirent à Paris,
du consentement du légat, de donner au roy et à la reine, durant quatre
ans, si la guerre d'Albigeois duroil autant, mille cinq cent livres parisis
par an ». Il est plus probable au contraire qu'une composition sera
intervenue entre le légat et la régente d'une part, et lesévêques et chapi-
tres d'autre part, après que, sur l'ordre du pape, les églises auront été
réintégrées dans leurs biens. Dans leur requête au Saint-Siège, les cha-
pitres de Reims, de Sens, de Tours et de Rouen faisaient observer que
s'ils protestaient contre les exigences du légat, ce n'était pas tant pour
éviter de payer un subside que pour garantir leur liberté, ne voulant
pas qu'on transformât en une obligation ce qui de leur part avait été un
don gracieux. On comprend donc que, les mesures coercitivcs une fois
révoquées, le clergé ait accordé une aide au roi. Le cardinal Romain
quitta la France; mais il y reparut en juin ou juillet 1228, chargé de
préparer et de diriger la guerre contre les Albigeois. Les bulles relatives
à cette légation et qui conféraient au cardinal des pouvoirs spéciaux et
des privilèges (n°s 232, 237, 239 et 240) sont malheureusement dépour-
vues de dates. Le légat avait pour mission de rétablir la paix et d'assurer
le triomphe de la foi. Pour procurer la paix au royaume, on fit de
grands préparatifs de guerre. Afin de gagner les seigneurs à la cause de
l'Eglise, on leur accordait des faveurs, comme par exemple des dispen-
ses de mariage, pourvu qu'ils armassent un nombre de guerriers suffisant
{n° 234). Le pape recommandait vivement le comte de Montfortau roi,
comme un homme qui, à l'exemple de ses ancêtres, avait fait plus que
i
4
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i
l52 REVUK CRITIQUE
personne pour la paix et pour la foi : « ipsi enim pro negotio pacis et fidei
nec cxpcnsis nec laboribus pepercerunt » (n° 235). Tandis que l'évêque j
de Saint-Jean d'Acre, Jacques de Vitry, appliquerait son éloquence à .1
exciter le zèle des fidèles (n^ 236), les moines de tout Tordre de Citeaux
devaient adresser au ciel des prières spéciales pour le succès de l'entre
prise (no 233). Si la royauté et la papauté étaient d'accord pour combat
ire l'hérésie, il n'en faudrait pas conclure que l'union la plus parfaite
régnât entre la royauté et le clergé. Ces deux puissances se rencontraient
continuellement sur des terrains où elles cherchaient à s'évincer Tune
l'autre. Nous avons vu d'ailleurs que les églises de France, soucieuses
de conserver intact leur temporel, ne paraissaient pas approuver sans
réserve une croisade qui menaçait d'entamer leur liberté avec leurs
revenus. Les questions féodales, l'exercice des droits de justice et spé-
cialement la juridiction amenaient entre le pouvoir royal et les évéques .;
de fréquents conflits. La bulle n° 216 des Registres de Grégoire IX
concerne un procès entre la régente et l'archevêque de Rouen. Ce docu- '■'<
ment mentionne une sentence rendue par la Cour du roi et donne
quelques détails sur la procédure suivie devant cette Cour. Quant au
procès lui-même, il était déjà connu par une chronique de l'église de
Rouen (d'Achery, Spicileg., t. II, p. 819 ; 2*^ édit., t. III, p. 6i3). Les |
dissensions n'étaient pas rares au sein même de l'Eglise. Une véritable |
lutte, où l'on se battait à coup d'excommunications et d'interdits, était «
née ou plutôt s'était ravivée entre l'archevêque de Bourges et celui de
Bordeaux au sujet de la primatie dont le premier réclamait l'exercice sur
la province du second (n°s 96, 97, 98, 35 3). C'est bien plus tard, seule-
ment au xive siècle, que Clément V, qui avait eu peut-être à repousser
lui-même, quand il n'était qu'archevêque de Bordeaux, les prétentions %
de l'archevêque de Bourges, déclara l'église de Bordeaux entièrement •
libre de tout pouvoir primatial. Les registres pontificaux permettent i
de compléter sur bien des points le Gallia Christiana ; en cela, ceux de :j
Grégoire IX ne seront pas moins précieux que ceux d'Innocent IV, ^:
d'Honorius IV, de Nicolas IV, de Benoît XI et de Boniface VllI. Ainsi,
pour prendre un exemple, le Gallia Christiana {x. IV, col. i38), dit
que Robert, évêque de Clermont, fut transféré sur le siège archiépisco-
pal de Lyon en 1227, avant le 18 décembre. La publication de M. A.
nous permet d'être plus précis, car les bulles par lesquelles Grégoire IX
annonce la remise du pallium au nouvel archevêque et invite ses suffra- f
gants à lui obéir, sont datées des 3 et 7 avril (n^^ 20, 21 et 22). Lécha- 5
pitre de Clermont choisit comme évêque son prévôt maître Hugues; .|
mais comme il n'avait pas encore trente ans mais seulement vingt- *
neuf ans, il ne put être consacré ; le pape se contenta de lui confier, par ;
bulle du 3o avril 1227, l'administration de l'église de Clermont (n"' 62 |
à 68). Les auteurs du Gallia (t. II, col. 276) n'ont rien su de tout cela.
De plus ils qualifient Hugues de prieur de Sauxillanges ; et cependant
ils le font figurer dans la liste des prévôts de Clermont en 1227.
d'histoire et de littérature i53
Hugues, qui était de la famille de la Tour, a-t il e'té revêtu de ces deux
dignités à la fois ? Peut-être; car plusieurs personnages de sa famille se
sont succédés comme prieurs de Sauxillanges à la fin du xii" siècle et au
commencement du xiii*' siècle (Gallia Christ.^ t. II, col. SyS). La bulle
n° 5i, du 24 avril 1227 concerne l'élection d'un évêque à Dax. Un
assez grand nombre de bulles sont relatives à des collations de bénéfices
dans les églises de F"rance (n^^ 42, 121 , 126, 1 63, 3 19 et 367). Nous signa-
lerons plusieurs procès en matière ecclésiastique (n°s 89, 161, 402, 403,
409). Parmi les bulles relatives aux ordres religieux nous en avons
remarqué plusieurs qui accordent ou confirment des privilèges à Tordre
de Cluny (n^^ 196, 198) aux abbayes de la Charité-sur-Loire (n" 164),
de Vézelay (n° 177I, de Saint-Pons-de-Tomières (n'^^ 355 et 36o), de
Fécamp (n" 383). La bulle n° 221 se rapporte à l'administration de
Cluny. Au même ordre d'idées, mais aux monastères du diocèse de Toul,
se rattache la bulle n° 122. Dans les bulles inédites relatives à la France,
je n'ai trouvé qu'une dispense pour naissance illégitime : il s'agit d'un
trésorier de l'église de Rennes (n° 243). Quelques bulles sont des levées
d'excommunication en faveur de laïcs v'n°s 38o et 407). Les n^^ 390 et
408 ne pourront manquer d'intéresser ceux qui s'occupent de Phistcire
du droit. Je citerai enfin la bulle n° 359, du i5 octobre 1229, oCi sont
mentionnées les écoles d'Arras qui, paraît-il, ne comptaient pas moins
de deux cents écoliers.
Autant qu'on peut en juger par ce premier fascicule, les Registres de
Grégoire IX ne sont pas destinés à modifier l'opinion reçue sur la
politique de ce pontife. Ils n'en sont pas moins une publication très
importante. Car les nombreux documents inédits qu'ils mettent à la
disposition des historiens renferment beaucoup d'éléments chronologi-
ques nouveaux, des renseignements biographiques de toutes sortes, et
s'ils n'ajoutent que peu de chose à l'histoire générale de l'Église, du
moins permettront-ils de rectifier et de compléter l'histoire particulière
des églises de la chrétienté.
M. Prou.
401. — Itecherclies historiques sui" la ville de Saint-SSaeaire) l'une des
filleules de Bordeaux, par D. A. Virac, ancien conseiller municipal de Saint-Ma-
caire, membre de la commission de publication des Archives municipales de Bor-
deaux et de la commission des monuments et documents historiques de la Gironde.
Ouvrage couronné par l'Académie de Bordeaux et orné d'une eau-forte et d'un
plan par Léo Drouyn, Paris, E. Lechevalier; Bordeaux, Feret, 1890. Grand in-8
de viii-708 p.
Ouvrage très consciencieusement préparé et pour lequel ont été utili-
sés de nombreux documents inédits tirés d'archives publiques ou parti-
culières et surtout d'études de notaires. L'auteur s'en'occupait depuis sa
jeunesse ot l'on peut dire que c'a été le travail de presque toute sa vie.
Le 26 juin 1872, dit M. Léo Drouyn (Notice biographique sur
l54 REVUE CRITIQUE
Désiré-Antoine Virac,en tête du volume, p. 8), la mort le frappa avant
qu'il eût pu faire imprimer son manuscrit, composé « avec tant de soin
et d'amour » ; mais M"'^ Marie Virac, « mue par un sentiment de piété
filiale qu'on ne saurait trop louer », a voulu donner satisfaction au
désir de son père et a chargé un des meilleurs collègues et amis de ce
dernier de surveiller l'impression de la monographie de Saint-Macaire.
Il eût été très regrettable que la fille de l'auteur n'eût mis en lumière
l'œuvre paternelle, car cette œuvre est vraiment des plus estimables.
M. Virac s'occupe d'abord de la topographie de sa ville natale. Il
raconte ensuite 'seconde partie)rhistoire de cette ville : i° dans les temps
antérieurs à la domination anglaise; 2° de 1 153 à 1453 ; 3° de 1454 à
i653 ; 40 de 1654 à 1788 ; 5° de 1789 à 1800 ; 6° de i8or à 1869. La
troisième partie est formée de Notices complémentaires sur le château et
les enceintes murales, les églises, les couvents, l'hospice, le bureau de
bienfaisance, le domaine public, l'Hôtel de ville, Thorloge, le port, le
chemin de fer, les rues, la justice, la municipalité, les privilèges, les
vins, le logement des gens de guerre, les foires et marchés, les notaires,
le cimetiOrc, la biographie (c'est-à-dire une série de notices sur les
principales familles de Saint-Macaire). On voit par cette énumération
combien la monographie est complète ^ Et pourtant, que de choses
encore il resterait à indiquer, comme la liste des personnages qui,
sous les titres de seigneur, connétable, bailli, garde, châtelain, gouver-
neur ou capitaine, ont commandé dans le château de Saint-Macaire
(p. 404-405); la liste des curés de cette paroisse, de 1441 à x866
(p. 426); la liste des prieurs de Saint-Sauveur (ordre des Bénédictins), ,■
de f ( 70 à I 579 (p. 435-436) ; la liste des supérieurs (ordre des Jésuites)
de la résidence de Saint-Sauveur, de 1622 à 1770 (p. 449); la liste
des propriétés qui ont appartenu ou appartiennent encore à la ville
(p. 495-5oo); la liste des droits et impôts (p. 5oi-5o2) ; la liste des jugés
royaux, assesseurs, procureurs du roi, juges de paix (p. 585-587), la
liste des maires et lieutenants de maires, agents municipaux, adjoints de
maires, jurais (p. 6o5-6ii), etc.
M. L. Léo Drouyn, qui a si bien édité le manuscrit de son collègue et
ami 2^ dit (p. 540; : « 11 est fâcheux que M. Virac n'ait pas connu les ,
1. Elle est même trop complète en quelques passages. L'auteur, par exemple, ^
n'apprend rien de nouveau à personne quand il dit (p. 322) que la voie ferrée « relie
la ville de Saint-Macaire avec tout le réseau des chemins de fer français et la met en
communication avec tous les points de la France et de l'Europe ». D'autres détails,
je le crains, paraîtront insignihants, comme le détail donné (p. 3-jb) sur les huit
réverbères établis à Saint-Macaire le 8 novembre i865 (date mémorable pour cette pe-<
tite ville-lumière !). Çà et là sont reproduites in extenso des harangues municipales,
d'une époque récente, dont le besoin ne se faisait pas trop sentir. Je pourrais signaler
encore d'autres superfluités. Mais, m'objecterait-on peut-être si j'insistais trop là-!
dessus, le monographe ne ressemble pas au préteur antique : curât de mintmis.
2. Le sujet était familier au savant archéologue, car il a publié en iH6i un travaiH
spécial sur Saint-Macaire et ses monuments. M. Drouyn a enrichi le volume de|
M. Virac, non seulement de la Notice biographique déjà citée, ainsi que d'une vue
4
d'histoire liT DE LITTÉRATUKE l55
remarquables études de M. F. de Verneilh sur l'origine des bastides
fondées en Gascogne au xiii" siècle. » Je dirai à mon tour qu'il est non
moins fâcheux que M. Virac, pour la deuxième période, au sujet des
guerres anglo-françaises dans Je Sud-Ouest, n'ait pu connaître les « re-
marquables écudes » de M . Siméon Lucesurles Chroniques de Froissart
et que, pour la troisième période, au sujet des guerres de religion, il
n'eût pu connaître les « remarquables études » de M. de Ruble sur
les Commentaires de Biaise de Monluc ^
T. de L.
402. — Bi-îefe und Eiklsei-ungeii von I. von Da?llînger ûber die Vatica-
nischen Décrète, 1869-1887, i vol. in-£2, vii[-i63 pages. Munchen, Beck, 1890.
Le 10 janvier dernier, à 1 âge Je pljs de quatre-vingt-dix ans, s'est
éteint à Munich le chanoine Ignace von DôUinger. Il a été de notre
temps l'un des plus remarquables historiens de TEglise et naguère la
Revue critique rendait hommage à l'un de ses derniers travaux. Lui-
même a joué dans l'histoire de l'Église en ce siècle, un rôle fort impor-
tant. Dès 1869, il protesta avec énergie contre le dogme de l'infaillibi--
lité qu'on invitait le futur concile à proclamer; sous son inspiration fut
rédigé le célèbre livre, signé Janus : Der Papst und das Kon\il ; de
sa plume, sortirent divers articles dans le même sens, publiés par VAll-
gemeine Zeitung. Malgré lui, le nouveau dogme fut promulgué le
i8 juillet 1870. Les catholiques Allemands qui s'étaient d'abord déclarés
de Saint-Macaiie et du plan de cette ville, admirablement gravés, mais encore d'un
très bon index des principaux noms de personnes et de lieux, et de notes qui n'ont
que le tort d'être beaucoup tiop rares.
I. Dans une note (p. 144), M. Yirac dit : « La bataille de Targon fut d'après
La Colonie, livrée le 26 juillet et celle de Vern csic pour Vevgt), en Périgord, eut
lieu, selon M. Guinodie, le 9 octobre. » La seconde date est exacte, mais la pre-
mière ne l'est pas : le combat de Targon est du 17 juillet i562. Il faut signaler,
parmi les bons morceaux du livre, la discussion (p. 149-151) des erreurs commises,
au XVI* siècle, par Claude de Sainctcs {Discours sur les saccagements, etc. Paris,
i563), et renouvelées, en notre siècle, par l'abbé O'Reilly {Histoire complète de Bor-
deaux, t. Il, p. 320), en ce qui regarde la prise de Saint-Macaire par les huguenots
que conduisait Duras {2.^ juin i562). Voici les judicieuses observations du critique :
« Les excès commis par les religionnaires furent loin d'être ce que les deux narra-
teurs nous les ont dépeints ^catholiques enterrés vifs, enfants coupés en deux, ventres
des prêtres ouverts et leurs entrailles dévidées autour d'un bâton, etc.) : un habitant
pendu parce qu'il avait été trouvé priant dans l'église ; un cordelier attaché à une aile
de moulin et probablemeiu étranglé dans cette situation ; un autre religieux auquel on
coupa une oreille, et de nombreux tués ou blessés pendant l'assaut ; puis un pillage
presque général qui ne dut pas s'effectuer sans de graves désordres, c'est assurément
trop, beaucoup irop, mais les atrocités que nous venons de rappeler sont de piircs in-
ventions : Claude de Sainctes a évidemment été trompé; nous en avons la preuve dans
les dépositions individuelles des principaux habitants de la ville, lesquels n'eussent
pas manqué de les signaler au conseiller enquêteur si elles avaient réellement eu lieu.
Ces dépor>iiions recueillies trois mois seulement après la prise de la ville, et émanant
du plus grand nombre des victimes de Duras, nous ont paru mériter beaucoup plus
de confiance que les dires de Ch. de Sainctes et d'O'Reilly. »
I 56 REVUE CRITIQUE
hostiles, se soumirent les uns après les autres. L'archevêque de Munich,
Scherr, qui avait voté non au Vatican, prononça le « Ronia locuta,
causa Jînita. » 11 invita DôUinger à imiter son exemple; mais celui-ci
refusa, par une très digne lettre du 29 janvier 1871 et, sur de nouvelles
instances de son prélat, il publia le fameux manifeste du 28 m.ars. Aus-
sitôt on interdit aux étudiants en théologie de suivre les cours du cha-
noine ; puis, le 17 avril, on lança contre lui-même Texcommunication
majeure. Depuis cette époque, de pressantes démarches ont été faites
auprès de lui, pour qu^il lit sa soumission. Une dame de haute naissance
en 1880, l'évèque de Rottenbourg Hefele, — Fauteur bien connu de
V Histoire des conciles, — en 1886, le nouvel archevêque de Munich,
Steichele, en 1878, 1879 et 1886, le nonce du pape Ruffo Scilla en 1887
le supplièrent de rentrer dans le giron de l'Eglise et de ne pas mourir
dans l'impénitence finale. Mais le digne vieillard résista à toutes ces
instances; il déclara qu'il voulait demeurer fidèle aux opinions de toute
sa vie.
La présente brochure contient la plupart des articles écrits par Dôl-
linger en 1869 et en 1870 contre l'infaillibilité; puis la correspondance
échangée entre son archevêque et lui en 1871 . Toutes ces pièces étaient
déjà connues. On y trouve ensuite les lettres inédites que lui ont adres-
sées depuis 1878 les hauts personnages cités, avec les réponses qu'il y
fit. Au seul Hefele, il ne répliqua point, à cause de l'amitié qui l'avait
jadis uni à lui. Dollinger se proposait de publier ces documents,
pour arrêter certains bruits et bien attester sa foi; mais la mort le
frappa sur ces entrefaites. Un de ses disciples, Keusch, s'est chargé de
ce soin, et il lui en faut savoir gré. Nous regrettons seulement que, dans
une préface subsiantielle, il n'ait pas mis en lumière la conduite de son
maître vénéré depuis 1870.
Ch. Pfister.
t
403. — EJîstorîsche Studîen aus dem Pharmacologischen Institut der Kai-
serlichen Univershaet Dorpat, herausgegeben von Dr. Rudolf Kobert, Frotcssor
der Geschichte der Medicin und der Pharmakologie. I. Halle a. S. Verlag von
Tausch u. Grosse, 1889, in-8, x, 266 pages. Prix : 8 m. — 10 fr.
I
Cette publication est dédiée à la« Faculté d'histoire et de géographie
de l'Université de Dorpat » ; ce serait déjà une raison qui. permettrait
d'en parler dans la Revue critique, si les questions qui y sont abordées
ne touchaient par bien des côtés à celles dont elle s'occupe d'ordinaire. I|
V L'histoire de la médecine , M . R. Kobert le remarque avec raison,
fait partie essentielle de l'histoire générale de la culture »; à ce titre
on a le droit, je dirais presque le devoir, de rendre compte ici des cu-
rieuses études dont le savant professeur de Dorpat vient d'entreprendre
la publication. En dépit du titre des divers sujets qui y sont traités,
elles peuvent intéresser l'humaniste — M. R. K. dirait le philologue
d'histoîrk et dk littératurk i57
— ainsi que l'hisiorien ; ils n'y iiouveront guère moins à apprendre
que le médecin ou le pharmacien.
Le premier fascicule des Historische Studien se compose de trois
mémoires principaux : le premier, sorti de la plume du directeur, est
consacré à 1' a Histoire de l'ergot du seigle » ; il est suivi d'un « court ex-
trait des travaux en langue russe qui en traitent » ; le second mémoire
de M, R. von Grot, mais revu par M. R. K., est un exposé étendu et
habilement fait des « connaissances pharmacologiques renfermées dans
« la collection des écrits hippocratiques »; le troisième, d'une nature
toute différente, passe en revue les « médicaments populaires tirés du
règne végétal et usités dans TEmpire russe ». Il est dû à M. Wassily
Demitsch, mais M. R. K. y a joint des additions précieuses du plus grand
intérêt historique. On le verra plus loin.
I. Quand on parle de l'ergot du seigle, on songe tout de suite au
médicament tiré de ce champignon, et si connu en obstétrique; sans
doute M. R. K. parle de cet emploi du secale cornutum; mais il le
considère surtout comme substance vénéneuse, pouvant produire
dans l'organisme les effets les plus désastreux, et qui, comme tel, a dé-
terminé les épidémies les plus terribles ; M. R. K. nous le montre à
travers les âges exerçant son action délétère, surtout dans les années
pluvieuses et de mauvaise récolte, chez presque tous les peuples de
l'Europe occidentale et méridionale. Les nécroses ou gangrènes épi-
démiques — le « feu saint Antoine », comme les appellent nos anciens
chroniqueurs, — n'avaient point d'autre cause. L'ergot du seigle n'a
pas exercé moins de ravages en Russie; jusqu'en notre siècle, il a été
un des fléaux qui ont frappé le plus cruellement la population.
IL L'étude de M. R, von Grot sur les remèdes de la collection hippo-
ciatique a une haute valeur et témoigne d'une grande compétence ;
après avoir rappelé rapidement quel était l'état de la médecine avant
Hippocraîe, d'où étaient tirés les remèdes usités de son temps, et, cela
n'était pas moins indispensable, comment peuvent se classer les écrits
mis sous le nom du grand médecin grec, M. R.v.G. examine successive-
ment les ingrédiens employés par son école comme purgatifs et vermi-
fuges, vomitifs ou diurétiques, sudorifîques, etc. Rien de plus curieux
que cette énumération; si parfois, et il était difïicile qu'il en fût autre-
ment, la pharmacopée hippocratique fait preuve d'empirisme, de quelle
observation profonde et juste aussi témoignent le plus souvent ses recet-
tes, quel emploi rationnel elle savait faire des remèdes qui étaient à
sa disposition! M. R. v. G. a raison de dire en terminant que la méde-
cine peut, aujourd'hui encore, trouver dans le recueil des écrits mis
sous le nom d'Hippocrate, de nombreuses et précieuses indications thé-
rapeutiques.
III. Le travail de M. W. Demitsch sur la pharmacopée populaire
russe, s'il ne témoigne pas de plus longues recherches, a peut-être encore
un intérêt plus grand que celui de M. v. G.; il nous conduit du moins
i58
REVUE CRITIQUE
dans un domaine plus inconnu. On est étonne, en le lisant, de la
variété et de la richesse de la pharmacopée du peuple russe; plus d'un
des remèdes qu'elle renferme ou son emploi lui a sans doute été
transmis par les Grecs ; mais il n'en est pas moins curieux de voir avec
quelle fidélité ces remèdes ont été conservés jusqu'à nos jours et quel
accord existe entre cette pharmacopée abandonnée à elle-même et la
thérapeutique des écoles. M. W. D. a étudié quatre-vingt-huit remèdes
végétaux. A ce travail déjà si considérable, M. R. K. a joint pour cha-
que plante connue des anciens, l'indication de ce que ceux-ci en avaient
dit ; il y a là une série de remarques de la plus haute valeur ; on y trouve
des renseignements aussi précieux qu'instructifs sur plus d'un point
obscur de Pantiquité classique, par exemple sur le castoreum, sur la
véritable nature de la plante appelée cicuta chez les Latins et xwvsiov par
les Grecs, sur le TroAu^évaTOV de Dioscoride, etc.
M. W. D. s'est attaché à indiquer toutes les propriétés curatives,
vraies ou supposées, des simples dont il parle; il en donne aussi la
composition chimique, quand on la connaît ; elle prouve le plus souvent
le bien fondé de l'emploi que le peuple russe en fait. Rien de moins
connu en Occident que ces remèdes; aussi les articles qui leur sont
consacrés offrent-ils presque tous Tintérêt le plus grand. J'ai remarqué,
entre autres, l'article du muguet (Convallaria maialis L.j, du gené-
vrier ordinaire (Junipenis communis L.), etc. A propos de la scabieuse
à racine tronquée [Scabiosa siiccisa L.) ', M. W. D raconîe la légende
russe de cette plante; elle est aussi jolie que curieuse; bien d'autres
végétaux en ont d'un non moins grand intérêt mythique; on regrette
que M. W. D. n'en ait pas rapporté quelques-unes. Au sujet de Tépi-
lobe à feuilles étroites (Epilobium angustifolium L J, par exemple, il dit
que « cette plante joue un grand rôle dans la mythologie populaire » ;
mais il n'indique pas en quoi consiste ce rôle, et renvoie simplement à,
r «( important » ouvrage d'Afanasjew ^ sur la matière; cet ouvrage estenj
russe et partant inaccessible pour bien des lecteurs ; M.W. D. n'aurait-il';
pas pu en donner quelques extraits, comme il l'a fait pour les études dej
A.Treichel, bien autrement abordables, puisqu'elles sont en allemand^?!
Espérons, comme il semble le promettre, qu'il nous fera prochaine-]
ment connaître ce côté si curieux de l'histoire générale du monde végé-
tal russe.
On voit tout ce qu'ofïre d'attrait la publication de M, R. Kobert; il;
faut souhaiter qu'elle rencontre l'accueil qu'elle mérite et que son savant
directeur puisse nous donner encore plus d'un article comme ceux dont
1. M. W. D. dit que cette plante porte en fiançais les noms d' « herbe de saint!
Joseph » ou de « Langue de bœuf » ; je ne connais pas ces noms ; en tout cas, ce nel
sont pas ceux qui désignent d'ordinaire la Scabiosa siiccisa; on l'appelle le piuai|
souvent « mors-du-Diable. »
2. Pûctische Anschauungen der Slaven iiber die Naluv. Moskau, 1886.
3. Volksthiimlichcs ans der PJlaii^enrvelt [Altpreussische Monatsschrift, xxiv
Band, 7-8 Heft, 1887.)
d'histoike et de littérature i5g
je viens de parler, articles qui se recommandent par des recherches si
consciencieuses et des renseignements d'un intérêt si grand et si géné-
ra).
Ch. J.
404. — R. P. Auguste Jean. Le Aladuré. La nouvelle mission. Lille, De-
brouwer et Desclées. 1889.
Le Maduré est un district de l'Hindoustan, embrassant, à l'angle sud
oriental de la péninsule, les terrasses que dominent à l'ouest les Ghâts,
et qui s'abaissent sur le détroit de Palk, depuis Tembouchure du Vellaur
jusqu'au cap Comorin. C'est là que végète, depuis iSSj, une mission de
la Compagnie de .lésus dont le R. P. A. Jean écrit Thistoire. Cette histoire
se résume jusqu'à nos jours dans la lutte contre « le démon de l'idolâ-
trie ». Lutte facile au regard de celle contre a deux autres puissances de
Tenfer », le schisme ou parti goanais (celui des concurrents catholiques
qui supplantèrent les Jésuites à Maduré après la suppression de l'Ordre
au siècle dernier), et le protestantisme, « l'ennemi né de l'Eglise de
Dieu ». Ce livre, consacré au récit des incessants déboires temporels et
des rares triomphes spirituels de la Mission, n'est qu'une oeuvre de secte
et de polémique, où la science désintéressée ne trouve à glaner que
(juelques renseignements précaires, notamment sur l'instruction publi-
que aux Indes. On ne saurait le comparer aux Annales de la Propaga-
tion de la Foi^ rédigées avec plus de souci de l'information et dans un
esprit plus véritablement religieux. Le résultat des prédications et contre-
prédications évangéliques dans le Maduré ne surprendra pas, après la
lecture de cet ouvrage. La population est de 5,g 12,000 âmes « dont
5, 63 1. 000 païens, 82,000 protestants et 199,000 catholiques. Pas même
un chrétien sur cent! »
Cet « humble volume » dément cette épithète par la grandeur du for-
mat, le luxe de l'impression et les illustrations, parmi lesquelles figure
le portrait du T. R. P. Becks, feu le supérieur général de la Compa-
gnie de Jésus.
B. \.
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Léon Dorez publie des Notes et Documents sur la Bible poly-
glotte de Paris (1 5 pp. in-So; Paris, 1890 ; extrait du Bulletin de la Société de l'his-
toire de Paris et de l'Ile de France, mai-juin 1890), Ce sont des lettres de Vitré, de
Le Jay et de Morin à Peiresc, conserve'es à la Bibliothèque nationale; elles montrent
l'organisation de cette vaste entreprise et les difficultés qu'on pouvait avoir à se pro-
curer les manuscrits nécessaires, même auprès d'un amateur éclairé comme Peiresc.
— La librairie Welter met en distribution le deuxième fascicule complétant le pre-
mier volume de la traduction E. Rabiet de la Grammaire des langues romanes, de
l6o RKVDK CRITIQUK DHISTOIRK KT DK LITTÉRATURE
M. Wilhelm Mever-Lûbke. Un de nos coUaborat'.'urs reviendra prochainement sur
cette importante publication, original et traduction.
— M. Jean Psichari publie un tirage à part de la Nouvelle Revue du
!<"'■ juillet : la Prononciation du grec; Paris, typographie Chamerot, 1890, 24 pp.
in-8. Notre collaborateur dissipe les malentendus qui régnent chez les gens du
monde et chez les Grecs avec une compétence et un talent que lui assure sa triple
qualité de Grec, de linguiste et d'écrivain. C'est une réfutation indirecte d'un article
récent où la fantaisie scientifique de l'auteur a été une fois de plus malheureuse. Nos
lecteurs n'avaient pas besoin de cette réfutation, faite d'avance par le même savant
avec une plus grande abondance de preuves dans la jRevi<e de 1887,1. I, p. 261. Mais
ils pourront recommander aux personnes qu'effraieraient six pages d'érudition ser-
rée la lecture de ce morceau, de digestion plus facile pour les gens du monde. Espé-
rons que le contrepoison opérera, et surtout qu'on ne verra plus se renouveler le
scandale d'une grande revue, considérée naïvement par les étrangers comme le mi-
roir de l'esprit français, accueillant des théories où l'influence de l'article de tête se
fait vraiment trop sentir.
— M. Henri Cordier a fait tirer à part l'intéressante et substantielle notice qu'il
avait publiée dans le « Journal asiatique » sur le Colonel Sir Henry Ytile dont « la
mémoire est si chère à tous ceux qui s'occupent de la géographie historique de l'Asie
dans les temps anciens et à l'époque du moyen âge. » Comme le dit fort bien
M. Cordier, Henry Yule appartenait à cette grande famille de géographes qui comp-
tent en France depuis le xviu'^ siècle de glorieux représentants (d'Anville, Eyriès,
Walckenaer, Barbie du Bocage, Jomard, d'Avezac).
ALSACE. — On annonce la mort de l'helléniste alsacien Emile Heitz, professeur
de philosophie à l'Université de Sirasbourg, né dans cette ville le i3 novembre 1825,
décédé le i3 juillet, après uni longue et douloureuse maladie. En i865, il publia
Die Verlorenoi Schriften des Aristoteles ; dans la collection grecque-latine de Fir-
mdn Didot, il est l'auteur des Fragmenta Aristotelis, et, en 1874, il a terminé la
publication de ÏInJex nominum qui forme le tome V des oeuvres de ce philosophe. 11
préparait depuis six ou huit ans une édition du traité deDamascius sur les premiers
principes dont la partie inédite a été publiée l'an dernier par notre collaborateur
M. Em. Ruelle.
■ ALLEMAGNE. — Voici terminée l'importante publication dont nous avons sou-
vent entretenu nos lecteurs, au fur et à mesure que paraissaient les fascicules : VEn-
cyclopcedie der ncucren Geschichie (Gotha, Perthes'. Les deux dernières livraisons,
la éfb'^ et la 46% ont paru. On y remarque, entre autres articles, Wied, les Wilhelm,
les Wimpfen, les Wrangel, Wilrttemberg, \Viïr:^bwg, etc. Peu de remaïques à
faire : Willaume:{ devait figurer à « Bouet-Willaumez » ; Félix Winipfen était colo-
nel, non en 1782, mais dès 177(3 (où il fut nommé colonel en second du régiment de
la Marckj ; P^rançois Wimpfen entra le i5 mars 17G1, et non en 1760, au service du
Wurtemberg; le livre de M. A. Lefèvre-Pontalis (et non Lefèbvre) a paru en fran-j
çais, et il ne fallait pas en citer seulement la traduction anglaise; l'article Wohl-
fahrtsausschuss ou « Comité de salut public » est insuffisant, et il ne fallait pas dire!
que dans le premier Comité les Girondins « n'avaient que neuf partisans ». Mais»]
quelques critiques que l'œuvre mérite dans les détails, elle ne peut qu'être louée e(
recommandée dans Yeni<imh\(i,ç.\.V Encyclopédie de l'histoire moderne est un réper-
toire utile et commode.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.]
Le t'uy, iiiiprimerip de Mnrciiessou fils, boulevard Saint- Laurent, ■^3.
i
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE L 1 T T É R A î U R E
N» 40 - 6 octobre — 1890
Sommaires /|o5-4o5. De Harlez et Philastre, Le Yi King. — 407. L'Invention
de la Sainte Croix, p. p. Holder. — 408. Knust, La légende de Sainte Cathe-
rine. — 409. La chronologie d'Ennodius. — 410. Félix, Comptes-rendus des
échevins de Rouen. — 411-413. Tommasini, Le Journal d'Infessura; Les Génois
de Rome; Le registre des magistrats municipaux de Rome. — 414- Hartmann,
L'administration byzantine en Italie. — 415. Geiger, Quelques cas de labialisation
en français. — 416. Wahlund, La philologie française au temps jadis. — Chro-
nique. — Académie des Inscriptions.
405. — l.o Yili King, texte primitif rétabli, traduit et commenté par Ch. de
Harlez. Bruxelles, 1889, in-4, i53 pages.
406. — Le Yî IiLing ou le Livi-e des dian^ements de la I>2-na»tle det»
Xslicou, traduit pour la première fois du chinois en français, par P. L. E.
Philastre. Première partie, in-4, i885, 489 pages. Tome VIII des Annales du
Musée Guimet.
Le Yib-King (ou I. King) est peut-être le plus ancien monument de
la littérature chinoise, ou, du nioins,il remonte aux origines mêmes de
cette littérature; et cependant ce n'est pas un livre, à proprement par-
ler, primitif. Il se compose essentielletnent de soixante-quatre koiia
(figures ou hexagrammes) , consistant chacun en six traits horizontaux
superposés, continus ou discontinus. Ces soixante-quatre hexagram-
mes, communément appelés koua de Wen-Wang [an nom du prince
auquel on les attribue), ne sont que la combinaison de huit signes
primitifs ou trigrammes^ formés de trois traits semblables et appelés
koua de Fo lii, parce que l'empereur Fo hi en est réputé l'inventeur.
Le nom de Livre des changements donné à Fouvrage qui les explique
vient probablement des « changements » apportés par Wen-Wang à l'œu-
vre de Fo hi.
Chacun de ces soixante-quatre koua est accompagné d'un caractère
chinois ordinaire qui le désigne, est comme son nom et sa définition,
— d'un texte général qui en indique la portée, et d'un second texte
divisé en six parties dont chacune est ou est censée être l'explication de
chacune des six lignes de Thexagramme. Sept commentaires incorporés
dans le livre servent à expliquer les mystères des koua. Une foule
d'autres commentaires, dont le nombre s'élève à quatorze cent vingt,
ont la prétention d'en révéler les profonds secrets.
Le Yi-King est, pour les Chinois, le résumé de toute la science. Ce
caractère est sensiblement indiqué, dès le début, par les deux premiers
koua^i dont le premier, composé de six traits continus, représente le Ciel,
et le deuxième, composé de six traits discontinus, représente la Terre,
Nouvelle série, XXX. 40
i6:
REVUIÎ CRITIQUE
LcCiclet laTcrre, c'est le monde, la nature physique et morale tout en-
tière, la raison d'être et l'existence de toutes choses. Certains commen-
taires ctablissent un lien entre les soixante-quatre hexagrammes^ les
rattachent les uns aux autres et en font un système continu d'enseigne-
ment. Mais l'enseignement moral et scientifique émané des soixante-
quatre koiia n'a pas suffi aux Chinois ; ils ont voulu chercher dans ces
signes mystérieux des indications sur le succès et l'insuccès des entre-
prises, de bons ou de mauvais présages : en un mot, ils en ont fait un
livre de divination. C'est surtout dans trois des sept commentaires
principaux que ces tendances prédominent; c'est pourquoi M. de Mar-
iez les écarte ordinairement et ne les invoque que par occasion.
En effet, il repousse toute la partie divinatoire qu'il considère
comme une altération, et, par le travail dont son livre nous donne le
résultat, il s'est proposé de ramener le Yi-King à sa pureté primitive,
de nous donner le vrai Yi-King, c'est-à-dire « Touvrage qu'avait en
mains celui qui en a fait un livre de divination ».
Après un long exposé (p. i-38) de l'histoire et de ce que j'appellerai
la théorie de Yi-King, en un mot de la façon dont il conçoit la restitu-
tion de ce livre, M. de H. donne successivement les soixante-quatre
Uùua de la façon suivante : i° l'hexagramme avec son nom chinois et
Texplication sommaire ; 2° le texte général; 3° le texte détaillé partagé
en six parties avec des extraits de commentaires; 4° la valeur symbo-
lique du caractère; 5° une ou plusieurs notes, selon le besoin (p. Bg-
I 28). — L'ouvrage se termine par deux extraits étendus de commentai-
res que l'auteur n'a pas voulu découper, et deux appendices, consistant
l'un en extrait des commentaires philologiques, l'autre en extrait des
commentaires divinatoires que M. de H. repousse, mais dont il a
voulu donner une idée à ses lecteurs.
L'interprétation de M. de H. nous paraît en général très satisfaisante.
Surtout elle est intelligible ; mais est-ce bien là une marque sûre et
infaillible de justesse? Ce n'est pas qu'il ne reste, lui-même le déclare,
« quelques passages obscurs ou d'interprétation difficile », et vraiment,
si tout était d'une clarté parfaite, on serait peut-être autorisé à suspecter
la fidélité du traducteur. — Mais M. de H. a fait un choix dans la
masse de documents qu'il exploitait. Si judicieux que ce choix ait été,
on est toujours en droit de supposer que certaines parties ont pu être
écartées qui auraient dû être admises, d'autres conservées qui auraient
pu être omises. A supposer d'ailleurs que la restitution duYi-King soit
parfaite et que M. de H. nous le présente tel qu'il a dû être ou même
qu'il a été, nous avons toujours besoin de l'avoir tel qu'il est. C'est
M. Philastre qui s'est chargé de nous le donner dans son état présent.
Nous n'avons encore qu'une partie de son travail; la seconde partie
est annoncée sur la couverture du dix-septième volume des Annales du
musée Guimet comme devant former le vingt-quatrième volume. Cela
peut nous servir d'excuse pour le retard que nous mettons à parler en
1890 d'un livre publié en i885.
d'histoire et de littérature i63
On ne fera pas à M. Philastre le reproche d'être trop clair. L'obscu-
rité de la traduction tient surtout au texte lui-même; mais peut-être le
traducteur aurait-il pu essayer de se faire mieux comprendre. 11 emploie
trop de termes chinois et n'interprète pas suffisamment ceux qu'il
traduit. Son travail sera fort utile à ceux qui voudront étudier le texte
chinois; les autres lecteurs devront s'armer de patience et de courage.
La série des numéros de ses paragraphes ne se comprend pas bien; on
aurait attendu une série nouvelle pour chacun des soixante-quatre
koua. La suite de la publication fera peut être comprendre la raison
du système adopté. Ces critiques ne nons empêchent pas de remercier
M. Philastre du travail considérable qu'il s'est imposé pour nous
donner le Yi-King et de regretter que les parties de sa publication se
succèdent à de si grands intervalles.
Remarquons, en finissant, que ces deuxtraductions sont les premières
qui paraissent en français; et elles n'ont été devancées que par la
traduction anglaise de l'éminent sinologue Legge. Les missionnaires
des deux derniers siècles avaient beaucoup travaillé le Yi-King et laissé
sur ce livre curieux et mystérieux un grand nombre de notes et d'essais
de traduction. Jules Mohl, en 1834, avait essayé de résumer leurs
travaux dans une traduction latine publiée à Stuttgart. C'est seulement
dans ces dernières années qu'on a abordé directement l'étude et
l'interprétation de ce livre fameux.
L. Feer.
407. — inveniîo sanctae Crucîs, actorum Cyriaci pars I latine et graece ;
ymnus antiqus de sancta cruce ; testimonia inventae sanctae crucis. Gonlegit et
digessit Alfred Holder. Lipsiœ, Teubner, 1889. In-12, xi-56 pp.
408. — Hermann Knust, Geseliîclite «1er Legenden dei* li. Katliai*Ina von
Alexandrien und der h. Maria Aegyptiaca nebst unedierten Texten. Halle sur la
Saale, Max Niemeyer, 1890, 346 pp. in-8. Prix : 8 M.
Il existe trois versions de l'Invention de la sainte Croix. La première
nous a été conservée par les écrivains ecclésiastiques grecs et latins; elle
fait honneur de cette découverte à l'impératrice Hélène. Une autre attri-
bue à Hélène un rôle encore fort important : la princesse fait une enquête
sur les lieux et, guidée par un juif nommé Judas et par un prodige, elle
découvre les trois croix; celle de Jésus est déterminéepar un miracle; elle
retrouve ensuite les deux clous de la crucifixion, et Judas, baptisé par
l'évéque de Rome, Eusèbe, sous le nom de Cyriaque, devient évêque
de Jérusalem. Cette version est connue en syriaque (Br. Mus. add.
14644 et 12 174), en arménien (B. N., anc. f., 44), en grec (cf. Gretser,
opéra omnia, de sancta Cruce, II, 417 C-429 A), en latin. Les mss
syriaques ont été récemment publiés et traduits par M. Nestlé • ; le texte
I. De sancta Cruce, in-8", 188g. Cf. Rev. cr., 1890, 1, 61 . Je cite ces textes dans la
traduction allemande de M. Nestlé; les chiflics renvoient aux numéros des lignes du
nis. latin de Paris, publié par M. Hokicr.
I 64 REVUE CRITIQUE
latin est l''objci de la brochure Je M . Hokier, qui donne à la suite un
des récits grecs édités par Gretser, une hymne latine du v^ siècle, en rela-
tion avec la même légende, et les témoignages des historiens auxquels je
faisais allusion plus haut La troisième légende n'existe que sous sa forme
syriaque; elle a été de bonne heure introduite dans le recueil intitulé la
Doctrine d'Addaï et se trouve isolément dans trois mss. : Br. Mus. add.
14654, 12 174; B. N. syr. 234. Les deux derniers ont été publiés par
M. Nestlé. L'invention est attribuée à Protonice, femme du vice-empe-
reur Claude, sous Tépiscopat de Jacques ; la reconnaissance a lieu par la
résurrection de la hlle de Pimpératrice '.
Le texte latin que publie M. H. est une traduction du grec. 11
existe dans cinq mss. : Par. lat. 2769 (vue siècle), S. Gall 225 (viii^ siè -
cle),WolfenbuttelXLVIIl (ix'^-x* siècle), Garlsruhe Aug. XCI (x^-xi-^ siè-
cle), Leyde, Voss. lat. S». 86 (x^ siècle). M. H. a reproduit page par
page, ligne par ligne^ lettre par lettre le ms. de Paris et a donné à la
suite les variantes des autres mss. par rapport à ce texte. Cette disposi-
tion est très incommode ; les variantes auraient dû être placées au bas
des pages. Je ferai observer déplus que la façon de procéder de M. H. lui
a épargné la peine de faire une récension critique; il a laissé au lecteur ce
travail à faire. La publication juxtaposée des mss. ne s'explique que dans
le cas d'un texte très remanié, pour lequel chaque ms. représente une tra-
dition isolée. Ici au contraire, tous les mss. remontent au même arché-
type et sont des copies ie la même traduction. C'est ce que prouvent
des fautes communes : ij6, frater tinis Steplmnus, tous les mss.; le
grec donne la traduction littérale Ziéçavoç h àBsXooç xou ~y-phq zou -kôlt^t^ou
[Acu (p. 33, 1. 4 Holder) du syriaque conservé dans le ms. Br. Mus. add.
14644 : « der Bruder des Vaters meines Vaters » (Nestlé, p. 58). Un
curieux contre sens se trouve dans tous les mss. latins. Le grec racon-
tait que l'évêque Macaire (May.ap'.oç) de Jérusalem vint à mourir; le nom
du personnage est devenu un adjectif, etMay.ip'.oç iziay.o'Koq^beatiis épis-
copus (3i i). A la fin, Hélène ordonne de célébrer la fête de l'Invention
a à tous les hommes et à toutes les femmes qui aiment le Christ » ; la
traduction représentée par tous nos mss. latins a passé àv0pw7:oiç : om-
nibus qui Xpm diligunt ac mulieribus (384) ^.
i. L'expression employée parle ms. 12174 pour désigner la religion juive : timo-
rés eorum, a frappé M. Nestlé (p, 40). Il est curieux de la rapprocher du mot metuerc,
employé en latin, ordinairement au participe présent, pour indiquer les prosélytes
du judaïsme. Cf. l'intéressante dissertation de Bernays à propos de Juv. XIV, g6,
dans ses Abhandlungen, t. II, pp. 73-78.
2. Voici encore quelques faits du même g:nre. 94. Non eniin intellegitis in scnno-
nibus prophetarum quemadmodum de aduentum Xpi pvopheti:{auerunt pro hoc ergo
uos hodiae interrogo quia puer uobis nascetur... Il est évident que pro-intenogo est
une phrase égarée placée par erreur dans le discours d'Hélène; tous les mss. latins
la donnent à cet endroit; il n'en est pas question dans le syriaque et dans ie grec
20 r, ludas dixit : quemadmodum habetur in gestis qui sunt anni ducenti plus mi-
nus ; il semble que ce texte n'offre pas de difiicullé et qu'on puisse ne pas tenir
compte de la leçon de Kois des mss. récents: dixit ludas à la place de qui. C est
d'histoire et de littérature i65
Si M. H. nous avait donné un texte critique, il aurait été oblige
de corriger le Parisinus par les autres mss. Il y a des cas, en eiîet,
où on y est absolument forcé : 245, ad draconum fetoribus, lire rt
draconum f. ; 19, Tinscription de la croix qui apparut à Constantin est
In hoc signo iiince, non in hoc signo qui n'offre aucun sens; jy, inmun-
dis spiritibus iniiiriati estis doit être corrigé d'après les autres mss. en
inmtindis spntibus i. e., qui fournit un fait intéressant de grammaire;
210, une ligne passée par le copiste du ms. de Paris met dans la bouche
de Judas les paroles d'Hélène; cette ligne nous est conservée par les au-
tres mss; 3o8, depraecantibus ignis ostensus est fidelis n'a pas de sens;
les autres mss. donnent : de praecedentibus signis ostensus est fidelis
(Judas); cf. syriaque : « Und wurde beglaubigt durch Zeichen die
Christus durch seine Hand that. » Cet exemple montre de quelle utilité
serait le texte syriaque pour choisir parmi les leçons des mss.; il offri-
rait une garantie de plus à ceux qui s'imaginent à tort que l'établisse-
ment critique d'un texte est un travail arbitraire.
L'édition idéale devrait donc présenter sur trois colonnes le syriaque
traduit très littéralement en latin, le grec et le latin. Chacune de ces
versions donnerait du jour à l'autre. Nous venons de voir le syriaque
servir de contrôle pour rétablissement du texte latin ; il est des cas où
le latin aide à préciser le sens du syriaque. Ainsi 21 5, quia nec eratn
tune ; M. Nestlé hésite entre hier ou damais {p. 5q) ; 258. qida ipse est,
M. Nestlé: « Der [oAqt dass er] »(p. 60). Le texte syriaque a choisir serait
celui du Br. Mus. add. 14644. Il n'a pas le début : récit de la vision, de
la victoire et du baptême de Constantin, et commence à la 1. 54 de Hol-
der. A partir de cet endroit, il correspond mot pour mot à la version latine,
sauf des variantes de rédaction très rares (seulement depuis 260) et qua-
tre additions : 70, le syriaque du ms. 14644 (comme celui du ms. 12174)
ajoute ce détail qu'à cette époque Jérusalem était dévastée et déserte;
i5o, il développe l'idée que les anciens et les scribes savaient que Jésus
était le Messie; 175, le père de Judas termine son discours en recom-
mandant à son fils de révéler le lieu où est la croix si on le lui demande,
sinon de confier ce qu'il sait à ses enfants; 290 et suiv., le démon pro-
nonce contre Jésus et Judas une malédiction ('w^e^ affaiblie dans le latin.
Il faut ajouter que le passage relatif aux mauvais anges ne se trouve dans
aucun ms. syriaque (243-247) non plus que la formule de conjuration
pourtant le ticbris d'une tirade passée dans le texte grec ou l'archétype latin; le s)'-
riaque : « ludas sprach : Nach dem was geschrieben ist in den Denkwûrdigkeiten.
Sie sprach: Zeige mir. ludas sprach : Viele lahre sind... » 209, quidam (quidem mss.
rell.) et paulo aiUe a te ipso qiiae (quia mss. rell.) gesta swit confessus est (es mss.
rellj; syriaque ms. 14644 : « Wie oft tritFt es sich dass auch Idioten um grosse
Begebenhciten wissen, du aber hast vor kurzem erkennen lassen, dass es Denkwûr-
digkeiten gibt ». On voit (\\XQ quidam du ms. de Paris, inintelligible et corrigé dans
les autres mss. eu quidem, est l'amorce d'une proposition passée dans l'archétyi^e et
que quia et es des mss. récents sont la bonne leçon. Tous ces faits prouvent que B.
N. 2769 n'est pas l'original; on peut citer aussi les fautes fcrcbatur (2-j-j), et (3o'3),
l(:gein (189), cicinis (70), qui indiquent un modèle latin écrit en onciale.
l66 REVUK CRITIQUE
(2 25-2 3o). Ce travail de juxtaposition et de comparaison ne pouvait être
iait par M. H., puisque les textes orientaux n'étaient pas encore traduits
intégralement; c'est peut-être ce qui Ta détourné de publier une édition
latine dont il a seulement recueilli les matériaux '.
Pour la même raison, M. H. n'était pas en mesure d'entreprendre
une classification des formes successives de la légende. Avant lui
et à la suite de M. Lipsius, M. Tixeront Pavait tenté. Mais s'il
avait obtenu des résultats importants, il restait encore bien des
points à préciser. D'après lui, sous leur forme actuelle, la légende
I. (jne tâche plus facile et qui aurait augmenté la valeur de son édition, même
dans la forme imparfaite où elle se présente, était un index des particularités gram-
maticales. Voici un aperçu des faits très intéressants fournis par le texte du ms.
■2769. Phonétique. Confusions habituelles de ae pour e (AElena constant), e et /, 0
et II, b et H, b pour ^ devant /; aspiration, psilose; Srahel io5 (après siii), Strahel
119 (apiès /?///;, rex Srael 257; mandacium, 80. Déclinaisons. Confusion des cas,
quarante et une fois au moins; sputibus 76, passas 270, pectiim 336, s;;irit! saiicti
54; lerusalcm: ace. : Iherusalem 67, Jlierosolyma 3i2; abl. : Iherusolyma Ô9, Hie-
losolimis 374 (cp. Hierosolimae ecclcsiae 3 16); nom. : ludas (passim), gén. Iitda
i3o), ac. luiam (193, etc.); scmet dat. (357). Conjugaisons. Faci (= feci) 293, rne-
tisti {2C pers. parf.) 23i, sedis ùnd. prés.) 232. Syntaxe. Accord : coUectam mul-
titudinem lapidaueriint eiim 159; gens vutlta barbarorum congregata est-., parati ad
bclliim j\\ piitantcs )nortificarc imnortalem quem déponentes de ligno sepultus est,
i32. Genre : animalia quae liabentes, 237. Accusatif- semet ipsos quaestionem fcicien-
tes 87, catach'r/T'it eitm mviptn ^dew 4c. Génitif : quaestionem ligni(\vegen desHoi
:{es) i3i, i'37; odor suauitalis 236, 261; fvaudasti tuae gratiae 265; aducntuum
{adnenlum) sanitaiis {^= adiientum salubvem) 61. Datif: dominaueris omnibus 242.
Ablatif : sputo (= a s.) ilUtmi,iauit 76, mortuis restirrectionem 63. Auxiliaires : erat
persequens 166:, cœpi 23, 117, 167, 270, 32i;/i3c/o 21, 42, 2i3, 216, 255, 281. In
dicatif dans l'interr. indirecte 5o, 19g. Participe présent en tête de la phrase équi-
valant à une proposition circonstancielle, quarante-cinq fois environ. Prépositions :
ab eitm maledixistis 76, a draconum fetoribus cruciant\ui] 245; contra, 5, 358;
cum^^ abl. instr. iii, 3o2 ; de-=:ex 70, 73,345; signum ex lumine constilutiim 17;
in temporel, 57 ; damnare in i38 et 3oo; in obitia 8 ; supra 282, 284; super, au bord,
5, 10. Lexique. Adhuc = etiam 127, 32g, 339; arma inexpugnabilis 368; deman-
dare, ordonner, 383 ; sacramenlum, Geheimniss, 365 ; timor multa 86; aduentio, dé-
couverte, I ; beatijicare, proclamer bienheureux, 338; beatus désigne les croyants :
Hélène, Constantin après sa conversion (471; contesiari, affirmer solennellement, 175 ;
coruscatio, éclair, ?>i\b\credere in -|- abl. 167 et 339, in -\- ace. 171 et 173, dat. 257;
cultor : Dei cultoreni, 2; desidcrium, l'objet du désir, 214; la distinction entre Z)e«s,
Dieu en général, le Père, et Dominus = le Christ, est généralement observée, sauf
Deus 388 et Dominus 11b et 254; dilectus, ami, 74; dormitio : dormilionem
acciperet in 5^'iriu< 3i3; ecclesia, temple, 46, 53, 3o5 ; et pléonastique 7, 33,
125, 244; emendare : luccm tenebras aemendastis 80 (gehalten hzhi); factura, 242;
Jîxorium, 32G ; fossorium, 26^; fundus (abyssi), 244; incredibilis, qui ne croit pas,
243; lacus siccus 218, 221, 223; locuîus, 304; maledictum, malédiction, 75, 82 ; ^na-
neo, 219; multitudo : fumi, 260; minare, mener, 376; mitlere, jeter, 1S6, 218; mor-
tificare, mettre à mort, i52 ; mundare, déblayer, 2i3 ; nec — non, 21 5 ; pictas, pitié,
miséricorde (Erbarmen), 164, 169; non passe, être inipu'issanl, 2^4 ; postmodum, àïi\
su\ie {'tn [o]gc},5cj; pronuntiare,nii)itiare, raconter. i35et i36 ; prospicere, regarder
en haut, i5; rex, appliqué à Constantin, cinq fois (d'après le grec ; cp. imperator,
55); Romania, l'empire romain, 5 et 9; saliuares, 367; uolatile, substantivement,,
233 ; iste manque, les seuls pronoms démonstratifs employés sont liic, is ei illc
d'histoire kt dk littérature 167
de Protonice remonterait au dernier tiers du iv^ siècle ou aux premières
années du v^ siècle, celle de Judas-Cyriaque à la première moitié du
v« siècle. Toutes deux seraient, d'origine mésopotamienne; celle de Pro-
tonice serait un décalque des récits grecs sur Hélène 1. Ces conclusions
me paraissent bien fondées. Ce qui est plus contestable, c'est Tindépen-
dance de Thistoire de Protonice et de celle de Judas-Cyriaque ~ M. Lip-
sius avait donné en preuve de la thèse contraire le lien établi entre les
deux légendes par le ms. Br. Mus. add. 12174; M. Tixeront pense : à
bon droit, que ce lien peut être factice, mais la raison qu'il en donne, la
date tardive (1196) de ce ms., est détruite par ce fait que le ms. 14644
du même fonds, probablement du vi'' siècle, suppose le lien entre les
deux légendes 3. En réalité, il n^y a rien à tirer de cet artifice de ré-
daction. On pourrait plutôt alléguer en faveur de l'opinion de M. Lip-
sius les considérations que fait valoir M. Tixeront pour établir la dé-
pendance de la légende de Protonice et des récits grecs '*. Mais la ques-
tion est plus compliquée.
La légende de Judas-Cyriaque est le résultat de la réunion de deux
narrations : Tinvention de la Croix par Hélène sous l'épiscopat de Ma-
cairo et l'histoire d'un juif nommé Judas qui se convertit au christia-
nisme, devient évêque de Jérusalem sous le nom de Cyriaque, et est mar-
tyrisé par ordre d'un empereur païen ■'. La fusion est obtenue par le rôle
que l'on fait jouer à ce personnage dans la découverte delà Croix. Mais
ce rôle, on peut le supprimer. On obtient ainsi un récit assez court et
irès simple. Hélène vient à Jérusalem pour y chercher la Croix; les Juifs
lui indiquent leGolgotha. Le lieu précis de l'enfouissement est inconnu.
Des phénomènes merveilleux et un tremblement de terre le révèlent.
On creuse et Ton trouve les trois croix. Celle du Christ est désignée par
une résurrection. Sur les lieux, Hélène fait construire une (ou des) basi-
liques. La suppression du rôle de Judas se fait d'autant plus facilement
qu'il ne sert à rien. On n'a pas encore remarqué que Judas fait double
1. Les Origines de l'église d'Édesse et la légende eV Abgar . Paris, 1888, in-8°(cp.
Rev- Cf., 1889, I, 241), pp. 178, 180, 182-184, 186-190. Pour plus de brièveté je
renvoie à cet ouvrage où l'on trouvera toute la bibliographie antérieure.
2. Ib., p. 182.
3. Ce ms. ne donne pas la légende de Protonice; mais l'original d'où il dérive de-
vait la contenir, car le récit commence par les mots : « Geschichte, wie das Holz des
Kreuzes ^iim pvciien Mal aufgefunden wurde... », et finit ainsi : « Zu Ende sind die
Denkwûrdigkeiten darûber, wie das Holz des Kreuzes :{iwi ^weiien Mal aufgefunden
wurde ». Ces paroles supposent bien le récit d'une première invention.
4- Ib., p. i85.
5. Je laisse de côté la vision de la croix : In hoc signo uinces et l'invention des
clous. Ce sont deux petits récils, assez indépendants de la narration centrale, et qui
ne se présentent pas dans toutes les sources. Je remarquerai seulement que dans le
premier, il n'est pas question de la deuxième vision que, d'après Eusèbe, Constantin
aurait eu en plein jour; cette deuxième vision, dont ne parle pas Lactance qui éciit
moins d'un an après l'événement, est un ornement ajouté par Eusèbe. En revanche, le
rapport établi par nos récits entre cette vision et le baptême, est imaginaire.
i68
REVUE CRITIQUE
emploi avec les éclairs et le uomblement de terre, obtenus stir sa prière.
Cette prière aurait d'ailleurs été mieux placée dans la bouche d'Hélène.
D'où vient donc ce personnage? Il a existé un évéque de Jérusalem, le
quinzième de la liste, appelé Cyriaque et martyrisé sous Hadrien ^ ; d'un
autre côté la référence locale, omise par le latin, qu'à cette époque Jé-
rusalem était déserte et dévastée, dirige les recherches vers cette date.
Judas-Cyriaque a été emprunté à un récit, une passion peut-être, que
l'on connaissait encore au iV siècle à Jérusalem. Ce texte a reçu en
Mésopotamie des modifications et des broderies qui l'ont fait entrer dans
le cycle des histoires relatives à Hélène et à Constantin. On peut se faire
une idée des procédés des légendaires syriaques par l'insertion de la lé-
gende de Protonice dans la Doctrine d'Addaï -.
Quant à l'histoire d'Hélène, elle se retrouve dans les écrivains grecs
et latins avec plus ou moins de détails. Il est curieux de voir quels
accroissements successifs elle reçoit avec les années. Entre 38 1 et 38y ^,
le récit de la pèlerine gauloise mentionne l'invention avec les basiliques
et ailleurs établit un lien entre les basiliques et Hélène. Un peu avant 398,
saint Jean Chrysostôme, en 395, saint Ambroise nous donnent le nom
d'Hélène et la reconnaissance de la vraie Croix au moyen du tituliis ;
ces trois écrivains forment comme un piemier groupe. Un deuxième
est constitué par Rufin (vers 400) et Socrate (439/443) ; ils ajoutent aux
précédents la mention de Macaire et substituent au titulus la guérison
(la résurrection dans Socrate) d'une femme comme moyen de recon-
naissance, Paulin de Noie,' vers 403, et Sulpice Sévère qui le copie, est
plus circonstancié que les écrivains orientaux : il parle le premier de
l'assemblée des Juifs tenue par ordre d'Hélène et introduit dans la scène
de la résurrection un homme au lieu d'une femme. Ces quatre auteurs
mettent leur récit eiî relation avec la dédicace des basiliques. La légende
d'Hélène est donc constituée au commencement du v" siècle, telle que nous
l'avons isolée des actes de Judas-Cyriaque. Avec Sozomène (443/444) +,
cette légende apparaît dans l'Orient grec pour la première fois amalgamée
1. C'est tout ce qu'on en sait par Eusèbe, H. E., IV, 5.
2. Tixeront, p. 178. Le texte a dû recevoir des interpolations de plus d'un genre.
Il y a dans la prière de Judas toute une angélologie qui paraît suspecte ; on obtient, en
la supprimant, une suite meilleure. — Le choix même du personnage de Cyriaque
n'est peut-être pas sans quelque motif spécial. Les historiens racontent que sur les
lieux saints les païens avaient construit un édifice consacré à Vénus. On devait ratta-
cher ce monument au souvenir delà profanation de Jérusalem et du temple par Ha-
drien. Dès lors le personnage qui avait vu le dernier l'ancien état des choses était le
meilleur guide qu'on pouvait prendre. On voit quelles confusions historiques et quels
anachronismes comporte cette hypothèse : c'est ce qui pourrait la rendre vraisembla-
ble, étantdonné les habitudes d'esprit des légendaires. On ne peut cependant la for-
muler qu'avec une très grande réserve, comme un exemple de ce qui a pu se passer.
Le raisonnement n'a pas de prise sur l'imagination et la fantaisie.
3. Cf. Gamunini. pp. xxvn-xxix.
4. C'est la date établie par M. Guldenpenning, Die Kirchcngeschichte des Theo-
doret, pp. 12-13 ; il ne pourrait y avoir qu'un écart de trois ou quatre ans, sans
importance pour notre sujet. Sur le récit de 'riiéodurel.. que M. Guldenpenning
d'histoire et de littérature 169
à celle de Cyriaque. Il mentionne en effet le rôle joué par un juif venu
d'Orient ; dans le récit de l'invention des clous, il reproduit une prophétie
de Zacharie citée dans la légende Hélène-Cyriaque ; enfin les expressions
plus précises dont il se sert pour désigner les basiliques semblent indi-
quer une source locale La légende d'Hélène partie de Jérusalem y était
donc revenue, accrue et embellie par l'ingéniosité et l'imagination des
Edesséniens. Il n'est pas inutile de noter qu'à trois reprises, Sozomène
se réfère plus ou moins explicitement à une tradition orale 1. Après le
milieu du v° siècle, l'histoire des légendes n'est plus que celle de leur
voyage d'Orient en Occident et de la créance qu'on leur donne.
Il résulte de cet exposé que l'histoire d'Hélène se forme dans l'Orient
grec pendant les vingt dernières années du iv'' siècle : en 379, saint Gré»-
goire de Nysse (0pp. 1 638, t. H, p. 198 D) ne la connaît pas encore.
Vers 4.00 elle sort des milieux locaux et populaires où elle s'élabore
pour se répandre promptement en Orient et en Occident, et elle est
apportée en Mésopotamie où elle donne naissance à la légende de Pro-
tonice. Dans le même pays, quelques années plus tard, elle est apportée
de nouveau de Jérusalem avec l'histoire d'un évêque de cette ville
nommé Cyriaque. De là naît le type Hélène-Cyriaque. Elle est réintro-
duite sous cette forme dans son pays d'origine à l'époque où écrit
Sozomène ~.
L'histoire de la légende de sainte Catherine est moins compliquée.
M. Knust la suit depuis son apparition dans le premier document daté,
le ménologe de Basile, qui est du x"' siècle. Ce court récit se trouve sin-
gulièrement amplifié dans la collection de Siméon Métaphraste. Il se
présente ensuite sous cette forme plus complète dans des mss, grecs
encore inédits. Ce n'est qu'au xi" siècle que l'histoire de la sainte fait
son apparition en Occident, dans un ms. latin du Mont Cassin. A cette
date encore, certains traits de la légende ne sont pas encore mention-
nés : le nom du père de la sainte et le transfert du corps par les anges
sur le mont Sinaï. Ces détails et quelques autres sont popularisés dans
une rédaction latine dont il existe plusieurs copies du xi' siècle; la
première traduction dans une langue vulgaire est une version rimée, en
croit emprunté à Sozomène, cf. op. cit,, p. 41 ; je crois cependant qu'il exagère l'in-
dépendance de Sozomène; cet historien paraît puiser dans Rufin ce qu'il ne doit pas
aux renseignements oraux.
1. Pour plus de commodité, je renvoie à l'extrait de Holder, p. 5o, 1. 3 du bas :
w? //£v Ttvc5 /î'/oujtv ; p. 5l, l. l3 du bas, /c'ysTa« èi ; p. 52 : t«oî /jz/tv, ws nupu-
yrt'jujj.vj, îuTOpy.-at, UvopôJv ts àxptê&ij £:r(îTa//.ivc<)v à/.oùsoc^iVj £t; ou; ix oiacooy-r^i TraTe'pwv
d-^ov, Toj; 'énîira y.a-u).i).oiTtoi.r:vj. M, Gûldenpenning avait déjà entrevu l'importance de
ce dernier passage.
2. Quant à la réalité des faits, le silence d'Eusèbe, contemporain et probablement
témoin oculaire, la compromet très gravement. Cf. Tixeront, pp. 174-175. L'inscrip-
tion trouvée récemment en Afrique, à Tixter, prouve l'existence de la Croix à Jéru-
salem en 359, mais rien de plus {Ac. Inscr., 23 mai 1890). Il en est de même des
mentions laites par (élément d'Alexandrie.
170 REVUE CRITIQUE
allemand, du xi*^ siècle, qui est perdue; vient ensuite un texte anglais,
également rimé, du xi^«^ siècle. La plus ancienne version française se
trouve dans un ms. de la Bibliothèque nationale écrit vers 1200
(f. ir. 23 1 12), mais on en avait fait d'autres qui se sont perdues. Nous
ne suivrons pas jusqu'à nos jours M. K. dans son étude ; elle sera très
utile à tous ceux qui s'occupent de littérature moderne.
A la fin de son enquête, l'auteur revient au petit noyau de faits qui a
été le point de départ de cet immense développement et en conclut
qu'on a affaire i\ un pur roman. Il rejette avec dédain la tentative faite
par Baronius pour retrouver les linéaments de cette histoire dans un
passage d'Eusèbe. En dehors des différences entre le récit de Fhistoire
ecclésiastique et la légende, M. K. fonde son opinion surtout sur le
silence des hagiographes avant le x^ siècle. Ils écrivent en Occident, il
est vrai, mais ie culte des saints d'Orient pouvait entrer dans le monde
latin par bien des portes. Tantôt on les retrouve démarqués dans des
récits qui se présentent comme l'histoire ce saints locaux, tantôt ils
passent à la faveur du martyrologe oriental introduit au milieu du
v« siècle dans le martyrologe hiéronymien, tantôt les monastères grecs
de l'Italie et Pautorité des empereurs sur Rome propagent dans ces
régions les cultes orientaux. Pour Catherine, nous n'avons absolument
rien de semblable. Personne n'en parle en Occident avant le xi^ siècle,
en Orient avant le x^. Il y a là un argument très fort, mais c'est un
argument négatif. On ne pourra en mesurer la valeur que le jour où
sera publié le texte grec le plus ancien de la légende. 11 porte le nom
d'Athanase, esclave et secrétaire de la sainte. Cette pièce est apocryphe,
mais il importerait d'en déterminer la date exacte, car elle peut jouer
un grand rôle dans l'appréciation des documents de cette histoire.
Les différences entre le récit d'Eusèbe et la légende n'ont rien d'éton-
nant. Eusèbe (H. E., VIII, 14) parle d'une femme d'Alexandrie très
sage et très noble, iT.'.zr,\j.o'à.vri tî /.at Aa[i.7:poTâ--^, illustre à la fois par la
fortune, la race et la culture (tcXcûtw tô v.ot). vévsi y.ai r.y.'.oiix), qui excita la
passion de Maximin et ne lui échappa que par la fuite. Catherine est
aussi la femme sage et savante, au point de tenir tête à une assemblée
de philosophes ; comme la personne dont parle Eusèbe n'est pas nom-
mée, il n'est pas impossible que l'on ait tiré son nom Aaatspi'v'a,
Aecaterina, du détail de la chasteté ; Catherine est la femme toujours
pure, àv. y.aOapx, Il s'agit dans Eusèbe de l'empereur Maximin, non de
Maxence qui n'a jamais été à Alexandrie et qui s'est montré bienveillant
pour les chrétiens. M. K. veut ù tout prix que le nom de Maxence soit
le texte primitif de la légende : c'est ce qui n'est pas prouvé. Le méno-
loge de Basile, rédigé par des gens instruits, peut porter le nom de
Maximin par le fait d'une correction. Mais la version latine, indépen-
dante du ménologe, donne une fois le nom de Maximin et deux fois
celui de Maximien. Eusèbe parle non de supplice, mais d'exil; mais
l'histoire de la légende prouve que certains détails de la mort, notam-
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE ]jl
ment ceux qui concernent les roues, sont d^invention assez tardive. Le
transfert du corps de la sainte au mont Sinaï est dans le même cas :
c'est une localisation postérieure du récit déjà fort développé. D'un
autre côté, une circonstance historique peut expliquer la provenance de
certaines additions. Une femme a joui à Alexandrie d'une renommée
toute semblable à celle dont le nom de Catherine a été entouré plus
tard. C'est Hypatie. Le désir d'avoir à opposer à l'illustre païenne une
chrétienne aussi versée dans la sagesse profane a dû aider au dévelop-
pement des maigres éléments fournis par l'histoire. Il n'est pas jusqu'à
l'idée de mort violente qui n'ait pu sortir de ce rapprochement. L'opi-
nion de Baronius ^ n'est donc pas tout à fait méprisable ; il s'agit seule-
ment delà préciser.
On voit par ces deux exemples quel intérêt peut présenter l'élude de
ces légendes, négligées si longtemps par les historiens. Les unes sont
des monuments précieux de la langue populaire et des témoins des
sentiments d'une époque; les autres ont conservé un noyau de faits
certains qu'il n'est pas toujours impossible de dégager. Toutes sont le
point de départ d'une littérature considérable : le moyen âge a vàcu de
ces récits constitués dans leurs grandes lignes au déclin de l'antiquité.
Leur histoire et celle de leurs migrations est l'histoire littéraire d'un
âge de l'humanité et des relations intellectuelles de deux mondes. Mais
on doit toucher à ces sujets d'une main délicate et respectueuse. Trop
souvent M. Knust a gâté son excellent livre par des expressions inspirées
aux polémiques quotidiennes. Quoi qu'il en dise, il y a encore quelque
différence entre les croyants de la légende de sainte Catherine et les
cannibales (p, 191); l'hypocrisie cléricale (p. 141), les miasmes théolo-
giques (p, 184), la conscience de M Wlndhorst (p. 184), les propos
des cochers de Lourdes (p. 62) ne semblent pas naturellement destinés
à être mis sous le patronage de la sainte. La première condition pour
voir clair en ces questions difficiles, c'est d'avoir l'esprit calme et sain,
également éloigné du scepticisme superficiel qui n'accepte rien et de la
crédulité puérile qui admet tout.
Paul Lejay,
I. Après avoir consacré les 192 premières pages de son livre à sainte Catherine,
M. K. donne rapidement l'histoire de la légende de sainte Marie l'Egyptienne
(pp, 193-228). Puis il publie pp. 23 1-3 14"^ un texte latin de la légende de sainte Cathe-
rine d'après le ms. Br. Mus Caligula. A. VIII, un texte français d'après B. N. f, fr.
41 2 (et accessoirement <^ 1 1, 1 85 et i83;, un texte espagnol d'après le ms. de l'Escurial
h, I. 13; la légende de sainte Marie l'Egyptienne est donnée pp. 3 1 5-346) en français
d'après Br. Mus. add. 6524 (accessoirement B. N. f. fr. i83) et en espagnol d'après le
ms. de l'Escurial h. r. i3. Ces textes ont reçu une copieuse annotation historique. Le
volume n'a ni table ni index, l'auteur étant mort avant le tirage; mais puisqu'il a
eu le temps de corriger les épreuves, on doit le rendre responsable de l'absence d».
divisions en chapitres.
172 REVUE CRITIQUE
409. — Anonyme. Una i'iintiiiiXiest cronologia degli serittî Saut' <li l<:nnu-
»lio, lExtraii de La Scuola Cattolica de Milan, fasc. 207-208). Un vol. 38 pp.
Milan.
Pourquoi l'auteur de cette brochure éprouve-t-il le besoin de faire son
procès à la jeune école historique italienne et lui reproche-t-il de se pré-
senter u en si marre bigarrée d'érudit allemand, c'est-à-dire avec une
écriture conventionnelle en hiéroglyphes et en formules algébriques,
avec cet argot qui fait de l'histoire elle-même un monopole, une doc-
trine esoterica [sic] soustraite à la connaissance des simples mortels?»
Cette déclaration de principes, ornée de ce contre-sens, ne peut que di-
minuer Pautorité de l'anonyme. La brochure est du reste une discus-
sion décisive d'un travail de M. Carlo Tanzi sur la chronologie d'En-
noA'wxs [Avcheografo Triestino 1889). Tanzi, exagérant une hypothèse
de Vogel, prend comme base de la chronologie des lettres d'Ennodius
l'ordre où nous les ont conservées les manuscrits. L'anonyme prouve
que cette opinion ne résiste pas à Texamen de ces lettres et, de plus,
qu'on ne peut les dater toutes de 5o2 à 5i3. Sa réfutation est fort
amusante.
L.-G. P.
410. — Coniples-i-eiitlu» des Eehevîns de Rouen, avec des documents
relatifs à leur élection (1409-1701), extraits des registres des délibérations de la
ville, et publiés pour la première fois par J. Félix, Rouen, A. Lestringant. Deux
vol, in-8. Prix : 24 fr.
A pai tir du xV siècle, la ville de Rouen fut administrée par un conseil
composé de vingt-quatre échevins, lequel se renouvelait par tiers tous
les trois ans à la Saint-Marlin d'été. Le lieutenant général du roy faisait
en sorte que le choix des électeurs se portât sur « des gens idoynes,
suffisans et sans nulle affection », et l'on ne voit pas qu'il ait eu grand
mal à fciire accepter ses candidats. Électeurs et élus étaient triés sur le
volet, et il faut bien reconnaître que les intérêts de la ville ne s'en por-
taient pas plus mal. A chaque renouvellement triennal, le plus ancien
des échevins « en la grant salle de Tostel commun de la ville de Rouen »,
et en présence des notables et bourgeois, rendait compte de Tadminis-
tration des conseillers, et « déclaroit les choses advenues pendant le
temps de leur charge, en quel estât ilz avoient trouvé le bien commun
de la ville, et en quel estât ilz lelaissoient. » Ces comptes-rendus, jusque
vers la fin du xvi'' siècle, étaient faits simplement, avec candeur, sans
prétenlion, je veux dire en bon style administratif : les bons échevins^
tenaient plus à se montrer hommes d'affaires qu'à passer pour de petit
Cicérons. En 1 590 (la province est toujours un peu retardataire), l'éche
vinat rouennais subit la contagion commune : il est atteint à la foisd^
la manie de l'antiquité et du bel esprit, et dès lors les comptes-rendus
se transforment en harangues interminables, hérissées de pointes, farcies
d'histoire et de littérature 173
de citalions de toute espèce, gonflées d'allusions historiques et mytholo-
giques, si bien que Torateur n'aborde son sujet que dans la péroraison.
Il n'y arrive qu'après avoir parlé de Gleombrote, de Darius, de Pala-
méde, de l'escrimeur Mellenconius, des Iles Fortunées avec leurs fleuves
aurifères, argentifères, gemmifères, de la fontaine d'Apollon, des Hespé-
rides, des Psylles, des Agathyrses, de Xénophane, de Phocion, des
Gétules, de toutes sortes d'animaux fabuleux et de leurs propriétés non
moins fabuleuses, le tout assaisonné des citations latines les plus variées
et les moins attendues. Il faut lire les harangues de mons'' Desleville
Bigot (t. I, pp. ioo-i3i et 146-189) pour avoir une idée de cette élo-
quence pédantesque : ce vieil échevin ne crachait, comme aurait dit
l'auteur de Francion, que perles, émeraudes et « aromatites. » Il paraît
avoir eu peu d'imitateurs, sauf un certain Nicolas Pouchet qui, en i632
et en 1643, dans une double harangue éblouit sans doute Monsieur le
lieutenant du roy et toute l'assemblée des notables rouennais par un
glorieux étalage de science physique et astronomique II avait à rendre
compte des dépenses et des recettes de la ville, et voici qu'il commence
par dire à ses auditeurs que « les vicissitudes qui régnent dans les
régions supérieures amènent tantôt le froid, tantôt le chaud, tantôt le
sec, tantôt l'humide, et qu'il n'y a rien de si muable que la terre », ce
qui est du reste attesté par le Trismégiste de Pimandre. Après ce bel
exorde, il disserte solennellement sur les révolutions des huit cieux infé-
rieurs, sur leurs mouvements harmoniques, et passe, non sans avoir
cité le Songe de Scipion, aux vicissitudes de ce bas monde. Ce n'est
qu'après avoir longuement voyagé dans les républiques de Lacédémone,
d'Athènes, de Carthage et de Rome, qu'il revient à Rouen pour se
plaindre de la cherté des blés, et exposer toutes les sages mesures que le
Conseil a prises pour subvenir aux besoins « des pauvres travaillans aux
attcliers publics ». Les braves échevins cédaient au goût du temps : ils
ronsardisaient ou pindarisaient, comme on disait en ce temps-là, inno-
cente manie qui ne les empêchait pas d'être honnêtes (c'est un point sur
lequel il est bon d'insister en notre temps), et de consacrer tous leurs
soins au bien et soulagement de leurs administrés dont ils défendaient
les intérêts avec sagesse, et cette ténacité normande qui ne se décourage
jamais. On le vit bien en 1647, époque où la dette de la ville s'était
accrue sous des charges exorbitantes. Tantôt il fallait héberger un temps
plus ou moins long des régiments d'infanterie et de cavalerie, tantôt
loger et nourrir un grand nombre d'Espagnols pris au fort de Link, à
Gravelines ou à Rocroi : les échevins, à force de bonnes raisons et de
démarches, « poursuivies avec un cœur agissant », obtiennent une forte
diminution de taxe, et en même temps la suppression de certains impôts
« en dépit des traitans, ennemis capitaux des peuples, x En i656 1e
Conseil communal de Rouen commence à perdre beaucoup de son
indépendance et de ses franchises, si l'on en juge par ce curieux extrait
d'une harangue prononcée par devant Monseigneur le duc de Longue-
174 RKVUE CHITIQUK
ville, pair de France et gouverneur de la Normandie : « Monseigneur,
disait Torateur en s'adressant au duc, nous devrions dans nos élections
présentes choisir : i" de rare cœli, c'est-à-dire des personnes de maison
d'extraction noble ou noblement vivans; 2° de pingucdine terrce, c'est-
à-dire des personnes ayant fidèlement et dûment acquis quantité de
biens et de commodités : nous entendons par là d'honnêtes marchands;
3° pour ce qu'ils appellent i^e fœce plebis, nous serions d'avis de n'y
avoir aucun égard, n Et le vieil échevin ajoutait : « S'il y a des quar-
tiers assez malheureux où l'on ne puisse rencontrer un homme d'hon-
neur, quelle difficulté trouverait-on à l'emprunter en un autre et le
baptiser du nom d'iceluy ? Il y a des hommes de bien qui ne courent
pas au-devant des honneurs, qui ne les recherchent ni par eux-rnémes,
ni par leurs amis, ni par des présens; il faut les contraindre d'y entrer,
et compellere eos intrare ». Si cet échevin eût encore vécu une quinzaine
d'années, il aurait vu Colbert combler ses vœux en accaparant la direc-
tion des affaires municipales, ce dont s'était abstenu le tout puissant
cardinal de Richelieu.
Il est juste de remercier M. J. Félix d'avoir édité avec beaucoup de
soin cette intéressante publication : elle sera très utile à l'histoire de
Rouen, et les conseillers municipaux de plus d'une grande ville y trou-
veront des leçons de sagesse et de modération.
A. Delboulle.
411. — ToMMASiNi (Oreste). il Uiai'îo tlî stefauo luTese^ura Studio prepara-
torio alla nuova edizione di esso. Un vol. iii-8, 164 pp.
412. — IVuovi (locumenti îllust i-atiii del cliai-io <li tstefaiio Infeseuia.
Un vol. in-8, j>6 pp. Rome. Società di Storia patria, 1889. (Extrait de VArchivio
Romano di Storia Patria, t. XI et XII). ||
41 3. — II i-egi^tio (legli oflieiali <lel coniune di Roma, esemplato dallo
scribasenato Marco Guidi. Un vol. in-4, 56 pp. Rome, impr. Salviucci, 1888.
(Extrait des Memorie délia R Accademia dei Liticei).
I. L'Istituto storico italiano a l'excellente habitude de publier, avant
les éditions des Fouti, des mémoires sur les recherches et les méthodes
de ses éditeurs. Leur travail définitif peut ensuite profiter des discus-
sions nées à propos de ces premiers comptes rendus et des découvertes
que leurs propres enquêtes ont pu suggérer. Cette précaution serait
d'ailleurs bien inutile, si l'Istituto avait beaucoup de collaborateurs
comme M. Oreste Tommasini, chargé depuis 1886 de l'édition du Jour-
nal d'Infessura. Le présent essai est destiné à justifier le choix des bases
critiques de son édition. Il expose rapidement pourquoi l'on s'est peu
occupé d'Infessura sous le régime papal, rappelle les très peu nombrcu
ses dates connues de sa vie, donne la liste des manuscrits et en fait un
classement très ingénieux, d'après la présence ou l'absence de divers tex-
tes relatifs aux Colonna. En appendice, il publie des documents sur la
famille Infessura et la correspondance de l'envoyé de Sienne à Rome
d''histoire et de littérature 175
('Lorenzo Lanti) de 1482 à 1484. — Dans les niiovi dociimenti, M. T.
donne d'intéressants détails sur la colonie génoise à Rome sous les
Riarioet lesCybo (non loin de Ripa grande, sur la rive droite du Tibre,
les Génois avaient alors leur quartier, comme leur Galata romaine) et
publie un document capital pour Thistoire des institutions municipales
de Rome et des États de TEglise sous Innocent VIII (la taxe des offices
d'après la bulle du 3i décembre 1488.)
2. Le registre des magistrats municipaux de Rome est conservé à la
bibliothèque Angélique à Rome, où il est resté inconnu à presque tous
les historiens, Vendettini, Vitale, Giorgi, Pastor, qui se sont occupés de
rhistoire de Rome au xv" siècle. C'est un tableau très complet des ma-
gistratures municipales sous Nicolas V, important pour l'histoire des ins-
titutions communales et des familles romaines. Il faut savoir gré à M.
Tommasini de Tavoir publié intégralement, avec une savante introduc-
tion où il étudie la personnalité de l'auteur et les fonctions du scribase-
nato. Je regrette toutefois quMl n'ait pas examiné la périodicité de ces
fonctions, qui me semble presque toujours avoir été régulière '. Mais ce
n'est là qu'un des nombreux problèmes que soulève ce texte, si impor-
tant pour rhistoire d'une époque où de tels documents n'abondent pas,
L. G. Pélissier.
^14. — L. M. Hartmann. Untersucliuitgen zui* Ges^cliiclite «ler- D^zan»
tinit^clien VerAvallung in Italien (54O-750). Leipzig, Hiizel, 18S9, i vol.
in-8, 182 p.
L'histoire de l'administration byzantine dans l'exarchat de Ravenne,
si longtemps négligée, vient, par une singulière coïncidence, d'attirer
presque en même temps l'attention en France et. en Allemagne; quel-
ques mois à peine après la publication de mes Etudes sur radminisWa-
tion by{antine dans l'exarchat de Ravenne (Paris, 1888), paraissait le
livre de M. Hartmann ; et les deux ouvrages, absolument indépendants
l'un de l'autre, apportaient sur la plupart des questions controversées
des solutions à peu près identiques. Sans doute, dans le volume de
M. H., bien des problèmes de l'histoire religieuse ou sociale de l'Italie
byzantine ont été laissés de côté; bien des points sommairement discu-
I. Il ne serait pas impossible de retrouver dans quel ordre de temps et de lieu
étaient nommés les Conservatores camerœ, les Camerarii camerae, les Marescalli, les
Magistri edificioriim. La fonction trimestrielle de Conservator camere semble attri-
buée une fois par an à chaque rione et deux au moins des conservatores sur trois
sont pris en général dans le même rione. Ainsi les conservatores du premier trimes-
tre (tracta) sont pris dans le rioni Ponte, Regola et Pigna, et nous trouvoiis le ta-
bleau suivant (où les chiffres désignent les tractae de i à 3o) :
Ponte : I — 6 — 10 — 14 — 18 — 23 — 27.
Regola : I — 4 — 9 — i3 — 18 — 22 — 26 — 3o.
Pigna : i — 5 — 9 — i3 — 17 — 22 — 26 — 3o.
Il pourraitêtre utile de vérifier plus complètement et plus exactement cette hypo-
thèse.
176 REVUE CRITIQUE
tés par l'auteur dans la longue série des notes qui terminent l'ouvrage,
auraient mérité de prendre place dans le texte; et il serait aisé de rcle
ver dans ces pages plus d'une lacune et plus d'une inexactitude. Mais les
choses essentielles ont été bien comprises et mises en pleine lumière :
le caractère essentiellement militaire qu'eut ù Torigine la charge d'exar-
que, la lente transformation qui peu à peu relégua au second plan les
agents de l'administration civile et donna à Télément militaire la pre-
mière place dans la vie publique et dans la société, les conséquences
qu'eut cette révolution sur le régime de la propriété et les rapports
des personnes, ont été fort bien expliquées par M. H. dans le chapitre
consacré par lui à Tadministration militaire, et qui est le meilleur du
livre. M. H. a fort justement marqué les traits caractéristiques par les-
quels la réorganisation de l'Italie se rattache à la réforme des thèmes et
montré comment l'histoire de Texarchat éclaire l'importante transfor-
mation qui renouvela, à partir du vii^ siècle, l'administration provin-
ciale de l'empire d'Orient.
Je n'insisterai point ici sur certaines questions de détail, me conten-
tant de renvoyer aux passages de mon livre où j'ai soutenu la doctrine
contraire : p. 9, je doute qu'il faille reconnaître un exarque dans le
vir gloriosus Decius patricius nommé dans une lettre de Pelage II ; à
cette époque, comme on le voit par la correspondance de Grégoire le
Grand, le titre de patrice se rencontre fréquemment dans Pltalie by-
zantine et sufîii rarement à désigner le vice-roi de la province; et,
d'autre part, letermede gloriosus convient peu à un aussi haut person-
nage. — P. i3. Le .'/;- venerabilis Johannes nommé à propos de la
révolte d'Eleuthérius n'est autre que l'archevêque de Ravenne (cf.
Études, 341). — P. 19. Les sources indiquent nettement' le caractère
politique que prit l'élection des papes grecs du vii^ siècle [Etudes^ 257).
— P. 22-91. Il est inexact que Grégoire II ait décidé l'Italie à refuser
l'impôt (Études, 376, note 8). — P. 29. Les conclusions tirées du Liber
diurmis sont excessives, le texte ne visant qu'un cas particulier; —
P. 39. Sur le préfet Maurilio, cf. Études, 127. — P. 40. Sur la dispari-
tion des vicaires du diocèse, ibid., 161, et Mommsen, Nachtrœge ■{u
der Osigoth. Studien (Neues Archiv, XV, i8i), qui se range à mon
avis contre M. H. — P. 46. Sur Id Quinquennalis, cf. Etudes, 98,
note 8. — P. 62. Sur l'organisation des milices provinciales de Ravenne,
ibid.. 317. — P. 6y, 154, 161. Sur la multiplication des duces minores
au vni® siècle, dans lesquels M. H. veut voir des gouverneurs de pro-
vince, ibid., 3oi-3o2. — P. 147, 148. Sur la persistance des anciennes
divisions provinciales, ibid., 19-20.
11 est inutile de multiplier ces remarques de détail, qui n'ôtent rien
ù la valeur du livre. Mais on peut regretter que M. H. ait consacre un
long chapitre à l'étude de l'administration financière dans Texarchat ;
car, dans le silence presque absolu des textes, il a dû nécessairement
remplacer par des généralités déjà connues les informations précises
d'histoire et de littékaturk 177
qui lui manquaient sur l'époque byzantine. — Il faut regretter surtout
que M. H. n'ait pas rendu meilleure justice aux efforts que fit Byzance
pour défendre les provinces italiennes, et ait prêté gratuitement aux
populations de la péninsule et auK évêques de Rome un constant désir
de se séparer de l'empire d'Orient. Les faits donnent ici une impres-
sion toute dilîérente ; et c'est méconnaître singulièrement l'amour de
ritalie pour l'unité romaine et le long dévouement des papes à Byzance
que de transformer en un antagonisme politique une opposition toute
religieuse. Jusqu'à l'insurrection de 727, et dans ce soulèvement même,
il est impossible, dans les sentiments des Italiens comme dans la poli-
tique des papes, de trouver nulle trace de tendances séparatistes (c(.
Etudes, 359-366, 376-379I; et, d'autre part, il y a quelque injustice à
croire Byzance incapable de tout effort sérieux en faveur de la péninsule,
et c'est trop sacrifier à un vieux préjugé, trop oublier la longue énergie
que l'empire d'Orient mit à vivre, que de le montrer (p. 2, 17) impuis-
sant à défendre, dès le vu'' siècle, ces provinces orientales qui furent si
longtemps son plus sûr appui. — Je ne pense pas non plus que les em-
pereurs se soient désintéressés de l'Italie, au point de la laisser plusieurs
fois sans gouverneur (p. 20, 21). Qu'il y ait dans la liste des exarques,
telle que nous la connaissons, plus d'une lacune, cela est incontestable;
mais, outre que les bulles de plomb byzantines nomment plusieurs
exarques, un Anastase, un Etienne, que Ton ne sait à quelle date assi-
gner, lien ne prouve que les lacunes des textes permettent de con-
clure à des interruptions dans le gouvernement. J'ai tâché, tout au
contraire, de montrer dans mon livre (p. 193-288) quels efforts le
gouvernement impérial fit pour défendre et pour helléniser l'Italie; et
si la tentative n'a point donné tous les fruits qu'on en pouvait espérer,
à tout le moins prouve-t-elle la sollicitude de Byzance pour l'exarchat.
Quoi qu'il en soit de ces réserves, il faut rendre justice au soin con-
sciencieux qu'a mis M. Hartmann à étudier les textes, à l'ingéniosité
qu'il a apportée à les interpréter, à la justesse des solutions qu'il a
proposées : peut être est-il regrettable que ces efforts se trouvent rendus
quelque peu inutiles, et que ce livre, paru après mes Études^ ait en
somme pour principal effet de confirmer des résultats déjà acquis.
Ch. DiEHL,
41b. — I. P. A. Geiger. Sui- quelques c»s de lubialisalioii eu françaiiâ.
Stockholm, imprimerie centrale, 1889, in-8, lo pages.
41G. — II. Cari Waiii.und. ï^.-» itliilolo^ie fi-;nieaîse au temps Jaiiis. Deux
discours sur la nation et la langue fjançaises faits par des Français et datant de
la fin du xvr siècle et du commencement du xix", réimprimés d'après les éditions
originales devenues rarissimes. Stockholm, imprimerie centrale, 1889, in-8,
Ti. pages.
Ces deux publications d'un caractère si différent ont cependant un
lien commun qui me fait les réunir dans un même article; l'une et
178 RRVDK CRITIQUE
Tautrc ont été composées à Toccasion du cinquantenaire de M. Gaston
Paris et font partie du recueil que les élèves Suédois du maître des étu
des romanes en France ont eu la gracieuse idée de lui offrir en cette
circonstance; on ne pouvait lui faire un plus digne présent.
I. Les phénomènes de labialisation étudiés par M. P. A. Geijer se
rattachent à la tendance générale à l'assimilation, en vertu de laquelle
les sons d'une langue, dans leurs diverses modifications, subissent l'in-
lluence des sons qui les environnent dans le groupe phonétique dont ils
font partie ^; mais ici Tassimilation n'a pas lieu d'une manière géné-
rale, ni régulière; aussi n'a-t-elle pu être considérée comme une loi pho-
nétique et n'avait-elle point même encore été étudiée comme il convient.
C'est le mérite de M. P. A. G. d'avoir rappelé l'attention sur ce phéno-
mène curieux mais trop peu observé et d'avoir cherché à en donner
une explication scientifique. Il étudie successivement la « labialisation
d'une voyelle qui se trouve en contact avec une consonne labiale » et
celle d'une voyelle « qui n'est pas exposée au contact d'un son labial ».
Dans le premier cas, la voyelle peut être suivie de b, de m où de v ; les
exemples données par M. P. A. G. sont : affubler et défubler (fibulare),
alwnclle [\d.VLït\\a) ^ aumaille [àmmsAia) ^ chalumeau {c-d\ame\\o], do7nmage
(damnatico), fwnier [fimario], jumeau (gemello), lumignon (licmen),
Rodomont (Rodomonte), — auvent (ante vanno), breuvage (*bibera-
tico), buvons, buve:{, etc. (bib.,-)^ épouvante [paveiUt], provende (prae-
benda), veuve (vidua), 11 est certain que ce nombre eût pu être considé-
rablement augmenté, si M. P. A. G. avait pris en considération les
ïormes dialectales, comme'/umelle, sumelle, sumencé, etc. Parmi celles
qu'il cite il faut écarter : aumaille^ ce mot n'est que la transformation
régulière de almaille, tiré de an'malia par l'intermédiaire armalia ; ro-
domont qui, est un nom étranger, auvent dont l'étymologie est dou-
teuse, épouvanter, où le v est récent, dommage même, qui paraît venir
de damnatico plutôt que de damnatico ; j'ajouterai encore breuvage tl
veuve; M. P. A. G. dit lui-même que breuvage (vient) « de bevrage »,
et pour veuve, l'ancienne forme veve montre que eu n'est aussi dans ce
mot qu'une transcription de e. Quant aux autres vocables, la labialisa^
I. M. P. A. G. a signalé les phénomènes d'assimilation qui se produisent au mi-
lieu d'un mot ou même « en passant d'un mot à un autre », dans « la prononciation!
rapide qui met en contact deux consonnes d'un caractère différent ». c< Ainsi, dit-il, j
le b des mots absolu, obtenir s'assourdit et Vs de presbytère devient sonore sousj
l'influence de la consonne suivante. » Rien de plus exact; mais il ne l'est pas quel
« le d du mot anecdote perd sa sonorité à cause du c sourd qui le précède; c'est le cl
qui s'assimile ici au cï suivant et non le d qui s'assimile au c qui le précède;» en vertu!
même d'une règle donnée par M. G., à savoir que « de deux sons contigus, c'est!
le son qui suit qui exerce une influence assimilairice sur le son précédent » ; on
prononce aiiegdote et non anectote. Deux lignes plus loin, j'écrirais bois t'sJiuJal
et non boit' sandal; il faudrait aussi têd' d'veaii et non téd' veau, quecli sois et non
que chois; on ne peut prononcer ainsi tcte de veau et encore moins que je sois; il
n'y aurait plus d'ailleurs dans ce cas assimilation, mais absorption d'une consonne
par l'autre.
1
d'histoire et de LITTERATURE T79
tioii s'y présente réellement et, si l'on excepie provende, sous la forme
u et à Tatone. M. P. A. G. ajoute qu'elle ne peut avoir lieu qu'à cette-
place; les patois ne savent rien de cette nécessité, et le français triible
même n'offre-t-il pas un exemple de labialisation de la tonique?
Lescasdelabialisation d'une voyelle, qui n'est pas au contact d'un son
labial, sont plus compliqués ou plus obscurs et cela se comprend;
M. P. A. G. les étudie tour à tour dans la voyelle initiale et dans la
voyelle médiale, suivie d'une consonne ou en hiatus. Il en donne pour
exemples olifant, orange (naranja), orteil (articulo)? — ./'(/"^<? (zizy-
pho), lutrin (lectrino), malotru (pr. mahslruc), pontuseau (ponticello (?),
— Noël (natale), noer (natare), poêle (patella). M. P. A. G. avoue que
a olifant reste à expliquer », ce mot est donc à écarter; il en est de même
de orange^ où « Vo est amené par une assimilation de ce mot à celui
d'o7' » ; si Vo de orteil vient, comme l'a dit M. Ascoli, du celtique cor-
respondant ordag^ il n'y a pas lieu davantage de prendre ce mot en con-
sidération. Dans la seconde classe, pontuseau est à rejeter comme d'ori-
gine incertaine; « malotru dépend peut-être du type provençal », — je
supprimerais le peut-être; — quant à lutrin, il paraît être une atténua-
tion de la forme lieutrin qu'on rencontre dans les patois; reste jujube,
dont le premier u a pris naissance sans doute, comme le remarque avec
raison M. P. A. G., sous l'influence de Vu suivant. La troisième classe
n'offre pas plus de cas authentiques de labialisation ; noer remonte à
une forme vulgaire notare ; poêle n'est que la transcription Aç. poile,
dernier terme des transformations successives paele, paile de patella ;
d'ailleurs si l'on admettait dans ce mot la labialisation, elle pourrait
très bien s'expliquer par l'attraction de la consonne précédente ; il n'est
donc point nécessaire d'y voir un procédé destiné à « sauver la voyelle
protonique. » La forme Noèl^ apparaissant dès l'époque la plus reculée et
bien avant que la langue eût écarté le groupe aë, très habituel en
ancien français, on ne peut guère voir non plus ici, dans la transforma-
tion aë en oê, un expédient pour conserver la protonique.
Aces deux catégories de labialisation, M. P. A. G. en a ajouté une
troisième, celle où « la labialisation n'est qu'apparente » ; il l'explique
par la substitution au sulïixe primitif d'un suffixe plus usité, ce qui est
incontestable, et il en donne pour exemples arroche,fiole^ fantôme,
taon. On voit, par l'analyse de ce mémoire, quelle étude attentive
M, P. A. Geijer a faite de notre langue, et, s'il n'est pas toujours par-
venu à les expliquer, combien il est familier avec ce que ses formes
offrent de plus délicat et de plus obscur.
II. Avec la publication de M. Cari Wahlund, nous quittons le
domaine de la phonétique pour aborder celui de l'histoire littéraire ; les
deux « discours » qui en traitent et sur lesquels il vient d'appeler l'at-
tention, étaient tellement peu connus ou oubliés qu'il nous les a vrai-
ment révélés. Le second — c'est par lui que je commence -- a pour titre
Recherches historiques sur les obstacles qu'on eut à surmonter pour
l8o REVUE ClUTtQUE
épurer la langue française; il esi dû à la plume de iabbé Edmond
Cordier ; né à Orléans en i/So, Edmond Cordier, n'ayant pu obtenir
de bénéfice ecclésiastique, vint à Paris et s'y livra à la littérature; après
avoir eu beaucoup de peine à vivre des compilations qu'il entreprit d'a-
bord, il se tourna du côté du théâtre; en 1762, il donna une tragédie,
Zarukma^ qui n'eut que trois représentations. Plus tard, il écrivit, sous
le pseudonyme de Saint Firmin, trois comédies en prose (1793, 179701
1799) ; il publia aussi, vers la même époque (1795-1799), et sous le titre
À'' Abeille française, une anthologie dont Tabbé Sicard fit un compte-
rendu favorable à l'Institut. Quant aux Recherches historiques, elles
parurent non en i8o5, comme on l'a imprimé jusqu'ici, mais en 1806,
ainsi que le montre M . Cari Wahlund. Ce n'est de l'aveu même de l'au-
teur qu'une compilation; elle dut être assez mal accueillie, car il n'en
donna que deux chapitres, le premier et le troisième : M. C. W. a repro-
duit le premier, « Etudes des Francs, depuis leur établissement dans les
Gaules jusqu'au xu^ siècle » ; il témoigne de la connaissance la plus su-
perficielle du sujet. En dépit de leurs titres, les autres chapitres ne nous
en auraient probablement pas appris davantage; mais il est curieux d'y
voir déjà formulée la théorie que Raynouard devait développer quelques
années plus tard, à savoir que « la langue française (est) élevée sur la ro-
mane. »
Le premier discours, — ici ce mot convient parfaitement — publié
par M. C. W., a une toute autre importance que les Recherches histo-
riques d'Edm. Cordier, et si son auteur a moins de titres auprès de la
postérité que ce dernier, il était jusqu'à présent resté si ignoré, qu'on
ne saurait trop remercier M. C. W. de nous l'avoir, bien qu'incomplè-
tement, fait connaître. Il s'appelait Guillaume Rabot; sa famille ori-
ginaire d'Upie, près Crest, où elle possédait entre autres biens la terre
de Salêne, a donné pendant deux siècles des magistrats distingués au
Parlement de Dauphiné. Le père de Guillaume, Bertrand, avait été
nommé conseiller en 1495 ; il mourut en i537; il avait eu cinq fils;
M. C. W. suppose que Guillaume, le second, naquit au plus tard vers
i53o; je ne sais pourquoi il prend une date si reculée; Bertrand s'était
marié en i5o2, son second fils dut naître, ce semble, bien avant l'année
i5 3o. Pendant un séjour qu'il fit à Paris, Guillaume entra en relations
avec le comte palatin du Rhin, Frédéric, qui lui donna le commande-
ment d'une compagnie de chevau-légers et l'emmena en Allemagne;
il lui fit, de plus, épouser, nous apprend Guy Allard, auteur d'une
Généalogie des Rabut, 'i une riche héritière de ce pays » ; mais après
la mort du comte palatin, Guillaume se serait vu, d'après le même Guy
Allard, en butte à tant de tracasseries de la part des parents de sa
femme, qu'il revint en France. Une autre Généalogie due à Jean Rabot,
lait mourir Guillaume dans son emploi de commandant ; mais m Tune
ni 1 autre ne parlent de lui comme écrivain, ni de ses occupations pro-
fessorales. Ainsi que plusieurs membres de sa famille, G. Rabot avait
d'histoire et de littérature i8i
des goûts littéraires; on a de lui trois lettres adressées c\ Calvin, en i55o,
i553et i554 i; il traduisit aussi « du latin en français » le « Miroir
d'Alquimie de Roger Bacon », Lyon i55y ; enfin, quinze ans plus tard,
il écrivit un « Discours sur la nation et la langue française ». Il avait
été, en 1572, chargé par l'électeur de Saxe d'un cours de langue fran-
çaise à l'Université de Wittenberg; ce fut, à cette occasion, qu'il com-
posa son discours. Ecrit dans un latin clair et élégant, il fut imprimé
à Wittenberg. A-t-il pénétré en France? On pourrait en douter, car
aucune de nos grandes bibliothèques ne le possède ; mais en Allemagne
il existe dans celles de Halle, de Berlin, de Hambourg et de Dresde.
M. C. W. nous en donne une réimpression d'une exactitude scrupu-
leuse. Ce discours est intéressant; G. Rabot, parlant de l'utilité pour
les Allemands d'apprendre notre langue, en donne une raison inatten-
due; c'est non seulement le voisinage et les relations nombreuses tant
publiques que privées de l'Allemagne et de la France, ce qui va de soi,
mais x( la nature semblable et l'étroite parenté des deux peuples » fprop-
ter naturarum similitudinem, ac sanguinis cognationem). Les Celtes
ou Gaulois, dont Rabot refait rapidement Thistoire, ont formé des éta-
blissements, non seulement en Italie et en Asie-Mineure, mais encore
dans la Germanie, en particulier sur les bords de l'Elbe, et les noms de
leurs chefs les plus illustres sont identiques d'après lui, à des noms
germaniques encore employés; ainsi Brennus n'est autre que l'allemand
Brando; Autaricus, nom du chef des mercenaires gaulois dans la pre-
mière guerre punique, correspond àEdjvard ou Ehrard en allemand,
etc. La ressemblance qu'offrent les noms communs n'est pas moins frap-
pante; les Gaulois, dit Pline, donnèrent à la moelle des os sa dénomi-
nation de marca, vocable, encore usité en allemand, et employé, ajoute
G. Rabot, jusqu'à présent chez les Normands pour désigner la moelle
du sureau^; ces derniers se servent également du mot acre, mesure
agraire, dérivé de acker, de viande — lire manne — pour une corbeille
d'osier, etc. Le français possède lui-même les mots halte (faire), marswin,
et beaucoup d'autres qui sont aussi germaniques. Il en faut conclure, —
G. Rabot, on le voit, ne recule pas devant les propositions aventurées, —
que les nations germanique et gauloise ont eu jadis un même idiome,
l'allemand, que le mélange des peuples étrangers a peu à peu corrompu
et transformé. N'est-il pas curieux de trouver ici en germe Ja théorie, de
Holzmann, de l'identité des Germains et des Celtes? Le latin a plus
que tous les autres idiomes, contribué à la transformation du gaulois ;
c'est de lui surtout qu'est sorti le français, mais cette langue présente
dans les diverses provinces des différences dialectales profondes.
Tel est le résumé du « Discours » de G. Rabot, on pourrait dire de
la leçon d'ouverture de son cours. Il est suivi d'un « écrit public » qui
en est le programme. G. Rabot expose la marche qu'il suivra dans son
1. M. C. W. nous donne la première avec la réponse de Calvin.
2. Je ne connais point de vocabie semblable dans le patois normand.
l82 RKVUE CRITIQUE
enseignement ; il prendra pour base de ses leçons la grammaire de Jean
Pillot, qu'il fait, dit-il, réimprimer, à cet effet; quand ses élèves seront
plus avances, il leur fera traduire en français les Dialogues allemands
latins de Gamerarius ; plus tard, il- mettra entre leurs mains un « livre
français, récemment paru, et contenant diverses histoires vraies et agréa-
bles du temps présent, genre de compositions, ajoute-t-il, où Tauteur
n'a peut-être pas son pareil » K II se proposait, dit-il encore, de publier
un jour, afin de servir d'exercices de conversations, des Dialogues
latins-français, avec une traduction en allemand et peut-être en ita-
lien -; on devait y trouver les phrases les plus nécessaires en voyage.
Enfin, il promettait de donner le plus grand soin à la prononciation, cet
élément si indispensable de la connaissance complète d'une langue.
Rien n'est ainsi oublié dans le programme de G. Rabot; mais ce qui me
frappe encore plus que les idées justes et saines qu'il y expose, c'est de
voircet étranger, simple professeur extraordinaire au traitement de loo flo-
rins par an, s'adresser ainsi directement et sans aucun intermédiaire
à ses futurs élèves. On a là le spectacle de la liberté et de la dignité
de renseignement supérieur, tel qu'on l'a toujours compris et qu'on
le comprend encore dans les pays germaniques, et comme on ne voudra
peut-être jamais le comprendre en France. Mais il faut finir cet article
déjà trop long; les lecteurs de la Revue m'excuseront, je n'en doute pas,
et ils penseront, sans doute, qu'il n'était pas inutile de montrer, par un
compte-rendu détaillé des ouvrages de MM. Geijer et Wahlund, avec
quel zèle et quel succès lej études de philologie romane et l'étude de
notre langue en particulier, sont poursuivies dans les pays Scandinaves, et
quels disciples distingués y compte l'enseignement de l'École des hautes
études.
Gh. J.
CHRONIQUE
BELGIQUE. — M. Paul Thomas est chargé du cours de latin, et M. Léon Par-
MENTiER, du cours dc grec à l'Université de Gand.
GRECE. — Parmi les nouvelles publications, nous signalons les suivantes : riar-
//{Kx.rî ]ii&/ioOyi/.v], par M. Jean Sakkélion : c'est un catalogue détaillé des manuscrits
du monastère de Saint-Jean de Paimos (chez Bart et Hirst); — Xiwxà àvdhxTK (mœurs,
coutumes, proverbes, chants, etc., de Chios), par M. Constantin Canellaki (mêmes
éditeurs); — George Phrankoudis, 'II KÙTrpo? t/jî a-^/j-spav, Histoire de l'île de Chypre
1. Quel est l'ouvrage que G. Rabot désigne d'une manière si vague? M. G. Paris
vient de supposer, avec beaucoup de vraisemblance, Romania, XIX, 129, qu'il s'agit
du Recueil d'aucuns cas merveilleux advenus de nostre temps de Jean de Marcon-
ville.
2. Nostros quoque Latino gallicos Dialogos, adjuncta simul Germanica el foi-
tasse etiam Italica versione in vestvum usum aliquando edendos curare cogitamus.
Ces dialogues ne paraissent pas avoir été publiés, mais on voit qu'ils avaient été
écrits, preuve du soin avec lequel G. R. s'était préparé à ses fonctions de professeur.
d'histoire et de littérature i83
depuis les temps mythologiques jusqu'à aujourd'hui; — Une nouvelle traduction, en
prose grecque, de Hamlet, par M. Michel Damiralis (chez Perris).
— Enfin nous signalons le Bie;.(o/|5a-^ixiu AsArtiv de la librairie de l'Hestia (M. Kas-
donis}, dont quatre numéros ont déjà paru.
— M. S. C. Sakellaropoulos , directeur de gymnase et privat-docent à l'Univer-
sité d'Athènes, vient d'être nommé professeur de philologie latine à l'nne des deux
chaires de latin, laissée vacante par la mort du professeur Castorchis. L'autre chaire
est occupée par M. S. Vassis.
— M. N. G. PoLiTis a été nommé professeur de mythologie grecque, chaire nou-
vellement créée. Il est chargé également du cours d'antiquités grecques, ou cours
sur la vie publique, religieuse et privée des anciens Hellènes.
SUISSE. — Le X VIII° fascicule (neuvième fascicule du deuxième volume) du Schwei-
^erisches Idiotikon ou Wœvterbuch der sch\vei:{erdeutschen Sprache publié, sous les
auspices de V « Antiquarische Gesellschaft » de Zurich, par MM. Fr. Staub, L.
ToBLER, R. ScHocH et H. Bruppaciier, vient de paraître à la librairie Huber, de
Frauenfeld. Il comprend les pages 1329-1488 et va de hin à hûp.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du i3 août 18 go.
M. Siméon Luce lit un mémoire sur Louis d'Estoiitcville, le bâtard d'Orléans et
la défense du Mont- Saint-Michel.
Pendant trente-deux ans, au commencement du xv** siècle, toute la Normandie
fut au pouvoir des Anglais. Une seule place fil exception, le Mont-Saint-Michel,
qui, sous le commandement d'abord de Jean d'Harcourt, comte d'Aumale, puis du
bâtard d'Orléans et enfin, à partir de 1425, de Louis d'Estouteville, seigneur d'Au-
bose, tint tête à l'ennemi et resta française. En 1428, le siège du Mont-Saint-Michel
fut levé et les défenseurs, prenant l'offensive, purent conquérir plusieurs places avoi-
sinantes. Louis d'Estouteville continua ses succès jusqu'à la bataille de Formigny,
qui délivra définitivement du joug anglais la Normandie tout entière.
M. Luce exprime le vœu que le monument oia repose le défenseur du Mont-Saint-
Michel soit restauré et qu'on y grave l'inscription suivante :
« Ici repose, aux côtés de Jeanne Paynel, sa digne compagne, Louis d'Estouteville,
capitaine du Mont-Saint-Michel pendant trente-neuf ans, qui défendit cette forte-
resse contre les Anglais pendant vingt-cinq ans. Que tous les bons Français prient
Dieu pour lui et pour elle! »
M. Digard communique une note sur la papauté et l'étude du droit romain au
xiii" siècle. Il existe une prétendue bulle du pape Innocent IV, qui exclut les profes-
seurs de droit civil des bénéfices ecclésiastiques et interdit l'enseignement du droit
romain en France, en Angleterre et dans les autres pays du droit coutumier. M. Di-
gard montre que cette pièce est apocryphe et qu'elle a été fabriquée en Angleterre.
Elle n'offre d'autre intérêt que celui qui s'attache à l'histoire des supercheries litté-
raires.
Ouvrages présentés : — par M. Boissier : D. Junii Juvenalis sativa septima, édi-
tion Hild; — par M. de Barthélémy : i** Delaville Le Roulx (J.), la Suppression
des Templiers (extrait delà Revue des questions historiques) ; 2" Bulletin monumen-
tal, dirigé par le comte de Marsy, 1885-18S9.
Séance du 22 août 18 go.
M. Deloche commence la seconde lecture de son mémoire sur le jour civil et la
supputation des délais légaux en Gaule.
M. Saiomon Reinach lit une note sur le passage du pseudo-Scymnus, relatif aux
Celtes. Ce passage dérive, dit-il, du roman d'Hécatée sur les Hyperboréens. Au
même roman, pris au sérieux par plusieurs écrivains postérieurs, doit être rapportée
l'origine des allégations de Solin et de Tacite sur des inscriptions grecques, relati-
ves à Ulysse, qui" auraient été trouvées dans la Grande-Bretagne et sur les bords du
Rhin.
184 REVUE CRITIQUE DE L d'hISTOIRE ETITTÉRATURE
M. le D'' Prompt communique une étuJe sur le Descurs de Dante.
Le Descors est une plainte allégorique sur la cruauté d'une dame dont le poète
recherche les faveurs : cette créaluic idéale n'est autre que la Philosophie, et l'in-
tention du poète est de se plaindie des difiicultés qu'il rencontre pour en pénétrer
les mystères. La pièce est en trois langues, italien, latin et provençal. M. Prompt
s'est appliqué à restituer le texte provençal, qui était très corrompu, et à en retrou-
ver le rythme. L'examen de ce rythme ne permet guère, pcnse-t-ii, de mettre en
doute l'attribution de la pièce au grand poète italien.
M. Delisle lit une note sur un psautier latin-IVançais du xii" siècle qui vient d'être
acquis par la liibliothèque nationale. Ce manuscrit, certainement exécuté en Angle-
terre, olVre des particularités paléographiques très intéressantes : le scribe a employé
des 0 barrés pour ligurer les diphtongues oe et eo; il semble, en outre, avoir entrevu
l'utilité de distinguer les i et les u voyelles des mêmes lettres employées comme con-
sonnes (aujourd'hui j et v).
Ouvrage présenté par M. Deloche : Nadaillac (le marquis de), le Péril uatioual
(sur l'aflaiblissement de la natalité en France).
Séance du 2g août 18 go.
M. Bréal lit un mémoire sur les rapports de l'alphabet étrusque et de l'alphabet
latin.
L'alphabet étrusque n'est autre chose que l'alphabet grec, diminué d'un certain
nombre de lettres qui représentaient des sons étrangers à la phonétique étrusque.
C'est cet alphabet qui a été adopté, selon M. Bréal, par les Latins et les autres peu-
ples de l'Italie, Osques, Ombriens. Plus tard, les Latins ont senti les lacunes d'un
alphabet qui n'avait pas été fait pour eux et ont cherché à y remédier. Ils sont allés
reprendre, dans l'alphabet grec, les lettres qui leur manquaient. Mais la suture est
encore visible et certaines inconséquences, inexpliquées jusqu'ici, tirent de là leur
explication naturelle.
M. Boissier fait des réserves sur les conclusions de M. Bréal. L'alphabet latin ne
diffère pas seulement de l'alphabet étrusque par quelques lettres en plus, emprun-
tées aux Grecs : on y trouve quatre lettres de moins et une de forme différente.
Croira-t-on que l'influence des grammairiens grecs ait été assez forte pour faire aban-
donner l'usage de ces quatre lettres? L'opinion de MM. Kirchhoffet Mommsen, qui
rattache directement l'alphabet latin à celui des Grecs de Cumcs et de Napîes, con-
serve, pense M. Boissier, une grande vraisemblance.
M. Deloche termine la seconde lecture de son mémoire sur le jour civil en Gaule.
M. Héron de Villefosse présente à l'Académie les photographies des principaux
monuments de la collection d'antiquités récemment offerte au Musée du Louvre par
M. le commandant Marchant.
Ces monuments, au nombre de 220. proviennent de Carthage pour la plupart; ils
ont été rapportés en Francs par les soins de M. Joseph Letailie et doivent prendre
place dans la salle des antiquités africaines actuellement en préparation. Ln atten-
dant, ils sont exposés provisoirement sous l'escalier Daru.
M. Héron de Villefosse signale à l'attention particulière de l'Académie les articles
les plus importants et insiste sur la valeur de cette précieuse collection.
Ouvrages présentés : — par l'auteur : Hamy, les Origines du musée d'ethnogra-
phie ; — par M. Oppert : Babylonische Texte, IX.
Séance du 5 septembre 18 go.
M. Siméon Luce, par une lettre en date d'Agon-Coutainville (Manche), annonce
qu'il a retrouvé la pierre tombale du monument de Louis d'Estouteville dont il a
entretenu l'Académie dans la séance du i3 août, (^e monument se trouvait autre-
fois placé dans l'église abbatiale de Hambye (Manche). La dalle tumulaire forme
aujourti'hui le seuil de la maison d'habitation de l'ancien meunier de l'abbaye.
M. Clermont-Ganneau annonce l'intention de présenter prochainement à l'Aca-
démie un fragment d'inscription himyarite recueilli aux environs d'Obock par M.
Lagarde, gouverneur de cette colonie.
M. Bréal communique diverses notes sur l'étymologie des mots tù^o (en grec),
invideo, iiber, cervix (en latin), :{eher (en allemand), convoiter (en français), et sur
l'examen de cette question : Le mécanisme grammatical peut-il s'emprunter:
M. Deloche commence la lecture d'un mémoire sur l'histoire de la ville de Saint-
Rémy-dc-Provence (Bouches-du-Rhône). Il s'attache à démontrer que cette localité
existait dès l'époque mérovingienne et qu'elle formait déjà alors une dépendante de
l'abbaye de Saint-Rémy de Reims. L'acte de l'an iioo, dans lequel on a voulu voir
la fondation du prieuré de Saint-Rémy, n'a eu pour but que d'améliorer l'étal ma-
tériel d'une fondation déjà existante.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
I
II
Le Pny, imprinuTic Marclicssou fils, houlcvard Saint- L(mra\t, Ti.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 41 - 13 octobre - 1890
Sommaire t 417. KiRSTE, Le Grihyasûtra. — 418. Klatt, Cléomène. — 419. Ku-
KULA, Le Saint-Augustin des Bénédictins. — 420. Pflugk-Harttung, Considérations
sur l'histoire. — 421. Cruise, Le Codex Paulinus de l'Imitation. — 422. Chroni-
ques de Bâle, iv, p. p. Bernoulli. — 423. Heitz, Bois gravés du xvi" et du xvii«
siècle. — 424. QuESNEL, Borromée. — 425. Batiffol, La Vaticane de Paul 111 à
Paul V. — 426. Dalimier, A propos des Précieuses Ridicules. — 427. Jadart,
Mémoires de Jean Maillefer. — 428. Lessing, Œuvres, p. p. Lachmann-Muncker,
IV. — 42g. Mme d'ARMAiLLÉ, La comtesse d'Egmont. — 430. Stern, La vie de
Mirabeau. — 431. De La Rocheterie, Histoire de Marie Antoinette. — 432. G.
Augustin-Thierry, Le capitaine Sans-Façon. — 433. De Lagrèze, Les Normands
dans les deux mondes. — 434-435. Perrero, Les derniers rois de Savoie; La
Glorieuse rentrée de 1689. — 436. Burdo, Stanley. — Chronique. — Académie
des Inscriptions.
417. — J. KiRSTE. Xhe Gr-iUyasûti-a oT Hiranyakeçio^ with ExtractS from
the Commentary of Matridatta. Vienna, Alfred Hœlder, i88q. — xii- 177-42 pp.
in-8.
Les brahmanes sectateurs du Yajurveda, qui se rattachent à la tradi-
tion de Hira?zyakeçin, avaient les mêmes textes fondamentaux (sa;;zhitâ
etbrâhmajia) que leurs confrères qui se réclament des noms plus fameux
de Baudhâyana et d'Apasiamba, Comme eux, ils reconnaissaient pour
leur Veda traditionnel le Taittirîya. Ils ne se séparaient d'eux que par
leurs sûtras, dont ils nous ont laissé une série complète, comprenant le
crautakalpa, le dharma et le rituel domestique ou grihya. En éditant
ce dernier texte, le Hiranvakeci-gvihyasûtra, M. Kirste n'avait pas à
revenir sur les rapports historiques de ces diverses écoles. Il a pu se con-
tenter de renvoyer au beau travail de M. Buhler, qui, dans son intro-
duction au Dharmasûtra d'Apastamba [Sacred Books of the East, II),
a réuni tout ce que Ton sait, et ce tout est peu de chose, sur le passé de
cette tradition probablement originaire du Dékhan. A mesure que la
littérature sera mieux dépouillée, que les résultats de la statistique
officielle et les résultats de cette autre statistique qui se dégage peu à peu
des textes épigraphiques gagneront en étendue et en précision, peut-être
obtiendra-t-on sur ce point des lumières nouvelles. Pour le moment, il
n'y avait rien à ajouter aux données recueillies et discutées par
M. Buhler.
La tâche de M. K. se réduisait donc à l'édition de son texte. Il s'en
est acquitté delà façon la plus louable. 11 a réuni et soigneusement classé
tous les matériaux manuscrits disponibles, tant pour le texte que pour
le commentaire. Il a mis à profit, en outre, toutes les ressources accessi-
Nouvelle série, XXX. 41
l86 . REVUK CRITIQUB
bles que lui offrait la littérature congénère, tant éditée qu'inédite. Enfin,
de tout cela, il a fait un usage excellent. Dans le texte du sûtra, il a
signalé les quatre chapitres qui lui paraissent être des additions posté-
rieures (I, 26 et 11, 18-20). Du commentaire, il a dû se contenter de
donner des extraits, qu'on souhaiterait parfois plus copieux, mais pour
lesquels il s'est efforcé du moins, et ce n'était sans doute pas chose facile,
de restituer une forme lisible et correcte. Un Index réunit tous les mots
employés dans le texte avec référence au chapitre et au sûtra. Ce n'est
peut-être pas assez. Pour la commodité des recherches, on regrette de
ne pas trouver un Index des mantras,et, en l'absence surtout d'une tra-
duction, un résumé des matières traitées plus détaillé que la petite table
sanscrite, beaucoup trop sommaire, placée à la suite de la piéface. Mais,
à part ces desiderata, tout le travail est fait avec soin et dénote une
expérience parfaite. Des rares fautes d'impression, bien peu ont dû échap-
per au court errata de la dernière page '. L'exécution typographique
irréprochable sous le rapport de l'élégance et de la netteté des types,
fait le plus grand honneur aux presses de la maison Drugulin de
Leipzig.
Ce n'est pas le lieu de faire ici l'analyse du sûtra, ni de le comparer aux
traités similaires. Tous ces textes, si l'on fait abstraction des suppléments
dont quelques-uns sont pourvus, ne diffèrent les uns des autres que par
le détail, et ce sont précisément ceux qui nous ont été transmis comme
partie intégrante d'une série complète de sûtras, comme le Hira«yakeçi-
grihya, qui présentent le moins de particularités. Ils se renferment
plus spécialement dans le rituel que les textes qui nous sont parvenus
isolés et qui, pour cela même, admettent parfois un appoint de matières
étrangères. On y trouve moins de ces traits dénotant des divergences
dans la coutume, plus intéressantes en général que des divergences litur-
giques, mais qui appartiennent proprement à la section du dharma.
C'est ainsi que notre sûtra, qui donne d'une façon particulièrement com-
plète le cérémonial relatif au noviciat, ne dit presque rien des règles de
conduite du novice, qui sont exposées sans doute dans l'autre section.
Pris un à un, ces textes ne nous apprennent donc pas grand'chose de
nouveau. Ce qui doit plutôt frapper, c'est leur uniformité, de quelque
partie de l'Inde qu'ils proviennent, uniformité qui contraste singulière-
ment avec la très grande diversité de coutumes qui règne de fait et, selon
toute apparence, depuis longtemps, parmi les brahmanes.
Par contre, je dois dire quelques mots d'une controverse depuis long-
temps pendante et qui s'est renouvelée à propos de la publication de
M. K. La plupart de ces textes présentent un nombre plus ou moins
considérable d'irrégularités grammaticales. Comme M. Bûhler et ses
élèves, M. K. est d'avis de les maintenir et, comme eux, il s'est attiré de
ce chef des observations de M. Bohtlingk, qui n'hésite pas à les suppri-
I. Je n'ai noie que nirùpya, p. 3, 1. 5, pour nivupya.
d'histoire et de littérature 187
mer '. Il y a évidemment dans la question du pour et du contre. Les
manuscrits des sûtras ne comptent pas parmi les plus corrects. De plus,
ils sont rarement vieux, et les commentateurs eux-mêmes, la plupart
des inconnus, de date incertaine -, ne peuvent pas non plus prétendre
à une bien grande autorité pour les temps anciens. En maintenant ces
leçons incorrectes, on court donc toujours le risque de perpétuer comme
une particularité traditionnelle, une simple faute de copiste. A priori,
et à moins d'être garanties par des exemples pris ailleurs, elles sont
toutes suspectes, et il n'en est pas une seule dont je voudrais me servir,
à l'exemple de M. Bûhler, pour faire remonter ces textes à une époque
antérieure à la fixation théorique de la langue sanscrite. Suit-il pourtant
de là qu'il faille à tout prix les faire disparaître? Je ne le pense pas et, en
principe, c''est M . Bûhler qui me paraît être dans le vrai. Quelque indiscu-
tée que soit depuis des siècles l'autorité de Pâ/zini, elle n'a pas pu faire que
sa doctrine ait été partout et toujours rigoureusement appliquée. Dans
toute la littérature classique, il y a des exemples où elle est enfreinte, et
des puristes ont pu se donner le malin plaisir d'en relever jusque dans
des vers qui passent pour l'œuvre de Pâ^ini même et qu'ils acceptaient
parfaitement pour tels. Dans les derniers écrits védiques qui, pour la
langue, appartiennent déjà au sanscrit classique, les fautes foisonnent.
Elles ont été en grande partie acceptées par la tradition, qui les autorise
en les qualifiant de chdndasa, et il en est de même des irrégularités
qu'elle a laissé Subsister dans la poésie épique. Je dis à dessein qu'elle a
laissé subsister parce que les textes épigraphiques, qui n'étaient pas tou-
jours l'œuvre de maladroits et qui sont restés, eux, tels que leurs auteurs
les avaient faits, permettent de croire que, dans les œuvres littéraires,
la tradition a beaucoup corrigé et que ces irrégularités étaient autrefois
bien plus nombreuses. Elles ont fait admettre par quelques-uns un dia-
lecte épique. Heureusement que, protégés par le mètre, se sont conser-
vés çà et là quelques barbarismes purs et simples, de nature à nous édi-
fier à cet égard. Pourquoi n'en serait-il pas de même ici, en présence
de tant d'indices qui permettent de croire que les écoles du rituel n'é-
taient pas toujours des écoles du beau langage, quand nous voyons la
critique indigène elle-même s'incliner de bonne heure devant certaines
irrégularités de ces textes qu'elle regardait comme consacrées et les faire
bénéficier de l'axiome chandovat sûtrdni? La question, telle que je la
vois, n'est pas tant de décider si ces formes sont des vestiges d'un âge
prégrammatical, si elles étaient dans nos textes dès l'origine, ce qui n'est
plus guère possible, que de savoir si, pendant un temps plus ou moins
long, elles ont été traditionnelles dans l'école. Or, sur ce point, il n'y a
pas, je crois, à hésiter. Le commentateur de notre sûtra, pour nous en
tenir à la publication de M. K., les signale comme des apapâihas, des
1. Zeitschr. d. deiitsch. Morgenl. Gescllsch.-x.i.ui (1889), p. bgS.
2. Tout ce qu'on sait de celui du Hirawyakeçi-gîihya, Mât?'idatta, c'est qu'il est
antérieur à l'année 1G12 AD., où il a été cité par Kamalâkara Bhatla.
l88 REVUE CRITIQUE
leçons incorrectes ; mais par cela même il en affirme l'existence, et, quel-
que moderne que puisse être son témoignage, comme il est bien évi-
dent que ce témoignage ne vise pas une simple faute de copiste, mais un
un fait durable d'enseignement, il a droit à être traité avec égard. 11 est
vrai qu'à côté des formes incorrectes, Mâtriditta donne les formes régu-
lières. M. K. pouvait donc, à la rigueur, hésiter sur la place qui conve-
nait le mieux aux premières, s'il fallait les recevoir dans le texte ou les
reléguer dans les notes. Mais, de toute façon, il devait les signaler, et de
manière à forcer Tattention '. Agir autrement, c'eût été faire trop bon
marché des scrupules qu'a éprouvés même la critique indigène, et contri-
buer à effacer davantage encore un chapitre de l'histoire de la langue. Il
peut nous être indifférent qu'Apatsamba ou Hiranyakeçin, personna-
ges qui n'ont peut-être jamais existé comme auteurs, au sens que le
mot a pour nous, aient été ou non des puristes. Mais il nous importe
de savoir que le sanscrit, malgré son admirable législation, n'a pas
échappé au sort commun de toute langue savante, qu'il a connu non-
seulement ces fautes
quas aiit incuria fudit
aut humayta panon cavit natura,
mais qu'il a pu subir des dépravations durables dans des milieux ins-
truits et même, dans certains cas, comme j'ai eu l'occasion de le mon-
trer ici naguère, « des règles d'usage en contradiction avec la grammaire
officielle »
A. Barth.
418. — Klatt (D' Max). Ch«"onologiselie Oemei*kungen iïber die Regie-
rungszeit des Kœiiigs Kleomenes III von Sparta (extrait du Rhein. Muséum, N. F.
xLv). Bonn, 1890, 28 p. in-8.
Cette notice est une réponse à un article de Unger (Philologus, XLVI,
1888, pp. 766-776). Unger soutenait que le texte de Plutarque (C/eom.,
c. 38, i) devait être corrigé, et que Cléomène, au lieu d'avoir régné
seize ans, de 235 à 219, n'avait régné que six ans et demi, de 227 a 221. :
M. Klatt défend l'authenticité du texte de Plutarque, et il divise sa dé-
monstration en deux parties : 1° il n'est pas vrai que les années du rè-
gne de Cléomène doivent être comptées seulement jusqu'à sa fuite en
Egypte (221) : le vaincu de Sellasie porte le titre de roi jusqu'à sa mort
(219); 2° il n'est pas vrai que Cléomène ait commencé à régner très f
peu de temps avant la guerre qui porte son nom (227) : plusieurs années
se placent entre son avènement et le début des hostilités.
Cette discussion n'est pas de celles qui peuvent se résumer en quel-
I. Par contre, M. K. me paraît être allé trop loin quand il a reçu dans son texte
des fautes que le commentaire ne signale pas expressément, comme le nitrte ab-
solument inexplicable de 11, g, 10. Ici la conjecture de M. K., iûrtam, s'imposait et
aurait dû passer des notes dans le texte. Je crois aussi, avec M. Bœhtlingk, que l'édi-
teur a eu tort de ne recevoir dans l'index que les formes incorrectes.
d'histoire et de littérature 189
ques lignes ; je remarque seulement que M. Klatt a raison quand il se
refuse à rien conclure du silence de Plutarque sur les années du règne
de Gléomène antérieures à l'année 227. Plutarque lui-même nous aver-
tit quelque part (vl/ex., i) qu'il écrit, non une histoire, mais des biogra-
phies, et qu'il lui arrive de laisser de côté des événements, même impor-
tants, qui n'apprennent rien sur le caractère, bon ou mauvais, d'un
personnage. Cet aveu du moraliste ne devrait-il pas décourager ceux
qui persistent à vouloir chercher dans Plutarque une chronologie rigou-
reuse?
Am. Hauvette,
^[Q, _ Richard G. Kdkula. Die Maurlnei* Au^gabe des Augustinus. Ein
Beitrag zur Geschichte der Literatur und der Kirche im Zeiialter Ludwigs XIV.
I Theil. Wien, 1890. Tempsky. (Sitzungsberichte der Ak. des Wiss. in Wien,
cxxi). 106 pp. in-8.
M. Kukula a été chargé de préparer un des volumes du saint Au-
gustin de la collection de Vienne. Au cours de ses recherches, il
a rencontré les études préliminaires, les pièces et la correspondance
relatives à l'édition des Bénédictins. Cet Apparatiis Benedictinorum
comprend vingt-deux volumes in-folio du fonds Saint-Germain de la
Bibliothèque nationale (lat. 11 644- 11 666). Dans l'article que nous
avons sous les yeux, M. K se borne à raconter l'histoire de l'édition;
il se réserve de revenir sur les détails techniques dans un autre travail.
La principale source de M. K. est le récit du bénédictin Thuillier,
(1726 ou 1727), dont il a retrouvé en manuscrit la première rédaction
publiée jusqu'ici fort incomplètement. Ce récit est contrôlé, commenté
et appuyé par des pièces diverses, surtout par des lettres dont M. K.
donne de longs extraits. Les mémoires de dom Thuillier reposent eux-
mêmes sur des documents contemporains : le journal de Guénier, celui
de Ruinart, des lettres et autres écrits.
Un des principaux buts de la Congrégation de Saint-Maur était
« d'inspirer du goût pour l' Ecriture-Sainte et les Saints Pères. » Il était
difficile de séparer ces deux sources de la foi catholique, l'Ecriture-
Sainte devant être interprétée conformément à la doctrine des Pères.
Cette obligation, imposée par le concile de Trente, avait eu pour con-
séquence d'inspirer le désir d'avoir de bonnes éditions des Pères, à côté
de l'édition officielle de la Vulgate. Au commencement du xvii« siècle,
il avait été sérieusement question de publier à Rome un saint Augus-
tin. A propos de ce projet, abandonné par suite de l'indifférence de cer-
tains papes, on peut rappeler le mot d'Innocent X : « non è la mia
prqfessione ; oltrache son vecchio, nonho mai studiato in Theologia ».
Ce fut sur le désir exprimé par Arnauld en 1669, que les Bénédictins
se décidèrent à entreprendre une édition complète, faite d'après les mss.
La direction en fut confiée à dom Delfau et à dom Guérard; on envoya
aussitôt une circulaire en France, en Italie, en Espagne, en Angleterre,
IQO REVUE CRITIQUE
en Allemagne, en Suisse et aux Pays-Bas pour solliciter le concours des
savants; le supérieur général, dom Audebert, dans une lettre adressée
le 17 octobre 1670, à tous les monastères français, demanda aux supé-
rieurs d'examiner par eux-mcmes ou par des personnes compétentes,
leurs mss. de saint Augustin; en 167 1, parut un prospectus complet de
l'édition. Ces appels furent entendus: en France, où le roi par le privi-
lège accordé en 1671 ouvrait aux religieux les bibliothèques dépendant
de lui ; à Rome, où le procureur de la congrégation, Durban, s'occupa
des mss. de la Vaticane pendant que l'abbé Falconieri dépouillait la
Vallicellane et d'autres collections moins célèbres; en Angleterre, d'où
les professeurs d'Oxford, Bernard et Waliis, envoyèrent des variantes ;
on n'obtint piesque rien de la paresse des moines d'Allemagne et
d'Italie, et rien des protestants de Genève. La préparation était en
pleine activité à Saint-Germain-des-Prés, quand le chapitre général de
1675 relégua soudain Delfau et Guérard à Saint-Denis, d'où ces deux
moines partirent pour l'exil bientôt après, en vertu d'une lettre de
cachet du 18 septembra 1675. Les causes de cette disgrâce sont mal
connues ; on a allégué tour à tour la jalousie de dom Tixier, le supérieur,
à l'égard de Delfau, la participation de Delfau à la composition du
pamphlet de VAbbé Commendataire (1673), les intrigues des Jésuites
rendus inquiets par la publication d'une édition critique de saint Augus-
tin. M. K. croit que tous ces motifs ont poussé Harlay de Chanvalon,
l'indigne archevêque de Paris, à solliciter du roi cette mesure de rigueur.
Les deux premiers volumes touchaient alors à leur fin. Thomas
Blampin succéda à Delfau, avec René Pasquier comme auxiliaire. L'im-
pression commença le 5 octobre 1677 chez Muguet et se poursuivit ac-
tivement, malgré les sinistres prédictions du P. jésuite Garnier qui ne
cessait de répéter à la femme du libraire « que son mari s'étoit engagé
dans une affaire, dont il doutoit fort, qu'il fut jamais bon marchand ».
On décida de dédier l'ouvrage à Louis XIV. L'épître dédicatoire, écrite
en une nuit par Mabillon, reçut un excellent accueil du roi, au commen-
cement de mars 1679. En vain les éditeurs lyonnais de la Bibliothèque
des Pères intentèrent un procès à Muguet; ils le perdirent, et Muguet,
voyant le succès démentir les prophéties du P. Garnier, doubla son
tirage et augmenta le prix des volumes.
Cependant deux capucins attaquèrent l'édition dans une lettre à Boi-
leau, doyen de Sens, parce « qu'après que messieurs du Port Royal
nous ont changé le Nouveau-Testament, les Pères Bénédictins changent
saint Augustin », parce qu'ils ont choisi la leçon « dangereuse » si iiellet
dans Enchir. 95, et qu'ils ont utilisé des mss. d'Angleterre, pays héré-
tique. Blampin réussit à se justifier; mais il eut l'imprudence de placer
en tète du De correptione et gratia, dans le x* vol., une analyse due à
la plume d'Arnauld. A l'instigation du P. de la Chaise, il fut déposé de
la charge de sous-prieur de Saini-Germain des Prés et le chapitre de 1693
l'envoya comme prieur à Reims. L'édition était achevée depuis trois ans.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE I9I
La querelle fut rouverte à la fin de 1698 par la Lettre de V Abbé Alle-
mand^ titre abrégé sous lequel les contemporains désignent ce pamphlet
dirigé contre les Bénédictins. Tout le monde accusa les Jésuites ; le con-
tenu concordait trop bien avec les jugements qu'ils portaient sur Tédi-
tion et ils firent trop bon accueil à cette brochure pour qu'on pût s^
tromper. Ils croyaient que le travail des Bénédictins mettaient en péril
le Molinisme; de plus ils n'étaient pas fâchés d'attaquer un ordre qu^
leur faisait dans le haut enseignement une concurrence redoutable : la
preuveen est dans rhistoirecurieuseducollèged'Anchin prèsde Douai, si
semblable à l'histoire, plus récente, de l'Université catholique de Dublin.
Une guerre de brochures éclata. Notons-en les deux incidents impor-
tants, deux victoires pour les Bénédictins : l'impression à Rome même
des Vindiciae de Mabillon (1699), qui furent fort bien accueillies du
pape, et l'intervention du roi qui, la même année, imposa silence aux
deux partis. Il ne fut rompu que par un dernier pamphlet, dû à la plume
d'un « Abbé savoyard », proche parent de l'^xAbbé Allemand ». Pen-
dant ce temps, Mabillon remettait trois fois sur le métier la préface
générale, long exposé de principes, et ne pouvait arriver à satisfaire les
exigences des évêques de-Meaux, de Reims et de Paris.
Là s'arrête l'intéressant travail de M. Kukula. Nous lie lui adresse-
rons que deux reproches. Il contient des longueurs, surtout au com-
mencement; les détails peu nouveaux sur le Jansénisme et sur la
préparation de l'édition officielle de la Vulgate sont parfaitement
inutiles. Il nous semble de plus qu'il a exagéré l'importance de ces
discussions, secondaires après tout, dans l'histoire religieuse du
xvii" siècle. Vouloir trouver dans le saint Augustin des Bénédictins le
pendant de V Aiignstinus de Tévêque d'Ypres et montrer dans cette
publication le point de départ de la seconde phase du Jansénisme, c'est
évidemment se méprendre. Le roi et les autorités ecclésiastiques ne s'y
sont point trompés. Malgré les intrigues et les calomnies, les Bénédic-
tins, toujours suspectés, n'ont jamais été condamnés. C'est ailleurs qu'ont
porté les coups. Les religieuses et les solitaires de Port-Royal en ont
su quelque chose.
P.-A. L.
420. — Julius von Pflugk-Harttung. Gesclifclitsbetfaehtungoo. Gotha,
Andréas Pcrthes, 1890. i vol. in-8, 47 pages.
Cette brochure contient, avec des développements nouveaux, la le-
çon d.'o\.\yQ\-i\xvc(Antrittsvorlesung) faite par M, von Pflugk-Harttung
en 1886 à l'Université de Bàle. L'auteur y montre brièvement quelles
ont été les grandes publications historiques depuis le xvi^ siècle jusqu'à
nos jours; il énumère quelles sont les qualités nécessaires à un vrai
historien (esprit historique, faculté de tout s'assimiler, application d'une
méthode sûre) ; il le met en garde contre un certain nombre d'écueils
192 REVUE CRITIQUE
(idées préconçues empruntées à une philosophie naturaliste ou idéaliste,
dangers amenés par une spécialisation hâtive, étroitesse du point de
vuej; enfin il indique quelles règles il faut suivre dans la critique des
sources. 11 y a dans ces divers chapitres, des remarques ingénieuses et
fines; mais le tout est trop condensé. L'écrivain, à force de résumer,
devient inexact; il n'a pas fait certainement aux érudits français la
place à laquelle ils ont droit. Ce sont là les défauts ordinaires du
genre; M. von P-H y a ajouté quelques-uns qui lui sont particuliers.
lia une grande érudition, beaucoup d'idées; mais il manque d'une
qualité précieuse pour un historien : la simplicité. Il est parfois tri-
vial ; plus souvent, il s'élève de terre par de hardies métaphores et
plane dans les nues. Puis, il n'est pas toujours équitable. Il montre
dans son ouvrage qu'il a des rancunes à satisfaire. Nous protestons
contre Tépithète de charlatan appliquée à Wilhelm Scherer (p. 34) ; si
les critiques formulées contre les historiens qui se cantonnent dans un
petit coin, sont en partie fondées, M. von Pflugk-Harttung oublie les
services rendus à la science par ces spécialistes : là encore, il semble
viser tel ou tel professeur. Il ne devrait pourtant rien paraître dans nos
livres de nos inimitiés ou de nos amitiés persounelles.
Ch Pfister.
4-'' — 1^'ote sur !e <:odex i^auiinus de rBmitatioit «le Jésus-Clii-ist,
par F.-R Cruise, M. D. Bruxelles, Alfred Vromant, 1890, grand in-« de i 5 p.
M. le docteur Cruise, auteur d'un remarquable Essai sur Thomas à
Kempis (Londres, 1887), déclare que, pour traiter la question de l'ori-
gine de Vlmitation, l'étude approfondie des manuscrits est de la dernière
importance; que ces manuscrits peuvent être rangés en deux groupes :
1° ceux qui ne sont pas datés; 2° ceux qui portent une date; que, pour
infirmer les droits de Th. à Kempis à la paternité de ïlmitation, ses
adversaires prétendent qu'il existe des mss. qui lui sont antérieurs; que
jusqu'ici Ton n'a pas produit un seul ms. dont la date devance la qua-
rantième année du pieux écrivain, et qui puisse en conséquence lui
enlever son rang de priorité
Après avoir présenté ces observations générales, M. C. aborde la
question particulière du Corfex Paz^//«z«, lequel porte les dates 1 884
et i385. Comme Th. à Kempis avait alors quatre ou cinq ans, il es^
évident que si Ton doit accepter ces dates comme authentiques, sa cause
est à jamais perdue. Pour le docte critique, le Codex Paulinus a été
falsifié ; il en avait eu déjà le soupçon après inspection des deux pages
photographiées que Dom Wolfsgruber a insérées à la fin de son Gio-
vatini Gerscn Ce soupçon se chaiigea en certitude quand il eut lui-
même examiné et photographié (août 1 889) le ms. en question au monas-
tère de Saint-Paul, en Carinthie. M. C. montre combien il a raison dej
refuser toute autorité au Codex Paulinus par des reproductions de]
d'histoire et de littérature ig3
quatre feuillets (folio 58 recto, folio 86 verso, folio 21 1 verso, folio 257
verso), dont l'exactitude, dit-il (p. 10), *.< ne peut être révoque'e en doute,
vu que l'artiste à qui elles sont dues est le soleil lui-même ^ ». Devant
les quatre photogravures, toute discussion est inutile : les souscrip-
tions et les dates, invoquées par les adversaires de Th. à Kempis,
ne font nullement partie de l'original, car elles sont d'une écriture
toute différente du manuscrit lui-même; elles ont donc été ajoutées
après coup; c'est l'œuvre incontestable d'un faussaire et chacun des
lecteurs de la note de M. le d"" Cruice redira de ce document indigne de
toute confiance : « Espérons que nous n'en entendrons plus parler au
cours de l'interminable controverse sur l'auteur de Vlmitation de
Jésus- Christ. •»
T, DE L.
422. — Baslei* Chronikcn lierausgegeben von der historischen und antiqua-
rischen Gesellschaft in Basel. Vierter Band, bearbeitet von August Bernoulli.
Leipzig, Hirzel, 1890, vin, 522 p. in-8. Prix : 12 mark.
Le quatrième volume de cette intéressante série des Chroniques bâ-
loises"" paraît bien plus tôt que l'on n'aurait osé l'espérer, grâce au zèle
déployé par M. Aug. Bernoulli dans sa tâche d'éditeur et aux travaux
préliminaires des précédents éditeurs. 11 renferme, tout d'abord, une
série d'Annales, quasiment officielles, consignées dans les registres du
Conseil de Bâle, et qu'embrassent les années i356 à 1548. M. B.
n'y a pas seulement joint des annotations copieuses, mais les a fait
suivre d'une série d'appendices traitant de l'importance des Rathsbucher
bâlois, des secrétaires de la ville, et de divers points spéciaux de l'his-
toire locale. La Chronique de Jean Briiglinger n'embrasse que trois
années (1444-1446), celle du curé Erhard d'Apenwiler s'étend de 1439
à 1471, et est également accompagnée de plusieurs excursus assez
volumineux (additions bâloises à la Chronique Universelle saxonne,
Annales de Pairis, etc.). A la fin du volume se trouvent quelques frag-
ments de continuateurs de la Chronique strasbourgeoise de Koenigs-
hoven, et un calendrier bâlois qui servira pour l'orientation des lecteurs
de ces chroniques. Une table des matières détaillée, ainsi qu'un petit
glossaire terminent ce volume qui fait honneur à la Société historique
de Bâle et dont le contenu intéressera tous ceux qui s'occupent de
l'histoire de la Suisse et du sud-ouest de l'Allemagne au xV siècle.
Ajoutons que M. Bernoulli nous promet le cinquième volume pour
bientôt. R.
1. M. C. aurait pu citer ici le vers de l'abbé Delille, en sa traduction de V Enéide :
Qui pourrait, ô Soleil, t'accuser d'imposture ?
2. Voy. Revue critique, 18 avril 1S74, 12 septembre 1880, 17 septembre 1888.
194 REVUE CRITIQUE
423. — OrlgliialalMlruc-U xoii Foi^niscEineider- Arbeiten des XV'I und XVII.
Jahrhunderts, ans Strassburger Druckereien, mit erlœuterndem Text herausge-
geben von Paul Heitz. Strassb., J.-H. Ed. Heitz, i8go. In-i6, yS planches.
L'imprimerie Heitz, une des plus anciennes et des plus importantes
de Strasbourg, possédait un grand nombre de bois gravés qui avaient
servi à l'illustration d'ouvrages du xvi" siècle et du commencement du
XVII*'. En 1840 une partie en fut vendue à un libraire de Paris; cepen-
dant, ce qui reste forme une collection de vieux ornements xylographi-
ques, comme il serait difficile d'en trouver une autre. Les bois sont
tous antérieurs à la fondation de la maison Heitz; ils proviennent de
différentes officines; on voudrait savoir comment et par qui ils ont
été recueillis d'abord, mais il ne s'est conservé à cet égard aucune tra-
dition.
On sait que le goût pour les livres illustrés n'est pas un des traits les
moins caractéristiques des mœurs de la Renaissance. Dès qu'on publia des
ouvrages pour les laïques, ceux-ci voulurent avoir aussi des images;
les éditeurs s'empressèrent de leur en offrir. D'abord elles sont naïves et
rudes jusqu'à la barbarie, elles trahissent des ouvriers maladroits, qui
ne connaissent pas même les règles de dessin les plus élémentaires; peu
à peu elles deviennent plus soignées, plus correctes, plus élégantes; des
artistes véritables prêtent aux imprimeurs le concours de leur talent;
sans faire toujours des chefs-d'œuvre, ils ornent certains livres de plan-
ches fort distinguées. On admire surtout, à cause de la richesse ou de
l'originalité de leurs ornements, les cadres qui entourent les titres; ces
cadres sont souvent bien supérieurs aux sujets historiques ou religieux
disséminés dans les volumes eux-mêmes. Comme ceux-ci ne sont pas à
la portée de tout le monde, M. Paul Heitz a rendu aux amateurs, par sa
publication, un service dont en ne saurait lui savoir assez de gré. Rien
dans son ouvrage n'est une copie, tout est reproduit par les bois origi-
naux. Ces nouvelles épreuves, appliquées par des procédés perfection-
nés sur du papier moins rugueux que l'ancien, sont plus nettes et per-
mettent, par conséquent, de mieux apprécier la finesse des gravures.
Pour la plupart de celles-ci, M. H. a pu déterminer les ouvrages où
elles avaient paru pour la première fois. Aucune, il est vrai, sauf peut-
être la soixante-huitième, ne remonte jusqu'au commencement du
xvie siècle ; les plus anciennes sont du milieu de ce siècle. Dans le nom-
bre il y a des morceaux d'artistes, tels que Tobie Stimmer, Josse Am-
man, Jean Bokspergen, etc., qui marquent un progrès très notable sur les
dessinateurs et les graveurs antérieurs.
Le recueil s'ouvre par quelques bois d'une Danse des morts de Holbein,
qui devait paraître à Strasbourg en I546; un peu plus loin on rencontrel
la bordure supérieure d'un almanach de i585, composition très-intéres-
sante; on sera frappé aussi de la beauté de deux encadrements, dessinés
aux titres d'un Ancien et d'un Nouveau Testament; la plupart des autres
sujets, de dimensions diverses, appartiennent soit à l'histoire biblique
d'histoire et de littérature igS
soit à celle de Rome; on remarquera enfin quelques curieux e'chantil-
lons de modèles de calligraphie. Ce beau volume de M. Paul Heitz
complète ainsi d'une manière très heureuse ceux de Butsch, Z)/e Bûcher-
Ornamentik der Renaissance Leipzig 1878, et de Muther, Die deutsche
BUcher-Illiistration der Gothik iind Frûh- Renaissance, Munich 1884,
S.
424. — Ch. QuESNEL. Le cardinal Fi'êdéric Boi-romée. Ouvrage posthume,
publié par les soins de M. Alexandre Piedagnel. Un vol. in-8 de viii-192 pp.
Lille, Société de S. Augustin, 1890.
Écrit « pour rendre respectueusement hommage à Tune des gloires
religieuses de l'Italie, » ce livre n'est guère du domaine de la critique
historique. Il se compose d'une suite de tableaux tracés d'une plume
facile, sur l'éducation de F. Borromée, le Milanais espagnol, l'Ambro-
sicniie, la canonisation de saint Charles, la famine, la peste, qui sont
trop dépourvus de références pour être vraiment utiles. Les noms ita-
liens sont souvent cités inexactement et les faits sont rapportés sans
grande critique. L'éditeur prédit au livre de son ami un grand succès
auprès des « érudits de bon aloi » : je puis lui assurer, tout au moins,
qu'il s'y trouve des histoires de brigands,., convertis qui charmeront les
âmes pieuses.
L.-G. P.
4'>.5. — La Viilicune de ï*aul lll à Paul V, d'après des documents nouveaux
par Pierre Batiffol. Paris, Leroux, 1890, in-i6 de viii-ib4 p. Prix : 3 fr.
(Petite bibliothèque d'art et d'archéologie).
I
L'histoire de la Bibliothèque du Vatican se fait par morceaux. L'œu-
vre d'ensemble, magistralement esquissée par M. de Rossi, est trop
considérable pour être terminée par un seul travailleur ; il faut que
plusieurs générations s'y succèdent; on s'y met, du reste, activement et,
dans ces recherches aujourd'hui internationales, il n'est que juste de
reconnaître, avec M. de Rossi lui-même, la part active prise par les
érudits français. Au livre de MM. Miintz et P. Fabre sur La Biblio-
thèque du Vatican au xv^ siècle^ à celui de M. Miintz sur La .6, du
V . au xvi" siècle ', à un autre encore que je trouve ici rappelé avec
bienveillance, M . Fabbé Batiffol vient ajouter une précieuse monographie.
L'ouvrage est court, agréable à lire, facile à consulter, une bonne table
tenant en partie lieu de l'index absent. 11 fait suite au travail de M . Miintz
paru dans le même format et qui s'arrêtait à Paul III, mort en 1549;
c'est à Paul III que commence M. B. et il conduit le sujet jusqu'au
pontificat de Paul V, embrassant ainsi une période de l'histoire des
I. Cf. R. C. 1887, 1, p. 88; II, p. 404 sqq.
196 REVUE CRITIQUE
collections vaticanes marquée par d'importants accroissements. Toute-
fois, c'est presque uniquement de manuscrits grecs qu'il est question
dans le récit et le livre serait plus exactement intitulé : Le fonds grec
de la Vaticanc de Paul III à Paul V.
L'enrichissement du fonds grec fut l'œuvre de trois cardinaux
bibliothécaires, tous trois appliqués à l'étude de l'antiquité ecclésiasti-
que ; Marcello Gervini, Sirleto, Antonio Carafa. Le second surtout,
à qui M. B. a consacré dans son premier chapitre une véritable bio-
graphie, a été un des prélats les plus instruits et les plus zélés de la gé-
nération qui a pris part au Concile de Trente. Sa grande correspon-
dance inédite, dont il a été parlé ici-même à propos d'un livre de
M. Dejob ', reste un monument de son activité féconde et une source
de premier ordre pour Thistoire littéraire et religieuse du xvi^ siècle.
M. B. aurait pu en utiliser moins brièvement les parties qui tou-
chaient à son sujet. Le chapitre relatif au cardinal A. Carafa, successeur
de Sirleto, est le plus nouveau ; il intéresse non seulement Thistoire de la
Vaticane à laquelle le cardinal légua ses livres_, mais celle de la philolo-
gie biblique, car on retrouve en grande partie dans la collection Carafa
les matériaux de Tédition sixtine des Septante. M. B. etiieure toutes
ces questions avec la précision rapide d'un homme qui les connaît
bien ~. La notice sur les manuscrits de Grotta-Ferrata, entrés à la "Vati-
cane sous Paul V, a déjà paru dans la Revue des questions historiques :
la rédaction en a été sensiblement modifiée 3. On reprocherait volontiers
à l'auteur le fil trop ténu qui coud ses chapitres; il nous répond que ce
sont de « simples notes » pour servir à d'autres; reconnaissons alors
que ces a notes » sont remarquablement ordonnées et rédigées ^
M. l'abbé B. fait, en effet, beaucoup de place à la narration anecdoti-
que ; il anime son livre de détails de moeurs, d'extraits de correspon-
dances, et on prendra quelque idée de son style et de son sentiment par
la phrase finale de la préface : « Si humbles, si arides trop souvent soient
ces pages, je les ai écrites avec fierté, en sentant comme tout y était à
l'honneur scientifique de cette noble domus vaticana, qui est pour nous
1. Cf. R. C. 1884, p. 460, et Lettere inédite del card. de Granvelle, Rome, 1884.
2. Parmi les documents inédits, signalons une lettre de Bellarmin à Sirleto sur les
difficultés qu'il rencontre dans ses études sur l'Ecriture (p. 29', une lettre curieuse
du cardinal Carafa sur la Saint-Barthélémy (p. 67), des fragments de lettres de Van
Linden et de Plantin à Sirleto (p. 140 sqq.), la liste des mss. grecs acquis par Cer-
vini pour la Vaticane (p. 114 sqq.; les plus nombreux ont été vendus à Venise, en
i55i, par Antoine Eparque), et le catalogue des mss. grecs du card. A. Carafa
{p. i3i sqq.).
3. Dans cette étude, comme dans celle qu'il a publiée sur les mss. du Collège giec,.
M. Batiffol fait bien augurer du travail beaucoup plus étendu qu'il imprime en cej
moment, me dit-on, sur Rossano et le fonds de mss. de ce couvent, entré égalemen|
à la Vaticane.
4. On ne s'explique pas le point d'interrogation après haviiti (pp. 22, 1 i5). P. 8r,l
la date « entre i5i4 et iSGg » n'offre pas de sens. André d'Asola n'était pas le
'.<■ gendre » d'Aide Manuce, mais son beau-père.
OHISTOIRK ET DK LITTÉRATURR IQy
tous, hommes d'église, la maison du père de famille, et avec une émo-
tion plus intime encore, au contact de ces érudits d'une si parfaite pro-
bité et d'une si pure vertu de la cour romaine du xvi« siècle. » Sera-t-il
permis à un simple laïque d'ajouter que plusieurs années de familiarité
avec le xvi^ siècle romain l'ont conduit à la même estime?
P. DE NOLHAC.
II
Cet aimable petit livre, que l'auteur appelle avec une injuste discrétion
« une modeste contribution à l'histoire de la Vaticane », est un chapitre
important et durable de l'histoire des études grecques au xvi'-' siècle. On
trouve en effet ici, à propos des collections de manuscrits grecs formées
par Cervini (Marcel II), Sirleto, Antoine Carafa ou à l'abbaye de Grotta
Ferrata et successivement entrées à la Vaticane ^, une biographie vivante
et curieuse de Cervini et de Sirleto, un tableau pittoresque des relations
de Sirleto avec les érudits de son temps, l'histoire de la formation de la
collection de Sirleto, des renseignements neufs et précis sur les copistes
de grec au xvi"^ siècle à Rome, l'histoire de l'édition Sixtinedes Septante,
enfin un abrégé d'histoire deGrotta-Ferrata. Ce rapide aperçu montre com-
mbien ce livre servira, non seulement aux bibliographes hellénistes (pour
lequel il est complété heureusement par les listes de manuscrits grecs de
Cervini et de Carafa), mais aussi aux historiens de l'humanisme en géné-
ral et de la Renaissance et à tous ceux qu'intéressent « ces érudits d'une
si parfaite probité et d'une si pure vertu de la cour romaine du xvi« siè-
cle». Peut-être plaira-t-il encore d'un charme plus intimeà tous les hôtes
de « cette noble domus vaticana qui est pour nous tous, hommes d'église
ou de travail, la maison du pèie de famille. » M. Batiffol me pardonnera
d'ajouter trois mots à sa phrase; n'est-ce-pas surtout de la Vaticane que
l'on peut dire : miiltœ siint mansiones in domo patris mei?
L. G. PÉLISSIER.
426. — Henri Dalimier. a propos des Précieuses Ridicules. Jacqueline,
Saint-Lô, 1890, 22 pages in- 12.
C'est toujours une question importante et difficile que celle des sources
de Molière : M. Dalimier vient de la résoudre en ce qui concerne les
Précieuses Ridicules, D'après lui, Molière s'est inspiré bien moins des
Précieuses de l'abbé de Pure ou du Ma'itre-Valet àt Scarron, que de
V Héritier ridicule du même Scarron. Il y a entre les deux œuvres une
analogie générale dans l'intrigue, et des ressemblances textuelles sou-
vent fort curieuses. Molière paraît même avoir systématiquement évité
I. Pourquoi M. B. ne mentionne-t-il pas la collection de Panvinio entrée à la Vati-
cane vers la même époque et qui contient quelques manuscrits grecs, dont un sur-
tout pourrait avoir une importance bibliographique : Index grcecorun voliimimim R.
'card. Grimani?
198 REVUE CRITIQUE
de jouer ensemble les Précieuses et l'Héritier. Sa supériorité reste d'ail-
leurs indiscutable, et M. Dalimier est le premier à la reconnaître.
R. P.
42y. — iilôiiioircs «le Jean MuilIePer, marchand bourgeois de Reims (i5ii-
1684), coiuiiuiés par son lils jusqu'en 1716, publiés sur le manuscrit original de
la bibliothèque de Reims, avec une introJuction, des notes et la généalogie de
la famille, par Henri Jadart. Paris, A. Picard; Reims, F. Michaud, 1890, grand
in-8 de xxxi-'i-jb.
Tout est excellent dans la publication de M. Jadart, V introduction,
\t texte, les notes, la généalogie de la famille Maillefer. Cet éloge
n'étonnera aucun de ceux qui connaisssent déjà le mérite des travaux du
biographe de Dom Mabilion et de Dom Ruinart. Je résumerai en peu
de mots Vintroduction et les Mémoires, souhaitant que mon analyse
donne quelques lecteurs de plus à un ouvrage qui mérite d'avoir des
centaines de lecteurs.
M. J. rappelle tout d'abord que l'Académie de Reims a inauguré en
iS55, sous l'inspiration de MM. E. Henry et Ch. Loriquet, la mise au
jour d'une suite de documents nouveaux tirés du cabinet des mss. de la
bibliothèque de Reims, parmi lesquels les plus remarqués furent le
Journalier de Jean Pussot^ maître charpentier en la Couture, naïf et
véiidique annaliste du temps de la Ligue, et les Mémoires de Oudard
Coquault, observateur sagace et conteur caustique des événements de la
Fronde, ajoutant qu'il devient urgent de poursuivre une série que tant
de précieux matériaux peuvent enrichir encore 1, Il nous présente en-
suite en ces termes Maillefer père et fils et leur œuvre (p. ii-iu) : « Jean
Maillefer, que l'on peut appeler l'historien du foyer et de la vie de fa-
mille à Reims au xvii<= siècle, était issu de l'une des plus honorables
maisons bourgeoises de la cité, où elle a compté des descendants jusqu'à
nos jours. L'auteur de ces mémoires est un négociant lettré, homme
avisé en affaires, qui fut surtout un honnête père de famille. C'est à ce
titre qu'il nous a laissé un document inestimable pour l'étude des an-
ciennes mœurs et des traditions domestiques, sorte de livre de raison
où il a consigné en toute simplicité et franchise le récit de sa vie. 11 y a
mêlé quelques œuvres morales, fruits de ses réflexions ou de ses nom-
breuses lectures, et son fils, marchand comme lui, y a joint quelques
renseignements analogues sur tous les siens. »
M. J-, entrant ensuite dans les détails, indique ce que contient le
I. M. J. cite pour l'avenir les Mémoires de Jean Rogier, comprenant la suite his-
torique des annales de Reims, ceux de René Bourgeois, ofl'rant la chroniqua de la
vie municipale sous Louis XIV, ceux de Dom Châtelain, présentant le tableau de la
vie des abbayes rémoises au xviiic siècle. 11 y aurait encore à publier dans un autre
genre les cartulaires de Saint-Nicaise et Je Saint-Thierry, la correspondance de
Mondoucet, résident en Hollande, etc. On voit que les vaillants travailleurs qui com-.
posent l'Académie de Reims ont, pour me servir d'une expression que ne désavoue-]
raient pas les Maillefer, du pain sur la planche.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE I 09
volumineux recueil autographe des Maillefer, incidents quotidiens de
l'existence, affaires commerciales, maladies, voyages, toutes choses rela-
tées au jour le jour. 11 n'a cru devoir reproduire l'intégralité du texte,
à raison des longueurs, des répétitions, des considérations inutiles pour
l'histoire qui s'y rencontrent fréquemment '. Mais la partie essentielle,
formant environ les deux tiers du registre petit in-f«, a été donnée par
le soigneux éditeur sous sa forme originale, avec son orthographe in-
correcte et ses singularités de tournures qui ont été toutes respectées.
La vie de Jean Maillefer racontée par lui-même nous transporte de
Reims à Paris, de Paris à Lyon, de Lyon à Paris, de Paris à Reims,
de Reims à Cambrai, Valencienciennes, Mons, Bruxelles, Anvers, etc.,
puis de Flandre en Italie, par Lyon, Avignon, Marseille. Les villes
d'Italie visitées pai" le fils du marchand de soie sont Florence, Rome, où
il baisa les pieds du pape Urbain VIII, Lorette, Ancône, Ferrare, Bo-
logne, Venise % Padoue, Parme, Plaisance, Vérone, Pavie, Milan,
etc. Le narrateur a une page d'une naïveté charmante sur son ma-
riage dont il parle avec le plus vif enthousiasme (p. 37)^. Il fut nommé
capitaine de ville en i65o et il donne, à cette occasion, diverses indica-
tions sur « ce temps de guerre civile bien fâcheux. » Le récit de son se-
cond mariage (p. 47-5o) est bien curieux. Signalons encore (p. 52) une
sédition à Reims, l'entrée de Louis XIV en cette ville (p. 55), le compli-
ment à Anne d'Autriche du narrateur qui avait l'honneur de loger la
reine en son logis (p. 56), le baptême de Philippe, fils dudit narrateur,
dont Anne fut marraine et dont le duc d'Orléans fut parrain (p. 58), la
collation donnée à la Cour par l'heureux père (p. 5g), diverses particu-
larités sur M"e de Montpensier (p. 59), le maréchal et la maréchale de
l'Hospital (p. 60), la liste de toutes les localités françaises et étrangères
(au nombre de i53) vues par Jean Maillefer (p. 71-73). La seconde par-
tie des Mémoires contient les œuvres morales, c'est-à-dire des mélanges
sur le temps, le commerce et la marchandise, la préséance entre mar-
chands, le mariage^ les voyages, les amis, les emplois, les repas, les
artisans, les Jainéants et vagabonds, portrait de feue ma mère (Made-
leine Roland), commandement à mes enfants, discours au cardinal An-
toine Barberin, conduite pour ma vie. Ces morceaux divers sont suivis
du Journalier de Maillefer père, de 1669 à 1681, et du Journalier de
Maillefer fils, de 1679 à 17 16, avec récit de la mort de son père, dis-
cours prononcé en la justice consulaire de Reims et discours funèbre
sur la mort de sa femme, Marie de la Salle.
1. Jean Maillefer, prévoyant que tout ne serait pas très attrayant dans son manus-
crit, nous donne (p. 43) cet avertissement charitable « Mon cher lecteur, sy il vous
eiinuit, vous este libre, n'aies pas plus avant, la matière n'est pas riche, et moy qu\
l'escris, je n'è peut estre pas l'industrie de la relever. »
2. M. J. se plaint (p. 18) de ne pouvoir identirier le nom de Morgue avec une dé-
signation géographique actuelle. Morgue n'est autre que Monaco.
3. Une toute petite citation donnera une idée de cet enthousiasme : « Ha! Quand
je m'en souviens, l'eau en vient encore à la bouche! »
2 00 REVUE CRITIQUE
Le volume contient (en ses premières pages) : i" une notice sur la mai-
son construite et habite'e par Jean Maillefer en i65i (rue de l'Univer-
sité, n'' 40), avec deux vues et une reproduction de la plaque de cheminée
de la cuisine, aux armes du constructeur de la maison ; 2° un tableau
généalogique de la famille Maillefer (branche de Fauteur des Mémoires),
et, en ses dernières pages : 1° l'armoriai de cette famille (avec phototy-
pied'un bois gravé du Musée de Reims); 2" la généalogie et les alliances
de la famille Maillefer (travail complet avec nombreux écussons);
3'' preuves et documents divers sur ladite famille (de l'année 1394 jus-
qu'au xix<^ siècle); 4° une copieuse table alphabétiqus des noms de
lieux, de personnes et de choses, une table de concordance du manuscrit
original avec la présente édition, enfin une table générale des matières,
T. DE L.
428. — GottUoltl Epliraîm l^ei^sîngs sa3int9iclie Scbriften, hrsg. von K.
Lachmann. Dritte Autlage. bes. durch Franz Muncker. 4" volume. Stuttgart,
Goschen, 1889. In-8, xvi et 475 p. 4 mark 5o.
M. Muncker poursuit avec le même soin et la même conscience son
édition des œuvres complètes de Lessing. Le quatrième volume ren-
ferme les premiers travaux en prose, les articles parus dans le Natur-
forscher, la Berlinische Zeitung, les Critische Nadir ichten ans dem
Reiche der Gelehrsatnkeit et le Das Neueste aus dem Reiche des
Wities. 11 contient quelques articles qui ne se trouvent pas dans
les éditions antérieures et dans lesquels M. M. a cru reconnaître
l'empreinte de Lessing,' le lessingisches Geprâge. En revanche,
M. M. rejette des articles que Redlich, Wagner, Maltzahn, Box-
berger regardaient comme lessingisch, et il en donne des raisons
souvent convaincantes. Néanmoins, il a bien fait de reproduire ces
articles en appendice ; on n'aura pas besoin de les chercher dans
Tédition Boxberger-Kûrschner. Ce fut pendant les années auxquelles
est consacré ce volume que Lessing composa sa traduction des Cap-
tifs de Plante et de VHistoire romaine de Rollin; M. Muncker a
comparé soigneusement le texte de Rollin à la traduction de Lessing, et
trouvé que ce dernier n'avait ajouté à Toriginal que deux remarques
insignifiantes ; il les reproduit p. 45 et 46. Quant aux Captifs, M. M.
en donne le texte et la préface tels qu'ils ont paru en lySo dans
les'Beitrage :{ur Historié und Aufnahme der Theaters\ mais il a
retrouvé, au dernier moment, une édition particulière des Captifs
dont l'avant-propos diffère passablement de la préface; il reproduit
donc une partie de cet avant-propos (p. xii).
A. C.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 201
^2q. — La comtesse d'Armaillé, née de Ségur. — La comtesse d'Egmont,
fille du mai-éclial lïielielieu (1740-1773). Un vol. in-12 de 3o5 pages.
Paris, librairie académique. 3 fr. 5o.
Voici un livre d'une érudition sobre et sûre, d'une marche alerte, d'un
style un peu flottant mais facile et naturel; un livre vraiment français
et féminin. Je le recommande vivement à tous ceux qui s'intéressent à
la société du dernier siècle. Il offrira aux curieux beaucoup d'enseigne-
ments, et à tout lecteur un véritable charme.
La comtesse d'Egmont est un personnage du plus haut attrait. Belle,
spirituelle, sérieuse tout ensemble et romanesque, grande dame par les
sentiments comme par la naissance, elle nous donne le spectacle d'une
âme tière, un peu désorientée dans un monde plus que frivole, où elle
figure avec éclat, effleurée quelquefois par d'éphémères calomnies, jamais
par la corruption. De toutes les influences pernicieuses la plus redouta-
ble était sans doute pour elle celle de son père, le duc de Richelieu. Di-
gnement secondée par un mari fort honnête homme (que pourtant elle
n'aimait pas. Payant épousé par unique déférence), soutenue surtout par
la pureté morale qu'elle tenait de sa mère, et qu'une forte éducation avait
développée, elle sut témoigner à ce triste père tout le respect commandé
par les bienséances, mais sans jamais s'associera aucune de ses basses-
ses. Il y avait chez elle une inflexible fermeté quand l'honneur parlait,
et nulle pression ne put lui faire courber le front devant la Dubarry.
« Peu de gens, écrivait-elle, veulent faire les sacrifices qu'une telle con-
duite exige. Quant à mon mari, j'ai le bonheur de lui voir observer la
même réserve. Nous sommes parfaitement d'accord Vous savez la
position de ce qui m'entoure (son père et son cousin d'Aiguillon)
Jugez ensuite si notre délicatesse est un vain mot, et s'il est, en France,
quelqu'un qui ait le droit de parler avec autant de fierté. » Personne, en
effet, dans la circonstance dont il s'agit ne bravait la disgrâce du maître
avec un sentiment plus désintéressé. L'acte n'était peut-être pas héroï-
que, les motifs assurément l'étaient.
^mc d'Egmont mérite une petite, mais très honorable place dans
l'histoire littéraire de son temps. Elle avait connu Rulhière comme
officier attaché au maréchal de Richelieu, quand elle était venue à Bor-
deaux aider son père à inaugurer brillamment ses fonctions de gouver-
neur. Rulhière resta sous le charme, et quand il refusa de livrer à prix
d'argent le manuscrit où, témoin oculaire, il racontait l'avènement de Ca-
therine II, c'est de concert avec M™^ d'Egmont qu'il accomplit cet acte de
haute probité littéraire. L'affaire, on le sait, prit un caractère semi-di-
plomatique ; M. de Choiseul fut obligé d'intervenir, et c'est à la requête
de M"ie d'Egmont qu'il couvrit Rulhière et son ouvrage d'une protec-
tion déguisée, mais effective. Ce point d'histoire littéraire est ici repris
en détail, éclairci et précisé. M™^ d'Armaillé nous renseigne encore avec
la même précision sur les relations entre M'ns d'Egmont et Jean-Jacques.
L'enthousiasme de M^*: d'Egmont pour l'auteur de ïa Nouvelle Héloïse
202 REVUE ClUTIQUK
coulait, on peut le dire, de source; qu'on en juge : « J'éprouve, dit-elle,
un grand plaisir à me retrouver dans mes bois. .. Ce temps de calme me
met à portée de faire des réflexions que le tumulte de Paris rend impos-
sibles. Je crois devoir le peu que je vaux à l'éducation que j'ai eue à la
campagne, et à y avoir passé plusieurs mois, chaque année, depuis mon
mariage... » Cet enthousiasme ne lui laissa, comme à tant d'autres,
apercevoir de Rousseau que les beaux côtés. Elle fut, si l'on veut, une
de ses dévotes, mais surtout une de ses bienfaitrices, sans ostentation,
sans fracas ni phrases, avec le goût délicat qu'elle portait en toutes
choses.
Il y a entin dans sa vie une page politique. Ses réflexions, son amour
ardent du bien public, la poussaient de ce côté; elle avait sur cet objet
des idées et un idéal ; elle avait lu et médité, on peut en être sûr, V Esprit
des Lois et le Contrat social : « Une monarchie limitée par des lois me
paraît, dit-elle, le plus heureux des gouvernemens. » L'amitié romanes-
que qu'elle eut pour le prince de Suède, depuis Gustave III, la condui-
sit à jouer une sorte de rôle historique. Cette partie du livre est celle où
M^ie j\\ nous apporte le plus d'informations nouvelles, et en vue de
laquelle le livre est écrit. Gustave III, pendant son séjour à la cour de
France, vit M'"e d'Egmont, etoccupa dans son cœur une place restée libre.
Elle avait trente-un ans, et lui vingt-trois. Cet amour, en quelque mesure
réciproque, a été de la part de la comtesse un attachement presque mater-
nel à certains égards, chevaleresque à certains autres, aussi pur en tout
cas que passionné. Elle s'est proposé de guider le jeune prince dans le
dédale de la politique française ; laissant aux hommes d'Éiat suédois
l'art des trafics diplomatiques, elle s'adressait à ses généreux instincts,
le mettait en garde contre les compromis avilissants, et cultivait en lui
le héros, Unecorrespondance devint la suite de ces entretiens. M.^^ d'A.
en extrait pour nous les passages les plus significatifs, et nous offre
un document fort digne d'attention au point de vue de l'histoire, plus
encore peut-être au point de vue psychologique et romanesque. L'al-
liance, dans le cœur de cette jeune femme, entre l'amour le plus chaste
et la passion politique la plus élevée, nous transporte en pleine atmos-
phère cornélienne. Au lendemain du coup d'état que le peuple de Suède a^
salué comme son affranchissement, elle écrit au jeune souverain : « Que
je vous remercie de m'avoir fait connaître le sentiment que j'éprouve!;
Il me met au dessus de moi-même! Il a doublé mon être! Il en a élevé |
toutes les facultés!.. Ah! aimez-moi! Aimez-moi toujours!... Je nej
demande que le droit de croire que vous me comptez pour quelque chosej
dans tous ce que vous ferez de grand... >■ C'est ainsi que parle la Julie de
Rousseau, j'entends avec cette emphase, mais c'est ainsi que pensent,]
chez Corneille, les Laodice et les Rodogune: l'inspiration vient de haut.j
Cette analyse fort incomplète, où j'insère à dessein quelques-uns des
fragments mis au jour par M^e d'Armaillé, suffira, je l'espère, à expli-
quer le rare agrément de l'ouvrage. C'est la biographie d'une femme^
d'histoire et de littérature 2o3
qui eut le cœur d'une héroïne; un roman vrai, touchant et triste,
Mme d'Egmont a dédaigné les joies faciles que sa condition mettait à sa
portée ; en a cherché d'autres, plus exquises et plus nobles, dont elle
s'enivra pendant un moment; elle allait en éprouver Pinconstance
quand elle mourut, à trente-trois ans; elle méritait de mourir si jeune.
En tête du volume est la reproduction de la miniature commandée
par M'^e d'Egmont à l'intention de Gustave III. Ce portrait, comme on
le verra, est l'une des pages mêmes du livre, et non la moins captivante.
La reproduction laisse deviner une œuvre délicieuse; c'est tout ce qu'on
peut dire. Après avoir rendu plein et entier témoignage au goût de
l'auteur, nous sera-t-il permis de regretter que l'exécution matérielle ne
soit pas un peu plus coquette? C'eût été « le superflu chose très néces-
saire : » il faut mettre les œuvres dans leur cadre.
L. Brunel,
4'3o. — Alfred Stern. Oas K.eben Mii-abeaus. Berlin (Cronbach), 1889, 2 vol.
in-8.
Les grands hommes sont exposés à de fréquentes variations dans les
jugements que l'on porte sur eux et ils traversent une série de phases
d'admiration et de mépris qui réagissent sans fin les unes sur les autres.
Tel est le cas de Mirabeau : décrié à ses débuts, populaire à sa mort,
honni à la chute de la monarchie, regagnant Testime au milieu de ce
siècle, il semble qu'yen l'étudiant de plus en plus près il soit menacé
d'une condamnation prochaine, qui ne sera pas non plus définitive.
Dans l'enthousiasme de la vingtième année, on peut exalter le mérite
de ses idées politiques; mais dix ans de plus suffisent à refroidir cette
admiration.
Si, en France, on a changé d'avis sur le compte de Mirabeau, en
Allemagne on lui a été presque toujours favorable, sans doute en consi-
dération de son respect pour la mémoire du grand Frédéric. Au-delà
du Rhin, plusieurs auteurs se sont occupés de lui. Cependant on ne s'y
trouvait pas au courant des derniers travaux qui permettent de le péné-
trer plus à fond. Un savant professeur zuricois, M. Alfred Stern, s'est
donné à tâche de le faire connaître et il y a fort bien travaillé. Au cou-
rant de toute la bibliographie du sujet, il a beaucoup mérité de ceux qui
parlent sa langue. Son œuvre est si exactement faite qu'à peine y pour-
rait-on relever une seule erreur matérielle; elle est si clairement écrite
que les Français eux-mêmes tiendront à se familiariser dans la connais-
sance de l'allemand en étudiant, dans son livre, un sujet qui leur est
sympathique.
Est-ce à dire que le livre de M. S. apporte des renseignements nou-
veaux? Initiés aux révélations que MM. de Loménie, père et fils, ont
tirées avec une bien sage lenteur des archives de M, de Montigny, les
lecteurs français, en dépit de Tindication de quelques manuscrits nou-
204 REVUE CRITIQUE
veaux, ne trouveront rien d'inédit dans l'œuvre du biographe zuricois.
Ce dernier ne s'est pourtant pas ménagé la peine ; il a frappé à toutes
les portes. Lui reprochera-t-on de n'avoir pas possédé le « Sésame
ouvre-toi » de ses rivaux français? Ne l'oublions pas : c'est un ouvrage
de vulgarisation qu'il s'est proposé d'écrire à l'usage des lecteurs alle-
mands.
Tel qu'il est, l'exposé des faits est excellent. Mais il cause quelque dé-
ception en ce qu'il ne laisse pas une impression satisfaisante de Mirabeau.
L'auteur ne s'en doute pas, et la cause de ce défaut c'est précisément
qu'il s'abstient d'expliquer le caractère de son héros. Les critiques alle-
mands le disent eux-mêmes. M. S. a fait une biographie impeccable,
mais il y manque un jugement définitif, la critique de l'homme même.
Sans doute, le simple récit des faits suffit d'ordinaire à juger les gens ;
celui des démêlés du père et du fils, par exemple, depuis les rectifica-
tions de feu M. de Loménie, ne peut qu'être favorable au premier. Mais
il est d'autres questions plus complexes. Que dire des querelles de
bourse de Mirabeau et de Beaumarchais? L'auteur ne semble même pas
soupçonner en cette affaire toute la vénalité des basses âmes de ces deux
grands hommes. C'est qu'il s'attache moins au côté moral qu'au point
de vue politique et littéraire, et, à cet égard, il marque admirablement
les progrés de l'éloquence et de la popularité du futur constituant. Cette
éloquence éclate dans les procès que Mirabeau soutient à Aix; on se
pressait au tribunal pour l'entendre, et, parmi les auditeurs, M. S. nous
permettra de lui signaler le jeune Vitrolles. Si nous en croyons ce der-
nier, le sublime révolutionnaire, dans l'écume de son éloquence, cou-
vrait d'une abondante rosée le futur légitimiste placé près de lui.
Pendant la Révolution, l'auteur ne reste pas moins indifférent aux
écarts de conduite de Mirabeau, chez qui l'on relève mainte preuve de
lâcheté civique et de cupidité. Il faut avoir une bien grande con-
fiance dans la fidélité des troupes royales pour croire qu'au moment
même de la prise de la Bastille leur présence à Versailles menaçait l'As-
semblée. Mirabeau ne demanda leur renvoi que parce que cette mesure
s'imposait à la Cour. A part quelques cas, que l'on réunit avec peine, il
va au-devant des désirs de la foule. Après la prise de la Bastille, lors des
journées d'octobre et des émeutes de province, la violence de son lan-
gage révolterait tout autre historien. Ce n'est pas tant aux réactionnai-
res qu'il en veut, qu'aux honnêtes défenseurs de la cause libérale, les
Necker, les Saint-Priest, les Lafayette. C'est après eux qu'il aboie, ce!
sont eux qu'il déchire pendant toute sa vie, et cela non par conviction]
politique, mais par ambition, parce qu'il veut leur place, au défaut de|
leur considération.
C'est bien là que le bât le blesse : l'estime de ses contemporains luil
échappe. Les honnêtes gens l'emportent sur lui uniquement parce qu'ils'
sont honnêtes, ainsi Lafayette et Necker, oui, Necker lui-même, « l'in-
capable Necker », qui, en dépit de la popularité de l'éloquent tribun,
d'histoire et de littérature 2o5
lui fait fermer rentrée du ministère. C'est le triomplie du caractère sur
l'esprit, triomphe facile, car le caractère est une valeur politique autre-
ment solide que l'esprit. Et quel triomphe! Tout d'abord Mirabeau
comptait sur son portefeuille ministériel pour payer ses dettes. Puis,
comme il veut à tout prix conseiller la Cour, le voilà réduit au rôle de
conseiller secret, d'un conseiller qu'on paie et qu'on n'écoute pas. A
quoi bon? On ne l'estime pas. Et le voilà livré à ce double jeu de trahi-
son : à la tribune et au club, il trahit la Cour qui l'emploie, et cela
depuis 1785 (M. Stern n'insiste pas sur ce fait), et dans ses notes à la
Cour, il trahit l'Assemblée et le peuple qui l'applaudissent et qui, jus-
qu'à plus ample informé, le croient leur homme.
On l'excuse, disant que le soin de sa popularité l'obligeait en public
à battre en brèche la cause qu'il défendait en secret. Beau moyen de
réussir, en vérité! Sans compter que les conseils qu'il donne au roi
sont impraticables : un espionnage royaliste dans toute la France révo-
lutionnaire, une guerre civile dans laquelle Louis XVI, à la tête d'une
armée, venue on ne sait d'où, attaquera Paris et le peuple et l'Assemblée,
et ainsi de suite.
Voilà ce qu'il faut blâmer ou expliquer, puisqu'il restera toujours à
l'actif du grand homme quelque chose oui n'est pas rien : l'éloquence
entraînante qui passionne les foules, à la condition, il est vrai, d'entrer
dans leurs idées; la sagacité politique qui taisait recueillir à Mirabeau,
dans son arsenal oratoire, tout le système d'une monarchie parlemen-
taire que la France acceptait, qu'il n'a pas inventé, mais qu'il a pris dans
les livres, dans les travaux de ses amis, dans l'air du temps, si je puis
m'exprimer ainsi. Et la preuve que l'idée était populaire, c'est que Mira-
beau la soutenait. Malgré tout enfin, on lui réservera une grande part
de sympathie à cause de la tendresse de son cœur, en amitié comme en
amour. C'est mémecette sympathie qui lui manquera le moins; l'admira-
tion baissera à mesure qu'on l'étudiera de plus près, à mesure aussi que
s'affaiblira l'écho d'une éloquence qui ne nous parvient plus qu'à travers
une rédaction de discours souvent pénibles à lire, plus souvent encore
écrits par d'autres que par lui.
Ainsi les facultés oratoires, les conceptions politiques, certaines qua-
lités du cœur sont hors de discussion ; mais le caractère et la conduite
demandent à être expliqués et, au besoin, sévèrement blâmés. Le simple
exposé des faits ne suffit pas. Il faut embrasser l'action dans son ensemble
et fouiller le portrait. Voilà la lacune qu'on peut déplorer dans un ou-
vrage, d'ailleurs remarquable par l'exactitude du récit, et nous le faisons
avec franchise, parce qu'un historien du mérite de M. Stern peut bien
plus facilement combler une lacune que corriger une erreur. Et pour
cela, il y a une bonne raison : chez lui l'erreur n'existe pour ainsi dire
pas.
Francis Décrue.
206 REVUE CRITIQUK
43 1. — Maxime de La Rocheterie. Histoire de Marie A.iitoiiictte. Paris,
Perrin, 1S90. In-8, 2 vols, xvi et 596 p., 596 p. i5 francs.
M. de la Rocheterie nous donne là une œuvre considérable, très
exacte, pleine de recherches étendues et consciencieuses, et qui dépasse
de beaucoup, par l'ampleur et la sûreté de l'information, le livre surfait
de M de Concourt. Il s'efforce d'être impartial; il cherche la vérité histo-
rique, et il la trouve très souvent. Pourtant, il a quelquefois trop d'en,
thousiasme pour son héroïne, et il ne dissimule pas suffisamment ses
défauts. Par exemple, il dit que la reine a été seulement « touchée »
en trouvant chez Fersen un caractère solide, une délicate réserve, un
zèle désintéressé (i. 273), et il ajoute que Mercy ne fait aucune allusion
à cette passion royale dans ses lettres d'ordinaire si minutieuses. Mais
M. de la R. connaît et il cite la lettre de Thonnête et véridique comte
de Creutz à Gustave III ; il sait que l'ambassadeur de Suède affirme le
penchant de la reine pour Fersen : « J'en ai vu, dit Creutz, des indices
trop certains. » Quant au silence de Mercy, il ne prouve rien, sinon
que le mentor de la souveraine, informé du prochain départ de Fersen
pour l'Amérique, jugeait inutile de prévenir Marie-Thérèse de cette pas-
sion naissante. D'ailleurs, le sujet était singulièrement délicat à traiter,
et Mercy, tel que nous le connaissons, ne l'aurait sûrement abordé
qu'à la dernière extrémité et devant une nécessité évidente. — De même,
dans l'affaire de Hollande, il fallait avouer simplement les imprudences
de la reine qui n'aurait pas dû intervenir (i, p. 46g et suiv.); comme
l'a dit Cachard (Histoire de la Belgique au commencement duxsm^ siè-
cle^ p. 576), Marie-Antoinette ne négligea rien pour entretenir Louis XVI
dans des dispositions favorables à Pempercur; n'écrit-elle pas à Joseph II
que le roi trouve ses demandes justes, ses motifs très raisonnables, mais
que, lorsqu'il a vu Vergennes, son ton n'est plus le même : « Il évite de
me parler d'affaires, et quand je le mets dans le cas de me répondre, il
se trouve souvent quelque nouvelle entrave qui affaiblit ce qu'il m'a dit
de bon » — Il nous semble aussi que c'est dépasser la mesure que de |||
parler du patriotisme de Marie-Antoinette dans l'affaire de Bavière
(i, p. 38i). — Enfin, le récit du 6 octobre est légèrement inexact (r I,
p. 77) parce que l'auteur a pris trop au sérieux une image emphatique de
Mounier, et qu'il passe sous silence la mort (accidentelle ou non) d'un
homme du peuple au seuil de la cour de marbre. — Mais, nous le répé-
tons, l'ouvrage a une haute valeur : il est bien divisé, écrit avec agrément
et sans lourdeur, rempli de faits et de détails de toutes sortes que l'auteur
a puisés aux bonnes sources ; n'est-il pas trop long pour le public auquel
il s'adresse ?
A. C.
d'histoire et de LITTERATURE 2O7
^32. — Le Capitaine Sans-Façon (i8i3), par M. Gilbert Augustin-Thierry.
I vol. in-i8 jés. A. Colin et C", éditeurs, 1890.
M. Gilbert Augustin-Thierry donne une seconde édition de son
roman historique Le capitaine Sans-Façon. Il ne s'est pas laissé arrêter
par les critiques sévères qui goûtent peu ce genre hybride, ni roman, ni
histoire. Il s'est plus soucié, il est vrai, que beaucoup de ses devanciers
de la peinture exacte de l'époque qu'il étudiait ; il a fait une tentative
fort intéressante de psychologie historique. Le récit de cette insurrection
du Bas- Maine qui, dans les années sombres du premier Empire, mêla
les fidèles de la Petite-Église aux Chouans, serviteurs toujours dévoués de
la cause royaliste, est mené avec beaucoup de mouvement, et en m.éme
temps avec une science curieuse des choses ignorées. Mais nous crai-
gnons que Teffort de l'auteur n"ait pas pour le genre les résultats
heureux qu'il espère. Les lecteurs qui recherchent en histoire cette vé-
rité qu'on appelle scientifique, iront droit aux documents cités en appen-
dice; les autres se contenteront du récit Les critiques seuls liront les
deux parties de ce volume, et ce n'est peut-être pas pourcux que M. Gil-
bert Augustin-Thierry l'avait écrit.
E.B.
433. — Les IVoi>niands dans les deux mondes, par G . -B. de LaGRÈze.
Paris, Firmin-Didot, 1890, xi-358 p. in-i8.
Que de fécondité chez l'auteur de ce livre ! A un âge où les survivants
du premier Empire ne songent qu'à se reposer et ne vivent plus guère
que de souvenirs, il continue à étendre le cercle de ses connaissances et
à faire part de ses études aux nombreux lecteurs qui goûtent ses essais
de vulgarisation. Magistrat, il a écrit sur le droit; né dans les Pyrénées-
Orientales, il s'est passionné pour l'histoire et l'archéologie du Béarn, de
la Bigorre et de la Navarre, qui font le sujet de la plupart de ces mono-
graphies; compatriote du fondateur de la nouvelle dynastie suédoise,
il s'était déjà intéressé aux Scandinaves avant d'arriver au présent ou-
vrage, et il avait traduit les Légendes et poèmes du roi Charles XV,
conté les aventures de la reine Caroline-Mathilde et de Struensee. Ce
n'était pas assez pour son activité; il a aussi voulu dire son mot sur
Pompéî, les Ccf.tacombes et l'Alhambra. Il y a plaisir à le voir papillon-
ner de fleur en fleur, butinant les plus belles et ne se faisant aucun
scrupule de laisser de côté celles qui ne peuvent figurer avec avantage
dans ses bouquets. On pourrait dire qu'il est doué d'une perpétuelle
jeunesse, si c'était une recommandation aux yeux des érudits ; mais ce
n'est pas deux qu'il a cure. Appliquant à la composition le précepte que
Buffon formulait relativement au style, il s'attache surtout à ce qu'il y
a de plus général. Son but est de vulgariser, et il le fait avec succès,
sachant saisir partout ce qu'il y a de plus caractéristique. Dans aucune
littérature, pas même dans celles du Nord, il n'existe de tableau aussi
208 REVUE CRITIQUE
large de l'œuvre des Normands. Après les avoir étudiés chez eux, il les
suit dans leurs expéditions en Russie, en Angleterre, en France, en
Allemagne, en Espagne, en Afrique, en Italie, en Grèce, en Syrie et
jusqu'en Amérique. 11 ne faut regarder que Tensemble ; il y aurait trop
à dire si l'on voulait éplucher les détails. Ce serait, d'ailleurs, peu équi-
table; on ne doit pas demander à Técrivain autre chose que ce qu'il se
propose de donner. On ne voit chez lui aucun apparat pour jeter de la
poudre aux yeux, aucun désir de se donner un faux air de savant. C'est
aux gens du monde qu'il s'adresse; il y aura tout profit pour eux, en
faisant une lecture agréable, de prendre une idée de ce qu'était le plus
récent des peuples qui ont formé la nationalité française.
E. Beauvois.
434. — Perrero (Domenico). Gll ultimi i-eitli <li ^avoîa del i-aiiio pi>iiiJO>
genlto. Appendice : Replica al marchese Costa de Beauregard. Nuovi appuat
e Documenti. Un vol. in-8, 282 pp. Turin, Casanova. 2 frs.
435. — Il Itîiiipiiti-io del Valdesi del 1689 e i suoi cooperatori. Saggio storico
su Docamenti inediti. Un vol. in-12, de 102 pp. Turin, Casanova, 1889. 75 c.
M, de Beauregard, souvent pris à partie par M. Perrero dans
l'ouvrage dont nous avons récemment rendu compte ici même, lui a
adressé une Réponse à propos de son livre, publiée chez Pion, mais
vendue seulement hors de France. (Pourquoi?). Perrero réplique à son
tour, et le présent volume est charmant d'entrain et de verve. Il se
défend d'OiVoiT diminué Va hgure de Charles-Albert (pp. 27-38); il relève
les erreurs et les fausses assertions de Costa au sujet du mariage de la
princesse Béatrice et du duc de Modène (pp. 100-114), au sujet de Victor
Emmanuel !«'" (pp. 114-130), de la reine Marie Thérèse; il l'accuse
d'avoir altéré la fameuse dépêche du 8 octobre 1814 (pp. 137-145),
d'avoir commis au sujet des deux Marie Thérèse (la reine mère et la
duchesse de Lucques) « un famoso qui pro qiio », de s'être trop fié aux
mémoires et aux documents d'archives privées, et, en somme, de
n'avoir rien compris à la physionomie historique de Charles-Albert
(p. 170). Les pages 177-232 sont consacrées à M. Poggi qui se plai-
gnait d'avoir été pillé par Costa, et Perrero ne le turlupine pas moins
que son prétendu plagiaire. C'est une polémique bien amusante, mais
il ne faudrait pas qu'elle durât plus longtemps.
— Dans sa plaquette sur la G/or/ez<5e rentrée de 1689, M. Perrero
démontre au moyen de documents inédits des Aichives de Turin que
le ministre Arnaud doit partager avec le cap. Turrel et Josué Janavel
l'honneur d'avoir conçu et dirigé l'expédition, et qu'il a tronqué
le manuscrit de Reinaudin, dans son édition de 1710 pour augmenter
sa propre importance. M. P. publie en appendice le texte très important
des Instructions de Janavel aux Waudohpour attaquer les Vallées avec
les armes et des notes sur les prisons des ministres vaudois sous le
règne de Victor- Amédée II.
L. G. P.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 200
436. — Stanley, par Burdo. (Paris, Kolb, s. d., in- 12).
Tout le monde n'a pas le loisir de lire et la facilité de se procurer les
dix gros volumes dans lesquels Stanley a fait le récit de ses aventures ; il
est cependant peu de personnes qui ne désirent savoir à quoi s'en tenir
sur le compte du plus hardi des explorateurs; Touvrage de M. Burdo leur
donnera satisfaction ; c'est un intéressant résumé, qui décrit d'une plume
alerte Thomme et les péripéties de son existence agitée. Tout en rendant
justice à rindomptabls énergie du voyageur, M . B. sait voir et montrer
les côtés défectueux de ses entreprises : il l'accuse d'avoir, par sa morgue
et sa cruauté, aliéné à jamais les indigènes, et détruit le commencement
de civilisation que Livingstone y avait apporté. Pour nous, ces reproches
sont fondés. Terminons en disant que ce volume est le premier d'une
série intitulée Bibliothèque du Journal des voyages.
H. û. DE G.
CHRONIQUE
FRANCE. —M. Ch. Ravaisson-Mollif.n poursuit avec persévérance et conscience
sa publication des manuscrits de Léonard de Vinci. Il vient de donner les ms. G, L
et M (Quantin, 420 p. i5o fr.). On trouvera dans cette livraison de remarquables
dessins : une tête de cheval (G), des personnages et des représentations allégoriques
(L et M). Sous le texte d'une des feuilles du ms. L, est un des premiers croquis de
la Cène. Les trois mss. offrent d'ailleurs nombre de maximes, d'allégories, de facé-
ties. G oftre les parties les plus importantes du traité de la peinture et notamment
l'élude du paysage; on y remarque aussi des observations sur les yeux des animaux,
les muscles, le cœur de l'homme, l'eau, la réflexion du soleil à la surface de la lune,
la mesure de la vitesse des navires, le vol des oiseaux et des insectes. L présente de
copieuses notes sur le vol artificiel et naturel, sut la perspective, le pelage du cheval,
la fortification et les ponts. M contient aussi des calculs et des remarques mécani-
ques.
— M. Tamizey de Larroque a publié tout récemment et tiré à part (Annuaire-Bul-
letin de la Société de l'Histoire de France, XXVL P- 121- 126), une Lettre de Peiresc
à son relieur Corberan. Ce Corberan, très habile en son métier et nommé par Gas-
sendi « ingeniosus glutinator», reçut en i63o, comme dit M. Tamizey de Larroque,
« une des plus belles lettres qui aient jamais été écrites par son maître ». Ce dernier
était à la campagne et craignait le pillage de sa maison envahie par les émeuliers;
c'est alors qu'il écrivit à Corberan « une sorte de protestation où est exprimée, avec
une simple et forte éloquence, l'indignation de l'homme de bien méconnu, du bon
citoyen calomnié, du bibliophile menacé dans l'objet de ses plus tendres affections. »
— Nous recevons trois nouvelles brochures de M. André Joubert : 1" un compte-
rendu du livre de M. Lair sur Foucquet; 2" un curieux travail sur les lanternes à
Angers sous l'ancie)i régime, xvii'^-xviu' siècles (Angers, impr. Lachèse et Dolbeau,
in-S", 16 p.); 3° un Rapport inédit de deux commissaires nationaux, La Chevardière
et Minier, à la Commune de Paris (Vannes, impr. Lafolye. In-S», 8 p.). Ce rapport,
daté de Saumur, i3 mai 1793, est un important document; M. Joubert l'accompagne
de notes instructives.
210 REVUE CRITIQUE
ALSACE. — Vient de paraître à Mulhouse, le Bulletin du Musée historique pour
l'année iSSg; il contient les articles suivants : X. Mossmann, La sécularisation du
prieuré de S. Pierre à Colniar ; E. Meininger, Une chronique suisse inédite du
xvi<" siècle ; E. Waldner, Médecins et pharmaciens d'autrefois à Colmar.
— Paraît en même temps à Colmar le XVe Rapport de la Société Schœngauer, par
Ed. Fleischhauer ; il y est question de la Madone au buisson de roses qui se trouve
à l'église Saint-Martin et qu'on attribue à Schœngauer.
— On nous écrit à propos de l'article que nous avons consacré au Fischart de
M. Besson fil" 3i) : « La Revue trouve bien court le chapitre sur la vie de Fischart,
et M. Besson dit lui-même que les vieux parchemins ont opiniâtrement gardé leur
secret. Encore faut-il les consulter. M. Seyboth, dans son Alt-Strassburg, rapporte
que Fischart logea vraisemblablement jusqu'en i583, au n" Sg de la rue des Grandes-
Arcades. En i5g9, Hans Fischer voîi Trier, épicier, et Elisabeth de Bensheim, achè-
tent le coin de la rue des Dominicains {3g, Grandes-Arcades), des créanciers de Jéré-
mie Faber. Von Trier a remplacé dans l'acte von Main:[ qui a été effacé. En lôgS
George Kirchhoff, tuteur des enfants de Bernard Jobin et des enfants de Jean Fis-
chart, docteur en droit, vend à Albert Ackermann, épicier, la maison d'angle de la
rue des Dominicains, que le docteur Fischart avait promis de lui vendre dès i58g.
De iSgg enfin, date un inventaire de la succession du docteur Fischart, dit Mentzer.
M. Seyboth ne désespère pas de trouver de plus amples renseignements dans les
archives municipales de Strasbourg. »
ALLEMAGNE. — Livres à paraître ou qui paraissent chez Teubner, à Leipzig :
Kalb, Roms Juristen nach ihrer Sprache dargestellt ; — Philodemi volumina rheio-
rica, p. p. Siegfried Sudhaus; — Synonyma Ciceronis, rec. et illustr. J. W. Beck ; —
Gesammelte Aufsœt:{e u. Vortrœge ^ur deutschen Philologie und :{um deutschen Un-
terricht, par Rud. Hildebrand; — Lexicon Petronianum, par J.Segebade ; Die grie-
chischen Volksbeschlùsse,epigraphische Untersuchungen, par H. Swoboda ; — Kor-
kyrœische Studien, Beitrcege ^lo- Topographie Korkyras u. ^ur Erklœrung des
Thukydidcs, Xenoplion und Diodoros, par Bernhard Schmidt ;— Georgii Cyprii des
criptio orbis romani, ace. Leonis imperatoris diaiyposis genuina adhuc inedita, p.
p. H. Gelzer ; — Epicteti dissertaiiones ab Arriano digestae, rec. H. Schenkl.
— L'édition de r.4)i)io/fe<i dans les «MonumentaGermaniae » a été confiée à M. Max
Roediger.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 1 2 septembre 18 go.
M. Siméon Luce, par une nouvelle lettre, signale à l'attention de l'Académie une!
brique émaillée, provenant du tombeau de Louis d'Estouteville, et qui a appartenu!
jadis à M. Léopold Delisle. 1
M. Déroche, terminant la lecture de son mémoire sur Saint-Rémy-de-Provence,l
expose l'histoire de cette ville pendant la dernière partie du moyen âge. U repousse,!
en outre, l'opinion qui identifie Saint-Rémy avec les anciennes localités de Glanutra
et de Fréta. j
M. l'abbé Batiffol lit une note sur la chronique arabe de Sicile connue sous H
nom de Chronique de Cambridge 11 montre que cet ouvrage n'est autre chose que
l'adaptation musulmane d'une chronique grecque chrétienne, dont il a retrouvé des
fragments manuscrits à la Bibliothèque nationale.
d'histoire et de littérature 211
M. Ch, Grellet-Balguerie communique une étude sur l'annotation chronologique
du prêtre Lucerios, inscrite sur le plus ancien manuscrit de la chronique dite de
Frédégaire, à la Bibliothèque nationale. Il estime que cette annotation a été écrite
au mois d'août 674, indiction II, l'an IV du règne de Dagobert II ((370-fxSo).
M. Opperl communique l'analyse d'un contrat, rédigé en caractères cunéiformes,
par lequel une femme cède à sa fille la nu-propriété de toute sa fortune et s'en
réserve seulement l'usufruit sa vie durant. Cet acte témoigne, dit M. Oppert, de la
liberté civile dDnt jouissaient les femmes à Babylone.
Ouvrage présenté par l'éditeur : Le Mahdvastu, texte sanscrit, accompagné d'in-
troductions, etc., par E. Senart, tome II.
Séance du ig septembre i8go.
M. Grellet-Balguerie fait une communication sur le poème du Waltarius, épopée
latine du moyen âge relative à un prince d'Aquitaine. L'auteur de ce poème s'appe-
lait Géraud et a dédié son œuvre à son frère, l'évêque Archambaud. On tient ordi-
nairement cet auteur pour un Allemand. M. Grellet-Balguerie estime que c'était un
moine de Saint-Benoît-sur-Loire, qui vivait au x^ siècle et dont nous possédons
d'autres œuvres en vers. Il rapporte à ce Géraud une épitaphe mutilée, conservée à
Saint-Benoît-sur-Loire, et il identifie l'évêque Archambaud, à qui est dédié le "Wal-
tarius, avec Archambaud de Sully, archevêque de Tours vers 984. Enfin, il pense
qu'un certain Tifrid, qui a mis à la fin du manuscrit du Waltai ius conservé à Paris
une souscription plaisante (expUcit liber Tifridi episcopi crassi de civitate nulla),
est le même que Tedfrid, abbé de Saint-Florentin de Bonneval vers 1010, déposé,
vers 1017, par l'évêque Fulbert de Chartres.
M. Oppert lit une note sur Un passasse de Plolémée et sa source babylonienne. Il
s'agit d'un passage où Ptolémée mentionne une éclipse de lune, observée à Jiabylone,
l'an 7 de Cambyse ou 225 de Nabonassar, dans la nuit du 17 au 18 du mois égyp-
tien de Pamenoth, une heure avant minuit. Ce renseignement, ainsi que les autres
du même genre qui se trouvent dans Plolémée, avait été emprunté par lui à Hip-
parque, et celui-ci avait eu à sa disposiiion des textes chaldéens qu'il s'était fait ex-
pliquer. En ce qui concerne l'éclipsé en question, le texte cunéiforme consulté par
Hipparque a été retrouvé et vient d'être publié par le P. Strassmaier (Babylonische
Texte, inscription s de Cambyse, n" 400). Il y est dit que la lune fut éclipsée le i4Tham-
muz de l'an 7 de Cambyse, 3 heures et 12 après la tombée de la nuit. Celte date et
celle que donne Ptolémée répondent au 16 juillet 523, selon le calendrier julien. On
peut tirer de là une fixation plus précise pour certaines dates de la chronologie perse.
11 en résulte, en elVet, dit M. Oppert, que la mort du faux Smerdis et l'avènement de
Darius doivent être placés en octobre 52 1, et l'avènement de Xerxès postérieurement
au mois de septembre 485.
Ouvrage présenté par M. Bréal : Duvau (Louis), Ciste de Préneste (extrait des Mé-
langes de l'Ecole française de Rome).
Julien Havet.
Séance du 26 septembre 18 go.
M. Edmond Le Blant lit un mémoire Sur trois statues cachées par les anciens.
Trois des plus belles statues de l'aniiquité païenne, aujourd'hui conservées dans
nos musées, ont été découvertes dans des réduits obscurs où les anciens les avaient
cachées : la Vénus du Capitole, dans un mur du quartier de Suburra ; la Vénus de
Milo dans un caveau étroit, au coin d'un rempart; le colosse d'Hercule en bronze
doré, dit l'Hercule Mastaï. que renfermait, à 8 mènes sous terre, une petite fosse
murée et construite avec beaucoup de soin.
Ce ne sont pas l<à des hasards. Des textes, cités par M. Le Blant, prouvent que les
idoles furent ainsi cachées à dessein, au moment du triomphe du christianisme,
par les païens qui voulaient les sauver d'une destruction à peu près certaine. Ces
dévots de la vieille religion mettaient d'autant plus de zèle à préserver les images de
leurs dieux, qu'ils pensaient que la victoire du christianisme était éphémère et que
l'ancien culte serait bientôt rétabli. Une prédiction, répandue parmi eux, affirmait
que le règne du christianisme ne durerait que 365 ans. De toutes parts, on s'appli-
qua donc à dissimuler les idoles, et les chrétiens virent là l'accomplissement d'une
prophét'e d'isaïe : AbsconJent Deos suos in speluncis et cavernis pelr rum, neque
ibi celabunt eos. Souvent, conformément à ces derniers mots, les cachettes furent
découvenes et les images furent, tantôt détruites, tantôt simplement « désatîectées »
et utilisées, comme de simples objets d'art, pour la décoration des édifices publics.
M. Michel Bréal lit une élude sur la prononciation duc en latin. La plupart des
linguistes admettent que le c, dans la langue latine, a conservé jusqu'à la fin de l'an-
tiquité, même devant les voyelles e ou i, la prononciation du k. M. Bréal conteste
cette assertion. Il indique diverses raisons de croire que, de très bonne heure, la
212 RKVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTERATURE
prononciation du c devant Ve ou 1'/ se modifia et que cette lettre prit, dans cette
position, un son intermédiaire entre le k ci le ci italien.
M. Deloche rappelle que, dans un mémoire lu à l'Académie, il a étudié un vase
gaulois du temps de Justinien, qui porte une inscription où le mot officina est écrit
IFIKINA.
M. Bréal incline à voir, dans l'exemple cité par M. Dcloche, une simple faute de
gravure. Au temps de Justinien, la syllabe ci ne se prononçait certainement plus
comme ki.
M. Grellet-Balguerie communique une noie sur l'emploi de l'ère chrétienne en
France au vn"^ siècle. Il combat l'opinion commune, selon laquelle l'ère chrétienne
ne tut d'un usage habituel qu'à partu- de la seconde moitié du vin' siècle, et il sou-
tient qu'on rencontre, dès le siècle précédent, de nombreux exemples de cette taçon
de dater. Le plus ancien de ces exemples serait de 632, sous le règne de Dago-
bert I^'.
M. Oppert, continuant sa lecture sur l'interprétation des données chronologiques
contenues dans les tablettes babyloniennes, critique la traduction proposée par le
P. Kpping, au sujet de certains tableaux d'observations lunaires. Là où le savant
jésuite a voulu voir des indications de degrés, M. Oppert ne reconnaît que des chif-
fres d'heuies, et il montre que ces chiffres sont en accord exact avec les constatations
des astronomes.
Ouvrages pr^'sentés : - par M. Delisle : i° Omont (Henri), Catalogue des manus-
crits grecs des bibliothèques des villes hanséatiques, Hambourg, Brème et Lubeck
(extrait du Centralblatt Jiir Bibliothcksivesen) ; 2" le même. Catalogue des manus-
crits celtiques et basques de la Bibliothèque nationale (extrait de la Revue celtique) ;
3" LE MÊME, Inventaire sommaire des manuscrits de la collection Renaudot, conser-
vée à la Bibliothèque nationale (extrait de la Bibliothèque de l'Ecole des chartes);
4° Douais (le chanoine C. ), les Manuscrits du château de MerviUe ; — par M.Siméon
Luce : Marin (Paul), Jeanne Darc tacticien et stratégiste, tome IV.
Julien Havet.
Séance du 3 octobre 18 go.
M. Léopold Delisle donne lecture d'un mémoire sur les traductions françaises de
l'ouvrage de Pétrarque : Remèdes de l'une et Vautre Fortune. 11 distingue deux tra-
ductions : l'une, exécutée pour Charles V, vers i^yS, imprimée en 1524, ei attribuée
à tort par les bibliographes modernes à Nicole Oresme, est de Jean Daudin, cha-
noine de la Sainte-Chapelle; l'autre fut faite en i5o3, pour Louis XII, par un auteur
dont le nom n'est pas connu,
M. Hamy signale les fouilles dirigées par M. le D"' Verneau, du Muséum d'histoire
naturelle, sur le territoire de la commune des Mureaux, près Meulan (Seine-et-Oise).
On a mis au jour une allée couverte, comprenant une chambre sépulcrale et un
vestibule, et renfermant de nombreux squelettes accroupis, accompagnés de divers
objets en os, en silex, etc. Les enfants étaient inhumés à part, contre une_ des
parois du monument. Les matériaux employés sont gigantesques; la chambre sépul-
crale mesure 9 mètres de longueur, i m. 60 à 2 m. lo de largeur et i m. 55 à
I m. 60 de hauteur. — L'entrée de la galerie a été en partie démolie lors de la
construction d'une voie romaine, qui passe immédiatement au-dessus du vestibule
d'entrée du monument. Ce fait suffirait à démontrer, s'il en était encore besoin,
l'antiquité relative des deux ordres de construction — On a rencontré, aux envi-
rons, diverses aniiquités de l'époque romaine, notamment un petit édifice carré,
couvert de peintures, où l'on distinguait encore, entre autres figures, une sorte de
phénix polychrome.
M. Deloche continue la lecture de son mémoire sur l'histoire de la ville de Saint-
Remi-de-Provence .
M. Wallon, secrétaire perpétuel, annonce qu'en vertu d'une décision prise par
l'assemblée générale des cinq académies, un même ouvrage ne pourra désormais être
présenté à la fois à plusieurs concours de Tlnstitut.
M. Louis Batiffol communique une étude sur la magistrature du prévôt des mar-
chands, à Paris, à la fin du xiv^ siècle et au commencement du xv^ siècle. Il expose
que, sous le règne de Charles VI, la municipalité parisienne et toutes les libertés
de la ville furent supprimées par l'autorité royale. Pendant plus de vingt ans, de
I i3g à 141 2, les fonctions du prévôt des marchands furent exercées par un commis-
saire ou délégué du gouvernement, une sorte de vice-prévôt. Les Parisiens, cepen-
dant, conservèrent l'habitude de considérer le prévôt des marchands comme le
véritable chef du peuple de Paris.
Ouvrage présenté, de la part de l'auteur, par M. Siméon Luce : Gasté (Armand),
la Jeunesse de Malherbe, documents et vers inédits.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N^ 42 — 20 octobre — 1890
Sommaii-e t 437. La science la robe au vent. — 438. Ethé, Catalogue des ma-
nuscrits persans de la Bodléienne. — 439. Spanhogue, Corrections à Cicéron. —
440. Reich, Institutions gréco-romaines. — 441. Castelli, Histoire des Israélites.
— 442. Vernes, Précis d'histoire. — 443. Journal de la Société finno-ougrienne.
— 444. Gasquet, Etudes byzantines. — 443. Zeller, Histoire d'Allemagne, vi. —
446-447. De Marsy, La fausse Jeanne d'Arc ; Pierre Cauchon. — 448. Fournel,
Les hommes du 14 juillet. — 449. Berthelé, Les arts en Poitou. — 45o. Lecoy
de la Marche, Les sceaux. — 45 1. Inventaire général des richesses d'art de la
France. Paris, monuments civils, 11. — 452. Triger, Eugène Hucher. — 453.
Petroz, La peinture au musée du Louvre. — 454. Wolfram, Une statuette de
Charlemagne. — 455. Bover, Les enceintes de Bourges. — Chronique. — Acadé-
mie des Inscriptions.
437. — La Science In Robe au Vent. Promenades buissonnières en cinq par-
ties. Souvenirs du VIU' Congrès international des Orientalistes Stockholm-
Christiania, 1889, en prose, en verset en latin, par l'original du portrait. Fron-
tispice. — Leiden, E. J. Brill, 1890, petit in-8, pp. viii-88 -f 12 p. de musique.
4 francs.
Je transcris in extenso le titre de ce joli volume parce qu'il indique la
nature de l'aimable fantaisie que vient de nous donner M. Olivier
Beauregard sous le voile de l'anonyme. Malgré quelques notes scienti-
fiques, cette publication n'est pas justiciable de la grave Revue critique.
Les Français qui sont allés au Congrès des orientalistes en Suède et en
Norvège l'année dernière, se rappellent le vieillard alerte, qui par sa
gaieté ec son entrain a grandement contribué à abréger de longues
heures de route; il veut évidemment, aujourd'hui, laisser à ses anciens
compagnons de voyage un keepsake rappelant d'agréables heures passées
ensemble. Nous le remercions de tout cœur.
Henri Cordier.
438. — Catalogue of tlie Per-sîan, Turkish, Hindûstânî, and Pushtû Manus-
cripts in the Bodleian Library, begun by Professor Ed. Sachau, Ph. D. of the
University of Berlin, continued, completed and edited by Hermann Ethé, Ph. D.,
Hon. M. A. Part I, The Persian manuscripts, Oxford, at the Clarendon Press,
1889, I vol. in-4, xii-ii5o pages.
Le catalogue des manuscrits persans de la Bodléienne fait un digne
pendant à celui du British Muséum. Les deux collections sont à peu
près aussi considérables : celle du Muséum compte, ou du moins comp-
tait, quand l'impression du catalogue fut achevée (i883), deux mille cinq
cent trente-six manuscrits; celle de Bodley en compte deux mille trente-
Nouvelle série, XXX. 4a
2 14 REVUE CRITIQUE
huit. La rédaction de Pun et l'autre catalogue a été confiée aux deuj
savants d'Europe qui possèdent le mieux cette vaste littérature, pour
l'un au D"" Rieu, pour l'autre au D^ Ethé.
M. Ethé a été chargé de rédiger le catalogue des manuscrits persans,
turcs, hindùstânîs et pushtûs de la Bodléienne. Le présent volume
comprend le catalogue persan : le second volume décrira les manuscrits
turcs, hindùstânîs et pushtûs et comprendra les divers index et Thistoire
des diverses collections qui ont contribué à former le trésor oriental de
la Bodléienne. Le catalogue avait été commencé par le D"" Sachau qui
avait rédigé la partie relative au fond Ouseley et aux manuscrits Zo-
roastriens (lesquels appartiennent pour la plus grande partie au fonds
Ouseley). Mais M, Sachau quitta Oxford vers 1872 pour aller professer
à Vienne, et M. Ethé, professeur de langues orientales à l'Université de
Galles (collège d'Aberyswith), a repris son œuvre. Après près de quinze
ans de travail, il vient de la terminer.
L'œuvre de M. Ethé diffère essentiellement de celle de M. Rieu. Ce
qui fait le charme particulier du catalogue du British Muséum, c'est
qu'il constitue en même temps comme une histoire de la littérature
persane. M. Rieu a réuni sur chaque auteur tous les détails historiques
et littéraires essentiels, de sorte qu^en attendant l'histoire de la littéra-
ture persane que nous promet M. Ethé, le catalogue de M. Rieu peut
y suppléer dans une certaine mesure. M. Ethé, écrivant après M. Rieu,
n'avait pas à refaire Tœuvre de son prédécesseur et s''est contenté d'y
renvoyer, 11 s'est strictement renfermé dans l'analyse des manuscrits,
se bornant à donner le nom et la date de l'auteur, la date de la compo-
sition de l'ouvrage et celle du manuscrit : pour toutes les questions
d'histoire littéraire, il renvoie aux travaux qui peuvent exister sur le
sujet et dont il donne une bibliographie très complète. Même quand il
s'agit d'œuvres inconnues avant lui et sur lesquelles il a apporté des lu-
mières nouvelles, il se contente de renvoyer à ses mémoires sans en don-
ner le résumé. Dans quelques cas rares seulement il s'écarte de cette
règle ; par exemple, dans la description du n° 1422, qui contient tant de
traités philosophiques intéressants, entre autres une traduction du Ilept
Wuyr^ç d'Aristote, qu'il attribue à Avicenne, et un commentaire sur un
apocryphe philosophique, le risâlai ^ûra de Zoroastre, qu'il attri"
bue à un contemporain zoroastrien d'Ibn Sinâ; dans la description
du n"^ 97 (Chronique universelle écrite sous Humâyûn), ou dans t
la description du n» 1576 le Dhakliirahi Kh)pdri:^mshâhî, la pre-
mière encyclopédie médicale de la Perse, rédigée au commencement
du xii'' siècle. Nous nous tromperons peu sans doute en attribuant
à M. Sachau les articles de ce genre, qui la plupart d'ailleurs se
rapportent au fond Ouseley; mais nous ne pouvons nous empêcher de | j
regretter que M. Ethé n'ait pas suivi ce modèle. Dans les 1,146 pages de '[
ce catalogue, il nesortdu style d'inventaire que dans deux occasions : une
fois pour décerner l'épithète d'inimitable au poème de Firdousi, sur qui
•I
d'histoire et de littérature 2 I 5
pourtant ses recherches ont amassé tant de faits nouveaux qui auraient
intéressé le lecteur, et une autre fois pour défendre contre le catalogue
du Brilish Muséum la respectabilité d'un poème mystique de Hilâlî
traduit par M. Ethé (le Shah u Gadd). Mais il faut accepter Pœuvre de
M. Ethé telle qu'il Ta conçue, et en ce sens elle est le modèle du genre.
Il nous dédommagera dans son Histoire de la littérature persane.
Un catalogue ainsi conçu prête peu à l'analyse. Il y aurait à mettre
en lumière les raretés de celte collection : mais M. Ethé le fera mieux
que personne dans l'introduction de son second volume, ayant eu au
cours de son travail à passer en revue en détail les richesses des grandes
collections d'Europe, déjà cataloguées, et à part celle de Paris, qui le
sera bientôt, la plupart le sont déjà. Bientôt il sera possible de faire un
catalogue des catalogues et de dresser un index général de la littérature
manuscrite de la Perse en Europe. Si jamais un nouveau congrès des
Orientalistes se réunit, il devrait bien prendre des mesures pour ame-
ner la rédaction d'un index international de ce genre pour les divers dé-
partements de Torientalisme : ce serait après tout le moyen de rendre
utile cette institution étrange.
Voici quelques notes prises au courant de la plume.
N° i6 Tabaqât îNdsirî; on s'étonne quedanslabibliographieM. Ethé,
qui mentionne les fragments traduits par Elliot dans son Histoire de
l'Inde, ne mentionne pas la traduction complète bien connue du colonel
Raverty, 2 vol. 1881.
No 33. Premier volume du Ta rikh de Hâfiz Abrû, une des raretés
de la collection.
N° i33. Zafar-nâma de Sharaf-aldîn ; histoire de Tamerlan ; ajouter à
la Bibliographie l'édition de la Bibliotheca Indica, 1887 et suite.
N" 221. Tif{uki Jahângïrî, Mémoires de Jahângîr ; une édition a été
publiée par Sayyid Ahmed, le chef du parti libéral musulman, à 'Alîgarh,
1864.
N" 384, p. 286 : le texte complet de Minocihri a paru depuis, avec
traduction et commentaire par M. Kazimirski, Paris, 1887.
N° 493. Shah Nâma. Signalons ici, à propos de l'importance spéciale
que semble accorder M. E. à la préface dite de Bàisunghar, une erreur
traditionnelle, réfutée il y a plus de soixante ans par M. de Sacy et qui
s'est pourtant perpétuée jusqu'à présent et forme un des dogmes delà cri-
tique du Shah Nâma. La source principale pour l'histoire de la transmis-
sion des éléments épiques en Perse jusqu'à Firdousi est une préface du
Shah Nâma écrite par le prince Bàisunghar Khân, petit-fils de Tîmûr
en 829 (1426). Il est admis que les exemplaires qui ont cette préface
représenteraient une édition faite sur les ordres de Bàisunghar, laquelle
d'ailleurs aurait fait disparaître les anciennes versions, car ni les ressem-
blances ni les différences des exemplaires existants ne permettent d'établir
des familles. De là la valeur particulière — antiquité à part — prêtée
aux manuscrits antérieurs à 1426 ; on salua avec joie en i885 la décou-
2 1 6 REVUE CRITIQUE
verre à Téhéran du Zafar Nàma de Hamdulla Mustaufi qui porte sur
les marges une recension complète de Firdousi de jSS (1334), c'est-à-
dire antérieure d'un siècle à Bâisunghar. Cette division des manuscrits en
deux classes, manuscrits antérieurs à 1426, manuscrits postérieurs à
1426, acceptée par M. Rieu même comme un fait reconnu, repose exclu-
sivement sur deux lignes malheureuses de Macan dans sa Préface à son
édition du Shah Nâma : « La première tentative publique pour corriger
« le texte du Shah Nàma, dit-il, fut faite par ordre de Bâisunghar Khân,
« petit- fils de Tîmûr... L'éditeur, dans sa préface, dit que Bâisunghar
« Khân prenait grand plaisir à lire le Shah Nâmâ, mais qu'il trouva le
« tout si corrompu et si plein d'erreurs de toutes sortes qu'il fit collation-
« ner tous les exemplaires de sa bibliothèque et en écrire un correct »
« (he directed ail the copies in his library to be collated, and a correct
(c one written). » Macan ne donne pas le passage de la préface relatif à
cette prétendue recension et ses successeurs n'ayant pas eu recours au
texte original ou l'ayant lu d'un œil prévenu, ont accepté sa donnée de
confiance. M. Mohl parle de cette recension de Bâisunghar sans citer
l'autorité, se référant sans doute à Macan. La chose était pourtant assez
importante pour qu'elle valût la peine d'être vérifiée. Cinq ans avant la
publication du premier volume du Shah Nâma, le maître de M. Mohl,
Sylvestre de Sacy, ayant à parler de l'édition et de la préface de Macan,
se reportait au texte de la préface de Bâisunghar et constatait que Macan
avait transporté et appliqué les idées et les procédés de la critique euro-
péenne à une simple revision d'un genre fort différent. La préface dit que
Bâisunghar s'occupait de temps à autre de la lecture du Shah Nâma,
mais « quoiqu'il y eût dans la Bibliothèque royale plusieurs exemplaires
a du Shah Nâmeh, il n'y en avait cependant aucun qui satisfît le naturel
« délicat et le goût fin de ce roi fils de roi... Un ordre émana donc de la
a volonté royale pour que, de plusieurs exemplaires en ayant corrigé un,
« on le décorât ' d'une écriture semblable à une chaîne formée d'anneaux
« de couleur de musc, enlacés ensemble, et qui, cependant, coulât avec
« aisance comme un ruisseau d'eau courante. Le même ordre comman-
« dait que dans la préface on racontât de quelle manière a été composé
« le Bdsitân Nâmeh qui est la source du Shah Nâmeh ~ ». Bâisunghar
fait corriger les fautes d'un exemplaire de sa collection et en fait pren-
dre une copie calligraphique. Il y a loin de là, comme on voit, à une
collection de manuscrits et à une recension critique. Nous avons cru
utile de profiter de l'occasion pour relever un exemple curieux de la
façon dont la convention scientifique perpétue des erreurs que l'a peu
près du premier instant a créées et que la plus haute autorité ne peut
déraciner.
1. j\ partir d'ici jusqu'à la fin de la phrase le texte est une citation en vers. Il est
probable que la préface de nos manuscrits n'est point la préface même de l'exem-
plaire de Bâisunghar, que celle-ci était en vers et que la nôtre en est une rédaction en
prose postérieure.
2. Journal des Savants, i833, p. Sg.
d'histoire et de littérature 217
N° 5 1 1 . Bar^û Ndma. Il existe un refacimento gujerati du Barzû nâma
en seize volumes, publié à Bombay par l'imprimerie du Samâcâr. Toute
l'épopée persane a d'ailleurs produit une bibliothèque bleue gujeratie
qu'il ne faudra pas négliger dans une histoire complète de l'épopée. Ces
traductions, que des lecteurs publics lisaient au public réuni en cercle
sur l'Esplanade, au bord de la mer, il y a quarante ans encore, sont rela-
tivement anciennes.
No 646. Jaldl-aldin Rûmî, Mathnawî. Aux éditions citées ajouter la
meilleure de toutes, celle de Muhammad Tâhir Mustaufi (Téhéran,
H. 1 299), accompagnée d'un index alphabétique des commencements de
vers qui permet de retrouver n'importe quel vers de l'immense poème.
N° 753. Amir Khosrau. Noter l'édition du Divân 'Ansari (choix des
Quatre Dîvâns), Lucknau, 1874.
Parmi les raretés de la Bodléienne, signalons le premier volume du
Ta'rïkh de Hâfiz Abrû, le grand historien et géographe des Timuri-
des, une des principales autorités de Mirkhond (n° 33), le Tcvrikh-i-Alfi
ou annales du Millenium qui suit la mort de Mahomet, écrit sur Tordre
d'Akbar et importantes par la détermination précise des dates (n^gg);
la correspondance diploma ique de Shah 'Abbâs et de Jahângîr sur les
affaires de Qandahâr en 1621 (n° 2 55); ec surtout les tadhkira de poètes,
d'où M. Ethé a tiré tant de renseignements inédits sur les premières pé-
riodes de la poésie persane et qui ont permis de refaire l'histoire de ses ori-
gines. Si la Bodléienne n'a pas le tadhkira de Muhammad 'Aufî, le plus
ancien et le plus précieux de tous, elle a le Butkhdna avec des citations
de cent quinze poètes, la plupart anciens (cf. le n^ 1094) 5 ^^ Mirdt al
Khayâl, avec cent trente-six biographies de poètes; le second volume
de la Safîna avec huit cent dix biographies; l'Anthologie de Muhammad
'Alîkhân avec des spécimens de sept cent cinquante-cinq poètes; le colos-
sal dictionnaire biographique d'Ahmad 'Alîkhân Hâshîmî (H. 1218 =
i8o3), le Makh^an al ghavaib, qui contient trois mille cent quarante-
huit biographies. Pour chacun de ses ouvrages, le catalogue donne la
liste complète des poètes cités : la liste du Makh\an occupe soixante-dix
colonnes. Il n'est guère, comme on voit, de poète ou de poètereau, sur
lequel on ne soit à peu près sûr de trouver rapidement quelque rensei-
gnement dans la collection de la Bodléienne.
La collection zoroastrienne est sans grande importance: mais cette an-
née y a ajouté deux joyaux, donnés par le Dastur Jamaspji. Elle pos-
sède un manuscrit d'intérêt historique, le premier manuscrit zend qui
soit venu en Europe, dont un feuillet reproduit en fac-similé décida la
vocation d'Anquetil, et qu'à son retour de Bombay il trouva à Oxford
attaché avec une chaîne à la réserve. C'est un Vendidad Sade copié en
i65o et donné à la Bodléienne en 1718 par un marchand de Surate
nommé Boucher (le Bourchier d'Anquetil) ^
James Darmesteter.
I. Le manuscrit porte: « Donum D"i Geo. Bourcher Mercat. in Surat, in usum
Biblioth. Bodleianae apud Oxonienses. Anno Domini 1718 ». De Bourcher Anque-
2l8 REVUE CRITIQUE
43ç). — Em. Spanhogue. Emontlniîonee X'ulliunsc' lili»cclla. Lcyde, Brill ;j
Louvain, Peeters, 1890. Praef. v-vii, p. 1-6C, in-8.
Virtuosités critiques d'un professeur d'Anvers. Les patients auxquels
elles sont appliquées, sont, outre Cicéron à peu près dans tous ses
ouvrages, quelques prosateurs grecs, quelques prosateurs latins et
Horace. Beaucoup d'audace et aussi beaucoup de sagacité dépensée
souvent mal à propos et en pure perte. Il n''est que trop clair que l'au-
teur n'a eu plus d'une fois sous la main que des secours insuffisants ^
LMdéal de M. Spanhogue serait d'avoir donné ne fût-ce qu'une bonne
correction sur vingt. J'en ai lu beaucoup, hélas! combien en est-il de
bonnes ?
Em. Thomas.
440. — Emil Reich. D. J Graeco-Roman Institutions from anti-evolutio-
nist points of view. Oxford, Parker, 100 p. in-8.
Pourquoi les Romains ont-ils été, de tous les peuples, les seuls qui
aient fait du droit civil une science véritable, rigide dans ses principes,
souple mais toujours conséquente dans ses applications, fixée par le
jus striclum, mais gardant comme instrument d'expérimentation et de
progrès FÉdit du préteur avec ses actiones in factiim co?îceptae? Dire
qu'ils avaient pour le droit des aptitudes spéciales, c'est répondre à la
question par la question; c"'est aussi rendre à peu près inexplicable le
contraste que nous offre la perfection de leur droit civil et Pincohérence,
rinsuffisance de leur droit criminel.
M. Reich affirme hardiment que cette vera causa tant cherchée est
rinstitution de Yinfamia ou privation à perpétuité du droit de suffrage
et de l'éligibilité, infligée à la suite de procès en matière civile (p. 21).
La menace perpétuelle de l'infamie a obligé les Romains à recourir aux
lumières de a jurisprudents » qui ont, des siècles durant, cherché et
trouvé les moyens de tourner la loi sans la violer. De là ce développe-
ment parallèle des deux aspects du droit, strict et formaliste avec la loi,^
accommodant et soucieux de l'équité naturelle quand il procède dej
Vimperium du préteur. De là, en un mot, la supériorité du droit civil
romain sur tous les autres.
Cette explication surprend à première vue, et les objections ne man-
quent pas. Pourquoi ràxtiJ-i'a n'a-t-elle pas produit les mêmes effets à]
Athènes? Parce que., répond M. R. (p. 29-30), Và.~a\).[x, d'ailleurs très]
différente de Yinfamia, graduée, révocable, est infligée par la juridictionj
criminelle, et non par la juridiction civile. A Rome, au contraire, lel
til a fait Bourchier \ mais le premier r a été rayé sur le manuscrit; reste donc Bou-
cher que le catalogue transcrit Bowcher, tant il est diflicile d'arriver à l'accord mêmei
sur un fait aussi simple en apparence que la détermination d'un nom propre mo-
derne.
I. Pour Cicéron, Klotz, et dans les lettres, Nobbe.
d'histoire et de littérature 219
droit criminel est, sous ce rapport, plus indulgent que la loi civile, dans
laquelle il a infusé son esprit. Soit, Mais, en consultant les textes, on
voit que les actions civiles entraînant ïin/amia visent toujours des actes
entachés de dol, de fraude, de parjure, ou de véritables vols; si bien
qu'en définitive, ïin/amia ne relève pas du droit civil proprement dit,
mais de cette partie du droit criminel qu'une classification rudimentaire
n'a pas dégagée à temps du droit civil. M. R. prévient l'objection en
déclarant (p. 24) que les textes ne disent pas tout, et que « toute action
civile pouvait infliger ïin/amia, aussi bien que l'exécution de n'importe
quel jugement civil ». Il n'accorde aux textes qu'une valeur relative et
a beaucoup plus de confiance dans l'induction, qui le mène tout droit,
non pas, pense-t-il, à Thypothèse, mais à la certitude historique. Rome
était un État timocratique; or, l'histoire démontre que les timocraties
sont bien vite emportées par un fléau qu'elles ont elles-mêmes déchaîné,
l'envie d'acquérir, la préoccupation exclusive de la richesse. Puisque
Rome a prospéré, c'est qu'elle a su trouver un frein à cet appétit désor-
donné, et il n'en est pas de plus efficace que la menace de ïin/amia
suspendue au-dessus de tout calcul d'intérêt. C'est raisonner fort bien,
dirons-nous à notre tour, mais c'est aussi substituer le raisonnement a
priori aux preuves matérielles, qui font ici défaut.
Faisons un pas de plus, et analysons — • au besoin, avec l'aide de la
logique hégélienne — cette crainte, si féconde en conséquences, de l'fn-
famia. Cette force négative se ramène à un sentiment positif qu'elle
présuppose, à savoir une haute estime des droits du citoyen, ceux-ci,
ne l'oublions pas, gradués d'après la fortune. M. R. n'en demande pas
davantage pour expliquer une autre particularité du droit civil romain,
l'étendue anormale et la persistance de la puissance paternelle. Si les fils
de famille, quoique formant la majorité dans les comices, n'ont jamais
voté de loi qui les émancipât à un certain âge, c'est qu'ils trouvaient
leur compte à être classés d'après la fortune de leur père, tandis que,
une fois émancipés, ils n'auraient eu d'autre cens que leur petit pécule
et auraient vu leur droit de suffrage s'amoindrir d'autant. C'est encore
le même sentiment — équivalent positif de la crainte de ïin/amia — qui
a engendré et maintenu l'esclavage dans le monde classique. Il fallait
que les citoyens, les hommes libres, fussent peu nombreux pour que le
droit de cité gardât toute sa valeur. D'autre part, l'esclave antique
n'était pas, à Rome surtout, la bête de somme qu'a été le nègre d'Amé-
rique. Précisément parce qu'il échappait à toutes les relations sociales,
que c'était « l'homme pur et simple (p. 44) » et, en ce sens, le plus
« libre » des hommes, il est devenu un instrument précieux aux mains
des jurisconsultes de Rome, qui faisaient aboutir par son intermédiaire
des combinaisons autrement impraticables. Or, ces combinaisons ont
elles-mêmes pour but d'éviter ïin/amia, si bien que c'est, au fond, le
même facteur psychologique qui aiguillonne l'intelligence du juriscon-
sulte et lui fournit son outil de prédilection. Nous voilà revenus au point
2 20 REVUK CRITIQUE
de départ. L'exaltation du sentiment civique, la crainte de perdre
l'exercice du plein droit de cité, a été le ressort moteur de la jurispru-
dence romaine et la cause cachée de son incomparable virtuosité.
Du reste, M, R. n'est pas autrement enthousiaste de ce droit romain,
qui n'a été propagé parmi les nations modernes qu'à l'instigation et au
bénéfice des despotes (p. 54-64). Il n'en est pas de plus scientifique; mais
scientifique ne veut pas dire satisfaisant pour le sens moral. Pourquoi
M. Reich veut-il, par surcroît, que Phistoire de ce droit, et, en général
des institutions sociales, soit une réfutation des théories darwiniennes?
Il raisonne pour le droit romain comme les catholiques pour leur
dogme, affirmant qu'il était donné tout entier dès le début et que les
définitions postérieures n vont rien ajouté. Mais faire sortir des principes
les conséquences qui y étaient virtuellement contenues, c'est aussi de
l'évolution; c'est même l'évolution au sens rigoureux du mot. II y a là
(p. 65-72) une sorte de hors-d'œuvre, qui a pu être très goûté à Oxford,
où ces études ont fourni la matière de quatre « lectures n, mais qui a
perdu de son actualité en passant le détroit.
Je ne prétends pas que ce petit livre soit un guide très sûr pour les
amateurs de science toute faite; il heurte avec un air de défi bien des
idées reçues et qui ne me paraissent pas encore réfutées; mais il est
éminemment suggestif, et ceux-là même, j'allais dire ceux-là surtout
qu'il n'aura pas convertis ne Tauront pas lu sans profit.
A. B.-L.
441. — I. David Castelli. Stoi-îa degl' Is^racliti. Milano, Hœpli. 2 vol. in-8
de cin-416 et 470 p., 1887-8.
442. — 2. Maurice Vernes. Précis d'histoii-e juive depuis les origines jusqu'à
l'époque persane. Paris, Hachette, in- 16, 828 p.
1. L'ouvrage de M. Castelli n'apprendra peut-être pas grand'chose
aux lecteurs qui sont au courant des travaux accomplis depuis un demi-
siècle par l'exégèse protestante dans le domaine des études bibliques;
mais ces lecteurs sont rares en France; ils doivent l'être encore davan-
tage en Italie. En dehors de cette petite élite, tout le monde lira ces -i,
deux volumes avec autant de profit que de plaisir. L'auteur est bien
informé, sa méthode est sûre et prudente, ses divisions heureuses, enfin
il sait présenter le résultat de ses recherches avec clarté et non sans
agrément. Tout au plus pourrait-on souhaiter que, dans un ouvrage J
aussi affranchi de préjugés d'église, l'histoire israélite eût été exposée
suivant son véritable ordre chronologique, et non pas d'après la succes-
sion arbitraire à laquelle nous a habitués la disposition traditionnelle
des livres bibliques. Plus cette habitude est invétérée, plus il importe :
de réagir contre elle, surtout dans des ouvrages comme celui-ci, destiné ■
à l'éducation des générations futures.
2. La même critique, ou peu s'en faut, s'adresse au très intéressant
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 221
Précis de M. Vernes i; lui aussi a cru devoir conserver en tête d'une
Histoire juive deux longs chapitres consacre's à r« Épopée des patriar-
ches » et à « l'Epopée de l'exode et de la conquête «, qui eussent été beau-
coup mieux placés ailleurs ; nous n'apercevons pas clairement les raisons
pour lesquelles M. V., comme il le dit lui-même (p. i8), a décidé, « à la
réflexion », de ne pas modifier l'usage traditionnel.
Ce défaut de composition est d'ailleurs à peu près le seul trait commun
à nos deux Précis. Autant M. Castelli est un disciple, sinon servile,
du moins docile, des maîtres actuels de Texégèse biblique, Reuss,
Kuenen, Wellhausen, etc., autant M. Vernes, après avoir puisé d'abord
aux mêmes sources, a eu hâte de s'affranchir et de se poser à son tour en
chef d'école. Ce n'est pas, hâtons-nous de le dire, qu'il manque de
respect et de reconnaissance envers les savants qui lui ont frayé la voie,
envers M. Reuss en particulier; son admiration pour ce dernier se
traduit même par de fréquentes, de longues, de très longues citations
textuelles. Mais sur les deux ou trois points capitaux qui forment pour
ainsi dire les piliers du système de l'exégèse moderne, M. Vernes
est arrivé à des conclusions diamétralement opposées à celles de ses
maîtres. Il ne croit plus ni au polythéisme primitif des Hébreux, ni à la
possibilité de distinguer dans Y Hexateuque des couches successives,
maladroitement juxtaposées par le dernier compilateur. Pour lui, toutes
les parties essentielles de la Bible ont été non pas rédigées (là-dessus on
pourrait s'entendre), mais a librement composées » dans une période
très récente et très courte — entre 400 et 200 avant J.-C, — par des
a docteurs juifs » qui différaient sans doute d'avis sur certaines ques-
tions de dogme et de culte, mais qui, en somme, s'accordaient tous « dans
un monothéisme hautement moral et spiritualiste et affirment que la
divinité a fait choix, entre toutes les nations, du peuple Israélite pour le
combler de ses dons s'il se conforme à ses lois. » \J Hexateuque tout
entier est un roman historique destiné à illustrer cette thèse. Quant aux
écrits prophétiques, où l'on voyait jusqu'à présent (sauf exceptions)
l'œuvre authentique de témoins et d'acteurs des grandes crises politiques
et religieuses qui marquèrent la fin des deux royaumes hébreux,
M. Vernes, à la suite de M. Ernest Havet, veut y reconnaître de simples
ouvrages }>seuciépigraphiques où des noms célèbres, mis en vedette, ser-
vaient à couvrir et à recommander au public du iii^ siècle avant J.-C.
une marchandise littéraire plus ou moins estimable. A cet égard, il n'y
aurait plus aucune différence à faire entre Jérémie et Daniel.
On ne peut méconnaître que M. Vernes a mis au service de ces
opinions paradoxales beaucoup de hardiesse, d'érudition et d'ingénio-
sité. Mais ces qualités seules ne suffisent pas pour écrire l'histoire, et
I. Dans un autre ouvrage intitulé, un peu ambitieusement peut-être, Les résultats
de l'exégèse biblique ;Leroux, 1890) M. Vernes n'a guère fait que grouper systé-
matiquement sous les trois chefs : Histoire, Religion, Littérature, les vues dévelop-
pées plus longuement dans le Précis.
222 REVUK CRITIQUE
c'est d"histoire qu'il s'agit dans ce livre. Il faut à l'hisloirien, avant tout,
un sens critique exercé et sévère, même à Tégard de ses propres hypo-
thèses, le sentiment du possible et du « successif », la connaissance
exacte du milieu ambiant où se déroulent les événements qu'il raconte.
Nous ciaignons que ces qualités et ces connaissances ne soient pas
développées chez M. Vernes au même degré que d'autres, moins néces-
saires. A chaque instant il passe, sans s'arrêter, devant des détails carac-
téristiques, des nuances d'expression et de pensée qui auraient dû
l'avertir des différences énormes d'âge et de civilisation existant entre des
textes qu'il jette intrépidement dans le même moule. Le terrain sur
lequel a poussé l'histoire Israélite, Thistoire ancienne de l'Egypte, de la
Syrie, de l'Assyrie, est pour lui, nous ne dirons pas une terra incognita^
mais certainement une région peu explorée, et dont, chose singulière,
il déclare l'exploration peu utile pour le but qu'il s'est proposé : il
semble que cet ex-théologien croie encore à la création ex nihilo, sinon
du monde, du moins des idées. Ajoutons que ce n'est pas seulement à
propos de ces périodes anciennes que Ton surprend des lacunes dans la
préparation scientifique de M. Vernes; il suffit de lire, par exemple, les
pages consacrées au chapitre x de la Genèse (p. 727 suiv.) pour se con-
vaincre à quel point l'exégèse biblique, dépourvue d'une solide base
historique et géographique, est vouée à l'impuissance ou à la divaga-
tion, M. Vernes nous affirme sérieusement, que ce fameux tableau
ethnographique a été tracé « vers l'époque des conquêtes d'Alexandre »,
dans l'intention de souhaiter la bienvenue aux Grecs, déguisés sous le
nom de Japhat-Javan, et que l'écrivain juif brûle d'amener au giron de
son église! Comment le savant auteur ne s'est-il pas aperçu qu'à l'épo-
que 011 il place ce morceau l'emploi des mots Gomer, Ashkena^^ Thon-
bal, Mosoch, pour désigner les différentes régions de l'Asie-Mineure,
aurait constitué un anachronisme aussi ridicule qu'inintelligible? Et
que penser d'un écrivain, contemporain d'Alexandre «ou de ses succes-
seurs », qui aurait divisé la nation hellénique en quatre tribus : l'E-
lide (?), Tarse (?), Chypre et Rhodes? Si de pareilles fantasmagories
s'appellent « les résultats de l'exégèse moderne », je demande à être
ramené aux contes du Talmud; au moins les bons docteurs de Baby-
lone donnaient-ils leurs rêveries pour des rêveries.
Je ne parlerai pas du style de ce livre puisque, aussi bien, M. Vernes
paraît n'attacher qu'une médiocre importance à cette partie essentielle
de la tâche de l'historien. Mais il m'est impossible, en terminant, de ne
pas signaler le contraste singulier que l'on observe entre, d'une part, la
thèse fondamentale et le ton général de ce commentaire biblique, - du
Voltaire, avec, peut-être, moins d'esprit — et, d'autre part, la prétention A
hautement affichée par l'auteur de rester en bons termes avec l'Église, .|
avec toutes les églises. Comment iM. Vernes réussit-il à concilier « son
respectueux attachement pour la grande tradition religieuse qui », etc.,
(p. 12) avec un système qui aboutit à faire de la Bible tout entière —
d'histoire et de littérature 22 3
Hexateuque et Prophètes — une vaste entreprise de falsification litté-
raire? C'est là un mystère qui exigerait pour être élucidé une psycho-
logie bien autrement pénétrante que la mienne. Après tout, dans les
temps curieux oti nous vivons, il ne faut s'étonner de rien. Nous avons
revu ailleurs — s'en souvient-on encore? — ce mélange piquant de
formules radicales et d'œillades cléricales. M. Vernes nous comprendra
peut-être et nous pardonnera certainement si nous définissons sa méthode
et son livre « le boulangisme de l'exégèse »
T. R.
^^3 — Suornalais-ugrilaîsen seui*an aïkakauskîrja. Journal de la Société
finno-ougrienne. Helsingissie. Suomalaisen kirjallisuuJen seuran kirjapainossa,
in-8; fasc. II, 1887. xii-184 p.; fasc. III, 1888; 175 p.; fasc. IV, 1888, xxxi-
352 p. avec 3ii fig. dans le texte; fasc. V, 1889, i5g p.; fasc. VI, 1889, lyS p.;
fasc. VII, 1889, VI1-181 p.
Ce recueil n'est pas encore un journal, comme il en prend le titre en
français; mais, par sa périodicité de plus en plus fréquente, il tend à
s'en rapprocher : au lieu d'un fascicule en 1886, autant en 1887, il en a
paru deux en 1888 et trois en 1889, et les derniers ne sont ni moins
volumineux, ni moins bien remplis que les premiers. La plupart ne
contiennent qu'un seul mémoire, deux seulement se composent de mé-
langes; et ce ne sont pas uniquement des Finnois qui ont donné leur
concours à cette utile publication : un mémoire est dû à deux Norvé-
giens; un autre à un Russe. Ainsi le caractère de cosmopolitisme, au
moins ougro-finnois, que nous avions signalé dans un article sur le
premier fascicule, y est marqué autant par la nationalité différente des
auteurs que par les langues dont ils se sont servis : le français, qui
figure sur le litre a été employé par Mainof (fasc. V) et dans le Rapport
annuel de 1886 (fasc. III); le reste est en allemand ou en finnois.
Le fasc. II est rempli par des recherches de E. N . Setaslas, Zitr Ges-
chichte der Tempus- und Modiis-Stammbildung in denjinnisch-ugris-
chen Sprachen ; elles portent sur le finnois avec ses dialectes : lekarélien,
le vepse méridional, le vote, le kreevine, l'esthonien et le live; sur le
lapon, le mordouine, le tchérémisse, le zyriaene-votiaque, le magyar, le
vogoule et l'ostiaque. Outre les textes dans chacune de ces langues qui
toutes sont écrites depuis plus ou moins longtemps, l'auteur a eu à con-
sulter nombre de travaux en hongrois, en finnois, en allemand, en sué-
dois, en esthonien et en latin et en russe. Pour faciliter les comparai-
sons, il a fallu transcrire en caractères latins (modifiés par de nombreux
signes placés au-dessus, mais surtout au-dessous des lettres)les citations
tirées des idiomes qui s'écrivent avec l'alphabet russe. L'auteur s'efforce
de ramener les formes du présent à deux suffixes, celles du prétérit à un
seul, celles du conjonctif à trois; il regarde l'impératif comme un indi-
catif accompagné d'interjections. Mais les diverses branches de cette
famille sont assez différentes entre elles pour qu'il ne puisse les compa-
2 24 REVUE CRITIQUE
rer directement l'une avec l'autre; il classe dans des paragraphes juxta-
posés leurs dialectes qu'il compare entre eux, commençant toujours par
donner des exemples qu'il soumet ensuite à une analyse pénétrante.
Le même étudie les éléments de formation du sufHxe finnois ise (inen)
dans le fasc. III, qui contient en outre : Rapport du D^ V. Porkka sur
son voyage che'^ les Tchérémisses\ de courtes notices de J. Krohn, du
regretté Aug. Ahlqvist et de J. R. Aspelin ; le Rapport annuel de 1886
en finnois, avec résumé en français; un autre en allemand par O. Don-
ner sur les Progrès des études ougro-Jinnoises en 188^-86 avec biblio-
graphie; enfin de nombreux Spécimens de langue laponne : traditions
historiques assez originales, contes qui le sont moins, ayant pour la
plupart subi rinfluence Scandinave, fables, poésies. Ce recueil formé par
F. Qvigstad et G. Sandberg, traduit en allemand par le premier, est
accompagné de remarques par Lars Olsen sur le Tambour magique des
Lapons (avec planche).
Le fasc. IV, deux fois plus volumineux que les auîres, présente un
intérêt particulier; le D»" A. O. Heikel y traite des Habitations des
Tchérémisses, des Mordouines, des Esthoniens et des Finnois. Cette
étude approfondie fait pendant à celle de Valtyr Gudmundsson sur les
Habitations privées en Islande à Pépoque des sagas; mais elle est plus
détaillée et contient dix fois plus de figures; seulement, au lieu de
remonter au moyen âge, elle se confine dans le présent. Voici un nou-
vel exemple du rôle prééminent que les Finnois en général et la Société
ougro-finnoise en particulier veulent et peuvent jouer dans les travaux
démomathiques sur le nord de la Russie : la littérature de cet immense
empire ne possédait pas encore d'ouvrage d'ensemble sur le sujet; le
D'' Heikel a pris les devants; après avoir fait des excursions en Finlande
et chez les Finnois du gouvernement d'Olonetz, il a parcouru, en com-
pagnie d'un dessinateur, le pays des Tchérémisses, celui des Mordouines,
l'Esthonie et la Livonie ; il a rapporté de ces voyages quinze cents des-
sins avec des descriptions faites sur les lieux et qu'il a complétées par
des recherches dans les musées ethnographiques de Helsingfors, de Mos-
cou, de Kazan et de Saint-Pétersbourg, et naturellement aussi dans des
écrits russes, finnois, allemands et suédois, au nombre de plus de
soixante-dix. Le résultat est un manuel fort bien fait, écrit dans une des
langues qu'aucun homme de science ne doit ignorer. Il y est parlé non
seulement des huttes et des maisons, mais encore des cuisines, des étu-
ves, des magasins, des séchoirs à récoltes, des granges, des hangars, des
étables, des moulins à vent, mais aussi des décors et de l'ameublement
qui sont originaux et parfois élégants et gracieux chez les Mordvines et
les Tchérémisses; chez les Finnois et les Esthoniens, ils ne se sont pas
développés d'une manière aussi indépendante, parce que les influences
suédoise et allemande se sont de bonne heure fait sentir dans les cons-
tructions les plus riches, l'une au nord, l'autre au sud du golfe de Fin-
lande,
d'histoire et de littérature 22 5
Le fasc. V ne se compose également que d'un seul mémoire : les Res-
tes de la mythologie mordvine, sujet peu connu, quoiqu'il ait été traité
dans plusieurs monographies pour la plupart manuscrites, et surtout
dans des articles de revue. Un savant russe, feu W. Mainof, à qui l'on
devait déjà des mémoires sur les antiquités mordouines et sur les coutu-
mes juridiques de ce peuple, a recueilli de nouveaux faits en interrogeant
de vieilles femmes qui sont là, comme partout, les dernières dépositaires
des anciennes croyances; en assistant aux fêtes, chrétiennes en appa-
rence, mais greffées sur des cérémonies païennes et souvent célébrées
dans les lieux autrefois consacrés aux idoles; et en transcrivant le texte
mordouine, ou à son défaut l'imitation russe, de curieuses prières et for-
mules superstitieuses. Combinant ces nouvelles notions avec celles qui
étaient éparses dans les écrits de ses compatriotes et ceux de quelques
rares étrangers, il a tracé un tableau de la mythologie, mais surtout des
superstitions des Mordouines et en particulier de la tribu des Mokchanes.
La religion nationale de ceux-ci n'a pas encore été totalement supplan-
tée par l'orthodoxie russe qui ferme les yeux sur le mélange du profane
avec le sacré et qui célèbre parfois d'anciens dieux (comme Inechké-
Paz confondu avec saint Nicolas) sous le nom de saints chrétiens : elle
a eu ses martyrs jusqu'au commencement de notre siècle ; elle a toujours
ses miracles. On est surpris de lui trouver si peu de ressemblance avec
la mythologie finnoise; c'est sans doute parce que celle-ci n'a pris sa
forme actuelle qu'après la séparation des deux branches; tandis que les
croyances mordouines ont dû successivement subir, dans les temps his-
toriques, l'influence des Khazars, des Bulgars, des Mongols, des Tatars
islamisés auxquels elle a emprunté Chaïtan (Satan), enfin des Slaves. Il
ne serait même pas difficile de lui trouver des rapports avec des reli-
gions d'ailleurs très différentes, par exemple avec celle des Mexicains.
Chez ceux-ci, en effet, Citlalicue, femme du dieu suprême, passait pour
avoir accouché d'un silex qui, en tombant sur la terre, se brisa en seize
cents morceaux qui formèrent autant de génies (J. de Torquemada,
Monarquia indiana, L. VI, ch. 19 et 41]; chez les Mordouines, Angué-
Patiaï, fille du dieu suprême, en battant le briquet sur un silex produi-
sit autant d'anges gardiens qu'il en jaillit d'étincelles (Maïnof, p. 112).
Cette croyance a trait évidemment à un ancien culte rendu au silex,
c'est-à-dire à la matière dont on tirait le fer et les outils indispensables
à l'industrie, à la culture et au culte. Aussi chez les Mexicains signale-
t-on des couteaux de pierre enveloppés comme des reliques et adorés
conjointement avec deux morceaux de bois, enveloppés de même et des-
tinés à produire du feu par le frottement (Torquemada, Mon. ind. L. II,
ch. 2) ; chez les Mordouines, les couteaux en silex sont encore en usage
pour sacrifier les bêtes immolées les jours de fête (Maïnof, p. 149).
En tête du fasc. VI est le résumé allemand, fait par Oscar Hackman,
du mémoire finnois de Cari Krohn sur l'Ours (loup) et le renard.
Cette consciencieuse étude comparative que le jeune érudit a rédigée
2 26 REVUE CRITIQUE
avec l'aide de quatre savants étrangers (E. Kunik, H. Suchier, .T. Moltke
Moe et K. Kœhler), dépasse bien les limites de la Finlande et des pays
ougro finnois, puisqu'elle s'étend sur trois parties du monde; tous les
traits du cycle y sont analysés et leurs variantes indiquées; aussi n'est-
il guère de peuple de TEuropc qui ne puisse tirer profit de ces recher-
ches pour l'histoire de ses propres études. — On trouve en outre
dans le même fascicule : Rapport du D'^ V.Pot'kka sur son voyage che:{
les Tchérémisses en i885-86 ; pour apprendre la langue de ce peuple,
il eut le courage de s'enfermer cinq semaines en prison avec un de ses
maîtres qui, sevré d'eau-de-vie, conservait au moins toute sa lucidité
d'esprit. Viennent ensuite les rapports de 1887, de 1888 en'fînnois et en
allemand.
Dans le fasc. VII, le D"" Arvid Genetz a donné la première partie de ses
Etudes sur le dialecte tchérémisse oriental, assez différent du dialecte
des prairies et de celui des montagnes, et parlé par quinze mille per-
sonnes dans les cercles de Krasnoufimsk et de Koungour. Il débute par
des spécimens de la langue : poésies (toutes sous forme de monotones
quatrains à l'exception de quelques ballades), énigmes, formules magi-
ques, prières; mais le morceau principal est un recueil de contes en
prose, parfois entremêlé de vers, mais rarement assaisonné de traits d'es-
prit ou de naïveté; les défauts du genre y sont accentués; la continuelle
répétition des mêmes scènes et des mêmes phrases, avec des variations
insignifiantes, finit par fatiguer; les actions et les paroles ne sont pas
suffisamment motivées, de sorte que ces textes, tout en étant précieux,
comme spécimens d'un dialecte peu connu, n'ont cependant pas de
valeur littéraire. On sent que l'influence européenne n'a pas pénétré jus-
que dans cette lointaine contrée ouralienne.
Ce recueil, on le voit, ne donne que des travaux neufs sur des matiè-
res trop négligées, en se tenant exclusivement à sa spécialité ougro-fin-
noise. Poursuivi sur le même plan, il deviendra la source la plus abon-
dante de nos connaissances sur les langues, les littératures, les croyances
et les moeurs des peuples ouralo-finnois.
E. Beauvois.
444. — A. Gasquet. Ktudes bj'zantines. L'Empire byzantin et la Monarchie
franque. Paris, Hachette, 484 p. in-S,
Les byzantinistes, moins rares que jadis, ne constituent encore qu'un
groupe bien restreint. En France, ils sont quatre ou cinq tout au plus.
Une nouvelle recrue ne peut donc qu'être accueillie avec joie par eux,
surtout alors qu'elle se présente avec un travail considérable, riche en
renseignements inédits, grâce à un vaste ensemble de faits ingénieuse-
ment groupés. M. Gasquet, connu déjà par de très bons travaux d'éru-
dition, par un, en particulier, qui confine à l'histoire de l'empire
d'Orient, a abordé courageusement dans ce volume, qui paraît devoir
I
d'histoire et de littérature 227
être le premier d'une série ^''Etudes byzantines, la question si vaste et
jusqu'à ce jour si mal traitée des relations entre l'empire byzantin et la
monarchie franque depuis leurs origines jusqu'au règne du grand
empereur Basile I""" et en même temps la fin de l'empire carolingien.
Traiter ce sujet si étendu, c'est aborder une fois de plus, non seulement
l'histoire des deux empires, mais celles de l'Eglise et de la papauté
durant cette longue période d'années. Le temps et l'espace me manquent
pour aborder la critique détaillée de ce gros volume de cinq cents pages,
plein de faits, de discussions et d'appréciations. Je me bornerai à expri-
mer simplement mon opinion sur Tœuvre en général et à en indiquer
les grandes divisions.
Le livre de M. G. est tout à fait remarquable ; les conclusions aux-
quelles il est arrivé me semblent parfaitement justes. C'est à peine si je
trouverais à reprendre quelques points de détail fort secondaires. Après
le livre excellent de M. Rambaud sur l'empire grec au x° siècle, celui
de M. G. est certainement ce qui a été écrit en France de meilleur et
de plus neuf sur l'histoire de l'empire d'Orient. L'auteur possède admi-
rablement son sujet. Il est, avec M. Rambaud, un des bien rares moder-
nes qui me semblent s'être rendu un compte vrai de ce qu'était cette
monarchie byzantine encore aujourd'hui si profondément inconnue,
cette monarchie où tant de choses sont à adinirer et dont les incomplètes
annales sont venues jusqu'à nous si totalement défigurées par les pas-
sions religieuses des contemporains.
Le livre de M. G. est divisé en huit chapitres dont un d'Introduction.
Ce sont autant d'études séparées concordant cependant toutes à l'éclair-
cissement d'un sujet unique. Chaque chapitre est lui-même subdivisé
en plusieurs paragraphes. L? Introduction porte ce titre : V Empire grec
et les Barbares. La lecture m'en a vivement intéressé. Dans un pre-
mier paragraphe, l'auteur a présenté et discuté sous un jour très neuf
les divers arguments qui ont été si souvent mis en avant pour blâmer
ou au contraire pour approuver le transfert du siège du gouvernement
de Rome à Byzance. Les avantages que l'empire devait retirer de la
situation privilégiée de sa nouvelle capitale sont exposés de main de
maître. Vient ensuite un vivant tableau de ce qu'était l'empereur grec,
l'empereur d'Orient, ce césar byzantin qui diffère si profondément de
l'ancien césar de Rome. Ce portrait aussi est fort exactement tracé.
« Pour les Byzantins, l'empereur est une sorte de Messie de qui ils
attendent le relèvement et le salut. Dieu ne doit pas laisser protester
l'alliance qu'il a conclue avec lui au jour de son couronnement. » Le
chapitre qui suit est une longue et complète définition de l'empire
byzantin, une comparaison entre l'ancien empire païen et la nouvelle
monarchie chrétienne. M. G. insiste avec raison sur la force considé-
rable que donnait à l'empire d'Orient cette conviction que si l'empereur
était lui, l'image et le représentant même de Dieu sur la terre, la
monarchie aussi était, elle, le modèle et l'antitype de la monarchie
228 REVUE CRITIQUE
humaine. « L'empire terrestre est Timage de l'empîre céleste. L'empire
de Constantinople, en un mot, est l'empire universel, » M. G. montre
bien l'utilité de cette conviction profonde, surtout dans les rapports
avec les princes étrangers, conviction qui ne s'affaiblit jamais de Justi-
nien au dernier des Constantin malgré les plus cruels coups de la for-
tune, conviction qui faisait que, sous les Paléologues encore, lorsque
l'ennemi était aux portes, cette fiction de l'empire universel existait
toujours et infusait quelques étincelles de vie à ce corps mutilé. Le
paragraphe IV de ce iC'' chapitre nous fournit un tableau du monde
barbare et des changements introduits par les circonstances et les temps
dans l'attitude prise vis-à-vis de lui par les empereurs. L'habileté extra-
ordinaire déployée par les Basileis et leurs conseils dans la science de
contenir ce monde immense par le moyen de l'or, des présents et des
dignités, est fort bien appréciée. Justinien fut le plus subtil de tous dans
cette pratique du reste ruineuse du gouvernement des barbares. C'est
elle également qui a inspiré à Constantin Porphyrogénète une grande
partie de ses précieux écrits. Les paragraphes V et VI sont intitulés : La
propagande chrétienne. Les barbares à By\atice. Ce dernier chapitre
est un des plus curieux et des plus instructifs. C'est le frappant récit
des efforts faits par le gouvernement des Basileis pour charmer et
séduire les Barbares en séjour dans la Ville gardée de Dieu.
L'espace manquerait, je le répète, pour poursuivre cette analyse. Par
le résumé que je viens de donner de l'Introduction, on peut juger déjà
de l'intérêt puissant que présente ce vaste et sérieux travail. Je me bor-
nerai à donner, en terminant, les titres des sept chapitres qui compo-
sent le volume : L'empire romain et les origines de la jnonarckie fran-
que. Les successeurs de Clovis et les empereurs de By\ance. Le
royaume lombard. Charlemagne et l'impératrice Irène. Vaillance
grecque. L'empereur Louis IL Jean VIII et la fin de l'empire caro-
lingien.
Gustave Schlumberger.
445. — J. Zeller. Histoire d'Allemagne, t. VI. Les Empereurs du xiv« siècle.
Habsbourg et Luxembourg, i voL in-8, 4^0 pages. Paris, Didier, 1890.
Avant de dire tout le bien que nous pensons de l'œuvre de M. Zeller
en général et de ce volume en particulier, nous demandons la permis-
sion de nous débarrasser de quelques menues critiques que nous som-
mes bien obligés de faire. Elles s'adressent beaucoup plus au prote qui
a revu les épreuves, qu'à l'auteur lui-même : en effet, de très nombreu-
ses fautes typographiques subsistent dans le volume; entre autres, pres-
que aucun ouvrage allemand n'est cité de façon correcte. (Cf. p. i3,
p. 23, p. 49, p. 67, p. 87, p. 93, etc. etc.) Le fait ne laisse pas que d'être
fâcheux dans une histoire d'Allemagne. Nous notons ensuite que le
même nom propre de ville reçoit les orthographes les plus différentes
{
d'histoire et de littérature 229
nous lisons ainsi p. 255 Rheinfelden, p. 442 Rheinfeld, ailleurs encore
Rkinfelden et il en est de même pour Rheînau et Rliinau, Ruffach et
Rouffach, etc. Ces inadvertances deviennent parfois graves : p. 476, on
a imprimé, dans un tableau de l'Allemagne au début du xv° siècle :
« L'Ecole de peinture de Constance qsx célèbre. » Il faut lire l'École de
Cologne. P. 233, on a mis : « Albert avait sous la main les évêques de
Haguenau et de Frisingen (sic) qui lui étaient dévoués, » Il n'y a jamais
eu d'évéque à Haguenau : ce mot a été substitué à un autre. P. 223,
on a imprimé : « On voit Adolphe accourir devant Colmar avec l'évêque
de Bâie, le comte de Pfort. » Il faut lire le comte de PJirt, c'est-à-dire
de Ferrette.
Oserons-nous encore aller plus loin? Nous regrettons que M. Z.
n'ait pas indiqué ses sources ou, quand il l'a fait, qu'il l'ait fait
de façon si vague. Il y a chez lui des renvois de ce genre. Pert\ Script.
t. XII (voir p. loi). M. Z. connaît fort bien les documents de l'histoire
allemande; il les a compulsés avec le plus grand soin; dans ses récits,
on retrouve notamment des expressions caractéristiques, empruntées
aux chroniqueurs réunis dans la collection : Die Chroniken der deuts-
chen Stàdte ; il s'est approprié leurs tours de phrase, leur esprit
même : pourquoi donc ne les avoir pas cités de façon exacte? Son
livre, ce nous semble, y eût gagné en autorité. Peut-êt4*e aussi pourrait-
on reprocher à l'auteur de n'avoir pas toujours employé le mot précis,
technique., quand il s'agit d'une institution : ainsi le terme empereur à
cette époque devrait être réservé au souverain d'Allemagne, qui a reçu
la couronne des mains du pape : avant cette cérémonie, il est simple-
ment roi. Les expressions empereur Rodolphe, empereur Adolphe,
sont presque des contre-sens.
Mais nous avons hâte de proclamer en quelle haute estime nous avons
l'histoire de M. Z., quelle profonde et sincère admiration elle nous ins-
pire. Déjà, avant la guerre de 1870, M. Z. avait formé le dessein d'écrire
une histoire complète de l'Allemagne; le premier volume n'a vu le
jour qu'au lendemain de nos désastres. Depuis cette date, l'œuvre a été
continuée avec une grande persévérance, avec un zèle digne d'être
imité. Le sixième volume paraît aujourd'hui et il doit être suivi bientôt
d'un septième consacré à la Réforme. Avec chaque tome, le travail s'est,
pour ainsi dire, épuré et est devenu plus parfait. Au début, le livre sen-
tait encore la poudre; la préface était presque un cri de guerre ; un ton
d'amertume perçait dans le corps même de l'ouvrage. Aujourd'hui l'ar-
deur de la lutte s'est calmée : M. Z., tout en gardant au fond de son
cœur ses sentiments et ses espérances, est moins agressif. Il admire sans
réserve ce qu'il y avait dans l'Allemagne du moyen âge de forces vivi-
fiantes; il rend pleine justice à ses poètes, à ses artistes, à l'esprit sage
et économe de ses bourgeois. Ses récits acquièrent ce charme d'impartia-
lité qui, selon une expression chère à M. Fustel de Coulanges, est la
chasteté de l'historien.
2 3o REVUE CRITIQUE
Cette histoire d'Allemagne, que M. Z. mènera à bonne fin, sera uni-
que : car, même de l'autre côté du Rhin, il n'existe point d'ouvrage de
ce genre. Les anciennes histoires de Kohlrausch et de Pfister, que des
traductions ont fait connaître en France, sont aujourd'hui bien démo-
dées ; après le magnifique essor pris en Allemagne, ces derniers temps,
par les études du moyen âge, elles ne sont plus au courant de la scienc^.
Luden n'a poussé son histoire si complète que jusqu'en Tannée 1287;
Giesebrecht est mort à la tâche, et son livre, que nous admirons de tout
cœur, s'arrête avant la fin du règne de Barberousse. Arnold n'a fait que
commencer son entreprise, et jusqu'à présent, il est à peine sorti de la
période obscure des origines. Seul, M. Z. aura la gloire de pousser
jusqu'au bout une histoire d'Allemagne, très étudiée, très vivante. Notre
directeur, M. Chuquet, disait naguère ici même, combien une œuvre,
comme ï Histoire de Florence de M. Perrens, faisait d'honneur à la
France. Celle de M. Z. ne le lui cède en rien et notre pays a le droit
d'en être fier.
Le ?! -iéme volume, dont nous devons rendre compte de façon spé-
ciale, commence à la mort de Frédéric II et finit à celle de Robert le
Palatin; il nous conduit ainsi de l'année i25o à Tannée 1410. Cette
période n'est point très glorieuse pour l'Allemagne : elle n'est point
marquée par de grands événements qui frappent les imaginations et
restent gravés dans le souvenir. Et pourtant M. Z. s'y arrête avec com-
plaisance; sans doute, les dehors sont peu brillants; mais, au dedans,
l'Allemagne est bien vivante. L'Empire universel n'est plus qu'un
vain mot; mais l'Allemagne n'en est que plus heureuse. M. Z.
écrit, avec raison : « En passant de la tête monstrueuse qui absorbait
tout aux membres mieux nourris, la sève produit une nouvelle végé-
tation matérielle et morale plus avantageuse à tous. Les principautés
sont plus denses, mieux constituées; les villes sont plus riches, plus
industrieuses. Les différentes classes librement rapprochées se pénètrent
plus les unes les autres et celte pénétration mutuelle engendre des
mœurs, grossières encore, mais plus égales, plus honnêtes et plus saines.
Délivrée de Tempire universel qui était successivement saxon, franco-
nien ou souabe, l'Allemagne devient plus allemande. « Voilà pourquoi
M. Z. préfère cette période à la précédente. Et il me semble qu'il est
plus juste envers l'Allemagne que ne le sont d'ordinaire les écrivains
allemands. Ceux-ci ne cessent de regretter les temps où TAllemagne
débordait hors de ses frontières propres, où elle opprimait et l'Italie et
le royaume d'Arles, où elle soutenait de longues querelles contre la
papauté; ils gémissent sur les temps où elle se replie sur elle-même,
où elle développe librement ses richesses, son commerce, son esprit, son
génie. Les époques glorieuses sont pour eux celles où l'histoire d'Alle-
magne est en dehors de l'Allemagne; les époques fécondes et vraiment
intéressantes sont pour M. Z. celles où la force de TAllemagne, au lieu
de se concentrer dans l'Empereur et de se dépenser à poursuivre un des-
D'hISTOIRK Kf DE LITTÉRATURE 23l
sein chimérique, reste au-dedans, quoique divisée, détenue par les pro-
vinces et par les villes.
Le volume s'ouvre par un brillant tableau de l'Allemagne sous le
grand interrègne. M. Z. nous montre tour à tour la décadence des
anciens duchés et comtés, la formation de nouvelles principautés ecclé-
siastiques et laïques. 11 insiste surtout sur la marche de Brandebourg,
où commandait la dynastie ascanienne, sur l'ordre teutonique en lutte
avec les païens du Nord, sur le royaume de Bohême et son souverain
Ottokar II. Des principautés il passe aux villes dont il décrit les privi-
lèges et les luttes intestines ; il parle des confédérations formées par ces
cités pour le maintien de la paix et donne les détails les plus intéres-
sants sur la ligue commerciale de la hanse. Par lui aussi nous connais-
sons cette organisation si bizarre de la sainte Vehme. Il ne néglige point
de nous entretenir de la littérature populaire des meistersiinger qui ont
succédé aux minneslinger et de ces belles cathédrales gothiques dont se
couvre le sol de l'Allemagne ^
L'interrègne finit en septembre 1272, quand, à Francfort-sur-le-Mein,
les électeurs désignent comme roi des Romains un petit seigneur de la
Suisse, Rodolphe de Habsbourg. Dès lors, de 1272 à 1410, se succèdent
sur le trône allemand Rodolphe ; Adolphe, un prince de Nassau, dont
les domaines peu considérables sont situés entre le Mein, la Lahn et
le Rhin; Albert I", fils de Rodolphe; Henri VII de la maison de
Luxembourg; un duc de Bavière, Louis IV; un petit-fils de Henri VII,
Charles IV de Luxembourg, roi de Bohême ; son fils Venceslas ; Robert
le Palatin. De chacun de ces rois, M. Z. fait un portrait très net; leurs
physionomies revivent devant nous; leurs caractères sont dessinés de
main de maître; leurs intentions sont scrutées; l'éloge et le blâme leur
sont équitablement distribués. Peut-être ici M. Z. ne s^est-il pas toujours
contenté des traits que lui fournissaient les documents; son imagination
très éveillée supplée parfois à l'insuffisance des textes; mais il use de ce
procédé avec une grande discrétion ; il développe les indications à nous
données par les vieux chroniqueurs; il achève le portrait tel qu'il ressort
de leurs livres; jamais il ne le crée de toutes pièces.
Après nous avoir fait connaître les souverains, M. Z. nous expose
quelle fut leur politique. Pour chacun de ces règnes, il s'est posé une
triple question. Comment le roi des Romains a-t-il agrandi ses états
I . M. Zeller écrit p. 85 : « Dans la ville de Strasbourg, grâce au maître Erwin de
Steinbach, la cathédrale dresse les orgueilleuses ogives de sa nef à la suite du chœur
byzantin des siècles précédents, projette pour former les deux bras de la croix ses
deux chapelles avec leurs portes latérales, élève enfin dans les airs, au-dessus des
broderies de pierre de son portail, cette unique tour qui pour la hauteur fut long-
temps sans rivale. » La phrase est très jolie; mais elle est tout à fait inexacte. Erwin,
qui peut-être n'était pas de Steinbach, mourut en 1 3 18 : il ne saurait donc être l'au-
teur de la nef et du transept, terminés dès 1276; la tour est d'époque bien posté-
rieure; elle fut achevée en 1489 par Jean Hueltz. Erwin est seulement le construc-
teur de la façade : ce qui est déjà un assez beau titre de gloire.
232 REVUE CRITIQUE
patrimoniaux? Quelles mesures a-t-il prises pour assurer l'ordre en
Allemagne? A-t-il fait revivre, en dehors de la Germanie, les vieilles
prétentions impériales et quelles ont été ses relations avec le pape,
l'Italie, le roi de France? Les princes, nommés chefs de l'Allemagne,
songent à profiter de leur nouvelle dignité, pour acquérir des domaines
propres, Rodolphe de Habsbourg s'empare des provinces autrichiennes
et la bataille de Marchfeld, dont M. Z. décrit si bien les péripéties,
fut « le baptême de sang de la monarchie d'Autriche ». Henri VII
livre la Bohême à son fils Jean et le fait solennellement couronner,
le 7 février i3ii, dans la cathédrale de Prague, Charles IV met
la main sur le margraviat de Brandebourg. M. Z. insiste avec beau-
coup de raison sur tous ces changements territoriaux; néanmoins,
jamais il ne perd de vue l'Allemagne dans son ensemble. Au
chapitre intitulé : « Organisation du patrimoine autrichien de Ro-
dolphe » succède le chapitre : « Rodolphe de Habsbourg en Allemagne »
où il nous dépeint tous les efforts faits par ce souverain pour maintenir
la tranquillité, s'appuyant tour à tour sur les princes ecclésiastiques et
laïques ou, à leur défaut, sur les petits seigneurs et les villes. Et, pour
chacun de ses successeurs, il recherche avec soin quelle conduite il a
tenue vis à vis des ligues des villes ou des ligues seigneuriales. L'un des
chapitres les plus remarquables de son ouvrage est consacré à la Bulle
d'or, qui règle Télection du roi des Romains et consacre l'oligarchie
des sept électeurs. Enfin, M. Z, a étudié avec un soin particulier la po-
litique extérieure de ces rois. Il loue fort Rodolphe de n'avoir point
répondu aux instances de Grégoire IX, qui le pressait de venir à Rome
pour la cérémonie du couronnement ; il blâme Henri VII de sa désas-
treuse expédition dans la péninsule italienne où il trouva la mort ; il ne
saurait partager l'enthousiasme de Pétrarque allant au-devant de Char-
les IV à Mantoue et saluant son arrivée dans des vers enflammés :
Venisti tandem, etc.; il n'a que raillerie pour la démonstration inutile
du Palatin au sud des Alpes. Les rapports de l'Allemagne et de la
France à cette époque sont surtout bien mis en lumière. M, Z, a em-
ployé l'ouvrage fort savant, très fouillé d'Alfred Leroux : Recherches
sur les relations politiques de la France avec l'Allemagne de 1298 à
1378; mais il a donné à cette partie de son exposition un éclat qu'on
ne trouve point dans ce livre.
Il nous reste à citer certains morceaux fort brillants sur les francis-
cains et les dominicains, sur la peste noire de 1348 et sur ces bizarres
processions de flagellants, dont le chroniqueur de Strasbourg, Twin-
ger de Kœnigshofen, nous a laissé une si pittoresque description,
sur les persécutions des juifs au temps de Charles IV, sur le grand
schisme.
Nous avons fait à l'ouvrage de M, Zeller quelques menues critiques
et nous lui avons décerné les plus grands éloges; d'une part comme de
l'autre, nous avons été d'une sincérité complète. Nous nous résumons,
d'histoire et de littérature 2 33
en disant : Il est regrettable que l'auteur n'ait pas toujours poussé le
souci de l'exactitude et de l'entière correction jusqu'au scrupule ; mais
son oeuvre n'en est pas moins l'une des plus considérables de notre
époque, l'une de celles qui font le plus d'honneur à la France.
Ch. Pfister.
^^.6. — L.a faus«»e «leanne <]'i4rc. Claude des j%i*tnoises. Du degré de
confianee à accoi-doi- aux découvertes de Jérôme Vlgnier. Lettre à
M. de la Chanonie, rédacteur en chef de l'Echo de l'Oise, par le comte de Marsy.
Compiègne, imprimerie H. Lefebvre, 1890, grand in-8 de 14 p.
447. — i*lerre Cauclion, évêque de Beauvais, l'un des juges de Jeanne d'Arc,
par le même. Ibid., i8go, grand in-8 de 14 p.
A propos de la singulière Vie de Jeanne d'Arc, de 1409 à 1440,
par M. Lesigne, on a rappelé que l'inventeur des premiers documents
allégués par les partisans de Claude des Armoises est le Père Jérôme
Vignier, né en 1606 et mort en 1661 '. Le comte de Marsy rappelle, à
son tour, que cet historien a été convaincu du crime de faux en matière
historique par bon nombre de nos plus sérieux érudits, notamment,
sans compter Jules Quicherat, par M. Julien Havet ^, par le Père
Ingold 3, par l'abbé Batiffol ^, par M. A. de Barthélémy ^, et il rappelle
encore que non seulement Vignier a sur la conscience la production de
l'acte de mariage de Jeanne et de Robert des Armoises, mais encore
qu'il a interpolé le fragment du texte de la chronique de saint Thibaut
de Metz, donné par son frère comme trouvé dans ses papiers. Il
défend ensuite Vallet(de Viriville) contre une accusation de M. Lesigne,
lequel prétend que l'historien de Charles VII croyait à l'identité de
Jeanne d'Arc et de Claude des Armoises. 11 établit que Vallet, peu de
jours avant sa mort, a tout au contraire dénoncé la fausse pucelle
Claude, mariée à Robert des Armoises {Revue moderne du 1 7 mai 1867).
Dans la seconde brochure, M. de M. démontre contre M. Victor
Bouton, auteur d'une toute récente notice sur Pierre Cauchon (jan-
vier 1890), que ce prélat appartient réellement à l'épiscopat et ne fut
point simplement « un évéque temporel ayant la direction et Tadmi-
nistration d'un évêché pour en recueillir les bénéfices ». Il combat avec
vigueur les assertions de M. Bouton et démolit en entier un travail
I. Voir surtout dans le Temps du 10 janvier, un article d'un de nos critiques les
plus distingués, M. Anatole France.
■i . Les découvertes de Jérôme Vignier (Questions mérovingiennes dans la Biblio-
thèque de rÉcole des Chartes, i883, p. 205-271.)
3. Bulletin critique du ib septembre 1886, au sujet de la vie de sainte Odile, mani-
festement fabriquée par Vignier, d'après le professeur Roth, de Bâle, dans ^/sa//a
de i836.
4. Bulletin critique du i5 avril 1886, au sujet de VÉpître de Théonas à Lucien,
à l'authenticité de laquelle ont complaisamraent cru dom d'Achéry, Tillemont, les
Bollandistes et l'abbé Migne, etc.
3. Histoire de la maison de Dampierre.
234 RKVUK CRITIQUE
« qui dénature la vérité historique ». M. de M. n'admet pas que l'évê-
que Cauchon appartînt à la famille bourgeoise déjà connue depuis
deux siècles dans la ville de Reims. Il n'admet pas davantage que
Tévêque de Beauvais soit l'auteur de la Chronique normande de Pierre
Cauchon, et, en cette question, il s'appuie sur l'indiscutable autorité du
dernier biographe du chroniqueur, M. Charles de Robillard de Beau-
repaire.
De même que tous les lecteurs de la première brochure de M. de
Marsy seront avec lui contre M. Lesigne, tous les lecteurs de la se-
conde brochure seront avec lui contre M. Bouton.
T. de L.
448. — t>es liommes du 14 juillet, gardes-françaises et vainqueurs de la
Bastille, par Victor Fournel. Paris, Galmann-Lévy. 1890, i vol. in-18, iv-349
pages.
Travail consciencieux, opinions exprimées d'une manière modérée,
style agréable à lire, telles sont les qualités qui frappent d'abord dans le
livre de M. Victor Fournel, qualités précieuses.
Le livre s'ouvre par un coup d'œil sur l'histoire et le régime intérieur
de la Bastille. Ce chapitre n'est qu'un résumé de travaux antérieurs, de
l'excellente introduction mise par F. Ravaisson en tête de ses Archives
delà Bastille et des articles parus sous le titre de la Bastille d'après ses
archives, dans la « Revue historique » (i^r janvier et i^'" mars 1890). Le
chapitre II est consacré aux g-ardes françaises avant le 14 juillet. L'au-
teur y explique heureusement l'état de désorganisation où était tombé, à
la veille de la Révolution, ce régiment privilégié. Le chapitre III, la
prise de la Bastille, ne contient aucun fait nouveau, mais il faut savoir
gré à M. F. d'avoir su choisir avec discernement, parmi les nombreuses '
relations de la prise de la Bastille, celles qui méritent plus particulière-
ment créance, et d'en avoir composé un tableau rigoureusement histo-
rique. Nous en dirons autant du chapitre IV, les prisonniers délivrés. .
L'auteur y fait justice de la légende du comte de Lorges, en se servant
des indications fournies à ce sujet par M. Alf. Begis dans l'Intermédiaire
du 10 mars 1889. Enfin s'ouvre cette extraordinaire épopée des vain-
queurs de la Bastille, lesquels, après être arrivés au plus haut point de
gloire et d'honneur, tombèrent dans la misère, les dissensions meur-
trières, et un complet discrédit. Mais ils surent se relever avec énergie,
et jouer, — jusqu'après 1848, — de leur héroïsme qui avait fondé la liberté,
pour obtenir pensions et honneurs. Il est encore question de la Bastille
dans le dictionnaire des pensions inscrites au Trésor public en 1874!
Comme Latude avait su faire une carrière de sa captivité, ces braves par-
vinrent à se faire une carrière de la Bastille qu'ils avaient prise, ou que
d'autres avaient prise en leur nom. Les recherches de M. F. éclairent
d'une manière franche et curieuse un grand nombre d'individualités
révolutionnaires.
I
d'histoire et de littérature 235
Voici quelques critiques. L'auteur écrit (p. 9) : « Au temps de La Parte,
c'est-à-dire sous le sévère cardinal de Richelieu, les prisonniers de la Bas-
tille avaient la liberté de se voir entre eux; ils avaient organisé diverses
occupations pour adoucir les rigueurs de la captivité. A plus forte raison
en fut-il ainsi au xviii^ siècle ». Celte phrase est en contradiction avec
l'histoire du régime intérieur de la Bastille, celui-ci, comme nous croyons
l'avoir montré, allant se rétrécissant d'année en année.
Pour faire le récit des premières journées révolutionnaires, celles qui
ont précédé et suivi le 14 juillet, M. F. se sert avec trop de confiance du
Moniteur, lequel ne contient à cette date qu'une compilation de seconde
main. On sait que la rédaction quotidienne n'en commença qu'au
24 novembre 1789. Ainsi, p. 83 M. Fournel cite, à propos d'un détail
de la prise de la Bastille,i|le récit du Moniteur pour confirmer la relation
des invalides imprimée dans la Bastille dévoilée tandis qu'elle n'est
qu'une reproduction de cette même relation des invalides quelque peu
étendue et accommodée au goût du jour.
Quant à la forme du livre, louons le style vif, plein d'entrain, que sur-
chargent peut-être trop de traits d'esprit.
Frantz Funck-Brentano.
449. — I. BerthelÉ (Jos ) Reclier-elies i»oiii- servli* à l'Inistoire dee> ai-ts
en Poitou. Melle, 1889, i vol. in-8 de 5oo p.
4Î)o. — 2. Lecoy de la Marche. Les Sceaux. (Bibliothèque de l'Enseignement
des Beaux-Arts). Paris, Quantin (1890). i vol. in-8 de 3io p. avec fig.
45 1. — 3. Inventaire général des richesses d'art de la France. Rarîs. Monuments
civils, t. II. Paris, 1889, i vol. in-4.
452. — 4. Triger (R.) Xotice sur la vie et les travaux de M- Eugène
Hucliei>. Le Mans, 1890, i vol. in-8 de iio p. avec fig.
4^3. — 5. Petroz (Pierre). Esquisse d'une histoire de la peinture au
Alusée du l^ouvre. Paris, Alcan, 1890, i vol. in-8 de 290 p.
454. — 6. Wolfram (D' G.) Dîe Reîterstatuette Karls des Grossen aus
der Katitedrale zu Metz. Strasbourg, Trùbner, 1890, in-8 de 26 p.
4^3. — 7. BoYER (Hipp.) Les enceintes de JBoui'ges. Bourges, 1889. i vol.
in-8 de 226 p.
I, — Le livre de M. J. Berthelé, archiviste des Deux-Sèvres, com-
prend deux parties distinctes, d'inégale importance : une série d'études
d'archéologie monumentale, déjà mises au jour pour la plupart, et
une sorte de répertoire important des inscriptions conservées sur les
cloches et sur les divers objets du mobilier sacré des églises poitevines.
— Après ces quelques articles, que nous nous bornerons à mentionner :
La crypte de Saint-Léger à Saint-Maixent (vue et xi° siècles] ; l'église
de Goiirgé; l'église d' Airvault ; de quelques influences auvergnates
et limousines dans les églises romanes du Poitou et de la Saintonge,
(étude sur les voûtes de Saint-Hilaire de Poitiers) ; de quelques influen-
ces périgourdines et angoumoisines etc. (clochers); une influence cham-
penoise en Bas-Poitou (l'église de Maillezais, bonne discussion), — il
2 36 REVUE CRITIQUE
faut citer plus spécialement l'étude, lue au Congrès des sociétés savan-
tes, sur l'architecture Plantagenct. C'est une école gothique dont les
monuments, en Anjou, en Touraine, en Poitou, offrent assez de parti-
cularités pour qu'on la distingue des grandes écoles ses voisines. Il y a
là une évolution, une dérivation, curieuse à étudier, de la voûte à ner-
vures : fusion de la coupole à pendentifs non distincts (forme rare) et de
la croisée d'ogives dont l'influence envahissait tout, à cette époque da
milieu du xii® siècle. M. B. donne ici un bon résumé de la question et
d'intéressants détails sur les principaux types à examiner.
La seconde partie du volume, qui ne comprend pas moins de trois
cents pages, est un inventaire méthodique de reliquaires, chefs et bras,
de vases sacrés et de cloches, avec le texte de leurs inscriptions, mais
nourri de nombreux détails et renseignements locaux, avec des études
soignées sur les anciens fondeurs de cloches, leur outillage, leurs pro-
cédés, leur vie. Tout cela est net et bien établi, et d'ailleurs la méthode
de M. Berthelé est excellente, et ses doctrines parfaitement saines. On
pourrait simplement reprocher un peu de minutie dans la discussion et
la documentation de ces études archéologiques. Le texte et les notes
sont quelquefois encombrés de citations de travaux sans valeur et inu»
tiles, qui forcent l'auteur à une courtoisie un peu banale. Sa conscience
n'a pas besoin vraiment d'aller jusque-là, et le volume y gagnerait un
peu de légèreté.
2. — M. Lecoy de la Marche a déjà publié, dans la collection dirigée
par M. J. Comte, un volume sur les manuscrits et la miniature. Ce
nouveau travail sur les sceaux sera certainement plus apprécié des lec-
teurs : c'est un bon résumé d'ensemble, avec un nombre suffisant de
reproductions héliographiques pour attirer non seulement l'attention
mais le goût des gens du monde, et qui même ne sera pas sans commo-
dité pour les gens du métier. La matière est si vaste, toutefois, qu'il n'y
faut pas chercher des développements très approfondis, des documents
très nombreux; chacun regrettera peut-être le trop peu de place occu-jj
pée par telle catégorie de sceaux qui l'intéresse plus spécialement Mais|
l'important, c'est que l'auteur ait dressé un plan de travail et derecher-*!
ches exact et nettement défini, et ces qualités se trouvent dans le livre
de M. Lecoy de la Marche. Il a eu soin de donner de bons renseigne-
ments sur l'usage, la législation, la fabrique du sceau, les matières em*
ployées pour les empreintes, la composition des matrices; tout cela,
bien entendu, pour la seule époque du moyen âge et des temps modernes.
Il ne faut pas chercher ici beaucoup de détails sur les sceaux antiques
et orientaux.
M. L. de la M. fait justement remarquer l'intérêt qu'offrent les sceaux
de villes pour les monuments qui y sont représentés. On a plusieurs
fois fait usage de ces documents très particuliers, et bien qu'il n'y faille
pas attacher une importance capitale pour la restitution ou l'histoire des
édifices, à cause de l'étroitesse extrême du champ, et de l'habitude fré-
D HISTOIRK ET DK LITTÉRATUKK 2'i'J
quente des graveurs d'entasser les objets en une perspective essentielle-
ment déformatrice, il y aurait là, croyons-nous, un curieux travail à
faire. On pourrait relever d'ensemble toutes les représentations archi-
tecturales des sceaux, les identifier autant que possible à Taide des don-
nées archéologiques, et en dresser une table critique permettant les
rapprochements et les comparaisons. Il est impossible qu'il ne sorte pas
de là un vrai profit pour l'histoire des villes et des monuments.
Un dernier mot. M. Lecoy de la Marche n'emploie à peu près jamais,
avec raison, le mot si inexact de sceau ogival, et paraît avoir été em-
barassc pour trouver un terme équivalent et juste, car il a évité tant
qu'il a pu la nécessité de son emploi. Pourquoi ne pas prendre l'expres-
sion très simple des archéologues allemands : sceau oval aigu (spitz-
oval) ?
3. — Nous nous contenterons d'annoncer le nouveau volume de l'in-
ventaire des richesses d'art, concernant quelques-uns des monuments ci-
vils de Paris. La partie principale y est consacrée au Jardin des Plantes,
c'est-à-dire surtout à la description des cent quatre volumes de vélins
(dont soixante-quatre composés de reproductions de plantes) conservés
au Muséum, dont s'est chargé M. H. Stein. M. Michaux a décrit vingt
mairies, dix-sept places et squares, la Bourse, le Tribunal de com-
merce ; M. Ruprich- Robert, le Val-de-Grâce; M. de Chennevières,
le Panthéon. Chacune de ces notices est précédée d'un bon résumé
historique, avec indication des sources principales.
4. — La notice de M. Triger n'est pas une sèche biographie quelconque:
nous en ferions à peine mention, .s'il en était ainsi; mais c'est une vraie
étude archéologique sur un des meilleurs antiquaires de la province, et
illustrée de nombreuses figures, qu'on a d'autant plus de plaisir à revoir
ici, qu'elles sont dues au crayon de M. Hucher même, qui était aussi
dessinateur habile, comme on sait. « Trop souvent dépouillée, au profit
de la capitale, de ses intelligences d'élite et de ses talents naissants, la
province a rarement le privilège de posséder de véritables savants, dont
la réputation, franchissant les limites ordinaires de la région, se répande
dans toute la France et même à l'étranger. » Très justes sont ces lignes
de M. T., et il est juste aussi de considérer comme une de ces exceptions
heureuses de nos sociétés de province, l'auteur de VArt gaulois, des
Calques des vitraux de la cathédrale du Mans, de ïhistoire du jeton
au moyen âge, du jubé du cardinal de Luxembourg, de l'édition du
Saint-Graal, etc. — La table bibliographique qui termine la notice ne
contient pas moins de deux cent soixante-seize numéros.
5. -— 11 n'y a pas grand'choseàdire del'a esquisse générale »de M. Pe-
troz sur l'histoire de la peinture. Il se défend d'avoir voulu faire un livre
et se présente à nous comme un curieux, désireux de rédiger ses idées et
de nous faire part de ses réflexions en face des principaux chefs-d'œuvre,
particulièrement ceux du musée du Louvre. Il y aurait donc mauvaise
grâce à trop exiger de lui. Cependant il est permis de trouver qu'il au-
2 38 REVUE CRITIQUE
rait dû se borner à ces excursions pittoresques dans le monde du beau,
et laisser de côte' cette préoccupation continuelle, qui pénètre toutes les
pages, de « déterminer les rapports des diverses écoles avec l'état intel-
lectuel, moral ou social contemporain. » 11 s'est empressé de prendre, au
système connu de M. Taine, ce qu'il a de plus outré et de plus mesquin,
et sans Tappuyer, du moins, comme lui, sur des bases sérieuses, abso-
lues..., sans l'éclairer par les conceptions d'un esprit supérieur. La mé-
thode ne lui a servi au contraire qu'à lancer toutes sortes d'assertions
légères et suspectes, appuyées d'autorités de troisième main. En somme,
en voulant trop être profond, il a été superficiel, et son livre n''appren-
dra rien à personne.
6. — La brochure du d'- Wolfram est un résumé de l'histoire de la
fameuse statuette équestre de Charlemagne, autrefois conservée à la
cathédrale de Metz, disparue à l'époque de la Révolution, achetée par
Al. Lenoir, arrivée après diverses aventures à l'Hôtel de ville de Paris,
sauvée de l'incendie de la Commune et aujourd'hui enfin installée au
Musée de la Ville à PHôtel Carnavalet. Plusieurs reproductions en ont
été exécutées en bronze, et l'une d'elles a été placée à Metz, en souvenir
de Poriginal : c'est à propos de cette installation que le d'' Wolfram a
écrit cette notice, à laquelle il a joint une phototypie de la repro-
duction. Donner l'original même eût été, semble-t-il, plus intéressant
pour le lecteur messin. — Il expose l'état de la discussion ouverte sur
l'authenticité du portrait, et ajoute des détails sur le cérémonial dont la
statuette impériale était l'objet dans la cathédrale de Metz.
y. — Bourges renferme deuxenceintes successives, séparées par cinq ou
six siècles, l'enceinte de la cité et celle de la ville. La dernière a presque en-
tièrement disparu, et c'est la muraille antique qui s'est conservée, englo-
bée dans les constructions particulières, entre la partie ancienne et la
partie moderne de la ville. L'enceinte antique serait des premières]
années du v^ siècle, et postérieure à l'invasion des Vandales. La maisortl
célèbre de Jacques cœur est établie sur cette puissante muraille, La se-
conde enceinte remonterait à i i5o environ, — La notice de M. BoyerJ
la monographie plutôt, abondamment documentée et pourtant serrée dé]
près, est précieuse au double point de vue de l'archéologie et de l'histoire]
locale et vraiment très intéressante à suivre pour qui connaît Bourges.]
C'est à coup sûr un des meilleurs travaux que les sociétés de province 1
aient fourni l'année dernière.
H. DE CURZON. jV
CHRONIQUE
FRANCE. — Un archéologue de grand mérite, M. F. Pouy, vient de publier une
très curieuse notice sur les bas-reliefs relatifs à Sai>U-Finnin-le-Martyr à Amiens^
et à Saint- Acheid, xiiif, xv^ et xvi^ siècles. (Amiens, l.anglois, 1890, in-S" de i5 p.). j
d'histoire et de littérature 289
ALLEMAGNE. — La librairie Gœschen, de Stuttgart, va publier : 1° un ouvrage
de M. R. Fester, Rousseau iind die deutsche Geschichtsphilosophie, qui comprend
onze chapitres; 2° une Geschichte der deutschen Verfassungsfrage wcehvend der
Befreiungskriege und des Wiener Kongresses 18 12-18 1 5, par W. Ad. Schmidt ;
ce livre posthume est publié par les soins de M. Alfred Stern; il rectifie et complète
Treitschke sur plusieurs points.
— MM. Max Herrmann et Siegfried Szamatolski publient à la librairie Speyer et
Peters, de Berlin, une collection de Lateinische Denkmœlev des XV und XVI Jahr-
hunderts ou « Monuments latins du xv'^ et du xvi« siècles ». Un grand nombre d'éru-
dits leur ont promis leur appui. Il est convenu que les éditions renfermeront une
introduction complète (critique du texte, bibliographie caractéristique, historique et
littéraire), et que l'orthographe des latinistes du xv» et du xvi^ siècle ne sera pas
conservée. Paraîtront d'abord : ï° Guliebnus Gnapheus. Acolastus, p. p. J. Bolte; 2°
Eccius dedolatus, p. p. S. Szamatolski; 3" Tiiomas Naogeorgus, Pammachius (avec
introd. d'E, Schmidt), p. p. J. Bolte; 4° Philippus Melanchthon Declamationes,
extraits, p. p. K. Hartfelder; 5° Euricius Cordus, Epigrammata, p. p. G. Krause;
6" Ugolinus Pannensis, Pliilogenia, p. p. Max Herrmann. Paraîtront postérieure-
ment : Baptista Manttianus, de septem peccaiis cayitalibus, p. p. Enders ; Henricus
Bebelius, Facetiae, p. p. Roethe; Xystus Betulius, Judith, p. p. Fr. Spe.vgler ; Tho-
mas Campanella, De civiiate solis, p. p. P. Hensel ; Convadus Celtes, Odae, p. p.
K. Hartfelder ; Cornélius Crocus, Josephus, p. p. Bolte; Epistolae obscurorumviro-
rum, p. p. Szamatolski; Desiderius Erasmus, Carmina et Pœdagogische Schriften,
p. p. Karl Hartfelder; Eligius Euclianus, Grisellis, p. p. Philippe Strauch; F. H.
Flayder, Ludovicus bigamus, p. p. Alex, von Weilen ; Nicodemus Frischlinus,
Julius redivivus, p. p. G. Roethe; Eobanus Hessus, Heroîdes, p. p. Max von Wald-
BERG ; Eobanus Hessus, Satirische Dialoge, p. p. Cari Krause; Johannes Kerck-
meisler, Codrus, p. p. Edward Schrœder; Deutsche Lyriker des 16. Jahrhunderts
(Auswahl), p. p. George Ellinger ; Georgius Macropedius, Rebelles, Aluta, p.p.
J. Bolte; Thomas Murner, Honestorum poemalum condigna laudalio, p. p. Th. von
Liebenau; Franciscus Poggius, Facetiae, p. p. M. Herrmann; Jacobus Schoepper,
Joannes decollatus, p. p. Karl Drescher; Ludovicus Vives, De pauperum subven-
tione, p. p. P. Fr. Ehrle.
— M. MuNCKER a été nommé professeur extraordinaire de littérature allemande à
l'Université de Munich; M. Baist, professeur ordinaire de philologie romane à l'U-
niversité de Fribourg.
— La Zeiischrift fiir deutsches Altertum a. désormais pour directeur, à la place de
M. Steinmeyer qui se retire. M, Schrœder, de Marbourg.
ITALIE. — M. Eugène Mûntz a été nommé membre étranger de l'académie royale
di San Luca, en même temps que MM. Ferd. Gregorovius et Wolfgang Helbig.
— Un de nos collaborateurs nous écrit à propos de la brochure Una fantastica
cronologia degli scritti di Sant' Ennodio dont nous avons rendu compte dans
notre numéro 40, la note suivante que nous insérons volontiers. « C'est une réfu-
tation en règle de Tanzi. Elle aurait gagné en valeur si les arguments étaient produits
sur un ton plus mesuré, si l'écrivain anonyme ne soupçonnait pas Tanzi aussi bien
que Vogel, le dernier éditeur d'Ennodius, d'avoir voulu discréditer l'évêque de Pavie
et l'Eglise catholique, si enfin on n'y trouvait une défense de toutes les opinions
émises jadis dans la Scuola cattolica de Milan (t. XXI, i883) par Franc. Magani. Le
commentaire est d'ailleurs très es^timable. »
— (Quelques érudits de Girgenti ont fondé une Société, la Biblioteca patria Agri-
gentina qui se propose de recueillir les œuvres des écrivains agrigentins et tout ce
qui a été écrit et s'écrira sur Acragas, Agrigente et la moderne Girgenti. Elle
240 REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTERATURE
recherche tous les livres, opuscules, journaux, estampes, manuscrits, autogra-
phes, etc., relatifs à l'histoire passée et présente de Girgenti.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 10 octobre 18 go.
M. Ch. Schefer, président, annonce à l'Académie que Sa Majesté dom Pedro,
empereur du Brésil, associé de l'Académie des sciences, honore la séance de sa pré-
sence.
M. Deloche continue la seconde lecture de son mémoire sur Y Histoire de la ville
de Saint- Rémi-de- Provence .
M. Edmond Le Blant est désigné pour lire, à la séance publique annuelle de
l'Académie, son mémoire intitulé : Trois statues cachées par les anciens. Cette
séance aura lieu le vendredi 14 novembre.
M. René de Maulde-la-Clavière communique un travail sur les origines du canton
du Tessin. Il formule dans les termes suivants le résultat de ses recherches : « Il
n'est pas exact de dire que le canton du Tessin doit sa naissance, en l'année i5oo, à
une promesse ou à une tolérance de Louis XII. comme l'ont affirmé Prato et Gui-
chardin. C'est par un acte de violence que les Suisses arrachèrent ce lambeau de la
Lombardie. Ils s'y maintinrent par l'appui de l'Allemagne et des amis de l'Allema-
gne en Italie, c'cst-à-dire des Gibelins, principalement des Gibelins de Lugano. »
M. Menant annonce en ces termes la découverte de quelques inscriptions hétéennes
nouvelles : « J'ai l'honneur de vous faire part d'une découverte qui intéressera vive-
ment ceux qui se préoccupent des études hétéennes. Je viens de recevoir une lettre
de M. le ptof. Sa\ce (6 de ce mois) qui m'apprend que MM. Ramsay et Hogarth
ont voyagé tout l'été en Cappadoce, et qu'ils ont pris des estampages, des photogra-
phies et des copies des inscriptions de Bov. d'Ibreez de Bulgovmaden, de Gurun et
d'ilgun. Ils ont découvert également une série de sculptures rupestres à Frathin.
Les' estampages des inscriptions de Bov et d'Ibreez, peuvent être considérées comme
faisant connaître de nouvelles inscriptions, car les copies qu'on en avait jusqu'ici
étaient tellement défectueuses qu'elles ne pouvaient servir de base à un travail sérieux.
Les autres inscriptions sont complètement inédites. M. Sayce a déjà sous les yeux
les estampages des textes de Bov et d'Andaval, ainsi que les copies des inscriptions
d'Ibreez, de Buigovmaden et de Gurun; il attend dans quelques semaines des
estampages et des photographies de tous les autres documents.
« L'examen sommaire auquel M. Sayce s'est livré sur ces nouveaux textes, l'a
amené à la conhrmation de plusieurs de ses lectures antérieures, et quelquefois à en
compléter ou à en rectifier d'autres. C'est ainsi qu'il a été conduit à reconnaître à un
signe qu'il n'avait pas traduit dans les inscriptions de Hamath, la valeur idéographi-
que de « construire, faire, fonder ». Or, c'est précisément le même signe auquel
j'avais attribué de mon côté la valeur du « construction, temple, palais, forteresse »
en m'appuyant sur le rôle qu'il joue dans le nom de Kar-Kemish, ainsi que je l'ai
expliqué dans notre séance du g juin dernier; c'est aussi cette valeur qui m'a con-
duit à compléter également la lecture de la partie finale des trois inscriptions de
Hamath dont j'avais entretenu l'Académie antérieurement. Permettez-moi de faire
remarquer ici que M. Sayce n'a pu avoir connaissance de mes travaux actuellement
sous presse, l'un dans vos Mémoires, l'autre dans le Recueil de M. Maspero; pas
plus que je ne pouvais soupçonner l'existence des documents nouveaux sur lesquels
M. Sayce s'appuie aujourd'hui. Je suis heureux de faire appel aux souvenirs de
l'AcaJemie en cette circonstance, pour constater qu'on peut déjà, dans cette science
si nouvelle, arriver aux mêmes résultats en se livrant d'une manière indépendante à
l'étude des textes hétéens. »
M. Théodore Reinach commence une communication sur l'histoire des rois de
Commagène, d'après des inscriptions récemment découvertes dans ce pays par
MM. Humann et Puchstein.
Ouvrages présentés : — par M. le Secrétaire perpétuel : Hauréau(B.), Notices et
Extraits de quelques manuscrits latins de la Bibliothèque nationale; — par
^L Schlumberger : Svoronos, Numismatique de la Crète ancienne, i" partie, texte
et atlas; — par M. Saglio : Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, fasc. 14;
— par M. Gaston Paris : Mélv (F. de), la Croix des premiers croisés (extrait de la
Revue de l'art chrétien): — par M. Daubrée, de l'Académie des sciences : un numéro
du Monatsblatt der numismatischen Gcsellschaft m Wien, contenant un article de
M. brezina, sur des médailles antiques où sont représentés des météorites; — par
M. Delisle : Babelon (Lrnest), Catalogue des monnaies grecques de la Bibliothèque
nationale, tome l^f.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, '23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 43 - 27 octobre — 1890
Sommaire î 456. Bergaigne et Henry, Manuel pour étudier le sanscrit védique. —
457. Tacite, Germanie, p. p. Zernial. — 458.Ebert, Littérature latine du moyen
âge, 2' éd. I. — 45g. Bratke, Sources de l'histoire ecclésiastique. — 460. Blan-
chet, Manuel de numismatique. — 461. Lair, Foucquet. — 462. Saint-Simon,
Mémoires, vu, p. p. Boislisle. — 463. P'aguet, xviii» siècle, études littéraires. —
464. TouRNEUx, Bibliographie de l'histoire de Paris pendant la Révolution, —
Chronique. — Académie des Inscriptions.
456. — A. Bergaigne et V. Henry. Manuel pour étudiei* le sansci-ît védi-
que. Précis de grammaire — Chrestomathie — Lexique. Paris, Emile Bouillon,
1890. — xvii-336 pp. in-8.
Le projet de doter notre enseignement d'un Manuel de la langue védi-
que était arrêté chez Bergaigne dès le temps où il traçait le plan de son
Manuel de la langue classique ^. Dans sa pensée, l'un était le complé-
ment nécessaire de l'autre et, en rédigeant le seul des deux ouvrages
qu'il lui était réservé d'achever, il n'avait si soigneusement écarté toute
allusion aux formes archaïques, que parce qu'il était bien décidé à les
traiter à part. D^autres travaux l'avaient obligé d'ajourner ce projet
mais il ne l'avait pas abandonné. Le dessin général du livre était arrêté
des parties même en avaient été rédigées et lui avaient encore été sou
mises par celui de ses élèves qu'il s'était plus particulièrement associé
pour cette tâche et à qui devait incomber le pieux devoir de l'achever.
Dans le Manuel, tel que le publie M. Henry, le choix des hymnes du
i^igveda et de l'Atharvaveda est de Bergaigne, sauf un hymne à Yama,
que M. H. s'est décidé à admettre, pour que cette importante figure du
panthéon védique fût, comme les autres, représentée dans le recueil.
Les textes rituels (un morceau duÇatapatha Brâhmana, un morceau de
TAitareya Brâhmanaet deux chapitres du Grihyasûtra de Gobhila ~) ont
été choisis par M. Henry. Bergaigne n'avait rien arrêté de définitif à cet
égard. Peut-être se serait-il décidé à faire la place plus grande aux spé-
cimens de la prose védique. Dans l'incertitude et pour maintenir une
proportion plus exacte entre les deux manuels, M. H. a cru devoir limi-
ter son choix, en se conformant d'ailleurs à la pensée de son maître, qui
était de prendre des morceaux rituels de préférence à des morceaux lé-
gendaires.
La grammaire est entièrement l'œuvre de M . Henry. Elle a été retrou-
1 . Cf. Reu. crit. du 20 sept. i885.
2. Ces deux derniers morceaux appartiennent bien à la littérature du Véda, mais
non à la langue ni à la grammaire védique.
Nouvelle série. XXX. " 43
242 REVUE CRITIQUE
vée dans les papiers du défunt, telle qu'elle lui avait été envoyée, sans
aucune annotation de sa main. Il est donc douteux que Bergaigne ait
eu le temps de la revoir. Mais, de toutes les parties de Toeuvre, c'était
peut-être celle où Ton risquait le moins de se méprendre sur ses inten-
tions. Le Manuel sanscrit donnait le cadre : il n'y avait qu'à le remplir,
en reprenant, paragraphe par paragraphe, les faits d'ordre archaïque qui
en avaient été exclus. L'admirable grammaire de M. Whitney, qui avait
déjà servi de terme de comparaison et de moyen de contrôle pour le
premier Manuel, était désignée d'avance pour le même service à rendre
au second. Le reste, même pour les matières entièrement neuves, telles
que l'accentuation et la métrique, n'était qu'affaire de rédaction et aussi
de mesure : il s'agissait, tout en écrivant un Manuel, de n'omettre aucun
fait important. M. H. avait vécu trop longtemps en parfaite commu-
nion d'idées avec son maître, pour n'avoir pas l'exact sentiment de cette
mesure. Sur un petit nombre de points seulement, je crois qu'il aurait
pu être plus complet. Au chapitre de la composition, par exemple, pour-
quoi ne pas remarquer que les ly pesjamadagtii, bharadvdja, crutkarna
et, en général, les composés syntactiques sont védiques ? Les règles d'ac-
centuation pour ce chapitre auraient aussi pu être plus développées. Le
traité de M. Aufrecht sur l'accent des composés, bien que vieux de près
d'un demi siècle, eût été consulté a^^ec profit. De même les monogra-
phies de MM. Avery et Lanman auraient fourni quelques données de
statistique plus précise pour les formes nominales et verbales. Mais ce
sont là des faits d'appréciation toute personnelle et forcément variable.
Plus délicate de beaucoup était la rédaction du lexique. Pour les mor-
ceaux empruntés au i^igveda, M. H. avait pour se guider, outre les tra-
vaux généraux de Bergaigne, une traduction entièrement rédigée de sa
main, qui s'est trouvée dans ses papiers 1. Mais, pour les morceaux de
l'Atharvaveda, il était livré à lui-même. Je n'ai pas eu le temps d'exa-
miner en détail cette partie de l'ouvrage. Mais j'en ai vu assez pour me
convaincre que là aussi M. H., sans abdiquer en aucune façon son ju-
gement propre, a travaillé dans l'esprit de son maître, avec un soin dé-
voué.
Il ne me reste qu'à signaler à M. H. quelques menus détails de rédac-
tion sur lesquels je ne suis pas d'accord avec lui.
P. I, § I et suivants, M. H. oppose l'un à l'autre Veda ti Brdhmana
d'une façon qui ne me paraît pas admissible, quand on procède par défi-
nitions. Comment s'y prendrait-il pour appliquer sa terminologie au
Yajus Noir? — P. 6, § 16 : « L'accent grave, correspondant à ce que
nous nommons la syllabe atone ». Cela est un peu sommaire après ce
qui vient d'être dit de la nature musicale de l'accent védique. Pour nous,
la syllabe atone est avant tout une syllabe qui n'a pas Victus, sur laquelle
la voix faiblit; en sanscrit, l'accent grave marque les syllabes sur les-
I. A côté d'une autre traduction complète de M. Henry, que celui-ci lui avait en-
voyée et à laquelle il n'avait ajouté que quelques courtes annotations.
d'histoire et de littérature 243
quelles la voix baisse. L'accent svarita ne descend pas non plus « de
l'aigu au grave »>. D'après la tradition, il prend de plus haut que l'aigu
et descend plus bas que le grave. — P. 8, § 2 1 B ; p. 32, § 93 ; p. 19,
§41 : pourquoi dire que, dans les cas spécifiés, le verbe personnel et les
vocatifs sont « enclitiques, par conséquent atones », et ne pas dire simple-
ment qu'ils ne sont pas marqués de l'accent. Il y a là évidemment des
faits qui nous échappent, parce que la notation védique n'a pas tenu
compte de Victus. — P. 10, § 25 : « Cette notation (celle du i^igveda)
est suivie dans toutes les éditions européennes des Vedas ». M. H. sait
fort bien que cela n"'est pas vrai pour les vers du Sàmaveda, ni pour l'Ai*
tareya et le Çatapatha-brâhma?za (puisqu'il en fait lui-même la remar-
que ailleurs), ni pour la Maitrâya?n Saj7zhitâ, ni pour le Kaushîtaki-
brâhmana, ni pour les Brâhma/zas du Sàmaveda et de l'Atharvaveda.
Or tout cela fait bien partie « des Vedas ». — P. 1 3, § 20 F : je n'aime
pas beaucoup « le groupe primitif ^d », qui nous transporte sans transi-
tion sur un tout autre domaine, celui delà phonétique indo-européenne.
Partout ailleurs, M. H. a évité de s'y engager avec une abnégation de sa
part tout à fait louable. J'eusse préféré qu'il s'en fût encore abstenu cette
fois-ci, et qu'il eût remarqué plutôt que le fait en question rentre dans
les tendances pracritisantesqui se manifestent parfois dans la langue vé-
dique. Une observation semblable aurait pu être faite en passant pour
d'autres particularités de cette langue; par exemple, la confusion qu'elle
autorise, en beaucoup de cas, entre les thèmes en f, u et ceux en i, û. —
P. 43, § I 24 : à prendre les termes strictement, il y a là une confusion
entre la gâyatri et le gâyatra pdda. La formule si fréquente ashtdk-
shard gâyatrî ne signifie pas précisément que huit syllabes font une
gâyatrî, qui, dans la langue technique, en comprend toujours vingt-
quatre. La même observation s'applique aux paragraphes suivants 1.
Mais ce sont là d'insignifiants détails, qui ne sauraient diminuer en
rien la reconnaissance que nous devons à M. H. pour le soin qu'il a
mis à achever cette œuvre de collaboration posthume. Elle nous rap-
pelle d'une façon touchante tout ce que nous devons à celui qui n'est
plus, et elle nous permet d'espérer beaucoup de ceux qu'il a formés. A
l'enseignement supérieur en France, elle donne un instrument excellent.
Les changements que M. Henry a introduits dans les dispositions
extérieures du livre, la substitution du caractère romain au caractère
devanâgarî, la suppression de certaines lisières bonnes pour des com-
mençants, mais inutiles ici, l'arrangement du lexique rendu plus com-
mode, sont tous juslitiés dans un ouvrage qui s'adresse à des élèves beau-
coup plus avancés et qui, tous, sont supposés en parfaite possession du
Manuel de la langue classique.
A. Barth.
I. P. 10, 1. 6, lire (dans le àù\z.x\'\s,din), yajamdnây^a.
244 REVUE CRITIQUE
457. — U. Zernial, Xncitus Gorninnla erklrert mit einer Karte von H. Kiepert.
Berlin, Weidmann, 1890. Vorwort, ui-iv. Einleitung, 1-14. Texte, 17-qi. Kri-
tischer Anhang, 92-94. Namenverzeichniss, gS-ioi.
La collection Weidmann ne contenait pas jusqu'ici les œuvres com-
plètes de Tacite. On avait depuis longtemps l'excellente édition des
Annales de Nipperdey, revue depuis quelques années par Andresen. U
y a deux ans, Éd. Wolf a donné, pour y faire suite, une bonne édition
des Histoires. Voici la Germanie 3innoiéQ d après la même méthode qui
certes est la bonne.
L'auteur, M. U. Zernial, a eu déjà l'occasion de s'occuper de cet
ouvrage de Tacite en rendant compte de la 4^ édition de Halm 1. Il a
montré dans son article que, de la 3'^ à la 4^ édition, les idées de Halm
sur la valeur des mss. de la Germania ont beaucoup changé, et que,
comme Ta proposé Waitz et comme le fait Halm, il faudra désormais
attacher beaucoup plus d'importance aux mss. Ce.
Le choix du texte est judicieux; l'apparat critique très clair, et bien
au courant. On relèverait entre la carte due à Kiepert et l'orthographe
de l'édition certains désaccords (42, Varisti) et dans la carte quelques
omissions (28, Nemetes ; 40, Aviones^ etc.), — Dans le texte les fautes
d'impression sont malheureusement assez nombreuses.
On sait combien sont nombreux les travaux allemands sur la Ger-
manie. M. Z, en a tiré bon parti sans sV perdre. L'introduction con-
tient sur le moment où a été composé le livre, sur le but de Touvrage, sur
le style dans lequel il est écrit, de bonnes remarques où j'aurais seulement
voulu çà et là un peu plus de clarté. Je citerais volontiers, sur les imi-
tations de Tacite, une page (p. 8-9) très intéressante, mais sur laquelle il
y aurait bien à dire. Qu'il me suffise ici de regretter que dans cette
introduction comme dans les notes, Tacite n'ait pas été un peu plus
comparé à lui-même. Sans compter beaucoup de passages des Annales
auxquels il eût fallu renvoyer, ne devait-on pas rapprocher (38 fin) :
ament amenturque de l'expression fameuse (19) : corrumpere et cor-
rumpi et remarquer que ce tour célèbre a été repris plus lard et, comme
il arrive dans ces reprises, quelque peu gâté par Tacite dans un ouvrage
postérieur (Ann. XIV, 20)? L'excellent lexique de Gerber et Greef
rend, à Theure présente, moins excusables des omissions de ce genre.
Emile Thomas.
458. — Allgemelne Geschiclite <ler L,iteratui> des MIttelalters îm
Ahcndlande bin 7.uin Beginnc des XI Ialii>liander(s, von Adolf Ebert.
Erster Band, zweite verbesserte und vermehrte Auflage. Leipzig,. Vogel xiv-667 pp.
Prix : 12 Mark. .^Jjl
La première édition de ce volume comprenait 616 pp. de texte; la
seconde en a 659. Gomme il n'y a pas à revenir sur l'importance capi-
I. Voir la Wochenschrift de ibi85, p. 1040 et suiv.
d'histoire et de littératdrb 245
taie d'un livre qui est la meilleure histoire de la littérature latine chré-
tienne, je voudrais indiquer seulement dans cet article les modifications
que quinze années de recherches entreprises partout ont nécessitées dans
ce tableau d'ensemble. Comme on va le voir, ces changements ne por-
tent guère sur l'essentiel, à part quelques additions importantes. Ainsi
qu'on doit s'y attendre, c'est la bibliographie surtout qui a reçu de Tac-
croissement.
P. 26, n. I (traduction française, 35, i) : éd. de Minucius Félix par
Baehrens (1886) ; Schwenke, ueber die Zeit des M. F., dans Jahrb. f.
prot.-Th., IX; Kuhn, der Octauius des M. F., 1882. P. 26, n. 4(35, 4),
M. Ebert ne se déclare convaincu ni par la dissertation de Wilhelm
(Breslauer phil. Abhandl. II) ni par l'article de Massebieau (Rev. hist.
rel., i5, 3 16) au sujet des rapports entre M. F. et TertuUien; il main-
tient son ancienne opinion, P. 33, i (42, r) : Hauschild, die rationale
Psychologie u. Erkenntnisstheorie Tertullians, 1880; Nôldechen, Ter-
tullian als Mensch u. Bûrger (Sybels, H. Z. S., 54). P. 33, 2 (42):
mention de Topinion de Nôldechen (Z. f. w. Th., 2g, 207) qui ramène
l'année de la naissance de TertuUien à i5o. P. 41 (5i), l'ouvrage de
T. Ad nationes a été écrit vers le même temps que VApologeticum ;
ce dernier a été d'abord achevé, mais par contre Vad nationes, tout au
moins son premier livre a été publié auparavant, tandis que Vapologe-
ticum, était envoyé seulement 3,n^ praesides. P. 44, i (54), éd. dw De
spectaculis par Klussmann, 1877. P. 63 (74), le De aleatoribns est
l'œuvre d'un évêque qui interdit, avec des accents qui atteignent parfois
l'éloquence, le jeu de iés, une invention du diable, comme la luxure et
l'idolâtrie. Cet écrit est intéressant aussi au point de vue archéologique.
C'est en vain que Harnack, dans une étude très habile et par là d'autant
moins probante, a essayé d'attribuer l'ouvrage au pape Victor. Des au-
torités théologiques comme Zahn (Gesch. des neut. Kanons, I, i, 346)
et philologiques comme Wôlfflin, se sont prononcées contre l'hypothèse
de Harnack'. Wôlfflin place l'opuscule après S. Cyprien, Haussleiter
(Th. LE. I févr. 89), après 25o. Cependant on ne peut descendre au-
delà du me siècle, date adoptée par Zahn. On ne comprend pas pour-
quoi Harnack annonce au titre le d. a. comme « le plus ancien écrit
chrétien en latin », à moins qu'il n'adopte comme règle chronologique
\tde iiiris illustribus de S. Jérôme qu'il malmène si fort, p. 120. P. 64,
I (74, i) : Kettner, Cornélius Labeo, ein Beitrag zur Quellenkritik
des Arnobius, 1877; Francke, die Psychologie und Erkenntnisslehre
des Arnobius, 1878. P. 64,2 (74, 2), Reifferscheid a montré que le nom
d'Arnobe pouvait avoir une origine grecque, cequi expliquerait l'absence
de surnom et de prénom. P. 72, i (82, 5) : Arnobe est surtout important
à cause des données mythologiques empruntées en grande partie à des
ouvrages perdus, comme ceux de Cornélius Labeo; une partie est
paisée dans le Protrepticus de S. Clément. P. 89, i (100, i) : éd.
I. Cf. cependant Rev. cv., 1^89, I, 23 et un prochain article.
246 REVUE CRITIQUE
Dombart de Commodien, dans la collection de Vienne. P. 90, 3 (loi,
3 et 4), on ne peut suivre la division des Instriictiones donnée par les
mss. ; le 2*^ livre commence à l'acrostiche 46, comme le prouvent sa des-
tination cataciiminis, son contenu, et le caractère des acr. 42-45 qui se
rattachent bien au i^"" livre. Gennade vise certainement, dans l'indica-
tion libriim adu. faganos, les Instr. non le Carmen, comme le prouve
sa dernière phrase {iiolnntariae paupertatis amorem), qui convient à
Jnstr. I 2Q et 3o, non à Carm. 27. P. gS, i (104, 1) sur la métrique de
C, consulter Hanssen, de arte metrica Commodiani (1881) etW. Meyer,
Anfang u. Ursprung der r. Dichtung. P. 93, 2 (104], au rôle de l'ac-
cent, il faut ajouter l'ébauche de la rime, par exemple le dernier acrosti-
che (eno), H, 8 (en e ou ae) P. 95, ( (106, i), Carm. 809, persecutio tst
sur jet de puisât; pour cingitiir ense (conjecture de Dombart), le sujet est
qui suivant, représentant Apollon. Il faut remarquer que dans l'analyse
du Carmen, donnée dans ces pages, les renvois sont faits maintenant
d'après la numérotation de l'édition Dombart. P. 100, n. 3 (112, 2) :
l'attribution du De Phœnice à Lactance a été fortifiée par les recherches
citées de Riese et de Dechent, notamment par les comparaisons linguis-
tiques instituées par ce dernier,
P. 111,2 (123, 2) : Schultze, Gesch. des Untergangs des griech. —
rom. Heidenthums, t. I, 1887. P 1 14, 2 (127), la praefatlo de luuen-
cus est précédée d'une autre en 8 hexamètres, où sont caractérisés les
quatre Évangélistes ; il est difficile de croire à l'authenticité de cette
préface, rejetée à bon droit par le dernier éditeur, Marold (1886). Le
titie Euangellorum libri /F de îuuencus est attesté par tous les mss.,
tandis que celui des éditions Historia Euangelica n'a aucune
autorité, P. 117, i (129), outre Virgile, Iuuencus a imité Lucrèce,
Ovide, Lucain et Horace. P. 118, 3 il faut signaler le poème
Laudes Domini, éloge du Seigneur, créateur et sauveur, à propos d'un
miracle arrivé au pays des Eduens et considéré comme un signe précur-
seur de sa venue, La pièce, aujourd'hui mutilée, se termine par un éloge
de Constantin. L'œuvre est certainement d'un Gaulois, peut-être comme
le croit le dernier éditeur, Brandes (pr. Braunschweig, 1887 -), d'un
rhéteur d'Autun; en tout cas, on doit placer la composition de ces
148 hexamètres à la même époque que celle de V Historia euangelica.
P. 119 (i3i), on n'a pas encore recherché jusqu'à quel point les poè-
mes sur Moïse et Josué pouvaient être attribués à Iuuencus. L'hypothèse
de Peiper (éd. d'Auitus, préf., LXIII), qui croit trouver leur auteur
dans un Cyprien vivant au milieu du vi^ siècle dans la Gaule méridio-
nale, est contredite par l'usage de l'Itala fait dans ces pièces; de plus,
le nom de Cyprien ne repose sur rien, enfin, Peiper attribue au même
personnage de Sodoma et de lona, qui sont certainement d'une main
toute différente. P. 124, 4(136, 6) sur le rhéteur chrétien Victorinus,
cf. Koffmane, de Mario Victorino, 1880; Koffmane ne veut pas qu'on
2. Cp. Rev. cr. 1887, II, 355.
d'histoire et de littérature 247
lui attribue le poème sur les Macchabées, mais son opinion, d'après la-
quelle l'ouvrage serait cfHilaire d'Arles, n'est pas mieux fondée. P. i25,
2 (i38), lire maintenant le centon de Proba dans l'éd. Schenkl, de
Vienne, 1888 1. P. 126 (i38), le centon est certainement l'œuvre de
Proba, mais de la femme, non de la fille d'Adelphius ; c'est ce qu'a clai-
rement prouvé Seeck dans les prolégomènes de Tédition de Symmaque
(i883). P. 126, 2 (i38, 3), le premier prologue donné par quelques
mss., dédicace à Arcadius, n'est pas Toeuvre de Proba, mais probable-
ment l'œuvre du copiste de l'exemplaire offert à ce prince. P. 126, 3
(i38), on avait considéré le centon comme adressé par Proba à ses en-
fants sur la foi d'une mauvaise lecture (natis pour iiatis^ 12) ; cependant,
il a servi dans renseignement, comme aide-mémoire pour retenir les
vers de Virgile. P. i33, 1 (145, 2) : Dombart a démontré que les cita-
tions bibliques de Firmicus proviennent des Testimonia de S. Cyprien
(Zsch. f. w. Th., 22, 375). P. 142, n. i (i55) : Gamurrini a trouvé à
Arezzo dans un ms. du xif siècle un traité De mysteriis et des hymnes
attribués à S. Hilaire. Il est très difficile d'accepter cette indication.
P. 143, I (i55, 3) : Ewald, der Einfluss der stoischciceronianischen
Moral auf die Darstellung der Ethik bei Ambrosius, 1881. P. i5i,2
(164), Fôrster place le i)e Isaac en 387 ou 388, à cause des allusions
historique et de sa parenté avec les autres ouvrages consacrés aux patriar-
ches. P. 171, I (186, 1), M. E. est plus réservé dans le rejet de l'attribu-
tion à S, Ambroise de Touvrage d'Hégésippe et renvoie à l'art, de Reiffers-
cheid, dans les Mémoires de l'Ac. de Vienne (LVI, 442). P. 173, 3 (188,
2): Kayser, Beitrage zur Gesch. u, Erklarung der altesten Kirchenhym-
nus, I, I 881 . P. 191 , I (207) : Nowack, die Bedeutung des Hieron. fiir
die alttestamentliche Texkritik, 1875. P. 198, i : sur la correspon-
dance de S. Augustin et de S. Jérôme, cf. l'art. d'Overbeck, dans Sy-
beis H . Z., 42, 222. P. 200, (2 1 7), la passion des Quatre Couronnés est
dans son texte actuel au plus tard du v^ siècle; sur cette légende, cf. le
progr. de Luisen-Gymnasium à Berlin (1886) par Edm. Meyer. P. 204,
I (221, i), mention de l'édition manquée du De uiris illustribus de
S. Jérôme par Herding. P. 211, i (229), sur la langue de S. Jérôme,
indication des travaux de Paucker et de Gœlzer. P. 212, 1 (23o, i) :
Storz, die Philosophie des heil. Augustinus (1882); Reuter, Augusti-
nische Studien (1887;. P- ^52, i (273, i), sur Prudence : Faguet, de
P. carminibus lyricis, i883; Allard, Prudence historien, Rev. q. hist.,
36 (cf. ib. t. 37); Rosier, der kath. Dichter Pr., 1886. P. 2=^3, 5 (274),
les deux dernières pièces du Cathemerinon sont séparées dans certains
mss. et rattachées au Peristephanon ; mais c'est aller trop loin que d'y
voir avec Rosier le commencement d'un nouveau recueil d'hymnes,
resté inachevé. P, 254, 2 (274", Prudence a peut-être aussi exploité des
écrits en prose, par exemple le livre De Elia ieiunio. P. 255, i (276, i),
on trouvera sur les rapports de Prudence avec la liturgie espagnole des
I. Rev. cr., 1888, 1,289.
248 REVUE CRITIQUE
détails dans l'ouvrage de Rosier indiqué plus haut. P, 280, 4 (282, i),
dans le cas où il y a des concordances verbales entre Tillatio de la merse
et les hymnes de Prudence, si on ne peut admettre l'hypothèse d'une
source commune, il faut supposer une influence des hymnes sur le texte
liturgique. P. 270, i (291), le Priscillianisme a certainement joué un
rôle dans la composition des poèmes de Prudence. Mais il est assez dif-
ficile de le déterminer exactement. On ne s'explique pas pourquoi Pru-
dence ne nomme pas Priscillien comme les autres hérétiques. P. 289, i
(3i2), il ne peut y avoir de doute sur l'authenticité du Dittochaeon ;
la concordance est trop frappante, et Georges, évêque d'Ostia, écrivant
au pape Hadrien en 786, en cite un v. sous le nom de Prudence. P. 298,
2 {321, i), il est peu croyable que la lettre d'Ausone en question soit la
dernière, comme le pense Schenkl.P. 320 (396), un poèm. de i lohexam.
attribué sans raison à Marius Victor montre une certaine parenté
avec le de proiiidentia . Il fait l'effet d'un fg., surtout au commen-
cement; le poème a été composé dans le midi de la France, et dans la
Narbonaise, si la conjecture de Schenkl(v. io5)est juste. Dans les mss.,
cette pièce porte pour titre : S. Paidini Epigramma ; cf. Téd. Schenkl.
P. 326, 2 (349I, les concordances entre les Vitae de Rufin et l'Histoire
Lausiaque donnent lieu de croire à un original grec commun. Cepen-
dant on peut les expliquer par des emprunts faits à Rufin par Palladius.
11 faut d'ailleurs remarquer que certaines données ne conviennent ni à
la personne de Rutin, ni au temps de son séjour en Egypte. 11 y a là
une question à étudier de plus près. P. 327, 2 (349, 3), cf. l'article Sul-
pice Sévère de Harnack dans Real-Encycl. f. prot. Th., XV, 62.
P. 328, 3 (35o), il faut considérer comme perdues les Epistulae ad amo-
rsm Dei et contemptum mundi hortatoriae, adressées par Sulp. Sévère
à sa sœur et signalées par Gennadius. Deux de ces épîtres sont en tête
des éditions, mais Halm les tient pour apocryphes, tandis que Harnack
en défend l'authenticité. P. 345, addition d'un chapitre xvii, \i\ Peregri-
natio ad loca sancta. En voici le résumé. Cet ouvrage, connu par la dé-
couverte deGamurrini, contient le récitd'un voyage aux Lieux-saints, fait
par une femme de haut rang vers 38o. L'éditeur croit que cette personne
est Silvia, sœur du ministre Rutin ; en tout cas elle demeurait dans
le sud de la Gaule. Malheureusement le récit est fragmentaire : le com-
mencement et la fin manquent. Nous avons seulement la narration de
la visite au Sinaï, à Aysma, Pithom, Heroopolis, Arabia et du retour à
Jérusalem; puis viennent des excursions au mont Nébo, au tombeau de
Job, etc. Après un séjour à Jérusalem, le retour s'effectue par Antioche,
avec crochet sur Edesse, la Cappadoce, la Galatie, la Bithynie, Clialcé-
doine et Constantinople. De longues digressions sur les rites et cérémo-
nies de l'Église de Jérusalem, surtout sur la fête de Pâques, offrent un
intérêt de premier ordre 1. Le récit est écrit avec simplicité et porte le
I. Cf. Duchesiic, Origines du culte chrétien, appendice.
d'histoire et dk littérature 249
caractère de la langue populaire 1. P. 848, i (Sôg, i) : éd. de Cassien
par Petschenig, 1886 et 1888 ~. P. 353, i (374, i) : c'est d'après le con-
tenu du ch. 8, qui traite d'une nouvelle espèce de moines, que le titre
de la coll. XVI II, porte dans beaucoup d'éditions l'adjonction : et
quarto imper exorto.
P. 365, I (388, i) : Holder-Egger, Untersuchungen, dans Neues Ar-
chiv., 154 ss,; Hauck, art. Prosper, dans Réal-Enc. f. prot. Th. XII, 3oo.
P , 366, 2 (389, 2), M. E, maintient, malgré la contradiction de Holder*
Egger, qu^on ne peut toujours pas sans fondement croire que Marcelli-
nus a traité arbitrairement les renseignements d'histoire littéraire
empruntés à Gennadius. P. 367 (389), Prosper a vécu à Rome au
service du pape Léon depuis 450. P. 369, 2 (392,3), éd. de Cl. Marins
Victor par Schenkl 3; l'attribution est confirmée par les tendances semi-
pélagiennes de Fauteur, mises en lumière par Bourgoin ('de Cl. Mar.
V., i883). P. 370 ss., M. E. indique les renvois au texte de Gagny,
entre crochets et déclare qu'il ne peut souscrire entièrement au juge-
ment de Schenkl sur l'édition de Gagny. P. 373, 2 (398, i) : Boissier
croit que Sedulius, dans la dédicace de VOpus dit seulement qu'il a
envoyé le Carmen à Macedonius avant l'édition pour le soumettre à sa
critique. Mais le passage n'a pas ce sens. P. 374, i (398, 1) : éd. de
Sedulius par Huemer (i885) 1. P, 383, 2 (408, 2), éd. de Dracontius,
dans le V° volume des Poetae lat. min. de Baehrens; Barwinski, Quaes-
tiones ad Dracontium et Orestis tragœdiam pertinentes, 1887 et 1888 ^.
P. 393, éd. d'Auitus par Peiper, i883, P. 402, i (428, 3j, éd. de Pau-
lin de Périgueux, par Petschenig, 1887. P. 403, 3 et 4 (430), le commen-
cement du prologueconfirme l'impression de l'ensemble; mais on ne
peut plus dire que l'occasion est une guérison d'yeux, puisque Petsche-
nig publie au lieu de uultus,Jultus, d'après les mss. P. 405, 4 et 5
(432, 2 et 3), le vrai titre est Eucharisticos d'après les mss, comme on
peut le voir dans la nouvelle édition donnée par Brandes en 1888.
P. 407, 2 (435, 3), le passage 474 ss,, a été corrigé par Brandes. Dès
lors l'auteur aurait eu quatre-vingt-trois ans lors de la composition du
poème; il serait né en 376 et l'invasion des Barbares serait celle de 406,
puisqu'il avait trois ans quand Ausone fut consul {379), d'après le
V. 49. Il est plus difficile de décider quel était le père de Paulin.
P. 410, I (437, i), éd. d'Orientius, par Ellis, qui ne semble pas avoir
lu Ebert 6. p. ^.19^ i (447, i), éd. de Sidoine par Luetjohann, 1S87".
P. 420 (449), l'élévation de Sidoine au siège de Clermont est placée en
1. Cf. Arcliiv. de Wœlfflin, 1887, 259.
2. Rev. C)\, 1889, I, 24.
3. Reu.cr., 1888, i, 289.
4. Rev. cr., i885, II.
5. Cf. .d/'c/î. de Wœlfflin, 1887, 44, art. de Rossberg, qui aboutità des conclusions
identiques à celles de Barwinski.
6. Cf. Rev.cr., t888, I, 287.
7- Rev. cr., 1888, I, 3o8.
25o
REVUE CRITIQUE
470 (non en 472) d'après Mommsen ; il serait mort en 480 ; ce-
pendant dans une lettre, il dit qu'il n'a plus fait de vers ab exordio
religiosac professionis cl qu'il y a de cela trois olympiades; cela con-
duirait au plus tôt à 4S2, comme date de sa mort. P, 421, 6 !45o, i) :
Sidoine a commencé à publier ses lettres peu après 470 (non 472).
P. 429, 3 (458, 2), mention de l'hypothèse de Bahrens qui attribue la
compilation de l'Anthologie au jeune Octavianus; sur l'anthologie, cf.
Klapp, Quaest. de anth. lat. carminibus nonnullis, 1875. P. 431
(460), il y a lieu de mentionner parmi les centons composés à l'imitation
de celui de Proba, le centon bucolique Ad gratiam Domini de Pompo-
niuset le De Verhi incarnatione (publiés par Schenkl, Poet. christ, mi-
nores, I, 1888). P. 432, 5 (461, 2) éd. d'Ennodius par Vogel, i885;
Magani, Ennodio, 1886. P. 433, 2 (462), il est difficile de savoir si
c'est à Paris ou à Milan qu'Ennodius a été ordonné diacre. Magani tient
pour la première ville et Vogel pour la seconde. On n^a pas fait assez de
compte du passage de l'hymne de S. Ambroise déjà citée dans la première
édition (trad. p. 464, 1). P. 437, i (466) : Gipolia, deila occasione in
cui Enn. compose il suo panegirico a re Teodorico, Arch. stor, it.,
i883, 353. P. 417, 4 (476, 3) : le raisonnement fondé sur le texte misi
ad beat. Gelas, est renforcé par la leçon meilleure missam., publiée par
Jungmann, Qq. Gennadianae, i88r, 19, P. 452, 4 (482, i) : éd. de
la îiita s. Seiieri par Knœll, 1886; Knœll, sur les mss, Ac. de
Vienne, XCV. P. 454,3 (483), d'après Biidinger, Eugippius vivait encore
vers 540. Il a composé des extraits de S. Augustin, très goûtés, et pu-
bliés par Knœll en 18S4. P. 455, 4 (485, 3), les deux derniers éditeurs
de Victor de Vit (Halm, 1879, et Petschenig, 1881J ont confirmé les
vues de E, sur Tauthenticité du chapitre final. P. 473, i (5o3, i) :
Schultze, die Schrift des Claud. Mamertus iiber das Wesen der Seele,
i883. P. 476, I (5o6), nous possédons encore de Claudien deux lettres,
à Sidoine et à Sapaudus, publiées par Engelbrecht. P, 476, 2 : lung-
mann,, die Zeit des Fulgentius, Rh. Mus., 1877, 564; Gasquy, de
Planciade Fulgentio., 1887. L'excellent article de lungmann rend très
croyable la date 52 3 pour le commencement du règne de Hilderich.
P. 497 : Usener, Hildebrand et Peiper considèrent les écrits théo-
logiques de Roèce comme authentiques, en opposition avec Nit-
zsch et Schenkl. Hildebrand en donne un résumé et fait un exposé
complet de la question. P. 509, 2 (543, i), Mommsen place la compo-
sition de l'ouvrage entre 526 et 5 33. P. 5 10 (543), les Variae de Cassio-
dre ont été publiées vers 538. P. 532, i (567) : Gh. Nisard va trop
loin en attribuant à sainte Radegonde les pièces qu'elle a seulement
inspirées. 11 est le premier qui se soit S3rvi du carmenxxxide l'Append.
pour prouver que Radegonde faisait des vers, au grand plaisir de son
ami.Gette pièce est en tout cas importante pour comprendre le caractère
des relations de Fortunat et de Radegonde à ce point de vue. P. 533
(569), E. n'affirme pas sans restriction que le Vexilla régis et le Quem
4
t
d'histoire et de littérature 25 1
terra pontus aethera sont l'œuvre de Foitunat. P. 540, i (576, i) , le
ms. de l'Escurial, utilisé par Krusch (Fortun. opp. pedestria) présente
la dédicace de la vie d'Albinus sous le nom de Fortunat. De même
Krusch est d'accord avec E. pour attribuer au même auteur la vie de
Germain de Paris, celle de saint Hilaire de Poitiers (qui repose sur
Sulpice Sévère), celle de Paternus d'Avranches (f 563), cette dernière
écrite d'après la tradition orale. P. 5,44, i (58o), sur Grégoire-le-Grand
et le culte, cf. l'art, de Kesselring, dans Bôhringer, die Kirche Christi,
2'' éd., XII, 243. P. 557 (593) : lordanes a achevé son travail en 55 i.
P. 574, I (6x3, i): Koch, die Siebenschlaferlegende, i883. P. 575 (614),
l'ouvrage de Grégoire n'est plus désigné que sous le titre Vita patrum
et il n'est plus question du titre iiitae. P. 577, i (616, i) Omontj Les
sept miracles du monde, B, Ec. ch. 1882, 40. P. 078 (617) : on doit
vraisemblablement attribuer encore à Grégoire le De miraculis b.
Andreae mentionné au c. 37 du livre I du De gloria mart. P. 579,
addition du chap. xxix sur Martin de Braga. Né en Germanie, il vint
chez les Suèves, y devint évêque de Dumio, puis de Braga et mourut en
58o. Il est l'auteur de traités de morale et de sermons, d'une sagesse toute
païenne, et qui révèlent au plus haut degré l'influence de Sénèque. Son
sQïvaon De correctione riisticorum, écrit entre 572 et 574, présente une
très curieuse histoire de l'idolâtrie. Cf. l'important ouvrage de Cas-
pari, Martin von Bracara's Schrift, De correctione rusticorum, i883.
P. 594, 3 (627, 4) : sur les emprunts faits par Isidore à Justin, Salluste,
Vitruve, Lucrèce, Hygin,cf. Dressel, De Isid. Originum fontibus, 1874.
P. 6o3, I (637, i) : rédition d'Eugenius dans Migne donne beaucoup
plus de morceaux que celle de Sirmond, mais dont l'authenticité paraît
douteuse. Il y a des distiques remarquables sur les oiseaux et sur les pier-
res précieuses, et une série d'hexam. adressés à un roi. P. 606 (640) : il
résulte des recherches de Krusch (éd. publ. en 1888), que la collec-
tion de Frédégaire ne comprend que quatre livres : (1° Hippolyte ;
2" Jérôme et Idace; 3" Grégoire 1-VI ; 4° Grégoire depuis VII). Elle a eu
deux auteurs, l'un pour les livres I-ll, IV depuis c. 40; l'autre, qu'on
peut considérer comme Frédégaire, pour III-IV, 39. Çà et là quelques
chapitres proviennent d'un d'un troisième auteur. Les deux premiers
sont bourguignons, le troisième paraît être de Meiz. P. 6ri (645) : on
doit ajouter vingt-quatre strophes abécédaires, composées vers 730 ou
740 en l'honneur de Milan. P. 614 (648), M. E. donne l'analyse détail-
lée des vies de sainte Bathilde et d'Arnoulf de Metz. P. 623, 2 (655, i) :
Hahn, Bonifaz und Lui, i883; Manitius, zu Aldhelm u. Baeda, 1886
(Ac. de Vienne, CXIl) P. 63o (684) : M. E. introduit ici les résultats
de ses recherches sur la poésie d'énigmes : die Rathselpoesie des AngeP
sachsen (Tatwine u. Eusebius), Ac. de Saxe, 1877,1. 29, p. 20. Sur le
modèle d'Aldhelm se sont formés Tatwine et Eusebius. Le premier,
un Mercien, devint évêque de Cantorbéry en 731 et mourut en 734.
Son ouvrage comprend quarante énigmes. L'auteur marque dans le
252 REVUK CRITIQUB
choix des sujets une prédilection pour les objets religieux et les abstrac-
tions; généralement il use du procédé de la personnification, mais avec
une plus grande puérilité qu^Aldhelm. Eusebius est cet Hwaetberht
auquel Bède dédia son commentaire sur FApocalypse. Il fut en 716
abbé de Wcarmouth. Il a vécu au moins jusqu'en 740. Son recueil
comprend soixante énigmes ; il semble s^étre servi de Tatwine et d'Al-
dhelm et son œuvre présente les mêmes caractères. On doit noter cepen-
dant un certain nombre de pièces sur des animaux, généralement exo-
tiques ou fabuleux. Il faut enfin ajouter à ces textes une douzaine
d^énigmes, provenant de Lorsch, dans lesquelles on a dû utiliser les
trois recueils précédents.
Ces indications, forcement sommaires, feront comprendre l'impor-
tance de la revision à laquelle M. Ebert a soumis son premier volume.
Il y aurait çà et là à noter quelques divergences et des omissions : la
longueur de cet article m'oblige à renoncer à les indiquer. Je me borne-
rai à trouver étonnant que M. E. ait cité si peu souvent les articles que
M. Boissier a écrits sur ces sujets depuis une dizaine d'années K Ces
articles, si leur auteur se décidait à les réunir en volume, formeraient
un ouvrage plus fragmentaire, mais comparable à celui d'Ebert par la
profondeur et la sûreté du coup d'œil,
Paul Lejay.
45g. — '%Veg-wel8ei« zur Qucllen- uncl L.ittei*atui*kunde dei* Kirclien-
gescliichtc Eine Anleitiing zur planmœssigen Auffindung der litterarischen und
monumentalen Quellen der Kirchengeschichte und ihrer Bearbeitungen. Par Eduard
Bratke, a. o. Professor der Kirchengeschichte an der Universitaet Breslau. Gotha,
Friedr. Andr. Perthes, 1890.
On reproche fréquemment, et non sans raison, aux bibliographes de
profession de citer et de recommander par là même des ouvrages dont
ils ne connaissent que le titre et dont le titre correspond mal au contenu.
Mettons donc en garde les futurs auteurs de « bibliographie des biblio-
graphies » contre le livre de M. Bratke. D'après le titre de ce livre, on
pourrait croire que c'est un manuel appelé à rendre, pour l'histoire ec-
clésiastique, les signalés services que rend l'ouvrage de MM. Dahlmann^B
et Waitz pour l'histoire d'Allemagne: il n'en est rien. M. Bratke n'a ^
point dressé la liste des sources, ni celle des bons livres de seconde main,
en les disposant dans des cadres simples, commodes et uniformes,
comme l'ont fait Dahlmann-Waitz. Au lieu de cette modeste, mais utile
besogne, il a fait un travail d'allure plus prétentieuse, orné de disserta-
tions relatives à la méthodologie historique, au milieu desquelles s'en-
châssent dans un ordre en apparence très rigoureux, mais en réalité
très arbitraire, des indications bibliographiques au nombre de dix-huit
cents environ. Sur ces dix-huit cents titres de livres de seconde main
1. Si je ne me trompe, M. E. a mentionné seulement un des articles sur Sedulius.
D^HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 253
OU de recueils de textes, il y en a bien un quart qui n'ont aucun rap-
port ou qui n'ont qu\in rapport très éloigné avec l'histoire ecclésiasti-
que.
Le Wegjyeiser se divise en trois parties: I. Die Wissenschaftkiinde
im allgemeinen(pp. 39-89). M. Br. énumère sous cette rubrique les
différentes encyclopédies qu'il connaît, théologiques et autres. Je remar-
que (p. 63) que notre Grande Encyclopédie est omise; n'avait-elle pas
autant de titres à figurer sur la liste que les dictionnaires de la conver-
sation de Brockhaus et de Meyer? Cette première partie se termine par
un paragraphe relatif à la « Propadeutik » de l'histoire. On n'y rencon-
tre pas sans étonnement l'indication de livres aussi médiocres et aussi
peu directement intéressants pour l'histoire ecclésiastique que : Mably,
De la manière d'écrire l'histoire, Paris, 1783; E. A. Freeman, The
methods of historical study, Londres, 1886, et vingt autres du même
genre. — II. Ein:{elne \Vissenschaft\weige. L'auteur entend par là la
Biographie « ou généalogie des sources et travaux relatifs à l'histoire
ecclésiastique »; la Bibliothéconomie « ou topographie des collections
scientifiques de ces mêmes sources ou travaux » ; la Bibliographie,
l'Histoire de la Littérature et de l'art, « ou statistique de ces mêmes
sources ou travaux » ; enfin l'histoire de Timprimerie et de la librai-
rie (!). — III, Voici la rubrique de la troisième partie : Spe\ialisie-
riing der gefundenen methodologischen Litteratur Gattiingen in Be:{ug
auf ein^ehze Personen and kleinere Gebiete der Kirchengeschichte .
Suit (pp. 221-205), une sorte de dictionnaire alphabétique où les noms
de choses et de personnes sont confondus dans la plus amusante confu-
sion. J'en choisis quelques-uns au hasard : Ambrosios, Amerikanische
théologie, Apologetik, Bauernkrieg, Cardinale, Cistercienser, Dante,
Deutsche Kirchengeschichte, Judenthiim, etc. Observons que les indi-
cations mises sous chacun de ces mots sont généralement insuffisantes.
Sous le mot Concilien, M. Br. cite seulement le traité de Salmon et le
lexique d'Alletz-Filsjean, On trouve un article Johanniterorden, et
point d'article sur les Templiers. — C'est partout la même confusion,
dissimulée par l'imposition de catégories pédantesques; c'est partout,
dans le choix des auteurs cités, la même absence de critique.
Le Guide de M. Bratke sera néanmoins le bien venu. Il n'est point
de répertoire bibliographique, si mal fait qu'il soit, qui ne soit utile à
feuilleter pour les spécialistes, sinon pour les étudiants, La lecture
d'une liste de livres est toujours divertissante et profitable. On lira ce
Wegiveiser avec le même plaisir qu'on pourrait éprouver à lire le
catalogue des livres de fonds et d'occasion d'une librairie spéciale pour
les livres ihéologiques, qui ne s'interdirait point de vendre des ou-
vrages étrangers à la science ecclésiastique, et qui aurait adopté sur
les rayons de sa bibliothèque une classification assez maladroite.
Ch. V. L.
254 REVUE CRITIQUE
460. — J. Adrien Blanchet. Kouvoau MnnucI tic IVuinîsniatl(|ue du moyen
«ge et iiiotlornc. Collection des manuels Roret). 2 vol. petit in-16 de 536 et
532 p. et atlas. Paris, Roret, 1890.
M. Blanchet a rendu un réel service aux études numismatiques en.
consentant à refaire le Manuel de M. de Barthélémy, dont la publica-
tion remontait à i85i et qui était épuisé depuis quelque temps. Nous
disons « refaire » et non « mettre à jour », car le nouveau Manuel est
bien un nouvel ouvrage; c'est à peine si M. B. y a conservé le cadre
général et une trentaine de pages du texte de son prédécesseur, sans
compter les douze premières planches de l'Atlas.
Donnons une idée de la disposition des matières dans ces deux petits
volumes d'un aimable embonpoint^ qui sont si concis et si pleins de
choses. Le premier est entièrement consacré aux monnaies françaises :
royales d'abord (mérovingiennes, carlovingiennes, capétiennes) puis
féodales, celles-ci classées par ordre géographique. Dans le tome se-
cond (subdivisé pour la commodité des lecteurs en deux demi-tomes)
on trouve successivement le monnayage des différentes contrées d'Eu-
rope, puis les monnaies obsidionales, le monnayage de l'Orient latin,
les médailles artistiques de diverse provenance, enfin les jetons, mé-
reaux, plombs historiés, etc. D'excellents index, répartis entre les
deux volumes, y facilitent singulièrement les recherches. La rédaction
est partout sobre, claire et correcte.
La numismatique n'est pas une science qui se suffise à elle-même ;
elle n'est qu'un auxiliaire de l'histoire, et réciproquement elle a besoin,
à chaque pas, d'être éclairée et soutenue par la connaissance des faits
historiques. Tout son intérêt réside dans ces relations réciproques, dont
on n'aperçoit bien l'importance qu'en pénétrant dans le détail des
questions. Un manuel ne peut donner qu'une silhouette très générale
de cette vaste matière ; son rôle se borne à orienter les chercheurs par
de bonnes indications bibliographiques et à guider les collectionneurs
novices en leur fournissant les renseignements indispensables pour le
classement de leurs pièces. Le nouveau Manuel paraît répondre à ce
double objet : l'auteur est généralement au courant de la bibliographie,
et il donne sur chaque classe de monnaies l'état de la science, sans
chercher à trancher les questions controversées. Quelques critiques
blâmeront M. B. de cette réserve systématique, qui l'a exposé sans
doute à une multitude d'erreurs de détail et même à quelques contra-
dictions; les vrais lecteurs de son livre, les amateurs et les débutants à
qui il est destiné, l'en féliciteront; s'il avait eu la prétention de faire
œuvre originale dans chaque chapitre, quoiqu'il ait commencé le
Manuel très jeune, il aurait eu des cheveux gris longtemps avant de
l'avoir terminé, et nous serions toujours réduits à faire usage de compi-
lations plus anciennes et plus imparfaites. Celle-ci nous permettra
d'attendre le Manuel « définitif » auquel nous serons heureux de voir
M. Blanchet attacher un jour son nom.
T. R.
I
d'histoire et de littérature 255
4(51. — J. Lair. IVîcolas Foucquet, procureur général, surintendant des finances,
ministre d'Etat de Louis XIV. Paris, Pion, 1890, 2 vol. in-8, iii-Sjy et ôyt p.
avec deux portraits. i5 fr.
Il suffit de jeter un coup d'œil sur ces deux volumes, pour se rendre
compte de l'énorme soinme de travail qu'ils ontcoûte'e à Fauteur. M. J.
Lair est un laborieux. Ancien élève de l'École des Chartes, il y a débuté
par des études sur l'histoire du moyen âge; avocat, il a composé des
traités juridiques estimés; puis, avec Louise de La Vallière, il a abordé
l'histoire moderne. Aujourd'hui, il nous donne une biographie com-
plète de Nicolas Foucquet, pour laquelle il n'a rien négligé. Il a tenu
entre ses mains tous les papiers manuscrits qui concernent ce person-
nage; il a lu avec une scrupuleuse attention ce qui subsiste encore du
gros recueil, improprement appelé la Cassette de Foucquet; il a fouillé
le fonds du ministère des affaires étrangères, où il a recueilli quelques
lettres très curieuses : de nombreuses archives privées se sont ouvertes
devant lui. Il est bien peu probable qu'après lui on trouve encore un
document, si minime qu'il soit, sur le célèbre ministre d'Etat.
Voilà les éloges qu'on peut adresser à M. L., sur une simple inspec-
tion de son livre. Quand on lit son ouvrage avec tout le soin nécessaire,
on admire encore davantage ces qualités d'érudition rare, ces recherches
si nombreuses et si précises; mais en même temps on est frappé de cer-
tains défauts assez graves. Nous devons critiquer la forme du livre et
faire des réserves sur le fond, sur la thèse soutenue.
La science de M. L. est très vaste et très solide; mais son ouvrage
est touffu. A la page 483 du second volume, il dit, d'une manière
incidente, en note : « Si cet ouvrage intéresse le public, je publierai
sur le même sujet un volume de documents inédits. » M. L. aurait
bien fait de réserver pour ce volume de documents un très grand
nombre de pièces qui sont citées tout au long dans son ouvrage, qui
interrompent sans cesse le cours de la narration et qui finissent par fati-
guer le lecteur. Nous comprenons fort bien que M. L. attache une
grande importance aux papiers inédits qu'il a trouvés et qu'il ait voulu
s'assurer le bénéfice de la découverte : mais cette satisfaction lui a été
donnée au détriment de la netteté de son récit. Mieux eût valu, à notre
avis, renvoyer à l'appendice ces longues citations et n'en détacher, dans
le livre, que deux ou trois phrases caractéristiques. Souvent même, là
où cet écueil a été évité, l'exposition reste obscure. M. L, nous
raconte, par exemple, dans un chapitre très étudié, l'histoire de la cons-
piration de Chalais, lequel eut pour juge le père de Nicolas, François
Foucquet; nous n'avons jamais rien compris à ce procès; nous y com-
prenons encore moins, après avoirlule récitde notre auteur '. Nous nous
permettrons encore de reprocher à M. L. ses allusions à des évé-
nements contemporains; elles sont bien déplaisantes. L'histoire doit
I. T. I, p. ii5 et ss. le récit est obscur à cause d'une simple faute d'impression ;
il faut lire banqueroute de 1648 au lieu de banqueroute de 164g.
2 56 REVUE CRITIQUE
offrir cet avantage de nous faire oublier, en nous transportant dans le
passé, les petites misères du présent. Nous serions injuste, si nous
n'ajoutions que M. L. a souvent de très heureuses trouvailles d'expres-
sion, que dans certaines pages il fait preuve d'un véritable talent d'écri-
vain, que le spectacle de la grandeur et de la chute da Foucquet lui
inspire des réflexions morales profondes. La lecture de ces deux volu-
mes compacts est un peu pénible, mais on est dédommagé de sa peine
par des pages charmantes, fort bien venues.
« A défaut d'autre mérite, écrit quelque part M. L.. mon travail se
présente comme une œuvre de vérité et de réparation. » Son livre est
une apologie presque sans restriction de Foucquet. M. L. vante la vive
intelligence, servie par une giande facilité de travail, du Nicolas,
alors qu'il n'est encore qu'un élève assis sur les bancs du collège de
Clermont; il célèbre les talents du jeune homme, conseiller à Metz et
à Nancy, maîtres des requêtes, intendant à l'armée du Nord, puis
intendant de police en Dauphiné, 11 nous le présente comme un
véritable héros, apaisant par sa présence une émeute qui a éclaté à
Valence. Evidemment il exagère l'importance du rôle joué, dans cette
circonstance, par son personnage; dès lors, nous sommes devenus mé-
fiant et nous nous tenons sur nos gardes contre les conclusions de
l'écrivain. Après des vicissitudes diverses, Foucquet est nommé, en avril
1648, intendant de Paris; en novembre i65o, il est installé au Parle-
ment de la même ville comme procureur général, et, en cette double
qualité, il prend une paît très active aux deux Frondes, la Fronde
parlementaire, dont M. L. a tort de dire tant de mal, et la Fronde des
princes, dont il a eu peine à démêler Pécheveau embrouillé. Ici l'histo-
rien exalte Phabileté grande de Foucquet; il n'a pas de termes assez
forts pour louer sa perspicacité. Il écrit, p. 178. « Un seul homme
conservait une vue claire des choses et suivait une ligne de conduite
bien tracée. C'était le procureur général Nicolas Foucquet. » Et plus
loin, p. 204 : Foucquet se révéla non-seulement serviteur fidèle,
mais homme d'Etat de premier ordre. » Plus loin encore, p. 214 :
« De chaque côté, pas ombre de bonne foi, ni de confiance, ni de dé-
vouement, chacun cherchant à prendre un pied dans les deux camps.
Deux hommes seulement tranchaient sur ce fond louche aux nuances
fuyantes : à la tête de l'armée Turenne ; à la tête du Parlement, Fouc-
quet. » Nous avouons ne pas comprendre cet enthousiasme. Foucquet,
procureur, passe son temps à requérir au Parlement contre Mazarin
banni; il demande au gouvernement une déclaration excluant les étran-
gers de toute administration publique : et en secret il instruit Mazarin
de tout ce qui l'intéresse; il reste en relations suivies avec lui. Cette
comédie a peut-être été habile, encore que, pour notre part, l'habileté
nous échappe; en tous les cas, elle est peu digne; et comment soutenir
que l'acteur qui la joue tranche sur le fond louche aux nuances fuyan-
tes? La vérité n'échapperait-elle pas ailleurs à M. L., en quelque sorte
d'histoire et de littérature 257
malgré lui, quand il dit, p. iy3 : « Au milieu de ces luttes politiques,
Foucquet gardait tant qu'il pouvait un certain ménagement envers les
ennemis du jour, amis possibles du lendemain. »
Cependant la Fronde est finie. Le 7 février i653, le lendemain du
jour de la rentrée du cardinal à Paris, Foucquet et Servien sont nom-
mées en commun surintendants des finances : mais bientôt Foucquet
passe au premier plan, et, en février lôSg, après la mort de son collè-
gue, il obtint pour lui seul la surintendance. C'est Fépoque de ses dila-
pidations. M. L. ici ne plaide pas seulement des circonstances atténuan-
tes; il ne rejette pas la faute de ces concussions sur le Cardinal, sur les
pressantes sollicitations des courtisans, sur Tesprit de l'époque; il n'in-
voque pas l'absence de toute règle de comptabilité et les usages reçus;
il va plus loin ; il ne croit pas le surintendant coupable; il affirme qu'il
fut victime de la basse jalousie de Colbert. Quand Louis XIY prit la
résolution de l'arrêter, il ne songeait nullement au désordre des finan-
ces; mais il voulait se venger des assiduités de son ministre auprès de
M"c de La Vallière. M. L. n'a pas réussi à nous convertir. Nous gar-
dons de Foucquet l'opinion courante : nous pensons qu'il y a eu sûre-
ment malversation. Notre écrivain a beau montrer, en diminuant les
chiffres, que les domaines de Saint-Mandé, de Vaux et de Belle-Isle
n'ont coûté que cinq millions, que les dépenses de table par mois n'ex-
cédaient pas 12,000 livres ; nous restons convaincu que ce luxe a été
alimenté en partie par les deniers de l'État.
Tel est le désir de M. L. de réhabiliter le surintendant qu'il va jusqu'à
nier ses amourettes. Passe encore pour M''^ deTrécesson; mais M'"^ du
Plessis-Bellière, mais M''^ de Menneville ! Une entremetteuse de bas
étage, la femme La Loy, ménage des entrevues à Foucquet et à M"^ de
Menneville dans un petit pavillon de Fontainebleau. Pourquoi donc ces
entrevues? M. L. nous explique que la demoiselle avait en poche
une promesse de mariage signée par le duc d'Amville; elle prie Fouc-
quet d'user de son crédit, pour contraindre le duc à s'exécuter, de là ces
rendez-vous. « Etrange galant que Foucquet, écrit M. L., à qui toutes
les filles s'adressaient pour trouver un mari. » L'apologiste a beau dire;
il nous déplait que la femme La Loy se soit mêlée de cette affaire.
Ainsi la thèse que soutient l'auteur nous semble être fausse. Mais
M. L. triomphe, lorsqu'il nous montre avec quel goût Foucquet appré-
ciait, avec quel tact il récompensait les artistes et les grands écrivains;
lorsque il nous énumère les esprits éminents qui restèrent les fidè-
les amis du surintendant disgracié, Pellisson, Molière, La Fontaine,
Madame de Sévigné, Le Brun, Le Nôtre. 11 triomphe encore, quand
il nous signale toutes les injustices du procès: vices de forme dans les
saisies et dans les inventaires des papiers, création d'une chambre de
justice spéciale, choix arbitraire des magistrats, procéduies irrégulières,
partialité du président, le chancelier Séguier. Nous l'approuvons, quand
il critique le roi d'avoir commué la peine du bannissement en
2 58 RKVUK CRMIQUK
prison perpétuelle. Enfin, nous nous indignons avec lui, quand il
nous décrit la vie si triste de Foucquet au château de Pignerol. L'an-
cien ministre resta enfermé de i665 jusqu'en 1680, date de sa mort,
n'ayant pendant longtemps aucune nouvelle de sa famille, ne pouvant
pas écrire, trouvant seulement quelque consolation dans ses pensées
religieuses!
M. L. a cherché, dans cette dernière partie, à résoudre le problème
historique de l'homme au masque de velours noir qui habita la citadelle
de Pignerol en même temps que Foucquet, qui plus tard fut emmené
par le gouverneur Saint-Mars successivement à Exiles, à l'île Sainte-
Marguerite, età la Bastille, et qui mourut le 19 novembre ijoS. Selon lui,
cet homme était EustacheDauger, emprisonné en juillet 1669. Qu'avait-
il fait? M. L. l'ignore : « Vraisemblablement, écrit-il, c'était un de cet
hommes qu'on charge de missions louches, enlèvement de pièces ou de
personnes, peut-être pis encore, et dont, le coup une fois accompli, on
assure le silence par la mort ou par la prison. » Le raisonnement de
l'historien et très bien conduit; pourtant il n'a pas réussi à expliquer
pourquoi l'on prit tant de précautions à propos d'un personnage aussi
subalterne. Probablement, le mystère ne sera jamais tout à fait éclairci.
En i86f), M. A. Chéruel, qui a rendu à notre histoire de France
des services si éminents, avait déjà publié sur Foucquet deux volumes
très remarquables; pour la première fois, on racontait du surintendant
autre chose que sa chute; on exposait les causes de son élévation, ses
relations avec Mazarin, sa conduite pendant la Fronde. Mais M. Ché-
ruel s'était borné à réunir sur son personnage les pièces de la biblio-
thèque nationale; M. L. a fouillé tous les autres dépôts publics; il a
découvert bien des faits que n'avait pas connus le premier historien; il a
rectifié avec soin en note les petites erreurs qui lui avaient échappé. Le
récit de M. Chéruel devra toujours être amplifié, et quelquefois corrigé à
l'aide du livre de M. Lair. Mais le jugement porté sur le surintendant
par celui-là me semble beaucoup plus conforme à la vérité, plus juste et ■
plus mesuré que l'apologie de celui-ci.
Ch. Pfister.
462. — Les grunds éci>i valus de la France. Saint>!B«imon. T. VII. Mé-
moires. Paris, librairie Hachette, 1890, in-8 de 685 p. 7 fr. 5o.
J'ai déjà publié ici un article assez long sur chacun des six premiers
tomes du Saint-Simon de M. de Boislisle. Je puis, en toute sûreté de |
conscience, cette fois et dorénavant, me dispenser de ni'étendre sur le j
mérite de l'éditeur et annotateur. A quoi bon répéter des éloges déjà si
souvent donnés et insister sur des qualités si connues et, pour ainsi |
dire, si célèbres? Je me contenterai donc, sans autre préambule, d'indi- \
quer ce que contient le tome "VU consacré à l'année 1700.
Les notes les plus importantes mises au bas des pages et qui sont
d''histoire et de littérature 259
presque toutes des notices ' concernent Goulommiers, le « magnifique
château » des Longueville, la duchesse de Nemours, le cardinal de
Bouillon, le cardinal Cybo, les ambassadeurs vénitiens, Erizzo et son
successeur Pisani, les nonces Cavallerini, Delfini et Gualterio, le cardi-
nal Le Camus, le cardinal de Fûrstenberg, le Comtat-Venaissin, la
famille de Navailles, la maréchale de Guébriant, le bandeau des veuves
(excellent supplément aux renseignements de Jules Quicherat en son
Histoire du Costume)^ le lieutenant-général François de Gontaut-Biron,
le chevalier de Villeroy, le marquis d'Hauterive, le cardinal Casanata,
la bibliothèque de la Minerve, la plus grande de Rome après celle du
Vatican, Oiron « beau château et beau parc en Poitou » qu'acheta
M^e de Montespan, Antoine François delà Trémoille, plus connu sous
le nom de Noirmoutier, le président Durât de Chevry, le jeu à la cour
de Louis XIV, les Langlée, « Timmense hôtel de Guise « acheté par « la
belle M'"" de Soubise », le château de la Bourdaisière ^, le comté et les
comtes de la Marck, le duché de Sedan, le duc de Berwick (à l'occasion
de son mariage avec M"*^ Bulkeley), les affaires d'Espagne, l'abbaye
Notre-Dame d'Orcamp, Nicolas Desmaretz, le neveu de Colbert ', la
terre de Maillebois, la ville de Châteauneuf, les loteries, les eaux
thermales de Bourbon-l'Archambauld, le secrétaire d'État Châteauneuf
et sa terre de Chàteauneuf-sur-Loire, le marquis de la Vrillière, le
cardinal Maidalchini, la terre de Serrant, le palais de Caprarola, auprès
de Viterbe, où se retira le cardinal de Bouillon, l'assemblée du clergé,
le vin de Champagne, le P. Michel le Tellier, le cardinal de Noailles,
la maison des Rantzau ou Ranzow (originaire du duché de Holstein),
1. Ces notes, toujours si instructives, sont parfois d'un piquant intérêt. Voir, par
exemple, p. 117, la note où, à propos des chasses de Charles II, M. de B. rappelle
« les six loups devenus historiques de par Victor Hugo » et « les Etudes sur l'Espa-
gne par M. Morel-Fatio (1888) où l'on trouve la critique des erreurs du poète en
tout ce qui regarde cette cour espagnole. « Voir encore, p. i36, la note où, sous cette
phrase de Saint-Simon : « Un reste de seigneurie palpitait encore, » l'éditeur, qui
est au courant de tout en littérature comme en histoire, dit : « Victor Hugo n'a-t-il
pas fait ici un emprunt, quand il a mis ces mots dans la bouche du marquis de Nan-
gis, sur le règne d'Henri IV (Alarion Delorme, acte IV, scène )vn :
Un peu de seigneurie 5' palpitait encore? s
2. M. de B, dit (p. 93) : « Gabrielle d'Estrées y naquit en i565. » Il avait dit en
une note précédente (p 14): « Gabrielle d'Estrées, née en ib-ji ou 1572. » La vérité,
c'est que l'on ne connaît d'une façon certaine ni le lieu, ni la date de la naissance
delà future duchesse de Beaufort. Voir, sur ces deux points, l'excellente discussion
de M. Desclozeaux CGabriellc d'Estrées, Paris, 1889, grand in-8^ pp. i et 2). Le
savant historien regarde comme probable que son héroïne naquit au château de
Cœuvres vers la fin de 1573. Il est impossible d'accepter la date de i565, car Gabrielle,
selon son propre témoignage, avait dix-huit ans quand elle se maria avec le sieur de
Liancourt, à Noyon, en juin 1592.
3. M. de B. fait bonne justice de ces légendes recueillies et agrémentées, si non
inventées, par Saint-Simon, sur l'origine toute rurale des père et grand-père de
N. Desmaretz, et il prouve qu'on doit admettre l'existence d'une ou deux généra-
tions de magistrature secondaire.
2 00 REVUE CRITIQUE
André le Nostrc, Michel le Vassor, la comtesse de Verue, « la belle et
délicieuse maison de Sceaux » achetée des héritiers de M. de Seignelay
par le duc du Maine, M"" de Condé, l'abbé de Rancé, divers membres
du conseil d'État d'Espagne et autres grands personnages d'au-delà des
Pyrénées, Télecteur de Brandebourg devenu roi de Prusse sous le nom
de Frédéric !<="", etc.
La première partie de Y Appendice est formée des Additions de Saint-
Simon au Journal de Dangeau, lesquelles sont au nombre de 23 (p. 38 1-
4o3); la seconde partie se compose de dix-neuf morceaux (pp. 405-622).
En voici l'énumération : Les conseils sous Louis XIV, suite et fin de la
magistrale étude commencée dans le tome IV et continuée dans les
tomes V et VI i; Ouverture de la Porte Sainte du Jubilé [relalion de la
cérémonie de Touverture de la Porte Sainte de Saint- Pierre pour le
grand jubilé de l'année 1700, accompagnée de lettres du cardinal de
Bouillon) ; le Duc et la duchesse de Navailles (fragment inédit de
Saint-Simon); La maréchale de Guébriant, son mari, leurs familles;
les rois et reines de Pologne (autre fragment inédit); les Duret de
Chevry (autre fragment inédit) ; les Preuves de noblesse de Vabbé de
Soubise ; le cardinal de Fûrstenberg (fragment inédit de Saint-Simon,
avec huit pièces destinées à justifier ce que Saint-Simon raconte de la
pénurie constante du cardinal, et le jugement porté sur lui, à Tépoque
même où le roi des chroniqueurs nous le présente, par deux contempo-
rains italiens, Pierre Venier, ambassadeur de Venise en France, et
l'auteur de la relation de la cour de Rome au temps du conclave de
1700) ; la Disgrâce du cardinal de Bouillon (nombreux et considérables
documents inédits qui n'occupent pas moins d'une quarantaine de
pages (de 480 à 5i5); Mémoire sur les finances en i-joo et lyoi
(mémoire qu'on peut supposer d'origine anglaise, puisque les calculs y
sont faits en livre sterling, et qui est tiré du ms, Clairambault 647) ; la
Taxe des gens d'affaires; Desmaret^ et ï Affaire des pièces de quatre
sols ^; la Comtesse de Verue (fragment inédit de Saint-Simon); M. de
Rancé, abbé de la Trappe (fragment inédit); morl de M. de Rancé
(récit de la mort de l'ancien abbé de la Trappe, par une personne pré-
1. Signalons dans cette dernière partie les paragraphes relatifs au conseil de
conscience (pp. 407-410), au conseil ou bureau de commerce (pp, 415-432), au Roi
dans les conseils (p. 433-443).
2. Dissertation très documentée et très remarquable (p. Sai-Sgi), où M. de B. com-
plète avec une parfaite compétence les insuffisantes observations de Pierre Clément
sur la Qjuestion monétaire avant 178g et spécialement sous le ministère de Colbevt,
et où il restitue, d'après d'incontestables témoignages, « le véritable caractère de la
disgrâce qui frappa ce neveu de Colbert en i683. « M. de B. dit (p. 52 1) : « On me
pardonnera, je l'espère, la longueur des détails qui vont suivre, et cela non seulement
parce que le récit de Saint-Simon, habilement disposé et combiné pour faire fortune,
gSt un de ceux auxquels la critique n'a rien opposé jusqu'ici, mais aussi parce que
Desmaretz, élevé à bonne école, remarquablement doué pour leschoses de la finance,
est le seul ministre sur qui l'historien puisse s'arrêter avec intérêt dans la dernière
et triste période du règne de Louis XIV. w
I
d'histoirh: et de littérature 26 1
sente à cet événement, récit dont la Bibliothèqne nationale possède trois
manuscrits); Le duc à! Anjou déclaré roi d'Espagne (relation de l'am-
bassadeur vénitien traduite littéralement); Rapport [17 décembre 1700]
de l'ambassadeur vénitien (avec traduction également littérale) ; V Affaire
du prince Va'ini ; le Cardinal Albani jugé par le cardinal de Bouil-
lon ; actes concernant Saint-Simon et sa mère (documents inédits d'or-
dre administratif ou judiciaire qui montrent notre Tacite à l'œuvre
pour la défense de ses intérêts à la Rochelle, comme seigneur du fief de
Saint- Louis, à Blaye, comme gouverneur de la place).
Indiquons encore de copieuses Additions et corrections (pp. 623-647)
et diverses tables dressées, c'ômme d'habitude, de façon irréprochable :
Table des sommaires qui sont en marge du manuscrit autographe;
Table alphabétique des noms propres et des mots ou locutions annotés ;
Table de l'appendice.
Avec le tome VII s'achève le premier quart à peu près du grand
voyage à travers le xviie siècle et les premières années du xviii^ entrepris
par M. de Boislisle, sur les pas de Saint-Simon. Encore une vingtaine
d'étapes à franchir et le but sera atteint ^ L'éditeur, dont l'activité n'est
pas moins remarquable que le talent, et auquel dans sa longue et péni-
ble marche font cortège tant de fortifiantes sympathies, savourera le
bonheur — que nul travailleur n'aura jamais mérité plus que lui — de
mettre le pied sur la terre promise.
T. DE L.
463. — Emile Faguet. Dix-liuitième siècle. Etudes littéraires. Un volume
in-i8, 538 pages. Paris, Lecène et Oudin- Prix: 3 fr. 3o.
Le xvni^ siècle, dit M. Faguet, dans Pavant- propos de ces Études,
n'a été ni chrétien, ni français. Ce jugement que l'auteur prononce,
non sans l'avoir fortement motivé, a révolté les critiques mêmes les
plus doux, comme M. Anat. France qui s'écrie avec une indignation
que je ne puis m'empécher de trouver plaisante : « Voilà comme les
fils traitent leurs pères! Voilà comme nous blasphémons les hommes
dignes d'une éternelle louange qui ont affranchi la pensée, et nous ont
acquis le droit de parler librement! j» Il me semble pourtant qu'au
xvi^ siècle, et même su xvii% la pensée n'était pas si contrainte que cela :
je prends à témoin Rabelais, Montaigne, Molière, La Bruyère, qui
n'ont pas été condamnés au feu, quoiqu'ils aient eu l'audace d'émettre
des opinions téméraires que les encyclopédistes ont délayées plus tard
dans de lourds in-folios, comme si elles leur appartenaient. Si au moins
M. Faguet faisait profession de catholicisme ou même de christianisme,
M France lui pardonnerait peut-être « sa froide violence » ; mais
comment un universitaire, c'est-à-dire un sceptique, peut-il remarquer
I . On apprendra avec joie que le tome VIII est déjà sous presse et que la prépara-
tion des volumes suivants est très avancée.
262 REVUE CRITIQUE
dans le xvin'' siècle « un abaissement notable du sens moral, de Tesprit
littéraire et de l'esprit philosophique m? Pour mon compte, je répon-
drais à M. France que rien n'est plus facile à voir ; il suffit simplement
de lire, et cela sans parti-pris, les œuvres de Voltaire qui est, en somme,
l'incarnation de ce xviii" siècle, et si après cette lecture qui, bien qu'ins-
tructive n'est pas toujours amusante (j'en parle par expérience), on
n'approuve pas les prémisses et les conclusions de M. F,, avec quelques
restrictions, je le veux bien, j'ai grand peur qu'on ne ferme volontai-
rement les yeux à la lumière. Un autre critique, M. Chantavoine,
dans un article assez ondoyant, pardonne beaucoup au xvine siècle
« parce qu'il a été, dit-il, charitable, parce qu'il a inauguré le dogme
de la tolérance », et naturellement, c'est toujours Voltaire auquel nous
serions redevables de ce progrès dans les mœurs ou de ce bienfait. Au-
tant vaudrait dire que Calvin et de Bèze qui, en réclamant la liberté
pour eux-mêmes, exhortaient les magistrats « à frapper vertueusement
du glaive tous ceux qui étaient ennemis mortels du salut des hommes »,
ne prêchaient aussi que la douceur et la mansuétude. Voltaire usa et
abusa, je le sais, dans ses vers aussi bien que dans sa prose, des mots
« tolérance » et « tolérantisme » : ce qui n'empêche pas que dans le
temps même où il prend en main la défense de Sirven et de Calas,
il réclame les galères et la Bastille contre ses ennemis, il souhaite qu'on
écrase ceux qui pensent autrement que lui ou qui s'attaquent à ses
œuvres (et là-dessus les preuves abondent dans sa correspondance), il
les appelle k sots, fripons, monstres exécrables, serpents odieux, folli-
culaires faméliques ou ivrognes, excréments des humains ». Vinet a
raison : le mépris de l'homme et des choses humaines est au fond de
tout ce qu'il a écrit. Si nous en croyons M. Chantavoine, Voltaire
« avait trop d'esprit pour ne pas pardonner à ceux de ses ennemis qui
n'étaient ni des sots, ni des cafards, ni des Pompignans » : On sait pour-
tant de quelle haine féroce il a poursuivi sans relâche ce pauvre Rous-
seau, coupable seulement d'avoir au moins autant de talent que lui, et
de faire ombre à sa popularité. Il n'y a que les ducs, les princes, les
rois et les favorites des rois, en un mot, tous les puissants du jour
devant lesquels il rampe ou s'agenouille : il loue Frédéric II d'écrire
l'histoire comme Salluste, et défaire des vers comme Virgile ou Lucrèce,
de gouverner comme Marc-Aurèle. M""' de Pompadour qui réunit « tous
les arts, tous les goûts, tous les talents de plaire », a droit à ses apothéo-
ses, et il envoie à M'"e j^ Barry des compliments vomitifs. Il n'est pas
jusqu'au cardinal Dubois dont il n'ait chanté « la sublime intelligence ».
Dans sa jeunesse comme dans sa vieillesse, il eut toujours besoin d'en-
censer quelqu'un. Au fond il était né respectueux, et surtout respectueux
de la force : c'est pourquoi le partage de la Pologne et la prise de la
Silésie lui sembleront des choses si naturelles qu'il en félicitera Cathe-
rine II « de tout son cœur ». Cette Sémiramis du Nord, écrit-il à Mme
du Defîand, fait marcher cinquante mille hommes en Pologne pour
d'histoire et de littérature 263
établir la tolérance et la liberté de conscience. » Voilà comment il la
comprend la tolérance et la liberté! La France à cette époque (1766) est
humiliée, abaissée : croyez- vous qu'il en soit attristé? « Je me console,
dit-il, en faisant mes tours de singe sur la corde ». A vrai dire, il n'a
ni patriotisme ni sens moral, et c'est pourquoi il a écrit Candide et la
Pucelle. Sans doute Candide est une œuvre pétillante de malice et
d'esprit, mais qui donc s'est senti meilleur après l'avoir lue? A qui a-t-
elle inspiré quelque noble sentiment? Quand à la Pucelle^ c'est un
poème infâme, dit M. Renan qui l'admire en curieux et à titre de
document « parce que c'est le siècle, parce que c'est l'homme » ; parce
que c'est dans ce poème que Voltaire « a déposé l'élégant (cet adjectif est
de trop) témoignage de sa finesse et de son immoralité, de son spirituel
scepticisme. » M. F. n'a rien dit de plus cruel, et s'il a été sévère pour
l'homme, il ne l'a été qu'avec mesure. Voltaire d'ailleurs n'a pas eu
assez de génie pour qu'on lui pardonne d'avoir manqué à peu près de
toutes les vertus humaines : il n'a rien fait ni en vers ni en prose qui
soit comparable, même de loin, aux chefs-d'œuvre du xvii« siècle II
estl'auteur d'un poème épique détestable, il a composé avec des centons
de Racine des tragédies de collège qu'on ne lit plus, et fait des comédies
qui suent l'ennui; enfin, il a écrit l'histoire pour son couvent, comme
disait spituellement Montesquieu. Son essai sur les mœurs, que M. F.
admire beaucoup trop, n'est au total qu'un tissus d'anecdotes (lui-même
l'appelait un tableau des sottises humaines) que ne relie aucune idée gé-
nérale-, c'est un livre qui a fait plus de mal que de bien, et je ne suis
pas le seul qui soit de cet avis. Toutes ces graves questions religieuses
ou philosophiques qui ont inquiété tant de nobles âmes, il ne les aborde
que pour s'en jouer avec une ironie fatigante, avec des plaisanteries
trop souvent fangeuses. Les esprits forts de province et les commis-
voyageurs trouvent dans ses Romans, dans son Dictionnaire philoso-
phique ou portatif, dans ses Mélanges, un arsenal de railleries pour
confondre les curés de village et les âmes naïves qui ont la faiblesse de
croire au surnaturel et à une providence divine. Sa philosophie et sa
religion sont contenues dans ces quelques mots : a Buvez chaud quand
il gèle, buvez froid dans la canicule ; rien de trop ni de trop peu en tout
genre; digérez, dormez, ayez du plaisir, et moquez-vous du reste. »
Voilà son Sursum corda Du reste, un homme qui, selon le marquis
d'Argenson, était « insatiable de fortune », et avide de popularité,
pouvait-il avoir une morale plus élevée? Il est resté au niveau de la
société de son temps qu'il amusait avec les agréments de son esprit,
avec l'éclat diabolique de sa corruption, et c'est en flattant le peuple
dans ses plus bas instincts, quoiqu'il fut le plus dédaigneux des aristo-
crates, c'est en ne repoussant rien de ce qui avait pour but et pour effet
de porter le désordre dans les âmes, qu'il a mérité les amours et les
honneurs démocratiques. Il faut lire et relire sa volumineuse corres-
pondance pour le connaître à fond : jamais, je l'accorde, on n'a été
264 RKVUK CRITIQUE
plus souple, plus insinuant, plus spirituel, mais jamais aussi un épisto-
lier n'a écrit contre lui-même, sans qu'il s'en doutât, un acte d'accusa-
tion plus chargé. C'est de l'histoire, et c'est son histoire : il amuse, cap-
tive, éblouit, ce qui n'empêche point, a dit excellemment Joubert, que
« ceux qui observent d'en haut les influences que son esprit a répandues,
se font un acte d'équité, une obligation rigoureuse et un devoir de le
haïr. »
Prêcher avec une sorte de jubilation inconsciente et dans « un bavar-
dage intarissable mêlé de galimatias » le retour à l'état sauvage, l'anéan-
tissement de la morale et de la pudeur; attaquer avec une violence
parfois éloquente, le plus souvent grossière et niaise la société, la reli-
gion, et glorifier surtout l'instinct naturel ou animal, tel a été au
xviii« siècle le rôle de Diderot. Les basses classes de la nation lisent et
liront encore longtemps la Religieuse, les Bijoux indiscrets, Jacques
le Fataliste, parce que cela est bien à leur portée, parce que cela, nous
ne craignons pas de le dire, est ordurier et crapuleux. Entrez dans une
bibliothèque publique, et demandez les œuvres de Diderot : vous
remarquerez, comme moi, que les volumes qui contiennent ces romans
sont à peu près les seuls dont les feuillets soient coupés, et en même
temps salis par des mains malpropres. Je suis persuadé que la lecture
de Diderot est pour les demi-savants et pour les ignorants plus funeste
encore que celle de certains ouvrages de Voltaire. D'ailleurs rien n'agit
sur, vm ieeteur ignorant autant qu'un style déclamatoire, et ce style,
Diderot l'a au suprême degré. N'est-ce pas de lui surtout que se récla-
ment ces sectaires à courte vue qui haïssent toute religion, « ces bêtes
sauvages, comme dit Montesquieu, qui mordent la chaîne qui les empê-
che de se jeter sur ceux qui passent, ces animaux terribles qui ne sentent
leur liberté que lorsqu'ils déchirent et qu'ils mordent? » Je veux bien
croire avec M. Monod (Revue Hist., juillet 1890) que la foi religieuse
n'est pas nécessaire pour faire de grands écrivains, mais il faut bien
avouer qu'elle n'a pas nui à Corneille, à Racine, à Pascal, à La Bruyère,
ni à tant d'autres qu'il n'est pas besoin de nommer. Ils ont aimé l'hu-
manité autant et plus que ces philosophes, adulateurs intéressés de
Frédéric II et de Catherine de Russie, et il serait facile de citer tel pas-
sage de Bossuet, tel autre de La Bruyère, qui touchent plus que toutes
les tirades philanthropiques des encyclopédistes. C'est qu'ils étaient avant
tout chrétiens et français, et dire que les écrivains du xvm'' siècle n'ont
été ni l'un ni l'autre n'est pas faire une « phrase fâcheuse », mais d'une
incontestable justesse, d'autant plus qu'elle résume tout le livre de
M. Faguet. Sans doute La Fontaine, La Rochefoucauld, Molière,
Gœthe, Shakspeare, ont fait des chefs-d'œuvre, quoiqu'ils aient été bien
loin d'être de fervents chrétiens; mais ils n'ont pas été anti-religieux, ou
\ de parti pris comme Voltaire, ou par bravade comme Diderot. Ils n'ont
^( pas obéi en écrivant à leurs passions et à leur humeur, et c'est pourquoi
\ rayonnent dans leurs œuvres ces immortelles beautés auprès desquelles
\
d'histoire et de littérature 265
pâlissent les plus inge'iiieuses lubies. En somme, M. F. n'accorde
à Diderot que la gloire d'avoir été un éloquent initiateur dans la criti-
que d'art, et encore cette gloire lui est-elle contestée, non sans de bonnes
raisons, il me semble, par M. Brunetière.
Jaurais voulu rendre compte de chacune de ces magistrales Études,
tant elles sont originales, tant on y sent Thomme de bonne foi qui dit
avec courage ce qu'il croit être la vérité, et cela avec une rare vigueur
de style et de pensée. Le critique, ce qui est moins fréquent qu'on ne le
croit, a lu et relu les auteurs qu'il juge : de là point de parti pris, mais
de vifs accents de sincérité, avec je ne sais quelle force, quel enchaîne-
ment de raisons qui saisit et enlace le lecteur. M. F. a, par exemple,
pour Buffon une admiration singulière, et cette admiration il nous
contraint presque à la partager. C'est qu'il a été séduit par « l'énergie
tranquille, par la lucidité de cette pure intelligence qui ne voulut
jamais être qu'en face des choses éternelles », par la fierté de cet homme
qui n'appartint jamais à une coterie politique ou philosophique, et
« travailla cinquante ans sans faire attention aux rumeurs, ni aux criti-
ques, ni même aux louanges. » Si Buffon ne fut pas chrétien, dirait
volontiers M. Faguet, il méritait de faire partie de « cette secte admira-
ble » qui prépara les voies au christianisme. Pour cette raison et pour
d'autres il l'a préféré à tous les écrivains du xviii^ siècle, même à Mon-
tesquieu, chez lequel il resta toujours quelque chose de l'auteur char-
mant et frivole àts Lettres Persanes. Et cependant ne rencontre-t-on
pas dans l'Esprit des Lois autant et même plus d'idées fécondes que
dans les Epoques de la nature et la Théorie de la terre?
A. Delboulle.
464. — Ville de Paris. Publications relatives à la Révolution française. Biblio-
graphie de l'histoire de Paris pendant la Révolution française, par Maurice
TouRNEUx. Tome I. Paris, imprimerie nouvelle, 1890, très grand in-8 de lxxx-
520 p.
Pour bien analyser le tome I", si plein et si riche, du recueil de
M. Tourneux, vingt pages seraient nécessaires, La Revue ne pourrait
me les accorder. Je ne lui demanderai donc pas la permission d'abuser
de son hospitalité et je me contenterai de dire en quelques mots rapides
ce que je pense des deux parties du volume, V Introduction et le texte.
L'Introduction, qui n'a pas moins de 5o pages, et qui est suivie
(li-lxxviii) d'une Liste chronologique des principales ventes à l'amia-
ble ou aux enchères de documents imprimés., concernant la Révolution
française (depuis i8o3 jusqu'en 1889) et d'une Note à consulter
(p. Lxxix-Lxxx), est très intéressante et très remarquable. L'auteur y rap-
pelle, (p. Il), que, sur la motion de M. Léopold Delisle, la commission
des travaux historiques de la ville de Paris fut unanime à reconnaître,
en 1886, la nécessite de doter cette ville « d'un manuel de bibliographie
266 REVUE CRITIQUE
pratique, embrassant tout ce qui avait été écrit, soit au moment même,
soit plus tard, sur les événements dont la grande ville avait été le théâ-
tre pendant la Révolution, sur son organisation municipale et sociale
et sur les personnages qui y avaient joué un rôle. )> Il trace ensuite le
plan de l'ouvrage, plan très judicieux et véritablement excellent. Il
signale les graves et nombreuses difficultés d'une tâche qu'il devait si
habilement remplir. Pour se faire une juste idée de ces difficultés, il
faut lire l'historique des collections particulières mises aujourd'hui à la
portée de tous (p. iv-xxvu) ' et l'aperçu des répertoires de toute valeur
dont le dépouillement lui a fourni les éléments mêmes de ce travail ^
Le texte renferme les préliminaires et les événements. Les prélimi-
naires, divisés en sept paragraphes, embrassent tout ce qu'il convient
de connaître sur les histoires générales ou fragmentaires, de la Révolu-
tion, sur les recueils iconographiques, sur les Assemblées qui se succé-
dèrent de 1789 à 1799, sur les constitutions, lois, décrets, etc., qu'elles
votèrent. L'histoire chronologique des événements de la Révolution fran-
çaise à Paris (de juillet 1789 au 18 brumaire an VIII) est partagée en
treize chapitres : Les élections de Paris aux Etats- Généraux, les évène-
merits àt 1789, de 1790, de 1791, de 1792 (jusqu'au 21 septembre), de
Tan I (22 septembre 1792, 21 septembre 1793), de l'an II, de Tan III,
de l'an IV, de l'an V, de l'an VI, de l'an VII et de l'an VIII 3.
Je ne voudrais pas décerner de vulgaires éloges à un érudit du mérite
de M. Tourneux *. Qu'il me suffise de dire que, de la première à la
1. Collections Rondonneau, Portiez (de l'Oise), Descliiens, La Bédoyère, Pixé-
récourt.
2. Annonces de bibliographie moderne. Feuille de correspondance du libraire,
Nouveautés politiques et littéraires, Courrier de la librairie. Bulletin de la littéra-
ture, Nouvelliste littéraire. Journal de la librairie et des arts, Journal typographi-
que ci bibliographique ; collections de la Bibliothèque nationale, des Archives na-
tionales, de la bibliothèque de la Chambre des de'putés, de la bibliothèque du
Sénat, des bibliothèques de l'Arsenal, de Sainte-Geneviève, de la ville de Paris, de
l'École libre des sciences politiques (collection Pastoret), de la bibliothèque de
Rouen (collection Leber), du British Muséum, M. T. a pu dire, après cette énume'ra-
tion, (p. xii) : « Ce ne sont pas, on le voit, les matériaux qui manquaient à l'ouvrier,
mais bien plutôt l'ouvrier qui a pu craindre un moment que ses efforts ne fussent
impuissants à lui frayer la voie dans un pareil dédale. »
3. Ai-je besoin d'ajouter que les heureuses trouvailles de M. T. sont en grand
nombier Mais aussi à quelles découvertes ne peut prétendre celui qui dit (p. XLViii)?
«Pour les mériter [ces bonnes fortunes], il faut ne pas craindre d'examiner le même j
titre dans dix collections dillerentes. Ce procédé, fort lent, j'en conviens, m'a sou-
vent réussi. » Rapprochons de cette déclaration du plus patient des chercheurs, cette
belle fin de VJntroduction : « Je n'ai jamais cessé, depuis tantôt quatre ans, de creu-
ser mon sillon plus avant chaque jour, soutenu par l'aide de chacun et par l'espoir
que de ce labeur, en apparence ingrat, sorùrait une œuvre utile, ce qui, pour un
travailleur consciencieux ou pour sa mémoire, est la meilleure et la plus durable des
récompenses. »
2. Il a donné du bibliographe (p. xlii) une définition qui s'applique admirablement
à lui-même : « Le bibliographe ne doit pas seulement s'attacher à grouper le plus
grand nombre possible de titres d'ouvrages sur un sujet donné, il doit encore les
présenter suivant la méthode la plus favorable aux recherches qu'il se propose
d'aplanir ».
d'histoire et de littérature 267
dernière ligne de son volume, il a parfaitement justifié la confiance mise
en son zèle, qui lui a fait tout rechercher et tout voir de ses propres
yeux, mise en son érudition, qui lui a fait tout si bien décrire'. Je ne'
crains pas d'affirmer qu'il ne Justifiera pas d'une façon moins éclatante
une aussi flatteuse confiance dans les quatre volumes suivants qui seront
consacrés à Yorganisation et au rôle politique de Paris, aux monu-
ments, mœurs, institutions, aux biographies et mémoires, enfin à la
Table générale.
T. DE L.
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Alfred Schulze travaille à une édition des sermons de saint Ber-
nard, en vieux français, contenus dans le ms. Phillips 1925, de la Bibliothèque royale
de Berlin.
— Une Société des amis de l'Université de Nancy s'est fondée le i5 juillet pour
assurer la reconnaissance et la constitution définitive de cette Université. Augmenter
les ressources de l'Université, pourvoir les laboratoires de l'outillage indispensable,
créer des bourses de voyage et d'étude, récompenser les meilleurs travaux, organiser,
des conférences supplémentaires ou des cours nouveaux, faire de Nancy un centre
d'études qui attire les élèves et retienne les maîtres, tel est le but de l'Association. Au
i5 septembre, elle avait recueilli une somme de 32,440 francs.
ALLEMAGNE. — M. B. Litzmann, d'Iéna, doit publier à la librairie Voss, de
Hambourg, des TheatergeschichtUche Forschwigen, qui paraîtront par fascicules à
espaces indéterminés. Il y recueillera les travaux sur l'histoire du théâtre allemand
qui, quoique d'une valeur réellement scientifique, n'ont pu être insérés à cause de
leur étendue ou de leur sujet trop spécial, dans les revues d'un caractère général.
— La Société fur nieder-deiitsche Sprachforschiing fera paraître prochainement :
le Redentiner Spiel, p. p. K. Schrœder ; une réimpression de la trad. en bas-alle-
mand de la Bible de Luther, p. p. Reifferscheid ; une étude de M. Seitz, Niederdeid-
sche Allitération, et un travail de M. Jellinghaus, Uebersicht. Darstell. der nie-
derl. Mundarten.
— Va paraître à la librairie Gœschen, de Stuttgart, une étude de G. Flaischlen,
Otto Heinrich von Gemmingen, avec un travail préliminaire sur Diderot dramaturge.
— M. le D"" Uhlig, directeur du Gymnase d'Heidelberg, a commencé la publication
d'une nouvelle revue trimestrielle \nùiu]ée Das humanistische Gymnasium. La ten-
dance de cette revue est essentiellement conservatrice. En Allemagne, comme chez
nous, il est devenu de mode de crier au surmenage; on accuse l'enseignement
secondaire d'imposer aux élèves quantité de connaissances superflues, on réclame
des programmes nouveaux qui fassent une place plus grande à ce qui paraît d'une
utilité pratique et immédiate. En un mot, c'est la base même de l'enseignement
secondaire et l'organisation séculaire des gymnases allemands que les réformateurs
tentent aujourd'hui d'ébranler. La Revue nouvelle a pour but de répondre à leurs
attaques, d'en montrer le danger pour la haute culture intellectuelle du pays, et,
tout en demandant le maintien de ce qui existe, de provoquer des consultations
I. « La commission voulut bien désigner le travailleur qui lui semblait réunir les
aptitudes nécessaires pour mener à bien ce vaste labeur, n (p. m;.
26S REVUE CRITIQUE d'HISTOIRE ET DE LITTERATURE
compétentes sur la question des réformes de détail. Elle fait une large place aux
comptes rendus d'ouvrages pédagogiques, aux discussions parlementaires et acadé-
miques sur l'enseignement, V Abiturienteuexamen qui est l'équivalent de notre bac-
calauréat et qui se trouve accusé des mêmes 'méfaits, etc. Attaqué en Allemagne
comme il l'est en France, l'enseignement classique ne sera pas moins bien dépendu
là-bas que chez nous.
— M. Karl Lentzner met sous presse (Halle, Niemeyer), un dictionnaire intéres-
sant : Colonial English, a Glossary of Ausiralian, Anglo-Indian and Pidgin-En-
glish u'ords.
ITALIE. — Le numéro du i«r octobre de Vlstru^ione que dirige M. Basilio Magni,
renferme un long article de M. Enrico Solazzi sur Lamartine.
SUISSE.— Grâce à l'initiative, chaque année plus féconde, de la Société académique de
Genève, le programme de l'Université de cette ville s'enrichira cet hiver d'un cours
de M. Max van Berchem sur l'archéologie arabe. Ce cours comprendra une étude his-
torique et critique des monuments, de tous les produits artistiques, des inscriptions,
des monnaies et des papyrus de l'Orient, spécialement de l'Egypte et de la Syrie.
SUÈDE. — Une nouvelle Université a été fondée à Gothenburg; M. Vising y pro-
fesse la philologie romane; M. Danielson, la philologie classique; M. Axel Kock,
les langues du nord; M. Hjalmar Edgren, les langues germaniques.-
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du ly octobre iSgo .
L'Académie procède à la formation de trois commissions, qui seront chargées de
lui proposer des sujets à mettre au concours pour divers prix, dans les trois ordres
d'études de l'antiquité classique, de l'Orient et du moyen âge.
Sont élus :
Pour l'antiquité classique, MM. Jules Girard, Georges Perrot, Boissier, Croiset;
Pour l'Orient, MM. Renan, Barbier de Meynard, Sénart, Maspero ;
Pour le moyen âge, MM. Delisle, Gaston Paris, Siméon Luce, Paul Meyer,
M. Théodore Reinach termine sa lecture sur les rois de Commagène, d'après les
inscriptions découvertes par MM. Humann et Puchstein. Rectifiant et complétant, à
l'aide des médailles et des textes, les conclusions de ces deux savants, il établit la sé-
rie généalogique des rois de Commagène pendant sept siècles environ, depuis le rè-
gne de Darius, fils d'Hystaspe, jusqu'à celui de Trajan. L'ancêtre de ces rois est le
satrape bactrien Oronte, gendre d'Artaxerxès Memnon. Le fondateur de la dynastie
est Ptolémée, satrape qui secoua, vers l'an 164 avant notre ère, le joug des Séleucides
et se fit roi. Son fils et son petit-fils, Samos et Miihridate le^, épousèrent des prin-
cesses séleucides. Le dernier roi, Antiochus Epiphane, fut déposé par Vespasien.
Son petit-fils, Philopappos, fut consul à Rome, et archonte à Athènes; son tombeau
existe encore dans cette dernière ville. Le premier et le dernier personnage connu de
cette grande famille, Oronte et Philopappos, furent tous deux citoyens d'Athènes. |fll
M. Charles Giellet-Balguerie fait une communication sur la chronologie des papes,™|
de 649 à 683. Selon lui, l'avènement d'Eugène I<=r devrait être fixé au i5 septembre
635, sa mort au 3 juin 658, au lieu de 657, et les dates des papes suivants reculées
d'un an jusqu'à Agathon, dont il place la mort au 10 janvier 682, au lieu de 681. La
vacance du saint siège, après ce dernier pape, n'aurait été, dans le système de M. Grel-
let-Balguerie, que de sept mois et cinq jours, au lieu d'un an, sept mois et sept jours.
Ouvrages présentés: — par M. de Barthélémy : Evans (John), the Coins of the an-
cieni liritons, supplément; — par M. Croiset : Egger (Emile,, la Litlévatui e grec-
que (ouvrage publié par les fils de l'auteur); — par M. Siméon Luce : Deux lettres A
inédites de Bossuet et Documents nouveaux pour servir à l'histoire de son épiscopat •!
à Meaux, publiés par Armand Gasté; — par M. L. Delisle : Joret (Charles), Pierre
et Nicolas 1-ormont, un banquier et un correspondant du Grand Electeur à Paris
(extrait des Mémoires de l'Académie de Caen).
Julien Havet,
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Pny, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
i
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
No 44 - 3 novembre — 1890
Sommaires 465. Duvau, Ciste de Préneste. — 466. Wilamowitz-Mœllendorf,
L'Hercule d'Euripide. — 467. Diehl. Excursions archéologiques en Grèce. — 468.
Maximien, Elégies, p. p. Petschenig. — 46g. Omont, Catalogue des mss. celtiques
et basques de la Bibliottièque nationale. — 470. Duckett, Les visites de l'ordre
de Cluny en Angleterre, — 471. Fredericq, Documents relatifs aux persécutions
contre les hérétiques en Néerlande. — 472-474. Stein, Pierres tombales du Musée
municipal de Saint-Germain; Les frères Anguier; Jean Goujon et la maison de
Diane de Poitiers à Etampes. — 475. Du Boys, Deux correspondants limousins
de Baluze. — 476. Brunetière, L'évolution des genres. — 477- Fr. de Pressensé,
L'Irlande et l'Angleterre. — 478. Delisle, Instructions du comité des travaux
historiques. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
465. — Louis Duvau. Ciste de l»réneste. (Extrait des Mélanges d'archéologie
et d'histoire, publiés par l'Ecole française de Rome, t. X). 1890.
Nous signalons aux amateurs de vieux latin et aux déchiffreuis
d'inscriptions énigmaiiques ce travail de M. Louis Duvau sur une ciste
qui sera bientôt célèbre sous le nom de ciste Tyskiewicz, du nom de
son possesseur. Comme Ta bien vu M. D., il s'agit des apprêts d'un re-
pas. Les paroles inscrites à côté des personnages ont tout Pair d'être les
paroles échangées entre les cuisiniers. Une conjecture assez vraisem-
blable du commentateur, c'est que l'inscription COENALIA est plus
ancienne que les autres : c'est ce qu'on peut inférer de la forme de l'O,
qui est ouvert par en bas, et de la place occupée par ce mot. Peut-être
faut-il l'interpréter GONVENALIA, qui aurait à peu près le sens du
grec (Ji»[;.Tr6Giov ou du latin convivium: fête donnée aux convenue ou con-
vives. La contraction ne serait pas plus forte que dans contio.
Une comparaison avec le monument original nous a prouvé que le
fac-similé joint au travail de M. D. est exact. Celui-ci s'est tiré à son
honneur d'une épreuve difficile. Les explications qu'il donne sont
généralement plausibles, sinon toujours convaincantes : il les présente
lui-même sans trop y insister et à titre de premier essai. Tradidit dis-
putationibus.
Michel Bréal.
466. — H. von W1LAMOWITZ-M0ELLENDORF. Eupîpîdes Herakles. Berlin,
Weidmann, 1889; 2 vol. in-8 de xii-388 et 3o8 p.
Voici un ouvrage qui peut paraître à bon droit singulièrement com-
posé : la tragédie d'Euripide qui donne son nom à l'ensemble, est pu-
bliée par M. deWillamowitz au début du second volume, où elle occupe
Nouvelle série, XXX. 44
l
1
270 RBVUK CRITIQUE
quarante-sept pages ; le reste du volume est rempli par des commentai-
res; quant au premier, il est tout entier consacré à une Introduction
générale dans laquelle Fauteur, pour nous amener à l'intelligence de la
tragédie attique, se livre à une revue à peu près complète de toute l'his-
toire de la poésie grecque, de toute Thistoire de la philologie ancienne et
moderne, et de bien d'autres choses encore. Il est clair que cette énorme
introduction et c^ non moins énorme commentaire, ainsi rattachés à
une tragédie de i,5oû vers, ont quelque chose de disproportionné qui
étonne. M. de W. lui-même avoue avec beaucoup de bonne grâce,
dans sa préface, que les muses n'ont pas répondu à son appel et que
c'est pour cela que son livre est si bizarrement composé. On aurait tort,
pourtant, d'abuser contre lui de cet aveu et de s'en tenir à une première
impression défavorable. L'ouvrage est plein de savoir, et, ce qui vaut
mieux, plein de sens et d'intérêt, quelques réserves de détail qu'on
puisse être obligé de faire. Le plan lui-même, sans se justifier, s'expli-
que par le dessein de l'auteur.
Ce n'est pas, en effet, une édition comme une autre, une édition quel-
conque d'une pièce quelconque d'Euripide, que M. de W. a voulu
faire : c'est une édition-type et, pour ainsi dire, un manifeste. Car
M. de W. est un érudit militant : il a des haines vigoureuses, et
M. Wecklein, par exemple, en sait quelque chose. Sans entrer dans ces
querelles de personnes, où se glisse toujours quelque injustice, il vaut
la peine de dégager la théorie qui s'y trouve impliquée. M. de W. a
horreur de la science qui s'étale pour le plaisir de s'étaler, qui, au lieu
de se subordonner à un objet, devient à elle-même sa propre fin. Dans
la publication d'un texte, par exemple, amasser des conjectures avec
une sorte de volupté, lui paraît une niaiserie : donner une interpréta-
tion vraie qui dispense des conjectures ingénieuses lui semble être
le plus grand mérite d'un éditeur. Le travail de critique verbale, d'ail-
leurs, n'est, à ses yeux, qu'une petite partie de la tâche d'un véritable
interprète : l'objet essentiel qu'il doit se proposer, c'est de rendre vrai-
ment la vie à ce texte mort, en permettant au lecteur de ressentir, en
présence des mots qu'il lit, des impressions aussi semblables que possi-
ble à celles que ces mêmes mots, récités au ve siècle dans le théâtre de
Dionysos, faisaient vibrer dans l'âme des Athéniens qui les entendaient.
11 faut donc que l'interprète crée en lui-même d'abord, et ensuite chez
son lecteur, par une étude patiente et pénétrante de tout ce lointain
passé, par des explications profondément pénétrées d'esprit historique,
une sorte d'aptitude à revivre ce passé, à le comprendre jusque dans son
essence la plus intime. Cela posé, on ne s'étonnera plus que l'étude d'une
seule tragédie grecque implique tant d'études préliminaires et tant de
commentaires, car elle tient au passé par les liens les plus délicats et les
plus complexes. Mais il faut ajouter que cette introduction, mise en tête
d'une tragédie particulière, ouvre également l'accès à toutes les autres
tragédies attiques, et qu'elle ne paraît disproportionnée qu'en raison de
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 27 I
Tapplication spéciale qui en est faite. On voit l'intérêt et la justesse dp
ces vues théoriques. Sont-elles absolument neuves ? Evidemment non. Il
faut cependant savoir gré à M. de W. de les avoir exprimées de nouveau
en excellents termes, avec une vigueur qu'un secret instinct de polé-
mique redouble encore (t. I, p. 253-257). De là l'idée de tout Touvrage.
L'Introduction s'ouvre par un chapitre sur la vie d'Euripide; Fauteur
y examine d'abord les questions de faits et de dates, ensuite celles qui
se rapportent à l'histoire intellectuelle d'Euripide ; tout ce chapitre est
excellent, sans être particulièrement original.
Suit un très long chapitre (p. 43-120) intitulé : QiCest-ce qu'une tra-
gédie attiqiie? M. de W. rappelle la définition d'Aristote et montre
qu'elle a un caractère plutôt abstrait et général que proprement histori-
que et spécifique. C'est donc l'histoire même des origines et du dévelop-
pement de la tragédie attique qu'il faut étudier pour arriver à détermi-
ner exactement ce qui la distingue de toute autre composition dramatique
plus ou moins analogue. La tragédie sort du dithyrambe : à ce propos,
étude rapide, mais originale et pénétrante, de toute la vieille poésie lyri-
que grecque. Entre autres idées nouvelles, M. de W. émet cette opinion
(p. 76) que le dithyrambe, contrairement à la tradition générale, n'au-
rait pas été à l'origine un genre lyrique distinct, mais que ce nom s'ap-
pliquait à tous les genres de poésie chorale religieuse qu'on a plus tard
distingués les uns des autres. Je crois, en effet, qu'il y a beaucoup à dire
sur la valeur des distinctions faites entre les genres lyriques par les
théoriciens d'époque postérieure; mais l'opinion de M. de W. n'en est
pas moins difficile à accepter sous cette forme absolue. Toutes ces pages
d'ailleurs sont pleines d'observations tantôt très justes, tantôt contesta-
bles, que je ne puis ici ni discuter ni même indiquer : il vaut la peine
d'aller les chercher dans l'original. Dans la poésie dithyrambique ainsi
entendue, M. de W. distingue une forme spéciale (celle où le chœur est
formé de satyres) qui s'appelle xpaYwota, qui est spécialement consacrée à
Dionysos, et d'où la tragédie proprement dite, c'est-à-dire la tragédie
dramatique, est sortie Ce passage de la tragédie lyrique à la tragédie dra-
matique se fit au vi^ siècle par l'introduction d'un acteur et du dialogue.
Mais ce caractère dramatique de la tragédie attique n'est pas, aux yeux
de M. de W., le plus important : c'est là presque pour lui un caractère
accessoire. Aussi, le vrai fondateur de la tragédie attique, dans sa théo-
rie, n'est-il pas l'auteur du premier dialogue entre un acteur et le chœur
primitif; le vrai « père » de la tragédie, c'est le poète de génie qui eut
l'idée de faire passer dans la forme dialoguée du dithyrambe tragique
toute la substance de la vieille épopée, c'est-à-dire le mythe, tel qu'Ho-
mère et ses successeurs l'avaient conçu; en d'autres termes, le premier
poète tragique est Eschyle, qui recueillit, disait-on, les reliefs du festin
d'Homère, et qui, par là, fit de la tragédie attique la digne fille de l'épo-
pée, appelée à tenir, dans la vie intellectuelle et morale de la Grèce atti-
que, la même place que V Iliade et ï' Odyssée avaient prise dans la vie de
272 REVUE CRITIQUE
la Grèce ionienne et archaïque. D'où cette définition enfin de la tragédie
attique (p. 107) : « La tragédie attique est un morceau complet en soi
de la légende héroïque, traité poétiquement en style élevé pour être
représenté par un chœur de citoyens attiques et deux ou trois acteurs,
et destiné à faire partie du culte public dans le sanctuaire de Dionysos. »
On voit qu'il n'est plus question ici de la « terreur et de la pitié » mises
par Aristote en pleine lumière, ni de la célèbre y,aôapaiç, et que le carac-
tère dramatique lui-même de la tragédie est presque laissé de côté : l'ac-
tion, qui était pour Aristote le principal, n'est pas expressément dési-
gnée. Sur tous ces points encore, je ne veux pas discuter, bien que la
définition de M. de W. me semble, à vrai dire, tenir systématiquement
un compte beaucoup trop restreint des faits très justement observés par
Aristote. Il n''en est pas moins vrai que cette vue sur l'importance du
mythe est capitale, et qu'elle explique notamment à merveille la dispa-
rition presque complète de la tragédie au iv® siècle : c'est la mort des
croyances mythiques qui a entraîné la mort de la tragédie.
Viennent alors deux chapitres sur l'histoire du texte des tragiques
grecs et sur la critique de la tragédie grecque chez les modernes. Dans le
premier, c'est toute Thistoire de l'érudition antique qui se déroule de-
vant nous. Dans le second, c'est toute l'histoire de l'érudition moderne
depuis la Renaissance jusqu'à nos jours. Que Fauteur n'ait jamais perdu
de vue, dans ce long et savant récit, l'objet particulier de son livre,
qu'il n'ait jamais dit que ce qu'il était nécessaire de dire pour faire com-
prendre une tragédie grecque à fond, je n'oserais l'affirmer : mais ce
qu'on peut déclarer sans hésiter, c'est qu'il était difficile de présenter de
tous ces faits un tableau d'ensemble plus vif, plus net et plus agréable.
C'est à la fin du second de ces chapitres, en forme de conclusion, que
se placent les idées sur le rôle actuel de la critique dont j'ai cité plus
haut quelques détails et indiqué l'esprit général.
Le volume se termine par deux chapitres sur la légende d'Héraklès en
général et sur YHéraklès d'Euripide en particulier. Le premier est fort |
curieux. Je ne sais si le second, qui est une étude d'ensemble sur la
pièce d'Euripide, met assez en lumière les traits propres à Euripide dans
la manière de traiter une tragédie, ceux qui le distinguent de ses prédé-
cesseurs. Il me semble que, sur ce point, bien des idées essentielles ont
été laissées de côté. Il est vrai qu'on pourra les chercher dans d'autres
ouvrages; mais M. de W. ne s'est pas interdit, dans les premiers chapi-
tres, de reprendre et de traiter à sa manière des idées déjà plus ou moins
exprimées par d'autres critiques : pourquoi, sur ce sujet particulier, tant
de brièveté?
L'édition du texte de VHéfaklès, qui ouvre le second. volume, dénote
un helléniste fort habile, comme on pouvait s'y attendre. L'appareil cri-
tique, conformément aux principes de l'auteur, est sobre, mais il est
plein de choses intéressantes. On y trouvera notamment quelques cor-
rections de M. de W. lui-même, qui, en dépit de sa méfiance générale
I
d'histoire et de littérature 273
contre la critique conjecturale, en a fait pour son propre compte, et
souvent de fort ingénieuses.
Vient enfin le commentaire, précédé de quelques pages excellentes
sur les conditions extérieures de la représentation tragique. Pourquoi
ces pages ne font-elles pas partie de l'introduction générale du premier
volume? Je n'en vois guère la raison, sinon peut-être que la muse,
comme dit M. de W., ne lui a pas inspiré cette idée. Quoi qu'il en soit,
le commentaire lui-même est exécuté selon les principes exposés plus
haut: faire comprendre à fond la pièce d'Euripide, non seulement le
sens littéral des mots, mais la nuance exacte qu'ils revêtaient pour les
auditeurs athéniens, la liaison des scènes, le rôle des personnages, le
caractère des morceaux, la marche de l'ensemble, par où tout cela est
grec, attique, marqué du cachet personnel d'Euripide, voilà le but que
M. de W. s'est proposé. Je ne vois guère qu'un reproche à faire à ce com-
mentaire : c'est d'être trop long. Il me semble que l'auteur a traité le
commentaire écrit en commentaire oral. Toutes ces explications, habi-
lement données dans une interprétation orale, sont de nature à plaire et
à instruire ; exposées par écrit, elles surchargent le texte et j'ai peur
qu'elles ne l'écrasent ; il me semble que l'exemple, utile peut-être à don-
ner une fois, ne devra pas être suivi dans chaque nouvelle édition d'une
tragédie grecque.
Au total, l'ouvrage de M. de Willamowitz est à lire : on y trouvera
toujours profit et plaisir. C'est un livre érudit qui n'est ni une série de
notes grammaticales, ni une statistique, ni une obscure métaphysique,
mais qui abonde en aperçus historiques et en idées personnelles.
Alfred Croiset.
467. — Ch. DiEHL. Kxcui-slons archéologiques en Grèce. Paris, Colin
1890. In-8, X et 388 p., avec 8 plans.
Ce livre répond à un besoin et y répond d'une manière très satisfai-
sante. L'auteur, ancien membre des écoles de Rome et d'Athènes, connu
par ses recherches sur l'art et l'administration de l'époque byzantine,
non moins que par ses découvertes et ses publications épigraphiques,
a pris pour modèle les Promenades archéologiques de M. Boissier et
conduit agréablement ses lecteurs sur les principaux emplacements des
fouilles récentes, Mycènes, Délos, Athènes, Akraephiae, Olympie,
Eleusis, Epidaure, Dodone, Tirynthe, Tanagra. M. Diehl paraît avoir
vu lui-même un bon nombre des villes antiques dont il parle; il est d'ail-
leurs fort bien informé des publications qui les concernent et sait les
résumer sans frivolité comme sans pédantisme. Les fructueuses explo-
rations conduites par MM. Philios, Cavvadias et d'autres à Eleusis et à
Epidaure, celles que M. Holleaux a dirigées dans les ruines du temple
d'Apollon Ptoïos près d'Akraephiae, n'avaient pas encore été, dans leur
ensemble, l'objet de notices également propres à contenter les archéolo-
2 74 REVUE CRITIQUE
gues et le grand public. Les voyageurs qui partiront pour la Grèce avec
ce livre dans leur valise seront très reconnaissants à M. D. et trouve-
ront dans les dix essais qu'il renferme un bien précieux complément à
leur Baedeker.
En tête de chacun de ses chapitres, M. D. a donné une courte biblio-
graphie. Il ne devait naturellement pas prétendre à être complet et
le choix de ses références m'a généralement semblé fort heureux. Je
ferai pourtant quelques réserves à cet égard. Ainsi, p. 5i, M. D. ren-
voie à un article de Marx sur le taureau de Tirynthe, et, en même
temps, au livre récent de Schuchhardt; mais ce dernier a précisément
prouvé que l'hypothèse de Marx est une erreur. P. 67, à propos de Do-
done, l'indication des travaux de Bursian et de Pomtow, annulés par
la publication récente d'O. Holïmann, est inutile aux lecteurs des
Excursions ; il eût mieux valu citer l'article de M, Girard, dans la
Revue des Deux mondes du i5 février 1879. P. 2o3, il n'est pas exact
qu'on trouve dans l'ouvrage de MM. Laloux et Monceaux une « bi-
bliographie complète » des travaux relatifs à Olympie. Je relève aussi
quelques inexactitudes matérielles: p. i3, note i, écrive Loeschcke ;
p. 14, note, lire herausgegeberi vont d. Inst. et non durch das d. Inst.,
qui serait un solécisme.
Dans le texte lui-même, quelques erreurs faciles à corriger m'ont
arrêté au passage ; ainsi M . D. dit que le buste de Jupiter d'Otricoli est
au Louvre (p. 263), alors qu'il se trouve au Vatican; il affirme aussi
(p. 348) que la collection des terres-cuites de M. de Sabouroff est au
musée de Berlin, alors qu'elle a été acquise en 1884 par PErmitage, à
l'exception du groupe faux de la pi. LXXVI. M. D. a tort d'accuser la
Société archéologique d'Athènes d'avoir été « préoccupée, avant tout, de
remplir ses vitrines vides » (p. 342), lorsqu'elle a pratiqué des recherches
àTanagra; le journal des fouilles a été tenu par feu Stamatakis. Il
s'avance peut-être trop (p. i23j en qualifiant de certaine la restitution
de la statue d'Anténor par M. Studniczka. On regrette de ne pas
trouver, au début du chapitre sur Dodone (p. 65), le nom de Gaultier
de Claubry, qui a découvert avant M. Carapanos l'emplacement de
la ville antique. Les lecteurs non spécialistes seront induits en erreur
en lisant (p. 40) que, d'après les documents égyptiens, « les Troyens,,
Mysiens, Lyciens, Pélasges, Tyrrhéniens, etc., s'allièrent aux popula-j
tions de la Syrie ». 11 ne faut pas offrir ainsi d'ingénieuses hypo-
thèses comme l'expression reconnue de la vérité. Enfin, il y a plus d'un"]
contre-sens dans le résumé que M. D. a donné (p. 334) de l'inscriptioi
de Julius Apellas, si élégamment traduite par M, de Wilamowitz.
Tout cela est peu de chose dans un ouvrage à la fois très agréable et|
très exact ; le reproche qu'il me reste à lui faire est plus sérieux. M. D.J
avertit (p. X) que l'on retrouvera dans son livre « les idées et parfois les
expressions mêmes des maîtres qui ont illustré l'archéologie classique » ;H
malgré cette précaution, on est obligé de dire que M. D. ne se gêne
d'histoire et de littérature 275
pas assez pour prendre ce qui lui convient chez autrui et qu'il lyii
arrive de l'y prendre sans même indiquer sa source dans la biblio-
graphie qui ouvre ses chapitres. Il était facile d'ajouter un renvoi en
note là où l'emprunt était à peu près textuel; quand même ce n'eût
pas été facile, M. Diehl n'aurait pas eu raison de s'en dispenser.
Salomon Reinach.
468. — MaximianI elegiae ad fldem codicis Etonensi» recensuit et emen-
dauit M. Petschenig. Berlin, Calvary, 1890, Sg pp. (Berliner Studien, xi, 2).
Les élégies de Maximianus nous ont été conservées dans deux mss. du
xi« siècle, l'Etonensis et le Reginensis, et dans une foule de mss. du
xiii'^ et du xiv" siècle. M. Petschenig semble s'être proposé de donner un
texte moins corrigé que celui de Bahrens, et par suite plus sûr. Il aurait
tout à fait réussi s'il ne s'était pas fié exclusivement à l'Etonensis. Son
édition rendra service surtout par les notes explicatives trop rares et par
l'index uerborum complet qu'il y a joints. Les nombreuses particularités
de la langue de l'auteur rendent ce travail indispensable pour l'histoire
de la syntaxe et du lexique.
P. A. L.
469. — Catalogue des manusei-its celtiques et basques de la Olbllo-
tlièque lv«tlonale, par Henri Omont. Paris, 1890, 46 p. in-8. (Extrait de la
Revue Celtique).
Le catalogue des manuscrits celtiques de notre Bibliothèque Natio-
nale n'avait pas encore été dressé, au moins d'une façon complète " ; ce
n'est pas un fonds très nombreux, car il ne comprend que io5 volu-
mes : 29 irlandais ou relatifs à la langue irlandaise, jS en langue bre-
tonne et 3 en langue basque! L'addition des manuscrits basques aux
manuscrits celtiques a sans doute été faite à une époque où l'on n'avait
encore que des idées très confuses sur la classification des langues ; peut-
être aussi le fonds basque a-t-il été jugé trop peu nombreux pour être
classé à part.
L'éminent administrateur de la Bibliothèque Nationale veut faire
connaître aux savants l'existence de tous les manuscrits confiés à
sa garde, manuscrits en langues modernes aussi bien que manuscrits en
langues anciennes; les petits fonds doivent être aussi bien traités que
les grands. C'est pour concourir à cette œuvre que M. Omont a entre-
pris le catalogue du fonds celtique et basque, et il l'a mené à bonne fin
avec les qualités de critique et d'exactitude dont il a tant de fois fait
preuve dans des travaux d'ordre plus élevé. La tâche lui a été facilitée
par le concours obligeant de plusieurs érudits, notamment de M. d'Ar-
bois de Jubainville pour les manuscrits irlandais.
I. Le catalogue des manuscrits des mystères bretons rassemblés et donnés par
M. Luzel avait été publié dans la Revue Celtique, t. V, p. 3 17 et suiv.
276 RRVUR CRITIQUE
De ces manuscrits irlandais un seul est vraiment important : c'est le
n« I. M. d'Arbois de Jubainville en a rédigé une analyse très complète
en identifiant les textes que ce ms. contient; et, avec une modestie
qu'on ne rencontre que chez les maîtres, il a communiqué cette analyse
à M. Whitley Stokesqui « a bien voulu en revoir une épreuve ». Les
celtistes ne trouveront donc rien à reprendre, mais beaucoup à appren-
dre, dans cette analyse du ms. n" i, analyse qui forme quatorze pages,
et qui est la partie la plus instructive et la plus nouvelle du catalogue
de M. Omont. Nous nous permettrons seulement d'ajouter que le texte
du fol. 28, v, col. I, a été publié, avec traduction française, dans les
KpuTT-âBta, t. IV (Heilbronn, 1888), p. 270-279 1.
Pour nous renseigner sur la provenance de ce ms. et en même temps
pour nous montrer quelle idée on se faisait à la fin du siècle dernier sur
la généalogie de la langue irlandaise, M. Omont a reproduit la note
que Villebrune, bibliothécaire de 1793 à 1795, a jointe au manuscrit.
Elle commence par cette phrase : « Manuscrit irlandois que les com-
missaires de la section Beaurepaire ont trouvé dans une de leurs visi-
tes... M Pour appeler les choses par leur nom, le ms. a sans doute été
pris, c'est-à dire volé, dans une perquisition, et probablement chez
quelque prêtre irlandais réfugié en France, mais tombé de Charybde
en Scylla. — A propos du nom de « section Beaurepaire », M. Omont
dit en note : « Du nom du général Beaurepaire, mort au siège de
Verdun en 1792 ». Cette note n'est pas ad rem : ce que le lecteur atten-
dait ici, c'était l'indication du quartier de Paris auquel correspond
cette dénomination éphémère de « section Beaurepaire » — et Beau-
caire était-lieutenant-colonel.
P. 27, n" 32. A la lecture de cet article on serait tenté de croire que
le ms., qui est du xviii^ siècle, a été copié par M. Luzel. Sur ma
demande, M. O. veut bien m'apprendre que les deux derniers feuillets
ont été copiés par M. Luzel pour compléter le ms.; et je reproduis cette
indication comme correctif au catalogue.
Les manuscrits ne sont pas classés par ordre de langues, et les manus-
crits irlandais, bretons et basques se rencontrent au hasard. Il n'appar-
tenait pas sans doute à M. Omont de refaire ce numérotage, si défec-
tueux et si peu critique qu'il soit; mais n'eût-il pas été bon de joindre,
aux très utiles tables qui terminent ce catalogue, une autre qui distri-
buât les nos du catalogue par langues ? ||
Parmi les mss. irlandais, de beaucoup moindre importance, nous
trouvons à la p. 3i le n» 71 : Défense de la Messe par Geoffroi Keating.
La description commence par cette phrase : « Le ms. est intitulé :
« Clef à bouclier de la messe » Eochair sciath an Aifrinn) ». Cette
« clef à bouclier » nous a beaucoup tourmenté, d'autant que, par suite
I. Dans !e catalogue de M. Omont, la première phrase de ce texte est ainsi tra-
duite : c< Une certaine femme alla donner sa confession à un autre moine sainte-
ment pieux. » Il faut traduire « à certain moine... »
I
d'histoirk et de littérature 277
des vacances, nous ne pouvions demander à un de nos confrères de la
Société des Antiquaires ce que pourrait être une « clef à bouclier ».
Après y avoir bien réfléchi, nous nous sommes dit que la « clef à bou-
clier » devait appartenir au même arsenal que le « pivot de conversion >»
dont il est question au régiment et à la recherche duquel un sergent ou
un caporal facétieux envoie quelquefois un conscrit naïf, « parce que,
sans le pivot de conversion, on ne peut pas faire l'exercice, subsé-
quemment... »
Voyons donc le terme irlandais traduit par « clef à bouclier ». La
première observation est qu'il faut écrire en un seul mot eocJiairsciath,
et que c'est un terme composé appartenant à cette catégorie siibstantiva
ciim substantivis dontZeussa parlé dans la Grammatica Celtica^ 2" éd.,
p. 853 et suiv. Dans les composés de ce genre, c'est d'ordinaire le second
mot qui est le mot principal ou déterminé, de même qu'en latin aquilifer
signifie « porte-aigle » et non « aigle à porter » et anguicomiis « qui a
des serpents pour cheveux, c'est-à-dire dont la tête est hérissée de ser-
pents » et non pas « serpent à cheveux ». Le mot déterminé étant ici
sciath a bouclier », la traduction serait donc « bouclier à clef »... si du
moins le mot eochair se traduisait nécessairement par « clef ».
Pour ce mot, les dictionnaires irlandais donnent bien « a key » ;
mais, si on continue, on trouve aussi d^autres sens : « a tongue » ; —
« the brim, brink, edge » ; — « the gills of a fish » ; — « a young plant,
a sprout » ; — « a right angle ». En outre, dans plusieurs textes le mot
eochair a. le sens bien net de « tranchant » 1. Si maintenant on se rap-
pelle que les anciens Irlandais employaient quelquefois des boucliers
dont le bord était tranchant ou bien dentelé comme une scie, afin que
dans le corps-à-corps l'ennemi ne pût les saisir et les écarter ~, — le
célèbre héros Cûchullain avait un bouclier dont le tranchant coupait
aussi bien que celui de son épée — il est aisé de penser qu'un bouclier
de ce genre était le bouclier défensif par excellence. Nous pensons donc
qu'il faut traduire ici « le bouclier tranchant [ou acéréj de la messe ».
La traduction que nous critiquons, « clef à bouclier de la messe », a
pour elle l'autorité de la tradition. En effet, en 1820, dans les Transac-
tions of the Hiberno-Celtic Society, t. I, p. cxciv, O'Reilly traduisait
ce titre « a key to the shield of the mass » litt. « clef au bouclier de la
messe », ce qui pourtant peut faire supposer que cet ouvrage sert de
« clef » à un autre qui serait intitulé « bouclier de la messe ». Tout
récemment, M. Atkinson traduisait ce titre plus grammaticalement ^
« Keyshield of the Mass », litt. « bouclier à clef de la messe », Malgré
ces précédents, nous préférons notre traduction donnée plus haut et
1. Voir Windisch, Irische Texte, t. I, p. 524, a; et Wh. Stokes, Lives of Saints
from the Book of Lismove, p. Sg.r , a.
2. Voir O'Curry, Manners and Customs of the ancient Ivish, t. I, p. cccclxi.
3. Keating, The three Shafts of Death, édition Atkinson, Dublin, 1890, p. 368, a.
278 REVUK CRITIQUK
nous la soumettons au jugement de M. d'Arbois de Jubainville et de
M. Atkinson 1.
Nos observations ne portent que sur des détails, et n'infirment pas la
valeur et l'utilité du nouveau travail de M. Omont : nous ne les présen-
tons que comme de simples Addenda et Corrigenda.
H. Gaidoz.
I
4^0. — Visîtnlions of Knglis»!» Clunîac Pounilations. . . . by sir G. F. Du-
CKETT, bart. Loiidon, 1890. In-8, 52 pages.
Une bulle de Grégoire IX, du i3 janvier i233, a institué dans l'or-
dre de Cluny les visiteurs et les définiteurs. Chaque année le chapitre
général désignait deux visiteurs pour chacune des dix provinces de
l'ordre. Leurs rapports servaient de base à la plupart des décisions des
définiteurs. Ce sont là de précieux documents; il n'en est pas qui
puissent mieux nous révéler l'état des maisons clunisiennes. Quand
pour une même province, plusieurs procès-verbaux, échelonnés à
quelques années de distance les uns des autres, nous ont été conservés,
nous pouvons mesurer les progrès accomplis ou les pertes éprouvées
par l'ordre de Cluny ; ce sont comme autant de jalons qui nous per-
mettent de suivre le développement de cette célèbre et puissante con-
grégation, M. Siméon Luce et M. Bruel ont publié, le premier, la
relation de la visite des monastères du Poitou en 1292 (Bibl. de
l'École des Chartes, iSSg, p. 237), le second, les relations des visites
des monastères de l'Auvergne en 1286 et i3io (Ibidem, 1877, P- ^ '4)-
11 est regrettable que, voulant faire connaître les visites des monas-
tères de Tordre de Cluny en Angleterre pour les années 1262, 1275 et
1279, M. Duckelt n'ait pas pris pour modèles les deux publications
que nous venons d'indiquer. Les rouleaux de parchemin où sont trans-
crits les procès-verbaux de ces visites sont conservés à la Bibliothèque
nationale (Nouv. acq. lat. 2280). Au lieu de reproduire ces documents,
M. D. s'est contenté de les traduire en anglais. A supposer qu'il fût
utile de rendre ces documents accessibles à tout le monde, au moins
fallait-il songer d'abord aux érudits, c''est-à-dire à ceux qui peuvent
s'en servir comme de matériaux, et par conséquent il convenait de met-
tre le texte latin en regard de la traduction. Quelle confiance doit-on
accorder à cette traduction? L'auteur nous avertit qu'elle est à la fois
littérale et libre. Qu'on en juge plutôt par le dernier article du pre-
I. Le ms. de la Bibliothèque Nationale, comme nous venons de le vérifier, écrit
bien en deux mots: eochair sgiath (et non \)2,s sciath, par un c, qui appartient à un
âge antérieur à la langue); et cette graphie fpar g) se rencontre, non pas seulement
dans le texte, mais dans le titre courant au verso de toutes les pages du manuscrit.
La séparation du mot en deux montre que le scribe du xvme siècle n'en comprenait
pas le sens. L'introduction des armes à feu avait depuis longtemps fait sortir ces
boucliers de l'usage et quelques archéologues irlandais pouvaient seuls comprendre
le mot eochairsgiatk.
d'histoire et de littérature 27g
mier rouleau. Il s'agit du prieuré de Pontefract : « Sunt ibi scxdecim
monachi. Domus débet mille marcas. » Ce que M. D. rend ainsi :
a We made out that the pecuniary obligations incurred by the monas-
tery, reach the sum of a thousand marks; and that the number of the
brethren amount to sixteen. » M. D. donne aussi une version anglaise
d'une liste des maisons de l'ordre de Gluny en Angleterre et en Ecosse,
dressée au xv« siècle. Enfin, à la suite de l'index, vient en appendice —
et c'est là la seule page intéressante du volume — le texte latin d'une
ordonnance rendue en 1247 par le prieur de la Charité-sur-Loire, et
relative au transport des rouleaux mortuaires de France en Angleterre
et réciproquement, dans les maisons relevant de la Charité. La copie
de ce document, conservé à la Bibliothèque, a été transmise à M. Du-
ckett par M. Léopold Delisle, c'est assez dire quelle en est l'exactitude.
M. Prou.
4'7i. — Ooi'pUB (locuinentoriim Iiiquisitionis Iia3i*eticae pruvîtatis
iVeei>landiH3. Verzameling van stukken betreff'ende de Pauselijke, en bisschop-
pelijke inquisitie in de Nedeiianden, uitgegeven door D'' Paul Fredericq... Eerste
Deel, tôt aan de herinrichting der inquisitie onder Keizer Karel V. Gent en
'S Gravenhage, i88g, in-8, xxxix-640 pages.
Dans l'ouvrage dont le titre précède, M. Frédéricq a réuni tous les
textes ou fragments de textes, imprimés ou manuscrits, qu'il a pu con-
naître relatifs à l'histoire des persécutions contre les hérétiques dans ce
qu'il appelle la Néerlande. Cette expression, ne répondant ni à une
région géographique bien déterminée, ni à une nationalité bien définie,
a besoin d'explication. Sous le nom de Néerlande, l'auteur comprend des
pays de langue allemande (Luxembourg, partie occidentale de l'arche-
vêché de Trêves), des pays de langue française (Artois, Hainaut, pays de
la Meuse et partie du Brabant), des pays de langue flamande (comté de
Flandre, partie du Brabant), enfin la Hollande proprement dite. C'est,
en somme, la Belgique actuelle, le nord de la France, les Pays-Bas et
quelques portions de la Prusse rhénane.
Près des deux tiers des fragments rapportés datent du xiv^ et du
xv« siècle; pour les temps antérieurs au xiii^, M. Frédéricq n'a relevé
qu'un petit nombre de documents, et beaucoup des textes rapportés in-
extenso ou allégués par lui ont trait plutôt à la lutte delà papauté contre
l'hérésie dans toute l'Europe qu'aux pays dont il étudie l'histoire reli-
gieuse. 11 est vrai que l'auteur a été assez sobre à cet égard ; de beaucoup
de textes généraux il ne cite que les premiers mots, se contentant de
renvoyer aux auteurs qui les ont publiés. Peut-être aurait-il pu, sur ce
point, se montrer encore plus réservé.
Le recueil de M. Frédéricq est riche surtout pour le xv*^ siècle, et les
historiens français le consulteront avec profit, notamment pour le grand
procès contre les Vaudois d'Arras dans les premières années du règne
de Louis XL On y trouvera également beaucoup de détails sur les
280 REVUE CRITIQUE
agitations religieuses, qui marquèrent en Artois, en Hainaut et dans
les pays voisins la lin du xiv^ et tout le xv*^ siècle, mouvements avant-
coureurs de la réforme.
Chaque fragment publié est précédé d'une copieuse analyse et suivi de
notes bibliographiques parfois assez étendues. Une table des ouvrages
imprimés et des recueils manuscrits consultés par l'auteur, un index
chronologique des fragments publiés, enfin une table alphabétique
et analytique terminent et complètent le volume qui fait grand honneur
au savant professeur de Gand.
Nous n'adresserons à Fauteur qu'une légère critique. Les actes publiés
par lui sont pour la majeure partie en latin et en français; un petit nombre
seulement est rédigé en flamand. M. Frédéricq n'en a pas moins adopté
cette dernière langue pour les notes, les analyses et les index. Le choix
en lui-même est parfaitement légitime, mais la langue flamande est en
somme peu connue en dehors d'une petite partie de la Belgique ; elle est
très certainement ignorée de la plupart des érudits et des étrangers qui
auront à consulter le recueil de M, Frédéricq. C'est là un premier
inconvénient, ajoutons-en un autre bien plus grave : les noms de lieux
de terre française ont été parfois tellement transformés par les Flamands
qu'ils en sont devenus difïicilement reconnaissables ; citons seulement
Doornik, Kamerijk, Atrecht. Jamais les habitants de ces trois villes
n'ont employé d'autre forme que Tournay, Cambrai et Arras, et il est
peu probable que ceux de Mons consentent jamais à changer leur vieux
nom roman en celui de Bergen. Que M. Frédéricq dise Gent pour
Gand, c'est son droit strict, mais n'est- il pas puéril de changer des
appellations géographiques consacrées depuis des siècles? Si l'auteur,
pour des raisons personnelles, répugnait à employer la langue française,
la plus usitée en Belgique, au moins dans les classes lettrées, il eût pu
sans aucun inconvénient recourir au latin. Aucun érudit français ou
allemand n'aurait eu un instant d'hésitation en lisant le nom Leodium;
pour saisir le sens de la forme Luik., il faudra tm instant de réflexion.
Ce sont là, si l'on veut, des vétilles, mais il s'agit ici de clarté et de
précision, qualités qu'on réclame avant tout d'un ouvrage d'érudition
et de diplomatique.
472. — K*iei-i-es tombales du Musée munîeipal de Saint-Cieftnain-eii-
Laye* par Henri Stein, ancien élève de l'Ecole des Chartes, membre de la com-
mission départementale des richesses d'art de Seine-et-Oise. Versailles, Cerf,
i8Sç), grand in -8 de 9 p.
473. — Les IVèi-es Anguiei*. Notice sur leur vie et leurs œuvres d'après des
documents inédits, parle même. Paris, Pion, iHSg, grand in-8 de 86 p.
474. — Jleaii Ooujon et l:t iiiaisun de Ui:ine de Poitiers â E:iaini>es,
par le même. Paris, H. Laurens, 1890, grand in-8 de 17 p.
I. M. H. Stein appelle l'attention sur des pierres tumulaires qui,
depuis 1874, appartiennent à la ville de Saint-Germain-en-Laye, et qui
d'histoire et de littérature 281
n'ont été connues ni du baron de Guilhermy, quand il a publié, en 1 877,
le tome III de ses Inscriptions de la France, (ancien diocèse de Paris),
ni de l'auteur du supplément qui remplit la plus grande partie du
tome V (i883) de cette importante publication. Le jeune et savant archéo-
logue décrit très bien les trois pierres, dont deux proviennent de l'an-
cien prieuré d^Hennemont, fondé en i3o8, l'origine de la troisième
n'étant pas indiquée, et iUn^interprète pas moins bien les inscriptions
incomplètes gravées sur ces pierres '.
II. La notice sur la vie et les œuvres des frères Anguier est de tout
point excellente. M. Stein, mieux qu'aucun de ses nombreux devan-
ciers (Guillet de Saint-Georges, le comte de Caylus, F. N. Le Roy, Jal,
M. Emile Léger, M. Arm. Sanson), nous fait connaître les trois fils
d'Henri Anguier, le maître menuisier d'Eu, les sculpteurs François et
Michel, et le peintre Guillaume, lequel travailla surtout aux Gobelins,
La notice est divisée en six chapitres : La ville d'Eu, patrie des An-
guier ; la famille des Anguier ; le sculpteur François Anguier; Mi-
chel Anguier a r Académie ; le peintre Guillaume Anguier. On trouve
à la suite : Portrait de Michel Anguier; Catalogue des œuvres d'art
(actuellement existantes) de François Anguier (p. 3i-38) et de Michel
Anguier {p. 38-48); Œuvres attribuées aux Anguier s {p. ^.g-bo). L'Ap-
pendice est formé de quatre conférences de Michel Anguier : 1° sur
V Hercule de Farnèse, du 9 novembre 1669; 2° sur la figure de Lao-
coon, du 2 août 1670; 3° sur Vexpression de la colère, du 7 septembre
1675 ; 4° sur la manière de représenter les divinités selon leur tempé-
rament, du i" août 1676. Les Pièces justificatives, relatives à la famille
Anguier, sont au nombre de quinze, la première datée du 8 septembre
1 638 et la dernière du i 3 mars 1721^.
III. La connaissance de la vie de Jean Goujon nous échappe complè-
tement pendant les années i55i à i555. Un document du 27 septembre
de cette dernière année, conservé aux Archives nationales, et publié
(p. i3) par M. Stein, nous apprend que Jean Goujon, sculpteur du roi,
se trouvant à Étampes, y fut emprisonné par le lieutenant du bailli,
1. M. S. a deviné avec beaucoup de sagacité (p. 5) dans la syllabe Ro... le com-
mencement du prénom de Robert de Meudon, grand panetier de France, mort en
i325, et enterré à Hennemont comme son parent et homonyme Robert de Meudon,
concierge et capitaine du château de Saint-Germain-en-Laye, décédé peu d'années
auparavant.
2. Les rectifications indiquées par M. S. sont nombreuses. Je n'en citerai
que deux : « Prosper Mérimée, il y a un demi-siècle (Notes d'un voyage en Au-
vergne, Paris, i838, p. 386), citait le tombeau par Fr. Anguier de Henri II de
Montmorency et de Félicie-Marie des Ursins, sa femme, que l'on voit à Moulins,
dans l'ancien couvent de la Visitation, aujourd'hui la chapelle du lycée comme l'ou-
vrage d'un sculpteur italien nommé Aghieri, se contentant de transcrire, sans plus
ample informé, l'erreur du gardien ou du sacristain de la chapelle. » (p. 10). — « On
a quelquefois attribué les sculptures de la porte Saint-Denis à François Anguier, ce
qui est impossible, puisque François mourut en 1669, et que les premiers travaux
ne commencèrent qu'en 1671. n
28i
REVUE CKITfQUE
puis conduit à Paris, c[ qu'après un certain temps de détention, il de-
manda à être mis en liberté provisoire sous caution, ce qui lui fut
accordé. S'appuyant sur cette pièce indiscutable et quasi-officielle,
M. Stein conclut de la présence de Jean Goujon à Etampes peu de^mois
avant i55 5, que le grand artiste a dû construire la belle maison de
Diane de Poitiers dans cette ville ', la date du document révélateur
concordant parfaitement avec la date de i554, inscrite au-dessus
de Tune des fenêtres de l'édifice. Espérons qu'une nouvelle trou-
vaille viendra confirmer les très probables conjectures de l'habile criti-
que et jeter un peu plus de jour sur la mystérieuse période de la vie de
Jean Goujon, comprise entre les années i55i à i5 55 -.
T. DE L.
1
4^5 _ — Deux correspondants limousins tle Baluze. Lettres inédites de
Pradilhon de Sainte-Anne et M. du Verdier, par Em. Du Boys. Limoges, Du-
courtieux, 1890. ln-8, 32 p.
Baluze eut, entre autres correspondants, deux limousins, Pradilhon
de Sainte-Anne, religieux feuillant, grand généalogiste, et Du Verdier,
conseiller au présidial de Tulle et receveur des tailles à Nevers. M. Du
Boys nous donne sept lettres de Pradilhon et sept lettres de Du Verdier,
qu'il accompagne d'un minutieux commentaire. Les sept lettres de Pra-
dilhon contiennent de nombreux renseignements sur les grandes famil-
les du Limousin. Elles se rapportent, comme celles de Du Verdier —
qui ont un caractère plus intime — aux années i692«i695.
G.
^■jô. — L'évolution <les genres dans l'histoire de la littérature. (Leçons pro-
fessées à rp]cole normale supérieure) par M. Ferdinand Brunetière. Tome pre-
mier. Introduction : L'Evolution de la critique depuis la Renaissance jusqu'à nos
jours. I voî. in-i6 de xiv, 283 pp. Paris, chez Hachette, 1890.
L'idée d'évolution a, depuis vingt-cinq ans, envahi pour les renouveler
toutes les provinces de la science. L'histoire et la critique ne pourraient-
elles pas aussi l'utiliser? — Telle est la question que s'est posée M. Bru-
1. Voir deux des gravures dont la brochure est ornée, l'une représentant la cour
intérieure, l'autre la façade sur la rue.
2. M. S. dit (p. 7), que « si depuis quelques années seulement on ne le compte
plus au nombre des innocentes victimes de la Saint-Barthéiemy, c'est grâce à M. A.
de Moniaigton,« lequel a prouvé que l'artiste vivait encore en Italie après 1672 où
il se réfugia sans doute à cause de sa religion pour échapper aux haines de ses com-
patriotes, et abriter son génie sous un ciel plus hospitalier. » Je rappellerai que bien
avant M. de Montaiglon, un autre éminent archéologue, M. Adrien de Longpérier,
avait établi (article Goujon du Plutarque français), que le silence des martyrologes
protestants ne permet pas de croire à l'assassinat du sculpteur calviniste, en août
1572. Je connais trop M. de Montaiglon et M. Stein pour n'être pas sûr qu'ils me
sauront gré d'avoir appliqué ici le cuiqiie suiim.
d'histoire et de littérature 283
netière. On sait en quel sens se sont effectués dans ce siècle les progrès
de la critique, et qu'elle a fait un pas en avant chaque fois qu'elle a pu
emprunter quelque chose aux méthodes particulières des sciences. Aussi
peut-on le dire dès à présent : depuis l'époque où M. Taine publiait ses
premiers Essais, il ne semble pas qu'aucune tentative ait été faite, qui
intéresse à un plus haut degré l'avenir de la critique.
Les genres ne sont-ils que des mots, des catégories arbitraires imagi-
nées par les historiens de la littérature? ou bien ont-ils une existence
réelle et vivent-ils de leur vie propre? (De l'existence des genres.)
Comment les genres se dégagent-ils de l'indétermination primitive?
(Différenciation des genres.) Les genres se fixent pour quelque temps.
Quelles sont les conditions de stabilité qui leur assurent une existence
individuelle, avec un commencement, un milieu et une fin? (Fixation
des genres.) Sous quelles influences se dissout un genre? (Des modifi-
cateurs des genres.) Et n'y aurait-il pas une loi générale de l'évolution
des genres? (De la transformation des genres.) Tels sont les différents
problèmes que comporte une étude de l'Evolution des genres. M. B. se
contente de les poser, dans ce premier volume. Dans les suivants, il
expliquera comment il comprend la doctrine de l'évolution, et dans
quelle mesure il prétend l'appliquer à la critique littéraire. 11 ajoutera
des exemples tirés de l'histoire de la tragédie classique et des transfor-
mations du roman; et il se fait fort de montrer comment la poésie
lyrique de notre siècle est sortie de ce qui fut jadis Téloquence de la
chaire. Enfin il donnera ses conclusions. — Nous devons donc attendre
avant d'examiner en elle-même la théorie de M. Brunetière. Tout ce
que nous pouvons faire aujourd'hui, c'est d'en signaler l'importance.
Mais, avant d'aborder le problème de l'évolution des genres, encore
fallait-il montrer comment la critique s'est trouvée amenée à le poser.
C'est l'objet que poursuit M. B. dans les leçons consacrées à V Evolution
de la critique depuis la Renaissance jusqu'à nos jours. — La critique,
à ses débuts, se bornait à n'être que l'expression d'un jugement ou
d'une opinion; elle est maintenant devenue, ou peu s'en faut, une
science analogue à l'histoire naturelle. Elle a donc, elle aussi, « évolué. »
Quels sont les « moments » de cette évolution? A l'époque de la Renais-
sance, la critique, mise en présence des chefs-d'œuvre de l'antiquité,
cherche à cataloguer leurs mérites et à se rendre compte des raisons de
l'impression qu'ils produisent. Ces remarques sont érigées en règles; et
Malherbe, mais surtout les Chapelain et les Balzac ont une foi supers-
titieuse dans la toute puissance et dans la bienfaisance des règles. Boileau
s'efforce de fonder ces règles en nature, et par là, il porte la critique
classique à son point de perfection. "Voltaire, Marmontel, La Harpe, au
siècle suivant ne sauront que rédiger le testament de cette sorte de criti-
que. — Mais dès les dernières années du xvii° siècle s'était posée la
|j question du progrès : elle fait tout l'intérêt de la querelle des anciens et
des modernes. Le résultat de cette querelle, c'est « qu'on ne croit plus
284 REVOR CRITIQUE
« que les rèi^les soient immuables; on se rend compte qu'elles sont en
« mouvement » [p. iSy). « L'idée d'une certaine relativité des choses
« liliérairos s'introduit dans la critique» (p. i38). L'action de.Tean-
Jacques Rousseau s'exerce dans le même sens. 11 crij^e l'individu en
mesure de toutes choses, et remplace la notion de l'absolu par celle du
relatif. Son influence se fait sentir dans les livres de la Littérature, du
Génie du christianisme, de l'Allemagne, d'où procède le mouvement
littéraire du xix^ siècle. Villemain, aidé de Cousin et de Guizot, intro-
duit l'histoire dans la critique. II est désormais entendu que Foeuvre
littéraire soutient d'étroites relations avec l'état social, avec Tétat politi-
que, avec les actions et les influences du dehors. Sainte-Beuve fait
entrer dans la critique la psychologie et la physiologie; et dans la meil-
leure partie de son œuvre il se propose de faire « l'histoire naturelle des
esprits. » M. Taine prend à la lettre cette expression et fait de la critique
une science qui emprunte à Phistoire naturelle ses méthodes. C'est ici
que M. B. reprend la question à son compte : « A la critique fondée
« sur les analogies qu'elle présente avec l'histoire naturelle de Geoffroy-
« Saint-Hilaire et de Cuvier, nous nous proposons de voir si l'on ne
« pourrait pas substituer, ou ajouter pour la compléter, une critique à
« son tour qui se fonderait sur Thistoire naturelle de Darwin et de
« Ha^ckel. » (p. 18). — M. B. se défend d'avoir voulu, dans ces pages,
écrire une histoire complète de la critique littéraire. Il a essayé seule-
ment d'en donner « quelque idée »>, et de marquer « les différents temps
de l'évolution de la critique. » On ne pouvait le faire avec plus de
clarté, de précision et de vigueur.
Ce qui se dégage encore de ce livre, et qui contribue à lui donner une
singulière valeur, c'est la conception que M. B. se fait de la critique, de
son rôle, et de ses devoirs. « Depuis trois cents ans, écrit M. B., la cri-
(f tique est vraiment l'âme de la littérature française » ; et il ne pense
pas qu'aucune littérature moderne eût pu se développer en dehors de la
tutelle et de l'action de la critique. Mais pour exercer une telle action,
il est clair que la critique ne peut se borner à être l'expression d'une
préférence personnelle, et qu'elle ne doit pas relever exclusivement du
caprice et de la fantaisie. « Il faut que la critique juge, puisqu'elle n'a
« été précisément inventée que pour cela, pour trouver à nos impres-
« sions des motifs plus généraux qu'elles-mêmes, des justifications qui
" les dépassent, des causes enfin qui leur soient antérieures, extérieures,
«supérieures... Et il faut que la critique classe, si nos impressions,
a comme nous le savons bien, différentes en quantité, ne le sont pas
a moins en qualité » (p. 197). Or ces jugements et ces classifications ne
peuvent avoir de valeur, qu'autant que le critique a « fait une longue et
« laborieuse éducation de son goût » et que s'il a demandé à la con-
naissance de l'histoire et des méthodes scientifiques les secours qui
lui sont nécessaires. — Il est un point encore sur lequel insiste
M. Brunetière. Il écrit, p. 201 : « Je ne puis m'associer à ce dédain
d'histoire kt de littérature 285
a qu'on affecte encore quelquefois aujourd'hui pour les idées générales,,
« même prématurées, même arbitraires, même fausses. L'étonnement
« qu'elles provoquent, l'opposition qu'elles soulèvent, les contradictions
« qu'elles suggèrent, les recherches enfin dont elles deviennent ainsi
& l'occasion ou le point de départ, c'est ce qui entretient autour des
a grands problèmes cette agitation des esprits qui est, pour ainsi dire, la
« première condition de la découverte et du progrès. » Ailleurs il
adresse à l'un des « penseurs » les plus vigoureux comme les plus
inventifs de ce siècle, cet éloge « que personne n'a jeté dans la circula-
« tion sur l'histoire de la littérature et de l'art plus d'idées nouvelles,
« fortes ou profondes, et vraies ou fausses d'ailleurs, mais en tout cas
« suggestives et provocatrices » (p. 246). C'est précisément en ces termes
qu'on pourrait apprécier l'action exercée depuis plus de dix années par
la critique de M. Brunetière. Aussi ne saurait-on le trop remercier
d'avoir voulu nous présenter ses idées liées en système, ni témoigner
trop de l'impatience avec laquelle tous ceux qui s'intéressent au mou-
vement des lettres attendront l'apparition des volumes où ils doivent
trouver le complet exposé de ce système.
René Doumic.
477- — »-'<«'I""<le el Pi%n^letei-i-e depuis l'acte d'Union jusqu'à nos jours
1800-1888, par Francis de Pressënsé. Paris, E. Pion, Nourrit et G'', 18(^9, in-S.
a Ce livre est un essai d'histoire politique. J'ai cherché dans le passé
« les causes de la division apparemment irrémédiable qui arme l'une
« contre l'autre les deux moitiés de l'empire britannique. J'ai entrepris
« cette étude avec un préjugé favorable à la suprématie anglaise et une
« prévention défavorable contre l'autonomie irlandaise : je l'achève
« pleinement acquis au principe de l'indépendance limitée ou du Home
<c Rule tel qu'il a été défini par M. Gla-istone et accepté par M. Parnell. »>
Ainsi commence la préface de IVI. de Pressënsé. C'est la conclusion
de son livre, c'est le résultat auquel l'a conduit une étude détaillée et
approtondie des débats parlementaires, des luttes électorales, des procès
politiques qui ont fixé le sort de l'Irlande depuis 1800. J'admire le
talent d'exposition montré par le savant auteur dans le récit de ces faits
historiques; je n'admets pas la conséquence qu'il en tire, cela tient
probablement à ce que j'ai vu l'Irlande sous un autre aspect que lui.
J'ai passé à Dublin près de trois mois en 1881. J'y étais venu étudier
la plus ancienne littérature de l'Irlande et la politique n'était pas l'objet
de mon voyage. J'y ai trouvé de toutes parts le plus aimable accueil. Je
ne parlerai que des morts, et je me bornerai à citer deux noms. Le pre-
mier est celui de Sir Samuel Ferguson deputy keeper of the Public
Record Office, on dirait en français u Garde général des Archives Na-
tionales. » Sir Samuel F'erguson passait pour Orangiste. Il me parla un
jour du « traître » qui était devenu le chef du parti national-irlandais.
286 REVUE CRITIQUE
Une autre fois, j'insistais près de lui sur la nécessité de faire des fouilles
dans les sépultures antiques, et il me raconta qu'ayant organisé une
opération de ce genre, il fut prévenu sur le terrain par une foule de
paysans, armés de fourches et de faux qui annoncèrent Pintention de
tuer le premier qui tenterait de profaner les ossements de leurs ancêtres.
Je rapportai ce trait à des Irlandais leur témoignant ma surprise : « Sir
Samuel est un orangiste », me répondirent-ils, « faites des fouilles, vous,
Français, et au lieu de vous menacer, on vous aidera. » Et cependant
les Irlandais qui s'occupent de l'histoire et de la littérature nationale
n'ont Jamais trouvé d'amateur plus bienveillant que Sir Samuel Fcrgu-
son. Quand O'Beirne-Crowe, continuateur du catalogue des manuscrits
irlandais de TAcadémie d'Irlande, mourut, tué par l'alcoolisme et la
misère, le protestant Sir Samuel Ferguson pourvut aux frais des funé-
railles catholiques de ce malheureux savant.
Un jour, Sir Samuel Ferguson me fit visiter les Archives publiques
dont il avait la garde; j'admirais leur excellente organisation; appelé
dans son cabinet, il me laissa entre les mains d'un de ses employés. Cet
employé était William M. Hennessy, un des hommes qui en notre siè-
cle ont le mieux connu l'irlandais moyen, l'éditeur des « Annales de
Loch Ce », du Chronicoii Scotoriim, du Mesca Ulad, des Annales
d'Ulster; je désirais voir les pièces les plus anciennes conservées dans
le dépôt : ces documents semblaient n'avoir pas d'intérêt pour lui; il
me conduisit devant une collection de gros registres en écriture moderne
qui, à ses yeux, étaient ce qu'il y avait de plus important dans les ar-
chives d'Irlande. Or, de quoi s'agissait-il dans ses registres? Des grandes
confiscations exécutées au xvii'^ siècle : une colonne contenait les noms
des propriétés, une autre les noms des anciens propriétaires dépouil-
lés, une autre les noms des propriétaires nouveaux. Hennessy me fit
observer que les propriétaires actuels portent en général les mêmes noms
que les propriétaires nouveaux du xvu*^ siècle, et qu'ils sont leurs
descendants : puis il disparut, je ne le revis pas de la journée.
Quelques jours après je faisais une visite à un autre irlandais catho-
lique ; dans son cabinet je remarquai une carte de géographie encadrée
et pendue au mur en face de la fenêtre à la place d'honneur, je deman-
dai ce que c'était : c'est, me répondit-il, le plan des propriétés de ma
famille, confisquées au xvii" siècle.
Ensuite passant dans la rue, près de la cathédrale Saint- Patrice, je
priai un ouvrier que je croisais de me dire qu'était cet édifice. Il parut
étonné de mon ignorance. « Vous le savez bien, répliqua-t-il, c'est une
u: belle église que les Anglais nous ont prise à l'époque de leur Refor-
« mat ion. »
Il y a chez les Irlandais une conviction, c'est qu'ils ont été victimes
d'une spoliation injuste. Et cette conviction est fondée. Au xvn" siècle,
l'aristocratie anglaise ne s'est pas contentée de se substituer à l'aristo-
cratie irlandaise vaincue; elle a, contrairement à toute justice, trans-
d'histoire et dk littérature 287
formé en fermiers les tenanciers irlandais, vrais propriétaires du sol : au
lieu et place de la coutume irlandaise, elle a mis une législation impor-
tée d'Angleterre, et, grâce à cette législation nouvelle, elle a acquis
la propriété du sol que n'avait pas l'aristocratie irlandaise sa devancière ;
en agissant ainsi, elle a eu Thabileté de faire croire au peuple anglais
qu'elle a de son côté la justice; un mot anglais a suffi : le titre de îand-
lord ^ maître de la terre » que s'est attribué chaque membre de l'aris-
tocratie anglaise substitué aux chefs de clans irlandais.
De là, le malentendu qui sépare les deux nations. On a longtemps
cru que la différence de religion en était en grande partie la cause. De-
puis le disestablishment de Téglise anglicane, ce grief n'existe plus.
M. d'IsraëH, combattant le projet de cette mesure, prétendait que sa
réalisation aurait pour effet « la restauration de l'influence souveraine du
pape en Irlande » '. 11 le disait en 1869. Or, dix ans plus tard, un pro-
testant, élu membre à la Chambre des communes par un collège irlan-
dais, acquérait en Irlande, comme chef du parti hostile à l'Angleterre,
une autorité que jamais n'y avait possédée ni le pape ni aucun souve-
rain : O'Connell avait un héritier, c'était M. Parnell ^; M. Parnell est
devenu le chef politique des Irlandais parce qu'il est l'avocat de leur
droit traditionnel au soi de la patrie.
Les administrateurs anglais ont constaté que dans l'Inde infliger,
comme peine politique, la confiscation est une faute irréparable; l'In-
dou, dont le père a perdu la vie dans la lutte contre l'Angleterre peut
pardonner celte mort, une loi de la nature voulait qu'il survécût à son
père; mais il n'oubliera jamais le tort qu'on lui a fait quand, s'empaarnt
de l'héritage paternel, le vainqueur a mis cet héritage dans d'autres
mains. Le vaincu pense rarement à son père qui dort dans le tombeau,
mais il voit tous les jours les champs dont la défaite l'a dépouillé, il
souffre à chaque instant de la misère que cette spoliation lui inflige.
Ce n'est pas le peuple anglais qui s'est enrichi au détriment du tenan-
cier irlandais, c'est l'aristocratie anglaise, de toutes les aristocraties
modernes la plus habile et la plus impitoyable. L'Irlandais ne fait pas
de distinction entre le lord catholique et le lord protestant; la haine
que lui inspire la Chambre des pairs anglais ne met pas de différence en-
tre les membres de la haute assemblée qui ont la même religion que lui
et ceux qui professent une religion différente. Dans le pair anglais, il
voit l'ennemi. Son affection pour le prêtre catholique tient à la com-
munauté de traditionnelle infortune : il a été dépouillé de son droit
de propriété par ceux qui dans le même temps étaient au clergé
catholique ses bénéfices et ses couvents, et interdisaient â ce clergé
la célébration du culte. Tous deux malheureux, le prêtre et le paysan
se sont associés contre l'ennemi commun :
t. F. de Pressensé, p. 3i8.
2. F. de l'iessensc, p ?6r( et suivantes.
l
288 RRVUK CRITIQUK
Qui dans la nuit d'hiver,
Prêtre chéri !
Quand la froide bise mordait.
Prêtre chéri !
Est venu à la porte de ma cabane
Et sur le sol de ma chambre,
S'est agenouillé près de moi malade et pauvret
Prêtre chéri 1
Ah! c'est vous, et vous seul,
Prêtre chéri!
Et c'est pour cela que je vous ai été fidèle,
Prêtre chéri !
Notre amour ils ne l'ébranleront jamais,
Alors que pour la vieille Irlande
Nous avons épousé une juste cause,
Prêtre chéri i !
A ce chant mélancolique peut servir de pendant la pièce que M. de
Pressensé appelle la Marseillaise irlandaise, c'est-à-dire le poème popu-
laire d"0"Sullivan sur la mort de trois patriotes irlandais condamnés à
la peine capitale pour avoii arraché aux mains des gendarmes deux
chefs du parti Fenian, 1867 ^ :
Haut à la potence
Se balançaient les trois au noble cœur.
Par la vengeance du tyran fauchés dans leur fleur.
Mais ils le regardèrent face à face
Avec le courage de leur race;
Et, avec des âmes indomptées, ils marchèrent à leur destin.
Dieu sauve l'Irlande! dirent les héros;
Dieu sauve l'Irlande! dirent-ils tous;
Que ce soit sur le haut échafaud
Ou sur le champ de bataille que nous mourions
Oh! qu'importer puisque c'est pour l'Irlande chérie que nous tombons.
Jamais jusqu'au dernier jour
La mémoire ne passera
Des vaillantes vies ainsi données pour notre pays;
Mais la cause doit marcher
Au milieu de la joie, du bonheur ou du chagrin, ;
Jusqu'à ce que nous ayons fait de notre île une nation libre et grande.
' ■ I
Dieu sauve l'Irlande! dirent les héros ;
Dieu sauve l'Irlande! dirent-ils tous;
Que ce soit sur le haut échafaud
Ou sur le champ de bataille que nous mourions.
Oh ! qu'importe,puisquec'estpour l'Irlande chérie que nous tombons '
1. F. de Pressensé, VIrlandeet l'Angleterre, p. 389.
2. F. de Pressensé, p. 292. ,
3. F. de Pressensé, p. 388. — Pour bien comprendre ce qu'est en Irlande le gou-
vernement anglais, il faut rapprocher de ce chant le fait suivant ; Sur la place
principale de Dublin s'élève une statue fort remarquable du patriote O'Brien, mort.
d''histoire et de littérature 289
A ce cri de guerre un cri d'approbation répond de Tautre côté de
l'Atlantique :
Au fond des bois du Canada nous nous sommes rencontrés.
Fugitifs d'une île brillante.
Grande est la terre que nous foulons, mais cependant
Nos cœurs sont à notre terre à nous.
Et avant de quitter cette pauvre cabane,
Pendant que décline le jour d'automne.
Nous voulons boire à la vieille Irlande.
Chère vieille Irlande!
Irlande! compagnons, hourrah!
Chère vieille Irlande !
Irlande! compagnons, hourrah M
En France, la Révolution n'a reconnu d'autre droit de propriété que
celui du tenancier; elle a supprimé celui du seigneur. En Irlande, un
siècle plus tôt, l'Angleterre a introduit des seigneurs étrangers, et à leur
profit elle a supprimé le droit du tenancier.
Aujourd'hui le gouvernement anglais cherche à réparer cette injus-
tice ^; on le doit à Pinfluence de plus en plus dominante en Angleterre
des idées démocratiques. 11 est à regretter qu'en réclamant mal à pro-
pos une sorte d'indépendance politique, les Irlandais aient détaché de
leur cause une importante portion du parti radical anglais qui craint
que cette indépendance ne soit la ruine de l'empire britannique. Sans
cette objection, tout le parti radical anglais marcherait uni avec les Ir-
landais à l'assaut des privilèges de l'aristocratie la plus puissante, la
plus habile et la plus exclusivement égoïste qui existe en Europe au-
jourd'hui et la victoire serait plus prochaine et plus siire. J'arrive donc à
une conclusion sensiblement différente de celle que nous propose M. F.
de Pressensé.
H. d'ArBOIS de JUBAINVILLE.
478. — Instructions adressées par le Comité des travaux historiques et scienti-
fiques aux correspondants du Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-
Arts. Littérature latine et histoire du moyen âge, par L. Delisle, président de
la section d'histoire et de philologie. Paris, Ernest Leroux, 1890, grand in-8 de
1 16 p.
Nul n'aurait pu rédiger mieux que M. L. Delisle les instructions des-
tinées à guider les correspondants du ministère; nul n'aurait pu leur
en 1864. Or, voici ce qui justifie le droit d'O'Brien à cet honneur. A la suite d'une
révolte à main armée contre l'Angleterre, en 1848, il a été condamné à mort comme
convaincu de haute trahison, et s'il n'a pas péri sur l'échafaud, c'est grâce à une
commutation de peine. Au pied de la statue de ce forçat glorieux, on voit circuler
avec une lente gravité les policemen qui, ailleurs, procèdent aux évictions des tenan-
ciers irlandais.
1. F. de Pressensé, p, 387.
2. La législation nouvelle de l'Irlande sur le droit des tenanciers ressemble à la
jurisprudence de la cour de Rennes sur le contrat de convenant.
290 REVUE CRITIQUE
donner avec plus d'autorité les leçons et les modèles. A la suite de trois
pages à'' observations d'une netteté parfaite, l'éminent critique publie
cinquante exemples de communications destinées au Bulletin historique.
Cela forme une mosaïque d'une grande richesse et d'une grande variété.
Je ne voulais d'abord citer que les pièces les plus importantes ou les
plus curieuses du recueil, mais je crois qu'une énumération complète
vaut encore mieux.
Gloses sur quelques vers de Fortunat (d'après un ms de l'université
de Leyde. Ces gloses interlinéaires, de l'époque carlovingienne, lèvent
les doutes qu'on pouvait avoir sur les sièges de plusieurs évéques men-
tionnés par le poète, notamment sur le siège du prétendu Maracharius
que le Recueil des historiens de France (11, 480) et le Gallia Christiana
(11, 980) plaçaient à Angoulême, alors qu'il s'agit incontestablement de
Romacharius, évêque de Coutances). Notes sur un ms. perdu des Capi-
lulaires. (C'est une note du P. Sirmond tirée du ms. 13069 du fonds
latin de la B. N., laquelle note contient une table du ms. dont Baluze
s'est servi pour son édition des Capitulaires, conservé de son temps au
collège lie Navarre, et aidera à le reconnaître). Inscription d'un livre
carlovingien de la cathédrale de Lyon (d'après le n" 392 de la biblio-
thèque de Lyon, qui contient les commentaires de St Jérôme sur Isaïe,
en caractères du ix*' siècle). Notes sur des ornements du trésor de Saint-
Denis à Vépoque carlovingienne (notes consignées par un moine du
x" siècle sur le ms. latin 7230 de la B. N., relié aux armes et au chiffre
de Charles IX et débris de la bibliothèque de Saint-Denis). Registre des
professions et des associations de l abbaye de Saint-Rémi de Reims.
(ix^ et x« siècles. Au sujet des offrandes d'enfants à ce monastère. Actes
tirés du ms. latin iSogo, provenu de Saint-Germain-des-Près). Prière
pour obtenir la grâce d'être délivré des invasions normandes. Vers
l'an 900 (Plus d'une fois on a dit qu'au temps où les incursions des Nor-
mands jetaient la terreur dans une grande partie de la France, l'usage
s'était introduit d'ajouter dans les litanies des Saints la formule : A
Jurore Nonnannorum libéra nos. M. D. n'a point remarqué ces mots
dans les litanies de l'époque carlovingienne qu'il a eu l'occasion d'exa-
miner. Mais un antiphonaire de la fin du ix*^ siècle, peut-être du com-
mencement du x*, ms. latin 17436 contient une prière qui en est l'équi-
valent). Calendrier breton (xi*^ siècle. Ms. de la bibliothèque royale de
Copenhague). Deux lettres des papes Alexandre II et Grégoire VII.,
relatives à l'église de Soulac en Médoc (vers 1067 et 1080. Lettres
tirées du célèbre ms. de Saint-Sever en Gascogne, qui contient le com-
mentaire de Beatus sur l'Apocalypse, n" 8878 du fonds latin, lettres
qui paraissent avoir échappé aux éditeurs de lettres de papes '). Lettre
du pape Alexandre II à l'évêque de Limoges (vers 1070, au sujet d'un
I. Suivant une conjecture du D'' Loewenfeld (Regesta pontif. Rom. t. I p. 725>
n° 6089), la lettre d'Alexandre II serait émanée de Pascal II, le 20 juin 1106. Cette
hypothèse paraît inadmissible à M. D.
I
I
I,
d'histoire et dk littératurb 291
différend entre hier, évêque de Limoges, et Aimar, abbé de Saint-Mar-
tial, d'après un texte copié dans une bible de Saint-Martial de Limoges^
n" 5 du fonds latin). Concile de Soissons (1079? non mentionné dans
la liste dressée par les auteurs de l'Art de vérifier les dates. Canons ins-
crits à la marge du ms. 17527 du fonds latins). Donation d'une église
à Vabbaye de Castres (vers io85. Charte d'une collection particulière).
Eloge de Renaud., archevêque de Reims., et de Bernard, abbé de Mar-
moutier (vers 1090. Pièce en vers latins dans le ms. 90 de la bibliothè-
que de Tours ^). Départ d'un seigneur normand pour la première croi-
sade {g septembre 1096, cédule de parchemin qui fait partie du fonds
de Fécamp, aux Archives de la Seine-Inférieure). Eloge de la Flandre
par Pierre le Peintre ~ (commencement du xm" siècle. Ms. latin 1 6699].
Fragment du rouleau mortuaire de Hugues, abbé de Saint-Amand
(i 107, n" i525 du fonds latin, Nouv. acq.). Lettre du pape Eugène III
sur la réforme de l'abbaye de Fleuri (16 avril 1 146. Ms. 372 de l'Ar-
senal). Notice de donations faites au prieuré de La Flèche. (Vers 1 1 60,
collection particulière). Lettre de l ar-chevêque de Tyr, concernant les
dernières volontés d'un chevalier normand, mort à l'hôpital de Saint-
La:[are d'Acre. (ii63 ou 1164. Original aux Archives nationales
S. 4890, no 28). Privilège accordé par Louis VII à deux étrangers
élablis en France [njb. Ms. latin 4763 B. N.) '. Prise de Toulun par
les Sarrasins {1178, copié dans les papiers du P. Le Brun, ms. latin
16797) '^. Poème de Gode/roi de Viterbe (2^ moitié du xu*^ siècle, n» 299
du f . lat. N. Acq., permet d'ajouter quelques détails à la publication de
Waitz, t. XXII des Scriptores, 1872). Richard Cœur de Lion à Mar-
seille (5 avril 1 190. Archives Nat. charte du fonds de Savigny). Relation
de la bataille de Bouvines (1214. Extrait de l'obituaire de Saint-Lau-
rent de Heilly, n» i25S3 du f. latin). Charte de Saint-Quentin., en fran-
çais (n" 2309 du f. latin). Un faux diplôme de l'empereur Frédéric II
(16 mars 12 18, coll. pari. ^). Marché pour la construction du château
de Dannemarche à Dreux (122^, orig. à la B. N. cabinet des titres).
L'orfèvre de l'évêque de Beauvais (charte de 1228. B. N.). Une bible
portxtive de Vannée 128^ (à la bibliothèque laurentienne de Florence
transcrite à Toulouse pour Pierre de Daux, prieur de la Daurade).
1. Les auteurs de Y Histoire littéraire de la France (ix, b2i)ont parlé de ce ms.,
qu'ils croyaient être disparu de la bibliothèque de Marmoutier.
2. Sur ce chanoine de Saint-Omer, voir Hist. litt. de la France, t. XllI, p. 42g,
M. Hauréau prépare une édition des Œuvres de P. Le Peintre.
3. Omis par M. Luchaire dans ses Etudes sur les actes de Louis VII (i88b in-4°).
4. Le meilleur commentaire qu'on y puisse ajouter, dit M. D. (p. 40J, c'est une
lettre adressée par Peiresc, en i63o, au protonolaire Du Blanc, prévôt de Toulon,
lettre qui est copiée dans le recueil du P. Le Brun à la suite de l'acte du malheureux
prisonnier des Sarrasins.
5. Voir, à la tîn du volume, l'héliogravure de cet acte qui, malgré sa fabrication
moderne, a trouvé place dans les plus célèbres recueils diplomatiques. (Schoepflin,
Huillard-iJreuollet, Bœhmer, Fickcr). La discussion de M. D. est aussi piquante que
concluante.
292 REVUE CRITIQUE
Charte de Saint -Louis pour l'ordre des Chartreux (septembre 1237.
Bibliothèque de Tours. Complète Titinéraire de Saint-Louis dressé par
N. de Wailly, Recueil des hist. de France^ XXI, 41 1). Eloge de Bar-
thélémy de Raie, grand chambrier de France mort vers I23y (d'a-
près un feuillet à la B. N. de l'ancien obituaire de Tabbaye de Morien-
val, au diocèse de Soissons). La Somme dorée de maître Guillaume de
Drokede ^ (vers 1240, copie à la bibliothèque de Tours"). Le Champion
de la commune de Beauvais (9 août i256. B. N.) Mandement des en-
quêteurs de Saint Louis (iS octobre 1257 B. N.) . Changement du sceau
de Jean de Nesle, comte de Soissons (janvier 1263, n. 5i B. N.)- Deux
lettres relatives à la seconde croisade de Saint- Louis {\ 2 jo B. N.).
Jugement du parlement de la Pentecôte (1276 B. n.). Le complot du
vicomte de Narbonne (1242 B. n.). L'hôtel du doyen de Saint-Martin
de Tours à Paris [Pierre de Châlon, chancelier de France] {1286 n. st.
Bibliothèque de Touvs) . Abolitio7i et rétablissement des appellations
dans le Laonnois (1296. Bibliothèque de Tours). Fragment de Vobi-
tuaire de Saint-Martin de See:{ (xiV siècle. Ms. 47 de la bibliothèque
de Berne). Hugues de Charolles, jurisconsulte français du commence-
ment du xive siècle (ms. 653 de la bibliothèque de Tours). Convocation
du ban en i3i3 et en i3ig (ms. 211 de la bibliothèque d'Avranches).
Notes en vers sur plusieurs événements des années 1 346-1 348 (n° i!J5
de la bibliothèque de Berne). Fragments d'un journal du trésor du roi
Jean, i356 (ms. latin 15725 de la bibliothèque royale de Munich).
Commencement de l'année dans le For e^, 1417 (r^ote du bréviaire de
Jean Vernin, abbé de Montieramei, n° io63 du fonds latin, d'où il ré-
sulte formellement que dans le Forez, au commencement du xv^ siècle,
on faisait partir du 25 mars le commencement de l'année, et non pas du
jour de Pâques, qui était l'usage de France, ni du jour de Noël, qui
était l'usage de Rome). Retraite de la garnison écossaise du château
de Tours (1424 ms. de la bibliothèque de Tours). Souscription du cal-
ligraphe Thierri Rouer (1457-1458, ms. de la bibliothèque royale de
Stockholm). Note autographe de Thomas Basin, évêque de Lisieux.
1489 (ms. ioi6r de la Bibliothèque royale de Bruxelles). Fabrication
d'une lettre de Jeanne, fille naturelle de Louis XI, veuve du bâtard
de Bourbon, amiral de France[B. N.). Catalogue d'une librairie fran-
çaise du temps de Louis XII (B. N,).
T. DE L.
I. M. !e chanoine Ulysse Chevalier (Répertoire, col. gbS) l'appelle Guillaume de
Drogheda et !e qualifie de mathématicien irl.vidais. Celait un jurisconsulte anglais,
qui enseigna le droit dans les écoles d'Exeier.
D^HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 298
CHRONIQUE
FRANCE. — Quatre brochures de M. André Joubert : 1° Un exemplaire annoté
de l'Histoire de Sablé par G. Ménage (Mamers, Fleury et Dangin. In-S", 8 p. re-
produit les corrections les plus importantes et les indications les plus curieuses de
l'exemplaire) ; 2° Documents inédits pour servir à l'Hist. de l'île de Noirmoutier sous
Louis XIV [Vannes, Lafolye. In-S", 11 p. Trois arrêts rendus par le conseil du roi
en faveur de M^e de La Trémoille, duwhesse de Noirmoutier, 1674- 1677); 3° Mémoire
historique sur Château-Gontier rédigé en ij8i pour le marquis d'Autichamp (Laval,
Moreau. In-S», i5 p.); 4° Lettres inédites de l'abbé Bernier {Angers, Germain et
Grassin. In-S", 24 p. renferme onze lettres inédites du célèbre abbé et un mémoire
sur les impositions arriérées du Maine-et-Loire).
ALSACE, — M. Ernest Meininger a fait tirera part du « Bulletin de la Société in-
dustrielle de Mulhouse » son Rapport sur le Cartulaire de Mulhouse de M. X. Moss-
MANN (Mulhouse, Bader); il y démontre l'intérêt multiple d'un pareil recueil et pro-
pose de décerner à l'éminent archiviste de Colmar la médaille d'honneur et la deuxième
partie du prix quinquennal Engel-Dollfus.
ALLEMAGNE. — La librairie Teubner, de Leipzig, annonce : 1° Gardthausen,
Augustus und seine Zeit, en deux volumes; 2° Scriptores physiognomonici graeci
et latini, p. p. Rich. Foerster; 3" Demosthenes' ausgew. Reden, p. p. Rehdantz et
Blass, II, Die Rede vom Kran^e; 4» Rœssler, Gesc/z, der Fiirsten = und Landes-
schule Grimma.
— MM. Th. Lipps et R. M, Werner publient une collection qui s'intitule Beitrœge
^ur Aesttietik et paraîtra par fascicules à intervalles indéterminés. Le premier fasci-
cule — qui est un gros volume de plus de six cents pages — a pour titre Lyrik und
Lyriker ei pour auteur M. R. M. Werner. Le deuxième fascicule est sous presse
(Der Streit iiber die Tragcedie, par M. Th. Lipps, coûtera environ 2 mark. Ham-
bourg, Léopold Voss.)
— Paraîtront à la même librairie Voss, de Hambourg, dans la collection, récem-
ment annoncée ici-même, des Theatergeschichtliche Forschungen de M. B. Litz-
MANN : Das Repertoir des Weimarschen Theaters unter Gœthes Leitung, 179» -18 17,
p. p. Burkhardt; Gesamm. Aufscet^e ^ur Bûhnengeschichte, par G, v. Vincke; Die
celtesten Schauspielhœuser in Deutschland, par K. Trautmann; Zur Geschichte des
deutschen Schaupiels im XVll Jahrhundert, par J. Bolte; Siudien iiber das Drama
des XVIII Jahrh,, par G. Witkowsky; Geschichte des Wiener Hanswurst, par
A. von Weilen; Geschichte des Dramas und Theaters in Berlin bis 1740, par
J. Bolte; Aktenstiicke ^ur Gesch. der Ackermannschen Truppe, par B. Litzmann;
Ueberblick ueber die Gesch. des Theaters an der Wien, par Aug. Schmidt; Einjluss
der deutschen Biiline auf die Entwick. des russischen Theaters, par R. Lœwenfeld;
Studien :f[ur Tcchnik des Dramas im XVIII Jahrh. I, Vorkang u. Drama, par
K. Heinemann ; Briefe von Beck und Iffland an Gotter, 1786-1794, p. p. Litzmann;
.,4ms verschollenen Dramen des XVI u. XVII Jahrhunderts, par Gaedertz; Gesch.
des Schuldramas in Sal^burg, par R. M. Werner; Beitrœge u. Studien :{ur Gesch.
der Jesuiten-Komœdie und des Klosterdramas, par J. Zeidler.
— La commission historique de l'Académie royale bavaroise des sciences a tenu sa
3ie séance plénière à Munich du 25 au 27 septembre. Elle a publié depuis sa der-
nière séance : 1° Geschichte der Kriegswissenschaften, par Max J^ehns, I et II ; 2" les
Jahrbùcher des deutschen Reiches, sous Henri IV et Henri V, par Gerold Meyer von
294 REVUE CRITIQUE
Knonau, vol. I, 1056-1069; 3° Allgem. deutsche Biographie, vol. XXX et XXXI,
fasc. i. .\l. RiEZLER a presque terminé l'impression des Actes du Vatican pour l'his-
toire de l'empereur Louis de Bavière. M. Koppmann commencera dans l'été de 1891
Pinipression des Vll*^ et VIU' voXamts des Hanserecesse, années i4ig-i43o.~M. Oels-
NER remanie le livre de Bonnell sur les commencements de la dynastie carolingienne.
M Fr. RoTH entreprendra bientôt la publication du III» vol. des Chroniques d'Augs-
bourg du xv« siècle (chronique de Hector Mûlich, 1448-1487, avec additions de De-
mer, Manlich, Walther, Rem et chronique de Clément Sender), etc.
BELGIQUE.— Concours de l'Académie royale, i8gi : loQuellea été en Flandre,
avant l'avènement de Guy de Dampierre, l'influence politique des grandes villes et de
quelle manière s'est-elle exercée ? 2^ Faire l'histoire de la littérature française en Bel-
gique de 181 5 à i83o; 3° quel est l'effet des impôts de consommation sur la valeur
vénale des produits imposés, et dans quelle mesure ce genre d'impôts pèse-t-il sur
le consommateur? Exposer et discuter, à l'aide de documents critiques, les résultats
des expériences récemment faites à cet égard en divers pays, et plus spécialement en
Belgique; 4" étude critique sur les Vies de saints de l'époque carolingienne (de Pé-
pin le Bref à la fin du x' siècle); 5° faire d'après les résultats de la grammaire com-
parée, une étude sur le redoublement dans les thèmes verbaux et nominaux du grec
et du latin ; 6° étude sur les divers systèmes pénitentiaires modernes, considérés au
point de vue de la théorie pénale et des résultats obtenus; 7° étude sur les mystiques
des anciens Pays-Bas (y compris la principauté de Liège) avant la réforme religieuse
du XVI' siècle, leur propagande, leurs œuvres, leur influence sociale et politique;
accorder une attention toute particulière à Jean Ruysbroeck: (1,000 fr. pour la sep-
tième question et 800 fr. pour chacune des autres questions). — iSgs : i" appré-
cier d'une façon critique et scientifique l'influence exercée par la littérature française
sur les poètes néerlandais des xiii^ etxiv* siècles; 2° étude sur les humouristes et les
pamphlétaires en langue française, en Belgique de 1800 à 1848; 3" étudier, au point
de vue historique et au point de vue dogmatique, la nature et les effets des traités
de garantie, et spécialement des traités qui ont pour objet la garantie, par un ou plu-
sieurs Etats, du territoire, de l'indépendance, de la neutralité d'un autre Etat; 4°
montrer comment l'Espagne, par sa diplomatie et par ses armées, a combattu la po-
litique de la France aux Pays-Bas, de iG35 à 1700; 5'> faire l'histoire et la statistique
des caisses d'épargne en Belgique, exposer leurs diverses opérations et les résultats
obtenus, surtout au point de vue de la classe ouvrière (1,000 fr. pour la troisième
question; 600 fr. pour chacune des quatres autres). — Prix Teirlinck pour une ques-
tion de littérature flamande (1,000 fr.): faire l'histoire de la prose néerlandaise avant
Marnix de Saint-Aldegonde. — Prix de Stassart (1,000 fr.) : notice sur la vie et les
travaux de Lambert Lombard, peintre et architecte à Liège. — Grand prix de Stas-
sart (.3,000 fr.) : faire l'histoire du Conseil privé aux Pays-Bas, à partir de son ori-
gine jusqu'en 1794, examiner ses attributions, ses prérogatives et sa compétence en]
matière politique, d'administration et de justice. — Prix Saint-Geno^s (1,000 fr.)
caractériser l'influence exercée par la Pléiade française sur les poètes néerlandais dill
xvje et du xvii« siècle. — Prix Antoon Bergmann ;3,ooo fr.) : la meilleure histoire,!
écrite en néerlandais, d'une ville ou d'une commune appartenant à la province dél
Brabant (l'arrondissement de Nivelles excepté; et comptant au moins cinq mille ha-
bitants. — Prix Castiau (1,000 ÏT.) : sur les moyens d'améliorer la condition morale.i
intellectuelle et physique des classes laborieuses et des classes pauvres. — Prix biett'
nal de philologie classique (2,750 f r ) : étude critique sur les rapports publics et pri-
vés qui ont existé entre les Romains et les Juifs jusqu'à la prise de Jérusalem pari
Titus. — Les mémoires devront être adressés à M. Liagre, secrétaire perpétuel, au
d'histoire et de littérature 295
Palais des Académies, à Bruxelles, pour les concours de 1891, avant le i« février
1891; pour les concours de 1892, avant le i" février 1892; pour le prix Teirlinck,
avant le i" février 1891 ; pour le prix de Stassart, avant le i" février 1892 ; pour le
grand prix de Stassart, avant le i*'' février 1894; pour le prix Saint-Génois et le prix
Bergmann, avant le i^' février 1797; pour le prix Castiau etleprix de philologie clas-
sique (ne sont admis à concourir que des auteurs belges), avant le 3i décembre 1892.
HOLLANDE. — M. le D' J.-H. Gallée, professeur à l'Université d'Utrecht, doit
prochainement publier à la librairie E -J. Brill, de Leyde, un recueil de Monuments
linguistiques du vieux-saxon. Cette belle publication contiendra, avec une introduc-
tion historique, la reproduction en fac-similés phototypiques des manuscrits de
VHéliand et des fragments et gloses en vieux-saxon des manuscrits d'Essen, Werden,
Munster, Corvey, etc. Le prix de la souscription (qui sera très prochainement close)
est fixé à 44 francs.
ITALIE. — Vient de paraître à Florence, chez l'éditeur Sansoni, le 16^ fascicule
des Consulte délia Repubblica fiorentina, de M. Alessandro Gherardi. Il va de la p. 78
à la p. 1 1 2, et du 6 décembre 1 290 au 8 février i 292 .
— M . Ch. DiEHL nous envoie le tirage à part d'un article des Mélanges d'archéolo-
gie et d'histoire, publiés par l'École de Rome : Noies sur quelques monuments by:ian-
tins de l'Italie méridionale ; I, La Calabre (23 pp.)- On y trouvera les plans des égli-
ses byzantines de S. Marc de Rossano et de l'abbaye de Santa Maria del Patir, ainsi
que la description de quelques restes moins importants de l'époque de la domination
des empereurs d'Orient.
— M. Andréa Moschettî publie un fragment d'une rhétorique pour les collèges
sur le style figuré : Linguaggio figurato, studio di rettorica ; Venezia, Merlo, 1890,
74 pp. in-i6. M. Moschetti veut donner du style figuré un enseignement « scientifi-
que»; aussi emploie-t-il des figures de géométrie pour faire comprendre celles du
langage et proscrit l'anacoluthe comme une erreur. Les lois du style sont pour lui
celles de la logique la plus étroite. Il oublie qu'il y a des logiques de bien des sortes.
SUISSE. — M. Aug. Reymond, professeur au collège d'Yverdon, a entrepris de
traduire l'excellente édition, avec commentaire, du De rerum natura de Lucrèce, par
H.-A.-J. MuNRO. Le premier fascicule de cette traduction, contenant l'introduction
et le premier livre, vient de paraître à la librairie G. Klincksieck, avec une préface
de M. L. Crouslé, professeur à la Faculté des Lettres de Paris.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 24 octobre 18 go.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, M. Schefer, président, fait connaître les déci-
sions prises au sujet des concours ouverts pour divers prix '.
La question relative à la Chute des Omeyyades et à l'avènement des Abbassidse,
qui avait été proposée sans succès pour le prix ordinaire, est retirée du concours.
L'Académie propose, pour le prix ordinaire, le sujet suivant :
Etude comparative du rituel brahmanique dans les Brahmanas et dans les Soutras
— Les concurrents devront s'attacher à instituer une comparaison précise entre deu.
ouvrages caractéristiques de l'une et Vautre série et à dégager de cette étude les con
clusions historiques et religieuses qui paraîtront s'en déduire.
deux
). Pour les conditions et termes exacts des concours, voir le programme qui sera réimprimé à la
suite du compte rendu de la séance publique du i 4 novembre prochain.
296 REVUE CRITIQUE DHISTOIRE KT DK LITTÉRATURE
Pour le prix Bordin, l'Académie retire du concours la question relative aux Chro-
niques de Normandie et y substitue la question suivante, qu'elle met au concours
pour l'année 181^3 :
Etude critique'sur l'authenticité des chartes relatives aux emprunts contractés par
les croisés.
L'Académie propose en outre, pour le même prix, à décerner en iSgS :
Etude sur les traductions françaises d^auteurs profanes exécutées sous les régnes
de Jean II et de Charles V.
Le prix Deiaiande-Guérineau sera décerné en 1894 au meilleur ouvrage d^ archéo-
logie ou de littérature ancienne classique.
M. de Nolliac, maître de conférences à l'Ecole des Hautes-Etudes, donne lecture
d'un mémoire sur Un ouvrage inédit de Pétrarque, qu'il a retrouvé dans un manus-
crit de la Bibliothèque naiionale'de Paris. On sait qu'un des plus importants parmi
les ouvrages latins dus à Pétrarque est un Devirisillustribus emprunté à l'histoire
romaine et resté inachevé. Il y a, dans un manuscrit qui jusqu'à présent semble
unique, une autre rédaction de cet ouvrage antérieure à la rédaction connue et qui
n'a jamais été signalée. Elle comprend treize biographies inédites appartenant à
l'histoire de l'Orient et à la m3thologie grecque. Ce recueil montre que Pétrarque
avait commencé le De viris sur un pian tout autre et beaucoup plus vaste que celui
qu'il a adopté ensuite. La série de biographies découverte par iM. de Nolhac forme
aujourd'hui un ouvrage distinct, resté inachevé, comme est resté inachevé le De
viris que nous connaissions. 11 est précédé d'une préface très étendue et fort curieuse,
où Pétrarque explique le but de son ouvrage et la méthode qu'il a suivie pour con-
trôler le témoignage des historiens anciens qu'il avait à sa disposition. Cette pré-
face et le travail qui l'accompagnent jettent un jour nouveau sur les éludes histori-
ques au XIV' siècle ; ils montrent dans Pétrarque le précurseur, très naïf encore mais
très zé é, des savants orientalistes de notre temps.
M. l'abbé Duchesne présente le plan des fouilles qu'il a exécutées, au mois de
septembre dernier, à Saint-Servan (Jlle-et-Vilaine), sur l'emplacement de l'ancienne
cathédrale d'Alet. Il a pu reconstituer avec précision le plan de l'édifice antique, qui
doit avoir été construit, d'après ce qu'on sait de l'histoire locale, à la fin du x^ siè-
cle ou au commencement du xi". Les détails de l'architecture sont d'une grande
simplicité, pour ne pas dire d'une extrême pauvreté; ils conviennent bien, dit
M. Duchesne, à la période de renaissance pénible qui suivit en ce pa}s l'invasion nor-
mande. Une particularité à remarquer est que l'édifice se terminait, à chacune de
ses deux extrémités, par une abside semi-circulaire.
Ouvrages présentés ; — par M. Hamy : Fourxereau (L.) et Porcher (J ), les Rui-
nes d'Angkor, étude artistique et historique sur les monuments khmei s du Cambodge
siamois; — par M. Barbier de MeynarU : 1° J Li, cérémonial de la Chine antique,
avec des extraits des meilleurs commentaires, traduit pour la première fois par C de,
Harlez; 1" Bar Bahloul (Hassanus;, Lexicon Syriacum, edidit Rubcns Duvadj
fasc. 2; — p<ir M. Siméon Luce : Duval ("Louis), Etat de la généralité d'Alenço-
sous Louis XIV; — par NL l'abbé Duchesne : Leval /André), Mioï xocrapTiTEw^ l-u-j;
y.o-Ki/.ôrj zaTy./iyov 'publication de la Société d'études médiévales de Constantinople);
— par M. Georges Peirot : Reinach (Théodore), Mithridate Eupator, roi de Pont ^
- par M. VioUet : Archives municipales de Bordeaux, tome V, Liire des coutumes
publié par Barckhausen.
Julien Havet.
LIVRES DÉPOSÉS AU BUREAU DE LA REVUE CRITIQUE
Biart, Cervantes. Paris, Lecène et Oudin. — H. Cordier, Notice sur la Chine.
Paris, Lamirault — Gréard, Edmond ijcherer. Paris, Hachette. — Joret, P. et
N. Formont, un banquier et un correspondant du Grand Electeur à Paris. Picard et
Bouillon. — Le Breton, Le roman au xvit' siècle. Paris, Hachette. — Meïniel,
Napoléon 1*', sa vie, son œuvre. Paris, Delagrave. — Minor. Schiller, sein Leben u.
seine Werke. II, Berlin, Weidmann. — Montagne, Les légendes delà Perse. Paris,
Bouillon — Pallain. Le ministère de Talleyrand sous le Directoire. Paris, Pion. —
Lettres d'un cadet de Gascogne sous Louis XIV, p. p. Abbadie. Paris, Champion.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le fuy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Lawent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 45 — 10 novembre — 1890
Sommaire t 479. Glaser, Esquisse de l'histoire et de la géographie de l'Arabie,
IL — 480. ScHENK, Le dieu Télesphore. — 481. Castellani, L'Epithaiame de
Prodrome. — 482. Hartmann, Les fables de Phèdre. — 480. Baudissin, Le sacer-
doce dans l'Ancien Testament. — 484. Kuenen, Les livres prophétiques de l'An-
cien Testament. — 48b. Wellhausen, La composition de l'Hexateuque. — 486.
Hauck, Histoire ecclésiastique de l'Allemagne, L — 487. Gourcuff et Bénétbix,
Du Bartas. — 488. Brandes, Un poème de Rusticius. — Académie des Ins-
criptions.
47g. — ^klzze der- Gesclilehte und Géographie i%i>abiens, von den
seltesten Zeiten bis zum Propheten Muhammad, nebst einem Anhange zur
Beleuchtung der Geschichte Abessyniens im 3. und 4. Jahrhundert n. Ghr. Auf
Grund der Bibel von Eduard Glaser. Zweiter Band. Berlin, Weidmannsche
Buchhandlung, 1890.
Après avoir donné dans la première partie de son « Esquisse ■ » le cadre
général de l'histoire résultant de diverses catégories d'inscriptions décou-
vertes en Arabie et qui lui sont redevables en grande partie, M. E. Glaser
nous présente dans le second volume un tracé général de la géographie
de ce pays naguère presque inconnu. Toutes les sources d'information,
la Bible, les auteurs classiques, les textes cunéiformes, les géographes
arabes sont mis à profit pour nous donner une image fidèle de ce pays
depuis les époques les plus reculées jusqu'à l'apparition de l'Islamisme.
D'après les règles ordinaires, l'accomplissement d'une tâche aussi hardie
et aussi vaste exigerait de longues études et des recherches patientes,
mais ce que l'esprit timide et circonspect d'un savant quelque peu mûr
n'aurait osé aborder qu'après avoir pris mille précautions, l'esprit vif et
plein de ressources du jeune voyageur, enthousiasmé de la grandeur
d\ine telle entreprise, l'a exécuté dans peu de mois et avec un entrain
merveilleux qui ne tient compte ni des difficultés du sujet, ni du carac-
tère subversif de la plupart de ses hypothèses. Si je ne consultais que
mes propres sentiments, j'aurais préféré un travail moins compréhensif
et fondé seulement sur les nouvelles données résultant exclusivement
des inscriptions que le savant voyageur a eu la bonne fortune de décou-
vrir. Mais il paraît qu'un besoin différent s'est fait sentir dans le monde
des éditeurs, qui ont toujours le dernier mot quand il s'agit de publica-
tions de quelque importance. M. G., n'ayant pu résister à ces exigences
impérieuses, s'est vu obligé, en étendant considérablement le plan pri-
mitif de son livre, d'y englober la géographie de l'Arabie tout entière au
I. Voir Revue des Etudes juives, 1889, P- 3i2-3i7.
Nouvelle série, XXX. 45
298 REVUE CRITIQUE
lieu de se borner aux régions particulièrement éclairées par ses inscrip-
tions. Sans méconnaître les avantages que peut avoir l'agrandisse-
ment de cette perspective, il est impossible de ne pas regretter que
le résultat géographique des nouvelles inscriptions tienne si peu de
place dans l'ensemble et soit comme noyé dans un vrai océan de disser-
tations n^ayant presque aucun lien avec les découvertes épigraphiques
qui sollicitent notre intérêt. C'est peut-être un sentiment personnel que
d'autres ne partageront pas. J'ai pourtant voulu l'exprimer avant que
les innombrables problèmes que l'auteur touche successivement dans sa
marche rapide ne viennent l'effacer de mon esprit. C'est peut-être, du
reste, un point différé et non entièrement abandonné, et dans ce cas
l'auteur saura bientôt nous dédommager du retard si pénible pour notre
impatience. Les sujets discutés présentent la plus grande variété et ten-
dent visiblement à épuiser la matière. Nous ne pouvons que les indiquer
très sommairement.
Les premiers chapitres sont consacrés aux renseignements des
géographes classiques : Théophraste, Strabon, Eratosthène, Arté-
midore et Agatharchide (p. 1-6 1). L'auteur étudie ensuite les villes
détruites par Aelius Gallus dans l'Arabie méridionale, et examine
les autres renseignements géographiques en connexion avec cette inva-
sion (p. 61-78). Une étude particulière et très minutieuse est consacrée
à la géographie de Pline, relative à l'Arabie orientale, à l'Arabie
moyenne de la côte occidentale, à l'Arabie sud-ouest avec le pays de
Mahra, aux tribus de Thamud, de Lihyan et les tribus limitrophes, au
pays d'Asir, à la 2^ série des peuples de l'Arabie sud-ouest, aux colonies
grecques d'Arabie, à la ville nommée Murannimal et aux autres con-
trées méridionales. Cest certainement le commentaire le plus vaste qui
ait été jamais fait sur l'Arabie de Pline (p. yS-iôS). Une attention par-
ticulière est prêtée aux renseignements géographiques donnés par l'au-
teur du Periplus Maris Erythraei, formant plusieurs divisions : la
côte occidentale, avec Aden et Kané, le pays de l'encens et l'île de Soco-
tra, l'Oman et l'Arabie orientale, la Barbarie (le Somali septentrional)
et l'Azanie (p. i63-2io). Le Périple est suivi de Ptolémée dont toutes
les données sont successivement examinées, surtout la description des
montagnes et des fleuves. A cette étude sont annexées des considérations
sur le rôle que les influences perso-indiennes ont exercées dans les
villes du golfe Persique, sur les côtes d'Arabie et les tribus limitrophes.
Les tribus de l'Arabie intérieure sont étudiées d'après les renseignements
de Pline comparés avec les inscriptions assyriennes. Pour cette recher-
che, l'auteur s'est principalement fondé sur l'histoire assyrienne de M. le
professeur Hommel. Puis vient la suite de l'énumération des tribus ara- j
bes de l'intérieur à laquelle s'ajoutent des recherches sur le pays de Puna
identifié au Somali actuel et sur les changements géologiques des côtes
arabiques. Un appendice relatif à la géographie des inscriptions assy-
riennes clôt cette série d'études (p. 210-314).
d'histoire et de littérature 299
La partie consacrée à la géographie de l'Arabie, d'après la Bible, est
peut-être la plus intéressante du livre. Après une discussion prélimi-
naire sur le nom de l'Arabie chez les écrivains bibliques et assyriens, l'au-
teur émet des considérations très neuves sur la position du paradis de
la Genèse et cherche à déterminer les deux fleuves : Pischon et Gihon,
ainsi que le pays de Havila auquel ils se rattachent. Pour ces explica-
tions, il met en œuvre tout ce que la haute antiquité nous a laissé sur
ces contrées peu connues. Il y introduit en même temps la question
embrouillée des Hyksos, la division égyptienne des peuples du sud et
les Satrapies mentionnées dans Tinscription de Darius. A cette occasion,
il nous donne sur les indices d'El-Hamdani une description très détaillée
du bassin du Rumma, c'est-à-dire de la province intérieure de Yemama
avec le littoral limitrophe. Il reprend ensuite la question du pays
d'Ophir et arrive à cette conclusion que c'était un nom collectif qui
embrassait à la fois le littoral sud de l'Arabie et celui de la Perse jus-
qu'aux embouchures de l'Indus (p. 314-387). Un examen très appro-
fondi est ensuite consacré au tableau ethnographique de la Bible en
commençant par les Kouchites, et, en passant du sud au nord, il soumet
à une tentative d'identification les peuplades arabes du nord : les Ismaéli-
tes, les Katuréens et les Iduméens. L'ouvrage se termine par un appen-
dice très étendu contenant des remarques additionnelles sur la géographie
et l'histoire de l'Abyssinie et de l'Arabie dans les m'' et iv'^ siècles après
J.-G. Son but principal est de répondre aux observations faites par
M. Dillmann au sujet des noms géographiques de l'inscription d'Adu-
lis que, contrairement à l'opinion générale, M. G. place en Arabie méri-
dionale et non pas en Afrique. Chemin faisant, il reprend la question
relative à la guerre entre l'Abyssinie et le pays d'Himyar qui a mis fin
au règne de Dhou-Nouwas, lequel aurait professé la religion juive
(p. 47 1 - 564). Ce qui suit contient une déclaration purement personnelle
sans attache nécessaire au sujet du livre (p. 565-575).
J'ai à peine besoin de dire que l'ouvrage de M. G. fera beaucoup de
bruit dans le monde savant. L'abondance, je dirais presque l'exubérance
des sujets traités, ainsi que le ton tranché de la rédaction, sont de
nature à provoquer bien des contradictions et à effaroucher bien des
susceptibilités. Les théories de l'auteur renversent si parfaitement les
notions acquises jusqu'à présent que la quiétude ordinaire des hommes de
science sera mise à une rude épreuve. Du reste, l'auteur s'attend lui-
même à une foule de protestations et paraît même se complaire à les
provoquer, afin de les mieux maîtriser. Pour ma part, la lecture assidue
de l'ouvrage n'a pas été achevée sans me suggérer plusieurs observations
que le manque d'espace ne me permet malheureusement pas de formu-
ler dans tous leurs détails. Je ne veux cependant pas les supprimer entiè-
rement, ne fût-ce que par acquit de conscience. Je vais donc relever
ci-après certains points particuliers sur lesquels il m'est impossible d'être
en accord avec l'auteur. Je donne la préférence à ceux qui sont en con-
300 REVUK CRITIQUE
nexion avec la Bible et l'histoire juive. L'identification du Pischon avec
le Wadi Rumma me paraît assez acceptable; moi-même, je l'ai souvent
caressée comme une hypothèse vraisemblable et Tai souvent répétée à
mes élèves dans mes conférences. Mais je persiste encore à croire que le
Gihon, qui entoure tout le pays de Gousch, ne saurait être autre chose
que ce que les Anciens appelaient la mer Erythrée, partagée en trois
sections : le golfe Persique, l'Océan Pacifique et la mer Rouge. De
plus, il est impossible, en se tenant aux documents dont nous disposons,
de faire venir les Couchites du pays d'Elam. Le nom de Kasdim, ainsi
que le prétendu sumérien Kahda, n'a rien à voir avec le nom de Cous-
chite. Cette considération absolument certaine enlève toute base à l'idée
de placer le pays d'Ophir en dehors de l'Arabie. Je m'étonne que M. G.
n'ait pas pris connaissance de ce que j'ai dit sur cette question dans mes
Mélanges de critique et d'histoire, où j'ai fait valoir un argument qui
me paraît encore irréfutable. Ceux qui cherchent Ophir dans des para-
ges trop lointains n'ont pas réfléchi que la Palestine n'avait rien à offrir
aux Indiens en échange de l'or et des autres articles précieux qu'on leur
demandait. Les seuls articles d'exportation qui pouvaient alimenter le
commerce des Hébreux consistaient en blé, en huile et en vin. Or, il est
clair que le vin ne pouvait pas supporter un long voyage. Restent le blé et
l'huile, mais ces denrées très demandées dans les ports de la mer Rouge
qui sont situés dans une plaine stérile et sablonneuse, ne devaient avoir
aucune valeur pour l'Inde qui est un des pays les plus fertiles du monde.
Du reste, le voyage de la reine de Saba à Jérusalem atteste suffisamment
l'intérêt que l'Arabie méridionale attachait à ses rapports avec la Judée
et, je le répète, les relations également profitables aux deux pays ne pou-
vaient que consister dans l'échange desdenréescomestiblesde la Palestine
contre les matières précieuses et de luxe que fournissait l'Arabie méri-
dionale. Il va sans dire que les rapprochements d'Ophir et d'Apirak,
Apirdi, etc., ne tiennent pas debout et ne sont faits que pour jeter le
discrédit sur les autres études, où il y a certainement beaucoup épren-
dre et à apprendre. Je regrette de devoir faire entrer dans cette catégorie
d'hypothèses insoutenables celle qui place dans le Yemama les pays de
Bazu et de Hazu envahis par Asurbanibal. 11 faut noter que cette expé-
dition est partie de l'idumée et est retournée par Damas; pour taire la
conquête du Yemama, l'armée assyrienne aurait dû prendre la direction
du golfe Persique et abréger ainsi considérablement sa marche, surtout
au retour. |i|
Il m'est également impossible de souscrire aux nouvelles interpréta-
tions de M. G. relativement aux noms ethniques mentionnés dans l'ins-
cription d'Adoulis. Non seulement le témoignage de Cosmas Indico-
pleuste s'y oppose, mais l'analogie des inscriptions éthiopiennes d'Aksum
fait voir aussi clairement que possible qu'il s'agit en grande partie de la
conquêtede pays africains. N'est-ce pas renverser arbitrairement toutes
les notions historiques que nous avons acquises avec tant de peine jus-
d'histoire et de littérature Soi
qu'à présent, que d'attribuer cette inscription à un roi himyarite?Si l'on
fait abstraction des types monétaires imités des drachmes athéniennes
portant le nom de la ville d'Athènes, jamais les rois himyarites n'ont
employé la langue grecque, et si, comme le croit M, G., ils ont parfois
fait la conquête de l'Afrique, ils auraient employé plus que tout autre
idiome celui qu'ils parlaient eux-mêmes ou du moins la langue éthio-
pienne, car la connaissance du grec a toujours été insignifiante en Abys-
sinie, et le roi Ellesbaos lui-même a dû recourir à un étranger pour
se faire expliquer l'inscription d'Adulis. Un fait historique, qui aurait
une très grande portée s'il se vérifiait, est sans contestation celui qui se
rapporte au Tobba, nommé Hissan-ben-Assad, contemporain de saint
Frumentius qui a propagé le christianisme en Abyssinie. M. G. iden-
tifie ce roi d'une part avec le Adad des historiens grecs», de l'autre, avec
le Aïdog des écrivains syriens. Le nom Adad serait la transcription
grecque de celui de Hadhad que la légende arabe attribue à l'époux de
la reine de Saba qu'elle nomme Belqis. Le Tobba qui s'était converti au
judaïsme aurait pris le nom de Salomon et aurait donné lieu à la
confusion de ce roi avec le roi juif Salomon. Malheureusement cette
combinaison assez péniblement échafaudée s'écroule à la première inves-
tigation, car le nom de la fameuse Belqis tire son origine d'une gros-
sière altération du nom de Nicaulis que l'historien Josèphe donne à la
reine de Saba. En effet, en transcrivant en caractères arabes ce nom
grec, les scribes ont faussement descendu le point diacritique de la pre-
mière lettre qui de ti est devenue b, tandis que les deux lettres suivantes
ont changé de place. On voit donc combien peu l'histoire sérieuse peut
se fonder sur ce qu'on nomme si pompeusement la tradition arabe; et
il y a lieu d'être surpris que M. G. y soit aller puiser des renseigne-
ments originaux.
L'origine du nom arabe Hadhad est encore plus fabuleuse parce
qu'elle nous fait toucher pour ainsi dire du bout du doigt les artifices à
l'aide desquels les premiers écrivains musulmans ont transformé en
quasi histoire les légendes du peuple juif. La reine de Saba est une des
figures que l'imagination des Rabbins a traitée avec prédilection. Une
des questions que ces légendes ont cherché à résoudre est celle de savoir
comment cette reine a pu trouver le chemin pour se rendre du fond de
l'Arabie jusqu'à Jérusalem. La légende lui a donc octroyé un guide
parmi les oiseaux, qui, comme les animaux et les démons, étaient
soumis à la domination du grand roi de Jérusalem. Cet oiseau
qui conduisait la caravane de la reine était, dit-on, la huppe, en
hébreu Dukiphat. Les écrivains musulmans en acceptant ce récit
ont naturellement bien conservé l'oiseau conducteur qui se dit en
arabe hiidhud et c'est de ce nom d'oiseau que les faiseurs de romans his-
toriques ont créé le nom propre Hadhad qu'ils ont appliqué à l'époux
de la reine. On se demande vraiment ce que toutes ces fabrications fabu-
I. Plus exactement, de Théophane, voyez Revue des études juives, 1889, p. 171.
[
302 REVUE CRITIQUE
leuses et absurdes peuvent avoir de commun avec la vraie histoire. Ce
ne sont pas des inventions pareilles qui peuvent avoir été présentes à
l'esprit des écrivains ecclésiastiques antérieurs à l'islamisme pour en
construire le nom de Aidog ou Adad. Je crois que cette consHiération
suffira pour convaincre M. G. qu'il est absolument impossible de faire
le moindre fond sur les récits arabes. Les auteurs musulmans man-
quaient de toute information exacte par rapport à leur propre histoire.
Nous ne leur en faisons pas un crime, mais quand on voit ce qu'est
devenue entre leurs mains l'histoire des Thamudi tes ou celle de Palmyre,
quand on considère de plus qu'ils n'ont pas eu la plus petite connaissance
du royaume de Libyan qui touchait presque le territoire de Médine, Usera
difficile de leur accorder le moindre crédit en ce qui concerne l'histoire
du pays de Saba et surtout celle qui a trait aux événements des siècles
reculés. Non, toute cette littérature, soi disant historique, sur les épo-
ques antérieures à l'islamisme, doit être rangée dans la catégorie des légen-
des populaires où elle peut faire les délices des folklorisies, avides d'exo-
tismes. Les historiens n'ont rien à y chercher, ils n'y trouveront pas la
moindre notion de la réalité.
11 me paraît inutile d'insister davantage. Ce n'est pas chez les Ara-
bes qu'on doit chercher la solution du problème qui s'attache à la profes-
sion religieuse des derniers Tobbas et surtout des Dhou-Nouw^as. Les
inscriptions seules peuvent et doivent mettre fin à nos doutes relative-
me'nt au judaïsme de ce roi qui jusqu'à présent ne s'appuie que sur la
lettre de Siméon de Beth-Arsham, dont l'authenticité est des plus compro-
mises. Or, ces inscriptions, dont, grâce à la complaisance de l'auteur, j'ai
entre les mains les copies et que j'ai pu examiner à loisir, ne permettent
aucunement de les attribuer à desauteurs juifs et moins encore à des per-
sonnages princiers professant le judaïsme. Le résultat négatif de cet exa-
men fait malheureusement écrouler tout ce qui a été dit, soit par M. G.
lui-même, soit par ses partisans au sujet de la dynastie juive de la dernière
époque himyarite. L'écroulement s'étend jusqu'à la dynastie lihyanite du
Hidjaz dont on a également voulu faire des Israélites ou du moins des de-
mi-convertis au judaïsme. Je peux affirmer d'avance,et je le démontrerai
dans un prochain travail, que tous les passages des inscriptions lihya-
nites dans lesquelles on a cru relever des idées bibliques ou rabbiniques
doivent se comprendre tout autrement. Malgré mon meilleur désir, je n'ai
pu y découvrir la moindre trace d'esprit juif. Au contraire, le carac-
tère païen s'y manifeste partout parla mention delà divinité supérieure
Dhou-Ghâbat. Ce sont des erreurs qui ne doivent pas prendre place
dans l'histoire véridique de l'Arabie; nous en savons si peu qu'il serait
vraiment regrettable d'y mêler de nouvelles inexactitudes à l'aide d'in-
terprétations erronées de textes mutilés ou mal copiés.
J'ai encore un mot à dire au sujet de certaines identifications qui inté-
ressent particulièrement la rédaction de la Genèse. Je laisse de côté la
curieuse interprétation que M. G. et après lui M. Hommel donnent à
d'histoire et de littérature 3o3
l'inscription i55 de mon recueil, interprétation qui me paraît inadmis-
sible déjà par cette raison seule que le caractère paléographique de récri-
ture ne montre aucun indice de haute antiquité. Ce que je veux relever
ici, c'est le rapprochement du nom géographique de Madhi avec le nom
propre Miza, qui figure dans la liste des tribus iduméennes de la Genèse
36, i3. Cette tribu obscure n'aurait jamais été en mesure de faire une
guerre régulière aux Égyptiens, surtout avec cette circonstance tout à fait
surprenante d'avoir entraîné dans son entreprise les caravanes minéennes
arrivées à ce moment du fond de l'Arabie méridionale. M. G., il est
vrai, trouve les Minéens établis et dominant dans la partie sud de la
Palestine, où la Bible mentionne la peuplade des Méunim qui a souvent
opprimé les Israélites aux premiers siècles de la conquête. Ces sortes de
spéculations seront difficilement admises par ceux qui assignent peu de
valeur à la similitude apparente des noms. Pourquoi aller chercher si
loin dans l'Arabie méridionale les héros des événements palestiniens,
quand la nomenclature géographique de la Palestine suffit pour nous
les faire connaître? Les noms de Maon ou Meon ne sont pas rares
en Palestine et le sud de la Judée a possédé une ville du nom de Maon,
parfaitement reconnaissable dans le Ma'ân d'aujourd'hui. La contrée
aride où est situé Ma'ân était anciennement le rendez-vous des tribus les
plus sauvages du désert, notamment des Iduméens et des Amalécites ;
ce sont ces tribus qui saccageaient souvent la Palestine, surtout aux
premières époques de l'occupation hébraïque, lorsque les lieux de refuge
et de défense n'étaient pas encore construits en nombre suffisant pour
se garantir contre les attaques subites de la part des nomades. C'est de
cette façon que l'absence de Minéens dans le tableau ethnographique
de la Genèse s'explique le plus naturellement. Les Méunim ne for-
maient pas une nationalité tranchée, mais un agglomérat éventuel de
tribus voisines dont chacune a sa place dans ce tableau. Si, au con-
traire, les Méunim avaient été la nation aussi nombreuse que riche des
Minéens de l'Arabie méridionale, ils auraient eu leur place à pari dans
le tableau généalogique des peuples sabéens, et cela d'autant plus
nécessairement que la Genèse énumère des populations beaucoup plus
méridionales. On ne saurait objecter que le royaume minéen a cessé
d'exister avant la rédaction de ce document biblique. Cette échappa-
toire, purement arbitraire d'ailleurs, disparaît devant ce fait que l'im-
portance des Minéens est encore connue des auteurs grecs et romains;
à plus forte raison devait-elle être connue de l'auteur de la généalogie
qui, d'après M. G., aurait vécu vers le viii^ siècle de l'ère vulgaire. Si
je ne me trompe, M. Glaser trouvera peu de partisans dans cette voie
dangereuse des hypothèses préhistoriques, dont les meilleures n'équi-
vaudront jamais au plus petit fait historique basé sur des documents
clairs et intacts. Qu'il nous donne de ceux-là, qu'il possède en si grand
nombre et nous serons prêts à écouler et à apprendre. Mais, par Dieu,
qu'on laisse les hypothèses à ceux qui ne peuvent pas faire autrement;
nous en avons déjà de trop, qu'on nous en fasse grâce.
304 REVUE CRITIQUE
480. — I. L. ScHENK. De Xelesplioro Deo. Gœttingœ (s. 11. d'éditeur), 1888.
In-8, 55 p.
481. — 2. Epitalamio di Xeodoro i»i'o<1oimo... con traduzione italiana in versi
c note storiche e filologiche, di C. Castellani. Venezia, Visentini, 1890. In-8,
3q p.
1. La dissertation de M, L. Schenk, que nous regrettons de signaler
un peu tard, est une utile contribution à un sujet encore peu étudié.
On y trouvera d'abord (p. 3- 19) les témoignages empruntés aux auteurs
et aux inscriptions, puis (p. 19-45) la description des oeuvres d'art,
statues, bas-reliefs, monnaies où paraît le dieu Télesphore, tantôt seul,
tantôt en compagnie d'Hygieetd'Esculapeou d'autres divinités ^ L'énu-
mération des localités où les inscriptions et les monnaies attestent le
culte de Télesphore (p. 46-50) et des considérations sur la nature du
dieu (p. 5o-55) terminent ce bon travail; l'auteur y a fait preuve de
connaissances étendues et précises. On sait que l'étymologie du nom de
Télesphore est fort obscure : M . Schenk se rallie à l'opinion de Creuzer
(Telesphoros ist dej' Gereifte iind der Reifende), en prenant TéXoç dans
le sens de xb v(\c, uYi£''aç xéXoç (Plut. Mor. p. i 35 C).
2. Emmanuel Miller avait déjà publié l'épithalame de Prodome dans
les Historiens grecs des Croisades (t. II, p. 288 sq.), d'après l'unique
ms. connu de la Marcienne; mais son édition n'est pas toujours correcte
et n'est accompagnée d'aucun commentaire. Il faut savoir gré à M. Cas-
tellani d'avoir fait imprimer à nouveau ces 221 vers politiques, avec
une traduction en vers italiens et des notes. Le fiancé est Jean Comnène,
fils aîné d'Andronic sebastocrator, frère de Tempereur Manuel; la
fiancée, dont le nom est inconnu, appartient à la noble famille des
Taronites. La valeur littéraire de l'œuvre est médiocre, mais il s'y
trouve des allusions intéressantes aux événements contemporains,
entr'autres à la destruction de la flotte vénitienne dans les eaux de
Chios (i 172), catastrophe sur laquelle M. C. a insisté dans sa préface.
On y rencontre aussi des mots composés qui manquent aux lexiques,
c6va7Tpoç(v. 2 3), àpTiXaiJ,T:r((; (v. 56), l'irwvuTraTr'KWVuiJ.cç (v. 65), /aptTcy.X'/jTOÇ
(v. 75), àvTtêpaêîûo) (v. 84). Au vers 32, le ms. et l'éditeur donnent àzb
z'AaTâvou Esp^'.y.r,: et M. Castellani fait observer que l'adjectif Hcp^iy.oç
est nouveau; peut-être faudrait-il lire nspcar^ç (cf. Athen. XII, 539 :
Ta? oï Xp'J'a; •TTAa-âvouç... 69' r,v oî IIspcwv [iaa'.AîT; £"/pT,i;.âTi^cv) .
Salomon Reinach.
482. — J.-J. Hartmann. De I»liaedrî fabulis eommentatiu. Lugduni Batav.
Van Daesburg, 1890, 124 p. petit in-8.
Six chapitres dont voici la matière: vie de Phèdre; développement des
sentiments du poète d'après les prologues et les épilogues de chaque
I. Depuis la publication du travail de M. Schenk, M. Fougères a fait connaître une
intéressante statue de Télesphore découverte à Mantinée (Bull Covr. Hellén., t. XIV,
pi. VIII.)
d'histoire et de littérature 3o5
livre; les fables : changements malencontreux par lesquels Phèdre a
souvent altéré la donnée de son original ; vers contenant la morale
avant ou après la fable : M. Hartman propose de les rejeter en bloc
comme dépourvus d'authenticité; le critique, on le voit, n'y va pas de
main morte; édition de Bentlei : ses faiblesses sont soulignées; défauts
de Phèdre qu'on a tort de vouloir lui ôter ; enfin remarques sur quelques
vers. Chaque chapitre est orné en tête d'une épigraphe piquante ou qui
veut Tétre. Pas de table des matières; aucun index. On devine comme
il est commode de se retrouver dans un ouvrage qui abonde en digres-
sions 1, et où toutes sortes d'indications nécessaires sont tout à fait
omises ou données d'une manière insuffisante. Plaignons ceux qui s'oc-
cupent spécialement de Phèdre et des fabulistes. Ils auront ici le temps
et l'occasion de réfléchir sur l'imperfection de certains ouvrages de haute
critique.
M. H. est un élève de Cobet ~. Il a composé ce travail dans Tesprit
et suivant les habitudes de l'école de Leyde. Mais si cette école a brillé
d'un vif éclat, est-ce à dire que toutes les habitudes introduites par Co-
bet soient bonnes à conserver? Pardonnera-t-on à ses élèves ce qu'on
passait au maître? Craint-on d'épargner aucune peine au lecteur? Est-il
si sûr qu'il se trouve en fin de compte payé de sa peine? La littérature de
Phèdre et des fabulistes est touffue et compacte au point de devenir ou
de paraître impraticable. Fallait-il y ajouter un nouveau poids, et
craignait-on que ceux qui l'explorent, manquassent jamais de lectures
longues et fastidieuses?
A certains aveux de l'auteur, je reconnais qu'il me serait difficile de
m'entendre avec lui dans la discussion critique des textes ; ainsi, p. 82,
quand il met en doute la correction de Bentlei sur V, 10, 7 : Lacori;
p. 60, celle de Bashrens s, sur V, 5, 2 : prœjudicio ; ou encore quand il
défend la vraisemblance paléographique d'une de ses conjectures, p. 24,
note. A quoi bon signaler encore des contradictions *, des fautes d'im-
pression ou plus vraisemblablement des confusions dont je ne cite que
i.Q.ue viennent faire ici, p. 2o3 et 204, la mention de conjectures, excellentes sans
aucun doute, mais que l'auteur lui-même a abandonnées; p. 100, une page de mo-
rale à l'occasion de polémiques particulières, etc.
2. Lire, p. go, un récit humoristique d'exercices critiques faits sous la direction du
maître. On voit comment les lexiques et surtout le Thésaurus fournissaient aux élè-
ves des armes quelconques pour défendre H leçon proposée quelle qu'elle fût. Nos étu-
diants apprécieraient surtout la phrase : « Cum inventum erat quod satis placeret
omnibus, de solida nocte haud parvam partem vino gaudioque dabamus ».
3. Voir cependant sur Baehrens le jugement asse!{ juste des p. 82 et 83.
4. Tel épilogue (liv. Il) est donné comme apocryphe p. 66 et 67, et cependant il a
servi, p. 27, à établir la pensée et les sentiments de l'auteur. — P. 70. On appuie
un retranchement proposé du goût habituel de Phèdre pour la brièveté, et l'on re-
connaît ensuite que tout le morceau dont il s'agit est d'un style très diffus. — Tel
passage (V, 5, i-3), ayant telle leçon et donné comme apocryphe, p. 76, est ailleurs,
p. Oo, sous une autre forme et tenu pour authentique. — Cf. de même 111, i3, aux
p. 3i, 5g et 71.
\
3o6
REVUK CRITIQUE
les plus graves ■ : Texplication à faux de telle omission dans les mss. % ou
la mauvaise explication de tel mot latin ^?
Ayons tout au moins la brièveté, qui a manqué à Fauteur. Je regrette
de n'avoir comme conclusion à proposer que celle-ci : ce travail sur
Phèdre me paraît pour la forme aussi incommode qu'il est possible, et
pour le fonds, ne pourrait-on soutenir qu'il est presque entièrement
inutile?
Emile Thomas.
483. — I. Die Gescliiclite des aittestameiitlielien Priestertliums,
untersucht von W. W. grafen Baudissin, professer der Théologie an der Univer-
sitaet Marburg, Leipzig, S. Hirzel, 1889, in-8, xv et 3i2 pp.
484. — II. Historiseli-ei'itiseli ontlerzock naar het ontstaan en de verzameling
van de bœken des Ouden Verbonds, door A. Kuenen, Hoogleeraar te Leiden.
Tweede, geheel omgewerkte uitgave, tweede deel : De profetische bœken des Ouden
Verbonds. Leisen, P. Engels en doon, 1889, ii^"^> ^^ ^^ ^oS pp.
485. — Die Composition des l]e:x.ateuelis und der historischen Bûcher des
Alten Testaments, von J. Wellhausen. Zweiter Druck, mit Nachtraegen. Berlin,
Georg Reimer, 1889, in-8, 36i p.
I. — Nous sommes quelque peu en retard avec les Recherches du
comte Baudissin sur Thistoire des institutions du sacerdoce dans l'An-
cien Testament; mais le livre est de ceux qui peuvent attendre. C'est,
en effet, une œuvre solide, étudiée, nourrie et à laquelle les circonstan-
ces donnent un véritable à propos.
On sait que les études relatives à la religion et à la littérature des
Hébreux traversent une crise des plus graves. De très savants et très
ingénieux exégètes avaient cru le moment venu de substituer aux idées
traditionnelles une construction, qu'ils déclaraient capable de résister
aux assauts de la critique. C'était, au point de vue du jugement litté-
raire, une succession établie dans les livres et documents bibliques :
\° récrit jéhoviste du Pentateuque ; 2° le Deiitéronome, appuyé par le
livre de Jérémie; 3° le livre du prophète Ézéchiel, appartenant à l'épo-
que de l'exil; 4° le Code sacerdotal, extrait du Pentateuque et mis en
relation directe avec les livres (TEsàras et de Néhémie. Le premier de ces
écrits ou groupe d'écrits appartenait, pensait-on, au ix« ou au vni° siècle
avant notre ère; on classait le second à l'époque deJosias(f]n du vn^ siè-
cle), le troisième au vi^ siècle et le dernier aux environs de 450. Puis
venait la tâche de l'historien des institutions et des idées religieuses.^^
S'appuyant sur les déterminations indiquées ci-dessus, on refaisait l'é-^B
volution du culte depuis les temps les plus anciens jusqu'au moment
où le judaïsme a reçu sa forme définitive. Cela aurait été fort bien si
1. P. 56 ; Eutycho ; lisez : cunucho; p. 36 : capra ; lisez capro; p. 68, [III, 6, 10] :
equi; lisez iniilce; p. 21, au bas : vulpe; lisez comice, etc.
2. P. 69 : le vers vir natus... a dû être retranché par quelque copiste qui se sera
avisé d'un sentiment de pudeur à la suite d'un contre-sens.
3. P. 23 : genus ; p. 67-68: usu perilus. J
d'histoire et de littérature Zoj
l'on ne s'était pas avisé, de difFérenis côtés, que la base de cet ingénieux
édifice n'était point solide et que les dates proposées n'avaient aucun
caractère de certitude, en raison de Pépoque récente à laquelle il faut
rapporter la rédaction définitive des livres bibliques.
Mais, sans s'attaquer au fondement même des hypothèses qui possè-
dent aujourd'hui la faveur publique, tout en maintenant Pauthenticité
de Jérémie et d'E^échiel, tout en admettant l'historicité de la réforme
religieuse attribuée au roi Josias et du tableau qu'on nous rend de l'ac-
tion d'un Esdras et d'un Néhémie, — la succession des documents peut-
elle passer pour établie d'une façon définitive? — C'est ce que conteste
M. Baudissin. Se proposant de traiter un point précis, qui est l'institu-
tion du sacerdoce ou du clergé, il a comparé de la façon la plus minu-
tieuse les données correspondantes des divers écrits bibliques, et il aboutit
aune conclusion, qui n'est celle ni de Reuss, ni de Kuenen, ni de Well-
hausen.
Pour ceux qui admettent comme une vérité inattaquable l'authenti-
cité : 1° de la réforme de Josias, considérée comme ayant eu pour objet
de donner force de loi au Deutéronome ; 2° du livre de Jérémie ; 3" du
livre d'E^échiel ; 4" de la réforme d'Esdras et de Néhémie telle qu'elle
est relatée aux livres de mêmes noms, — la question est de savoir si le
Deutéronome est antérieur au Code sacerdotal et si Ézéchiel est venu
avant ou après le même Code sacerdotal '. Or, M. B., qui accorde sans
hésiter les points mentionnés ci-dessus, se décide pour l'antériorité du
Code sacerdotal à l'endroit du Deutéronome et de la prophétie à''E:{é-
chicl. Pour ne pas porter sur tous les points, ce désaccord n'en a que
plus de gravité. Voilà un savant, qui aborde l'examen de l'hypothèse
Reuss-Kuenen dans un esprit à la fois indépendant et bienveillant, qui
accorde à ces critiques et sans marchander toutes leurs prémisses et qui
est amené à conclure nettement contre eux. Je ne puis dissimuler que
je considère le refus de M. B. de se rallier à la théorie Graf-Reuss comme
ayant une grande portée à raison des circonstances où il se produit et
de la nature des considérations invoquées à l'appui. En ce qui nous
touche plus particulièrement, — nous qui avons été conduit à rejeter les
prémisses mêmes de l'argumentation de l'école de Reuss et non pas seu-
lement ses conclusions, — le théologien de Marbourg nous apporte le
plus précieux concours : en établissant que des gens, partant de principes
communs, ne peuvent réussir à se mettre d'accord sur des points essen-
tiels, on fait voir, en effet, à tous, ainsi que nous l'avons soutenu nous-
méme, que les études de littérature biblique sont dépourvues d'une
méthode sûre et que, tant qu'on se refusera à reconnaître ce défaut, les
préférences ou appréciations personnelles seront, en définitive, le crité-
rium de la date des livres et de la succession des textes.
Dans un premier chapitre, M. B. étudie l'institution du sacerdoce
I. Nous rappelons que par Code ou Ecrit sacerdotal on désigne tout spécialement
la législation rituelle contenue à VExode, au Léviiique et aux Nombres.
3o8 REVUE CRITIQUE
d'après le Code ou Ecrit sacerdotal du Pentateiique, c'est-à-dire d'après
les données de VExode, du Lévitiqiie et des Nombres. Il procède en-
suite a une analyse minutieuse des données correspondantes dans l'Écrit
jéhoviste, dans le Deiitdronome, dans le livre de Josué, dans le livre
d' E\échiel , dans les livres de la Chronique, d'Esdras et de Néhémie^ en
dernier lieu dans les livres historiques, prophétiques et poétiques. Un
chapitre final sert de résumé et donne l'aperçu de l'évolution des insti-
tutions du sacerdoce.
Je veux aller tout de suite, en négligeant les points secondaires, au
plus pressé, c'est-à-dire au plus important. — La législation deutéro-
nomique, qui prescrit la centralisation du culte à Jérusalem sans insister
sur le clergé et sur ses fonctions, est-elle, comme le soutiennent
MM. Reuss, Kuenen, Wellhausen, antérieure à la législation dite sa-
cerdotale, qui expose par le menu les obligations et les droits du clergé?
M. B. a repris la question et son enquête, très minutieusement con-
duite, aboutit à un résultat opposé. Même contradiction en ce qui con-
cerne la relation du code sacerdotal avec le prophète Ezéchiel. Je ne
voudrais pas donner la démonstration de M. B. comme décisive, prin-
cipalement en ce qui touche le rapport du Deiitéronome et du Code
sacerdotal ; mais elle est de nature à frapper l'attention et à éveiller les
doutes. Quant à Ezéchiel, nous dirons non seulement que les raisons
invoquées ici doivent être très sérieusement pesées, mais que M. B. nous
paraît être dans la vérité.
Si nous tenons pour ayant une haute valeur la discussion des rap-
ports du Code sacerdotal, en premier lieu avec le Deiitéronome, en se-
cond lieu avec la prophétie A' Ezéchiel, en troisièm.e lieu avec les don-
nées des livres d''Esdras et de Néhémie^ trois points du plus grand inté-
rêt, nous considérons, en revanche, comme très insuffisant ce qui est
dit du Document jéhoviste. Comment émettre la prétention d'emprun-
ter à cet écrit des renseignements sur le caractère du culte à l'époque
des patriarches? Ce sont là de ces imaginations, qu'il faudrait décidément
laisser de côté. Il y a aussi une longue et confuse dissertation sur la ||
relation des « lévites », ministres du culte, avec une prétendue tribu de
Lévi, dont M. B. a admis trop facilement l'existence sur la foi de textes
dépourvus de tout caractère d'antiquité \ Nous regrettons enfin de
retrouver chez un critique aussi indépendant la déplorable erreur, qui
fait interpréter les chap. xxi à xxiii et le chapitre xxxiv du livre de
l'Exode dans le sens de la pluralité des lieux de culte, tandis que ces
textes sont à mettre, sous ce rapport, sur le même pied que le Deiitéro-
nome ou que le Code sacerdotal ~. ||
1 . Le texte auquel il est fait ici allusion est la Bénédiciion de Jacob {Genèse, XLIX^ ;
on croit, bien à tort, qu'elle repose sur d'antiques souvenirs.
2. La pluralité des lieux de culte est particulière à la section Exode XX, 22-26,
laquelle ne fait pas partie du « Livre de l'Alliance » (Exode XXI-XXIII) ei doit être
mise en relation avec la légende des prophètes, Samuel, Élieet Elisée.
d'histoire et de littérature 3og
Nous ne saurions faire reproche à M. Baudissin de n'avoir pas dis-
cuté à fond les nouvelles vues proposées sur lu non historicité de la
réforme de Josias et le caractère pseudépigraphe des livres de Jérémie et
d'Ezéchiel. Ainsi que le dit l'Évangile, à chaque jour suffit sa peine.
L'attaque du professeur de Marbourg contre la thèse des « Grafiens »
aura d'autant plus d'importance et de retentissement quMl a visé un
endroit précis, où ses contradicteurs sont obligés de le suivre. Or, la
seule circonstance, qu'on puisse mettre en doute le système des écoles
modernes sur le point précisément où celles-ci avaient concentré leurs
efforts et s'imaginaient avoir cause gagnée, est un singulier encourage»
ment pour ceux qui, comme nous, tentent d'aborder les questions bi-
bliques avec des procédés sensiblement nouveaux.
II. — Poursuivant la revision de sa magistrale Introduction histo-
rico-critique aux livres de l'Ancien Testament, M. A. Kuenen nous en
livre aujourd'Imi la seconde partie, consacrée aux Livres prophétiques.
Le présent vohime traite d'abord des généralités concernant la prophé-
tie et la composition des écrits prophétiques, puis aborde, analyse et
discute successivement les livres éCIsaïe., de Jérémie et à'E^échiel, les
écrits des douze petits prophètes, enfin le livre de Daniel.
On connaît la méthode et les procédés du savant professeur hollan-
dais. C'est un examen consciencieux et nourri, où la patience de l'au-
teur ne se dément jamais; c'est une revue méthodique et complète de
tout ce qui a été écrit sur les livres prophétiques dans les cent dernières
années. Nous signalerons tout particulièrement l'attention donnée à la
partie philologique.
Quant au fond même, nous n'avons pas grand'chose à dire. M. K.,
qui passe pour un radical sur le chapitre des livres de Moïse, devient
presque conservateur en matière de littérature prophétique. Son point
de vue, à cet égard, ne s'est pas sensiblement modifié d'une édition à
l'autre. Ainsi il combat très nettement M. Stade, qui admet pas mal
d'interpolations dans les écrits qu'on rapporte au temps des anciens
royaumes; M. K. ne se refuse pas absolument à reconnaître en principe
des traces de remaniement, mais il les conteste presque constamment
dans l'espèce i.
Le savant hollandais, on s'en doute, est absolument hostile à l'idée
de faire à la pseudépigraphie ou pseudonymie une place importante
dans l'explication de l'origine et de la composition des écrits prophéti-
ques. Il faudra bien pourtant se résoudre à aborder ce terrain brûlant.
Si le présent volume ne donne, sous ce rapport, aucune satisfaction à
notre légitime curiosité, nous avons heureusement sous les yeux un tra-
vail détaché, où M. K. se prononce très nettement.
La Revue de l'histoire des religions a publié dans son numéro de
juillet-août 1889 un mémoire du professeur de Leyde, intitulé : La
ré/orme des études bibliques selon M. Maurice Vernes. Une partie de
I. 11 admet cependant quelques interpolations dans le livre de Michée.
3lO REVUE CRITIQUE
ces pages traitent directement de lu question d'authenticité des écrits
prophétiques. Les remarques de M. K. se ramènent à quatre points
essentiels :
i^ M. K. nous reproche, en premier lieu, de traiter des écrits prophé-
tiques pris dans leur ensemble, au lieu de les envisager un à un. Nous
avouons ne pas comprendre l'objection, Il y a là une collection faite à
une époque donnée, et ceux qui Tont menée à bien ont obéi à une préoc-
cupation visible, qui était de grouper pour Tédification de leurs con-
temporains des œuvres appropriées à cette destination. Il y a donc lieu
d'envisager tour à tour le recueil prophétique dans son ensemble et
dans ses parties.
2° M. K., relevant la première objection générale que nous avons
émise contre l'authenticité des prophéties qu'on attribue au temps des
anciens royaumes ou à l'époque de la captivité, nous reproche d'exagé-
rer l'intention de propagande religieuse qu'on peut signaler à mainte
place. Nous avions écrit : « A quelle époque le peuple d'Israël se con-
vainquit-il qu'il ne sufrisait pas à son ambition religieuse de réaliser
l'idéal de la foi spirituelle qu'il avait conçue et tourna-t-il ses efforts du
côté des païens pour les gagner à sa cause ? A quels moments, à quelles
circonstances convient cette préoccupation de propagande, par laquelle
le Dieu d'Israël manifeste des prétentions à la domination universelle?»
Et nous répondions : « Cette préoccupation ne s'applique à aucun mo-
ment et à aucune circonstance plus aisément qu'au temps de la Restau-
ration. Israël a cessé d'être une nation politique pour devenir une com-
munauté religieuse, une Eglise qui, toute pénétrée des grands souvenirs
d'un glorieux passé, aspire à rester à leur hauteur en établissant sa
domination spirituelle sur le monde, w M. K. déclare que ces considé-
rations ne le touchent pas; que les prophètes, « représentants d'une fai-
ble minorité », pouvaient parfaitement nourrir sur ce point des ambi-
tions inconnues du vulgaire; que, d'ailleurs, nous avons exagéré et que
les passages en ce sens sont très peu nombreux, si peu nombreux — ici
je crois devoir citer — « que M. le professeur Stade regarde comme des
interpolations postérieures le texte des prophètes antérieurs à l'exil qui
parlent de la conversion future des païens, parce que, à son point de
vue, ils ne sont point en harmonie avec leur constante manière de pen-
ser. » Eh bien! voilà qui me donne singulièrement raison. Un critique,
à l'opinion duquel M, K. accorde une haute valeur, a été, de même que
moi, frappé de la présence de passages conçus dans le sens de la propa-
gande religieuse et les déclare ajoutés après coup. Quant au nombre et à
l'importance de ces passages, M. K. fait effort pour les réduire, et cela
dans une intention facile à comprendre. Je me bornerai sur ce point à
le renvoyer à l'œuvre d'un élève de Reuss, partisan résolu des théories
de l'école de Graf; dans l'estimable Théologie de V Ancien-Testament
de M. Piepenbring, tout un paragraphe est consacré à « la participation
des païens à la nouvelle alliance » d'après les prophètes antérieurs à la
d'histoire et de littérature 3 I I
Restauration (pp. 187 à 194); je m'en réfère simplement à rénuméra-
tion donnée à cette place. Que Ton veuille avec Stade traiter d'inter-
polés les passages prophétiques proclamant la mission religieuse d'Is-
raël, ou les conserver en niant leur importance, comme le fait M. K.,
ma remarque subsiste dans toute sa force.
3° Nous avions relevé encore cette circonstance, que les prophètes
annoncent à coup sûr la Restauration comme suite de la Captivité et de
la déportation à l'étranger. Et nous disions : c'est la marque de gens
qui appartiennent aux temps de la Restauration. Que répondre à un
argument aussi simple, aussi décisif? — M. K. réplique : Les prophè-
tes ont annoncé, non pas seulement une restauration, mais une « res-
tauration glorieuse ». Or, le rétablissement d'Israël sur le sol natal ne
fut rien moins que cela; il fut modeste et pénible. Donc, ces descrip-
tions flatteuses sont antérieures à la réalité, réalité elle-même médiocre
et sans éclat. Ici, je m'aperçois avec tristesse que nous parlons deux
langues différentes: car ce que M. K. déclare évident, je le trouve,
pour ma part, non moins évident, mais dans un sens contraire. Je me
bornerai à renvoyer mes lecteurs à certaines vanteries qui se lisent au
livre d'Esdras. On y voit Cyrus déclarant dans un édit que le Dieu des
Juifs lui a donné (à lui, à Cyrus) l'ordre de rebâtir son temple à Jéru-
salem, prescrivant aux indigènes de Pempire de combler de dons pré-
cieux les Israélites qui reprennent le chemin de la Judée et leur rendant,
hâblerie inouïe, la propre vaisselle d'or et d'argent enlevée au Temple par
Nabuchodonosor, et cela au nombre de cinq mille quatre cents pièces
[Esdras, I, i-ii, cf. l'ensemble du chap. vu, viii, 24-30). Voilà com-
ment de prétendus historiens rapportaient les circonstances du retour
de l'exil. Il me paraît que c'est là « une restauration glorieuse » et que
les prophètes ne font que développer ce thème. Donc, de même qu'Es-
dras, il y a d'excellentes raisons pour les rapporter à l'époque qui suivit
l'exil.
4" M. K. n'est pas davantage sensible à un argument qui a eu sur
notre propre décision une influence en quelque sorte décisive. Nous
nous sommes convaincu qu'il y avait une contradiction foncière entre
la manière dont les livres des Rois décrivent la situation religieuse des
contemporains d'Ezéchias ou de Josias et l'exposé contenu aux livres
prophétiques. Obligé de faire un choix, nous avons sacrifié l'authenti-
cité et rhistoricité des seconds. — M. K. déclare qu'il rie voit là aucune
difficulté. Je saisis ici, plus clairement encore que tout à l'heure, que
mon éminent contradicteur et moi nous ne voyons pas les mêmes cho-
ses de la même manière. Le public jugera, quand il aura sous les yeux
les pièces du procès dans un ouvrage complet que je prépare sur la
matière.
En résumé, j'ai relevé trois ordres de faits qui m'interdisent de con-
sidérer les recueils prophétiques comme appartenant aux vni'', vn^ et
Vf siècles avant notre ère. Si on les pèse sérieusement, on aboutira à un
3 12 REVUE CRITIQUE
dilemme : ou considérer que la collection prophétique a reçu de nom-
breuses interpolations datant de l'époque de la Restauration — c'est la
vue à laquelle je n'ai pu me tenir, — ou adopter l'hypothèse dda pseu-
dépigraphie. M. K. déclare qu'il n'a rien à garder de mes observations.
Il oppose à mes doutes et à mes négations un non possumus hautain; je
serais bien étonné si, d'ici à quelques années, les hommes de son bord
maintenaient cette attitude de pure intransigeance, qui me rappelle
l'ostracisme dont furent frappées au début les propositions de George,
de Vatke et de Graf '.
Cependant, après avoir refusé de tenir compte de mes objections,
M. K. condescend à m'en présenter, à son tour, trois ou quatre qui sont
d'un réel intérêt, mais auxquelles la publication annoncée tout à l'heure
pourra seule donner une réponse complète. Je dois cependant les indi-
quer dès ce moment en quelques mots. — J'ai expliqué la composition
des livres prophétiques en disant que leurs auteurs avaient sous les
yeux les livres historiques (Juges, Samuel, Rois) et n'ont fait que dév^e-
lopper et préciser le rôle attribué par ceux-ci aux prophètes dans les
événements politiques. M. K. entend par là que nous avons stipulé
l'entière dépendance des écrits prophétiques à l'égard des Rois. En
aucune façon : nous avons simplement indiqué un procédé de travail ou
décomposition, tout en réservant la pleine liberté des auteurs. Je com-
prends que, sur ce point, M. K. n'ait pas nettement discerné ma pensée,
qui a été exprimée sous une forme forcément abrégée. Je n'ai donc rien
à dire contre ce qu'il remarque, « qu'une différence tranchée distingue
les prophéties écrites des paroles rapportées par les livres historiques y.
L'indépendance, l'originalité de pensée qu'il revendique pour les pre-
mières, je les accorde d'autant plus volontiers que je n'ai jamais eu
l'intention de les contester. M. K. ajoute : « Dans les livres historiques,
nous trouvons des prédictions, que la suite du récit nous montre entiè-
rement réalisées. Au contraire, les livres prophétiques nous présentent
toute une série de menaces et de promesses, qui n'ont jamais été accom-
plies, Et, s'il faut s'en rapporter à M. Vernes, les premières sont les
modèles: les secondes, les imitations. Credat Judœus Apella! » J'ai
beaucoup de peine à comprendre la raison de cet accès d'indignation.
Assurément, les livres historiques font intervenir les prophètes pour faire
voir que les événements sont dirigés d'en haut par une volonté céleste.
Il me semble que les livres prophétiques partent de la même donnée
fondamentale. Malheureusement, je ne suis pas très sûr de comprendre
la pensée de M. K., de qui je n'oserais pas affirmer qu'il ait saisi la
mienne. Le débat sera repris plus utilement quand j'aurai donné mon
argumentation sous forme complète 2.
1. Ces critiques s'étaient permis d'affirmer, les premiers, que l'époque de la Res-
tauration avait produit des œuvres vraiment originales. Ce qu'ils avaient fait pour
la Loi, je le prétends, à mon tour, pour les Prophètes.
2. Je ne sais trop ce que M. K. entend par prophéties « accomplies » ou « non
accomplies». Je ne suppose pas qu'il s'agisse de prophéties qui se soient réalisées a
d'hISTOIRK Kl Dh, LIITÉRATURE 3l3
Voici enfin une difficulté de quelque portée, au moins en apparence :
Qu'est-ce qu'un pseudépigraphe? dit M. K. — C'est un écrit composé,
comme le livre de Daniel, en vue d'une circonstance déterminée.
« Comment appliquer ce principe d'une si parfaite évidence à Isaïe,
Jérémie et aux autres livres prophétiques? » S'ils ont été écrits après
Texil, ils sont pour les sept huitièmes de leur contenu, pour ne pas dire
plus, absolument sans bat. Le lecteur postérieur à l'exil n'en peut rien
tirer, rien apprendre qui soit d'une application directe aux circonstances
dans lesquelles il se trouve. » Et M. K. se demande ce que pouvaient
signifier un Amos et un Osée pour les gens du iv^ siècle. — Ce qu'ils
pouvaient signifier, ce que signifiaient pour les mêmes générations un
haïe, un Jérémie, un E^échiel, — je m'en vais le lui dire. Ils servaient,
par l'exemple d'un passé criminel et sévèrement châtié, à prémunir les
Juifs contre de nouvelles défaillances. On admettra, je le suppose, que
les livres historiques servaient de livre d'édification et d'instruction aux
Juifs de la Restauration par la manière dont ils racontaient le passé ; les
livres prophétiques remplissent le même office. Ils constituent une sorte
de philosophie vivante de l'histoire, une espèce de morale en action, où
les vérités religieuses et les préceptes de la conduite sont illustrés par
l'autorité des faits, des personnages, descirconstances d'un passé fameux*.
Mais, ce que les livres prophétiques offrent comme aliment à la pensée
religieuse, à côté des éléments qu'ils ont en commun avec les livres
historiques, ce sont, d'une part, les vues de l'avenir, les perspectives
glorieuses de l'ère messianique, Tambition de convertir les païens et de
leur donner Jérusalem pour centre; de l'autre, le souci des questions
sociales: car nous tenons qu'en attaquant le riche et ses accaparements,
en protestant contre les pratiques extérieures du culte quand elles sont
séparées de l'accomplissement des devoirs moraux, les écrivains
visaient non un passé disparu, mais les abus dont souffraient les Juifs de
la Restauration. Falso sub nomine, de te res agitiir. M. K. nous a mis
au latin, nous lui en servons aussi. Et nous concluons que les Juifs
du v^, du IV* et du iii^ siècle comprenaient fort bien tout ce que les livres
prophétiques devaient leur apprendre. Est-ce à un homme tel que
M. K. que je devrai rappeler jusqu'à quel point, dans les époques de
crise et de persécution, les prophéties et les psaumes sont redevenus,
à vingt siècles de distance, vivants et actuels pour la piété des protes-
tants éprouvés ? Et ils auraient été lettre morte pour les Juifs de la Res-
tauration!
M. K. remarque encore l'originalité littéraire dont font preuve les
la lettre. Et puis comment distinguer la prédiction proprement dite de ce qui est une
prévision générale ou simplement le tableau librement tracé d'un avenir idéal?
I. Je viens précisément de relire les écrits prophétiques au point de vue de ce
qu'ils disent des fêtes et des sacrifices, et en notant qu'ils attribuent à la violation du
sabbat une grande partie des calamités qui ont frappé les ancêtres, j'ai vu clairement
qu'ils en recommandaient l'observation à leurs contemporains.
3 14 REVUE CRITIQUE
écrivains prophétiques. « Ce qui les distingue, ce n'est pas seulement la
situation historique supposée, c'est aussi le point du développement
religieux, la prévision personnelle de l'avenir, le style et très paTticuliè-
rement le vocabulaire. » J'accorde le fait, sans chicaner sur tel détail, et je
déclare hautement que les auteurs de Jérémie, d'E^échiel, du second
Isaïe, et, dans une mesure secondaire, d'Osée et d'Amos ont été des
« artistes de premier ordre » (l'expression est de M. Kuenen). Pourquoi
de tels maîtres écrivains ne se seraient-ils pas rencontrés aux iv^ et iii*^ siè-
cles avant notre ère, à l'époque, où, d'après nous, Ton composait Job?
— Mais, là où je me refuse à suivre l'éminent professeur de Leyde, c'est
quand il dit qu'à cette époque « Thébreu était déjà sur le chemin de la
dégénérescence et la connaissance de l'antiquité hébraïque très limitée ».
Voilà des assertions dépourvues de tout fondement ; l'histoire de la
langue hébraïque ne peut s'échafauder que sur la date assignée aux
livres, et ces livres n'ont pas de date reconnue. M. K. se met ici d'autant
plus dans son tort qu'il admet que la plupart des Psaumes, et parmi
eux des morceaux d'une langue distinguée, datent, soit de cette
même époque, soit du second siècle seulement avant notre ère.
Quant à une « connaissance très limitée de l'antiquité hébraïque », nous
prétendons, au contraire, qu'on se retrempait avec une incroyable
ardeur dans ces souvenirs d'un passé plus ou moins authentique, qu'on
vivait de l'histoire des ancêtres depuis Abraham jusqu'à Sédécias, qu'on
s'y plongeait sans relâche, et nous en voyons une preuve frappante dans
cette circonstance que, vers le ui"^ ou 11*= siècle, on ait cru devoir, à côté
des livres de Juges, Samuel, Rois, établir une seconde édition de ce
tableau des destinées antiques, qui est la Chronique.
J'arrive à un dernier point, qui me semble plus digne qu'on s'y arrête
et qui est de nature à provoquer de ma part une explication utile pour
l'intelligence de ma pensée. « Les livres prophétiques, dit M. K., ren-
ferment bon nombre de détails historiques. L'exactitude de ces détails
a trouvé sa confirmation en dehors de l'Ancien Testament. » Fort bien,
et je n'y vois aucun inconvénient. Parce que je prétends que les li-
vres historiques ont servi de point de départ et en quelque sorte de
thème aux auteurs des livres prophétiques, je n'exclus point pour eux
les autres sources d'information. Or, j'ai soutenu précisément que ces
livres sont nés au sein de cercles remarquablement instruits, où l'on
commentait le passé d'après les souvenirs nationaux, où l'on pouvait
également faire usage de données venues des pays étrangers. Chacun
sait qu'à côté du texte des livres historiques, il circulait des additions,
des variantes, des compléments, dont quelques-uns ont trouvé place
dans la Chronique . Et je vais, sans plus tarder, préciser ma pensée par
un exemple significatif. Voici Jérémie, sous le nom duquel on a placé
un recueil considérable. Eh bien! les Rois ne connaissent pas l'existence
de ce personnage, ce qui suffit, à mon sens, à démontrer qu'il n'a pas
eu l'importance qu'on lui prête d'habitude; mais ce nom aurait-il été
d'histoire et de littérature 3i5
inventé par l'auteur du recueil prophétique? Assurément non ; il appar-
tenait à une série de récits oraux, qui se transmettaient plus ou moins
librement dans les écoles et flottaient aux alentours du texte des livres
historiques.
Je ne dissimulerai pas que j'ai lu avec un véritable désappointement
les remarques suggérées à Kuenen par mes vues sur le caractère pseudé-
pigrapliique des livres de prophéties. J'espérais qu'il y verrait un motif
pour ouvrir la porte à l'hypothèse des remaniements et des additions
post-exiliennes; en cas de refus, je comptais sur des arguments ou des
objections de quelque portée. Je regrette de n'avoir trouvé chez lui ni
l'un, ni l'autre.
III. — M. J. Wellhausen avait donné, il y a une douzaine d'années,
à un recueil périodique, un travail très solide et complet, consistant
dans une analyse critique des six premiers livres de la Bible, ou de
VHexateuque. Ce mémoire a été regardé comme une contribution d'une
grande valeur aux études qui se proposent de distinguer les documents
ou sources entrés dans la composition des livres de Moïse et de Josué;
en autorisant sa réimpression, M. W. a rendu service aux savants. Il a
complété son œuvre en extrayant de V Introduction à V Ancien Testament
de Bleek dont il a revu la 4^ édition, l'analyse des livres historiques,
Juges, Samuel, Rois. Ainsi s'est formé le présent volume, intitulé :
La composition de VHexateuque et des livres historiques de l'Ancien
Testament. Sous le rapport de la distribution des sources et des docu-
ments primitifs, c'est-à-dire en matière d'analyse littéraire, le livre de
W. donne le résumé d'un travail considérable et dont les résultats peu-
vent passer pour remarquablement solides. Mais, en ce qui touche l'at-
tribution des principaux documents à des époques déterminées, il en est
tout autrement. Nous nous inscrivons notamment en faux contre la
prétention de rapporter l'écrit jéhoviste aux ix« et vni«^ siècles et le Deu-
téronome à Pépoque de Josias.
Dans les « additions » que M. W. a placées à la fin de son volume,
nous relevons quelques lignes, où il nous semble que l'écrivain a visé
certaines de nos propres déclarations. M. W. assure que, en attaquant
Tunité du Deutéronome, on ne met nullement en péril l'hypothèse de
Graf, par la raison que « la base de celle-ci, ce sont les livres historiques
et les Prophètes ». Cela veut dire, je pense, que M. W. place en pre-
mière ligne l'historicité de la réforme de Josias et des prophéties de
Jérémie, et qu'il estime que le Deutéronome s'enchâsse sans effort dans
les circonstances relatées par les Rois et Jérémie, au moins en ce qui
touche sa partie législative (chap. xii à xxvi). En effet, M. W. considère
la première partie du livre comme ayant été écrite à une date plus
récente. J'avais émis, pour ma part, cette pensée que, si l'on admettait
l'essentiel des thèses défendues par M. d'Eichthal, on ruinait Tensemble
du système de Graf-Reuss-Kuenen. La question, en définitive, est de
savoir si la réforme prêtée au roi Josias doit être considérée comme la
3l6 KKVUK CRillQlJK
réalisation de la loi deutéronomique (et peu importe ici qu'on distingue
entre le noyau législatif, xu-xxvi, et l'ensemble du livre, v-xxvi). A cet
égard, nous ne pouvons que maintenir ce que nous avons dit : refuser
le Deiitéronome à Tépoque de Josias, c'est ruiner le système de
Graf.
En léte du travail de M. Kuenen qui a été mentionné plus haut, se
lisent les lignes suivantes : « A force d'études laborieuses, on a réussi à
fixer d'une manière rationnelle et conforme aux lois de l'histoire les
points saillants du très remarquable développement de la littérature
religieuse d'Israël. Les divergences inévitables des critiques ne sauraient
empêcher Tétude scientifique del'Ancien-Testament de se mouvoir dans
des lignes désormais arrêtées quant à leur direction générale. » C'est en
vain que Téminent professeur de Leyde s'efforce de rassurer le public et
de le persuader que les points noirs qui surgissent à l'horizon sont de
simples fumées sans consistance. La vérité est que l'on semble s'être mis
à peu près d'accord sur la disjonction littéraire des documents entrés
dans la composition de YHexateuqiie, mais que, sur tout le reste, on est
en pleine anarchie. Ainsi M. Baudissin conteste par des raisons très étu-
diées l'antériorité du Deiitéronome sur le Code sacerdotal. Je crois qu'il
a tort et j'invoque à l'appui de l'opinion soutenue par Reuss-Kuenen-
Wellhausen cette circonstance, à mon avis décisive, que les Rois con-
naissent le Z)ez/feronoHze, mais ignorent encore le Code sacerdotal; à
quoi M. Baudissin réplique que le livre existait, mais n' « avait cours »
que dans des cercles fermés et devait rester encore quelque temps lettre
morte pour le public : c'est là une voie scabreuse, oti je refuse de m'en-
gager. Mais, quand même M. Kuenen aurait raison de placer le Deiité-
ronome avant le Code sacerdotal, il n'en résulte ni que \q Deiitéronome
soit de l'époque de Josias, ni que le Code sacerdotal soit l'œuvre d'Es-
dras. Toutes ces dates et désignations sont contestables et contestées. En
matière de livres historiques, je prétends que leur rédaction est franche-
ment post-exilienne. L'authenticité de l'ensemble du recueil des pro-
phéties a été attaquée par M. Havet et par moi. Au point de vue de
l'évolution des idées, même confusion. On parle d'un animisme primi-
tif, auquel aurait succédé le polythéisme, suivi à son tour par le mono-
théisme : nous le contestons de la façon la plus formelle. Au moins,
pourrait-on continuer d'afîirmer que le « prophétisme » est la marque
des temps qui précèdent la Captivité et que le « sacerdotalisme » carac-
térise ceux qui la suivent? Mais ce résultat lui-même est compromis par
les récentes hypothèses, et ces deux tendances apparaissent plutôt comme
simultanées que comme successives. — On voit ce qui reste des « lignes
désormais arrêtées dans leur direction générale. »
Comment sortir de cette impasse? — En accordant franchement que,
l'ensemble des écrits bibliques porte la marque des temps post-exiliens,j
en s'avouant à soi-même que ce n'est pas là une littérature datée, ^tr-A
d'histoire et de littérature 3 17
mettant de rétablir les phases d'une évolution littéraire et religieuse : en
un mot, en changeant de méthode.
Maurice Vernes.
486. — Alb. Hauck. K.li'cliengescliiclite Oeutsehlands. Erster Theil. Leipzig,
Hinrichs' sche Buchandlung, 1889, 1 vol. in-8, viii-557 p.
L'histoire ecclésiastique de l'Allemagne a déjà tenté deux écrivains :
Rettberg et Friedrich. Les deux premiers volumes de Rettberg parurent
à Gôttingue en 1846 et en 1848; ils promettaient un chef-d'œuvre. Ra-
rement historien a tait preuve d'une aussi prodigieuse force de critique.
Rettberg a fait justice d'une foule de légendes qui avaient été accueillies
auparavant sans contrôle ; il a su montrer, avec une netteté parfaite,
dans un style précis, sans ornement superflu, à quelle époque et pour
quelles raisons elles avaient été formées. On ne lui peut adresser qu'un
seul reproche; il est allé trop loin dans la négation; la légende n'est
souvent qu'un développement poétique d'un fait bien réel ; il n'a pas
cherché à dégager le fait réel des ornements qui le couvrent, le fruit de
la végétation luxuriante qui le cache. Malheureusement l'éminent pro-
fesseur est mort à la tâche; son histoire s'arrête en 814, à la mort de
Charlemagne, Friedrich n'est même pas allé si loin : il n'a pas dépassé
la période mérovingienne. Ses deux volumes présentent d'assez graves
défauts ; catholique fervent, il s'efforce de sauver du naufrage au moins
des débris de ces vieilles légendes; aussi, bien souvent, au lieu d'expo-
poser, il s'attarde à réfuter Rettberg ; des dissertations très longues arrê-
tent la marche du récit; puis, il s'accroche souvent à des branches peu
solides. Néanmoins, dans son ouvrage, il fait preuve d'une érudition
rare, presque toujours au courant des travaux modernes; il a des juge-
ments justes; il a parfois raison contre son adversaire, et le mérite n'est
pas mince.
M. Hauck reprend aujourd'hui la tâche commencée par Rettberg et
par Friedrich ; nous souhaitons qu'il lui soit donné de l'accomplir et de
mettre enfin au jour une histoire complète de l'Église en Allemagne
depuis les origines jusqu'à la Réforme. Dans la première partie, la seule
parue, il traite de l'histoire ecclésiastique jusqu'à la mort de Boniface :
ici il se rencontre avec ses devanciers.
Il en diffère pourtant beaucoup. Rettberg et Friedrich ont pris les
diocèses les uns après les autres; ils ont cherché à reconstituer la liste
des évêques ; ils ont énuméré les églises qui se dressaient dans les
villes, les monastères qui furent construits dans chaque circonscription.
M. H. n'entre pas autant dans le détail; c'est à peine si, de loin en loin,
en note, il discute l'authenticité d'une liste épiscopale, presque toujours
pour la rejeter : il s'en tient davantage aux généralités. Il fait l'histoire
ecclésiastique de l'Allemagne en général, non l'histoire^des divers diocèses.
Et même on doit lui reprocher d'avoir laissé de côté quelques questions
3l8 RKVUK CRITIQUE
importantes : à peine, par exemple, s'il parle de l'organisation intérieure
de l'Eglise, du clergé des villes et des campagnes. Il nous raconte l'his-
toire des premières communautés des diocèses rhénans au début et assez
longuement; il ne parlera de la conversion des habitants du Noriqueet
de la Rhétie que beaucoup plus tard (p. 326), de façon presque incidente;
il ne dira presque rien de la Pannonie. Son histoire n'est pas complète,
c'est une série de dissertations générales assez bien liées et que nous
allons faire connaître.
L'ouvrage se divise en trois livres. Le premier est intitulé : Le chris-
tianisme dans les pays du Rhin pendant la domination romaine. Voici
la thèse soutenue : Le christianisme s'est développé assez tard, parce que
les circonstances lui étaient défavorables; les habitants des campagnes con-
tinuaient de parler le celtique, et la nouvelle religion n'était prêchée qu'en
latin ; le culte national des druides avait toujours de fervents adeptes ; la
misère matérielle était trop grande pour qu'on pût songer aux choses de
l'âme; les lettrés étaient trop frivoles, et trop incrédules pour ouvrir
leurs oreilles à des dogmes. 11 y eut pourtant, après Constantin, d'im-
portantes communautés dans certaines villes, surtout à Trêves; mais,
en somme, au début du v^ siècle, l'œuvre de conversion n'était pas ac-
complie et l'Eglise n'était pas encore organisée. Nous sommes obligé de
nous inscrire en faux contre cette thèse. Sans doute nous ne croyons pas
à l'apostolicité des Églises de la Gaule ; mais nous pensons que l'auteur
exagère l'échec du christianisme sur les rives du Rhin et quelques-unes
des raisons qu'il nous donne pour l'expliquer sont mauvaises. M. H.
s'imagine à tort que la langue celtique était la langue courante dans le
voisinage de Trêves ; quelques-uns des textes qu'il cite ont été bien mieux
interprétés par M. Fustel de Goulanges (voir surtout pour le celtice aut
gallice loquaris, dans le dialogue deSulpice Sévère: Histoire des insti-
tutions politiques, I, 69). Les druidesses dont parlent Lampride et Vo-
piscus sont de vulgaires sorcières, comme il y en a en tous temps; depuis
longtemps, les vrais druides avaient disparu (voir les travaux de
MM. Fustel de Goulanges et d'Arbois de Jubainville dans la Revue cri-
tique). Nous devons surtout mettre en garde contre la façon suivante de
raisonner : « Quand Martin devint évêque, écrit M. H., p. 3 3, lepaga-y
nisme régnait chez la population rurale celte, dans le voisinage de Tours.,
il faut donc bien admettre que, sur les bords du Rhin, le christianismt
avait alors à peine dépassé les murs de la ville. » Nous ne saurions assezî
rappeler que les régions du Rhin, séjour ordinaire des légions, avaient
subi l'influence romaine beaucoup plus vite et de façon bien plus pro- i
fonde que les pays'du centre de la France; il est téméraire de conclure,
ce qui se passait à Cologne et à Trêves de ce q ui avait lieu à Tours ou
Chartres.
Mais quelles étaient les idées de ces chrétiens gaulois, encore assez peu
nombreux sur les bords du Rhin? M. H. montre avec raison qu'ilsj
étaient demeurés très orthodoxes et pleins de déférence pour le pontifei
I
d'histoire et de littérature 3x9
de Rome. Au début du iv'' siècle, ils se prononcent contre les donatistes ;
un peu plus tard, ils sont les énergiques adversaires des ariens; ils res-
tent très unis; pourtant, à la fin du siècle, deux tendances, que l'écri-
vain a saisies de façon très fine, se manifestent chez eux : les uns, avec
saint Martin à leur tête, sont des ascètes, voulant renoncer à toutes les
affaires du monde; les autres, au contraire, recherchent les dignités ter-
restres et blâment les excès des ascètes. Ceux-ci sont battus; mais le
clergé tomba dans toutes sortes de vices. M. H. fait de lui un tableau
très sombre, dont il emprunte les principaux traits à Salvien : à notre
avis, on ne devrait se servir de cet écrivain qu'avec une grande méfiance;
c'est un déclamateur qui exagère tout. Je ne pense pourtant pas que plus
tard M. H. se serve de certain traité de Pierre Damien, pour juger les
moeurs des moines au xi® siècle.
Tel était le clergé avant les invasions. Le second livre nous décrit
l'Église nationale franque. M. H. nous expose comment les Alam-
mans, les Burgondes et les Francs se sont fixés en Gaule. Les premiers
sont restés païens; les seconds, établis autour de Worms.. sont devenus
chrétiens orthodoxes pour embrasser plus tard, en Savoie, l'arianisme;
les derniers suivent la voie que leur trace Clodovech et se font baptiser.
Dans ce chapitre Fauteur témoigne d'une remarquable connaissance de
rhistoire générale; sur certains points, il arrive même à des résultats
nouveaux et dépasse le livre de Junghans. Nous citerons sa discussion
sur la manière dont Clodovech s'est converti (p. io8, n° 2). Le portrait
qu'il trace de ce prince est supérieur à tous ceux qu'on a esquissés jus-
qu'à présent.
La Gaule est conquise par les Francs devenus chrétiens. Quels seront
les rapports de l'Église et du nouvel État? M. H. traite cette question
avec une grande supériorité. L'influence de l'évêque sur les affaires
publiques est considérable ^ ; il accomplit les fonctions que néglige
l'État, construisant des routes et des digues, prenant des mesures
sanitaires, organisant l'assistance des pauvres. L'Eglise s'enrichit
par les dons considérables que lui font les rois et les particuliers; dans
certains districts, elle touche la dîme; les souverains lui confèrent sou-
vent pour ses biens l'immunité (ce dernier point toutefois n'a pas été
traité avec le développement nécessaire). Pourtant, malgré cette puis-
sance, l'Église vit d'ordinaire en bons rapports avec l'État; c'est que les
rois nomment les évêques, et M. H. reprend ici les conclusions de sa
brochure : Die Bischofswahlen iinter den Merovingern; c'est aussi que
les évêques ne vont chercher aucun mot d'ordre au dehors. Depuis les
I. M. Hauck soutient que les évêques étaient en général gallo-romains, tandis que
beaucoup de Germains étaient entrés dans les rangs du bas-clergé. Le fait est possi-
ble; mais la preuve sur laquelle il s'appuie ne vaut rien. On ne saurait tirer des
noms propres mérovingiens aucune conclusion sur la race de ceux qui les portent.
L'auteur le reconnaît lui-même plus loin, p. 164, n. 7. Voir des exemples plus
nombreux cités par M. Fustel de Coulanges, De l'analyse des textes historiques,
p. 12 et i3.
320 REVUE CRITIQUE
invasions, le pontife de Rome ne jouit en Gaule d'aucun pouvoir effectif.
Dans le chapitre suivant, l'écrivain recherche quelle était la situation
morale et relii^ieuse à Pépoque mérovingienne. Il avait peint un tableau
très sombre de TÉglise au début du v'' siècle; nous nous figurions qu'il
allait soutenir plus tard cette opinion : l'Eglise romaine corrompue a été
régénérée par les Francs. Une Ta pas fait et avec raison. Au contraire, il
nous montre combien la moralité était basse chez les Francs : partout des
meurtres, de l'ivrognerie, des adultères, la soif ardente de l'or. Toute
cette partie est un peu banale; en iSS6, dans la Revue des Deux-Mondes,
M. Lavisse avait tracé des Mérovingiens un portrait bien plus vivant.
Mais M. H, reprend ses avantages, lorsqu'il nous montre, au milieu de
cette immoralité extrême, des traces d'un sentiment religieux sincère.
Les Francs sont fiers d'être chrétiens orthodoxes, les églises regorgent de
fidèles; Ton croit à l'intervention de Dieu en ce monde, à Fefïicacité de
la prière, à la Providence,' aux miracles, à la vertu des reliques. Au
iv^ siècle, Ausone se demandait s'il avait une âme immortelle; au
vie siccî. une telle question aurait paru impie. L'on croit au châtiment
dans un autre monde. Cette analyse très fine fait honneur à la perspi-
cacité de l'historien.
Le monachisme va donner une force nouvelle à ces idées religieuses.
M. H, nous expose la vie de saint Golomban et l'importance de son
oeuvre. Il écarte avec raison les singulières idées émises jadis par Ebrard
(Die irO'Schottische Missionskirche) et il nous donne de la règle du
moine irlandais une appréciation profonde; un idéalisme élevé y est en
opposition avec une sévérité trop grande: la moindre des fautes est
punie de coups de bâton. Puis l'auteur nous décrit le magnifique essor
de la vie monastique et énumère les monastères qui jjartout sortirent du
sol au début du vu^ siècle. Golomban n'a pas seulement eu la gloire de
restaurer le monachisme; grâce à Luxeuil, sa fondation principale, l'on
a repris l'œuvre de la conversion des païens au nord de la Gaule
et au-delà du Rhin. Et M. H. nous raconte l'apostolat des saints
Amand, Remacle, Éloi dans les contrées de l'Escaut et de la Meuse,
celui des saints Gall, Fridolin, Trudpert et Pirmin chez les Alammans,
Après avoir décrit quelle était sous la domination romaine la situation
religieuse des pays à l'est du Lech, il montre comment Rupert, à la fin du
vue siècle, donna, par la création de l'archevêché de Salzbourg, une
nouvelle organisation à ces provinces, devenues bavaroises; enfin il |
nous dit que des semences de christianisme sont jetées dans les champs
de la Thuringe.
L'Eglise mérovingienne, en multipliant les monastères, en commen-
çant la conversion des païens, a ainsi rendu de grands services au chris-
tianisme. Mais cette Église va tomber dans une profonde décadence.
Les faibles rois qui succèdent à Dagobert sont impuissants à la proté-
ger; les grands s'emparent des évêchés ; ils pillent les biens ecclésiasti-
ques; Charles Martel les donne en précaire à ses leudes; les synodes
d'histoire et de littérature 321
cessent d'être réunis, tout lien est rompu entre le métropolitain et les
prélats. Une réforme est nécessaire; cette réforme sera l'œuvre de
Boniface.
Le troisième livre est consacré à la vie et à la mission de Boniface.
Les faits sont fort bien placés en lumière. M. H. a mis à profit les
travaux de Mûller, Pfahler, Werner, Scherer, Hahn. Mais souvent il a
vu plus juste que ses devanciers; il a mieux compris l'importance de
certains événements. Ainsi il montre fort bien quelle chose extraordi-
naire fut l'ordination épiscopale de Wynfrith à Rome, le 3o novem-
|- bre 722. Pour ia première fois, le pontife de Rome nommait un prélat
d'au-delà des Alpes comme il nommait le pontife de Tivoli. C'est le
début d'une grande révolution. Boniface va chercher à mettre PEglise
I franque, jusqu'à présent indépendante, aux pieds du Saint-Siège. Il est
un second mérite qu'on doit reconnaître à M. H. 11 a tracé de
Boniface un portrait plus fidèle que la plupart des autres historiens.
M. Lavisse, dans la Ret)ue des Deux-Mondes^ a abordé le même sujet;
le portrait qu'il donne est bien vivant, mais c'est presque une carica-
ture; M. H. a mis davantage en relief l'activité prodigieuse de ce
mystique, son génie d'organisateur, sa conduite noble et élevée, son
grand talent et son caractère supérieur à son talent.
Nous avons donné une analyse complète de ce beau livre. Naturelle-
ment, il est échappé à l'auteur un certain nombre de fautes de détail.
Voici les principales de celles que nous avons relevées. L'auteur écrit
d'ordinaire la ville de Maçon au lieu de la ville de Mâcon ; la bataille
de Tertri an lieu de la bataille de Testri ; l'abbaye de Saint-Trou au
lieu de l'abbaye de Saint-Trond (p. 281). Il met Samson de Dole an
lieu de Samson de Dol en Bretagne (p. 187, n.) ; il écrit, p. 1 73, le meur-
tre des enfants de Caribert, lisez Clodomir. Il attribue encore, p. 3o5,
n. 3) à Erkambald le catalogue des évêques de Strasbourg, quoique
l'erreui ait été réfutée par Engelhard, Archiv. VI, p. 458. P. 3i6, il
fait à tort del'évêque de Strasbourg Heddon le petit-fils d'Ettichon,duc
d'Alsace. Il admet l'authenticité du diplôme d'Eberhard, comte d'Alsace,
publié par Pardessus 11,355 et daté de 728; mais la pièce a été inventée;
par suite, son histoire des origines de Murbach devra être modifiée
(p. 317). Un reproche plus grave, c'est qu'il ignore les travaux français.
Il ne cite guère que Havet qui a démontré dans ses Questions méroviu'
giennes la fausseté de la lettre du pape Anastase à Glodovech. Mais
il ne connaît cette conclusion que de seconde main. S'il avait lu
l'ouvrage cité, il n'attacherait plus aucune importance à la vita Ottiliae,
publiée par Jérôme Vignier et reproduite par Grandidier (p. 281, n. 3).
Ces taches sont légères. Le livre n'en reste pas moins l'un des plus
remarquables qui aient paru ces derniers temps en Allemagne; il mérite
cet éloge par la hardiesse de l'entreprise, parla sûreté de l'érudition, par
la netteté de l'exposition. M. Hauck est un véritable historien; il
domine les faits et sait en dégager des portraits et des idées.
Gh. Pfister.
322 REVUE CRITIQUE
487. — Snlusto «Im Rstrtns. Choix de poésies françaises et gasconnes avec notice
biographique et noies liticraircs, par Olivier de Gouuguff et Paul Bénétrix,
Portrait et armes de Du Bartas. Auch, J. Capin, iSyo, in-8 de 66 p.
Plaquette fort curieuse et que je recommande chaudement -aux amis
du xvie siècle. On y trouve beaucoup de choses et, sur le nombre, pas
mal de choses nouvelles. L'énumération qui va suivre en dira plus que
tout éloge : 1° reproduction d'un portrait sur bois de Du Bartas, placé
en tête de la traduction anglaise de ses œuvres par Joshua Sylvester, de
la fin du xvi*^ siècle 1, avec accompagnement d'un quatrain en langue
française dont Je ne citerai que le dernier vers ; « Il s'est peint le dedans
dans son divin volume »; 2° une notice biographique par Paul Béné-
trix; 3° une lettre écrite à ce dernier par M. Paul Parfouru, archiviste
du département du Gers, lettre très importante où sont condensés des
renseignements inédits qui, comme le dit M. Bénétrix (p. 6) « éclairent
d^un Jour nouveau Texistence de l'illustre poète et la situation de sa fa-
mille 2 » ; une notice littéraire^ par M. Olivier de Gourcuff, laquelle n'a
qu'un tort, le tort de se composer de deux pages seulement; 5° divers
fragments des œuvres du poète, VUranie ou Muse céleste^ l'hymne de
la paix, les neiif Muses Pyrénées présentées par Guillaume de Saluste,
sieur Du Bartas, au Roy de Navarre^ le Poème dressé par G. de Sa-
luste pour V accueil de la Reyne de Navarre faisant son entrée à Nérac,
auquel trois nymphes débattent qui aura l'honneur de saluer sa Majesté,
sonnet gascon sur Vamour [qui nous a été conservé par Pierre de Brach],
Description du jardin d'Eden, portrait de la reine Elisabeth d'Angle-
terre, Vœux du poète ; 6° Armoiries de Saluste Du Bartas (d'après un
tableau retrouvé au château Du Bartas, par le baron de Frère de Peyre-
cave ; 7° Signature [de Salluste] du poète, calquée sur un acte du
8 mars ibji dans les minutes de G. Vignaux, notaire du Puycasquier,
déposées aux archives départementales du Gers; 8" Testament de Saluste
Du Bartas, publié par l'archiviste P. Parfouru 3; go Essai bibliogra-
phique par Bénétrix.
1. Si ce portrait est authentique, il est infiniment précieux, car c'est le seul qui nous
ferait connaître les traits du poète gascon. J'ai vainement cherché dans nos collections |
françaises la moindre image de Du Bartas.
2. M. Parfouru établit contre Guillaume CoUetet et tous les autres biographes, que
la famille de Saluste Du Bartas n'était pas noble et que le père du poète était un sim- |
pie bourgeois, exerçant la profession de marchand à Monfort. Les documents analy-
sés par l'excellent paléographe nous révèlent la nom du grand-père dudit poète, Guil-
laume ou plutôt Guillem (forme gasconne autrefois très usitée) : Giiillem Salustre
(sic et non Saluste ou Salluste) était lui aussi marchand à Monfort. Le poète sup- d
prima 1'/^ dans sa signature pendant que les notaires continuaient à écrire son nom 'j
avec celte lettre.
3. M. Parfouru fait précéder cette pièce (p. 557) des observations que voici : « Le tes- Il
tament de Du Bartas a déjà été publié, en 1S64, par M. Bladé, dans la Revue d'Aqui-
taine, t. VIII, p. 3(j2, avec tirage à part. Mais cette première édition renferme plu-
sieurs fautes de lecture, qui nuisent un peu à l'intelligence de ce curieux document.
C'est pour faire disparaître ces fautes, — qui n'échapperaient certainement plus aujour-
d'hui à l'éminent et savant correspondant de l'Institut, — que je donne cette nou-
OHISTOIRK ET DK LITTÉRATURE 323
La plaquette, qui s'est beaucoup vendue en Gascogne à l'occasion des
fêtes de l'inauguration, à Auch, par les Félibres et Cigaliers, du buste
de l'auteur de la Sepmaine {Vombre deGœthe a dû en tressaillir d'aise!),
aura bientôt une nouvelle édition. Je voudrais que l'Essai bibliogra-
phique y fût plus développé, que l'anthologie bartassienne s'y enrichît
de quelques extraits du rare recueil de iSyS ' et qu'enfin quelques notes
y fussent retouchées '. Après ces modifications, le recueil de MM. O. de
Gourcufif et P. Bénétrix mériterait d'être le petit manuel de tous les amis
de celui qui fut jadis surnommé le prince des poètes français.
T. DE L.
48S. — Des Rusticius Helpidius Gedicht de Cliristi lesu beneflclia,
kriiischer Text u. Kommentar von Oberlehrer D' Wilhelm Brandes (Wissenschah-
liche Beilage zu dem Programm des Gymnasiums Martino-Catharineum in
Braunschweig). Braunschweig, H. Meyer, 1890, i5 pp. in-4.
En 1887, M. Brandes a publié, sous forme de programme, la pièce
anonyme Laudes Domini. Cette fois-ci, c'est le de Christi lesu benejîciis
qu'il soumet à la critique avant de l'éditer dans le prochain volume
des Poetae christiani latini minores du Corpus de Vienne. La tâche
était d'autant plus difficile que le ms. de ce morceau est perdu depuis
que Fabricius l'a fait connaître pour la première fois. M. Brandes s'en
est tiré avec honneur. Il a d'autant plus de mérite que toute base solide
manque à la critique, que l'œuvre de Rusticius est fort mal écrite et
qu'on est exposé à chaque instant à corriger l'auteur et non ses copistes
ou le négligent Fabricius. Ceux qui ont assez de philanthropie pour se
vouer à de pareilles besognes et assez de bonheur pour trouver la mesure
convenable de prudence et de hardiesse, méritent toute notre reconnais-
sance.
P.-A. L.
velle transcription. » M, Paifouru dit (p. 58) sous cette phrase : « 40 escus d'or pour
estre employés en usages preces) »: — « Je ne comprends pas ce mot. Peut-être faut-il
Vire prévus, comme l'a fait M. Bladé. » Je proposerais une autre lecture, et, dans le mot
preces, je retrouverais le mot précis : en usages précis, déterminés.
i.La Muse clirestienne [Bordeaux, Simon Miilanges, in-40). J'ai appelé, dès 1866,
l'attention sur ce recueil si peu connu et dont plusieurs pièces n'ont pas été réimpri-
mées dans les nombreuses éditions des œuvres complètes. Voir Vies des poètes gas-
cons par Guillaume Colletet .Auch et Paris, grand in-8°, p. 85-86).
2. Par exemple (p. 39), la note 2, à propos du roc de Tarascon : « On peut voir là, à
travers une imagination nourrie de souvenirs mythologiques, une allusion à la Taras-
que, qui ravagea les bords du Rhône, etc. » Mais pas du tout! U ne s'agit ici d'au-
cune légende provençale : nous sommes à Tarascon, dans l'Ariège, ce que précise le
poète en parlant des « montagnes de Foix ».
324 REVUE CRITIQUE d'hiSTOIRE ET DE LITTÉRATURE
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 3i octobre i8go.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, M. Renan présente à l'Académie un opuscule
de S. M. l'empereur du Brésil, offert par lui l'été dernier au lycée Stanislas à
Cannes, à propos de la distribution des prix. « Ce sont, dit M. Renan, des sentences
hébraïques, arabes, sanscrites, persanes; d'autres sont des pensées pleines d'éléva-
tion, de S. M. l'empereur lui-même. Toutes ces maximes, écrites de la main de
S. M. l'empereur, et remarquablement autographiées, sont relatives à l'instruction,
à la culture intellectuelle, à tout ce qui fait la valeur réelle de l'homme. L'Académie
sera sans doute profondément touchée de ce beau cadeau. »
M. Schefer, président, annonce que l'Académie a décidé de maintenir au concours,
pour le prix Bordin à décerner en 1894, la question relative à la langue berbère, en
réduisant le programme de cette question à ces mots : Etude sur les dialectes ber-
bères.
M. Delisle présente le Catalogue raisonné de la collection de deniers mérovingiens
de la trouvaille de Cimie:^, rédigé par feu M. Arnold Morel-Fatio (qui était proprié-
taire de cette collection et qui en a fait don à la Bibliothèque nationale), publié par
M. Chabouillet, et V Inventaire sommaire des monnaies mérovingiennes de la collec-
tion d'Amécourt acquises par la Bibliothèque nationale, rédigé par M. Maurice Prou.
M. Deloche, à propos de cette dernière présentation, propose de voter des remer-
ciements à M. Delisle pour le zèle qu'il a mis à assurer à la collection nationale du
(>abinet des médailles l'acquisition de la collection de M. le vicomte de Ponton
d'Amécourt.
L'Académie adopte par acclamation la proposition de M. Deloche.
M. Paul Meyer communique des détails sur un manuscrit de la cathédrale de
Durham, qui renferme un recueil d'histoires édifiantes, composé, dans la seconde
moitié du xiii'^ siècle, par un franciscain anglais ou irlandais. Les récits de faits
miraculeux y abondent. Plusieurs de ces faits sont donnés par l'auteur comme récents
et garantis par le témoignage de tels ou tels de ses contemporains. Parmi ceux-ci, il
nomme des personnages dont le nom est resté dans les lettres ou dans l'histoire,
tels que saint Bonaventure, Roger Bacon, Thomas O'Quin, évêque de Clonmacnois,
et Albert, archevêque d'Armagh.
M. René de la Blanchère met sous les yeux des membres de l'Académie un dip-
tyque de plomb qui a été trouvé dans les fouilles exécutées par le service beylical
tunisien des antiquités et des arts, à Sousse (Hadrumète), sous la direction de
M. Doublet. Ce monument, qui renferme, dit M. de la Blanchère, une figure de
Vénus et l'Amour d'un caractère tout particulier, semble jusqu'à présent unique.
M. Oppert communique l'analyse d'un contrat babylonien, daté du i4ador de l'an
42 de Nabuchodonosor tfévrier-mars 562 avant notre ère) et relatif à deux esclaves
donnés en gage pour une dette. Ces deux esclaves sont une mère et son fils, la pre-
mière appelée Alihat-abisu (littéralement» sœur de son père », c'est-à-dire ressem-
blant à son père}, l'autre Barachiel. Leur maîtresse, Gagâ, se réserve le droit de gar-
der chez elle le jeune garçon qu'elle assigne en gage à son créancier et ne livre à
celui-ci que la mère; elle s'oblige, par compensation, à fournir chaque année une
robe pour l'habillement de celle-ci.
M. Viollet signale l'intérêt d'une ordonnance royale, inédite et inconnue jusqu'ici,
en date de février i358, qui fut rendue sur la demande des Etats généraux des pays
de langue d'oïl, alors assemblés à Paris. Le texte en a été retrouvé par M. Viollet aux
archives de la ville de Tours. Par cet acte, le dauphin Charles, régent, révoque tou-
tes les concessions faites jusqu'alors aux Etats particuliers des diverses provinces du
royaume.
Ouvrages présentés (outre ceux qui ont été mentionnés ci-dessus) : — par M. Bar-
bier de Meynard : Basset (René>, Documents musulmans sur le siège d'Alger en
i54t ; — par M. de Boislisle : Tamizey de Larroque (Ph.), Hercule d'Argillemoni
(extrait des Actes de l'Académie nationale de Bordeaux ; — par M. Paul Meyer :
Annales du Midi, dirigées par Antoine Thomas, tome IL
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
I.e fuy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 46 — 17 novembre — 1890
Sommaire x 489. Thibaut et Sudhakara Dvivedi, La Pancasiddhantika. — 490'
Fleet, Recueil des inscripiions de l'Inde, III. — 491-492. Christ, Platon. — 49-^-
Urbini, La patrie de Properce. — 494- Catulle, p. p. Em. Thomas. — 495. Corssen,
L'Altercatio de Simon et de Théophile. — 496-497. Corréard, Histoire de l'Eu-
rope et de la France. — "^g^- Camus, Les manuscrits français de la bibliothèque
d'Esté. — 499- Saint-Bris, L'empire d'Amaraca. — boo. Turba, L'expédition de
Charles-Q.uint contre Alger. — Soi. Prou, Peiresc et la numismatique mérovin-
gienne. — 5o2 La Bruyère, p. p. Servois et Rebelliau. — 5o3. Habasque, Le
dernier duc d'Aquitaine, Xavier de France. — Chronique. — Académie des
Inscriptions.
489. — G. Thibaut et Mabâmahopâdhyâya Sudhakara Dvivedî : Tlie l»anclia-
sicldliàntîkà, the Astronomical Work of Varâha Mihira. The Text, edited with
an Original Commentary in Sanskrit and an English Translation and Introduction.
Printed by E. J. Lazarus and Co,, at the Médical Hall Press, Benares, 188g. —
LXI-61-1 io-io5 pp. in-4.
Les indianistes n'ont ceitainement pas oublié le beau mémoire dans
lequel M. Thibaut a communiqué les premiers résultats de ses études
sur la Pancasiddhantika dQ Varâha ' Mihira. Depuis VAryabhaiiya de
M. Kern 2, il n'avait rien été publié d'aussi important pour l'histoire de
Tastronomie hindoue. Ici, c'est le texte même de ce curieux traité que
nous donnent M. T. et son savant collaborateur, le pandit Sudha-
kara Dvivedî. La Pancasiddhantika est un karana, un manuel pratique
d'astronomie ou plutôt de comput. Elle n'offre donc pas cet intérêt va-
rié, s'étendant à toutes les branches de l'archéologie, qui fait la valeur
pour nous de la Brihatsamhita du même auteur. Mais elle en présente
un autre qui, pour être concentré sur un seul point, n'est pas moindre
pour l'historien. Comme l'indique le titre du traité, Varâha Mihira y a
résumé les données et la doctrine de cinq siddhdntas, probablement ceux
qui faisaient autorité de son temps, le Vâsish/ha, le Romaka, le Pau-
liça, qui sont perdus, le Paitàmahaou Brâhma, qui doit être également
considéré comme tel, tant la tradition dont il a été le germe, a été rema-
niée et amplifiée avant de nous parvenir, enfin le Sûryasiddhânta, que
nous possédons, mais dans une recension sensiblement différente de
celle que Varâha Mihira a connue. Ces textes qui représentaient l'infil-
tration graduelle, dans l'Inde, de l'astronomie grecque, sont soumis ici
par Varâha Mihira à une étude comparative bien sommaire et plus faite,
la plupart du temps, pour éveiller notre curiosité que pour la satisfaire.
1. Joiint. of the Asiatic Soc. of Bengal, LUI (1884^ p. 259 et s.
2. Cf. Rev. dit. du 17 avril 1875.
Nouvelle série, XXX. 46
320 REVUE CRITIQUE
mais qui, malgré toutes ses lacunes et ses imperfections, n'en est pas moins
la seule qui nous soit parvenue. Et ce n'est pas seulement à ce titre
qu'elle est unique. Varàha Mihira, en dépouillant ces textes, ne choisit
pas, comme l'ont fait ses successeurs, l'un d'eux pour en faire une auto-
rité révélée et infaillible : il les apprécie librement et lui, qui, dans ses
autres ouvrages, nous apparaît comme le plus crédule des hommes,
fait ici œuvre de critique.
Malheureusement ce traité qui, à tant d'égards, est hors de pair dans
la littérature scientifique de l'Inde, nous est parvenu dans un état très
peu satisfaisant. On n'en connaît jusqu'ici que deux manuscrits, sans
commentaire, tous deux découverts par M, Blihler et acquis par lui
pour le gouvernement de Bombay (1876 et 1880). Les enquêtes ulté-
rieures n'ont rien ajouté à ces matériaux, dont les éditeurs ont dû se
contenter, sous peine de différer indéfiniment la publication d'un texte
qui, même dans un état imparfait, est un document de premier ordre.
Les citations de la Paficasiddhântikâqui sont éparses dans la littérature
astronomique et qu'ils ont recueillies avec le plus grand soin, leur ont
fourni un supplément d'informations. Mais, même avec ce secours, il
leur a été impossible de produire une édition proprement dite. Au lieu
de se buter contre la difficulté, ils l'ont tournée. Avec un heureux mé-
lange de prudence et d'audace, ils ont publié un double texte, l'un di-
plomatique, l'autre restauré. Chaque page est divisée en deux colonnes.
Dans celle de gauche, ils ont fidèlement reproduit le meilleur des deux
manuscrits, celui de 1880, en réservant le bas de la page pour les varian-
tes de l'autre, beaucoup moins correct : dans la colonne de droite, ils se
sont efforcés de retrouver ce que 'VahâraMihira a dû écrire. Ce qu'il leur a
fallu, pour ce travail de restauration, d'ingénieuse critique philologique,
de science profonde de la technique hindoue et, outre cela, de simple et
bonne patience, est difficile à imaginer. * Ce n'est pas exagérer », nous
dit M. T. et tout lecteur compétent l'en croira sans peine, « que
(■ d'affirmer que le temps et l'elfort de pensée consacrés à ce volume,
« auraient suffi amplement pour éditer vingt fois son contenu d'un
« texte ne présentant que les difficultés normales ». Le texte ainsi res-
tauré a été expliqué et justifié dans un commentaire sanscrit original
qui s'adresse en première ligne aux lettrés indigènes, par le pa;z^it Su-
dhâkara Dvivedî, aussi profondément versé dans la science pure des
mathématiques que dans leur histoire chez les Hindous. Un autre com-
mentaire, plus court, se trouve intercalé dans la traduction anglaise de
M. T. Les auteurs de ce beau travail peuvent se rendre le témoi-
gnage qu'ils n'ont cherché à éviter aucune des difficultés de ce
texte embarrassant. Ils les ont toutes abordées de front et ils en ont
résolu la plupart de la façon la plus satisfaisante. Pour celles qui ont
résisté à leurs efforts, il est peu probable que d'autres soient de sitôt
plus heureux. Ilesttel cas pourtant où M. T. me semble avoir péché
par un excès de scrupules. Ainsi pour XV, 4, l'explication qu'il propose
d'histoire et de littérature 327
avec hésitation, est évidemment la bonne. Je ne trouve rien de si étrange
dans l'observation de Varâha Mihira que, pour les Pitris habitant la lune,
l'éclipsé de soleil dure quinze jours. Ne vient-il pas de définir cette
éclipse comme résultant de l'interposition de la lune entre le soleil et
un spectateur quelconque et, pour appuyer encore davantage, d'ajouter
la remarque que cette éclipse a lieu à chaque instant en quelque point
de l'espace? La nuit lunaire n'est donc qu'un cas particulier de sa défi-
nition générale, et, s'il le relève, c'est qu'il tient à protester à sa façon,
c'est-à-dire ingénieuse et un peu recherchée, contre l'explication vul-
gaire, qui voit dans cette éclipse Toeuvre du monstre Ràhu. Seulement
il a dû laisser incomplet le dernier pdda, qui ne s'applique qu'aux
Pitris habitant la face de la lune opposée à la terre. J'imagine que, si la
stance lui en avait laissé la place, il aurait dit quelque chose comme
ceci : « (pour les uns), le milieu de l'éclipsé est marqué par la pleine
« lune ; (pour les autres, par la nouvelle lune) », ce qui eût coupé court
à toute incertitude. De même je ne vois rien d' incompréhensible dans
les deux vers suivants, où il est dit que les dieux habitants du Méru, la
montagne du pôle nord, ne voient jamais le soleil éclipsé, la lune et le
soleil étant trop bas par rapport à eux pour pouvoir jamais se masquer
l'un l'autre. Pour comprendre cette perspective imaginaire, il suffit de
se figurer le Méru suffisamment haut. L'explication, il est vrai, suppose
chez Varâha Mihira un singulier mélange de représentations populaires et
de notions exactes sur les dimensions de l'univers. Mais sous ce rapport
il ne faut pas compter trop rigoureusement avec un homme chez qui ce
ne serait pas là le seul cas de celte sorte d'atavisme intellectuel.
Dans uue longue et admirable introduction, M. Thibaut a repris
l'ensemble des questions historiques que soulève la Pancasiddhântikà.
11 a montré comment les données fournies par Varâha Mihira sont
à répartir entre les différents Siddhântas, ce qui n'était pas une tâche
facile avec les indications clair-semées ou peu précises de l'auteur et en
l'absence d'un commentaire pouvant y suppléer au nom de la tradi-
tion, lia déterminé ensuite, autant que possible, les caractères généraux
de chacun de ces ouvrages, tels que Varâha Mihira les a connus, la
nature de leur doctrine, les sources probables de cette doctrine, l'épo-
que de son introduction dans l'Inde, la façon dont elle s'y est intro-
dnite et les vicissitudes qu'elle y a subies. Pour toute cette astronomie
des Siddhântas et pour les questions historiques d'influence étrangère
qu'elle implique, c'est dans cette introduction qu'il faudra désormais
chercher le dernier mot,
A. Barth.
328 RKVUE CRITIQUE
490. — Corpus lnscrI|>iîonunï iiKlienfum. Vol. III. Inscriptions of the early
Gupta Kings anJ their successors, by John Faiihfull Fleet. Calcutta, printed by
ihe superinlendent of Government printing, 1888, in-4, 194 et 348 p., xlv plan-
ches.
Il a été rendu compte dans la Revue critique {n° du 29 nov. 1879) du
premier volume de ce vaste et important Recueil des Inscriptions de
rinde, entrepris par ordre du Gouvernement anglais. On sait que le
premier volume a été rédigé par Sir A. Cunningham et comprend tou-
tes les inscriptions alors connues d'Asoka. Le second volume n'a pas
encore paru : sa rédaction, à raison du nombre et de la variété des maté-
riaux se rapportant aux premiers siècles avant ou après Tère chrétienne
nécessitera encore quelque retard; mais le tome troisième, qui est tout
entier consacré aux rois Guptas et à leurs contemporains et successeurs,
a pu être mené plus rapidement à bonne fin. Il est aussi l'œuvre d'un
seul homme, M. Fleet, indianiste consommé, préparé depuis longtemps
à ce grand travail, par ses nombreuses études épigraphiques.
Dans une longue introduction, de près de deux cents pages, M F.
donne d'abord la généalogie et la chronologie des rois Guptas, des rois
de Valabhi et indique la méthode pour calculer les différentes ères usitées
dans l'Inde, telles que l'ère de Vikrama, des Sakas, des Guptas. Il expli-
que ensuite quelques points de l'astronomie indienne, comme le cycle
de Jupiter, les nakshatras etc., qui sont souvent mentionnés dans les
inscriptions et il termine par un aperçu de la chronologie ancienne du
Népal dans ses rapports avec les Guptas. Le chapitre le plus important
est celui relatif à la détermination de l'ère des Guptas. On sait combien
les savants d'Europe ont varié sur la date exacte à laquelle a commencé
cette ère qui a été placée tour à tour en 166, 190, 194, 200 de J.-C.,
M. F. fait l'historique de tous les systèmes proposés successivement par
J. Prinsep, Reinaud, Cunningham, E. Thomas, Bayley, J. Fergusson,
Biàhler, Oldenberg et R, Hoernle. L'étude de ces variations est intéres-
sante pour montrer comment la science est souvent obligée de procéder
par tâtonnements, avant d'arriver à la vérité. La date de cette ère est
fixée aujourd'hui à 3 1 9 de J -G. Il est bon de faire remarquer à ce sujet
que ce que nous appelons ère des Guptas est une expression conven-
tionnelle moderne, car les rois Guptas, dans leurs inscriptions, n'em-
ploient jamais que les mots samvatsara, samvat qui signifient simple-
ment « année » sans indiquer le point de départ de leur comput — la
plus ancienne date énoncée par eux dans leurs monuments est de l'an 82
— aussi M. F. a-t-il pensé, non sans quelque raison, que ce mode de
comput n'avait pas été créé par le fondateur de la dynastie (le maharaja
Gupta), mais avait été emprunté par un de ses successeurs aux Lich-
chavi du Népal, puissante famille royale à laquelle les Guptas étaient
alliés et qui se sont servis de l'ère de 819, même après l'adoption, au
Népal, de l'ère de Harsha qui est de 606. L'appendice qui se trouve à
la fin de l'introduction contient un mémoire important sur la chrono-
d'histoire et dk littérature 32g
logie de ces anciens rois du Népal d'après les ciiartes publiées par Bhag-
vanlal en 1880, Reprenant le travail de ce Pandit, dont la plupart des
dates étaient erronées, et mettant à profit les découvertes toutes récentes
de M. C. Bendall, M. F. a établi d'une manière très claire que les char-
tes de ces princes doivent se rapportera l'ère de 3ig ou à l'ère de 606,
suivant qu'elles émanent des Lichchavi ou des Thakhuri, autre famille
régnante au Népal à partir du vif siècle.
La deuxième partie du Corpus est consacrée à l'étude des inscriptions
émanant soit des rois Guptas, soit des princes feudataires contemporains,
soit même de particuliers mais avec la mention des règnes. Chacun de ces
textes est reproduit en photographie, avec transcription en caractères latins
[ce qui vaut mieux que la transcription en sanscrit moderne) et une
traduction anglaise. Les n°s i à 16 comprennent les inscriptions des
rois de la première dynastie des Guptas; elles sont presque toutes datées,
sauf pourtant la première et la plus célèbre qui est Tinscription du
pilier d'Allahabad, sur l'interprétation de laquelle on a tant varié de-
puis 1834 époque de la première publication. Il est reconnu aujour-
que cette inscription esi posthume, c'est-à-dire qu'elle a été rédigée en
l'honneur du roi Samudra-Gupta et après sa mort, par son fils Chan-
dra Gupta II vers le commencement du v^ siècle. On sait Timpor-
tance capitale qu'a ce texte pour la nomenclature des peuples étran-
gers et des différentes dynasties de Tlnde à cette époque. C'est à l'aide
de ces divers monuments, et aussi avec les monnaies d'or et d'argent
frappées par ces souverains, que l'on a pu établir, d'une manière à peu
près certaine, leur chronologie. Et cependant tout n'est pas définitif
dans ces conquêtes de la science, on vient d'en avoir une preuve par
la récente découverte faite dans l'Inde, d'un sceau de Kumâra Gupta II,
qui contient une généalogie un peu différente de celle des inscriptions,
en sorte que le Tableau généalogique donné par Fleet doit être déjà
modifié.
Parmi les inscriptions n°s 17 à 3/ consacrées aux princes contempo-
rains, je citerai celles (n"^ 19 et 20) trouvées à Éran, datées des années
i65 et 191 et qui sont d'une grande importance pour la chronologie de
Budha Gupta l'un des rois de la branche de Malava,et les deux inscrip-
tions (n"^ 36 et 3j) d'Éran et de Gouâlior, émanant des rois Hunas To-
ramâna et Mihirakula. Ces deux souverains, dont les noms apparais-
sent pour la première fois dans les inscriptions, étaient déjà connus
par la chronique indigène, le Rajatarangini, et par les mémoires de
Hiouen Thsang, mais leur identification n'est pas encore certaine. Il
existe en outre des monnaies au nom de Toramâna et de Mihirakula,
et une inscription trouvée en 1889 à Kura dans le Penjâb, mentionne
un roi Toramâna avec l'épithète de shdhi, titre d'origine iranienne, usité
dans l'Inde depuis Kanichka et adopté uniquement par les rois étran-
gers au sol. M. Biihler prépare une interprétation du texte de Kura, cette
publication jettera sans doute beaucoup de clarté sur la question encore
330 REVUE CRITIQUE
obscure de la domination des Huns blancs dans l'Inde, sans toutefois
résoudre le problème. M. F. place vers 5i5 la date de la mort de Tora-
màna et fait remonter son accession à l'an 463, lui donnant -ainsi cin-
quante-deux ans de règne afin d'expliquer la date 32 qui se trouve sur
une monnaie d'argent de ce monarque. Peut-être vaut-il mieux suppo-
ser que cette date se réfère à l'ère des Hunas, c'est-à-dire à leur établisse-
ment dans le N. de Tlnde, surtout si, comme l'a proposé Cunningham,
il faut lire 82 au lieu de 52, sur la monnaie en question.
Je mentionnerai encore les curieuses inscriptions de Yasodharman
(le vainqueur de Mihirakula), de Dharasena II et de Siladitya rois de
Valabhi, la grande inscription d'Aphsad, en 28 lignes, et celle du roi
Jivita Gupta II, toutes deux écrites en caractères kutila, très importan-
tes pour la généalogie des Guptas de Magadha au vii<= siècle, cinq ins-
criptions concernant Tancienne famille des Maukharis très répandue
dans le N. de l'Inde, et un certain nombre de plaques gravées et de
sceaux. Enfin M. F. a inséré dans son recueil, sous le titre de Miscel-
laneous, divers documents se rattachant à l'histoire dePInde, parmi les-
quels une inscription du Népal, de l'an 386, mentionnant le nakshatra,
et une charte de l'an 586 relatant une éclipse solaire. Nous arrêterons
ici notre analyse des textes, ce que nous en disons suffira à donner une
idée de leur valeur historique.
La langue de toutes ces inscriptions est du sanscrit de la bonne épo-
que, avec quelque variantes orthographiques et lexicographiques soi-
gneusement relevées par Pauteur. Un assez grand nombre des inscrip-
tions ont des lacunes qui ont exigé des restitutions souvent conjecturales.
Il est certain que plusieurs des traductions devront être reprises ;
quelques-unes ne sont pas très intelligibles, ce qui peut s'expliquer, vu
le mauvais état des monuments et le style emphatique de la littérature
lapidaire. — L'alphabet de nos inscriptions, est l'indo-pali, il n'est plus
question de l'alphabet arien ou bactrien du Nord-Ouest qui, encore
employé par les rois Indo-Scythes, a disparu définitivement de l'Inde
vers le 11" ou m" s. de notre ère, et a été remplacé par l'alphabet dit du
Sud Est qui formait déjà l'écriture de la plus grande partie des édits
d'Asoka. C'est cet alphabet indo-pali qui est devenu la source de toutes
les écritures de l'Inde. Au iv'' s. il a une physionomie particulière, dont 1
le type se trouve dans l'inscription d'Allahabad et dans la plupart des I
textes des premiers Guptas. Mais, en dehors de cet alphabet général du
nord de l'Inde, il existe d'autres écritures qui procèdent du précédent
et qui se différencient d'une manière notable suivant les provinces. ,^|
M. F. a donné à ces variétés les noms de southern (méridional), box-
headed « à tête carré en guise de mâtra », nail headed type « cuspi-
diforme » et kutila « courbé » mais ces dénominations sont encore in-
suffisantespour rendre touteslesvariétés : l'inscription de Pravarasena II,.
par exemple (n° 55 pi. 34), a le haut des lettres creusé en boules, ce qui
donne un aspect singulier à l'ensemble; les caractères des inscriptions.
d'histoire et de littérature 33 1
nos ^o, 41, 5o, 56, etc. ont aussi une forme toute particulière qui rap-
pelle récriture mongole dite Pa-sse-pa. Il aurait été intéressant de rele-
ver dans un tableau synoptique toutes ces diverses écritures; M. Fleet
dit bien que ce travail mériterait un traité spécial, mais il est à craindre
qu'il ne le publie jamais, pas plus que le commentaire historique et phi-
lologique des inscriptions. Aussi est-ce une lacune regrettable qui va
causer bien du souci aux paléographes.
Je ne peux non plus m'empêcher d'exprimer quelque regret au sujet
des fac-simile photolithographiques qui sont loin d'être tous exécutés
avec le soin désirable. La grande inscription d'Allahabad, par exemple,
les planches contenant les inscriptions de Kumâra Gupta (n° 5), de
Skanda Gupta (n» 8), de Visvavarman (n» 10), deSarvanatha (n^ 20), de
Saliditya VII (n» 25), de Jivita Gupta II (n^ 29), de Sanchi (n» 29), de
Samudrasena (n° 44) sont presque illisibles. Par contre il y en a qui
sont des merveilles, je citerai : le sceau de Sarvavarman, les inscriptions
de la grotte de Nagarjuni, les plaques de Raypur, d'Arang, et de Tirava-
deva, les chartes deDharasena II,deVishnuvardhana, de Jayanatha, etc.
où l'on voit se dérouler toutes les formes gracieuses et variées des diffé-
rents alphabets.
Le Corpus se termine par un index de tous les termes techniques,
noms propres et géographiques contenus dans les inscriptions. Ainsi que
je l'ai dit en commençant, la publication de ce volume est une œuvre
considérable qui mériterait les suffrages et les récompenses réservés par
les Académies aux grands travaux d'érudition. Les quelques critiques
qui ont été faites n'atténuent en rien la valeur de l'ouvrage et ne doi-
vent pas empêcher de rendre hommage au savant qui, au prix de grands
efforts et d'un labeur de plusieurs années, a su constituer le vaste ré-
pertoire dont j'ai essayé de donner une idée.
E. Drouin.
4gi. — Platon. Apologie et Crîton, par A. Th. Christ. Leipzig, Fieytag, 1889.
492. — Eiitliyphi-on et Goi^gias, par le même. Vienne, Tempsky, 1890.
Dans ces différentes publications, M. Christ ne poursuit pas d'autre
but que de faciliter la lecture de Platon aux maîtres comme aux élèves
des « gymnases » allemands; son intention est de leur présenter un
texte aussi rapproché que possible de la tradition. Il a pris comme base
de son texte la révision de M. Schanz, tout en s'en écartant sur un cer-
tain nombre de points, qu'il a soigneusement énumérés dans la préface
des deux dernières brochures. Les introductions, sobres et claires, sont
destinées à mettre le lecteur au courant des questions philosophiques
traitées par Platon et à indiquer la marche du dialogue.
A la suite du texte, un relevé des noms propres qui s'y rencontrent
donne au lecteur les indications biographiques nécessaires. Le travail
de M. Christ n'offre rien de particulièrement original, mais, tel qu'il est,
il nous paraît bien répondre au but que l'éditeur s'est proposé.
E. Baudat.
332
REVUE CRITIQUE
4q3. — Lo patria dl Pi'opei'zlo. Studi e polemiche di Giulio Urbini. Turin,
Loescher, i88g, in-12 de 211 p. Prix : 3 fr. 5o.
Dans ce volume sont réimprimées et mises au courant les publications
antérieures de l'auteur sur la question de la patrie de Properce. Le
dernier critique qui eiàt traité le sujet était M . F. Plessis. Tout en faisant
le plus grand cas du livre du professeur français sur Properce, M. Urbini
se sépare de lui sur le point spécial de ses recherches : M. Plessis con-
cluait pour Assise, avec quelques doutes en faveur de Spello ; M. Urbini
rejette résolument Assise et conclut pour Spello . Un appendice biblio-
graphique sur les manuscrits, éditions et traductions de Properce est
joint au volume ^ On aurait pu d'autant mieux éviter, à la fin, l'en-
combrement des polémiques locales, que le travail qui précède est
consciencieux et solide.
P. N.
494. — C Valerî Cutulli libei*. Les Poésies de Catulle. Traduction en vers
français par Eugène Rostand. Commentaire critique et explicatif des poèmes
LXiv-cxvi, par Emile Thomas, professeur à la Faculté des lettres de Lille. Paris,
Hachette, 1890, xvi et 272 pp.
M. Thomas a bien voulu consentir à achever l'œuvre commencée
par M. Benoist, dont nous avons rendu compte ici, il y a quelques
années 2. H s'est acquitté de ce pieux devoir avec la conscience et la
compétence qu'on lui connaît. Il mérite notre très sincère reconnais-
sance.
Deux circonstances rendaient la tâche de M. Th. à la fois plus facile
et plus difficile que celle de son prédécesseur. D'abord, il se trouvait en
piésence d'un plan tracé et d'un texte constitué. Ensuite, on avait
publié, dans l'intervalle, deux commentaires considérables sur Catulle,
deux nouvelles éditions du texte, et une multitude d'opuscules, de mé-
moires, d'articles de revues, etc.
Dans le modèle à suivre, on aurait pu voir surtout une gêne.
M. Th. déclare s'en être volontiers accommodé: « En supposant même,
dit-il ^, que les circonstances m'eussent laissé plus de liberté, je crois
que j'aurais tâché de réunir... à très peu près comme l'a fait M. Be-
noist, tous les éléments d'une étude approfondie sur chacun des poè-
mes. M De toutes façons donc, il est inutile de renouveler les regrets pré-
cédemment exprimés ^ et que les lecteurs ne manqueront pas d'éprou-
1. .M. U. ne sait pas que la question des anciens mss. de Properce a été reprise à
nouveau dans Nolhac, La Bibliothèque de Fulvio Orsiiii, 1887, p. 232-235 et p. 456
— P. ii5, au lieu de Paoio III, lire Alessandvo Farnese. — P. i23, 1. 3i, lire
Turnèbe.
2. Revue critique, i883, I, p. 343.
3. Page IX, note i .
4. Revue critique, i883, 1, p. 343.
d'histoire et de littérature 333
ver encore cette fois ■. J'étendrai seulement à plusieurs séries de remar-
ques concernant la grammaire et le style, l'observation faite autrefois
sur les notes relatives à la métrique '; c'est qu'elles gagneraient à être
groupées ^
La nécessité d'expliquer un texte qu'il n'avait pu établir lui-même, a
été bien plus pénible à M. Th., il le déclare franchement *, et cela se
sent en maint endroit. Il lui arrive assez souvent de recommander une
leçon et d'en commenter une autre, du bout des lèvres^ naturellement^.
Ailleurs il est obligé de s'affranchir tout à fait, et de refaire son texte,
afin de pouvoir l'expliquer avec conviction ^. Une ou deux fois, il
ignore la provenance de la leçon adoptée ', En tout cela, le lecteur
équitable tiendra compte des nécessités imposées par les circonstances.
On sait, par les autres éditions de M. Th., qu'il n'a pas l'habitude de se
retrancher derrière des autorités ni de se contredire lui-même.
Les commentaires de Riese et de Baehrens, la nouvelle édition
de celui d'EUis, les textes de Schwabe et de B. Schmidt, entourés
de tant d'éléments d'un commentaire explicatif, les écrits des Magnus,
des K. P. Schulze, des Harnecker, et de tant d'autres qui se sont occu-
pés de Catulle depuis M. Benoist^ ont sur bien des points aplani le
chemin que M. Th. avait à parcourir. Il leur a emprunté ce qu'il a
jugé propre à éclaircir le texte et qui rentrait dans le cadre de son
commentaire. Inutile de dire à ceux qui connaissent les autres tra-
vaux de M. Th., qu'il a agi en cela avec une parfaite indépendance de
jugement.
1. En particulier, dans ce volume, la longueur des poèmes 64 à 68 rend très gê-
nante l'absence de tout point de repère en marge ou au haut des pages. La pièce 75,
transposée à la p. 752, est oubliée à la table, p. 835, et à peu près introuvable.
2. Dans ce volume, on a réuni en effet la plupart des notes relatives à l'hexamètre,
p. 565, et au pentamètre, p. 647. Pour en finir de la métrique ici aussi en une fois,
je ne comprends pas, 65, 17, comment le vers spondaïque peut exprimer un « mou-
vement rapide »; il semble que ce serait plutôt le contraire; et 76, i (p. 754) la
coupe du vers est bien plus répréhensible que 686, 9 (49) ; il y a double fin de vers.
3. Je veux parler des remarques comme 64, 93 ('92) sur cunctus, et 69, 8 sur bellus,
etc., qu'on pourrait faire aussi bien à chacun des passages où ces mots se trouvent,
et qu'on ferait mieux une fois pour toutes dans l'Introduction; ou comme 89, 2 sur
uenusta, et d'autres, dont l'intérêt ne consiste qu'à attirer l'attention sur la diffé-
rence de style observée entre les trois groupes de poèmes de Catulle; question à
traiter également dans l'Introduction plutôt qu'incidemment. Les remarques 64, 67
(56) sur ut pote (voir pourtant Hor. sat. \, 5, 94); 64, 199 (198) sur quae qiioniam;
686, 5 (45) sur porro, réunies, auraient donné lieu à une observation générale sur
le style de Catulle. Catulle, presque autant que Lucrèce, emploie les particules dont
l'usage fut dans la suite limité à la prose, praeterea, namque, quare, quoniam,
quandoquidem, etc. (Voir Riese, Introd. p. xxv). Qjii après un point produit le même
effet prosaïque sur notre oreille accoutumée à Virgile et Ovide.
4. Page IX, note i .
5. 65, 9 suiv.; 82, 4; 87, 4 et 5 ; 91, 3 ; etc.
6. 64, 3oi (299); 66, 59 ; 686, 61 ; etc.
7. 64, 179 (178), et 1 10, 7, où M. Th. pense qu'il y a une conjecture de M. Benoist
fest facinus).
334 RRVUE CRITIQUE
Mais dépouiller toute cette littérature, en partie peu accessible, n'était
pas petite aliliire. On a écrit sur Catulle, depuis dix ans, l'équivalent de
quarante fois au moins le volume de ses oeuvres; et, sans faire injure
aux auteurs de ces écrits, ils ne sont pas tous aussi agréables à lire que
Catulle lui-même. De plus, ils ont peu laissé à dire. Il devient difficile
aujourd'hui, en parlant de Catulle, d'être original sans tomber dans le
paradoxe ou la subtilité, défauts dont M. Th. a su fort heureusement
se garder. « Malgré tous les efforts des savants, nous dit M. Th. ', dans
la biographie du poète comme dans l'établissement du texte, le dernier
mot n'est pas dit, tant s'en faut ; les anciens problèmes n'ont pas trouvé
leur solution, et les questions qui concernent Catulle, pour être posées
autrement, restent toujours sans réponse et au fond presque sans chan-
gement. » Cette dernière affirmation n'est-elle pas effrayante? Ne devrait-
elle pas servir tout au moins d'avertissement ? Ne serait-il pas temps de
reporter ses efforts sur tant d'auteurs moins étudiés, à propos desquels
on ne serait pas réduit à tourner et retourner toujours les mêmes argu-
ments, à prendre parti dans des controverses anciennes, au lieu de sou-
lever, avec quelque chance de les résoudre, des problèmes nouveaux?
Que d'auteurs qui attendent encore une édition critique, quand Catulle
en compte dix ou douze ; un commentaire, quand il en existe quatre
ou cinq sur Catulle; des études biographiques, littéraires, grammatica-
les, etc., quand Catulle en est inondé! Je suis d'autant plus à l'aise pour
faire cette réflexion, que le commentaire dont je parle ici est le second
en date, le premier de langue française, et que, d'ailleurs, M. Th. s'est
très bien tiré de l'embarras qui naissait pour lui du trop de richesses.
S'il n'a pas vu absolument tout par lui-même, ce qui est presque im-
possible aujourd'hui, du moins en province 2, il possède une connais-
sance très étendue des travaux de ses devanciers ^, et, malgré tout, il a
1. Page 81 5.
2. Citons seulement une ponctuation nouvelle, que M. Th. aurait sans doute
adoptée, s'il l'avait connue : 94 « Mentula mœchatur. » « Mœchatur Mentula ? »
« Certe ». « Hoc est, » etc. (Muellenbach, dissertation de Bonn, i885 p. 35), et
une étude intéressante à ajouter à la p. 818 : W. Meyer, zu Catull's Gedichten,
Acad. de Munich, cl. de phil., i88y, H, p. 245.
3. Quelquefois, pourtant, leur pensée n'est pas rendue assez exactement. Ainsi on
nedoitplus attribuer à M. Riese l'hypothèse d'après laquelle la pièce 64 serait traduite
du grec, puisqu'il l'a rétractée p. 154 de son édition; 68 a, 40 Schmidt lit ultro et
non ultra; 71. 4. « On pourrait conserver a te » : c'est ce que fait Riese; 77, 5
« Baehrens défend eheu » : il combat heu heu! 80, 8 la conjecture de Baehrens
n'entraîne pas l'asyndète, puisqu'il explique labra notata (esse); 87, i ce n'est pas
ia)itum quantum en général, mais tantum quantum cum uerbis affeCtuum que
M. Overholihaus relève; 96, 3 Baehrens, à l'errata p. lx, àonnt venouam id est re-
uouamw ; 11 3, 4 Baehrens (p. 604) entend milia adulteriorum et non adulterorum;
1 i3, 4 El is lisait singlum en 1867; il lit (1878 et 1889) singula; 116, i Riese aussi
lit studtose, Schwabe recommande cette leçon en note seulement. Ailleurs on aurait
pu renvoyer à d'autres ouvrages. A propos de 64, 84 (83) ncc fiinera, il n'est pas
besoin de remontera Lambin; les notes d'EUis et de Baehrens sont plus instructi-
ves. Par contre, la remarque de Quicherat s\iv Dorica castra fVersif. lat. p. 397) en
d'histoire et 0e littérature 335
su ménager à son ouvrage certains mérites de nouveauté.
En ce qui concerne d'abord les sources du texte, M. Thi. nous donne
une nouvelle lecture du ms. G i, la sienne propre. Exercé comme il l'est
à l'étude des mss., venant après plusieurs autres, on peut admettre que
M. Th. n'aura guère laissé à glaner, et ses indications ont pour elles
la présomption d'être à peu près définitives. Pourtant, dans les menus
détails, il me reste quelques doutes sur des points où ma collation se
trouve d'accord avec celle de M. Schwabe contre celle de M. Thomas \
L'édition de M. Th. est aussi la première pour laquelle on ait utilisé le
ms. M, de Venise, trouvé par M. Schulze.
En second lieu , M. Th. non seulement s'est appliqué à réunir un choix
utile des conjectures qui ont été publiées çà et là dans ces dernières an-
nées, il en propose lui-même un certain nombre. Sans être de celles qui
s'imposent — on n'en fait plus guère de celles-là dans Catulle, et M. Th.,
qui le sait bien, présente les siennes avec une louable réserve — ces con-
jectures soutiennent l'examen fort honorablement ^.
Au sujet du commentaire explicatif, une question se pose nécessaire-
ment, ou plutôt M. Th. l'a posée * : à quelle classe de lecteurs ce com-
mentaire est-il destiné, aux gens du monde ou aux hommes du métier?
Et parmi ceux-ci, aux maîtres ou aux élèves? M. Th. répond qu'il n'a
pas en vue des amateurs en quête d'un simple délassement; il compte
sur des lecteurs qui voudront prendre la peine de « serrer de près les
textes », qui « tenteront d'approfondir », et de <» commencer une enquête
personnelle » sur les problèmes que soulève l'étude du poète. C'est à
ceux-là qu'il entend fournir les « matériaux nécessaires », le « moyen de
poursuivre » leur enquête. Voilà qui est clair. Il suffit d'ailleurs de lire
— • . r^
dit presque autant sur cette répétition, observée déjà par Bentley (Hor. c. 2, 20, 10),
que l'article de M. Biese cité par M. Th., 64, 240 (238). Sur potius qnam 64, 83 (82),
Riemann, Synt. lat. g 226 est bien supérieur à Kuehner; 686, 69, (log) et ailleurs,
on est étonné de voir Pline cité d'après l'édition Lemaire.
1. Ms. de Saint-Germain, aujourd'hui à la Bibliothèque nationale, latin 141 37.
2. 64,81 (80) inoema'Wï., inoeniaSch. et B. ; 64, 127 (i2Ô).<4 ttot, Action; 64, 408
(406) tifica de seconde main, fica, ifica;6b, 12 (i8j ejffluxisse, efluxisse ; 66, 60 auna,
auira; 65, 67 bootem, boothem; 66, 69 quaq, quamquam (quâq^) ; 77, i ne uicquam,
nequicquam ; etc. Cependant, sauf vérification nouvelle, c'est le dernier venu, M. Th.,
qu'on doit croire. Je n'ai pas bien compris d'après quel principe M. Th. tantôt imite
les abréviations de G, tantôt les résout ou les passe sous silence. 66, 55 j'ai cru lire,
dans le temps, que de première main, quia de seconde (abréviations),
3. 64, iio (109) per querceium omnia ou obuia ; 206 (2o5) quo tremuit ; 220 (219,
CMm; 239 (237) lux (pour aeias) ; 282 (280) Anauri (pour magnisj ; 352 {35o) cum
ad cinevem ; 387 (385) ueros (pour nereus); 66, 43 Acte ou Acta ; 66, ^^.Cephei; 66)
59 denique uti ou inde Venus; 66, j8 post una unguenti; 68 b, 29 169) aique ubi;
68 b, 61 (10 1) < circum > ou < laeta > ou < fama > ; 73, 4 etiam < factum > ;
lio, ^ cèpe ; iio, 7 est fatuae et; iii, ^ elicere ; ri2, 1 homo non descendit; 114,
62 < ibi >; 1 15, i Stabiis ou Sattici ou Firmi; etc. Ailleurs, comme 64, 2i3 (212);
68 6, 5 I (91) M. T. se borne à marquer le siège du mal ; ou encore il essaie d'y por-
ter remède par un changement de ponctuation, comme 87, 5 (75, i; ; 81, 6; 106, 2.
4. Page IX.
336 REVUE CRITIQUE
quelques pages du livre pour voir que c'est là le but auquel il tend, et
qu'il ne peut manquer d'atteindre. Bon nombre des notes exégétiques et
presque toutes les notes critiques supposent des lecteurs déjà initiés aux
études philologiques, ou tout au moins désireux de s'y faire initier; les
autres ne se soucieront pas de consulter ces pages-là, ou n'en seront pas
capables. Seulement alors, pourquoi toutes les notes ne sont-elles pas
faites pour ces mêmes lecteurs? Pourquoi quelques-unes ne font-elles
que fournir des rapprochements ou des observations qui n'éclairent pas
le texte ^ traduire en français les expressions latines % ou indiquer le
sens du texte, sans preuves à l'appui ^? Le public auquel M. Th. s'adresse
doit exiger qu'on justifie l'interprétation adoptée, ou tout au moins qu'on
la discute, qu'on réfute les opinions contraires, qu'on produise des ar-
guments en faveur de celle qu'on propose. C'est ce que M. Th. fait pres-
que toujours et fait excellemment en maint endroit. S'il ne le fait pas
partout sans exception, est-ce parce qu'il n'a pas voulu se montrer trop
exclusif? Ou bien est-ce une conséquence involontaire de la destination
primitive du livre, dont ia traduction en vers formait d'abord la partie
essentielle, et de l'aspect élégant que lui donnent le format in-i8, le pa-
pier teinté, l'impression Lemerre avec en-tête et culs-de-lampe ? Quoi
qu'il en soit, ce n'est pas nous qui nous plaindrons si, grâce à tout cela,
nos études peuvent gagner quelques recrues parmi les lettrés sérieux.
Le commentaire de M. Th., je viens de le dire déjà, remplit très bien
la tâche qui lui est assignée. Il est très propre à mettre le lecteur au cou-
rant des travaux relatifs à Catulle, et, de plus, à le diriger, à l'orienter
au milieu de cette littérature un peu touffue; enfin à éclairer quiconque
le consultera sur l'interprétation d'une pièce ou d'un passage. M. Th.
n'esquive aucune difficulté ^ S'il en est qu'il ne croit pas pouvoir résou-
dre, il les expose avec franchise et rapporte impartialement les différen-
tes solutions qui en ont été données, avec les arguments qu'on peut faire
valoir pour et contre chacune. Certaines personnes lui reprocheront
peut-être de rester trop souvent sans conclure, sans prendre parti ni pro-
1. 64, 12 « uentosum aequor. Cette épithète a été reprise par Virgile A. 6, 335 et
Horace, Odes, 3, 4, 46 ». Catulle n'a pas eu besoin d'inventer cette épithète ni les au-
tres de la lui emprunter. Elle est trop naturelle. 64, 229 (228)0 concesserit ut : cons-
truction dont on verra dans Merguet, Lexicon zu den Reden des Cicero, de très
nombreux exemples ». C'est une construction très commune, qui ne peut embarras-
ser personne. 64, 326 (324) « tutamen. On trouve encore ce mot dans l'Aen. 5, 262 »,
70, I « le datif nulli pris substantivement est rare»; etc.
2. 64, 372 (370) a proiciet : précipiter à terre. — truncum : séparé de la tête. —
summisso : s'inclinant, défaillant; » etc.
3. 64, 5 « Joignez Colchis auertere, et expliquez Colchis comme un ablatif. Cf. 408
nobis ». Mais 408 (406) on lit : « Nobis peut être également au datif ou à l'ablatif».
Ce rapprochement ne sert donc pas de preuve. 64, 275, (273) « cachinni est ici plu-
tôt au nominatif >. 63 a, 33 « scriptonmi est ici le génitif non de scriptores, comme
au v. 7, mais de scripta » ; 6g, 3 « donnez plutôt à l'adjectif le sens de précieux » ;
etc.
4. Je n'ai noté à cet égard que quelques rares oublis, comme 108, 4 sit data (le
parfait); 114 : quel est le sel de l'épigramme r
d'histoire et de littérature 337
poser des solutions nouvelles. Je serais plutôt porté à le louer d'une si
sage réserve. Non pas peut-être dans chaque cas particulier ', mais en
général; ni par principe, mais parce qu'il s'agit de Catulle. Le fait est
que tout n'est pas explicable dans Catulle. Vu la nature toute person-
nelle et, s'il est permis de dire, circonstancielle de sa poésie, le peu d'é-
tendue de son œuvre, et l'insuffisance de ce que nous savons sur lui par
d'autres auteurs, bien des passages — sans parler des poèmes savants,
abstrus par convention — restent forcément obscurs, et donnent lieu à
des hypothèses dont plusieurs peuvent atteindre une vraisemblance à
peu près égale. Mieux vaut en prendre son parti et se contenter de ba-
lancer les probabilités, que de s'obstiner à trancher les questions, au ris-
que de s'attacher à des erreurs. Et je n'entends pas parler seulement des
grandes controverses relatives à la pièce 68 ^, à Lesbie, à Rufus, etc.,
mais aussi bien du sens de tel ou de tel mot.
Il est impossible qu'à propos d'un ouvrage où sont traitées tant de
questions épineuses ou délicates, il ne s'élève quelques dissentiments en-
tre l'auteur et les lecteurs. Je n'entreprendrai pas de signaler ici tous
ceux que, pour ma part, j'ai notés au passage ^, pas plus que de relever les
petites taches, telles que fautes d'impression, etc., que le critique se fait
un devoir de rechercher la loupe à la main '^. Terminons plutôt en
1. Ainsi 64, 293 (2gi)fiaynmati Phaethontis ne peut se rapporter, selon moi, gram-
maticalement et d'après le contexte (so) ore), qu'à la mort de Phaéthon, et non à l'incen-
die qu'il causa; 64, 822 320) M. Th. donne deux explications de pellentes, et recom-
mande néanmoins la conjecture uellentes : si l'une des explications est bonne, la con-
jecture est de trop ; 65, 7 subter ne peut être adverbe, placé comme il l'est, et super-
ne obterere (chez Lucrèce d'ailleurs, 3, 801, siipenie va avec uvgerij ne saurait
justifier subter obterere; 73, 3 omnia sunt ingrata, d'après le contexte (omnia... ni-
hil) ne peut guère signifier : tous sont ingrats, mais seulement : tout ce qu'on fait de
bien est peine perdue.
2. En même temps à peu près que le volume de M. Th., il paraissait deux opuscu-
les, de W. Hœrschelmann (CatuU 68, Dorpat, 1890) qX àsTh-Bin {de Catulli ad Mal-
liumepistula, Marburg, 1890), qui reprennent après tant d'autres la question de sa-
voir si les vers 68, i à 160 forment deux poèmes ou un seul, et qui arrivent à des con-
clusions diamétralement opposées. Mais ils sont d'accord sur un autre point capital,
sur lequel M. Th. se serait sans doute laissé convaincre, c'est que 68 a, 10 les mots
mimera Musariim et mimera Veneris désignent deux choses distinctes.
3. 64, io3 (I02J oppetere praemia lundis est un zeugma bien dur ; mais oppeteret ne
convient piskmortem non plus-, il ia.u.dTa\t oppetiturus esset (loi cupiens contendere!);
appeieret me paraît nécessaire : Thésée désirait ou la mort ou la gloire; 82, 3 sû(r)r-
pere (et sû(rjrgere) ne peuvent justifier érpere (ni érgerej; 82, 4 sew me paraît seul
possible ; Catulle ne peut pas, au moment oîi il dit que sa maîtresse lui est plus chère
que ses yeux, mettre en doute qu'il existe quelque chose de plus cher que ses yeux;
ii3, 3 je ne vois pas que in unum puisse signifiera par unité ». Il faudrait in singu-
los. Le texte est sans doute altéré.
4. Les fautes d'impression ne sont pas rares. Quant aux autres petites inadvertan-
ces, voici de quoi montrer qu'elles ne sont pas bien graves : 64, 41 faix est ici la
serpe et non la faux. 68, préambule p. 692 : ce n'est pas Atticus, c'est Pomponius que
Cicéron emploie improprement après l'adoption de son ami ; 96 préambule : '< Quin-
tilie. .. la femme de Catulle »; lisez : «deCalvus». 116 N. cr. : «e?-»^c/a peut-il s'ap-
peler une crasei'Le terme d'allitération aussi est employé 73, 6; 83, 6 d'une ma-
338 REVUE CRITIQUE
louant comme ils le méritent les jugements portés, avec discrétion et à
propos, sur certains passages au point de vue littéraire ', les observa-
tions intéressantes sur les procédés du poète, ses imitations, ses recher-
ches 2, et en nous félicitant de l'heureux achèvement d'un si bel-et si bon
ouvrage.
Max Bonnet.
495. — Die Altercatio Simonls ludsel et Xlieoplitll Christian! auf ihre
Q.uellen geprûft von Peter Corssen. Berlin, Weidmann, 1890, 34 pp, in-8.
I M. 60.
V Altercatio est un texte latin publié pour la première fois par dom
Martène et depuis par M. A. Harnack dans ses Texte u. Untersuchun-
gen. M. P. Corssen, dont les travaux sur les versions latines de la Bible
sont bien connus, s'efforce de compléter et de rectifier les résultats obte-
nus par M. Harnack. En se fondant principalement sur la manière
dont les textes de l'Ecriture sont cités et sur la forme des raisonne-
nière insolite. Quelques titres d'ouvrages allemands sont transcrits incorrectement ;
p. XV et 817 (comp. 673) Neues Jahrbuch, pour : Neue Jahrbùcher ; p. 670 Philo-
logisches Verein ; p. 820 Catulls Forschungen ; p. 682 Wochenschrift (laquelle?);
p. 801 (112, i); « les Bezzenberger Beitrœge » : etc. Le nom du grand philologue an-
glais est Bentley et non Bentlei (66, 73 ; 91 ; etc ). Vittori 64, 37 est un compromis
inacceptable; il faut ou Victorius, ou, selon la fâcheuse mode du jour, Vettori (Statius
aussi, à qui M. Benoist p. 343, etc., et M. Th. p. 595, etc., avaient laissé ce nom adopté
par lui-même et consacré par une renommée de trois siècles, est appelé Estaço 66,
52 ,-98, I ; 99, 14). L'expression n'est pas assez claire 64, 42 ; 68è, 45 (85) aèis.fe, «au
figuré »; p. 567. « La foime la plus fréquente de l'hexamètre chez Catulle est:
— uu — uu — un — ux) — uu I ». L'expression est incorrecte 64, 121 « omnibus his :
plutôt (?) au neutre. Ce serait alors (?) le seul exemple (?) de Catulle où ces pro-
noms (?) fussent à (?) ce genre au datif. »
1 . Mais je ne prendrais pas, par exemple, la responsabilité d'un parallèle entre
Catulle et Rabelais! (p. 739).
2. Voir en particulier les préambules des pièces 64; 65 ; 66; 68 a et è (ici j'avoue
que je trouve M. Th. bien sévère); 85; 76 (p. 753); etc. Le caractère artificiel de la
pièce 64, que M. Th. analyse si bien p. 568 suiv., se manifeste encore par un trait
qu'on n'a pas assez relevé à ma connaissance : c'est que Catulle néglige d'une manière
choquante d'entrer dans les situations qu'il suppose. Poète subjectif de premier or-
dre, il commet des bévues dans la poésie objective. C'est ainsi que s'explique l'inad-
vertance par laquelle 64, 54 (53), il prête une flotte à Thésée, après avoir dit que l'Argo
fut le premier vaisseau, et l'anachronisme beaucoup plus choquant qui consiste à
mettre l'histoire d'Ariane sur une tapisserie qu'on voit aux noces de Péiée, antérieures
de dix ou quinze ans, d'après la mythologie, à cette même histoire! De même encore
le manque de mémoire de Thésée, étonnant à l'arrivée en Aitique 64, 240 (238), et
véritablement absurde au départ deDia, 64, 59 (58). Les Grecs cherchaient au moins
à le motiver (z^rà Aiovûsou jioû).-/ji7iv, dit le scoliaste de Théocrite), Catulle nullement.
Q.ue dire 64, 88 (87) de ce parfum de chastfîté que respire Ariane dans les bras de
sa mère, qui n'est autre que Pasiphaë! Qui n'a été choqué 64, i3o (129) du soin
qu'Ariane met à relever sa robe, en découvrant sa jambe, au moment le plus pa-
thétique de son désespoir.' Comment se l'expliquer? C'est que le poète, lui, n'est
pas ému, et emprunte froidement, curieusement, à Apollonius un trait qui convient
fort bien chez ce dernier à des servantes courant après la voiture d'une princesse.
J
d'histoire et de littérature 339
ments, M. C conclut à quatre sources principales utilisées par Eua-
grius, l'auteur de V A Itercatio suivant Gennadius : 1° les deux premiers
livres des Testimonia de saint Cyprien ; 2" le traité de Tertullien aduer-
sus ludaeos, y compris les parties apocryphes; 3° un recueil perdu
d'allégories dans le genre de l'ouvrage postérieur d'Eucher ; 4° le dialo-
gue de lason et de Papiscus, traduit en latin par un certain Celsus à la
fin du v<= siècle, et qui n'est plus connu maintenant que par la préface
de cette traduction. Les longues discussions dans lesquelles entre M.
Corssen, l'amènent ù résoudre quantité de problèmes littéraires; c'est
ainsi qu'il prouve que la partie apocryphe du traité adversus ludaeos
de Tertullien est une adaptation maladroite du troisième livre contre
Marcion. L.
496. — F. CoRRÉARD. Histoire de l'Europe et de la France depuis SgS
jusqu'en 1270. i vol. in-12, 328 pages.
497. — Histoire de l'Europe et de la France depuis 1270 jusqu'en 1610.
I vol. in-12, 440 pp. Paris, Masson 1890.
Au mois de juillet dernier, quelques changements ont été introduits
dans les programmes d'histoire de nos lycées. De nouveaux livres clas-
siques devenaient par suite nécessaires. M. Corréard arrive, croyons-
nous, bon premier avec ses manuels pour les classes de troisième et de
seconde. Ces deux ouvrages sont très estimables; l'exposition est claire
et nette, si elle manque un peu de relief; les idées sont sages et pruden-
tes, sinon originales ; nous louerons d'une façon particulière les para-
graphes sur la féodalité, qui sont très précis et bien ordonnés. On nous
permettra toutefois d'exprimer quelques regrets. Les nouveaux chapi-
tres du programme ne sont pas toujours traités avec un développement
suffisant. Celui sur Grégoire-le-Grand et la papauté au vi^ siècle est
convenable ; mais, en revanche, celui sur l'art roman et sur l'art gothi-
que (t. I, p. 319-321) est beaucoup trop court. Les débuts delà Renais-
sance en Italie (t. Il, p. 192) ne sont pas exposés avec assez de soin;
M. C. se borne à donner quelques indications biographiques très
sèches sur Dante, Pétrarque et Boccace. En outre, nous devons
signaler dans le premier volume un certain nombre d'erreurs assez
graves. L'auteur parle en ces termes de l'établissement des Burgon-
des en Gaule : « Les Burgondes, restés en Gaule à la suite de l'in-
vasion de 406, s'étaient étendus de la Haute-Alsace dans la Savoie
et la Suisse occidentale. » Tout est faux dans cette phrase. Les
Burgondes ne sont pas restés en Gaule en 406; ils ne se sont pas établis
dans la Haute- Alsace, mais bien autour de Worms où ils ont embrassé
le catholicisme; plus tard, après de graves défaites que leur firent es-
suyer les Huns, ils furent transférés par Aétius en Savoie, où la plupart
d'entre eux se convertirent à l'arianisme. P. 65, M. C. cite la lettre du
pape Anastase à Glovis; M. Julien Havet a prouvé qu'elle avait été
fabriquée par Jérôme Vignier. Sickel a fait voir que la date de l'avène-
340 REVUE CRITIQUE
ment de Pépin était 751, et non 752, comme il est écrit p. 11 3. P. 126,
il est question des soixante-cinq capitulaires de Charlemagne; le chiffre
était vrai au temps de Guizot auquel nos manuels l'empruntent ; il ne l'est
plus depuis que Borctiusa publié son édition. P. 127, on parle des duchés
administrés au temps de Charlemagne par des ducs. Ce roi a précisément
supprimé les derniers ducs qui existassent encore dans ses Etats. Plus
loin, on mentionne encore les terreurs de l'an mille; on écrit, en dépit
des articles de M Bémont, p, 263 : « Philippe-Auguste était le suze-
rain de la victime, Le meurtre d'Arthur, son vassal, commis par Jean-
sansTerre son autre vassal, était un acte de trahison envers lui, dont
il avait le droit et le devoir de poursuivre réparation, selon les coutu-
mes de France. C'est pourquoi le roi de France cita Jean-sans-Terre à
comparaître devant les pairs de l'accusé, d Ce sont là sans doute des
vétilles; mais nous pensons qu'une grande exactitude est la première
qualité d'un précis; nous pensons aussi que ces livres, qui trop souvent
se copient les uns les autres, devraient toujours être au courant de la
science; d'une édition à l'autre, le professeur devrait tenir compte des
travaux scientifiques parus dans l'intervalle. Ces réserves faites, nous
répétons que, dans son ensemble, l'ouvrage de M. Corréard est digne
d'estime; ces deux volumes rendront certainement service à notre jeu-
nesse des écoles.
Ch. Pfister.
408. — GiuHo Camus, i codîcî fi-ancesl della régla bîblloteca Estense.
Modena, Coi tipi della società tipografica, 1890, in-8, 74 pages.
M. Camus donne l'indication de quatre-vingt-six manuscrits fran-
çais de la bibliothèque d'Esté et la description détaillée de ceux de
ces manuscrits, au nombre de vingt, qui sont antérieurs au xvi« siècle.
L'auteur présente modestement son oeuvre comme une contribution « à
la rédaction future d'un travail d'ensemble sur tous les manuscrits
étrangers de la Bibliothèque d'Esté. » La partie de ce travail qui
concerne les manuscrits vieux-français, est dès maintenant faite, et
bien faite.
L. G.
4gg. — Thomas de Saint-Bris. Xlie empine of Amaraca, origin of the natio-
nal name; or thrilling adventures of the Spanish pioneers. New-York, in-8,
140 pages. 5o cents.
L'approche du quatrième centenaire de la découverte de l'Amérique
ramène de tous côtés l'attention sur ce grand événement. Un assez
grand nombre de travaux ont paru dans ces derniers temps, consacrés
soit à Colomb, soit à son œuvre. 11 s'en faut malheureusement que
tout soit à louer dans cet ensemble disparate. C'est même un spectacle
attristant que de voir jusqu'à quel point certains esprits, aveuglés par
I
d'histoire et de littérature 341
la passion, par le patriotisme local le plus étroit, peuvent se jouer des
règles les plus élémentaires de la critique. L'origine du nom d'Améri-
que est une des questions qui ont le plus mal inspiré ceux qui ont cru
devoir la reprendre. J'ai déjà signalé et combattu dans la Revue ' la
théorie récemment émise par un géologue de talent, M. Marcou, théo-
rie d'après laquelle le nom d'Amérique serait un nom indigène, que ses
compagnons auraient donné par reconnaissance à Améric Vespuce. J'ai
montré que, depuis les travaux de Humboldt et de d'Avezac, il n'était
pas de problème historique mieux élucidé que celui-ci; que ce nom
d'Amérique avait été donné en i5o7 ^^ nouveau continent par un savant
qui résidait alors à Saint-Dié dans les Vosges, Waldseemûlier. J'ai cité
le passage de son livre, la Cosmographiœ introductio, où ce nom est
proposé, passage d'une clarté telle qu'on n'en pourrait souhaiter de plus
concluant. Une seule difficulté, d'une minime importance, il est vrai,
et qui, d'ailleurs, ne se rattachait qu'indirectement à la question, avait
arrêté Humboldt, et M. Marcou prétendait en tirer grand parti en
faveur de son hypothèse : c'était la bizarrerie de ce prénom Amerigo,
tout à fait inusité en Italie, et qu'on ne pouvait démontrer avoir réelle-
ment été porté par Vespuce avant le début du xvi® siècle. Un savant ita-
lien, M. Govi, vient de donner sur ce point un dernier coup à la théo-
rie de M. Marcou. Il a trouvé et communiqtié à l'Académie des Lincei ^
une lettre écrite par Vespuce à Stanga, commissionnaire milanais à
Gênes, datée de Séville, du 3o déc. 1492, et qui est signée Amerigho
Vespucci.Je ne reviendrais pas sur la théorie de M. Marcou, si, malgré
les critiques dont elle a été l'objet, elle n'avait pénétré dans plusieurs
de nos livres d'enseignement et ne menaçait de devenir classique.
En voici une autre, qui nous vient également d'Amérique, accompa-
gnée de tout un cortège de certificats d'authenticité extraits des journaux
américains. Comme une de nos revues spéciales les plus répandues vient
d'en donner un compte-rendu élogieux, on me permettra d'y insister
ici, plus peut-être qu'il ne semblerait nécessaire. Je résumerai le plus
fidèlement possible les arguments de M. de Saint-Bris, sans m'astrein-
dre à suivre l'ordre du livre, rempli d'ailleurs de digressions étrangères
à la question, et qui prend ainsi l'apparence d'une sorte d'histoire popu-
laire de la découverte de l'Amérique.
Colomb, dans son troisième voyage, découvrit une partie de la côte
actuelle du Venezuela. Or « le nom national de la plus grande partie
du continent méridional... était America » (p. 35). Ce nom, ajoute assez
singulièrement l'auteur, « apparut sur les premières cartes comme un
hommage rendu au grand navigateur qui avait fait cette découverte ».
(Ibid.) Comment M. de Saint-Bris établit-il l'existence de ce nom Ame-
rica? Il a remarqué qu'un certain nombre de noms approchant de cette
forme se trouvent sur les cartes de l'Amérique du Sud, depuis les plus
1. Revue critique, 1889, n° 29.
2. Reale Accademia dei Lincei, 18 nov,, 2 déc. 1888.
342 REVUE CRITIQUE
anciennes jusqu'aux plus récentes, joints, il est vrai, à des préfixes ou à
des suffixes. Tels sont, par exemple, les noms de Amaracapana, Mara^
ccxibo^ Ciindinamarca, Caxamalca,Angamarca,Chenpinamerca, Uria-
viarca^ Patinamitamarca. A l'époque de la conquête, dit-il, « les règles
de l'orthographe n'étaient pas encore fixées; et sans compter les fautes
d'impression, les noms étaient écrits de la façon qui semblait le plus
appropriée » (p. 35). Un des premiers portulans donnant le tracé des
premières découvertes, contient la petite île de Tamariqua. C'est le nom
du continent tout entier, de la grande île, maladroitement appliqué à la
petite. Ce nom à' Atnaraca,M. do. Saint-Bris prétend en donner l'expli-
cation : c'était le nom du serpent ^marzf, l'idole nationale des Incas.
On l'écrivait par « une croix faite d'un serpent traversé par des cordes
nouées ». Cette racine péruvienne se retrouverait également en chinois
et en égyptien. Dans cette dernière langue, il serait formé de la racine
Am qui signifierait la vie, et du nom du dieu Ra.
Je n'ai aucune compétence pour discuter la signification de ce suffixe
Amarca, qui se retrouve en effet dans un certain nombre de noms de
villes ayant fait partie de l'empire des Incas, Je ne sais pas non plus s'il
se retrouve en chinois; je mécontenterai, pour les rapports avec l'égyp-
tien, de citer le témoignage d'un égyptologue, M.Victor Loret, d'après
lequel le signe qui, dans le langage hiéroglyphique, représente la vie,
n'est point une croix, mais plutôt une sorte de trèfle de carte à jouer.
Ce signe enfin ne se prononce pas Am, mais Ankh, ce qui est fort
différent.
Là n'est pas, d'ailleurs, la question. Y a-t-il eu un grand empire d'Ama-
raca ayant occupé la plus grande partie de l'Amérique méridionale?
C'est ce qu'il faudrait démontrer. Or, aucun texte, à l'époque de la con-
quête, ne nous parle d'un empire de ce genre. Je ne m'arrête pas à l'in-
vraisemblance de certains rapprochements, qu'il n'y a pas de raison
pour ne pas considérer comme simplement fortuits. En bonne critique,
il est impossible d'affirmer qu'il y ait la même racine dans Maracaibo
et Caxamalca. Mais si le nom d' Amaraca a été en usage dans le nou-
veau continent, si les marins l'ont emprunté aux indigènes, comment
se fait-il que ce nom d'Amérique ne se trouve jamais sur les premières
cartes marines ? Car s'il est un fait bien établi, c'est que ce nom d'Amé-
rique apparaît d'abord sur les cartes des savants et non pas sur les docu-
ments des marins. La première carte qui le contienne est le petit globe
dessiné en i5o7 par Waldseemuller lui-même, et que je publierai très
prochainement, et c'est par les cartes imprimées qu'il se transmet de
proche en proche.
Abandonnant la théorie de Humboldt, M. de Saint-Bris devait néces-
sairement la réfuter. C'est même par là, semble-t-il, qu'il eût dû com-
mencer. Il y consacre un très court passage à la fin du volume. Vespuce,
dit-il, textuellement, « envoya ses lettres au duc de Lorraine, qui vit
sans doute dans le mot Amaracapana ou America, la preuve que le
d'histoire et de littérature 343
nouveau continent avait été découvert par Améric Vespuce, et le secré-
taire du duc, Walter Ludd, écrivit un opuscule de quatre pages (iSoy),
donnant à entendre que le nouveau monde avait été ainsi nommé d'après
le nom d'Améric Vespuce qui l'aurait découvert » (p. i3 1). Je suis obligé
de constater que tout est faux dans cette manière de présenter les faits :
1° Améric Vespuce n'a pas écrit au duc de Lorraine, M.d'Avezac a par-
faitement rétabli la vérité sur ce point; 2° Ludd a bien écrit un opus-
cule, mais ce n'est pas dans cet ouvrage, c'est dans la Cosmographice
Introdiictio de Waldseemûller que se trouve la proposition de donner
le nom d'Améric Vespuce au nouveau continent. L'ouvrage de M. de
Saint-Bris est accompagné d'une carte montrant le continent améri-
cain, et, chose étrange et incompréhensible, le Cathay de Marco
Polo, c'est-à-dire la Chine, dessinée à l'orient de ce continent. Me per-
mettra-t-on encore de relever une affirmation singulière? L'auteur sem-
ble attribuer aux Ptolémées, rois d'Egypte, l'œuvre du géographe Pto-
lémée. « A brother of Columbus gave a map to the Canon of the church
of S. John of Lateran, at Rome, but none of ihese were recognized as
standart works by the nautical world ; who were still guided hy those
originally issued for many centuries , by the Ptolemy Kings of
Egypt » (p. iii). Je ne serai pas trop sévère en disant que la théorie
de M. de Saint-Bris repose sur une connaissance insuffisante de l'his-
toire et que sa méthode s'écarte par trop de nos procédés ordinaires de
critique.
L. Gallois.
f^oo. — UI»ei- den zug kaiser Karis V gegen Algler, von D' Gustav Turba,
(Wien, 1890, in-8).
Cette dissertation apporte une utile contribution à l'histoire de
Charles-Quint, et, particulièrement, à l'épisode de l'expédition contre
Alger. Ce dernier sujet, quoique traité bien des fois déjà, ne semble pas
près d'être épuisé, ce dont il n'y a pas trop lieu de s'étonner. Les divers
récits qui ont été faits de cette entreprise avortée contiennent de nom-
breuses variantes; ceux mêmes des témoins oculaires ne concordent pas
parfaitement, chaque narrateur se laissant influencer, soit par son
amour-propre national, soit par des haines et des jalousies préconçues 1.
Chez les historiographes officiels, c'est encore pis, et, pour eux, l'Empe-
reur demeure impeccable 2. S'il faut les croire, toutes les fautes doivent
1. Les uns louent Fernand de Gonzague, les autres lui imputent l'insuccès; Doria
est porté aux nues par quelques-uns, et vilipendé par ses ennemis; certains auteurs
ont exalté la valeur italienne, ou, tout au moins, cherché à dissimuler la panique,
alors que le chroniqueur Dreschler (Basileae, i568; dit, tout crûment : « Germanus
miles, halo fugiente, fortiter contra Mauritanos pro Cœsare pugnavit. »
2. Autant l'expédition de Tunis avait été magnifiée, parce qu'elle avait réussi, autant
se fit la conspiration du silence sur celle d'Alger, dont le souvenir n'avait rien
d'agréable pour le maître. — M. T. a peut-être un peu trop de confiance dans
Paul Jove.
344 REVUE CRITIQUE
être imputées aux lieutenants de Charles-Quint ; s'ils eussent exécuté
les ordres donnés, tout eut réussi, même en dépit de la tempête. Ce sont
des assertions qui méritent une longue étude critique; M. le docteur
Schomburg l'avait déjà facilitée en indiquant la plupart des sources ',
et ce travail est complété très heureusement par celui dont nous parlons
aujourd'hui ^. Il se divise en deux parties; la première décrit les prépa-
ratifs de guerre, les causes de l'expédition, ses péripéties, et le rôle
personnel que jouèrent Charle^-Quint et André Doria ; la seconde
partie fait Ténumération et l'étude des sources; enfin l'appendice donne
deux lettres de l'Empereur, et trois de Giovanni Bandini ; ce sont des
documents fort curieux. En résumé, on peut ne pas partager toujours
les appréciations de M. le docteur Turba 3; mais il est impossible de
méconnaître la valeur de son travail.
H. D. DE Grammont.
5oi. — Fabri de Peiresc et lu numismatique mérovingiennes par
M. Maurice Prou. Toulouse, éd. Privât. 1890, grand in-8 de 35 p.
M. Prou, avant de s'occuper particulièrement des recherches de Pei-
resc relatives à la numismatique mérovingienne, a voulu nous montrer
le digne élève de Bagarris, réservant dans ses collections une place
importante aux médailles de tout genre et de toute époque, comme il
avait consacré à leur étude une bonne partie de son temps, curieux de
bonne heure de ce qu'il appelait des anticailles, recherchant et réunis-
sant, dès Tâge de quinze ans, des monnaies anciennes avec un zèle dont
Gassendi compare la violence à celle d'un feu dévorant une forêt. M. P.,
1 . Leipzig, iSyb.
2. M. G. T. indique les sources orientales; les traductions qu'on en a sont fort
défectueuses; nous savons que M. R. Basset va très prochainement publier des rec-
tifications très nécessaires, et nous croyons qu'il prouvera que l'ouvrage traduit par
M. Pelaez dans VArchivio Storico Siciliano, dont parle M. T. (p. yS), n'est autre
que la R'azaouat.
3. Je SUIS souvent cité dans cet ouvrage, et quelquefois, pris à partie, fort courtoi-
sement d'ailleurs ; avouerai-je que, malgré le talent de l'auteur, je ne suis pas tou-
jours convaincu que j'aie eu tort? Notamment, en ce qui concerne le point du débar-
quement, que M. T. voudrait reporter à un mille à l'est du tombeau des Moudjahdine
(p. 24), il me semble que la lettre de l'Empereur (du 2 novembre 1541) confirme
mes appréciations au lieu de les détruire. En effet, il dit avoir débarqué à 7 ou
5 milles d'Alger: avoir marché, le premier jour 2 milles, le second 3, et campé à
2 milles environ d'Alger (p. 76), ce qui fait bien le total des 7 milles annoncés. —
Au moment de la retraite, il fait le premier jour, 5 à 6 milles, qui, joints aux 2 qui
le séparaient de la ville, donne un total de 7 à S, c'est-à-dire qu'il se retrouve au lieu
du débarquement. Et il ajoute qu'il campa au bord d'une rivière (p. 78), c'est-à-dire
à l'oued Knis, ce qui est justement ce que nous avions dit, avant même de con-
naître le précieux document publié par M. Turba.
Nous terminons en indiquant quelques petites corrections à effectuer dans la pro-
chaine édition : Barbaro^as, Wrs Barbarojas (p. 6). — MonJjaltdine, lire Aloudjah-
dine (p. 24). — Milles, lire voiles (p. 43). — Villegaignon n'était pas né en Provence,
mais bien à Provins (Seine-et-Marne) (p. 5i).
DHISTOIRE ET DE LITTERATURE 345
après avoir signalé les modestes commencements d'un cabinet plus tard
SI riche et si célèbre, indique ses accroissements successifs, notamment
les pièces d'or et d'argent mérovingiennes rapportées de Flandre par
Peiresc en 1606. Il rappelle que le grand amateur, comme l'a surnommé
M. L. Delisle, n'était pas tant désireux d'augmenter ses collections
pour satisfaire à ses goûts, que a pour aider le public, » selon ses pro-
pres expressions. Il raconte avec une sympathie de bon confrère les
deux vols dont fut victime ce musée ouvert si libéralement à tous les
savants, le vol de 1606 ^ commis par un domestique qui porta une
main sacrilège sur des monnaies impériales 2 et le vol de i623 beaucoup
plus considérable et qui eut toutes les proportions d'un désastre. M. P.
admire (p. 7) « la délicate et pieuse résignation » dont Peiresc fit preuve
dans son infortune et il reproduit (pp. 8-9) les condoléances qui furent
adressées au volé (8 août 1 624) par un des premiers numismatistes de l'é-
poque, PouUain, dont les sentiments étaient meilleurs que le style, car
rarement lettre a été plus mal tournée que la sienne et c'eût été le cas de
redire le mot : « Cette lettre de consolation ajoute à mon malheur. »
Plus loin (p. 10-12), nous trouvons le détail des livres, monnaies,
empreintes, etc., que, le 20 juillet i6i3, Peiresc envoyait à son ami
Poullain, et, à la suite de ce catalogue inédit, une lettre, également
inédite, de Peiresc au sieur Alard, à Compiègne, datée du 5 janvier 1607,
sur le sou d'or et sa valeur (pp. 12-14 3). Les pages 16 à 34 sont occu-
pées par des extraits des notes de Peiresc sur les monnaies mérovin-
giennes, notes consignées dans les deux inappréciables volumes du
Musée Meermann-Westreenen, à la Haye. Il faut remercier M. Prou
d'avoir mis à la portée de tous des documents que leur éloignement
rendait à peu près inaccessibles. Il faut aussi le remercier d'avoir rendu
justice à Peiresc en ces termes excellents que j'aime à reproduire (p. 35) :
« Je n'ai pas eu la 'prétention de faire une étude complète sur Peiresc
numismatiste. Mais, au moment où l'État vient d'acquérir la meilleure
partie de la riche collection de feu M. de Ponton d'Amécourt, ne con-
venait-il pas de jeter un regard sur les commencements delà numisma-
tique mérovingienne pour rappeler les noms de quelques amateurs
du xvii^ siècle qui, les premiers, ont songé à sauver ces petites pièces
d'or si précieuses pour notre histoire, et que leur barbarie avait fait
jusque-là négliger? J'ai saisi en même temps cette occasion de satisfaire
au désir que j'avais d'apporter, comme numismatiste, mon humble
I. M. P. a mis 1607 pour i6o6, trompé par Gassendi qui, d'ordinaire, est un
guide si sûr.
1. J'ai quelque honte d'avouer que ce domestique était originaire de ma province na-
tale, d'après un renseignement fourni par Peiresc et confirmé par une lettre de Mal-
herbe à Peiresc, du g novembre 1606, oùnouslisons (t. III de l'édition L. Lalanne,
p. i3) : Je suis bien marri du trait que vous a joué le Gascon. Le nom de sa nation
vous devoit faire peur. . . »
3. Ces documents sont tirés du ms. fjb33 du fonds français. A ce ms. M. P. em-
prunte encore une note sur une pièce d'argent du vni^ siècle (p. i3).
346 REVUE CRITIQUE
offrande à Fabri de Peiresc, et de rendre à ce savant antiquaire la place
qui lui est due dans l'histoire de la numismatique française à côté de
Pctau et de PouUain. »
T. DE L.
5o2. — La Bruyère. Les Caractères et les mœurs de ce siècle, suivis du dis-
cours à l'Académie française, publiés avec une introduction et des notes, par
G. Servois et A. Rébelliau. Paris, Hachette, i8go. Prix : 2 fr. 5o.
11 serait superflu, après Sainte-Beuve., Prévost-Paradol, et tant d'autres
critiques éminents, de faire l'éloge de La Bruyère : moins original que
Montaigne, moins profond que La Rochefoucauld, il a d'autres mérites
qui le placent sur la même ligne que ces deux illustres moralistes. Avant
tout, c'est un merveilleux styliste, qu'on a eu bien raison de mettre au
nombre des auteurs français expliqués dans les classes. Non seulement
nos élèves trouveront dans les Caractères des préceptes et des exemples
de la plus savante et de la plus ingénieuse rhétorique, mais dans cet
ouvr.igi qui est tout moderne par la forme et par Tesprit, ils appren-
dront encore le respect et l'amour de cette antiquité qui présente, comme
le disait naguère un philosophe resté inébranlablement classique, « le plus
grand accord de la pensée et du sentiment avec l'expression ». Des criti-
ques et des attaques plus intéressées qu'intéressantes ont prévenu contre
les anciens la jeunesse de nos jours : La Bruyère lui rappellera dans
maint passage que Virgile, Horace, Homère, Platon, sont les maîtres
immortels du goût, qu'il est bon de vivre et de penser dans leur lumière,
et qu'on ne peut « les surpasser que par leur imitation ». Que de fois
lui-même, avec la leçon, nous en donne l'exemple! Ovide a dit quelque
part -.forma dei miimis. La Bruyère s'empare de cette pensée qu'il fait
sienne en la transformant, en lui donnant je ne sais quelle plénitude
harmonieuse : « Un beau visage est le plus beau de tous les spectacles. »
Ailleurs il regrette en ces termes le jeune Soyecourt tué à la bataille de
Fleurus : « Je pleure cette mort prématurée qui te joint à ton intrépide
frère, et t'enlève à une cour où tu n'as fait que le montrer », réminis-
cence discrète de ce beau vers de Virgile : ostendent terris hune tantum
fata. Quelquefois, c'est par un seul mot, pris dans toute sa force étymo-
logique, que se trahit l'imitation : « Les douleurs muettes et stupides
sont hors d'usage. » Sénèque avait dit : « parvi dolores loquuntur, |
argentés stupent. » Les annotateurs n'ont pas négligé de faire quelques-
uns de ces curieux rapprochements, nécessaires surtout dans une édition
classique, parce qu'ils servent à faire mieux comprendre et gotiter l'art
industrieux de l'écrivain. Les notes sont abondantes sans être prodiguées,
et quelques-unes seulement sont sujettes à la critique. J'ai de la peine à
croire que laconisme, p. 257, note 2, soit un mot nouveau au xvii* siècle,
pour cette raison que, dès le xvi*^, on rencontre laconique et laco-
niquement, quoique ces mots n'aient pas d'histoire dans Littré. Proster-
nation (p. 174, note 2) n'a pas été employé que par la Bruyère, car ce
d'histoire et de littérature 347
substantif est en usage au xv^ siècle, et un peu plus tard les écrivains
religieux s'en servent habituellement. C'est par inadvertance que dans
V Index, la tragédie de Pyj'ame et Thisbé est attribuée à Pradon. Corneille
mourut, non pas riche, mais dans une honnête aisance : ceci a été
démontré par les preuves les plus incontestables. Pourquoi répéter encore
(p. 348, note i) quMl mourut « dans le plus douloureux dénûment? »
Dans le chagrin, dans la tristesse, oui, car il eut le malheur de survivre
à plusieurs de ses enfants, mais le malheur n'est pas toujours la misère.
Qu'on en finisse une fois pour toutes avec cette légende que les beaux
vers de Théophile Gautier n'ont pas peu contribué à répandre. — Ces
quelques remarques n'amoindrissent pas la valeur de cette édition que
recommandent suffisamment les noms de MM. Servois et Rébelliau.
A. Delboulle.
5o3. — p-fancisque Habasque, correspondant du Ministère de l'Instruction publique.
I.e dei-nief «lue d'Aquitaine. Xavier de France 1753-1754. Etude historique
suivie de la réimpression des vers sur la naissance de Monseigneur le Duc d'Aqui-
taine célébrée dans le collège des Jésuites de Bordeaux et de pièces justificatives
inédites. Paris, Alphonse Picard; Bordeaux, Foret et fils, iSgo, grand in-8 de
2i3 p.
M. Habasque trouva, un Jour, en bouquinant, égarée dans un recueil
factice de pièces de théâtre du xviii^ siècle, une plaquette imprimée à
Bordeaux, chez Lacornée, imprimeur du Parlement, et intitulée : Vers
sur la naissance de Monseigneur le duc d'Aquitaine, célébrée dans le
collège des Jésuites le 6 décembre ly 'yS. Cette plaquette parut curieuse
au fervent bibliophile. S'étant assuré qu'elle était unique, le désir bien
naturel lui vint de la réimprimer, suivi du désir, non moins naturel, de
faire précéder cette réimpression d'une notice — je me sers des propres
expressions de l'éditeur — sur le petit prince dont la venue avait été si
poétiquement célébrée. Ses recherches à ce sujet durent être minutieuses,
car Xavier de France, enlevé dès le berceau, a laissé si peu de traces que
M. Henri Martin l'omet dans l'énumération des petits-fils de Louis XV
et qu'à Bordeaux, naguères capitale de son apanage, bien peu savent
encore en l'honneur de qui un des plus beaux monuments de la ville a
reçu le nom de Porte d'Aquitaine. Cependant, continue M. H., « les
mémoires, les gazettes et les archives nous ont permis de reconstituer
l'éphémère existence de ce frère oublié de Louis XVI, ou plutôt de
décrire le milieu dans lequel il naquit et les cérémonies et les manifes-
tations dont il fut l'occasion. Si, tout en mettant au jour un épisode peu
connu de l'histoire de Bordeaux, nous avons donné quelque idée des
conditions dans lesquelles vivait au siècle dernier un Fils de France en
son bas âge, notre travail aura atteint son but. »
Les soixante pages consacrées à Xavier-Marie Joseph de France (né au
palais de Versailles le 8 septembre 1753, mort dans le même palais le
22 février 1754) sont fort intéressantes. Récits et descriptions y sont de
348 REVUE CRITIQUE
la plus minutieuse exactitude. On jurerait que M. H. a vu de ses pro-
pres yeux tout ce qu'il raconte et décrit et qu'il assistait aux fêtes de
Dresde, dans le cortège du duc de Richelieu, ambassadeur extraordinaire
du Roi très chrétien allant demander à l'Électeur de Saxe la main de la
princesse Marie-Josèphe pour le Dauphin de France (janvier 1747),
comme aux fêtes de Paris et de Versailles, comme aux fêtes de Bordeaux,
comme aux funérailles du petit duc d'Aquitaine. Que le lecteur ne
redoute point, en tout ceci, les inconvénients du genre descriptif! M. H.
a spirituellement évité le danger en glissant, au lieu d'appuyer, en
mêlant aux renseignements officiels quelques traits de délicate ironie,
quelques saillies où pétille la verve gasconne '.
L'éditeur des vers des jésuites de Bordeaux a eu bien raison de dire
de ce recueil qu'il est curieux et a bien fait de le réimprimer. Le prin-
cipal auteur des pièces plus ou moins poétiques de 1753 est le R. P.
Sauret, que M. H. (p, 61) nous montre, « emporté par Pégase » affir-
mant en sa dédicace au Dauphin, formée d'un huitain, que Tagrément
du prince est la garantie d'une gloire immortelle. Sauret, non content
de nous gratifier de ses lyriques effusions, nous donne aussi quelque peu
de sa prose. Citons les vers latins de ses confrères (Gratulatio Aquitaniœ
de Pierre-Simon Livron, autre Gratulatio de Julien Bonin, Somnium.
Carmen anacreonticum, du même, etc.) 2. Citons surtout une pièce en
langage populaire, les bers d'un gascoun (p. 1 14-1 16), pièce anonyme
qui n'avait pas encore été signalée dans les bibliographies spéciales.
M. H. a reproduit, à la suite de la plaquette bordelaise, des poésies
diverses en l'howieur du duc d'Aquitaine où Ton remarque des stances
de Marmontel, une églogue de Dupain de Triel, une Ode de Tabbé
Roman.
Ce qui vaut mieux que ces poésies de circonstance, c'est le Recueil de
1. Voir notamment (p. 12) ce qui regarde Dresde « submergé par un déluge de
fêtes, » les amours saxons se jouant aux pieds de la statue de l'hymen avec cette
prière « qui devait être largement exaucée » ; Adde genus de conjiige tanta, et (p. 14)
ce qui regarde Paris: « Ce ne furent partout que lacs de fleurs, unions de chiffres,
alternances d'armoiries, enlacements de fleuves, allégories mythologiques, etc. »
Notons (ibid.) cette réflexion piquante: « parmi elles [les dames chargées de recevoir
Marie-Josèphe dès qu'elle toucha le sol français] figuraient (ces choix peignent l'épo-
que) M""= de Lauraguais, qui avait été la maîtresse du Roi, M"i« de Pompadour qui
l'était et M'"' d'Estrades qui essaya de l'être. »
2. M. H. ne donne aucun renseignement sur ces trois religieux. Le P. Antoine
Sauret [né le 16 octobre 1716) fut aussi un prosateur. Voir l'indication d'un de ses
discours (prononcé au collège de Bordeaux et imprimé à Toulouse, 1749, in-4°) dans
la Bibliothèque des écrivains de ht compagnie de Jésus. ;T. 111, in-f", p. 572). Il
serait aussi l'auteur d'une comédie ou d'un ballet qu'il fit jouer en 1744 et en 1748
et que mentionnent les Nouvelles ecclésiastiques en 174g, p. 70. Le P. Bonin, né le
14 octobre i68G,mourutà Bordeaux le 2 i décembre 1760. Voir Bibl. des écrivains,
t. L p. 744-745 oij l'on cite de lui des travaux astronomiques et un travail d'érudition
(dissertation sur l'année de l'exil d'Ovide, lue à l'Académie de Bordeaux en août
1748). Le P. Livron, dont on ne connaît aucune publication, mourut à Bordeaux le
9 mars 1760.
d'histoire et DR LITTÉRATURE 849
pièces inédites relatives au duc et à la Porte d'Aquitaine (p. 148 210].
Parmi ces documents, au nombre de vingt, qui proviennent des Archives
nationales, des Archives départementales de la Gironde et du Lot-et-
Garonne, des Archives municipales d'Agen et de Bordeaux, signalons
l'état des personnes que le Roy a établies, pour servir près de Mgr le duc
d'Aquitaine, l'état des meubles, linge, argenterie et autres choses déli-
vrées à M™° la duchesse de Tallard, gouvernante des enfans de France,
pour le service de Mgr le duc d'Aquitaine, une lettre de M. de Tourny
au comte de Saint-Florentin, une lettre de ce dernier à M. de Tourny,
une jurade de Bordeaux relative à la naissance du duc, une lettre de
M. de Tourny au garde des Sceaux, une Jurade de Bordeaux relative à la
Porte d'Aquitaine, autre jurade relative aux fêtes en l'honneur du duc,
une lettre de M. de Tourny aux consuls d'Agen, etc.
Le volume est dédié à M. Léopold Delisle. Je donnerai un grand
éloge à M. Habasque en déclarant que son travail n'est pas indigne de
paraître sous les auspices du modèle des travailleurs.
T. DK L.
CHRONIQUE
FRANCE. — Le premier volume du catalogue des monnaies grecques de la Biblio-
thèque nationale a paru, par les soins de M. E. Babelon ; il comprend les monnaies
des rois de Syrie, d'Arménie et de Commagène. Un deuxième volume sera consacré
aux monnaies des Perses Achéménides.
— On trouvera dans le 14*^^ fascicule du Dictionnaire des antiquités grecques et ro-
maines — lequel va de Donatiok Electum -— d'importants articles : la dot (Caillemer
et Baudry), la drachme (Lenormant), le dragon (Pottier), les duumviri juri dicundo
(Humbert), les duumviri sacris faciundis (Bioch), l'éducation en Grèce (P. Girard)
et à Rome (Pottier), Veisphora ou impôt extraordinaire chez les Grecs ;Lécrivain), Vec-
clesia (Glotz).
— A paru, chez Loyer-Fontaine, à Alençon, VÉtat delà généralité d'Alençon sous
Louis XIV, par M. Louis Duval, archiviste de l'Orne.
— M. Henri Cordier a fait tirer à part sa longue et excellente Notice sur la Chine
qui a paru dans la ;< Grande Encyclopédie ». (Paris, Lamirault. In-8% 11 1 p. avec
carte).
— La deuxième série des Études sur l'Espagne de M. A. Morel-Fatio, vient de
paraître chez Bouillon; elle a pour titre : Grands d'Espagne et petits princes alle-
mands au xvni« 5/èc/c', d'après la correspondance inédite du comte de Fernan Nuiiez
avec le prince Emmanuel de Salm-Salm et la duchesse de Béjar. Nous y reviendrons-
— Deux brochures nouvelles, toujours curieuses et instructives, toujours copieu-
sement annotées, de M. Tamizey de Larroque : i» le XVIlIe fascicule des Correspon-
dants de Peiresc (lettres inédites écrites d'Aix à Peiresc, de 16 18 à i63i, par Boni-
face Eorrilly, une des gloires du notariat provençal. Ces lettres sont au nombre de
cinq ; on y remarquera les pages où Borrilii raconte, en février 1623, tous les détails
de son entrevue avec Louis XIIL Notons aussi, à la suite des lettres, l'inventaire des
richesses du cabinet de Borrilii); 1° Hercule d'Argilemont, personnage peu connu sur
lequel notre collaborateur a réuni, en une vingtaine de pages, tous les renseigne-
35o REVUE CRITIQUE
ments qu'il a pu trouver. (Ce gouverneur de Caumont resta longtemps la terreur de
ceux qui passaient devant son château,» devant l'aire du vautour, et, après trois siè-
cles bientôt, son sinistre souvenir est encore vivant dans le beau pays où il exerça
tant de ravages >. Il tut enfin exécuté le l'i septembre 1620. M. Tamizey-,de Larro-
que ajoute à sa notice sur ce détestable voisin de l'abbaye de Guitres deux pièces
fort rares relatives à son jugement et à son supplice^
— M. Ch. JoRET, professeur à la Faculté des lettres d'Aix, fait paraître un intéres-
sant travail — sur lequel nous reviendrons — qui a pour sujet Pierre et Nicolas For-
mont, un banquier et un correspondant du Grand-Electeur à Paris. (Paris, Picard et
Bouillon, 1890, in-80, 80 p.).
— La librairie Alcan publie le tome deuxième du Recueil des instructions donnés
aux ambassadeurs et ministres de France en Russie, par A. Rambaud.
— Jemappes et la conquête de la Belgique (i 7g2-iyg3j, tel est le titre d'un
volume que M. A. Chuquet vient de donnera la librairie Léopold Cerf; ce volume,
contient six chapitres : I. Les Pays-Bas autrichiens ; II. L'invasion française; III.
Jemappes; IV. La conquête de la Belgique; V. Pache; VI. La réunion.
— Le tome troisième de la traduction, par M. A. Burdeau, de Schopenhauer, Le
monde comme volonté et représentation, paraît chez Alcan; il complète l'ouvrage.
— Vont paraître à la même librairie Alcan : sir John Lubbock, Le bonheur de vivre,
traduit sur la ig^ édition anglaise ; et Les sens et l'instinct che^ les animaux et prin-
cipalement che^ les insectes; Arloi^g, Les virus; TR0VESS.^.î^^, Les microbes, les fer-
ments et les moisissures ; Debidour, Histoire diplomatique de V Europe, de 181 5 à
1878 {2 volsin-8").
ALLEMAGNE. — La maison Asher, de Berlin, distribue le prospectus d'un grand
ouvvsigQ, Olympia, die Ergebnisse der von dem deutschen Reich veranstalteten Aus-
grabung . L'ouvrage sera publié par MM. E. Curtius et F. Adler, avec la collabo-
ration de MM. Dœrpfeld, Gr^ber, Gr^f, Partsch, Bgrrmann, Treu, Dittenberger
et PuRGOLD. Il comprendra cinq vol. in-40 et quatre vols. gr. in-fol., plus un carton
gr. in-fol. avec cartes et plans. Le prix total sera de i,3oo mark ou 1,625 francs. Le
gouvernement allemand a dépensé plus d'un million pour les fouillesd'Olympie ; on
a le droit de se demander s'il n'aurait pas dû prendre des mesures pour que les
résultats de ces fouilles fussent mis à la portée du public dans des conditions de prix
plus abordables.
— Le Lexicon der lateinischen Wortformen de M. K. E Georges est terminé avec
la cinquième livraison (Leipzig, Hahn, 11 mark).
— Félix Dahn publie un nouveau roman historique sur la grande invasion, Die
Bataver, historischer Roman aus der Vœlkerwanderung . (Leipzig, Breitkopf et Haer-
tel. In-80, 606 p. 9 mark).
— On annonce la publication du deuxième volume de la Geschichte der katholis-
chen Kirche in Irland von der Einfùlirung des Christenthums bis auf die Gegenwart,
de M. A. Bellesheim (Mayence, Kirchheim, 16 mark 60). Le troisième volume est
sous presse.
— La huilième partie des Analecta hymnica medii aevi du P. G. M. Brèves a paru,
à la librairie Reisland, de Leipzig, sous le ûire Sequentiae ineditae,LiturgischePro-
sen des Mittelalters (7 mark 5o). On connaît les parties précédentes ; I. Cantiones
Bohemicae[i8Sô); IL Hymnarius Moissaciensis ; lU. Conradus Gemnicensis (1888);
IV. Hymni inediti ; V . Historiae rhythmicae ;\'l. Uldaricus Wessofonianus (1889);
VII. Prosarium Lemovicense {i8go).
— Le premier volume du Deutsches Wœrterbuch de M. Moriz Heyne, professeur
à l'Université de Gœttingue, a paru chez Hirzel, à Leipzig; il comprend les lettres
A-G (prix : broché 10 mark).
i
d'histoire et de littérature 35 1
— Hermann Bœhlau, à léiia, met en vente une étude sur Knebel, l'ami de Goethe,
(K. L. von Knebel ein Lebensbild, 2 naark 80) par M. Hugo von Knebel-Doeberitz
et une biographie de l'impératrice Augusta {Aiigusta, Her^ogin :{ii Sachsen, die erste
deutsciie Kaiserin, Zûge und Bilder ans ihrem Leben und Cliarakter nacli vielfach
imgedruckten Qjiellen i mark) par M. O. Schrader, professeur à l'Université d'iéna.
— M. Philippe Strauch a fait tirera part (du IV' fascicule de la « Zeitschrift fur
deutsches Altertum und deutsche Lilteratur ») son utile et excellente bibliographie
des publications parues en 1889 sur le domaine de la littérature allemande moderne
(Ver^eiclinis der auf dem Gebiete der neueren deulschen Litteratw im Jahre 188 g
erschienenen wissenschafilichen Publicationen) .
DANEMARK. — Sous le titre général Sjœledyrkelse og Naiurdyrkelse, Bidrag
iil Bestemmelsen af den mytologiske Metode (Culte de l'âme et Culte de la nature,
contribution à la détermination de la méthode mythologique, Kjœbenhavn, Leh-
mann og Stage, iSgo), M. H. S: Vodskov annonce une série d'études de mythologie
historique et comparée, dont le premier volume est intitulé Rig-Veda og Edda et
dont il fait en même temps paraître le premier fascicule {cl-8o pp.). Une longue
introduction, consacrée à l'étude des migrations qui ont peuplé la surface de la terre
et des souvenirs mythologiques qu'elles ont laissés, touche à un grand nombre de
questions d'une portée très générale, notamment à celle de la civilisation primitive des
Indo-Européens. Passant au Rig-Véda, l'auteur en examine successivement la versi-
fication, le style, les auteurs présumés, l'inspiration-, le fascicule s'arrête au début
du chapitre Agni. M. Vodskov est bien au courant de la littérature védique et des
travaux des j^rincipaux exégètes; il les caractérise avec justesse, parfois avec un réel
bonheur d'expression. Ses traditions aussi, plus littéraires que rigoureuses, repro-
duisent du moins avec fidélité, en vers danois, le mouvement de l'original : il y a
entre autres (p. iS) une cadence à'atyashti (K. V. I, i3o. 4-5) merveilleusement imi-
tée, qui sonne presque à l'oreille comme une strophe védique. La mâle douceur des
idiomes Scandinaves se prête bien à ces tours de force; mais on n'en doit pas moins
déplorer que le livre de M. Vodskov soit écrit en une langue relativement peu con-
nue, qui découragera beaucoup de lecteurs. Quant aux tendances scientifiques de
l'œuvre, on n'en pourra juger avec précision que lorsqu'il aura abordé la comparai-
son promise du Rig-Véda et de l'Edda.
— M. Emile Gigas publie un Choix de la correspondance inédite de Pierre Bayle
(Copenhague, Gad), que nous venons de recevoir et dont nous parlerons prochaine-
ment.
FINLANDE. — M. E. N. Set^el^e, de l'Université de Helsingfors, auteur d'une
remarquable monographie des affixes du temps et du mode dans la conjugaison
ongro-finnoise (:[ur Geschichte der Tempus imd Modusstammbildung in den Fin-
nisch-Ugrischen Sprachen, Helsingfors, 1887, xiv-i84 PP)> vient de publier, sous
le titre Yhteissuomalaisten kliisiilien Historia, luku yhteissuomalaisesta œœnnehis-
ioriasta (Histoire des explosives de la langue commune Suomie, un chapitre de
phonétique historique finnoise, Helsingfors, 1890, viii-228 pp.) un ouvrage conçu
dans l'esprit de la méthode historique la plus rigoureuse et destiné à renouveler sous
peu les notions que l'on croyait acquises sur la phonétique des divers dialectes fin-
nois (suomi propre, este, live, vepse, votiaque, carélien). Le savoir de l'auteur, formé
aux meilleures écoles, est à la fois théorique et pratique : le suomi propre est sa
langue maternelle; il a voyagé en pays vepse et en Livonie et rapporté notamment
sur révolution phonétique du dialecte live des informations absolument nouvelles.
C'est la première fois, l'on peut le dire, que l'on voit fixé un ensemble de lois pho-
nétiques véritables dans une division, restreinte il est vrai, mais très importante du
35:
RKVUK CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTERATURE
grand domaine ongro-finnois. M. S. ne s'en tiendra pas là : il nous promet, pour un
très prochain avenir, la seconde partie de ses études sur le rameau finnois occiden-
tal, et, s'il acquiert dans son pays l'influence qui lui est due, il y aura bientôt formé
une génération de jeunes travailleurs exceptionnellement bien placés pour nous
éclairer sur la solution des problèmes multiples et quasi inabordés de la phonétique
ouralo-altaïque.
RUSSIE. — Une Société d'histoire, présidée par M. N. Karéiev, a été fondée à
l'Université de Saint-Pétersbourg.
— M. Lappo-Danilevski a publié un gros volume sur l'organisation de l'impôt
direct en Russie au xvu' siècle.
— On annonce, pour paraître prochainement, un considérable travail de M. Michel
KoRELiNN sur la Renaissance italienne, ainsi qu'une Histoire de la civilisation
byj^antine, par M. Ouspenski, professeur à l'Université d'Odessa.
— L'auteur d'une Histoire du protestantisme polonais, M. Lubovitch, qui professe
l'histoire à l'Université de Varsovie, a fait tout récemment paraître une Histoire de
la réaction catholique en Pologne.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 7 novembre 18 go.
M. Barbier de Meynard rend compte d'une mission épigraphique en Asie-Mineure,
qui a été confiée à M. Clément Huart, interprète de l'ambassade de France à Gons-
tanlinople. Le but de la mission était de relever dans l'éyalet de Karamanie (ancienne
Lycaonie et Isaurie), notamment à Konyah (Iconium), les inscriptions musulmanes
et surtout celles du temps des princes seldjoukides (1087 à 1 3oo de notre ère).
M. Huart a recueilli cinquante-huit inscriptions, pour la plupart arabes, dont vingt-
cinq de l'époque des Seldjoukides. Ces textes fournissent des données nouvelles pour
l'histoire de cette dynastie, qui, quoique turque d'origine, avait subi fortement l'in-
fluence de la Perse ancienne.
M. Huart a recueilli aussi deux inscriptions latines et une inscription grecque.
M. Héron de Viilefosse fait ressortir, en quelques mots, l'intérêt de ces trois der-
niers textes, les plus importants qu'on ait recueillis jusqu'ici sur ce point. Les ins-
criptions latines sont deux dédicaces à Caracalla et à Lucius Aelius Verus, des années
212 et iSy de notre ère. L'inscription grecque mentionne un certain Julius Publius,
'jo-jinTfii, ou curateur de la cité.
M. Violiet appelle l'attention de l'Académie sur une ordonnance de saint Louis,
qui manque dans le Recueil des ordonnances de Laurière. Elle fut rendue en 1245,
en vue de la prochaine croisade. Elle impose à tous les belligérants une trêve de cinq
ans et oblige les créanciers des croisés à faire absoudre par l'autorité ecclésiastique
ceux de leurs débiteurs contre qui ils auraient obtenu une sentence d'excommuni-
cation.
M. Casati met sous les yeux des membres de l'Académie :
1° Des reproductions des p>eintures de la dernière tombe peinte découverte en
Etrurie, à Porano, à quelque distance d'Orvieto; on y voit divers personnages, un
char à deux chevaux, une table servie pour le repas funèbre, une lasa, divinité ailée,
tenant en sa main le rouleau des actions du défunt; des inscriptions donnent le nom
de la famille : Thescanas;
1" Des bijoux d'or, provenant de Chiusi et d'Orvieto, travaillés avec la finesse pro-
pre à la joaillerie étrusque : boucles d'oreilles, spirales, ornements pour la coiffure
des femmes, collier, etc.;
3° Des bijoux de bronze, provenant d'Orvieto;
40 Un miroir sur lequel est représenté un sujet mythologique proprement étrus-
que : un groupe de deux lasas ailées, nues et parées de bijoux.
Ouvrages présentés : — par M. Le Blant Krauss (Franz Xaver), Die christlichen
Inschriften der Rlieinlande, 1, die altchristhcken Inschriflcn der Rheinlande ; — pav
M. Georges Perrot : i" Cabrol (E ), Voyage en Grèce, notes et impressions ; 2° Col-
lections du musée Allaoui, publiées sous la direction de M. René de la Blanchère,
livraisons 3-5 .
Julien HwET.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimeine Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
-i
I
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N° 47 — 24 novembre — 1890
Sommaire t bo4. Ehni, Le mythe de Yama. — 5o5. Bugge, Etrusque et aménien.
— 5o6. TiMMERMANS, Traité de l'onomatopée. — Soy. Blaydes, Les fragments des
comiques grecs. — 5o8. Kirchner, Catalogue des citoyens athéniens. — 5og.
Bertrand, Cicéron artiste. — 5io. Bonnet, Le miracle de l'archistratège MicheL
— 5ii-5i2. De aleatoribus, p. p. Miodonski et Hilgenfeld. — 5i3. Sabatier, De
la vie intime des dogmes. — 514. Waag, Poèmes allemands. — 5i5. Boos, Cartu-
laire de Worms, II. — 5 16. Seger, Nicéphore Bryenne. — 5 17. Gebhart, L'Italie
mystique. — 5 18. Heidenhain, Philippe de Hesse. — 5 19. Abbadie, Un cadet de
Gascogne. — Chronique.
504. — J. Ehni. I>er ■Vedîsche Mj'thas des Yama, verglichen mit den ana-
logen Typen der Persischen, Griechischen undGermanischenMyjhologie.lv;
216 p.; Strassburg, 1890.
M. Ehni est un polygraphe et un polyglotte; il a publié un Voyage
en Sicile, des sermons, des traités de polémique religieuse, un Essai sur
le Faust de Gœtke, Trois Mythes de Zeus, et le Christianisme social ;
il écrit indifféremment en français ou en allemand, sur une question
d'actualité ou sur un problème de philologie. Son Essai sur le Mythe
de Yama se présente au public sous le patronage de M. Max Muller, et
certes, il n'en est pas indigne. M. Max Muller a dû saluer avec émotion
ce représentant attardé d'une doctrine usée et abandonnée. M. E. est un
artiste en équations solaires : Yama se réduit en dernière analyse à la
forme jumelle du soleil envisagé comme astre visible du jour et astre
invisible de la nuit ; sa sœur jumelle Yamî s'explique égalem.ent par la
forme double de la lune, croissante et décroissante. M. E. s'est proposé
d'étudier révolution qui a porté Yama de son origine naturaliste au
rang de Premier Homme en ligne descendante, et en ligne ascendante
au rang de Dieu Universel, et de rechercher, dans ce cas spécial, le lien
qui réunit les phénomènes physiques avec les plus hautes aspirations de
l'homme. 11 s'attache tout d'abord à démontrer la nature lumineuse et
solaire des parents de Yama; puis il décrit les étapes du dieu, adoré
successivement comme dieu solaire, comme feu du sacrifice en même
temps que feu du soleil, puis combinant les attributs solaires avec les
caractères humains, promu ancêtre de l'humanité, prince des morts,
dieu de la mort, bifurquant ensuite pour aboutir d'une part à la forme
humaine comme le premier des vivants et le premier des morts, d'autre
part à la forme purement divine à titre de dieu universel. M. E. com-
pare enfin les traits essentiels du Yama védique avec les types analogues
des mythologies de la Perse, de la Grèce et des peuples germaniques :
Nouvelle série, XXX. 47
35 I REVUK CRITIQUE
Yima, Dionysos, Rhadamanthys, Tuisco, Ymir. L'essai de M. E. est
fondé sur les seuls textes du /^g-Veda déjà recueillis par Muir et par
M. Bergaigne; il les recueille, les traduit et les interprète à nouveau.
L'entreprise risque de paraître présomptueuse; pour reprendre l'œuvre
de pareils devanciers, il faudrait au moins la largeur et la précision de
leurs connaissances védiques, la sûreté de leur méthode, la vigueur de
leur jugement et même au préalable une science solide de la langue.
Ces mérites ne caractérisent pas l'œuvre de M. Ehni. Il se limite au
i?g-Veda et s'interdit de regarder au dehors; il ignore presque de parti-
pris les autres Sanzhitâs, les Brâhma/zas, et tout le reste de la littérature;
il prend les hymnes, les dispose dans un ordre arbitraire et construit
une histoire sur des données préconçues sans chercher une base réelle
de chronologie. Les détails même sont loin de trahir le soin minutieux
indispensable aux recherches védiques, où les mots réclament si souvent
un examen attentif. Les passages transcrits fourmillent d'incertitudes
etd'eireurs : le r voyelle est représenté tantôt par un r pointé, tantôt
par le groupe rz (çriwgo, p. ir, 1. 2, brhaddivo, p. 12, 1. 3); le même
mot est transcrit coup sur coup sous deux formes : minâno (i3, i) et
mi;zâno {ib., 2); panim (16), panim (ib.); les signes de longues semblent
disposés au hasard : çrûte/î (9, au bas), vacam (56, med.) ; les syllabes
sont séparées de même : caksasât mîyena tejâsa (23, med., pour : cak-
5asâtmî°). Certaines erreurs se représentent avec une ténacité inquié-
quiétante. Le Bhâgavata Purâ/za est appelé Bhagavat Purâna (2, med.;
54 int.), et même Bhayavat Purâna {44, 33) corrigé dans Verratwn en
Bhagavat Purâna! Les catégories et les exemples d'erreurs analogues
donneraient une longue liste. Si ces incorrections de forme ne suffisent
pas à infirmer la valeur de l'ouvrage, elles ne laissent pas de créer une
prévention défavorable.
Mais la question est plus haute. M. E., au cours de son essai, cons-
tate que M. Bergaigne ' n'a pas indiqué dans son ouvrage sur la Reli-
gion Védique la signification du dieu Yama (p. 55). M. Bergaigne s'est
abstenu délibérément d'une recherche condamnée à rester infructueuse.
La Sa?nhitâ du i?g-Veda, consultée sans aucun moyen de comparaison
ou de contrôle, est impuissante à fournir les éléments d'une étude histo-
rique; les données s'y présentent sur le même plan, sans aucune pers-
pective. Les matériaux ne manquent pas sans doute, encore que les idées
soient souvent difficiles à saisir sous les mots ; mais comment en déter-
miner les dispositions? A quels indices se fier pour marquer les étapes jj
de l'évolution? Le bon sens et la logique, invoqués comme les guides 4
les plus sûrs, ne sont que les plus décevants; l'Européen du xix" siècle il
n'enchaîne pas ses idées comme l'Aryen des temps védiques, ni même
comme l'Hindou moderne. Les théories construites sur ces fondements
imaginaires peuvent attester l'uigéniosité de leur auteur et amuser le
I. M. E. le désigne à tort comme un élève direct de Burnouf (p. 55).
d'histoire et de littérature 355
public; la science n'en attend pas de profit. M. E. ne se contente pas
d'expliquer par le soleil jumeau le dieu Yama; il entend expliquer éga-
lement les autres personnages de ce cycle. Les deux Sârameya, par exem-
ple, ces chiens aux quatre yeux, tachetés, qui gardent le chemin des
morts, ont dû passer d'abord par la phase naturaliste; à Toeuvre l'ima-
gination ! La solution s"ofîre d'elle-même. Les chiens Sârameya étaient
à Porigine le vent du Sud et le vent d'Ouest (ou du Sud-Ouest, car l'hé-
sitation est permise). En effet, la racine sur signifie : aller vite. Saramâ,
la mère des Sârameyas, la chienne des dieux, est aussi la messagère
d'Indra, dieu du ciel orageux : elle participe ainsi à la tempête. L'idée
de chien s'associe naturellement à l'idée de vent : Pun et l'autre vont
vite. Le vent d'Ouest, au témoignage des voyageurs, est la mort des
végétaux ; voilà l'idée de mort qui apparaît. Le personnage est com-
plet.
L'exemple est topique; il met en relief le système adopté par M. E.
et caractérise la valeur des conclusions énoncées, M. Ehni s'est travaillé
à disposer dans un ordre arbitraire des matériaux déjà recueillis et exa-
minés avec soin ; l'histoire de Yama n'y a rien gagné. Une autre méthode
s'impose à ce genre de recherches; au lieu de prendre pour point de
départ l'inconnu ou l'arbitraire (c'est tout un), il faudrait partir du
connu. Comme un point ne suffit pas à déterminer une ligne, un seul
document ne permet pas de tracer une évolution ; il faut deux points
au moins, deux périodes. Les Purâ«as d'abord, les épopées ensuite en
remontant l'ordre des siècles, donnent un Yama nettement dessiné, aux
contours arrêtés ; les Brâhmanas, les Upani^ads présentent un type anté-
rieur avec des divergences et des lacunes qui ressortent en les comparant
au type définitif et qui permettent de suivre le chemin parcouru; les
Samhitâs étudiées à leur tour s'éclairent par reflet et laissent voir l'ébau-
che puissante, quoique indécise, d'un Yama aux formes encore ondoyan-
tes. Les stades successifs de l'évolution historique, constatée dans une
série de documents, permettent alors d'inférer avec moins de risques les
états antérieurs. Quant aux origines proprement dites, le plus sage est
actuellement de renoncer à les découvrir. Le monde védique continue
une société antérieure qui échappe à l'histoire et dont le passé ne se
mesure point; il ouvre peut-être l'histoire des Aryens; il est loin d'ou-
vrir l'histoire de l'humanité.
Sylvain Lévi.
5o5. — Etruskisch und armeniscli. Sprachvergleichende Forschungen. I, von
Dr Sophus BuGGE. Christiania, 1S90. In-8, xvm et 171 pp.
Les savants qui considèrent l'étrusque comme une langue indo-
européenne sont, on le sait, obligés d'y reconnaître des déformations
telles que force leur est d'en rapprocher, non des langues parlées à la
356 REVUE CRITIQUE
mcme époque, comme le grec et le latin, mais les langues modernes,
beaucoup plus altérées; et, comme d'ailleurs 1 étrusque ne ressemble
nullement aux langues parlées en Italie, comme le latin, l'ombrien,
l'osque, il était naturel que l'on cherchât quelque langue indo-euro-
péenne qui lui fût plus comparable et il devait arriver que l'on songeât
à Tarménien : pour une raison historique, — les anciens regardaient les
Etrusques comme venus d'Asie-Mineure — et pour une raison linguis-
tique — l'arménien est de toutes les langues indo-européennes la plus
altérée peut-être. C'est précisément ce rapprochement de l'étrusque et
de Tarménien que vient de tenter M. Bugge : nous devons tout d'abord
l'en remercier; la tentative devant être faite, il importait qu'elle le fût
dans les meilleures conditions possibles; le nom de l'auteur nous ga-
rantit que, si celle-ci échoue, nulle autre ne réussira, et que cette voie
devra être abandonnée.
M. B. a tenté de démontrer que l'étrusque est étroitement apparenté
à l'arménien et tout particulièrement à l'arménien vulgaire. Nous ne
pouvons discuter le sens que M. B. attribue aux mots étrusques : nous
les accepterons tels qu'il les donne, sans oublier toutefois qu'il n'est pas
toujours d'accord avec M. Deecke et M. Pauli, que là même où tous
les savants sont d'accord, leurs conclusions ne sont que des hypothèses
fragiles et toujours révisables, et que, par suite, il est facile de tirer
l'étrusque en des sens fort divers. Nous nous bornerons à nous deman-
der si la théorie de M. B. s'accorde avec ce que nous savons de l'ar-
ménien.
Le seul moyen que l'on ait d'établir une thèse telle que celle que
nous discutons ici est de faire des rapprochements entre les deux lan-
gues comparées. 11 entre nécessairement dans ces rapprochements une
certaine part d'arbitraire. M. B. a sans doute_ voulu l'indiquer, quand il
écrit, p. 127, qu'on pourrait rapprocher l'étrusque taliOa de l'arménien
talithay. Le mot talithay, jeune fille, est un mot syriaque que quel-
ques écrivains religieux ont employé sous l'influence de l'Eglise syria-
que et qui n'est sans doute jamais entré dans la langue en Arménie.
Dans ce cas, M. B. a indiqué ses doutes; ailleurs, il est plus affîrma-
tif : il rapproche l'étrusque s'ec, s'ey, fille, de l'arménien êg, femelle :
ce rapprochement n'est certes pas imposé par le sens, ni recommandé
par la forme phonétique, puisque rien n'indique en arménien la pré-
sence d'un ancien s initial dans ce mot. Cette violence faite au sens
paraîtra cependant encore modérée si nous comparons la suivante :
M. B. nous dit, p. i25, que l'étrusque kurpic paraît vouloir dire i7ien-
diant ; le mendiant est un homme qui sait recevoir les coups : on peut
donc rapprocher l'arménien krruph, coup de poing. — Ces exemples
suffisent. Ajoutons seulement que dans plusieurs cas M. B. interprète
des noms propres étrusques par l'arménien; il est clair que cela ne
prouve pas : rien n'est plus facile que de rapprocher d'une langue quel-
conque des mots dépourvus de signification; il suffit de trouver quel-
que ressemblance phonétique plus ou moins fortuite.
d'histoire et de littérature 357
Les rapprochements de sens de M. B. sont souvent arbitraires; sa
phonétique ne Test pas moins. Le k de l'arménien meak donnerait
étrusque /dans ma/, et k dans étr. cina=. arm. kine... Nous lisons,
p. 56 : étr. e^iina, ituna ■=z arm. mdunak; étr. cana=i arm. khandak :
ainsi arm. nd aboutit dans un cas à 0, t, dans l'autre à n. — De même
nous voyons r étrusque correspondre à / arménien, et inversement,
sans aucune règle. — Justifié ou non, cet arbitraire phonétique anéantit
la démonstration en la rendant trop facile.
Il faut enfin arriver à la difficulté essentielle : la langue qui aurait été
l'origine de Tétrusque n'est ni un dialecte arménien du xix'= siècle ni la
langue littéraire du v''; c'est une langue parlée en Asie-Mineure au
moins dix siècles avant Jésus-Christ, et dont nous aurions deux repré-
sentants, l'étrusque et l'arménien, le second étant connu à une date
beaucoup plus récente que le premier. Cette simple constatation fait
tomber bien des raisonnements de M. B. : l'arménien classique ev «et»
est en langue vulgaire moderne u :cela ne prouve pas qu'il en fut ainsi
dès l'époque de Tunité arméno-étrusque présumée, et M. B. n'a nul
droit de s'en servir pour expliquer un fait étrusque, comme il le fait
p. 2. — P. 18, l'étr. ^ues^ ^uves<i il a donné» est rapproché de l'arménien
vulgaire tueac\ov^ tueac est une forme analogique qui s'est substituée à
l'arménien classique et = skr. ddât. Il n'est pas probable que la forme
ancienne et et la forme analogique tueac aient coexisté quinze siècles
en arménien ; dès lors, quel rapport y a-t-il entre ^)uves et tueac? Même
observation pour as (p. 70) et ()es (p. 88). — P. 52, M. B. admet que u
non final est tombé en étrusque comme en arménien ; cela est possible :
mais il n'y a nul rapport entre les deux laits. Les mots que l'arménien
a empruntés au Perse ont subi la perte de i et u en syllabe non finale;
or, ces emprunts datent en grande partie de l'époque des Arsacides.
Nous sommes loin de l'unité arméno-étrusque. — M. B. compare sou-
vent des mots étrusques en -a et -a/ et des mots arméniens en -ak. Or,
ce suffixe a été emprunté au perse par l'arménien. On ne saurait le
tirer de l'indo-européen -A'o-, parce que i. e. k donne arm. kh, comme
le prouvent elikh = '€KiT,i et l'analogie de f = ^/z çtp = ph [resp.h).—
M. B. explique l'alternance de / et /î dans quelques mots étrusques par
la prononciation moderne de la lettre arménienne que M. Hûbschmann
transcrit par \ : cette prononciation gutturale n'existait pas encore au
v° siècle après Jésus-Christ, puisque c'est cette lettre qui rend partout
le \ grec. La chronologie, on le voit, s'oppose directement au système
de M. Bugge. 11 nous est impossible de pousser plus loin l'analyse de
chacun des articles; disons seulement que, si la plupart succombent
sous des critiques analogues à celles que nous venons de formuler,
aucun n'est réellement frappant et n'apporte à l'hypothèse un appui
solide. Le plus grand profit à retirer du livre de M. Bugge est donc
qu'il n'y a entre l'étrusque et l'arménien aucun rapport démontrable.
Relevons, en terminant, quelques indications qui intéresseront les
358 REVUE CRITIQUE
Arménisants : le rapprochement de arm. usanil, apprendre, et du slave
vyknanti, etc., et Pexplication des collectifs anciens en -ear, pluriel mo-
derne en -er par un emprunt à des langues du Caucase.
A. Meillet.
5oG. — Xi'îiité «le l'Onomatopée, ou Clef étymologique pour les Racines irré-
ductibles, par M. Adrien Timmermans. Paris, Bouillon, 1890. In-S, 168 pp.
« Ce traité de ronomatopée est appelé à servir d'introduction à un
dictionnaire des affinités de la langue française » (p. i63). Le diction-
naire sera curieux, s'il en faut juger par cette introduction, modestement
épigraphiée : Labor improbus. .. De clef quelconque, je n'y en ai point
vu;
Mais qu'on puisse voir, je n'en mets rien en gage.
Quant aux onomatopées ou soi disant telles, elles y coulent à pleins
bords, versées avec une sereine intrépidité de polyglotte prodigue.
Qu'on me permette une courte citation prise au hasard (p. 91); je res-
pecte scrupuleusement l'orthographe et la ponctuation de Fauteur :
« La particule re de réduplication a une origine verbale et onoma-
topique que nous allons mettre en lumière. Le croc s'appelle ydçi accro-
cher s'appelle, avec omission de la gutturale ; àipéto; haero ; adhérer^
heurter [a.ccr ochev) hard dur qui tient, to hurt blesser; hard dur. L'au-
rochement marque le fonctionnement des ongles. Xsips; dont la mé-
thase est paYs;, p^iY^; rapio, riga, raja ; arracher ; rough rugueux; rut
ornière; riicken arracher. Aipéto accrocher donne àpOpov l'articulation,
Vacc\-ochemeni\ articulus ; articulation ; wrïst le poignet; die Wiir-
\el articulation du pied d'un arbre, la racine. H, gewricht. Le jeu de
cette articulation nous offre l'image de la chose qui tourne, qui va et
vient; delà re retour. Une variante de re s'offre dans péOoç le membre
qui tourne; rotundus ; rond ; round; rîind. »
Tout le livre est dans ce goût '. M, Timmermans n'a-t-il pas songé
que la mystification serait plus piquante si elle était moins longue?
V. Henry,
507. — AUversaria în Coniicoruni gi'secor-um fragmenta scripsit ae coUegit
Fredericus H. M. Blaydes LL. D., œdis Ghristi in universitate Oxoniensi quon-
dam alumnus. Pars prior secoundum editionem Meinekianam. Halis Saxonum, in
Orphanotrophei libraria, 1890, iv et ibo p. in-8.
« Hoc prius volumen observatiunculas praecipue criticas amplectitur
« quas plurimis abhinc annis in Poetarum Graecorum Comicorum col-
1. L'auteur pourtant rencontre en chemin aes problèmes de haute psychologie:
— pourquoi l'idée du silence est-elle rendue dans les langues par un mot, c'est-à-
dire par un son, alors que le silence est l'absence de son? et il trouve la solution
(p. 49); — d'où vient -JÙi, nox, nuit, )wctwne, night, nacht, etc. ? C'est que (p. 5i) «la
nuit a été aux yeux de nos ancêtres une vapeur, un brouillard, un nuage sorti d'un
nez ^.
D^HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 3Sg
(T ?ectionem ab Augusto Meinekio tune nuper editam confeci. Ex illo tem-
a pore alias plurimas in poetas comicos identidem scripsi, praetereaque
(c alias virorum doctorum hic illic sparsas coUegi. Hanc qualemcunque
« farraginem lucubrationum, in qua, ut diversis temporibus et hioris
« subseciviset saepe sine librorum adjumento confecta,haud dubie erro-
« res aliquot, multa negligenter scripta, plura quae levia aut inulilia
« et commemoratione indigna videantur invenies, tibi, Lector bénévole,
« commendo ». Nous transcrivons ces lignes, placées en tête de la pré-
face, parce qu'elles donnent une idée exacte de la composition du volume.
L'auteur y fait appel à la bienveillance du lecteur, et il faut dire que
cette formule, devenue banale, a sa raison d'être dans le cas présent. Ce
n'est pas qu'on ne puisse trouver dans ce livre de bonnes observations
et des rapprochements instructifs (l'éditeur d'Aristophane est certaine-
ment un des hommes qui connaissent le mieux la langue de la comédie
grecque); mais il faut les chercher patiemment dans un amas de notœet
de notulce devenues la plupart inutiles depuis l'édition des Fragmenta
comicorum atticorum par M. Kock. M. Blaydes promet des observa-
tions relatives à cette dernière collection ; espérons que le savant hellé-
niste donnera bientôt un volume qui ne pourra manquer d'avoir plus
d'à-propos que celui que nous avons sous les yeux. Que n'a-t-il pris la
peine d'extraire de la publication actuelle tout ce qui est encore de mise
aujourd'hui pour le faire entrer dans le volume à venir! On voit trop
de livres rédigés sans aucun égard pour le lecteur; les auteurs oublient
que le lecteur a un moyen très facile de se venger.
W.
5o8. — J. KiRCHNER, Prosopographîse attîeas spécimen fJahresbericht ûber
das Kœnigl. Friedrich-Wilhelms Gymnasium und die Kœnigl. Vorschule zu
Berlin). Berlin, impr. C. Hayn, 41 p. in-4.
Un catalogue complet des citoyens athéniens, par dêmes, ne saurait
manquer d'être fort utile, et M. Kirchner ne s'est pas trompi en suppo-
sant que tous ceux qui s'occupent des choses de l'Attique accueille-
raient avec faveur un ouvrage de ce genre. (Quelques lignes d'avertisse-
ment expliquent le plan de l'auteur : les noms des démotes sont rangés
par ordre alphabétique, avec référence aux inscriptions, monnaies et
textes littéraires, et sont accompagnés, quand il y a lieu, d'un sommaire
des principaux événements de leur vie. Il n'est pas tenu compte, sauf
par exception et pour des descendants d'anciennes familles, des textes
épigraphiques postérieurs à l'ère chrétienne. D'après ces principes,
M. K. nous donne aujourd'hui, comme spécimen de la première partie
de son travail, le catalogue des citoyens de Képhissia, de Pseania et de
Mélité. Une seconde partie contiendra, avec des tables, la liste des
citoyens dont le démotique est inconnu. La disposition générale de
l'ouvrage ne me paraît pas être à l'abri de toute critique; il ne peut être
360 REVUE CRITIQUE
véritablement utile et faciliter la recherche qu'à la condition qu'on y
puisse retrouver immédiatement, à son dême et à son rang alphabéti-
que, un citoyen athénien quelconque. Or, il n'en est pas toujours
ainsi, et le système adopté pour les noms de femmes pourra être une
cause de confusion et d'erreur. M. K., rangeant les femmes dans le dème
de leur père et dans celui de leur mari, il peut en résulter que la même
femme soit inscrite deux fois dans l'ouvrage; par exemple : la mère de
Démosthène, Kléoboulé, se trouvera à la fois parmi les Pseaniens, en
tant que femme de Démosthène le père, et parmi les Kéramiens, comme
lille de Gylon. Ce n'est là d'ailleurs qu'être trop complet; mais voici
qui est plus grave : On rencontre dans une inscription 21o)/.p7.r/]ç
Ilatavisûi; ; il n'est a pas à son rang alphabétique dans son dême, et l'on
en conclura que c'est un nom nouveau à ajouter au catalogue. Or, si
les index sont bien faits, nous devrons y trouver quelque chose de ce
genre : ZMy.pivqc 11 , voyez Maoyar, ; et en effet, on lit à son rang Mos-
chiné, fille de Socrate de Pœania. Outre qu'un tel renvoi ne témoigne-
rait pas d'une méthode irréprochable, comment retrouver le person-
nage si ce renvoi n'existe pas? Il en est ainsi à la plupart des noms de
femmes ; ne serait-il donc pas plus simple et plus conforme d'ailleurs au
plan général de M. Kirchner d'inscrire à leur rang les pères et les
maris, lorsqu'ils sont accompagnés de leur démotique ? On ne courrait
pas alors le risque de s'égarer dans les recherches.
My.
509. — Edouard Bertrand, prof, à la P'aculté des Lettres de Grenoble, cicéron
ai-tiste. Grenoble, 1S90, in-8, p. 1-74.
Cette brochure est détachée du tome II des Annales de l'enseignement
supérieur de Grenoble. Le sujet convenait sûrement au goût de l'auteur
qui s'est occupé jusqu'ici de critique d'art, et dont on connaît la thèse
française sur Philostrate (i 881). Le présent travail n'est lui-mêmequ'un
chapitre de sa thèse latine 1, refondu, très complété et développé avec un
véritable talent. On y appréciera surtout une élégance de forme qu'im-
posait sans doute le sujet, mais à laquelle on n'est pas de notre temps
tellement habitué.
Est-ce le fait d'être gâtés par cette surprise? De par l'ingratitude dont
tout lecteur est coutumier, c'est de cette qualité même qu'on ferait
sortir d'abord un défaut. On dirait que l'élégance est ici soutenue et
monotone. Dans cette plaquette régulièrement solennelle et tout épidic-
tique, on voudrait plus de variété; un fonds d'où ressortiraient davan-
tage les idées originales de l'auteur. On appliquerait à M. B. une de ses
phrases fp. 67) : « Dans le style, lorsque tout est également poli et paré,
le charme disparaît bien vite ». Le reproche serait quelque peu injuste;
mais je gage qu'il sera fait.
I. Depicturaet sculpiwa apud veteres rhetores. Voir le ch. iv.
Il
D^HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 36 1
On critiquera aussi certaines faiblesses qu'on n'eût même pas relevées
il y a quelques années, mais pour lesquelles on aurait de nos jours
moins d^indulgence ; d'abord la méthode adoptée dans les citations ■ ;
ensuite le choix de telle édition qui a servi de base. Peut-on pour Pline,
(p. 8, note 2), s'en tenir à la collection Nisard, quand l'éditeur, Littré,
déclare avoir suivi le texte de Lemaire qui à son tour suivait à très peu
près celui de Hardouin? Que de ricochets pour revenir de plus de deux
siècles (i685) en arrière? — M. B. s'excuse (p. 1 1, n. 3), de ne pas repro-
duire toujours exactement les traductions de la collection Nisard; de-
puis quand les vénère-t-on comme un texte sacré? — En polissant sa
rédaction M. B. n'a pas pris garde non plus qu'il changeait parfois le
sens des textes cités ^ — Un lapsus plus grave s'est glissé p. 12. Le vieux
Caton est appelé « stoïcien t> et l'on met à son compte un des actes de
Caton d'Utique dans son séjour à Chypre.
M. B. résiste trop peu au plaisir de tirer des auteurs plus qu'on n'a
fait jusqu'ici, de voir à côté et au delà de ce qu'ils ont dit. Peut-être
trouvera-t-on aussi qu'il ne s'est pas assez borné. On aura toujours mau-
vaise grâce à se plaindre de digressions revêtues d'une forme agréable.
Mais l'exemple de Gicéron suffit-il pour autoriser ceux qui parlent de
ses goûts à parler aussi de toute autre chose?
Que de fois on sort ici de la vie de Gicéron pour faire des pointes
aux alentours, en son temps, avant lui et dans toute l'antiquité! Le dé-
faut est sensible dès le début. On est déjà à la p. 14, quand on s'avise
que le sujet n'est pas abordé et qu'on louche à peine au siècle de Gicé-
ron. Sans parler des répétitions ^ que M. B. eût certainement évitées
s'il eût consenti à se citer lui-même d'une manière précise, il y a certai-
nement dans tout ce travail abus de développements généraux. Les lec-
teurs auxquels s'adresse M. B. ne sont pas cependant tellement dépour-
vus de raison et de connaissances historiques qu'il ait fallu tout leur
dire ou tout leur rappeler.
La démonstration n'y gagne pas. Gar pour le fonds même, on adres-
serait à M. B, bien des objections. Les arts ont fourni à Gicéron telle
allusion, tel rapprochement. Mais les comparaisons prouvent-elles si
sûrement la connaissance des objets comparés? N'ont-elles pas fleuri
dans des temps et dans des endroits où l'on professait à l'égard des cho-
ses et des êtres le plus profond dédain ! La phrase de Gicéron est harmo-
nieuse. En conclura-t-on qu'il connaissait à fond la musique? Voilà
une lacune que je signale à M. Bertrand. U n'a dit qu'un mot de ce
goût de Gicéron. Il pouvait cependant, il devait de par la logique, lui
1. Le lecteur se croit mystifié quand il trouve des renvois comme (p. 60) : Platon,
les Lois, liv. VI ; (p. 11) : Gicéron, Parad., V. Dans les citations de Gicéron, la mé-
thode change d'une note à l'autre, M. B. renvoyant tantôt au chapitre seulement, tan-
tôt au paragraphe.
2. Par ex. p. 16, sur Verr. IV, 67 et aussi les textes cités p. 10.
3. Le même texte est cité p. 41, n. 2 et p. 65, n. 2 ; p. 56, n. 5 et p. 67, n, i.
302 REVUE CRITIQUE
faire la même place qu'aux autres. Mais ici le paradoxe eût paru trop à
découvert,
J\ipprouve beaucoup M. B. d'admirer Cicéron; mais je crains
qu'il n'ait été dupe de son auteur. En tant qu'orateur et qu'écri-
vain, Cicéron a été sans doute un merveilleux artiste. En sculpture ou
en peinture il n'était rien de plus certainement qu'un amateur éclairé.
M. B. corrige lui-même dans sa conclusion ce que le titre de son travail
avait d'exagéré. Il s'en faut qu'on puisse parler d'une manière générale
de Cicéron artiste, et qu'il l'ait été autant qu'il eût voulu parfois le pa-
raître. On nous le montre déguisant si bien ses connaissances à l'occa-
sion, qu'il a pu tout aussi bien, quand il le voulait, masquer certaines
ignorances, et même les plus graves. Sur un terrain plus rapproché de
nous et où les documents nous manquent beaucoup moins, on recon-
naît de nos Jours que Cicéron a souvent fait illusion aux autres, à la
postérité, peut-être à lui-même, et qu'il s'en faut qu'il ait été un phi-
losophe. Nous voyons, et M. B. n'a pas caché tout ce qui lui manquait
au début de sa carrière. 11 n'y a sans doute ajouté que ce qu'apprennent
la vie, les voyages, le monde, et ce que plus tard la mode introduisit
dans le cercle des optimates. On souscrira bien à une phrase de M. B.
(p. 73), mais en y glissant un petit mot qui n'est pas sans importance;
à vrai dire Cicéron n'a Jamais vu dans les arts que les auxiliaires et
comme les serviteurs de l'éloquence. C'était un utilitaire dans ses goûts.
Je doute qu'au fond il ait Jamais aimé ou estimé pour lui-même un
autre art que celui où il a excellé.
Voilà bien des critiques adressées à un travail soigné, d'une lecture
agréable, où l'on trouve d'excellentes pages ', où partout on sent une
chaleur vraie et qui forme un contraste frappant avec telle thèse où Ci-
céron vient d'être bien injustement malmené \ Je renvoie à ce dernier
ouvrage quiconque voudrait être sévère pour M. Bertrand.
Emile Thomas.
5 10. — IVai'i*atîo de mîraculo a Micliaole arcliangelo Chonis pafrato«
adiecto Symeonis Metaphrastae de eadem re libello. Edidit Max Bonnet. Paris,
Hachette, 1890, xlvi-36 pp. in-8.
Quand les apôtres Philippe et Jean vinrent à Hiérapolis combattre la
Vipère fl/j.ova), ils passèrent au lieu appelé Chaeretopa, y annoncèrent
les merveilles qu'y devait accomplir l'archistratège Michel et firent
Jaillir une source aux propriétés merveilleuses. C'est auprès de cette
source et du sanctuaire élevé par la reconnaissance d'un père, que
1. Voir surtout la p. 56, sur la phrase de Cicéron, véritable œuvre d'art; la p. 47,
sur les descriptions d'objets d'art dans les Verrines ; et enfin la p. 3o, sur l'influence
que le procès de Verres a dû avoir sur le développement des goûts de Cicéron.
2. Eug. R]ga],M. Tullius Cicero. Qiiatenus artium optimarum amator exstiterit.
Paris, 1890. Par contre, on rencontrera dans cet ouvrage, p. 1 3, note 4, les renvois de
bibliographie qu'omet à tort M. Bertrand.
D^HISTOIRE ET DK LITTERATURE 363
vint plus tard se retirer le premier r.poay.o'/â.pi.oq, Archippos. Les Grecs
("EXÀ-ov£; = les païens), excités par le spectacle des vertus du solitaire
et des miracles accomplis grâce à la vertu de l'eau, après plusieurs
tentatives infructueuses, résolurent de détruire le lieu saint par une
inondation." Ils réunirent deux torrents de la montagne, le Kouphos et
le Lycokapros; leurs flots, se précipitant d'un rocher élevé, allaient
submerger l'oratoire avec Archippos, quand apparut l'archistratège
Michel au sommet du rocher. D'un signe de croix, il arrête les eaux
dont la tête se dresse à dix hauteurs d'homme. Il étend la main et le
rocher se fend avec le bruit du tonnerre, la terre tremble, un gouffre se
forme, véritable creuset (xwv^) où les eaux se précipitent comme un
métal en fusion.
Tel est en substance le récit anonyme dont M. Max Bonnet s'est fait
l'éditeur. Celte histoire a été paraphrasée par Siméon Métaphraste et
développée oratoirement par Sisinnius. Le mérite de M. B. est d'avoir
retrouvé la version la plus ancienne et de l'avoir publiée d'après dix mss.
avec un soin»et une habileté dont il est superflu de faire l'éloge aux
lecteurs de cette Revue. La légende rentre dans la classe des légendes
inventées pour expliquer des phénomènes géologiques. Mais elle con-
tient une foule de détails curieux sur les rapports entre païens et chré-
tiens, sur les superstitions régionales, sur certaines conceptions reli-
gieuses (cf. p. 7, la liste des bonnes œuvres et des péchés; p. lo, les
vingt et un noms de Satan). Dans la dissertation qui précède ce texte,
toutes les questions qu'il soulève sont loin d'avoir été épuisées. M. B.
n'explique pas comment une légende locale peut contenir de si graves
erreurs topographiques. Ne faut-il pas y voir l'œuvre d'un pèlerin qui
rédige à distance les souvenirs de son pieux voyage ? Le fond du récit,
si fortement attaché aux lieux, date probablement de l'époque où une
église s'est élevée à la place du modeste oratoire primitif i. On peut
dire que pour les récits hagiographiques c'est le m.oment psychologique
de la rédaction. Nous ne serions sans doute pas réduits à faire une
conjecture, si nous possédions la tin du morceau. M. B. date l'opuscule
du ve au vii^ siècle. Il est impossible pour le moment d'être plus précis,
ce qui est regrettable :les particularités grammaticales, relevées dans un
index spécial % auraient encore plus de prix, si on pouvait en détermi-
ner l'âge plus exactement.
La dissertation de M. B. lui a servi de thèse latine. Elle est écrite
dans une langue nerveuse que l'on n'est pas habitué à goûter dans les
livres de ce genre. Les amateurs n'y trouveront pas de ces phrases qui
s'allongent de mots inutiles pour porter, piquée à la queue, une élégance
de cahier d'expressions. Je ne ferais pas un éloge de l'orthographe
1. Cet oratoire devait être un simple autel abrité par un édicule à colonnes; de
là le nom qui lui est donné : dj'uo'.iTYipiov.
2. Ajouter o )xbizijikSixice.i ("populus miquiiatis), p. ii, lo, à l'article du génitif.
364 REVUE CRITIQUE
correcte de M, Bonnet, s'il ne fallait, paraît-il, un certain courage à
écrire comme les Anciens '.
P.-A. L.
5ii, — A.nony'muB aducrsu» aléatoires (Gegen das Hazardspie!) und die
Briefe an Cypriaii, Lucian, Celerinus und an den Karthaginiensischen Klerus
(Cypr. epist. 8, 21-24). Kritisch verbessert, erlseutert und ins Deutsche ûber-
setzt von D' Adam MioDOiiSKi, mit einem Vorworte von Prof. Eduard Wœlfflin.
Erlangen u. Leipzig, Deichert'sche Verlagsbuchhandiung Nachf. 1889, 128 pp.
Prix : 2 M.
5i2. — Libellus cïe aleatorlbus inter Cypriani scripta conseruatum. Edidit
et commentario critico, exegetico, historico instruxit Adoifus Hilgenfeld. Frei-
burg i. B., 1889, J. G. B. Mohr. 87 pp. Prix : 2 M.
Le De aleatoribus, conservé dans les œuvres apocryphes de saint Cy-
prien, a été l'objet d'une étude de M. Harnack dont j^ai rendu compte
il y a un an. Presque aussitôt, l'attribution de l'ouvrage à Victor le^ fut
contestée par M. Wôlfïlin, et à sa suite les théologiens se jetèrent sur ces
quelques pages de latin vulgaire pour proposer chacun une hypothèse
nouvelle, « comme s'ils n'avaient rien de mieux à faire ni d'autres pro-
blèmes à résoudre ». Il n'est presque pas de revue savante qui n'ait
publié un ou plusieurs articles sur la question. Malheureusement les
contradicteurs de M. Harnack n'ont pu se mettre d'accord. M. Wôlfïlin
écarte l'origine romaine du traité et croit qu'il faut chercher l'auteur en
Afrique après l'époque de saint Gyprien 2. L'élève de M. Wôlfflin,
M. Miodonski, adopte au contraire l'hypothèse de l'origine romaine et
fait honneur du De aleatoribus au pape Miltiades. M. Haussleiter l'at-
tribue au confesseur Celerinus, dont on a une ou deux lettres ^\ mais il
a été réfuté péremptoirement par M. Sanday qui tient pour Miltiades *,
tandis que M. Hilgenfeld songe à un novatien vivant sous le règne de
Constantin, peut-être à l'évêque Acesius, Le De aleatoribus fait à
1 Les personnes que scm.ialioe l'épel uidi, a côté de urna, oublient trop facile-
ment qu'il n'en va pas autrement en français; oui Qt jour sont parallèles de uiJi et
de urna. Revenir à l'usage antique n'est pas compliquer, mais simplifier. Si l'on
écrit Euander, non Evander, on n'est plus obligé d'expliquer par quel miracle la pre-
mière syllabe est longue avec un e bref; sil'on écrit siltiae, Veius, on n'est plus forcé,
à propos du vers d'Horace : Aurarum et siluae metu, ou de la finale d'hexamètre de
Properce: Veius asiitit arcem, de parler d'un v qui devient u ou d'un j qui devient i,
deux absurdités linguistiques; si l'on abandonne les _/, les élèves n'essaieront plus
de prononcer un impossible oninja dans Virgile. La réforme de notre façon d'écrire
le latin amènerait nécessairement une réforme dans notre façon de le lire : je ne
vois pas que ce soit un si grand malheur. Quant aux attaques per absurdum,
dans lesquelles on montre les philologues écrivant leurs thèses sur des rouleaux de
papyrus sans séparer les mots, on peut les repousser par la même arme : pourquoi
ces partisans du moindre effort dans l'étude des langues anciennes n'écrivent-ils pas
Je grec en caractères romains .'
2. Archiv fi'r lat. Lexikographie u. Grammatik, V, 499.
3. Theologisches Literaturblalt, i88g, n"* 5 et 6.
4. Classical Review, i88g, t. III, pp. 127-128.
I
d'histoire et ûe littérature 365
M. Langen l'impression d'une sténographie : ce serait un sermon de
saint Cypiien, Tunique spécimen de ce genre i. Enfin, l'adversaire le
plus habile de l'hypothèse de Harnack après M , Wôlfflin, M. Funk reste
sur la réserve ; il pense qu'on a affaire à une homélie de la deuxième
moitié du iii^ siècle, prononcée dans une grande ville 2.
Gomme on le voit, la provenance romaine du De aleatoribus a de nom-
breux partisans. Elle a été vigoureusement défendue par M. Hilgenfeld
(pp. 3o et 70), qui semble avoir très bien réfuté M. Funk. La discus-
sion porte sur le texte du début : quoniam m nobis diiiina et paterna
pietas apostolatiis ducatum contulit et iiicariam Domini sedem caelesti
dignatione ordinauit et originem authentici apostolatus super quem
Cliristits /undauit ecclesiam [Maith. XVI, 18) in superiore nostro por-
tamiis. Ces trois expressions semblent bien désigner un successeur de
saint Pierre. M. H. n'a cependant pas fait observer qu^elles se prêtent un
mutuel appui. Si par des considérations plus ou moins vraisemblables,
on affaiblit la portée de chacune d^elles, leur réunion constitue un argu-
ment très fort. M. Funk prétend que les mots originem authentici
apostolatus ne peuvent s'appliquer à un pape puisque il sont au milieu
de deux incises qui n'ont pas de rapport avec la primatie : on voit
combien il est facile de retourner le raisonnement. L'origine romaine
une fois admise, quantité de particularités s'expliquent aisément.
La controverse se trouve limitée à la question de date. Les objections
faites à Harnack et mises en œuvre par MM. M. et H. dans leurs éditions,
se rangent sous trois chefs principaux : la langue du De aleatoribus, les
concordances littéraires avec saint Cyprien, et les citations bibliques.
M. Wôlfflin surtout a développé les objections linguistiques. 11 est
nécessaire avant d'entrer dans leur détail de faire quelques observations
générales. La langue du De aleatoribus contient beaucoup de traits
populaires. Or, nous possédons un matériel très limité pour la langue
vulgaire de cette époque et la chronologie linguistique est encore dans
l'enfance. Le degré de vulgarisme d'un ouvrage dépend d'ailleurs plus
de la profondeur delà couche sociale d'où il provient que de Tépoque à
laquelle il appartient ; il faudrait donc connaître quelle était la culture de
l'auteur, ce qu'on ne peut faire avant de savoir quel est l'auteur. De
plus, la langue vulgaire n'a pas besoin de l'intervention d'un grand écri-
vain : sa formation n'est pas une création, mais un développement. Le
grand écrivain ne fait qu'entraver ce développement par un choix dont
la dernière raison est ce qu'il y a de plus subjectif au monde, le goût.
« Tout écrivain fait un choix parmi les constructions, comme parmi les
mots, que lui offre la langue parlée 3. » M. Wôlfflin commet donc une
erreur sur la nature même du langage populaire en exigeant un grand
créateur linguistique, ein grosser Sprachbildner, pour le premier emplo
1. Sybels Historische Z., t. 6i, pp. 479-481.
2. Historisches JahrbuclijX. 10, pp. 1-22.
3. Riemann, Syntaxe latine^ 2^ édit., p. 7.
366 REVUE CRITIQUE
de constructions qui, pour un prosateur cultivé, sont des incorrections :
elles peuvent lui échapper, mais il est en garde contre elles. C'est sous le
bénétice de ces remarques préliminaires qu'il convient d'accepter les
résultats du dépouillement lexicographique entrepris par M, Wôlfflin.
Il trouve dans le De aleatoribiis : i°des expressions antérieures à Tertul-
lien : quisque = qiiisquis, perierare, ipse = idem; 2° une expression
employée pour la première fois par Tertullien : quoniam au lieu de
l'accusatif avec l'infinitif; 3° des expressions postérieures à Tertullien :
idolatria (on doit sans doute rétablir cet épel dans Tertullien, cf. Mio-
do72ski, p. 79), ^{abuliis; extollentia, Gypr. ; serpentinus, Ambr. ; coha-
bitator, Hieron. ; oraciilum, oratoire, Greg. M.; deitas, Arnobe ; deifi.-
cus = diiiimis, Celerinus ap. Gypr. Get inventaire devrait avoir pour
conséquence logique de placer le traité après le temps de Grégoire le
Grand ou d'Arnobe. Naturellement M. Wolffiin recule devant cette con-
clusion extrême; mais alors il n'y a plus lieu de tenir compte de cette
liste pour la chronologie. Qui prouve trop ne prouve rien, M. Harnack
en prenant ces particularités l'une après Tautre a mis hors de cause les
plus importantes : quoniam, extollentia, deificus, deitas ^. Pour ce
dernier mot, dans la traduction du grec en latin, qui a été la première
besogne littéraire des chrétiens d'Occident, on a dû éprouver de bonne
heure bien avant Arnobe, la nécessité de rendre exactement le Osér^ç des
Septante et des théologiens orientaux .
M. M. donne une liste de concordances littéraires avec saint Cyprien,
dix-sept en tout. Elles tendraient à prouver que Fauteur du De aleat.
se serait appliqué à imiter les oeuvres de Tévêque de Garthage. Mais
parmi ces lieux parallèles^ les uns sont des tournures très naturelles qui
peuvent se rencontrer sous la plume de deux écrivains indépendants l'un
de l'autre (aleat. 8, 5 : hoc primo in loco scire debes quia, et ad Demetr.
3 : illud primo in loco scire debes senuisse iam saeculum)^ d'autres
sont des ressouvenirs de passages bibliques librement paraphrasés (aleat.
5, 2, et de zelo 2 : cf. I Petr. V, 8; aleat ri, i , et de opère, 21 : cf.
I Gor. IV, 9 2 ; aleat. 1 1 , 2 et de laps. 11 ; cf. Matth. VI. 20 et XIX, 2 1^;
d'autres enfin ne sont pas comparables [tneditatio, aleat. 88, a son sens
habituel de « exercice » et est glosé par crimen crime ; dans de opère 12,
ce mot signifie « une éditation, pensée » et est glosé par cogitatio).
MM. Haussleiter et Funk ont fait surtout porter leur investigations]
sur les citations bibliques. On en trouve dans le De aleatoribus qui sont]
communes avec saint Gyprien Ils en concluent qu'elles ont été puisées]
dans cet auteur. Mais quand un écrivain ecclésiastique veut appuyer sal
doctrine par des textes, il n'est pas très étoimant qu'il se rencontre avec
un autre auteur animé des mêmes intentions. Dans notre cas, ces rap-
1. Theologische Literatur^^eiiung, 1889, p. i.
2. Dans mon précédent an\z\c TRev . crit., i88g, I, p. 23, n. 2), j'avais déjà signalé.|
ce rapprochement. — Tous les renvois au texte du De al. sont fait d'après l'éd. Mio-'i
do/iski.
I
d'histoire et de littérature 367
prochements sont contestables, i^ Matth. XVI, 18 ap.aleat, i, 2et Cypr.
hab, uirg. 10 avec la leçon fundauit; mais ailleurs saint Cyprien cite le
texte avec la variante aedificauit ; 2" Ap. XIV, 10, Exod. XXII, 20 et
lerem., XXV, 6 dans aleat. 8, 1-2 et Cypr, ad. Fort. 3 (pp. 323-324
Hartel) : le premier et le troisième passages ont une tout autre forme et
Tordre est différent; 3° Apoc. XVIII, 4 et les. LU, 1 1 dans aleat. 8, 4
et Cypr. de laps. 10 et testim. III, 34: lestestimonia ne donnent qu'une
partie du verset d'Isaïe, cité en entier par l'anonyme, tandis que le de
lapsis intervertit l'ordre des citations et les développe oratoirement ;
40 Dans le chapitre 10 du De aleatoribus se trouve un groupement qui
a semblé la preuve irréfutable d'un emprunt au 3" livre des testimonîa
de saint Cyprien : Matth. XII, 32; I Sam. II, 25 ; I Cor. III, 16;
Matth. VII, 23. On a dans Testim. III, 26-28: Matth. VII, 23; I Cor.
III, 16; Matth. XII, 32 ; Marc, III, 28; I Sam. Il, 25. Mais d'abord
Tordre est différent. De plus Matth. VII, 2 3 est isolé dans le chap. 26 et
séparé de I Cor, III, par trois citations; I Cor. III, 16 n'est pas suivi
immédiatement de Matth. XII, 32. Enfin, Marc. TU, 28 manque dans le
De aleatoribus. M. Wolfflin, et à sa suite MM. M, et H., croient à une
contamination avec Matth. XII, 32. Cette contamination consisterait
dans la substitution de qui dixeril uerbum à qui dixerit blasphemiam.
Dans Thypothèse d'une traduction unique du Nouveau Testament,
on pourrait rendre compte de la divergence par une simple glose ; dans
Thypothèse de la pluralité des versions, un écart aussi minime s'explique
encore plus aisément, et la contamination avec un texte qui offre bien
d'autres différences verbales ne peut être alléguée que pour le besoin
d'une thèse. C'est à cela que se réduisent les similitudes de citations
entre Tanonyme et saint Cyprien 1.
De ce minutieux examen, la théorie de M. Harnack sort intacte, aussi
solidement appuyée qu'auparavant. Ses principales bases sont la sévé-
rité morale de Tauteur, le maintien du Pasteur d'Hermas et de la
Aioay;^ au rang d'écritures divines et la répartition des écritures canoni-
ques en prophètes, évangiles et apôtres. En vain M. Funk a-t-il voulu
affaiblir ce dernier argument en rappelant qu'à une date très tardive (pour
les offices des Quatre-Temps jusqu'à nos jours), la liturgie a conservé
cette division. Puisque cette coïncidence est unique, on doit y voir une
de ces survivances dont la liturgie est la sauvegarde naturelle. Ce qu'on
ne trouve pas, ce sont des exemples littéraires tardifs de cette conception
du canon.
Le De aleatoribus a profité des discussions dont il a été Tobjet. Le
texte en a été amélioré et c'est dans l'édition Miodonski qu'on devra le
lire désormais 2. C'est là aussi qu'il faudra chercher l'étude des curieuses
1. M. Harnack fait observer que ces rencontres, fussent-elles justifiées, ne prouve-
raient rien. S. Cyprien n'est probablement pas le premier qui a composé des recueils
de textes de l'Écriture. On en avait déjà en Orient; cf. Hatch, Essays m biblical
greek, pp. 2o3 et suiv. Il a pu et dû se servir de ceux qui existaient.
2. M. M. a collationné à nouveau le ms. de Munich, Le texte de MQT est certai-
nement supérieur à celui de D, qui est cependant naeilleur qu'on pourrait le croire.
368 REVUE CRITIQUE
particularités grammaticales qu'il présente. L'introduction contient en
outre des observations du même genre sur d'autres parties du pseudo-
Cyprien et sur les lettres 8, 21-24, reproduites par M. M. à la iin de
sa brochure '.
J'ai indiqué tout à Pheure à peu près tout ce qu'on trouve de bon
dans rédition de M. Hilgenfeld. Ce travail est manqué. M. H. a voulu
donner un apparat, au lieu d'imiter la réserve de Harnack. 11 a
gonflé le bas des pages de variantes de mss. empruntées à ses devan-
ciers et de leçons des éditions. Cette compilation a été faite absolument
sans critique. C'est ainsi qu'il cite, à côté des variantes du ms. D, un
ms. C {Corbeiensis) d'après l'édition Fell et Pearson de 1682. Or, C et
D sont un seul et même ms, dont les Bénédictins avaient procuré une
collation aux auteurs anglais -. Dans le commentaire, outre le passage
déjà cité sur l'origine romaine du traité, je ne vois que la partie con-
sacrée à l'inventeur du jeu qui mérite d'arrêter le lecteur (p. 5g). M.
H. rend très vraisemblable l'opinion vers laquelle Harnack semblait
déjà incliner. L'hypothèse de Wôlfflin, qui voit dans olim yneditando
un jeu de mot rappelant le nom de Palamèdesest décidément trop ingé-
nieuse. On a relevé ailleurs les distractions énormes de M. H. ^. La
principale est un contresens sur une phrase de Harnack, qui fait attri-
J'ai vérifié et rectifié la collation de ce ms. dans Hartel. Voici \ts principaux errata :
p. 93 H., 5, et TD ; gS, i5 exprobationem D ; 93, 18 pro om. D; 95, 8 hei-es D^,
infans est D*; 96, i3 est n'est pas dans D; 97, 16 se om. D, perdet D ; 97, 17 dia-
boli itenabulum : diab \ tihim D ; 98, 9 armata QTD; 98, 1 1 dilapidât MQ^D; 98, i5
multarum sunt D ; 99, 3 est et c D' ,• 99, 17 sic : sf D' ; ici, i3 per/erant D' ; 10 1,
i^ pa7-entum D; loi, i5 estrepitus D^ ; loi, 17 noceniius T) ; 102,9 diliciis D; io3,
23 eliinosynis D ; 104, 2 inmortale DQT. La dernière rectification a d'autant plus
d'importance que d"après l'apparat de M. M. inmortale est la leçon de M; le texte
est donc absolument sûr (cf. au contraire Harnack, p. 85).
1. p. 52, M. M. omet le compte-rendu /avo?-aè/e à Harnack, de M. l'abbé Duchesne
dans le Bulletin critique; p. 3i, 11. i-3, l'opposition entre païens et chrétiens est
trop naturelle pour servir de base à un rapprochement; p. 56, 3, il est douteux que
id est aleatorum soit interpolé, cf. Hilgenfeld, p. 28 ; la restitution de cette première
phrase dans M. est d'ailleurs tout à fait contestable; p. 58, i, dans Cypr. ep. 59, 5
il s'agit précisément du pape; 66. 2, sub cura nostri, cette particularité présentée
comme un africanisme par M. se présente isolément dans Cicéron, Tacite et peut-
être César (cf. Riemann, Synt. ^, p. loi, 2); 68, 3 dicendo dicens, il aurait fallu
citer aussi Cicéron, cf. Riemann, ib., g 253, r. 1 ; 79, 5, Harnack. (p. 86) a rappro-
ché la liste des fautes données par ]& \i.ôv.yn et par Marc, VII, 21 : on sent qu'il y a
un ordre primitif commun à ces trois documents, sans qu'on puisse le déterminer
avec plus de précision; cf. aussi Bonnet, de miraculo... Clionis patrafo, p. j;
96, 4 il est douteux qu'en cas de conflit entre les \&çons ferre et portare, portare
doive toujours être préféré : portare, le mot vulgaire, peut être la glose de ferre,
mot classique et moins compréhensible; 109, 12, je n'hésiterais pas à écr'iTQ abs- A\
cinde, en me fondant sur l'ingénieuse explication de inde donnée par M. M. '
2. C. et D ne diffèrent que sur trois points, deux fois par une erreur d'Hilgen-
feld (23, 4 fausse interprétation du silence des éditeurs; 23, 17 dans P'ell-Pearson,
i! n'est pas question de Vépd paenes pour C), une fois par une erreur de l'apparat de
Hartel (25, 22 inmortale D, comme C, v. plus haut).
3. Theologische Literatur;[eitung, 1890,00!. 35 ss.
d'histoire et de littérature 369
buer à Acesius, évêque novatien de Constantinople, un écrit dont M.
H. a si bien prouvé la provenance romaine. M. Harnack, pensant à
Constantinople, avait écrit Hauptstadt , que M. Hilgenfeld a traduit
par Rome. La méprise est d'autant plus étonnante que M. Hilgenfeld,
après le passage de Harnack, cite un texte de Socrate nommant pour
l'époque d'Acesius un autre personnage comme évéqUe novatien de
Rome (p. 39). Le nombre vraiment excessif des fautes d'impression
trahit, autant que ces bévues, la hâte fébrile avec laquelle cette brochure
a été écrite 1. M. H. aurait pu faire encore une besogne utile en donnant
un index très complet : mais il s'est contenté de reproduire celui de
Harnack en le réduisant d''un bon tiers.
Je ne veux pas terminer sur des critiques. Je tiens à formuler
une réflexion qui est à l'honneur de tous les fidèles du De aleatoribus.
Ils n'ont été animés dans ces études que par l'amour pur et sans mé-
lange de la science et de la vérité. On n'a vu poindre nulle part des
préoccupations confessionnelles qui eussent paru légitimes au grand pu-
blic. L'hypothèse de Harnack, si elle favorise une confession aux dé-
pens des autres, peut fournir des armes à la défense des doctrines catho-
liques : elle a été formulée et soutenue par des protestants, et c'est un
théologien catholique, M. Funk, qui l'a le plus vigoureusement atta-
quée. Un pareil désintéressement scientifique est trop rare pour qu'on
ne le signale pas 2.
Paul Lejay.
1. On peut ajoutera celles que signale le compte-rendu cité ci-dessus, indelebilem
stiidiiim Qlsaec. IV inuente,àQ\3, p. 53, par ex. — Autres observations. P, 40, il est
bien difficile de ne pas admettre qu'il y ait dans les quatre premiers chapitres une
leçon indirecte aux évêques; autrement, ce serait beaucoup de précautions oratoires ;
p. 43 : « legendum quae, ortum e scriplione que », je ne comprends pas ; p. 45 toute
l'ar^-umentation de Harnack subsiste, puisque Apoc. XVIIl 4, est placé dans la bou-
che du Seigneur; p. 57, je crains que M. H. n'ait fait un contre sens sur luuen., I,
90-91 et par suite sur de aleat., 6, 5 ; p. 62, in factis iniquiis de de aleat. 7, 12,
paraît se rapporter plutôt à ce qui précède (cp. surtout 6, 10 et it : est et quando
ipsi aleatoves ciim prostitutis mulieribus, etc.) qu'à des légendes mythologiques ;
p. 75, conclure d'une phrase de saint Paul, perdue au milieu d'une longue citation,
à la jeunesse de l'auteur anonyme paraît être un peu hardi; même page, c'est par
un tour de force analogue que l'exhortation de la péroraison : fuge diabolum per-
sequentem te, devient une preuve qu'à l'époque de l'auteur personne ne persécutait
plus les chrétiens, si ce n'est le démon.
2. « Ce que nous prétendons au nom de la science, c'est qu'on sache, quand il
s'agit de juger de la valeur des preuves, se mettre un instant à la place de ceux qui
n'ont pour la religion ni haine ni amour, pour se demander si tel texte, tel raison-
nement doit logiquement les amener à la conclusion que nous sommes tentés d'en
tirer, et si nous admettrions cetie conclusion comme certaine, lors même qu'elle
nous serait contraire. » Gh. de Smedt, Principes de la critique historique, p. 33.
370
REVUK CRITIQUE
3i3. — Do In vIo intime des «lojïiiics et de leur puissance d'évolution. Leçon
d'introduction au cours de dogmatique réformée professée à la Faculté de Théolo-
gie protestante de Paris le 4 novembre 1889, par A. Sabatier. Paris,' Fischba-
cher, in-8, 26 p.
Prévenu du sujet que devait traiter l'autre année M. Sabatier, nous
avions voulu l'entendre et nous avions été frappé des qualités de pensée
et de style de sa leçon non moins que de son ardeur communicative ;
d'autre part, nous avions l'impression qu'il avait laissé dans l'ombre
toute une partie de son sujet, la plus essentielle peut-être. En le relisant
à quelques mois d'intervalle, nous avons été confirmé dans notre senti-
ment premier.
M. S., comme il était indispensable, a commencé par déblayer son
terrain en déclarant que les dogmes ne sont pas immuables, mais se
transforment au cours des siècles ; en un mot, ils évoluent. Sous ce
rapport, il convient de les comparer aux langues. M. S. arrive sans
effort à rencontrer des formules pleines et savoureuses, dont nous don-
nerons un exemple : « Ce que les mots et les phrases sont à la pensée,
les formules dogmatiques le sont à l'expérience religieuse de la cons-
cience et nous pouvons poser celte thèse générale : de même que la vie
d'une langue se trouve, non dans la sonorité des mots ou dans la cor-
rection de la phrase, mais uniquement dans l'énergie secrète de la
pensée et dans le génie du peuple qui la parle, de même le principe de la
vie des dogmes n'est à chercher ni dans la logique des idées ou la justesse
plus ou moins grande des formules théoriques, mais seulement dans la
vie religieuse elle-même, c'est-à-dire dans la piété pratique de l'Eglise
qui les professe. Le dogme, en un mot, c'est la langue que parle la
foi. » Je ne crois pas que cette belle définition rencontre beaucoup de
contradicteurs. M. S. ajoute qu'il y a deux éléments dans le dogme, un
élément proprement religieux qui est son principe vivant et un élément
intellectuel, une proposition philosophique servant d'enveloppe et d'ex-
pression au premier, et il doit être entendu que l'élément intellectuel
ou formule dogmatique n'est que V « expression symbolique de l'expé-
rience religieuse ».
C'est cet « élément intellectuel » qui constituera la part essentielle-
ment variable dans le dogme. Se tournant, à son tour, du côté de ceux
qui voudraient sacrifier totalement la formule philosophique de l'expé-
rience religieuse, considérée comme foncièrement caduque, M. S. déclare
qu'on arriverait par cette voie à détruire purement et simplement le chris-
tianisme et la religion. C'est ici que je cesse de l'entendre, me deman-
dant si, d'après le professeur de dogmatique réformée, la formule dogma-
tique est, oui ou non, indispensable, si elle n'est pas une simple béquille
à l'usage des gens mal bâtis ou d'esprit faible. Poussons un peu plus
loin pour avoir la réponse.
M. S. fait ressortir le caractère hébraïque du christianisme primitif,
Tempreinte hellénique qu'il a subie par la suite. « De quel droit, n'hé-
d'histoire et de littérature 37 1
site-t-il pas à dire, proclamerions-nous éternel et immuable un système
dogmatique, dont l'histoire nous révèle si bien Torigine et le caractère
particulier ? Sans doute, ce système convenait admirablement au monde
gréco-romain, et, sans doute aussi, c'est à cette convenance même quMl
doit d'avoir alors triomphé. N'est-ce pas une raison de penser quMl
ne doit plus convenir aussi bien au nôtre, à moins qu'on n'admette que
notre civilisation et notre philosophie n'ont pas le droit de différer de
la civilisation et de la philosophie des derniers siècles de 1" Empire
romain ? » Et M. S. fait voir quelle révolution a subie notre conception
du monde comparée à celle du moyen âge. De là, la nécessité de modi-
fier la formule dogmatique selon les époques. Il a écrit sur ce point
quelques pages vives et précises, qui renferment des observations très
solides. Malheureusement, je note encore ici un désaccord entre les pré-
misses et la conclusion. Au moment où je me préparais à entendre :
Donnez aux faits de l'expérience religieuse une formule qui soit en
harmonie avec Fétat contemporain des connaissances et de la réflexion
philosophique, — je lis, non sans étonnement : La revision dogmatique
est toujours ouverte, en principe et en fait, dans les Églises issues de la
Réforme. — Il est visible qu'une perspective de continuelle mobilité,
d'instabilité sans fin, ne peut être accueillie qu'avec hésitation et défiance
par les diverses églises chrétiennes ^
Nous refermons donc cette brochure, qui est une œuvre des plus
distinguées, où abondent les remarques judicieuses et les rapproche-
ments heureux, avec un sentiment de déception. Nous nous demandons
ce qui doit demeurer et ce qui doit passer dans le christianisme. Le
dogme est-il décidément un simple vêtement, comme la coquille qui
protège le mollusque, comme le paletot que nous sommes contraints
d'endosser par les temps froids; ou bien est-il la traduction légitime et
nécessaire du sentiment dans la langue de la philosophie? Il est visible
que M. S. hésite perpétuellement entre ces deux réponses et qu'il n'a
pas su prendre son parti de dire franchement qu'il faut un dogme à
toute Eglise qui compte et que ce dogme doit être considéré par cette
Eglise comme étant la vérité. C'est seulement en ce cas, nous semble-t-il,
qu'il y a lieu de parler de « la vie intime des dogmes et de leur puissance
d'évolution -. » Sous ce rapport, nous ne nous étonnons pas que les
propositions de M. S. aient semblé insuffisantes à plusieurs.
Faut-il chercher la pensée profonde de M. S, dans une note de la
page 9, où il est question des « faits rédempteurs et rénovatenrs de
l'Evangile » qui, « par cela seul qu'ils ont précédé l'évolution dogma-
1. On a pu croire que M. S. sacrifiait sans hésitation tout le travail dogmatique
du passé; je suis persuadé que telle n'est pas sa pensée, mais plusieurs de ses
réflexions seraient de nature à favoriser cette interprétation.
2. La « vie intime du dogme » doit consister en ce que, restant immuable dans
%ox\ fond, il adapte sa /orwe à l'époque et au milieu. Nous aurions voulu voir appli-
quer cette remarque aux dogmes du péché originel et de la rédemption, par
exemple.
872 REVUE CRITIQUE
tique, restent nécessairement hors d'elle »? Ce serait là une voie toute
nouvelle, que rien ne nous faisait soupçonner; cette théorie des « faits
chrétiens » nous semble, du reste, l'une des plus faibles et les plus creuses
qu'on ait jamais imaginées. D'ailleurs, un lecteur attentif s'apercevra
que M. S. s'est préoccupé ici de faire taire des critiques qu'avait soule-
vées sa leçon (voyez aussi la note de la p. 7).
Il paraît, en effet, que cette leçon a provoqué des protestations très
vives. Après avoir nous-même fait d'expresses réserves sur le fonds du
sujet, nous sommes heureux de constater que M. Sabatier a maintenu
et fait reconnaître sa liberté professorale.
M. Vernes.
514. — Kleinere deutsclie Getliclite des ^I. u. XII Jahi>Iiunderts,
p. p. Albert Waag. (Altdeutsche Bibliothek, hrsg. von Paul). Halle, Niemeyer,
1890. In-8, XLi et 167 p. 2 mark.
Ce petit livre contient dix-sept poèmes religieux, déjà publiés par
Mûllenhofî et Schererdans les Denkmœler, par Diemer, par Karajan : on
saura gré à l'auteur d'avoir réuni dans ce volume des textes peu acces-
sibles et recueilli ou résumé dans ses introductions et ses notes à peu
près tout ce que ses devanciers avaient dit d'important. On lui repro-
chera toutefois d'avoir été trop conservateur, ou plutôt, comme disent
ses compatriotes, trop bequem^ et de se livrer à une polémique acerbe
contre Scherer. C
5l5. — Quellen zui» Gescliîclite der Stadt ^^'^ornis. II. Theil. Urkunden-
buch der Stadt Worms, herausgegeben von Heinrich Boos, Band II. (1301-1400).
Berlin, Weidmann, 1890, xiv, 948 p. in-8. Prix : Sy fr. 5o c. jm\
Grâce au concours généreux du baron de Heyl, la ville de Worms a
pu commencer récemment la publication d'une Collection des sources
historiques, confiée à M. Henri Boos, actuellement professeur à l'Uni-
versité de Bâle. Comme de juste, c'est par un Cartulaire de la ville
de Worms que s'ouvre la collection de M. B. Le second volume
embrasse les années i3oi à 1400 et renferme plus de douze cent piè-
ces relatives soit aux affaires politiques, soit aux affaires privées, (dona-
tions ou échanges de terrains, baux, contrats de vente, etc.) de la vieille
cité rhénane. Sur ce nombre, six cents au moins sont entièrement iné-
dites et tirées des archives de Worms, de Spire, de Darmstadt, de
Lucerne, etc. Une trentaine de pages contiennent des additions et rec-
ti/ications au tome précédent; une table des matières des noms de lieux
et personnes, dressée avec beaucoup de soin, remplit près de deux cents
pages.
Toutes les pièces renfermées dans cet énorme volume, consciencieuse*
ment éditées d'après les principes généralement admis aujourd'hui pour la
d'histoire et de littérature 373
publication des Cariulaires, en Allemagne, n'ont pas été données in
extenso. M. B. n'a reproduit de la sorte que les documents d'un intérêt
général, se rattachant à Thistoire intérieure ou aux relations extérieu-
res de la cité; quant aux documents d'ordre privé fprivatrechtliche Ur-
kunden) il n'en adonné généralement que des extraits ; il a même négligé,
de propos délibéré, une masse de pièces de cette catégorie, se rattachant
aux propriétés extra muros des établissement ecclésiastiques de Worms.
On ne saurait s'en étonner quand on songe qu'il n'y avait pas moins
de soixante églises, chapelles et couvents dans l'enceinte des murs, et
rien qu'au point de vue de la dépense matérielle, on ne pouvait songer
à fondre tous ces cartulaires spéciaux dans celui de la ville libre impériale.
Le xiv^ siècle est l'époque des grandes confédérations urbaines et de
leurs luttes acharnées contre les seigneur territoriaux. Worms a joué un
rôle assez important dans ces luttes, pour que son histoire spéciale four-
nisse nombre de faits intéressants pour l'histoire générale de l'Empire.
Pendant toute la durée de ce siècle, elle n'a guère vécu en paix avec ses
voisins, principalement avec son évêque, qui réclamait sans cesse la
suzeraineté politique sur la ville, déclarée ville libre par Louis de
Bavière, et confirmée dans ses privilèges par "Wenceslas. A plusieurs
reprises, l'appui des princes voisins, et particulièrement des électeurs
palatins, fit triompher les évêques, mais chaque fois la ténacité bour-
geoise reprit la lutte, qui ne cessa définitivement qu'au xvi^ siècle. Ces
démêlés entre le pouvoir ecclésiastique et le pouvoir séculier, les com-
promis innombrables — les Rechtiingen — qu'ils signèrent entre eux,
pour les violer l'instant d'après, remplissent un bon nombre des pages
du volume de M, Boos.
Les querelles qui s'élevèrent entre Worms et d'autres villes rhénanes,
au sujet des privilèges douaniers, rendus à la ville par Wenceslas, et les
pièces qui s'y rapportent, fournissent également des renseignements
économiques curieux pour l'histoire du commerce au moyen-âge.
R.
5 16. — Seger. B^rzantiiiiselie Hîstoi'îkei* des X und XI «lalirliuiiderts.
I. Nikephoros Bryennios. Munich, Lindau, 1888. i vol. in-8, iv-i2g p.
Parmi les raisons d'ordre divers qui rendent si difficiles les études
byzantines, Tune des principales est assurément le manque de recherches
critiques sur les sources de l'histoire de l'empire d'Orient. Sans doute,
dans ses Bjr\antinische Stiidien, F. Hirsch a donné, pour la période qui
va de 8i3 à 963, un remarquable modèle aux travaux de cette sorte;
sans doute, quelques-uns ont suivi cet exemple et étudié, comme Neu-
mann, les sources historiques de l'époque des Comnènes. Pourtant les
recherches de ce genre sont encore si rares, qu'il faut savoir grand gré à
M. Seger d'avoir entrepris l'étude critique de quelques-uns des écrivains
du xi« siècle byzantin.
374 REVUE CRITIQUE
Parmi les historiens de cette période, entre Psellus, Attaliotc etSky-
litzès, Nicéphore Bryenne, auquel M. S. consacre l'ouvrage que nous
analysons, mérite une place importante. On connaît Ihomme : né d'une
des plusgrandes familles byzantines, probablement fils aîné, comme M. S.
le démontre fort heureusement, de ce Nicéphore Bryenne qui aspira, en
1078, au trône de Byzance, il est plus célèbre encore comme gendre
d'Alexis I" et mari d'Anne Comnène. L'historien n'est guère moins inté-
ressant. Mêlé de près, comme les autres écrivains de l'époque, aux événe«
ments qu'il raconte, il diffère d'eux par certains traits qui méritent
d'attirer l'attention. Son livre, composé à la prière de l'impératrice
Irène Ducas, femme d'Alexis, est moins un ouvrage historique qu'un
écrit de parti, avant tout destiné à exalter la gloire du grand Comnène,
et à prouver la légitimité de son avènement; c'est, suivant l'expression
de M. S., « la chronique d'une grande famille » ou plutôt de deux grandes
familles, car la gloire des Ducas, aïeux de l'impératrice, n'y est pas
moins célébrée que celle des Comnènes. On conçoit, dès lors, quelles
peuvent être les sources et la valeur de ce récit, qui commence vers 1070,
avec les premiers exploits d'Alexis Comnène, et se poursuit en quatre
livres jusqu'en 1078. Outre les emprunts nombreux faits aux historiens
du temps, à Psellus, à Attaliote, à Skylitzès, Bryenne trouve dans ses
propres souvenirs et dans ceux de sa famille bien des détails nouveaux
ou curieux; malheureusement son impartialité est fort sujette à caution,
et souvent il ne répugne point à l'évidente altération des faits. L'écri-
vain pourtant demeure digne d'étude ; sa langue, si fort marquée qu'elle
soit des traits caractéristiques de l'époque, a plus de simplicité et de
souplesse que celle de ses contemporains, et, par là, Bryenne mérite
quelque place dans l'histoire littéraire de son temps.
M. S. a retracé de façon fort intéressante la biographie de Nicéphore;
il a apprécié en termes fort justes les tendances, les sources et la valeur
du livre; il en a étudié la langue avec un soin consciencieux, et son tra-
vail est aussi intéressant qu'utile. Je ne ferai de réserve que sur la dis-
cussion, fort curieuse du reste, que M. S. consacre à la préface de l'ou-
vrage de Nicéphore. Pour lui, la fin seulement de cette introduction
(depuis aOÀov toOtoI serait l'œuvre authentique de Bryenne, le reste
étant le travail d'un scribe quelconque, et faisant partie d'un écrit de
circonstance composé vers 1090 pour prouver les droits d'Alexis Com-
nène au trône de Byzance. L'argumentation, fort ingénieuse, ne me
semble nullement décisive; et la question, qui présente évidemment
certaines difficultés, ne me semble point encore résolue.
Je dois, en terminant, signaler deux remarques importantes de
M Seger. Le manuscrit unique de Bryenne, que le P. Poussines a
reproduit dans la Byzantine du Louvre, est perdu depuis le jour où les
héritiers de Guillaume Puget de Toulouse en demandèrent restitution à
l'éditeur. îl y aurait grand intérêt à retrouver ce Codex Tolosaniis,
d'abord parce que le texte de Bryenne est fort mal publié, ensuite parce
d'histoire et de littérature 375
que ce manuscrit renfermait un texte de l'Alexiade d'Anne Comnène
assez différent de la leçon des manuscrits consultés par Reifferscheid.
A défaut du Codex Tolosanus, du moins serait-il intéressant de retrou-
ver le volume de la Byzantine du Louvre où, en marge d Anne Com-
nène, Poussines avait inscrit plusieurs centaines de variantes empruntées
au Tolosanus. Jusqu'en i/So, ce volume était conservé au collège des
Jésuites de Toulouse ; depuis lors, on perd sa trace. Est-il, comme M. Se-
ger le juge vraisemblablement, enfoui dans quelque bibliothèque parmi
les autres volumes d'une Byzantine du Louvre? Il serait utile de s'en
assurer, et c'est pourquoi je signale cette double recherche à la curio-
sité des intéressés ".
Ch. DiEHL.
517. — Emile Gebhart, L,'ltalie mystique. Histoire de la Renaissance religieuse
au moyen âge. Un vol. in-12, vii-326 pp. Paris, Hachette, 1890. Prix : 3 fr. 5o.
Les cent cinquante années comprises entre le règne d'Alexandre III
et celui de Boniface VIII sont Tépoque la plus originale, et l'une des
plus brillantes, du christianisme en Italie. C'est à cette période tout
entière qu'est consacré Touvrage de M. Gebhart, dont le titre n'indique
pas peut-être complètement le contenu. Avec le catholicisme Imaginatif
et mystique, antiformaliste et quasi hérétique de Joachim de Flore et
de François d'Assise, cette période a aussi vu, et M. G. étudie aussi
dans son livre, le catholicisme démocratique et politique de Arnaldo di
Brescia, le déisme vague et déjà rationnaliste de Frédéric II , et le catholi-
cisme gibelin et vindicatif de Dante, qui fond dans une synthèse géniale
les éléments scolastiques, les éléments mystiques et aussi les éléments
passionnels de la religion médiévale italienne. L'étude de la religion de
Dante forme la conclusion naturelle de cette histoire : ce dernier cha-
pitre permet de mesurer les progrès accomplis par l'esprit religieux en
Italie depuis ces épouvantables papes du ix'' siècle, auxquels M. G. a
consacré son introduction. Mais c'est moins cette évolution qu'a voulu
montrer l'auteur que le développement de l'idée mystique dans l'école de
Joachim de Flore et de ses disciples. Cette religion, moins opposée peut-
être qu'il ne le dit au formalisme officiel, plus mêlée qu'il ne l'indique
(malgré un charmant chapitre sur l'art mystique) d'influences artisti-
ques et poétiques, il la définit admirablement « l'œuvre excellente du
génie italien » au xiii* siècle, et il a trouvé, en décrivant l'histoire de ses
fondateurs l-.; pages les plus belles qu'il ait écrites, et vraiment belles,
I. Je signale à M. S., parmi les ancêtres de la famille Bryenne, un Théoctiste
Bryenne, straiège de Dalmaiie au ix« siècle (Schlumberger, Sigillographie byzan-
tine, p. 20b). — Il est possible que la mère de notre Bryenne, dont M. S. ignore le
nom fp, 17I, s'appelât Marie Bryenne (Schlumberger, ibid. 626). — Enlin, le texte
d'Anne Comnène d'où M. S. conclut que la princesse entra au couvent dès la mon
d'Alexis (p. 24), me semble prêter à discussion, et le t'ait en lui-même est bien peu
vraisemblable.
376 REVUE CRITIQUE
Il a fixé pour longtemps la physionomie historique de François d'Assise,
de Joachim, de Jacopone di Todi. Aussi lui pardonnera-t-on volontiers
de n'avoir parlé ni de Saint Bonaventure ni de Pierre Mangiadore, et
le capucin de M. Renan redira sans doute à propos de Y Italie mys-
tique ce qu'il disait à propos de l'étude sur Y Evangile éternel : « Il a
bien parlé de Saint François, Saint François le sauvera. » A coup sûr,
Saint François a inspiré à M. Gebhart un travail qui est mieux qu'un
charmant livre, — qui est un livre.
Léon-G. PÉLissiER.
5 18. — A. Heidenhain. I>le Unionspolitik LandgraT Philippe von Hessen,
1 5 57-1 562. I vol. in-8, x[x-48o pages. Archivalische Beilagen, iBg pages. Halle
A. S. Niemeyer, 1890.
Aussitôt que la pai^ d'Augsbourg eut été signée (i555), de graves dis-
sensions éclatèrent à nouveau entre les deux partis catholique et protes-
tant. F'-, présence des difficultés soulevées chaque jour, il semblait que
les protestants allaient s'unir pour la défense de leurs intérêts communs.
II n'en fut rien. Les luthériens restèrent très hostiles aux calvinistes et
voyaient des adversaires plutôt que des amis dans les huguenots de la
Suisse et de la France. Ils se partagèrent eux-mêmes en une série de
sectes, qui se lançaient réciproquement l'anathème, si bien qu'on ne
savait plus lesquels d'entre eux appartenaient à la confession d'Augs-
bourg, la seule dont l'existence eût été reconnue légalement en Allema-
gne. Un prince, auquel son dévouementà la Réforme n'enlevait pas la
clairvoyance, comprit les dangers de cette situation : c'était Philippe le
Magnanime, landgrave de Hesse. Déjà, en 1529, en convoquant le col-
loque de Marbourg, il avait essayé de mettre d'accord les disciples de
Luther et ceux de Zwingle. A partir de 1 555, il travailla plus que jamais
au triomphe de la même politique. Faire considérer comme secondaires
toutes les divergences confessionnelles, unir tous les protestants de .^j
l'Allemagne dans une même ligue défensive, amener une transaction ;•?
entre les luthériens et les réformés en Suisse, empêcher les Guises d'écra-
ser l'hérésie en France et tendre aux huguenots une main secourable :
tels furent ses plans. M. Heidenhain nous raconte, dans ce long volume, ^
les efforts qu'il fit, pour les mettre à exécution dans les années iSSjà
i562, et il nous expose les obstacles contre lesquels il vint se buter.
M. H. s'appuie, dans son récit, sur une série de lettres inédites, adres-
sées par le landgrave aux princes d'Allemagne, Auguste de Saxe, Chris-
tophe de Wurtemberg, etc., ou bien reçues par lui de ces mêmes per-
sonnages. Il les a découvertes pour la plupart aux archives de Marbourg,
quelques unes aux archives secrètes d'Etat, à Berlin. Il les publie in-
extenso dans son appendice. 11 aurait pu, à cause de cette publication,
abréger, ce nous semble, l'analyse très détaillée qu'il nous donne des
mêmes pièces au cours du volume. Son récit y eût beaucoup gagné : bien
II
s-
d'histoire et dk littérature 377
souvent, il se compose exclusivement de documents mis bout à bout.
Au milieu de ces analyses diffuses et de ces citations prolongées, on perd
souvent de vue les idées générales; les plans des principaux personnages
vous échappent ; leur caractère ne se dessine pas; l'intérêt languit et
disparaît.
M. H. a commencé son récit là où commencent les documents inédits
sur lesquels il a mis la main. A la rigueur, on s'explique qu'il ait pris
pour point de départ les premières tentatives d'union faites par Philippe
après la paix d'Augsbourg. On aurait souhaité pourtant qu'il nous eût
en quelques pages résumé le rôle joué par le landgrave avant i5b5 ;
qu'il nous eût parlé au moins du colloque de Marbourg. Mais voici qui
est plus extraordinaire; M. H. s'arrête là où s'arrêtent ses documents,
au milieu même d'une négociation. La première guerre de religion a
éclaté en France. Les huguenots envoient d'Andelot, frère de Coligny,
demander des secours en hommes et en argent aux princes protes-
tants d'Allemagne. Après bien des pourparlers, le landgrave, le duc de
Wurtemberg, l'électeur palatin Frédéric, le comte palatin Wolfgang, le
margrave de Bade-Dourlach Charles consentirent à avancer certaines
sommes. Le duc de Saxe-Weimar, Jean-Frédéric, s'exécuta à son tour;
mais, continue M. H., l'électeur de Saxe ne voulut rien donner... Puis
un point, c'est tout. Ne demandez pas à l'auteur de vous signaler briè-
vement les faits qui suivirent : prières adressées par le prince de Condé
à la diète de Francfort dans l'automne de i562, issue en France de
la première guerre civile. Il vous dira qu'après août i562 il n'a plus
rien trouvé d'inédit. N'attendez pas non plus de lui que, par un bref
résumé, il tixe dans votre mémoire le souvenir des négociations qu'il a
si longuement racontées; ne cherchez pas davantage dans son livre
une appréciation sur la politique de son héros. Il n'a pas voulu faire
œuvre d'art, mais seulement œuvre de science.
Cette science est très étendue, nous ne le nions point; au contraire,
nous allons le mettre en évidence. M. H. connaît fort bien l'histoire
d'Allemagne au milieu du xvi'= siècle et la bibliographie qu'il a dressée
montre combien nombreuses sont ses lectures. Il sait en outre
d'une façon remarquable l'histoire de France à cette époque. Il a
eu souvent occasion de parler de notre pays, à propos des rapports des
Réformés avec les princes allemands, et, en particulier, avec Philippe de
Hesse. Peut-être même a-t-il insisté, plus qu'il n'aurait fallu, sur les
événements intérieurs survenus à la cour des Valois, sur la politique
tortueuse de Catherine de Médicis, sur les plans des Guises, sur le
triumvirat, sur les états d'Orléans. Au moins, toujours son érudition est
sûre. S'il n'a pu profiter des travaux assez récents de MM. Delaborde
sur Coligny, Waddington sur Hubert Languet, Décrue sur Anne de
Montmorency, Forneron sur les Guises, il s'est servi du livre du duc
d'Aumale sur Condé, des volumes de Ruble sur Antoine de Bourbon, des
mémoires du xvi^ siècle, des pièces publiées dans les documents inédits.
378 REVUK CRITIQUK
IliVa pas commis de i^raves erreurs ^j et il en a corrigé quelques-unes qui
avaient échappé à ses devanciers. Ainsi il a montré d'une manière déti-
nitive que les princes allemands n'ont pris aucune part à la conjuration
d'Amboise. 11 a aussi emprunté aux archives allemandes de curieux
détails sur le colloque de Poissy; ils forment un complément à l'article
de M. de Ruhle paru récemment dans les Mémoires de la Société de
l'histoire de Paris. Personne ne devra plus, en France, rien écrire sur le
règne de François II et les débuts du règne de Charles IX, sans consul-
ter ce livre, mal fait, mais, somme toute, utile. Beaucoup d'ouvrages
d'histoire ne méritent pas un semblable éloge.
Ch. Pfister,
I
5ig. — I^ettres d'un cadet de Gascogne sous Liouîs XIV» p. p. Abbadie.
(Arch. hist. de la Gascogne, fasc. XXI). Paris, Champion, 1890. In-8, xix et go p.
Ce volume intéressant renferme des lettres de François de Sarra-
méa, capitaine au régiment de Languedoc, et, comme il se qualifie,
« cadet de Gascogne qui cherche fortune « (p. 63). Les lettres n'appor-
tent rien de nouveau, et le récit du combat de Rumersheim n'offre pas
de détails caractéristiques et attachants, quoiqu'il donne pourtant une
idée générale de cette « affaire » qui sauva l'Alsace et fit la réputation
du comte du Bourg (p. 72-73). Mais Sarraméa a lutté toute sa vie
pour la France et pour son roi, aux avants-postes, sur la frontière de
Flandre et sur les bords du Rhin. Il retrace à la hâte, simplement,
familièrement ses fatigues, ses misères, ses embarras d'argent : il prie ses
parents de ne pas l'abandonner, de 1' a entretenir honorablement dans
le service » (p. 7), d' « habiller son valet de vert avec des parements
rouges » (p. g), etc ; « les dépenses sont excessives; il taut être en état
de faire la guerre ; tout le monde s'efforce à paraître riche » (p. 33).
M. Abbadie a fait précéder ces lettres d'une solide introduction sur
la famille de son auteur et il les accompagne de notes très utiles et ins-
tructives sur les personnes et les localités que cite Sarraméa.
A.C.
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Gaidoz adresse dans là Mélusine l'appel suivant aux écrivains et
aux Sociétés savantes des pays slaves : « La littérature du folk-lore a pris un grand
développement dans les pays slaves, et la barrière de la langue nous etTipêche d'en
profiter, surtout parce que nous ne pouvons nous orienter dans ces volumes et savoir»
ce qui nous y peut intéresser. Ignoti nulla ciipido. Cette barrière serait moins éle-
I. P. 08, il donne à tort à d'Andelot, en l'année i35g, le titre de colonel général
de l'infanterie française. Cette dignité lui avait été enlevée l'année précédente et con-
fiée à Biaise de Monluc, le célèbre auteur des Commentaires.
d'histoire et de littérature 379
vée, si les savants et les sociéte's savantes des pays slaves (et aussi de la Hongrie et
de la Finlande) prenaient la peine de publier des tables des matières simultanément
en deux langues, dans la langue originale de l'ouvrage, puis dans une langue de
caractère générai comme le latin ou le français, ou l'anglais, ou l'allemand. Les indi-
ces, aussi, pourraient utilement être rédigés dans les deux langues. De cette façon le
savant de l'Occident pourrait savoir ce qui l'intéresse dans un volume et à quelle
page cela se trouve. Avec ces renseignements initiaux, il lui serait souvent aisé de
trouver un traducteur pour le passage en question. Il serait également utile que le
titre d'un livre slave, magyar, ou finlandais fût publié dans deux langues. (C'est ce
que fait déjà la Société Finno-Ougrienne d'Helsingfors), afin que les bibliothécaires
pussent plus aisément le classer et que le public pût le demander et l'obtenir. Un
livre mal classé est souvent dans une bibliothèque comme s'il n'existait pas. Le
nombre toujours plus grand des langues nationales qui deviennent des langues scien-
tifiques devient un véritable obstacle aux progrès de la science; et l'on commencée
regretter le temps où le latin, langue universelle de la chrétienté littéraire, faisait de
l'Europe occidentale et centrale, sinon une seule famille, au moins une seule maison
de clergie, ou, comme nous dirions aujourd'hui, un seul laboratoire. »
— Dans la collection de Lectures Historiques qu'entreprend de publier la maison
Hachette, le premier volume, destiné aux élèves de sixième, a été rédigé par notre
collaborateur M. Maspero (Lectures historiques, Histoire ancienne, Egypte et Assy-
rie, Hachette, 1890, xiii-400 p. in-S", avec 188 gravures dans le texte). L'Avertisse-
ment indique nettement le but que s'est proposé l'auteur: «Ce n'est pas ici l'histoire
suivie des dynasties et des nations de l'antique Orient... J'ai voulu donner aux enfants
qui liront ce livre l'impression de ce qu'était la vie sous ses formes diverses chez les
deux peuples les plus civilisés que la terre ait portés avant les Grecs. J'ai choisi pour
chacun d'eux l'époque où nous le connaissions le mieux et par le plus grand nombre
de monuments, pour l'Egypte celle de Ramsès II, celle d'Assourbanipal pour l'Assy-
rie. J'ai fait comme ces voyageurs consciencieux qui n'aiment pas aborder à l'étour-
die un pays nouveau, mais qui s'informent de ses mœurs et de sa langue avant le
départ, puis je m'en suis allé — ou je l'ai cru — à deux ou trois mille ans du temps
où nous sommes » La méthode de M. Maspero est celle de Barthélémy dans leVoyage
du jeune Anarchasis, avec le cadre romanesque en moins et une rigoureuse pré-
cision en plus. Naturellement, tout appareil d'érudition est exclu, mais c'est bien le
cas de dire qu'on la sent partout sans qu'elle se montre. Les gravures, exécutées par
M. Faucher-Gudin, sont aussi fidèles qu'agréables à l'œil ; quelques-unes reproduisent
les restitutions, dues à MM. Maspero etHeuzey, qui ont figuré à l'Exposition de 1889.
— M. Ch.-M. DES Granges a publié à la librairie Croville-Morand (in-S», 27 p.)
une étude critique, littéraire et morale sur le Sermon sur Vambition, de Bossuet. Il
cherche à répondre aux questions que les candidats à la licence peuvent se poser en
lisant le sermon. Ces candidats y trouveront, pensons-nous, des réponses satisfaisan-
tes; ce qui ne les dispensera pas de lire le texte lui-même.
— M. L -G. Pélissier professeur à l'Université de Montpellier, entreprend une col-
lection d'« Études et documents pour l'histoire du Midi pendant la Révolution »
(Marseille, impr. Mars, rue Sainte, Sg). Le premier fascicule intitulé Documents ré-
volutionnaires, première série, comprend: I. Les Jacobins à Bédarrides (deux scènes
de violences qui désolèrent le comtat Venaissin après sa réunion à la France); II. Les
Jacobins à Cader ousse [monixe. commtnS. étaient gérés les biens nationaux et com-
ment s'en faisaient les adjudications); III et IV. La situation d'Arles en ijg3 et
Rie:{ en juin ijgS (font voir avec quel enthousiasme le Midi accueillit l'insurrection
38o RRVUK CRITIQUE DHISTOIRK ET DE LITTERATURE
antijacobine de Marseille); V. Moiitesquiou et la commission départementale d'Avi-
gnon (permet de saisir sur le vif les difficultés qu'éprouvait le général de la part d'au-
torité issues du nouvel ordre de choses; Montesquieu proteste contre les crimes d'A-
vignon « dont l'horreur a été sentie d'un bout de l'Europe à l'autre » et réprouve les
assassins qui « jouissent de l'impunité et insultent par leur présence et par leurs
menaces à leurs victimes »); VI. Inventaire de la Société patriotique de Marseille
(« On y fit des découvertes bizarres et inattendues. Qui sait pourquoi cette capote de
femme, ce parasol et ce vieux parapluie se trouvaient dans le local du club dissous?
La séance d'inventaire paraît du reste avoir été fort gaie; on y cassa des meubles et
on fit ensuite venir de la musique pour visiter les sections « avec plus de majesté,
d'harmonie et de gaieté »); VII. Un curé des Martigues (lettre digne et touchante de
l'honnête curé Arnaud au maire, qui provoque la suppression de sa paroisse; il lui
donne encore des « avis charitables ») ; VIII. L'affaire de Semonville (contre-coups à
Marseille de l'arrestation de Semonville et inventaire de ses papiers). M, Pélissier a
donné tous ces textes in-extenso, et il a bien fait. Ces documents seront très utiles au
futur historien de la Révolution en Provence et dans le Comtat, et nous souhaitons
que le jeune et infatigable érudit continue en de nombreux fascicules son excellente
publication.
ALLEMAGNE.— Nous avons reçu le brillant discours que M. Erich Schmidt a pro-
noncé le 14 octobre 1890 à l'inauguration du monument de Lessing au Thiergarten
de Berlin (Festrede i^ur EnthiiUung des Berliner Lessing- Denkmals . Gr. in-8",
4 p. Berlin, imprimerie Lessing [L. MûUer]).
— A partir de 189 1, MM. Schroeder, de Marbourg, et Roethe, de Gœttingue,
prennent la direction de la Zeitschriftfûr deutsches Altertiim u. deutsche Litteratur.
M. E. Steinmeyer qui se retire de la rédaction, fera paraître, en même temps que le
I*''" fascicule de 1891 (XXXV" volume) un index général des trente-quatre volumes
parus jusqu'ici & afin de terminer le demi-siècle que la revue vient d'achever. ?;
— L'« AUgemeiner deutscher Sprachverein décernera un premier prix de 1,000 mark
et un second prix de 5oo mark aux deux meilleurs travaux sur le sujet suivant :
Gui deutsch! Eine Anleitung :^ur Vermeidung der hœufigsten auch bei Gebildeten
vorkommenden Verstœsse gegen den gutcn Sprachgebrauch und ein Rathgeber in
Fœllen schwankender Ausdrucksweise.
— Sont nommés professeurs : à Breslau, M. Koser; à Giessen, M. Hœhlbaum; à
léna, M. de Liebenam; à Kiel, M. Schûrer.
— Le professeur Conrad Hoffmann est mort le 2 octobre à Munich à l'âge de 71 ans.
ANGLETERRE. — M. H.-D. Darbishire, auteur d'une Etude sur l'esprit rude
en grec, dont la Revue a rendu compte (XXVIII, p. 383), vient de publier dans les
Cambridge Philological Transactions d'intéressants addenda, où il défend et com-
plète sa théorie. Dans le même recueil, et sous le titre de Contributions to Grcek
Lexicography, il établit, d'après divers passages d'auteurs grecs et latins, l'histoire
et la filiation des sens et des adjectifs grecs £7rtôs|(8s et ivoé'iioi. Une seule observation
sans conséquence d'ailleurs : le vers Odyss. K. 190, n'est pas nécessairement « of late
origin »; car rien n'est plus aisé que d'y rétablir le digamma de to//.îv, en supprimant
le t' que n'exige nullement la syntaxe homérique.
— L Eugltsh Dialect Society va publier un Glossary of words in use in the county
ofGloucester, par M. S. D. Robertson et un travail de M. Al. Ellis, English dia-
lects, their homes and sounds.
Le Propriétaire-Gérant: ERNEST LEROUX.
Le Pîty, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, n.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 48 — 1 décembre — 1890
Sommaire t 520. Josèphe, iv, p. p. Niese. — 52i. Liebenam, Les corporations
romaines. — 522. Berger, Stylistique latine. — 523. Luzio, Isabelle d'Esté. —
524. Law, Les catholiques sous Elisabeth. — 525. De Meaux. La Réforme et la
politique française en Europe. — 526. Nerruch, Jean Paul. — 527. Braitmaier,
Histoire de la critique allemande. — 528. Lambert, Les féde'rations en Franche-
Comté. — 529. La Rochejaquelein. — 53o. Souvenirs de M"-" de La Bouëre. —
53 1. B. Zeller, L'histoire de France racontée par les contemporains. — 532.
Groot. Histoire de la Nouvelle Grenade, II. — 533. Du Puitspelu, Dictionnaire
du patois lyonnais. — 534. Valera, Lettres américaines. — Académie des Ins-
criptions.
520. — Flavil Joseph! opéra. Edidit et apparatu critico instruxit Benedictus
Niese. (Tome IV : Antiquiiates judaicae, livres xvi-xx ; Vita Josephi). Berlin,
Weidmann, 1890. In-8, 389 p.
Nous nous contentons pour aujourd'hui de signaler ce nouveau vo-
lume de l'importante publication de M. Niese, dont il avait déjà paru
trois tomes (I, II et V). Le tome III qui est sous presse, complétera
les Antiquités et nous fera connaître les principes critiques d'après les-
quels l'éditeur s'est guidé dans la seconde moitié de cet ouvrage. Dès à
présent nous pouvons louer, comme nous l'avons fait précédemment, et
même sans les réserves que nous avions cru devoir formuler sur certains
points d'orthographe, la richesse de l'appareil critique, le soin scrupu-
leux apporté à l'impression et la discrétion avec laquelle M. Niese con-
tinue à user des droits de conjecture et d'athélèse ^.
T. R.
521. — W. Liebenam. Zun Gesctatcbte und Organisation des Rcemiselien
Verelns-wesens. Leipzig, 1890, in-8, 334 pages, chez Teubner.
M. Liebenam, à qui nous devons déjà différents travaux consciencieux
et utiles sur les antiquités romaines, et qui nous prépare les fastes de
toutes les provinces de l'Empire, vient de nous donner, pour nous faire
attendre, trois dissertations relatives aux corporations. La première est
consacrée à l'histoire du régime d'association à Rome. L'auteur nous le
montre établi déjà sous les rois, puis frappé en parti d'interdiction par
le sénatusconsulte de 69, puis renaissant sous l'Empire. Il examine la
politique des différents empereurs à l'égard des collèges, en insistant
I. 11 va sans dire que le fameux passage sur Jésus (XVIII, 3, 3) est placé entre cro-
chets.
Nouvelle série, XXX. 4^
382 REVUE CRITIQUE
sur le rôle de Marc-Aurèle, de Septime-Sévère et de Sévère Alexandre,'"^
qui firent beaucoup pour la liberté d'association ; et il nous conduit ainsi
jusqu'au Bas-Empire où les collèges sont devenus des institutions que
rÉtat a confisquées à son profit. Cet aperçu historique qui, à vrai dire,
a déjà été tenté plus d'une fois, est un bon résumé de nos connaissances
sur la question. Dans la seconde partie, M. L. laissant en dehors de
son travail, à dessein, les collèges purement funéraires, étudie, par l'exa-
men minutieux des inscriptions, le développement des collèges d'artisans
dans le monde romain. 11 examine successivement tous les corps de mé-
tiers par catégories en indiquant les textes épigraphiques qui y font allu-
sion et les villes où la mention s'est rencontrée. Les mêmes documents
classés non plus par corps de métiers, mais géographiquement, permet-
tent à l'auteur de nous présenter ensuite, comme complément, un tableau
de la densité des associations par provinces. On peut faire à ce sujet plus
d'une remarque curieuse; par exemple, il suffit d'un coup d'œil pour
voir que les corporations sont aussi nombreuses en Gaule — et pour-
tant M. L. n'a guère consulté que le Corpus (t. XlljdeBoissieu, Orelli,
et Wilmanns; il n'a dépouillé ni un seul de nos catalogues du musée, ni
le Bulletin de la Société des Antiquaires, ni aucune de nos publications
locales — qu'elles sont rares en Afrique ' . La troisième partie traite de l'or-
ganisation des corporations: fondation, statuts, règlements d'administra-
tion, police du collège; membres, patrons, magistrats; rapport des asso-
ciations avec l'Etat ou les villes, divinités protectrices : bref toutes les
questions de détail qui peuvent se poser à propos des corporations sont
passées successivement en revue. Un appendice a trait aux collèges
militaires. C'est, on le voit, un des travaux les plus complets qui exis-
tent sur les associations romaines. On pourra discuter les différentes
conclusions de l'auteur. — et pour ma part, je fais des réserves sur
plus d'un point et notamment sur ce qu'il a écrit à propos des
collèges militaires — mais on devra reconnaître que si M. Liebenam
est au courant des théories admises par ses devanciers, il connaît
surtout les documents relatifs à la question, et qu'il les discute
toujours librement, souvent heureusement. On trouvera du profit à
consulter ce travail,
R. Gagnât.
522. — Stylistique latine, par E. Berger, traduite de rallemand par F. Gâche,
et S. Piquet, et remaniée par Max Bonnet et F. Gâche. Nouvelle édition. Paris, j|
Klincksieck, 1890, xxiii-385 pp. in-12.
La stylistique, dont M. Antoine a jadis entretenu nos lecteurs % repa-
raît en seconde édition « corrigée et considérablement augmentée ». Ces
mots du titre ne sont pas une formule banale. Nous n'avons qu'un
I, M, Schmidt vient d'expliquer très heureusement cette bizarrerie par le fait que
les Curies municipales, en Afrique, formaient de véritables corporations.
2.Rev. cr. i885, I, 367.
\
d'histoire et de littérature 333
regret c'est qu'ils ne puissent être encore mieux justifiés. C'était déià le
reproche qu adressait M. Antoine à cet excellent petit livre. Nous le
renouvelons. On comprend, à la rigueur, que la forme de l'ouvrage alle-
mand ait ete conservée dans ia première édition. La tentative n'avait en
France guère de précédents et l'on pouvait attendre les indications de
1 expérience. M. Bonnet a pu les recueillir depuis cinq ans; il aurait dû
en profiter, et transformer la stylistique de Berger de manière à en faire
une œuvre originale. La collection même de Klincksieck lui fournissait
un modèle dans la Syntaxe grecque de MM. Riemann et Cucuel (pri-
mitivement Seyffert et von Bamberg). Il s'agissait, non d'augmenter la
part de cette métaphysique grammaticale à laquelle on sacrifie parfois
un peu trop en Allemagne, mais de fortifier le contingent des faits et
des remarques pratiques. Il en est toujours temps, puisqu'une troisième
édition sera sans nul doute bientôt nécessaire.
L'exécution typographique est grandement améliorée et une table
des passages cités rend le livre utile à plus d'une fin.
P. L.
"i'.^T t'"''"'''"^ ^""°' ^"'^^^^^ ^^^^^^- ^^^^^ Rela.ionî di I«abella
Jan^^T^"^" "T '^"*'"^'''^" « Béatrice Sfo.-.a. Milano, tip. Bor-
o ou. d, G.useppe Prato, ,890. In-8 de 160 p. (Extr. de YArchivio stor. lom-
bar do, an. xvii).
Pour peu qu'on ait étudié la fin du xv^ siècle ou le commencement
duxvieen Italie, on se rappelle la séduisante figure d'Isabelle d'Esté,
femme de François de Gonzague. Pour qui l'a une fois rencontrée, la
marquise de Mantoue reste le type le plus brillant, et en même temps le
Plus exquis, de la femme cultivée de la Renaissance. Nombreux déjà
>ont les écrivains qui ont parlé d'elle et ont exprimé le regret qu'il n'y
lut aucun travail sérieux sur cet attrayant sujet. Ce travail a été promis
iepuis longtemps par MM. Luzio et Renier, qui l'ont préparé d'après
es correspondances si complètes des archives de Mantoue 1 ; je suis heu-
eux d'annoncer qu'il entre dans la période de publication et d'en faire
onnaitre la première partie.
Ce n'est, à vrai dire, qu'une monographie bien spéciale, sur les rap-
orts d Isabelle d'Esté avec Milan jusqu'en i5oo, mais déjà son rôle s'y
essine avec plus de précision qu'on ne l'avait vu jusqu'ici. D'ailleurs
vant de nous donner le livre définitif qu'on est en droit d'attendre dé
ur talent, les deux auteurs ont décidé d'utiliser les correspondances ex-
emement nombreuses recueillies par eux, au moyen de travaux de
-tau qui allégeront d'autant le travail d'ensemble. Si on en juge par
'ile qui vient de paraître, leurs monographies offriront une forme très
l'es dor,!,f'f' '"?-"' r'' °" ^^>'-^"^^"^ tiré parti, en diverses pu'olications, de quel
«s documents .soies. One esquisse du travail complet a même été donnée en ainglais
I «l(RTmVr88S ) ' '"'''""^ ''''''^' "'^^'^ '''"^''^'' '--'-^^onefs of
n
3gj^ REVUE CRITIQUE
agréable, qui consiste à insérer intégralement dans le récit les docu-
ments les plus intéressants. On vit mieux de la vie des personnages,
lorsqu'on les voit agir et qu'on les entend parler eux-mêmes. Les archi-
ves de Mantoue ont conservé une si grande quantité de ces documents
intimes et savoureux, dont la curiosité moderne est friande, quUl n^y
avait, semblc-t-il, pour la satisfaire, qu'à y puiser à pleines mains. Les
auteurs ont bien fait de ne pas réléguer leurs trésors dans des appen-
dices où on ne va guère les chercher. Ce mélange de pièces contempo-
raines, toutes heuïeusement choisies, et d'un texte remarquablement
clair et bien écrit, donne un grand charme à la lecture.
Il est piquant de voir rapprocher en une même étude les deux person-
nages principaux du récit, Isabelle d'Esté et Ludovic le More. Isabelle
et Ludovic sont les meilleurs représentants de cette période de la Renais-
sance ; ils en montrent chacun, il est vrai, un côté différent; Tabsence
de moralité de Tun et Télévation de cœur de l'autre caractérisent égale-
ment le temps où ils vivent; mais nul parmi les princes contemporains,
ne possède à un plus haut degré l'amour du beau et la culture artistique
et littéraire. Ils furent liés par une étroite alliance de famille et peu s'er|;|
fallût qu'ils ne le fussent davantage encore : avant de demander la main,
de la sœur cadette d'Isabelle, Béatrice d' Este, Ludovic Sforza avait songf
à épouser Isabelle elle-même. Bien que le rôle de Béatrice ait été assez
important dans la vie du More, il est permis de penser qu'une femme
douée comme Isabelle eût exercé sur lui une influence tout autre elf
qu'elle eût dirigé ses puissantes facultés dans une voie moins tortueuse e)|
moins funeste à l'Italie. Il y eut, du moins, entre eux, malgré leur diver*
site de nature, un courant de sympathie personnelle, qui ne s'arrêtsp
jamais, et dont l'étude de MM. L. et R. fournit une preuve continue.
Le travail embrasse dix années de l'histoire d'Italie. Les relations sui-
vies entre les cours de Milan et de Mantoue s'établissent en 1491, ail
moment du mariage de Béatrice d'Esté et de Ludovic Sforza, pour quel
ques temps encore'duc de Bari. Le récit du voyage d'Isabelle sur le Pô|
jusqu'à Plaisance, précède celui des fêtes magnifiques données à Milaij
pour les noces de sa sœur (pp. i3-26j, et bientôt suivies, à Ferrarecetti
fois, des fêles du mariage d'Alphonse d'Esté avec Anna Sforza J26-28 '
L'année 1492 est marquée par le voyage d'Isabelle à Milan et à Gênes
raconté par elle à son mari en lettres charmantes (5 3-65); l'année 1493
par sa visite de Venise, où une brillante réception lui est faite par 1
Seigneurie (74-85) K Elle n'assiste pas aux cérémonies qui ont lieu
Milan à l'occasion du départ de Bianca-Maria Sforza, fiancée à Max;
milieu, mais sa sœur les lui raconte en une longue lettre, pleine c
détails, qui est une des plus curieuses de son carteggio [Sg-g3]. Bientô
la scène change : les Français, appelés par Sforza, descend ent^nhaU'
I. Sur les goûts voyageurs des princesses du temps et d'Isabelle d'Esté en partii
lier, on peut voir le tout récent article de MM. Luzio et Renier : Gara Ji viaggi ff
duecelebri dame del Rinascimento {dAns VInterme:(ïO, an. I, 1890).
.»: I
d'histoire et de littérature 385
et Isabelle, invite'e par lui et curieuse de tous les spectacles, va voir défi-
ler à Parme les premières compagnies étrangères ^ Les détails anecdoti-
ques sur l'expédition de Charles VIII ne manquent pas, dans les pages
suivantes, à cause du rôle important joué par le mari d'Isabelle, comme
capitaine-général des confédérés ~. Isabelle était, du reste, en rapports
de plus en plus étroits avec Milan, centre des intrigues italiennes, et y
faisait même, en 1495, un nouveau séjour pour les couches de sa sœur
(io3). La mort de Béatrice, qui fut un deuil commun pour Ludovic et
Isabelle, très profondément ressenti par tous les deux (i25-i3i), n'inter-
rompait point leurs relations 3. C'était à elle qu'il s'adressait dans une
belle lettre politique, une des plus explicites qu'il ait jamais écrites,
lorsqu'il apprenait que le marquis de Mantoue avait ouvert des pourpar-
lers secrets avec la France (134-1 36). Pour sceller ensuite la confiance
revenue entre Gonzague et Sforza, celui-ci venait à Mantoue et y était
dignement reçu par les soins de la marquise, pendant l'été de 1498
(141-144) '^. La dernière pièce importante du recueil est une lettre, écrite
le b février i5oo, dans laquelle le More racontait à Isabelle son retour
de France et cette rentrée triomphale dans son duché qui allait être, à
si bref délai, suivie de sa chute (i55-i58).
Au milieu de ces événements court une suite d'anecdotes, de traits de
mœurs, d'indications variées, utiles à recueillir par quiconque s'occupe
de la Renaissance. Une polémique épistolaire entre la marquise de Man-
1. Sans défendre le caractère ni surtout les mœurs de Charles VIII, on peut trou-
ver que les auteurs s'en tiennent un peu trop exclusivement, pour juger l'armée qui
l'accompagnait, au témoignage de « l'impartial » Sanudo (p. 10 1). M, F. -H. Dela-
borde a prouvé, dans Y Expédition de Charles VIII, combien les renseignements
vénitiens sont suspects en la matière et souvent entachés d'exagération et de parti pris.
L'armée royale était, en somme, une armée du xv« siècle, rien de plus; ses pires
troupes ne semblent pas avoir été aussi féroces et aussi indisciplinées que les Stra-
diotti. — J'indiquerai d'autre part, par esprit d'impartialité, que MM. L. et R., dans
un autre travail, réfutent l'opinion de M. Delaborde sur l'appréciation faite en Italie
de la bataille de Fornoue; ils ne voient pas un exemple de la façon dont la vérité
était alors travestie dans un but politique, dans le fait que la bataille, évident avantage
des Français, fut célébrée par les confédérés comme une victoire. V. un important
extrait de VArch. stor. ital. 1890, F. Gon:^aga alla battaglia di Fornovo seconda
i documenti Mantovani (Florence, 44 pp. in-S»). MM. L. et R. y montrent, notam-
ment p. 22, en établissant la bonne foi de François de Gonzague, qu'on peut appli-
quer parfois dans la grande histoire la psychologie de Tartarin de Tarascon.
2. Les dépouilles de la tente de Charles VIII furent envoyées par François de Gon-
zague à sa femme, après la bataille de Fornoue (i 17-1 ig). Entre les mains d'Isa-
belle demeura quelque temps le fameux recueil de portraits de femmes qui fut
trouvé parmi les bagages du roi et que Ben. Capilupi nomme «li retracti de quelle
damiselje del Re ». L'identification est probable pour moi avec « un libretto ed alcune
carte de diverse picture » que Gonzague renvoyait au roi, le mois suivant {F. Gon-
laga alla batt.di Fornovo, p. 33).
3. On peut lire une jolie page sur Béatrice d'Esté, récemment parue dans la
Revue internationale (i5 oct. i8go) et signée Mary Robinson.
4. hdi Revue historique annonce un article prochain de M. Léon-G. Pélissier qui
semble ne pouvoir laisser de côté la marquise de Mantoue : Les amies de Ludovic
Sfor^a et leur rôle en I4g8-gg.
386 REVUE CRITIQUE
toue et Galéaz Visconti, au sujet des mérites respectifs de Roland et de
Renaud de Montauban> occupe les pp. 3o-38. On trouvera des détails
sur les voyages par eau, au moyen de bucintori souvent peu confortables
(14-15), sur les usages de chasse (48, 57, 59], les bouffons de cour (65),
les représentations dramatiques (84, 108, i5o), le luxe des vêtements et
des étoffes ,61,78, 79, 86), etc. Plusieurs renseignements viennent s'a-
jouter à ce qu'on savait déjà sur Lorenzo Gusnaco, dit Lorenzo de Pavie,
ce luthier établi à Venise qui fournissait Isabelle non seulement d'ins-
truments de musique, mais de livres et d'objets d'arts (12 1-124). A noter
aussi les pages sur Cristoforo Romano, Pauteur du buste célèbre de Béa-
trice d'Esté qui est au Louvre (48-50, 72 n., 137), et la demande faite
par la marquise à Mantegna d'une tête antique qu'il avait rapportée de
Rome et que souhaitait posséder Isabelle d'Aragon (147). Je multiplie
d'autant plus volontiers ces indications de pages, prises au courant de la
lecture, que le travail manque absolument de tables ou sommaires pro-
pres à orienter le lecteur dans cet amas de renseignements précieux '^ .
Est-il besoin de dire que l'histoire politique doit tenir compte aussi
de la publication de MM. Luzio et Renier? Sans y trouver aucun fait
nouveau vraiment important, on y prendra une connaissance plus com-
plète du caractère de Ludovic le More, vu dans le milieu intime de la
cour de Milan. Plusieurs lettres de lui, par exemple celle qu'il écrit sur
la mort de sa femme (126), sont tout à fait instructives à cet égard et
fournissent plus d'un trait à ajouter au portrait de Burckhardt. En
somme, les historiens de la marquise de Mantoue ouvrent dignement la
série de monographies qu'ils se proposent de lui consacrer. L'accueil
qu'ils reçoivent de tous ceux qui s'intéressent, en travailleurs ou en sim-
ples curieux, à l'époque qu'ils étudient, les encouragera à hâter l'achè-
vement de leur oeuvre.
P. DE NOLHAG.
524. — A. bistorical Sketch of tlie Conflicts bet'iveeii Jesuits and
Seculars in tlie Retgn of queen Elizabeth, witlî a leprint of Ghristo-
pher Bagshaw's « True relation of the faction begun at Wisbich » aiiJ illustrative
Documents, by Thomas Graves Law. Londres, David Nutt, 1889, in-8, clhi-
172 pages.
L'objet de ce livre est de faire connaître comment, sous le règne d'Eli-
sabeth, le clergé catholique anglais fut divisé en deux partis. La ques-
tion controversée et que chaque parti prétendait résoudre d'une façon
différente était de savoir si Elisabeth devait être reconnue reine légi-
time d'Angleterre. Elisabeth, fille d'Anne Boleyn et née du vivant de
Catherine d'Aragon, femme d'Henri VIII, était bâtarde, et n'avait pu ^
hériter régulièrement d'Henri VIII, au préjudice de Marie Stuart, petite-^|
nièce de ce prince. Telle était la croyance catholique. On pouvait donc
1 . P. 99, lire en rimes carcans et brocans. il
II
d'histoire et de littérature 387
qualifier d'usurpation ravènement d'Elisabeth au trône. Mais à cette
thèse politico-théologique, il y avait une réponse. La volonté de l'im-
mense majorité de la nation anglaise rendait légitime la royauté d'Eli-
sabeth. Trrégulièreau point de vue du droit héréditaire, comme l'avait
déclaré une bulle du pape Pie V, cette royauté était devenue régulière
par l'élection. La royauté élective est la meilleure, ojptima, suivant
renseignement de saint Thomas d'Aquin :
■~- l'.m in regno, in qiio iimis virtute conspicmis , caeteris omnibus^
etiam inferioribus principibus pî-aeest, et in qiio ad principatum omnes
virtute conspicui, etiam popiilares, eligi possunt et eligendi jus habent,
sit optima principiim ordinatio^ cumque hiijiismodi fuerit veteris legis
de principibus institutum, certiim est eam de principibus convenienter
ordinasse ^.
En conséquence, tandis qu'une partie des ecclésiastiques catholiques
anglais croyait qu'on ne pouvait sans péché reconnaître Elisabeth
comme reine, l'autre partie considérait cette reconnaissance comme
obligatoire tant qu'une élection nouvelle n'aurait pas remplacé Elisa-
beth par un autre souverain. De là, une lutte ardente. Cette lutte de-
vint d'autant plus vive que parmi les ecclésiastiques catholiques empri-
sonnés à Wisbeach et obligés ainsi à une vie commune, les uns tenaient
pour la première opinion, qui semblait justifiée par la bulle de Pie V,
les autres avaient adopté la seconde opinion tolérée par la papauté
sous la réserve rébus sic stantibus^ ; les uns étaient de jeunes piètres
dont l'éducation avait été faite sur le continent, les autres des prêtres
plus âgés élevés en Angleterre; la rivalité naturelle du clergé séculier
et des Jésuites rendait plus ardente l'animosité qui résultait de la con-
tradiction théorique.
L'auteur a donné un très clair exposé des faits et a placé à la suite un
recueil de pièces justificatives fort intéressantes. On voit, par exeinple
dans ce volume comment un des chefs du parti catholique modéré a pu,
avec Tautorisation du gouvernement anglais, sortir de prison pour
aller défendre sa cause à Rome.
Les fautes du parti catholique exalté ont tenu une grande place parmi
les causes de la persécution anglaise ; mais sur le continent, dans le monde
catholique, cette persécution était mieux connue que les maladresses
politiques des victimes.
Pour comprendre l'état d'esprit des catholiques sur le continent, on
peut consulter un recueil de gravures imprimé à Rome en vertu d'un
privilège papal daté du 27 juin 1584. Il est intitulé : Ecclesiae Angli-
f.Summa theologica, Prima secundae, Quaestio CV, Articulus I Conclusio. On
pouvait justifier, en s'appuyant sur saint Thomas d'Aquin, une modification de la
loi d'hérédité : Lex temporalis, quamvis jiista sit, commutavi tamen per tempoia
juste potesi, saint Augustin, De hbevo arbiirio, 1. I, c. 6, cité dans la Somme théo-
logique, Frima secundae, qu. XCVII, art. I.
2. Voyez p. XII du volume dont nous rendons compte. La décision paraît datée
de i58o, la bulle de Pie V est de iSyo.
388 REVUE CRITIQUE
CANAE TROPHAEA sive Sanctorum Martyrum, qui pro Ch-r\%to Catholicae
qiiejîdei Veritate asserenda antiqiio récent ioriqiie Persecutioniim tem-
pore mortem in Anglia subieriint, Passiones, Romae in Collegio
Anglico per Nicolaiim Circinianinn depictae, niiper autem per Jo.
Bap. de Cavalleriis œneis typis reprœsentatae Ciim Privilégia Grego-
rii XII, P. M. Ce volume contient trente-six gravures, les six numé-
rotées 3o-35 sont consacrées à la persécution sous Elisabeth; les légen-
des donnent les noms de vingt-trois martyrs dont les dessins représen-
tent le supplice; parmi eux trois élèves du collège anglais de Rome,
quatre du collège anglais de Reims. La dernière gravure nous montre
le pape à genoux au pied d'un autel ; les blonds élèves du collège anglais
de Rome font demi-cercle autour de lui. L'exemplaire que j'ai sous les
yeux est couvert de débris d'une reliure fleurdelysée aux armes de
Lorraine ; la planche des armoiries porte la date de i582. Marie Stuart,
dont la mère, comme on sait, appartenait à la maison de Lorraine, était
prisonnière d'Elisabeth à la date de ce livre et de sa reliure : on sait
quelle influence eurent sur son sort la politique de ses parents et de ses
amis, l'attitude de la maison de Lorraine, de l'Espagne et des catholi-
ques exaltés d'Angleterre.
H. d'A. DE J.
bzb. — L.a Rérorme et la politique Trançaise en Kurope, jusqu'à la paix
de Westphalie, par le vicomte de Meaux. Paris, Perriii et comp., 1S89, vu, 569-
688 p. in-8. Prix : î5 fr.
Le volumineux ouvrage de M. le vicomte de Meaux forme, pour
ainsi dire, une suite naturelle à sesLiittes religieuses en Fratice au sei-
:^ième siècle, publiées en 1879. Seulement l'auteur a notablement élargi
ses cadres, en embrassant, pour le siècle suivant, l'histoire de l'Europe
civilisée tout entière. Il la considère, moins dans les détails du dévelop-
pement intérieur de chaque Etat que dans leurs rapports mutuels et
surtout dans leur attitude vis-à visde la grande question religieuse, qui
n'a point cessé d'influencer d'une façon décisive la politique d'alors, bien
que dans des directions opposées. Dans son précédent travail, l'auteur
nous avait montré le double but atteint à la fin des guerres civiles, la
foi catholique triomphant en France, en même temps que la liberté de
conscience y demeure établie. Dans ses nouveaux volumes, il nous fait
parcourir les autres royaumes et les républiques du continent, divisés
par cette même lutte confessionnelle qui semble close par l'avènement
des Bourbons. Il fait passer sous nos yeux les Etats protestants intolé-
rants pour l'Eglise, les Etats catholiques hostiles à l'hérésie, et leurs grou-
pements divers en vue d'une autre et décisive rencontre qui ne donnera
la victoire complète ni à l'un ni à l'autre des principes en litige. C'est
cette lutte surtout que l'auteur nous raconte ^ L'Angleterre, l'Allema-
I . Peut-être y a-t-il un peu trop de de'tails d'histoire militaire dans ce livre essen- ■
tieilement politique, surtout pour la guerre de Trente-Ans.
d'histoire et de littérature 389
gne du nord, les Etats Scandinaves et les Pays-Bas échappent définitive-
ment aux revendications de Romei. En Espagne, en Italie, l'Eglise
triomphe sans difficultés sérieuses; elle remporte de haute lutte dans
les vastes domaines de la maison d'Autriche. Quant à la France, la réac-
tion catholique de la fin du xvi^ siècle lui a si profondément inoculé le
virus de l'intolérance, que cette intolérance finit par y triompher à son
tour, malgré la politique réparatrice de Henri IV et malgré les longues et
intimes accointances politiques des gouvernants français avec les héré-
tiques étrangers, et l'appui qu'ils leur prêtent contre les Habsbourgs.
Après avoir étouffé d'abord toute pensée indépendante au sein du catho-
licisme lui-même, elle réussit à écraser l'hérésie dans les domaines du
Grand-Roi, sans aboutir pourtant dans toutes ses entreprises au dehors,
et surtout dans celle de ramener sur le trône d'Angleterre un monarque
défenseur de la foi.
Tel est le cadre général de l'ouvrage ; nous y rencontrons, à vrai dire,
une série de monographies spéciales dans les chapitres plus ou moins
étendus que M. de M. consacre successivement à l'Angleterre, aux
royaumes Scandinaves, aux Pays-Bas, à l'Allemagne, à la Pologne, à la
France, à l'Italie, à l'Espagne, etc. L'auteur n'a point ménagé ses
efforts, ni épargné ses recherches, pour réunir les matériaux nécessaires
à un aussi vaste travail. Il les a ramassés de droite et de gauche, avec
un peu de précipitation peut-être, et sans toujours se rendre un compte
exact de la valeur des sources qu'il avait sous la main ou des extraits
nombreux que lui faisaient parvenir ses correspondants étrangers. Il a
eu entre les mains quelques dossiers d'archives, copiés pour lui au Vati-
can ; il a consulté aussi d'autres dépôts de manuscrits i, mais il a surtout
mis à profit les historiens antérieurs, de nationalité et de cultes divers,
qui se sont occupés de l'histoire religieuse et politique du xvii« siècle,
en les exploitant d'ailleurs d'une manière fort inégale. Ses références
bibliographiques sont aussi recommandables et variées que possible, en
admettant qu'il ait parcouru lui-même et qu'il ait étudié tous ces
ouvrages ~. Seulement on les rencontre un peu pêle-mêle, Léopold de
Ranke et Lothrop Motley, Lingard et Geijer, Bossuet et Merle d'Aubi-
gné, MM. Janssen et Kervyn de Lettenhove, pour n'en nommer que
quelques-uns des plus connus, et leur témoignage semble avoir suffi
généralement à l'auteur, sans qu'il ait songé à le vérifier ou à le peser.
Nous n'en faisons pas autrement un reproche à M. de Meaux. C'est
beaucoup demander, même aujourd'hui, à un historien de profession,
de pouvoir exploiter directement à la fois les sources françaises, alle-
mandes, anglaises, italiennes, polonaises, espagnoles, suédoises, hollan-
daises, etc.
1. Les renvois sont d'une utilité douteuse et d'un contrôle difficile quand on se
borne à citer « Manuscrits de la Bibliotlièque Nationale. » (I, p. 82).
2. Il est permis de formuler une pareille réserve quand on le voit citer par exem-
ple l'auteur « Mercurio Siri » (II, 206). Sans faire tort à M. de Meaux, on peut ad-
mettre qu'il n'a jamais tenu en main ni feuilleté les in-quarto du Mercurio de Vit-
torio Siri.
3qO RliVUE CRITIQUE
Il y a deux manicres d'aborder l'étude des volumes de M. de Meaux.
On peut les juger au point de vue des principes et de la méthode de dis-
cussion ; on peut les apprécier aussi d'après le détail des faits qu'ils ren-
ferment, mais le premier procédé me semble le plus utile à-la fois et le
plus conforme au désir de l'auteur. A ce point de vue, l'on ne peut se
dissimuler qu'il y a dans ce livre un malentendu perpétuel, ou plutôt
une lutte inégale entre le sentiment de Thistorien, sérieusement désireux
d'être impartial et de l'homme moderne, d'une part, et le fidèle adhé-
rent de Punité catholique, de l'autre. Toute la partie théorique de Tou-
vrage voudrait proclamer la beauté, l'utilité de la liberté de conscience,
et pourtant elle repose en réalité sur la conviction que l'unité de la foi
est une nécessité morale pour la société humaine, et que cette foi ne
peut être que celle de l'Église. M. de M. admet certainement aujour-
d''hui « la liberté de conscience avec ses troubles et ses périls », mais au
fond, qu'il s'en rende compte ou non, il la subit plutôt qu'il ne la désire.
Il est évident d'ailleurs qu\in homme pour qui le fondement de toute
morale est le dogme de la divinité du Christ (I, 450) et qui professe que
« les lois de l'Eglise autorisent au besoin l'emploi de la force pour pré-
server les âmes » (II, 297), ne peut guère avoir de sympathies pour des
tendances hérétiques ou athées. Cela est fâcheux assurément, puisque
cent ans après la Révolution française, il ne devrait plus être possible de
mettre en doute que la liberté de conscience du plus humble paysan
des Cévennes, ou du libre-penseur le plus hostile à toute idée religieuse,
est aussi sacrée que celle du souverain pontife sur le siège de Saint-
Pierre. La vraie notion de la liberté est donc absente de ce livre, mais
nous n'avons garde d'en faire un reproche à l'auteur; c'est affaire de
convictions personnelles. Ce que nous lui reprochons, c'est tout autre
chose, c'est de ne pas reconnaître franchement l'existence de cette intolé-
rance générale des catholiques, comme des protestants, au xvn^ siècle,
qui crève, pour ainsi dire, les yeux, ou — ce qui est plus regrettable —
de ne parvenir â la constater que du côté des dissidents. S'il approuvait
cette intolérance, tout en la signalant, nous ne serions certes pas de son
avis, mais il resterait du moins, quant aux faits, dans la réalité histori-
que. Procéder par contre, comme le fait M. de M., presque à chaque
chapitre de son ouvrage, c'est mettre trop souvent l'histoire à l'envers.
Qu'on nous permette de citer quelques exemples. Ainsi l'auteur nous
affirme gravement qu'à Rome, au xvii'= siècle, « la diversité et la liberté
des opinions orthodoxes sont entretenues et protégées par l'Eglise ^ »
(I, 492). Parlant de l'Espagne, l'auteur, malgré tant de récits d'auto-
da-féque nous rencontrons dans les récits de voyages contemporains ou
les relations diplomatiques, nous assure que la Très-Sainte-Inquisition,
qui d'ailleurs « traitait ses prisonniers avec une humanité alors sans
exemple », n'a fait périr, en trois siècles, que cent trente-quatre victimes
I. Le mot orthodoxe est mis ici prudemment pour re'duire au silence ceux qui
prononceraient les noms de Vanini, Molinos ou Galiie'e; mais cela seul montre
bien ce qu'était cette prétendue liberté romaine.
D^HISTOIRE ET DE LITTERATURE 3gi
sur ses bûchers! (I, Sgg). Appelé à raconter le retour forcé des provinces
héréditaires des Habsbourgs au catliolicisme, il résumera les mesures
terroristes édictées par l'archiduc Ferdinand en Styrie dans la phrase
bénigne suivante : « Un prédicant, qui se donnait pour un prophète et
excitait le peuple à la révohe, périt avec sa femme dont il avait fait sa
complice. Mais d'ailleurs tous les dissidents dispariwent comme par
miracle, sans coup férir » (I, 3 14). M. de M. n'aurait eu qu'à jeter les
yeux sur la Relation des persécutions de Styrie, de Paul Odontius,
l'une Hes victimes, traduite en français, il y a une vingtaine d'années,
par M. Edouard Fick, pour savoir à quoi s'en tenir sur les cruautés de
l'archiduc de Gratz. Autant parler de miracles à propos des dragonnades
de Louis XIV ou de l'abolition du culte catholique pendant la Terreur!
Que l'on compare enfin ce que dit M. de M. de la Pologne, où, d'après
ce qu'il nous raconte, l'Eglise catholique n'a fait que « subir la persécu-
tion sans l'avoir jamais exercée » (I, SjS), quand il suffit d'ouvrir une
histoire de l'Eglise quelconque, Regensvolcius, Gieseler, Krasinski, ou
même une Histoire de Pologne un peu détaillée, pour y voir comment
« le libre choix » des Polonais entre les deux confessions fut influencé
par les Wasa catholiques et par leurs successeurs, dociles instruments
des Jésuites, qui n'ont cessé de comprimer les dissidents, fermant et
détruisant leurs églises, leur enlevant leurs droits politiques, si bien
qu'au xvni'= siècle leur situation lamenta'ole a pu servir de motif ou de
prétexte à l'intervention russe et prussienne.
Ce sont là quelques exemples pris dans les chapitres sur les États
catholiques. Passons en terre hérétique et la note changera d'une façon
sensible. Ainsi, pour l'Angleterre, ce ne sont que plaintes, en partie
fort justifiées, contre les procédés barbares d'Elisabeth et de Jacques I"',
alors cependant que l'auteur est obligé d'avouer que les Guises ont com-
ploté contre la vie d'Elisabeth avec le secrétaire du Saint-Siège; qu'ils
ont soudoyé ces assassins et que, de loin, la cour de Rome a pris part
au complot (I, p. 42-44) '. Ainsi encore pour les Pays-Bas. M. de M.
s'élève avec force contre le « fanatisme calviniste » des États-Généraux
qui les empêcha d'accorder la liberté des cultes à leurs sujets. Ce n'est
pas nous qui les en féliciterons, à coup sûr; mais comment ne pas
signaler la partialité de l'auteur quand nous constatons plus loin, dans
son propre ouvrage, qu'en une seule année (1629) on put organiser
plus de cinq cents lieux de culte privé dans les Provinces- Unies, et que
le nombre des prêtres catholiques néerlandais (parmi lesquels beaucoup
de Jésuites) augmenta tellement qu'ils étaient cent soixante-dix en 1614
et quatre cent quatre-vingt-deux en i638! N'est-ce pas là une preuve
I. C'est une casuistique bien subtile que celle par laquelle l'auteur tente de discul-
per les émissaires des collèges de Reims et de Douai, et en général les membres du
clergé anglais d'avoir voulu renverser Elisabeth. Il serait plus simple de dire que,
l'Église ayant déclaré la bâtarde du roi schisniatique et d'Anne Boleyn, rebelle à
Dieu et au Saint-Siège, aucun fils obéissant de l'Eglise ne pouvait avoir de scrupule
de contribuer à la suppression d'une nouvelle Athalie.
392 REVUE CRITIQUE
sensible de tolérance, au moins tacite? Est-on bien en droit de s'éton-
ner tellement, au point de vue politique, qu'un peu plus tard,
au fort de leur lutte contre l'Espagne et l'Empire, alors que l'ap-
pui de l'Angleterre va leur faire défaut, les Etats-Généraux aient
prohibé pour un temps la célébration du culte catholique et fermé
la frontière aux membres du clergé catholique, sujets presque tous
d'une nation mortellement hostile? Si M. de M. avait voulu suivre
un peu plus loin l'histoire des Pays-Bas , il se serait convaincu
que, soumise à certaines restrictions, dures et pénibles à notre senti-
ment, comme au sien, la liberté de conscience, sinon celle du culte,
n'a cessé de subsister en Hollande, et que, du xvii'= au xvin« siè-
cle, elle s'y est affermie de plus en plus. C'est un des titres d'honneur de
la République des Pays-Bas que d'avoir permis, la première, à chacun
de ses enfants, à chaque étranger même, de conserver sa foi personnelle,
sans violenter sa conscience ou Texpulser au delà de ses frontières.
Si M. de M. n'admet point que telle est la vérité historique, c'est
qu'il est étrangement préoccupé de revendiquer l'honneur exclusif
d'avoir proclamé cette liberté, pour les pays catholiques. Il pose en
thèse quelque part que « l'Eglise romaine est capable de résister
non seulement à l'attaque violente, mais à la liberté permanente
d'une autre croyance » (I, 376). Il n'y a pas, évidemment, matière à
la moindre controverse dans cette vérité générale. La seule chose
qui soit discutable, c'est de savoir si vraiment l'Eglise du xvn* siècle,
libre de son choix, a volontairement supporté la « liberté perma-
nente d'une autre croyance ». M. de M. en est persuadé, puisqu'il
ajoute : « Cette dernière expérience est particulière à la Pologne et à la
France ; elles seules l'ont tentée et, dans ces deux États, tous deux catho-
liques, l'épreuve a tourné à l'avantage du catholicisme. Aucun État
protestant, jusqu'à notre siècle, n'a essayé pareil régime. » Il y a là deux
erreurs capitales. D'abord ni la France ni la Pologne n'ont sérieusement
tenté cette expérience. Pour la Pologne, nous avons déjà dit tout à
l'heure ce que nous en pensions. Quant à la France, c'est uniquement
Henri IV qui a tenté d'établir un modiis vivendi équitable entre les
catholiques et les huguenots ; et s'il l'a fait, c'est qu'il était un grand
politique, en avance de son temps, tout d'abord, mais aussi — ne l'ou-
blions pas — un protestant peu fervent, puis un catholique moins
fervent encore. Lui mort, l'édit de Nantes cessa bientôt d'être une
vérité. M. de M. lui-même nous avoue que la jurisprudence royale, à
force d'interpréter l'Édit dans un sens défavorable, ne cessa d'en préparer
la révocation (II, 219), et l'on sait de reste que la violation défini-
tive de ce pacte solennel eut lieu aux applaudissements de la France
tout entière. Aussi, rien n'est plus faux, à notre avis, que l'éloge
troD général qu'il fait des monarques français du xvu" siècle dans
la péroraison de son ouvrage. « La monarchie française obtient
alors le premier r?ng; clic l'a mérité en affranchissant les âmes
D^HISTOIRE ET DE LITTERATURE SqS
et les peuples. Dans le moment même où elle devient absolue à l'in-
térieur du royaume, elle inaugure la liberté de conscience et de culte,
qui convient particulièrement à cette époque, et respecte la liberté de
l'Église, toujours et partout nécessaire »(II, 688). L'accident d'un seul
ne peut caractériser la politique d'une dynastie, et Louis XIV ne sau-
rait bénéficier des vues plus hautes de Henri IV qu'il a méconnues.
C'est bien lui qui est la personnification véritable de la monarchie abso-
lue, et s'il y a quelque chose que Louis XIV n^ait jamais compris, c'est
bien la liberté de conscience, non pas seulement vis-à-vis des hérétiques,
mais à l'égard de tous ceux, jansénistes ou quiétistes, qui heurtaient sa
façon devoir, et du Saint-Siège lui-même. Je ne dis point cela, ni pour
Pen blâmer, ni pour Ten louer, je le dis parce que cela me semble un
fait historique indiscutable. Pour ce qui est des États protestants qui
n'auraient point su se hausser à la taille des deux nations catholiques,
il ne faut pas se payer de mots non plus. Assurément au xvii'^ siècle, les
préjugés protestants étaient aussi vivaccs que les préjugés catholiques.
Assurément ni l'Angleterre ni les Pays-Bas, même au xvui° siècle,
n'ont encore inscrit la liberté des cultes dans leurs constitutions politi-
ques. Nous sommes entièrement d'accord avec M. de M. pour procla-
mer que la situation d'un catholique anglais sous Georges lil n'était
pas enviable ni conforme aux principes libéraux que nous proclamons
tous aujourd'hui, et, pour être plus tolérable, celle d'un catholique hol-
landais laissait certainement beaucoup à désirer, il y a un siècle et demi.
Mats ce serait, d'autre part, se moquer des lecteurs et du bon sens, que
de venir prétendre que le sort de tous deux était aussi dur et aussi digne
de pitié que celui d'un religionnaire français, traqué au Désert, ou celui
de ces bourgeois de Thorn, poussés sur l'échafaud en lySj par les Jésui*
tes polonais.
Après nous être exprimé très franchement sur les divergences profon-
des qui nous séparent de l'auteur dans l'appréciation des faits, et, après
avoir formulé les griefs que nous avons à faire valoir contre sa méthode
historique, nous nous sentons d'autant plus à l'aise pour dire que nous
avons parcouru de nombreux chapitres de son livre avec un vif intérêt ;
nous signalerons tout particulièrement les deux cents premières pages
du second volume, relatives au développement intérieur du catholicisme
en France, dans la première moitié du xvii° siècle. L'auteur a pu se
laisser aller librement à ses sympathies naturelles et son style en a
grandement profité, comme aussi lasérieuse valeur historique de ces pages
témoigne d'une familiarité plus longue et plus intime du narrateur avec
les matières traitées '.
R.
I. Les menues erreurs de détail et les fautes d'impression sont naturellement assez
nombreuses dans un livre composé delà façon que nous avonsdite en commençant.
Nous en avons relevé un certain nombre au cours de notre lecture, et nous les men-
tionnons ici, pour que l'auteur puisse les corriger, si plus tard une seconde édi-
tion devenait nécessaire, T. I, p. n, lire Blackstone pour Blakstom ou Blaschsk-
394 REVUE CRITIQUE
520. — Jean i»nnl, sein Leben und seine Werke, von Paul Nerrlich. Berlin,
Weidmana, 1S89. In-8, xi et 655 p.
M. Nerrlich est sûrement riiomiiie d'Allemagne et de France qui
connaît le mieux son Jean-Paul. Aussi le gros volume qu'il vient de pu-
blier, est-il très complet, et les trois livres qu'il comprend (I. Die
Jugend, II. Bewegte Zeit. III. In Bayreuth) nous exposent- ils avec le
plus grand détail la vie et l'œuvre de l'écrivain. Nous suivons Jean Paul
de Wunsiedelet de Joditz à Schwarzenbach, puis à Leipzig, à Weimar,
à Berlin, à Bayreuth, et chemin faisant, M. N. nous trace le portrait de
tous les personnages remarquables qui sont en rapport avec son héros.
Il n'oublie pas de décrire les endroits où Jean-Paul a vécu, et consacre,
par exemple, deux jolies pages (pp. 74-75) au Fichtelgebirge. Il analyse
dHme façon pénétrante et souvent- avec gotàt les romans de Jean-Paul.
Peut-être n'est-il pas assez sévère pour son auteur qu'il nomme der
Klassiker des Wit\es (p. i32). 11 aurait dû citer le livre de M. Firmery.
Il suit trop strictement l'ordre chronologique et il a parfois la manière
lourde et minutieuse de Dûntzer. Sa longue introduction où il nous
apparaît comme Junghegelianer, nous paraît presque aussi subtile et
inutile que la préface qu'il avait mise aux lettres d'Arnold Ruge. Mais
son livre se lit avec intérêt et profit ; c'est une de ces excellentes biogra-
phies longues, étendues, pleines de choses, comme les Allemands en
possèdent quelques-unes, comme le Herder de Haym, le Winckelmann
de Justi, le Schleiermacher de Dilthey.
A. C.
tone l'p. 73). — P. i5,lire Kappel pour Capel. — P. 17, lire notitia pour noticia .
— P. 37, lire Landlaff pour Landalff. — P. 1 10, lire Laski ou a Lasco pour Lesko.
— P. 179, lire La Marck pour La Marek. — P. 210, lire Frundsberg pour
Freimbdsberg. — P. 228, lire Zapolyi pour Zapolin. — P. 24g, l'auteur appelle
Albert àt Saxe Vé\tc\.tu\- Jean- Frédéric piis à la bataille de Mûhlberg. — P. 275, il
faut dire l'évêque de Wannie [o\i à' Ermeland) QX.nonàs. Warmia. L'auteur cite égale-
ment là un évêché à^ Noremboiir g dont WstraSi bien embarrassé de trouver la place
dans le Saint Empire romain-germanique. — P. 296 et 3oo. L'archevêque de Colo-
gne est appelé d'aboi d Frédéric de Wied, puis Hermann de Wied. — P. 3 11. L'évê-
que de Wurzbourg s'appelait Jules Editer de Mespelbrunn et non Echt de Mespe-
bronn. — P. 33o, lire Grccii van Prinsterer pour Sitropoen. — P. 456, nous lisons :
« Les huguenots assassinèrent le duc François de Guise. » Poltiot de Méré était
huguenot assurément, tout comme Ravaillac était catholique. Quelle ne serait pas
pourtant l'indignation de M. de M. si quelqu'un s'avisait d'écrire: « Les catholiques
ont assassiné Henri IV. » On devrait laisser ces vieilles redites calomnieuses aux
pamphlétaires de bas étage; elles sont indignes d'un homme qui prétend au titre *|
d'historien. — P. 461, lire Schiveinfurt pour Scliivienfurt. — T. 11, p. 206 (?), lire
Roit peur Roth.— P. 211, lire Pontis pour Punctis.— P. 228, M. de M. fait commen-
cer l'immixtion de la France dans l'histoire de la guerre de Trente Ans de 1634,
alors que dix ans auparavant déjà elle salariait une partie des troupes de Mansfeld.
—P. 219, lire Z,occ-(())! pour Lo/fA:«)j.— P.5i3, Wvq Lamormain [ou Laemmermann] pour
La Monnan et Lammormann. — P. 239, Vn-QGeschichte des boehmischen Auf st. vides
pour Gesticnte des bohnisclien. — P. 248, lire Smalkalde pour Smalkade — P. 394,
lire Lutter pour Lutten. — P. 612, \\XQ prof essor pour prof ena, etc., etc.
i
d'histoire et de littérature SgS
527. — Cescliîchte dei» poetiselien Tlieorie und l^i iiik, von deu Discui-
sen dei- Maler bis auf Lessing von F. Braitmaier. 2 Theile. Frauenfeki, Huber,
1888-1889.
On a souvent signalé Pinfluence considérable que la critique, la théo-
rie poétiqueet esthétique ont exercée sur la marche et le développement
de la littérature et de la poésie allemandes, surtout au xvm'^ siècle. On
peut s''étonner cependant que cette partie si importante de l'his-
toire littéraire ne soit pas devenue, depuis longtemps, l'objet d^une
histoire spéciale et complète. Elle n'était connue que par fragments
isolés, par des monographies particulières, ou bien confondue
dans le mouvement général de la littérature et de la philosophie, ou
bien encore traitée partiellement au seul point de vue de Testhétique.
Ce n'est que dans ces derniers temps qu'on s'est avisé de la présenter
dans son développement d'ensemble complet et suivi, dans l'évolution
de ses phases diverses,
M. Breitmaier n'est cependant pas le premier qui ait eu l'idée d'une
histoire d'ensemble de la critique littéraire en Allemagne. Lui-même,
dans sa préface, signale l'ouvrage de M. Borinski : Die Poetik der
Renaissance iind die An f linge der litterarischen Kritik in Deutschîand
(18861, auquel le sien doit faire suite. M, B. aurait pu ne pas ignorer
que, même en F'rance, on s'est occupé du même sujet 1.
L'ouvrage de M. B. en deux volumes, comprend le développement
de la critique et de la théorie poétique depuis Gottsched et les Suisses
jusqu'à Lessing.
Le premier volume débute par l'examen des premières publications
critiques des Suisses. Puis il donne une analyse très détaillée des théo-
ries de Gottsched, de celles de Bodmer et de Breitinger, avec indication
des sources où ils ont puisé, des influences diverses qu'ils ont subies.
11 raconte ensuite la polémique célèbre qui met aux prises les deux
écoles ; il en montre les causes et les effets sur la littérature générale;
il cherche à en dégager les résultats positifs et définitifs. Le volume se
termine par un chapitre très étendu et intéressant par sa nouveauté
relative sur J .-Elias Schlegel, incomplètement connu jusqu'ici, d'abord
disciple de Gottsched, mais bientôt détaché du maître et indépendant,
inclinant vers les Suisses, novateur timide encore, mais marquant déjà,
par ses écrits théoriques et ses productions dramatiques, un progrès
dans le sens de la liberté et de l'originalité. L'auteur associe dans le
même chapitre au nom d'Elias Schlegel, celui de son frère J.-A. Schle-
gel, le pèie des deux chefs de l'école romantique, le traducteur de l'ou-
vrage de Batteux. Cette traduction, enrichie de commentaires, de
dissertations critiques originales, a joui d'une grande réputation et
I. C'est ainsi que M. Braitmaier ignore l'ouvrage de M. Grucker, Histoire des théo-
ries littéraires et esthétiques en Allemagne. (Paris, Berger-Levrault, 1882,) — A. G.
3g6 REVUE CRITIQUE
exercé une influence marquée sur le développement des idées esthétiques'
en Allemagne.
Enfin, la dernière partie de ce chapitre est consacrée à Gellert et à sa
dissertation de Covioedia commovente, premier essai d'une apologie de
la comédie bourgeoise qui commençait à s'acclimater en Allemagne.
Le premier volume montre que M. B. a un grand mérite et un
réel avantage sur ses prédécesseurs : c'est d'avoir été à même d'user
avec plus de prodigalité et d'exactitude scrupuleuse, de tous les docu-
ments, de toutes les sources. Il a pu ainsi souvent rectifier plus d'une
erreur, établir la vérité sur plus d'un point douteux, ajouter de nou-
veaux détails, et donner avec une exposition plus complète une idée
plus vraie des doctrines qu'il fait connaître.
Cependant, son appréciation ne nous semble pas toujours équitable et
suffisamment justifiée. Au lieu de débuter, comme il était naturel, par
l'exposition des doctrines qui font l'objet du premier volume, M. B.
entre en matière dans le premier chapitre par une polémique très vive
contre Danzel, le panégyriste de Gottsched, que M. B. , par un parti pris
contraire, rabaisse beaucoup trop. L'opinion sur Gottsched semble
aujourd'hui définitivement fixée. D'éminents critiques et historiens
de la littérature ont jugé sévèrement les défauts d'esprit et de caractère,
les prétentions dictatoriales, les théories étroites et surannées du chef de
l'école de Leipzig; mais ils ont reconnu aussi ses mérites relatifs, les
services rendus par lui à la littérature et à l'esprit allemand auxquels ses
défauts mêmes n'ont pas été inutiles. Les arguments de M. Breitmaier
ne me paraissent pas de force à casser le jugement équitable et définitif
qui s'est formé sur Gottsched. En tout cas, cet éreintement nous semble
mal placé en tête de l'ouvrage. 11 eût été plus logique et plus juste de
le placer après l'exposition sur la doctrine de Gottsched, comme conclu-
sion, et non avant, comme préambule. Le lecteur est prévenu et cette
exposition d'une doctrine d'avance condamnée perd beaucoup de son
intérêt.
Le second volume est consacré au développement que reçoivent
les théories neuves et fécondes encore qu'incomplètes des Suisses, à la
constitution définitive de la critique et de la théorie poétique. Cette
constitution est Foeuvre de la philosophie. C'est à la philosophie de
Wolf, dans la personne de Baumgarten, que revient l'honneur d'avoir
fondé la théorie poétique sur des principes, de leur avoir appliqué la
méthode et les procédés de Pécole, d'en avoir fait une partie intégrante
de la philosophie, une véritable science.
L'auteur analyse longuement et minutieusement la doctrine esthéti-
que de Baumgarten, non seulement dans sa forme achevée et systéma-
tique (du moins la première partie), mais aussi dans ses premiers essais.
Il montre les incertitudes, les obscurités, les lacunes de sa célèbre défini-
tion du Beau (Perfection de la représentation sensible), les interpréta-
tions diverses que Baumgarten en a lui-même données sans parvenir aies
d'histoire et de littérature 3 97
concilier entre elles. Mais il montre aussi que cette définition, si incom-
plète d'ailleurs, a pour la première fois mis en lumière Télément sen-
sible, expressif, plastique du Beau, et en le distinguant de l'élément
logique et purement intellectuel avec lequel on l'avait confondu, lui a
assigné une place et une fonction propres. Mais, d'autre part, en rat-
tachant le Beau aux perceptions confuses de l'âme, Baumgarten en a
méconnu l'élément supérieur et métaphysique; et en vertu même de la
psychologie de son école, il l'a condamné à disparaître à mesure que
l'esprit s'élève des perceptions confuses aux idées claires et distinctes.
Baumgarten, d'ailleurs, n'a pas tenu les promesses de son programme.
Le système esthétique qu'il annonce, il ne l'a donné que très incomplè-
tement. En outre, la rigueur logique de ses déductions n'est qu'appa-
rente. Ce sont, le plus souvent, des mots et non des idées qu'il analyse.
Il tire des prémisses posées non ce qu'elles contiennent virtuellement,
mais ce qu'il a eu soin d'y mettre à l'avance; ses prétendues démonstra-
tions, comme celles de Wolf, son maître, sont le plus souvent des péti-
tions de principes. La terminologie scolastique, la langue latine dont se
sert Baumgarten n'étaient pas faites non plus pour rendre sa doctrine
populaire. C'est l'exposé de cette doctrine en allemand, par son disciple
Meier, qui l'a répandue dans le public et qui en a fait le succès.
L'auteur a bien saisi en général le mérite et les défauts de Baumgar-
ten. Mais dans son jugement final, n'est-il pas trop sévère et injuste en
affirmant que « TEsthétique de BauiTigarten n'est qu'une bordure cou-
sue à la défroque usée de la poétique traditionnelle? » La définition même
sur les mérites de laquelle l'auteur a insisté, n'est-elle pas une nouveauté
et un progrès? Quand enfin il cite le jugement de Herder sur Baum-
garten qui trouve dans ces trois mots, qui constituent sa définition du
Beau (oratio perfecta sensitiva), « le gerine d'où est sortie comme un
arbre magnifique et fécond toute la substance de la poésie; que ce n'est
pas là une définition scolastique, mais qu'au contraire elle nous intro-
duit dans l'âme humaine et en tire toute l'idée de la poésie,» — en s'asso-
ciant ainsi à l'éloge que Herder décerne à Baumgarten, l'auteur nous
paraît être sinon en contradiction, du moins en désaccord visible avec
lui-même.
Le chapitre le plus étendu, et aussi à beaucoup d'égards le plus neuf
de Touvrage, est celui qui est consacré à Mendelsohn. Mendelsohn n'est
pas un penseur original et créateur. C'est un esprit plein de finesse et
d'ingéniosité, s'appliquant à toutes sortes de sujets; analyste subtil,
habile dialecticien, mais incapable de pousser ses idées jusqu'à leurs
dernières conséquences, et à les coordonner en un système complet. Il
est un des plus actifs ouvriers de ce grand travail d'émancipation intel-
lectuelle, de critique indépendante, dont Berlin a été le centre depuis
l'avènement de Frédéric le Grand. 11 a été Fami, le collaborateur, le
correspondant de Nicolaï, de Lessing ; il est en plein dans le mouve-
ment littéraire et philosophique de cette époque — et c'est une des par-
398 RlîVL'E CRITIQUE
lies les plus neuves du livre de M. Breiimaier que celle où il nous
menue Mendclsohn comme critique jugeant les œuvres et les écrivains
de son temps, avec les idées de son temps, il est vrai, mais avec finesse
et justesse, assez peu sympathique aux tendances révolutionnaires de la
jeune école du Stui^7n iind Drang; dont il ne peut comprendre les légi-
times revendications, mais dont il sait aussi, notamment en ce qui con-
cerne la conception de la poésie naturaliste de Herder, saisir hs défauts
et les exagérations dangereuses.
Après le critique, l'auteur nous fait connaître le théoricien esthétique.
Il nous semble que l'ordre inverse eiit été plus logique, caries jugements
d'une critique sont presque toujours les conséquences de ses opinions
théoriques. Il eût mieux valu commencer par celles-ci.
L'esthétique, la théorie du Beau et des Arts, doit à Mendelsohn des
développements nouveaux. Il a analysé plus profondément qu'on ne
l'avait fait jusque-là, l'idée et le sentiment du Beau, il en a dégagé et
.séparé certains éléments importants; sur le naïf, le sublime, le génie,
il a des vues neuves; il est ici précurseur de Kant et de Schiller. Il a
donné avant Lessing, la célèbre définition de la Grâce. Avant Lessing
il a étudié la nature, les limites respectives, les caractères constitutifs des
Beaux-Arts, tout en conservant sur leur rôle moralisateur et didactique
la vieille doctrine. Lessing doit aux observations critiques de Mendel-
sohn plus d'une moditication heureuse des théories trop absolues de son
Laocoon. La correspondance qu'il entretient avec Lessing (de lySô-iySj)
sur le but et les effets de la tragédie, sur la nature des émotions tragiques ;
les objections qu'il lui adresse à l'occasion de son interprétation de la
définition d'Aristote, aujourd'hui encore conservent leur valeur. L'au-
teur a bien saisi et caractérisé toutes les formes de l'esprit et du talent
de Mendelsohn. Il peut se vanter avec quelque raison, et il ne s'en
fait pas faute du reste, d'être ici plus complet et plus exact que tous
ceux qui, avant lui, ont traité le même sujet.
Mais nous reprocherons à l'auteur de n'avoir pas réuni dans un juge-
ment d'ensemble plus complet, les qualités, les mérites, l'actif littéraire
et esthétique de Mendelsohn. De même nous eussions désiré une co!i-
clusion générale à l'ouvrage entier qui résumât ia marche, les progrès,
les résultats définitifs de cette évolution de la critique et de la théorie
esthétique en Allemagne. Nous disons théorie esthétique à dessein, car
nous préférons cette expression à celle de théorie poétique dont se sert
l'auteur. Cette théorie, en effet, dans son livre, embrasse, outre la poésie,
les Beaux-Arts et la question générale du Beau avec tout ce qui s'y rat-
tache.
Nous'avons déjà indiqué plusieurs des points sur lesquels portent nos
critiques et nos objections. Nous pourrions en citer encore d'autres.
En général, la composition de l'ouvrage ne nous paraît pas irrépro- ^1
chable. Les parties générales et essentielles ne se dégagent pas nettement lil
des parties secondaires et moins intéressantes. Tout est sur le même
©■"histoire et de littérature
099
plan. Il y a des répétitions inutiles. En revanclie, on peut signaler des
omissions assez importantes. Ni Wieland, ni Klopstock, ni Winkelmann
n'ont trouvé place dans cette histoire de la critique et de la théorie esthé-
tique.
Mais ces défauts sont rachetés par de solides mérites, par l'abondance
des matières, par l'emploi consciencieux des sources, par beaucoup de
renseignements et de détails nouveaux. Cet ouvrage sera certainement
lu avec intérêt, consulté avec fruit par tous ceux qui veulent se faire
une idée d'ensemble complète du développement des idées et des
théories esthétiques, de leur importance et de leur influence sur la litté-
rature et la poésie allemandes. II ne sera même pas inutile à ceux qui
voudront, après Fauteur, reprendre et traiter le même sujet.
E. Grucker.
528. — t,es Fédérations en Franche^Conité et la fêle tle la Fédéra-
tion du 14 Juillet 1 TOO, par Maurice Lambert. Paris, librairie académique
Perrin et C", 1890, in-8 de 111-119 pp.
M. Lambert indique bien l'intérêt de son livre dans cette phrase :
« Un caractère remarquable de la Fédération de 1890, c'est son origine
provinciale. La plupart des grands événements de la Révolution ont
commencé à Paris; la province n'a fait que suivre. Pour la Fédération
il en fut autrement. » En Franche-Comté, le mouvement fédératif prit
naissance dans les bailliages de Lons-le-Saunier et de Vesoul, d'où il
s^étendit rapidement à toute la province. Les fédérations n'y furent
pas une vaine parade, elles eurent un but utile : « défendre le pays
contre les malfaiteurs, remédier à l'anarchie, prévenir la disette ». Cette
première partie est la plus neuve du livre. L'auteur tire heureusement
profit des registres municipaux des communes. Suit une bonne étude,
très agréablement écrite, sur les fêtes de la Fédération à Paris et en
Franche-Comté, dans laquelle les faits et gestes des députés franc-com-
tois tiennent une large place. Le livre de M. Lambert nous a mon-
tré que la fête de la Fédération eut, du moins en province, d'autre rai-
son d'être que le besoin d'une démonstration décorative. Le pays qui
venait de briser son organisation intérieure sentait le besoin d'une
organisation nouvelle. Que si ces mouvements fédératifs avaient pu
avoir des racines profondes, la crise imminente, si malheureuse pour
notre pays, ne se serait pas produite.
Frantz Funck-Brentano.
400 REVUE CRITIQUE
529. — Ileni'l «lo I^a llocliejuquoleln et la guerre «le la V'cntlée«
d'après des documents inédits. Paris, Champion; Niort, Clouzot, 1890. Petit
in-4 écu de 343 p.
530. — Souvenîi-s <lc In comtesse «le t.n Bouëi-c. La guerre de la Vendée
1793-1796, mémoires inédits, publiés par M"'c la comtesse de La Bouëre, belle-
fille de l'auteur, préface par le marquis Costa de Beauregard. Paris, Pion, 1890,
In-8.
L'auteur du livre sur Henri de la Rochejaquelein a fait œuvre très
louable. Il a consulté sur son héros un grand nombre de documents
imprimés et manuscrits, et parmi ces derniers les mémoires inédits de
la marquise de Donissan, de M"'= de la Rochejaquelein et de M. Pau-
vert de la Jubeaudière, que renferrnent les archives des châteaux de
Clisson et de la Durbelière. On trouvera donc dans ce volume plusieurs
détails nouveaux et quelques rectifications qui seront les bienvenues.
Ainsi, il est inexact de dire avec le comte de la Boutetière, que La Ro-
chejaquelein alla au camp de l'Oie demander à Sapinaud de le prendre
pour aide de camp ; avec Ledain, qu'il fut repoussé par Quétineau le
12 avril entre les Aubiers et les Cerqueux; avec l'abbé Deniau, qu'il ne
voulait pas à la bataille de Luçon commencer le feu au moment oppor-
tun (p. 3i, 32, 290), etc. Le récit se lit d'ailleurs avec intérêt il est clair
et sans emphase. P. 128, sur Chevardin, qui était Alsacien et dont le
nom s'écrit Schwardin, il eût fallu consulter les ^owyen/ri' d'Erasme de
Contades 1.
On lira, avec plus d'intérêt encore, les mémoires de cette comtesse de
La Bouëre à qui la marquise de la Rochejaquelein donnait le joli nom
de camarade. M^e de La Bouëre a passé sa vie à rassembler non seu-
lement ses souvenirs, mais ceux de son mari et de ses amis sur la guerre
de la Vendée. Elle les écrivait sur des pages volantes ou dans des
cahiers qui contenaient aussi des extraits de ses lectures. Aussi n'a-t-elle
fait que de simples notes, et comme elle dit, ces notes ont le mérite de
« rectifier quelques erreurs et d etreun recueil de pièces authentiques ».
Mais elles ont un autre mérite encore : elles font revivre avec une sin-
gulière vigueur le monde de la Vendée. Tout d'abord, les femmes ou
marraines de Chalonnes avec leur mante ou capote de laine noire,
leurs jupes rayées et leurs corsets en grosse toile dure qui « formaient
une espèce de cuirasse difficile à percer ; aussi les bleus se plaignaient
plus d'une fois de la difficulté de tuer ces femmes » (p. 8). Puis, les
paysans refusant de se rendre aux frontières, et se soulevant contre les
patriotes ou patauds, les habitants de la Poitevinière allant attaquer
Jallais et mettant à leur tête l'ancien caporal Perdriault, qui fut le
maître de Cathélineau, et la guerre s'enflammant, guerre implacable,
I . Le livre contient un appendice où sont rassemblés divers documents, des piè-
ces justificatives (actes de baptêinc, de décès, d'inhumation), une table des noms
de personnes ei de lieux, une carte de la Vendée, un portrait, un fac-similé, une vue
de la chapelle funéraire de Saint-Aubin de Baubigné.
i
D HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 4OI
guerre d'incendies et de massacres. M^^ Je La Bouëre se cacha dans les
genêts et les ajoncs. « Je n'ai rien connu, dit-elle, de plus triste et de
position plus affreuse. Là, blotti sur la terre, on ne voyait pas à quatre
pas devant soi. Mais on entendait tout, et les seuls bruits qui faisaient
transir et battre le cœur, c'étaient les tambours qui se faisaient entendre
de tous côtés. Quand leurs sons semblaient s'éloigner à droite, ils
recommençaient à gauche. C'étaient enfin les coups de fusils des bleus
lorsqu'ils apercevaient quelques hommes, et leurs cris forcenés contre
ceux auxquels ils criaient : « arrête! arrête! » avec des blasphèmes
épouvantables. Maintes fois, j'ai cru les genêts cernés ; c'est alors que
les mères serraient encore plus fortement leurs enfants contre leur sein
pour mourir ensemble. Chose étonnante! ces petits êtres comprenaient
la terreur par ces étreintes magnétiques, car il n'y a pas d'exemple que
leurs cris aient dévoilé la retraite des infortunés qui se cachaient. »
(P. 127-128.) Il faudrait citer encore nombre de passages dramatiques
de ces Souvenirs, l'incendie de La BouèYe, l'entrevue de M. de La
Bouëre et de Stofflet, l'arrestation de ce dernier, et le chapitre consacré
aux victimes.
A. C.
53 1. •^ Ij'HîstoIre de France racontée par les contemporains. Extraits
des chroniques et des mémoires, publiés par B. Zeller, répétiteur de l'Ecole
polytechnique, maître de conférences à la Sorbonne. Format petit in- 16, avec de
nombreuses gravures. Chaque volume, 5o cent.
L'Histoire de France racontée par les contemporains^ publication de
M. B. Zeller, qui avait été entreprise d'une manière un peu décousue,
puisqu'elle avait subitement passé du règne de Charles VIII au règne
des fils de Henri II, pour aboutir à la mort de Henri IV, forme aujour-
d'hui, par la publication des volumes intermédiaires, une série complète
depuis les origines de notre histoire nationale jusqu'en 1610 ^ On peut
j. La Gaule et les Gaulois; 2 La Gaule romaine; 3 La Gaule chrétienne ; 4 Les
invasions barbares en Gaule; 5 Les Francs Mérovingiens : Clovis et ses fils;
6 Lts fils de Clotaire : Frédégonde et Brunehaut ; 7 Rois fainéants et maires du
palais; 8 Cliarlemagne ; 9 Les successeurs de Charlemagne : Louis -le-Pieux ; 10
Charles le Chauve; 11 Les derniers Carolingiens; 12 Les premiers Capétiens;
i3 Les Capétiens du xu' siècle : Louis VI et Louis VII; 14 Philippe Auguste et
Louis VIII; ib L'empire français d'Orient, la iv" croisade ; 16 Saint Louis ; ij Phi-
lippe le Hardi. Mœurs et institutions du xiw siècle; 18 Philippe le Bel et ses trois
fils; ig Philippe VI et Robert d'Artois; 20 La guerre de Cent Ans : Jean le Bon;
21 Le dauphin Charles et la commune de Pdris; 22 La grande invasion anglaise;
La paix de Brétigny ; 23 Charles V et Du Guesclin; 24 Charles V, sa cour et
son gouvernement ; 23 Charles VI, le gouvernement des oncles ; 26 Louis de France
et Jean sans Peur ; 27 Les Armagnacs et les Bourguignons ; la commune de 1 41 3 ;
28 La France anglaise; A^incourt et le traité de Troyes; 2g Charles VII et Jeanne
d'Arc; 30 Charles VIL la Monarchie absolue; 'ii Louis XI, son gouvernement;
il Louis XI et la ynaison de Bourgogne; 33 Anne de Beaujeu. Les États de 1484 ;
34 Charles VIII; la Guerre folle, le Mariage breton; 35 Charles VIII en Italie;
402 REVUE CRITIQUE
mieux apprécier actuellement la valeur et Pimportance de ce travail
considérable. M. B. Z. s'est proposé de mettre sous les yeux du lecteur
la suite de l'histoire de France au moyen de textes uniquement extraits
des historiens, mémorialistes, annalistes, chroniqueurs, épistoliers,
poètes , ou des documents authentiques contemporains du temps
dont ils parlent. Ainsi présentée par des témoins, des acteurs, des
peintres de mœurs, l'histoire se meut et vit dans les tableaux que Ton
voit, dans les paroles que l'on entend, les documents authentiques aux-
quels on s'attache, sans que le spectacle soit obscurci ou dénaturé par
les interprétations inexactes, les préjugés ou les erreurs dans lesquels
l'éloignement progressif des textes primitifs peut entraîner les histo-
riens de seconde main. Rien ne saurait mieux suggérer à un amateur
des choses de l'histoire des réflexions personnelles, des Jugements
exempts de parti-pris que le choix fait avec discernement et habileté de
récits et de documents impartiaux en eux-mêmes, ou dont la juxtaposi-
tion, s'il y a des passions en présence, permet de se prononcer, en
connaissance de cause, sur les faits en eux-mêmes et sur les enseigne-
ments que le lecteur peut en tirer. Ils sont bien rares, ceux qui peuvent
avoir le loisir ou le moyen de passer en revue toutes les œuvres qui
constituent les matériaux de notre histoire épars non seulement dans
les anciens recueils de Dom Bouquet , de Guizot, de Petitot, etc.,
mais encore les rééditions ou publications originales de la Société
de l'histoire de France, dans la magnifique collection des documents
inédits relatifs à l'histoire de France, dans les Revues et Bibliothè-
ques, sans compter les travaux d'érudition isolés, souvent si pré-
cieux. M. B. Z. a simplirié la tâche au point de la rendre aussi facile
qu'agréable. Il n'est pas un des soixante-cinq petits volumes aujour-
d'hui publiés, qui ne présente, sous un titre clair et répondant à des
idées générales déjà éveillées dans l'esprit du lecteur, avec une division
de lignes et paragraphes, précédés d'une indication courte et simple, un
tout complet, animé, sous lequel se succèdent avec une méthode rigou-
36 Louis XII, Anne de Bretagne ; Sy Louis XII et Philippe le Beau. La conquête
et l.x perte de Naples ; 38 Louis XII, Père du Peuple, et le cardinal d'Amboise;
3g La Ligue de Cambrai ; 40 La Très Sainte Ligue, le pape Jules II et Louis XII ;
41 François 1", Marignan, V élection impériale; 42 François /<=<•, Charles-Qjiint et
le connétable de Bourbon ; 43 Captivité de François /", Pavie et Madrid ; 44 La
ligue de Cognac, sac de Rome, paix des Dames; 40 François I", Anne de Mont-
morency: 46 Le comte d'Enghien, Cérisoles ; 47 La cour de François /", son gou-
vernement; 48 Henri II, L'occupation des Trois Evêchés; 49 Henri II, Charles-
Quint, prise de Met^ ; 5o Monluc, siège de Sienne, trêve de Vaucelle ; 5i Henri II,
Philippe II, Bataille de Saint-Quentin ; bi La Réforme et la cour de Henri IL
Paix de Cateau-Cambrésis ; 53 François II ; 34 Charles IX et François de Guise;
35 Catherine de Médicis et les protestants ; 56 La Saint- Barthélémy ; 57 Henri III,
les débuts de la Ligue; 58 Le règne des Mignons ; bg Les trois Henri; Go Argues
et Ivry ; le siège de Paris par Henri IV; 61 Les États de la Ligue; le Roi natio-
nal ; 62 Henri IV ; le saint-siège et l'Espagne; Védit de Nantes et la paix de Ver-
vins; 63 Henri IV et Sully, Marie de Médicis ; 64 Henri IV et Biron, Sully et
l'alliance anglaise; 65 Lajin de Henri IV. Le grand dessein.
d'histoire et de littérature ^o3
reuse et une variété qui ne nuit en rien à l'unité de Texposition, des
pages empruntées aux documents et aux auteurs les plus différents, de
manière à faire connaître Jusqu'aux plus récentes toutes les sources de
l'histoire, sans jamais puisera une seule. Qu'on prenne au hasard un
de ces volumes : Le dauphin Charles et la commune de Paris, par
exemple ; l'éclatant Froissart et le grave Pierre dOrgemont, rédacteur
des Grandes chroniques sous Charles V, fournissent le fond du récit
pour cette époque dramatique; à côté d'eux, le continuateur de Nangis,
le moine démocrate Jean de Venette et l'auteur de la chronique des
quatre premiers Valois, elle aussi, d'inspiration plébéienne, décrivent la
vie populaire dans toute son intensité et avec ses effroyables misères,
tandis que le procès-verbal des États généraux de i356 et des extraits
de rOrdonnance de la même année montrent sur le vif Tactivité révo-
lutionnaire et les premiers essais législatifs des représentants de la
nation, les Etienne Marcel, les Robert le Coq, les Jean de Picquigny
dans les temps les plus profondément troublés et malheureux de notre
histoire. Ouvrons un des volumes suivants : Charles V , sa cour^ son
gouvernement ; ici des extraits des œuvres prolixes de la docte Christine
de Pisan ou des innombrables vers du chantre de Duguesclin, Cuvelier,
encadrent les prescriptions administratives si curieuses des mandements
royaux Dans les volumes consacrés à Louis XII, le bon chanoine
Jules d'Autun, le panégyriste Claude de Seyssel, les descriptions du
Cérémonial français, que l'on ne trouve pas toujours facilement même
dans les bibliothèques publiques, alternent avec les récits plus connus
du Loyal serviteur ou de Fleurange Tadventureux. Brantôme, pour
l'époque de François I''"', de Henri 11 et de ses successeurs; L'Estoile, si
abondant et si mélangé pour le triste règne de Henri III, les Saturnales
de la Ligue et l'époque réparatrice de Henri IV, sont découpés en tran-
ches discrètes au milieu des morceaux d'écrivains de la plus haute volée,
et rendus lisibles pour tous. On pourrait multiplier ces exemples. Comme
on le voit, le récit pittoresque et l'histoire des institutions tiennent éga-
lement leur place dans celte précieuse petite bibliothèque dont les vo-
lumes, d'un format si maniable, peuvent être feuilletés ou lus à fond
avec autant d'agrément que de profit dans des traductions, ou dans la
langue du temps à peine retouchée, si ce n'est au point de vue de l'or-
thographe accommodée à la moderne. L'illustration de l'ouvrage est
conçue dans le même esprit que la composition du texte. La reproduc-
tion, dans leur état actuel ou d'après le type original, des monuments
publics, de portraits, de médailles, d'œuvres célèbres de la peinture ou
de la gravure, d'armes et de costumes, accompagne, suivant un choix
généralement irréprochable, le récit des événements et les actions des per-
sonnages historiques. Peut-être pourrait-on reprocher à M.[B. Z, de
ne s'être pas toujours scrupuleusement astreint à cette donnée de la
contemporanéité des documents écrits ou figurés; il n'était pas facile, à
vrai dire, de l'observer d'une manière absolue; les exceptions à la règle
.)04 REVUE CRITIQUE
soin d'ailleurs assez rares. L'annotation peut donner lieu à quelques
critiques. Sur certains points, elle paraît dépasser les limites de simples
éclaircissements du texte pour en devenir un commentaire trop étendu,
ou pour former un véritable développement historique. Cette méthode,
qui provient du louable souci de ne point laisser de lacune dans la
suite de l'exposition , n'est pas sans altérer quelque peu le caractère géné-
ral de Touvrage. Ailleurs, on pourrait, au contraire, désirer quelques
notes de plus relativement à des personnages qui demanderaient
auprès du lecteur une introduction plus complète que ne le font les
textes cités.
Cette collection, mise au courant des découvertes et des travaux les
plus récents, n'en est pas moins un excellent instrument de travail et de
distraction. En faisant connaître de plus près, en rendant plus accessi-
bles les historiens originaux, sur la vie desquels de courtes notices
disent le principal dans chaque volume, elle ne peut que contribuer
puissamment à développer le goût de Thistoire et le sens de la critique
historique.
B. D.
532. — Historla ecleslastîca y civil de IVueva Granada« par D. José
Manuel Groot Bogota. M. Rivas et C éditeurs. Un fort volume de 41 1 pages.
En rendant compte du tome I^^ de l'histoire de la Nouvelle-Grenade,
nous avons dit un mot de l'auteur et de la notoriété dont il jouit parmi
les écrivains de l'Amérique du Sud. Nous retrouvons les mêmes méri-
tes d'érudition consciencieuse et d'impartialité dans la suite de son
important ouvrage. Le tome II se compose de vingt chapitres (xxiii-
xLu), et embrasse la période qui va de 171 1 aux premières années de
notre siècle. Si l'auteur s'étend avec une complaisance évidente sur
l'histoire intérieure des ordres religieux, s'il exagère peut-être le rôle
bienfaisant et civilisateur de la prédication des Jésuites, il est Juste de dire
qu'il consacre aussi des pages intéressantes au développement des scien-
ces, des arts et de l'industrie au Nouveau-Monde. On peut lire notam-
ment à cet égard le chapitre xl, où est relatéela visite d'Al. de Humboldt
à la capitale de la Vice-Royauté illustrée alors par les savants tels que
Mutis et Caldas, et sa correspondance avec le Vice-Roi D. Pedro Men-
dinueta. Le tome se termine par un appendice de cent trois pages où
sont consignés les documents authentiques sur lesquels a travaillé l'his-
torien. G. Strehly.
533. — N. du PuiTSPELU. Dictionnaire du patois lyonnais. Lyon, Henri
Georg, grand in-8, 1887-1889, 4 livr. de 464 pages, dont 28 de supplément.
Depuis quelques années, les dictionnaires de patois se multiplient
chez nous; celui du parler populaire du Lyonnais comptera parmi les
d'histoire et de littérature 40 5
plus remarquables qui aient été publiés; la connaissance intime que
M. N. du Puitspelu possède de cet idiome et des nombreux ouvrages
qui s'y rapportent, la patience qu'il a mise à recuillir les mots qui le
composent, Tétude assidue qu'il en a faite, enfin — ce qui est un point
important — l'absence de parti pris ou de théorie préconçue, font de
son glossaire une œuvre considérable et l'une des contributions les plus
utiles à la connaissance de nos patois. Si l'on ajoute que par ses carac-
tères intermédiaires entre la langue d'oil et la langue d'oc, le dialecte
lyonnais offre un intérêt tout particulier, que les nombreux exemples
cités par M. N. du P. en facilitent l'intelligence, qu'il en a représenté
et figuré les vocables d'une manière aussi simple que rationnelle, on ne
pourra que remercier l'auteur de sa consciencieuse et utile publication,
et on reconnaîtra hautement qu'il était difficile de mieux remplir ia
tâche ardue qu'il s'est imposée.
M. N. du P. ne s'est pas borné à donner les noms du patois lyonnais
avec leurs diverses significations, appuyées, quand il y a lieu, par des
exemples tirés des auteurs nombreux, mais souvent bien ignorés, qui
ont écrit dans cet idiome populaire; il a entrepris d'en faire connaître
l'étymologie. On sait tout ce que cette recherche renferme de difficultés,
par suite de l'ignorance où Ton est si fréquemment de la forme primi-
tive des mots, ainsi que de leur historique et des déformations qu'ils
ont parfois subies dans la bouche du peuple; ces difficultés n'ont pas
arrêté M. N. du P., et il a abordé cette partie de sa tâche avec une
richesse d'informations et une curiosité d'esprit bien rares; il expose
avec une entière sincérité les raisons qui paraissent justifier, quand elles
sont douteuses, les étymologies qu'il propose. Au courant de toutes les
publications qui concernent la matière, il cite avec soin les opinions
pour ou contre les solutions qu'il met en avant, et si l'on est plus d'une
fois obligé de le contredire, on ne peut nier qu'il n'ait fait bien souvent
des rapprochements ingénieux et proposé des explications plausibles,
lorsqu'elles ne sont pas certaines.
Dans le supplément étendu qu'il a joint à son Dictionnaire, M. N.
du P. a d'ailleurs, avec une franchise qui lui fait honneur, enregistré
les erreurs qu^il a reconnues ou qu'on lui a signalées. C'est ainsi quMl
rejette l'origine prétendue historique qu'il avait cru pouvoir assigner
au mot bramafan ; c'est ainsi encore qu'il s'est empressé de faire venir
cou de eccum hoc et non de ecce hoc, qui ne pouvait donner que cou,
et qu'il a rejeté, p. 2i3, avec tant de raison, la forme supposée hoïè,
venue de hodie « par progression de l'accent », comme si Ye final de
hodie n'avait pas dû tomber purement et simplement. M. N. du P. a
fait bien d'autres rectifications non moins utiles ; en voici quelques-unes
que je lui soumets. P. 20 il tire avec raison aneyt de hac nocte, mais
pourquoi, après avoir donné cette étymologie incontestable, paraître
proposer celle de ad hodie? Les formes for. anhod, anhui, qu'il veut
expliquer par là, sont évidemment plus que douteuses et doivent leur
406 REVUE CRITIQUE
origine à une étymologie préconçue. Il m'est impossible, même page,
de trouver ni le lat. acutiim, ni Tal. beri dans anguibar « fruit de
l'éalaïuier ». Il m'est diflicile éL;alement de faire venir baraban de barba,
« à cause du pointu de la feuille » du pissenlit, laquelle ne ressemble
guère à une barbe. J'hésite beaucoup encore à voir, p. 43, dans le néerl.
bell, la racine de belot, « agneau *; je préférerais le tiver de bellus,
qui a donné plusieurs dérivés dans les dialectes français. P. 69, M. N,
du P. se demande si cabot « méchant petit chien », « serait sabot
(m cabot dans plusieurs patois) »; je ne connais pas la forme cabot,
mais seulement chabot^ pour sabot^ et je ne vois guère comment le rap-
prochement entre un « sabot » et un « chien » serait possible. Je ne puis
non plus, p. 100, admettre que coriau « baie de Péglantier », vienne de
corail ; mais je le tirerais volontiers du radical cor, à cause de la forme
de fruit. P. 186, M. N. du P. se demande si la racine de garo « pluie
très abondante » n'est point la même que celle de garou « loup garou »•,
j'avoue qu'il m'est impossible de saisir le moindre rapport entre ces
expressions. P. 345, je doute que marelle, nom de VAchillea mille fo-
liumL , soit une corruption de morelle vocable qui désigne le Solarium
nigriim; j'incline à y voir le rad. (a)mar(acus), qui entre dans les noms
si divers de plusieurs espèces d' Anthémis, genre voisin de VAchillea. On
lit p. 376, art. sa}^i, soyi, « il faut admettre que le b est tombé de pré-
férence à la protonique » [de sabucarium) ; mais la protonique étant
longue ne pouvait pas tomber, tandis que le b le faisait régulièrement
avant l'accent. L'explication de M, N. du P. ne se comprend guère.
P. 398, tarteijîe « surnom donné aux allemands » est tiré de der teiifel
« le diable », ne serait-ce pas plutôt le mot tartaiijle « pomme de
terre », légèrement modifié? Quanta la plante appelée têta d'aluetta,
dont M. N. du P. dit ignorer le nom, c'est sans doute VAdonis œstivalis
ou autumnalis L.
Mais je ne veux pas prolonger davantage ces critiques; leur petit
nombre — je n'aurais que de rares remarques à ajouter à celles qui pré-
cèdent — montre d'ailleurs combien j'ai peu trouvé à reprendre dans le
Dictionnaire du patois lyonnais; que d'explications ingénieuses, au
contraire, de formes curieuses j'aurais eu à signaler! Parmi ces der-
nières j'ai été surtout frappé des dénominations populaires des plantes ^,
non seulement à cause de la rareté de quelques-unes d'entre elles, mais
surtout à cause de l'exactitude des identifications. Ce caractère ne se
rencontre pas seulement dans ces noms vulgaires, mais dans tous les
vocables qu'a enregistrés M. N. du Puitspelu; c'est là en particulier ce
qui donne une si grande valeur à son livre et lui assure une place si
honorable parmi les ouvrages de ce genre.
Ch. J.
I. Telles que camberli « églantier », cermilli « cerfeuil », chaley « fougère »,
cropettes « pissenlit >->,fiititavin « ronce à fruits bleuâtres », vovcua « digitale », etc., etc.
d''histoire et de littérature 407
534. — Cartas Americanas dirigidas por D. Juan Valera a D. José Groot.
Bogota Imprenta de la « Nacion », 1889. Un fascicule de 63 pages.
Les Lettres américaines sont adressées par un auteur espagnol,
M. Valera, à M. Rivas Groot au sujet du Parnasse Colombien, vaste
recueil en deux tomes de quatre cents pages, contenant des oeuvres de
plus décent quinze poètes et de quinze ou seize femmes poètes. Ces
lettres, au nombre de sept, renferment des jugements critiques et des
extraits de quelques-uns des écrivains les plus marquants qui figurent
dans le Recueil, tels que Juan de Castellanos, Antonio Caro, le fonda-
teur de l'Académie Colombienne, Manuel Madiedo , Joaquin Ortiz,
Rafaël Nuiiez, président de la République, Dofia Agripina Montes, etc.
Elles sont d'une lecture agréable et nous donnent en général une idée
avantageuse des originaux qu'elles analysent. Pourtant M, Valera ter-
mine par cette restriction : « Le Parnasse Colombien prouve que votre
,pays produit une riche et belle floraison littéraire, et le prouverait
encore mieux s,i l'on avait supprimé un tiers ou plus des pièces insé-
^rées'- »
G. S.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 21 novembre 18 go.
Le ministre de l'Instruction publique, par une lettre adressée à l'Académie, l'in-
[formeque les pouvoirs de M. Foucart, directeur de l'Ecole française d'Athènes, sont
texpiréset l'invite à présenter deux candidats à ces fonctions.
M. Renan présente des observations sur un passage du livre de Jésus, fils de Sirach,
qui énumère tous les grands noms de la littérature hébraïque. On avait remarqué,
dans cette liste, l'absence du nom de Job. M. Geiger, par une restitution très heu-
reuse, mais trop peu connue, y a rétabli ce nom : il a montré que, s'il manque dans
la traduction grecque qui nous a conservé cet ouvrage (le texte hébreu étant perdu),
c'est par une méprise du traducteur. M. Renan, prenant et développant cette pensée,
précise en quoi a dû consister la méprise en question et ce que devait porter le texte
hébreu du passage mal rendu par l'auteur de la traduciion grecque.
M Hamy communique, de la part de M. G. Devéria, des recherches sur les ins-
criptions découvertes par M. Yadrintzeff (ou ladrintsev) sur les bords de i'Orkhoun.
Ces inscriptions appartiennent à une écriture non déchiffrée jusqu'ici, provisoirement
dénommée tchoudique, la même qu'on trouve dans les inscriptions de l'Iénisséi,
publiées récemment en Finlande : mais la publication de M. YadrintselT permet de
se rendre un compte plus exact de cette écriture. Elle se compose de caractères
alphabétiques, au nombre de 38 à 42. C'est donc un alphabet beaucoup plus riche
que celui que les Tariares ont emprunté aux Nestoriens, au moins à partir du ix* siè-
cle, et ces inscriptions ne peuvent, par suite, être attribuées à aucun des peuples qui,
ayant dominé sur les bords de I'Orkhoun depuis la fondation du khanat des Ouïgours
(744), ont adopté l'alphabet nestorien ou ses dérivés. Une des inscriptions de I'Or-
khoun est en chinois, une autre est bilingue, chinoise et tchoudique. Dans la pre-
mière, on lit un nom de peuple, les Kien-Kouen, qui cessa d'être en usage à partir
de 738 ; dans l'autre, celui d'un beg, Kinè khan, qui fonda en 744 le khanat des
Ouïgours.
M. Alexandre Bertrand communique, de la part de M. Léon Bidault, des détails
sur les fouilles faites par cet archéologue dans un cimetière mérovingien des envi-
rons de Dijon, à Noiron-lez-Citeaux. 11 met ensuite sous les yeux des membres de
l'Académie un magnihque spécimen de silex taillé à éclats, provenant de la décou-
I. Signalons deux lapsus: page 9 « empie^an ablovo (sic) «^lisez «jèoi'O ; et quelques
lignes plus loin : « esta invencible scribendi cacoeihes ». M. V. prend-il cacoethes
pour un substantif abstrait du genre féminin.''
408 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTERATURE
verte de Volgu (Saône-et-Loire), spécimen qu'il espère pouvoir acquérir pour le Musée
des antiquités nationales, à Saint-Germain-en-Laye.
M. Deloche, à propos de la première de ces deux communications, insiste sur la
ressemblance que présentent entre eux les objets dans les sépultures franques des
régions les plus diverses de la Gaule.
Kl. Clermont-Ganneau communique une inscription grecque de Sidon, de l'an 64
de cette ville (47 ans avant notre ère), dont l'estampage lui a été envoyé par M. Duri-
ghello :
LAEHVIOAÛPOS
AnOAAÛNlOÏTOÏ
AnOAAO<I>ANOÏZA
PXONTOSMAXAIPO
noiûNeEûiAriûiï
IIEPTOKOINOÏ
(sic)
« L'an 64, Héliodore, fils d'Apollonios, fils d'ApolIophane, archonte des couteliers,
(a fait cette dédicace) au dieu saint, pour la communauté. » La coutellerie sido-
nienne était renommée chez les anciens; on en a trouvé de nombreux spécimens
dans l'île de Sardaigne, où ils avaient été évidemment apportés par les marchands phé-
niciens. Sous la forme grecque de ce texte, on reconnaît d'ailleurs partout la pensée
phénicienne. Le zoivdv de la dernière ligne est le gév, la communauté, mentionnée
sous son nom sémitique dans un décret phénicien du Pirée, communiqué naguère à
l'Académie par M. Renan. Le « dieu saint » est une appellation essentiellement sémi-
tique; elle rappelle le surnom de Qadosck « saint», donné à la divinité aussi bien
par la Bible que par diverses inscriptions phénicienne. Enfin les noms propres Hélio-
dore, Apollonius, Apollophane sont des traductions grecques de noms phéniciens,
dont le premier devait être Abd-Schémès, « serviteur du Soleil », les deux autres
des composés formés avec le nom du dieu Reseph, équivalent sémitique d'Apollon.
M. Renan confirme, sur les points essentiels, les conclusions de M. Clermont-
Ganneau.
M, Paul Durrieu, conservateur adjoint au Musée du Louvre, lit une notice sur
Une peinture historique de Jean Foucquet. — On sait depuis assez longtemps déjà,
par les documents, que Jean Foucquet, le grand artiste tourangeau, a été peintre en
titre du roi Louis XL Mais, jusqu'ici, on n'avait encore retrouvé aucune des œuvres
qu'il avait dû exécuter pour la cour de France. M. Paul Durrieu a fait une remarque
qui modifie heureusement cet état de choses. Il a reconnu qu'un exemplaire des sta-
tuts de l'Ordre de Saint-Michel, appartenant à la Bibliothèque nationale (manuscrit
français 19819), était l'exemplaire même du roi Louis XI, fondateur de l'Ordre, et
que c'est indiscutablement Jean Foucquet qui a peint, en tête de ce volume destiné
au souverain, une admirable composition représentant la tenue d'un chapitre de
Saint-Michel. En dehors de sa haute valeur d'art, la peinture de Foucquet retrouvée
par M. Durrieu présente un grand intérêt historique. Toutes les têtes des personna-
ges représentés sont autant d'excellents portraits, malgré leurs dimensions exiguës.
M. Durrieu arrive à identifier d'une façon certaine la plupart d'entre eux. En s'ap-
puyant sur des particularités de costumes et d'attitudes ou sur des rapprochements
avec d'autres monuments contemporains, il distingue, autour du roi Louis XI, dont
Foucquet a particulièrement rendu les traits avec une remarquable puissance d'ex-
pression, le duc Charles de Guyenne, frère du roi, le duc Louis II de Bourbon, le
comte de Roussillon. amiral de France, le grand-maître Antoine de Cliabannes,
comte Dainmartin, Jean Bourré l'homme d'Etat qui fut gouverneur du roi Char-
les VIII, le poète et orateur Jean Robertet, etc.
Ouvrages présentés : — par M. Wallon : Foucart (Paul) et Finot (Jules), la Défense
nationale dans le Nord de 1792 à 1802, ouvrage publiéaux frais du département du
Nord, tome I; — par M. Hamy : Fournereau, les Ruines khmères , Cambodge et
Siam : documents complémentaires d'architecture, de sculpture et de céramique; —
par M. Georges Perrot : Musées et Collections archéologiques de l'Algérie, publiés,
par ordre de M. le Ministre de l'Instruction publique et des beaux-arts, sous la
direction de M. René de la Blanchère : Musée d'Alger, par G. Doublet; — par
M.Oppert: Schrader (Eberhard), Keïiinschriftliche Bibliothek,\\\, i ; — par M. Hé-
ron de Villefosse : Tamizey de Larroque, les Correspondants de Peiresc, XVIII :
Boniface Borrilly.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 49 — 8 décembre — 1890
Soniuiaire t 535. Grébaut, Le Musée égyptien. — 536. Jellinek, Héro et Léan-
dre. — 537. Musée, trad. par Chatziarapjs. — 538. Paulson, Un manuscrit de
Clirysostome. — 539. Hogan, Documents sur saint Patrice, II. — 540. Stokes,
Le Livre de Lismore. — 541. Keating, La mort, p. p. Atkinson. — 542. Loth,
Chrestomathie bretonne, I. — 343. Luzel, Chants populaires de la Basse-Bretagne,
I. — 544. Brucker, Ordonnances de police de Strasbourg. — 545. Berluc-Pe-
Russis, Wendelin en Provence. — 546. Gasté, La jeunesse de Malherbe. — 547.
Robert, La poétique de Racine. — 548. J. Perrot, Nos utopies. — Chronique.
— Académie des Inscriptions.
535. — E. Grébaut. Le Musée Egyptien. Recueil de monuments choisis et de
notices sur les fouilles en Egypte, publié par E. Grébaut, directeur-général du
service des Fouilles, E. Brugsch-Bey et G. Daréssy, conservateur. I, livre i, fasc.
1. Le Caire, iSgo, in-4, 19 pi. Prix : 17 fr.
Mariette avait fondé le recueil qu'il appelait les Monuments divers,
pour y publier les principaux parmi les objets d'antiquité égyptienne
qui viennent enrichir journellement le Musée de Boulaq. J'avais préféré
les livrer au public, immédiatement après la découverte, dans la Zeit-
schrift de Lepsius ou dans les volumes de mon Recueil de Travaux.
M. Grébaut est revenu aux pratiques de Mariette et vient de lancer
sous les auspices et aux frais du gouvernement égyptien, le premier
numéro d'une sorte de journal intitulé le Musée Égyptien. Ciiaque
fascicule se compose régulièrement de vingt planches, où les monuments
seront reproduits par la phototypie, et de quelques feuilles de texte
explicatif, où les circonstances et le lieu de la découverte seront décrits,
avec un bref commentaire scientifique. M. G., pressé de mettre au
jour cette première livraison, n'a pas voulu attendre que le texte et l'une
des planches, qui était d'une exécution difficile, fussent achevés d'impri-
mer : il a préféré la livrer incomplète à la critique plutôt que de retar-
der, pour longtemps peut-être, le moment où il pourrait la faire appa-
raître.
L'objet qu'il poursuit est double. En premier lieu, il veut placer à la
disposition des savants le texte authentique des inscriptions les plus
importantes que le Musée possède. Ensuite, il désire fournir aux archéo-
logues des reproductions exactes des statues, bas-reliefs, peintures,
menus objets en bois, en pierre ou en émail, qui lui paraîtront de
nature à laisser une idée avantageuse de l'art ou de l'industrie des anciens
Egyptiens. On sait combien peu l'archéologie égyptienne est connue en
dehors du petit monde des égyptologues. Le nombre des monuments
Nouvelle série, XXX. 49
410 REVUE CRITIQUE
que nos Musées renferment, la façon incommode dont ils sont exposés,
les difticultés qu'on éprouve à obtenir la permission de les tenir entre
les mains pour les examiner de près, ont découragé bien des personnes
qu'un penchant naturel entraînait vers cette étude. M. G. a donc raison
de songer à munir cette immense partie des savants ou des amateurs qui
n'a pas le maniement des monuments eux-mêmes, de fac-similé exacts
qui peuvent suppléer, jusqu'à un certain point, l'absence des originaux.
C'est ce que j'avais tenté de faire dans les Monuments de ïart antique
de Rayct, et les admirables planches de Dujardin, si bien tirées par
Eudes, ont décidé le public éclairé à rendre pleine justice à plusieurs
des meilleures œuvres que l'antiquité égyptienne nous a léguées. Malheu-
reusement M, G. n'a point Dujardin pour le seconder dans sa tâche. Il
a pour collaborateur — peut-être le lui a-t-on imposé — Baeckmann
de Carlsruhe, dont les phototypies laissent singulièremenr à désirer. Le
tirage est flou, la teinte des encres terne et un peu sale d'apparence, et
ce qui est plus grave, la retouche des clichés est indiscrète et grossière.
Le malheureux Khéphrén de la planche viii et le Pharaon anonyme
de la planche xii sont comme balafrés des coups de gouache qu'ils ont
reçus, et la trace du pinceau est visible partout sur leur coiffure, sur
leurs visages, sur leurs mains. C'est sans doute une raison d'économie
qui a déterminé le choix de l'imprimeur. Il est probable, en effet, que
la maison Bœckmann ne prend pas cher, mais il me semble que n'im-
porte qui, dans n'importe quel pays, aurait été capable, pour le même
prix, de faire aussi mal que la maison Bœckmann. Je citais, il n'y a
qu'un moment, les Monuments de l'art antique. Chaque livraison de
quinze planches in-folio, accompagnées de quinze à vingt feuilles de
texte in-folio, coûtait 25 fr., contre les 17 fr. 5o des fascicules in-4'' du
Musée Egyptien. Tout compte fait, le bon marché de Eœckmann est
plus coûteux que la cherté de Dujardin. J'espère que M. G. sera libre
de choisir un meilleur ^/zo^o^^'/'/^^^, et dont l'habileté rende justice aux
monuments qu'il reproduit.
Cela dit, on ne saurait qu'approuver et le choix que M, G. a fait parmi
les monuments et la façon dont il les a assemblés. Cette première livrai-
son donne comme un résumé de ce qu'on peut s'attendre à rencontrer
en Egypte, des dynasties memphites à l'époque greco-romaine. Le pre-
mier groupe, qui couvre six planches, appartient à la chapelle que M. G.
attribue à Ouazmos, mais qui me paraît avoir servi pour plusieurs des
personnages secondaires de la famille de Thoutmos P', Elle fut décou-
verte à Gournah, un peu au Nord du Ramesséum, par M. G., vers le
milieu de février 1887, et déblayée par lui avec grand soin : le plan,
relevé par M. Daréssy, a été reproduit sur la planche iv et en montre
la disposition. Ce n'était pas seulement un sanctuaire; on y trouve, à
côté des pièces consacrées au culte, des chambres d'habitation, dont une
au moins a servi de cuisine et conservait son foyer presque intact. C'est le
premier exemple certain qu'on puisse étudier sur le terrain de ces monu-
I
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 4II
ments funéraires, si nombreux dans le nécropole deThèbes au témoignage
des papyrus, et qu'on appelait Khiroii. Comme les mosquées funéraires
des sultans mamelouks au Caire, c'étaient des établissements composi-
tes, contenant une partie sacrée, des dépôts d'objets destinés à l'offrande,
des chambres pour les gardiens et les domestiques attachés à la maison
du mort, souvent un logement complet pour les prêtres. Le Khirou
d'Ouazmos avait environ vingt mètres de largeur sur trente-cinq de
profondeur. On y rencontre un pylône à demi-détruit, puis une cour fer-
mée au fond par un mur. Le mur est percé en son milieu d'une porte, à
laquelle donne accès un escalier à rampe unie, flanquée de deux portése
de cinq marches assez larges mais fort basses. La porte franchie, on pénètre
dans une salle peu profonde, sur laquelle s'ouvrent trois niches ou trois
sanctuaires. C'était la chapelle proprement dite : sur la gauche et sur
le derrière s'entassaient les magasins et les chambres réservées au person-
nel. Le tout est construit en briques crues, simplement crépies de blanc
dans la partie d'habitation, revêtues de plaques en calcaire et en grès
dans le sanctuaire, comme l'indique la multitude de petits fragments
répandus dans les décombres. Beaucoup de stèles consacrées par les
prêtres du prince défunt ont été brisées et sont éparses sur le sol : quel-
ques monuments à peine ont échappé à la destruction et sont venus
enrichir les collections du musée de Boulaq.
Le plus important est une statue en grès, de grandeur naturelle, qui
représente une reine assise, les mains sur les genoux, les chairs peintes
en jaune, les vêtements en blanc (pi. i). Elle fut trouvée encore en place,
adossée au mur qui sépare le sanctuaire central de celui de droite, au
point marqué F sur le plan de M. Daréssy (pi. iv). Elle était intacte :
. seuls un petit morceau du menton et le bout du nez ont été brisés par
la chute d'une brique ou d'une poutre. Elle représente l'une des fem-
tnes de Thoutmos I»"^, Moutnofrit, mère de Thoutmos II, et a été con-
sacrée par ce prince. Sans parler de la valeur artistique réelle qu'elle
possède, elle nous a permis d'éclaircir définitivement un des points les
plus délicats de l'histoire du temps. J'avais émis l'hypothèse que les deux
successeurs de Thoutmos I", ses deux fils Thoutmos II et III, avaient
dû s'effacer, pour un temps au moins, devant leur sœur Hâtshopsitou,
parce qu'ils n'avaient pas autant de droits qu'elle à la couronne, du chef
de leur mère. Le hasard des fouilles a fait une vérité démontrée de ce
qui n'était qu'une conjecture. Les inscriptions du linceul de Thout-
mos m nous ont appris qu'il avait pour mère une simple concubine,
Isis, étrangère à la famille royale. Celles de la statue nous révèlent que
Thoutmos II avait pour mère une femme légitime du roi, apparentée,
par conséquent, à la famille royale, mais d'assez loin. Hâtshopsitou
avait au contraire pour mère, la reine Ahmas, fille d'Amenhotpou I"
et de la reine Ahhotpou II : elle avait donc du côté maternel des droits
supérieurs à ceux de ses frères, nés de femmes moins illustres. Deux
stèles intactes sortirent des ruines en même temps que la statue. L'une
412 REVUE CRITIQUE
d'elles (pi. vi), porte un taureau, arme de larges cornes en croissant,
debout, et regardant attentivement devant lui un objet qui paraît être
une botte de fourrage. Son nom est écrit au-dessus du dos, dans le cin-
tre de la tête : il s'appelle Pi-montoii Pekniout, où il faut peut-être tra-
duire : Ce"/?// (le taureau) de Mouton, Pekmout, en considérant le premier
groupe comme le titre de la bête. C'est, ou bien le taureau sacré de la
ville voisine d'Hermonthis, qui, en eflfet, était voué à Montou, le grand
dieu de la plaine thébaine, ou bien un animal sacré de rang secondaire,
adoré dans la nécropole, Le style est celui des dynasties saïtes, tendant
plutôt vers le style des Ptolémces que vers celui des Éthiopiens. Les
habitants de ce quartier funéraire de Thèbcs étaient d'ailleurs très por-
tés au culte des animaux : c'est d''eux que nous viennent ces proscynèmes
à rhirondelle, aux serpents, aux chats, aux oies que les musées de l'Eu-
rope possèdent en abondance ^, et, de fait, la seconde stèle découverte
par M. Grébaut (pi. m), nous montre dans le centre une chatte, la
Chatte de la dame du ciel, c'est-à-dire la chatte de Moût, et YExcel-
lente oie d'Amon affrontées l'une à Pautre, à une proximité qu'on ne peut
s'empêcher de trouver dangereuse pour Toie divine. Au second registre,
le fils royal Ouazmos est assis à gauche, et reçoit le bénéfice d'une
adoration aux deux divinités du cintre, Amon et Moût, que fait le Chef
des travaux dans la Place de Vérité (la nécropole de Thèbes), Pasho-
dou. Un Pashodou, domestique de la Place de Vérité, nous a laissé
beaucoup de monuments que j'ai eu Toccasion de réunir ailleurs ^
peut-être notre Pashodou lui est-il identique. En tout cas, il vivait sous
la XX^ dynastie, et son ex-voto nous est un exemple de plus de la
fidélité avec laquelle les Égyptiens continuaient à rendre un culte à leurs
princes de longs siècles après la mort.
Plusieurs des fragments retrouvés au cours du déblaiement se ratta-
chent à des cultes du même genre. Ainsi, sur la planche v, le débris de
stèle où Ton voit, au premier registre, le personnage Nofirsokhrou, celui-
là peut-être dont le tombeau est dans le voisinage, agenouillé devant le-j
serpent de la déesse Ranouit, la Dame des offrandes, et au second regis-
tre la femme de Nofirsokhrou et son fils Momnenou-hît (Monkhiou (?) l\
hit) rendant hommage à deux petits serpents au moins. Quelques-uns -•[
de ces fragments proviennent certainement d'autres édifices, comme
celui qui est reproduit sur la même planche v, et qui porte les restes d'un
jardin funéraire planté de doums et de sycomores : au-dessous on lit les
restes d'un proscynèmeoùun personnage, dontlenoma disparu, implo-
rait Osiriset Anubis pour le compte de son père Jâhît, attaché à la per-
sonne d'une reine, et de sa mère. Un fragment, qui, lui, appartient cer-
tainement à la chapelle d'Ouazmos, porte le nom de ce prince, mis en
rapport avec un comte-nomarque de Thèbes, inconnu d'ailleurs, et qui
semble avoir eu pour père un Nourricier des enfants royaux du harem
1. Maspero, Notes sur quelques points de Grammaire et d'Histoire, dans le Recueil
t. II, p. loS sqq.
2. Maspero, Rapport sur une Mission en Italie dans le Recueil, t. II, p. l'/b-il^'
d'histoire et de LITTéRATUKE 4 I 3
du Pharaon Thoiiimos P^ (pi. vu). Toutefois, le plus intéressant de ces
monuments, celui dont la mutilation m'inspire le plus de regrets, est
une stèle en calcaire publiée sur la planche ii. Les morceaux en ont été
partie ramassés sur place, partie achetés à Louqsor, chez un marchand
d'antiquités : quelques débris encore inédits sont venus depuis 1887
s'ajouter au premier fonds. Le tableau du cintre, conservé en entier, re-
présente le roi Thoutmos I""", assis, derrière lequel le fils de Thoutmos I^t",
Ouazmos, se tient debout. Le texte^ qui comptait bien une trentaine
de lignes verticales et horizontales, commence derrière Thoutmos III
par une date de l'an XXI de ce prince, le 25 du 3^ mois de Pirit. Un
certain Sonmosou, Syrien d'origine, raconte qu'il vécut au service
d'Ouazmos (vivant ?) avec sa femme Houzarou, puis au service
d'Ouazmos mort, en qualité de khrihabi, maître des cérémonies dans
le culte funéraire. Lorsque sa femme Houzarou fut vieille, il semble qu'il
se maria une seconde fois et que cela lui occasionna quelques difficultés
avec ses enfants dont les noms étaient énumérés à la ligne 3, sa fille
Taari, sa fille Silamon, etc. On dirait qu'il y eut litige au sujet de l'héri-
tage de Houzarou, et que l'un des fils de cette femme le cita en
justice pour le forcer à partager ses biens avec lui. Au cours de
ce procès, il fut accusé de s'être approprié les objets précieux et les reve-
nus de la tombe d'Ouazmos dont il avait la garde. Un des lambeaux
de phrase échappés à la destruction contient le récit d'une altercation
entre lui ou un de ses fils et un autre personnage où celui-ci lui dit :
« Je ne puis rester dans une même ville avec toi : je suis nègre et tu es
Syrien », phrase curieuse, car elle nous montre l'introduction d'élé-
ments étrangers d'origine diverse dans la population thébaine, dès les
premiers rois de la XV 111'= dynastie. L'affaire, portée devant le nomar-
que, se termina à l'avantage de Sonmos, qui fut confirmé dans ses
charges, reçut l'assurance qu'elles passeraient à ses enfants, et consacra,
dans la chapelle de son maître Ouazmos, une stèle où il racontait ses
tribulations et sa victoire. Tout cela est tellement mutilé que je n'oserais
afiirmer que j'ai bien compris la suite du récit. Une étude longue et
minutieuse pourra seule nous révéler le sens certain du monument L
D'autres objets découverts dans la chapelle et déposés aujourd'hui au
musée de Boulaq, n'ont pas été publiés dans la présente livraison : des
poids, des émaux da la XVII 1° dynastie, cinq ciseaux en bronze au nom
de Thoutmos III dci^ns sa maison d'Occident (son temple funéraire),
enfin une statue de ^onmosou, où Torigine syrienne de ce personnage
est rappelée. Tout qela fournira à M. G. la matière d'un mémoire
intéressant.
La campagne de 1887 a fourni également à M. G. la plupart des
monuments qu'il a reproduits sur les planches xv-xx. La planche n" XV
porte deux stèles, l'une de Gournah, où deux personnages de la même
famille, leDomestique d\imon, Houi. et le prêtre suppléant Smantoouï,
I. Un des petits fragments a été renversé par erreur sur la planche 11.
k
414 REVUE CRITIQUE
adorent les deux rois Ahmos I*''', Amenhotpou I'-''' et la reine Ahmas-
Nofritari. La seconde stèle a été trouvée dans le temple de Louxor et a
été consacrée sous le règne de César Tibère. Une stèle de Gébéléïn ^ est
d'époque impériale comme la précédente (pi. xvi). Le corps en est
encore égyptien, mais de travail grossier : quant à Tinscription, elle est
grecque et nous donne en deux lignes le nom du dédicateur et la date
de Tan XII de Trajan Nsy^cuO'^? HsTsapou'rjpiç av£0'/;/,£v ar/)Xr;V laiBoç 0sa?
(lig. 2) [).f^\.c':T,qUc(.%p'ç. LTb TpatavouTOU >^uptouTu[3t ly- Pathyrisou Pi-Ha-
thor est le nom égyptien de l'A phroditéspolis à laquelle le village de Gé-
béléïn a succédé. Les deux planches xvii et xvni nous ramènent à trois
mille ans et plus avant Trajan. La stèle de la planche xvii, qui est d'un
travail très soigné et très délicat, est sortie de la nécropole d'Akhmîm ;
l'inscription en est un extrait de la formule funéraire d'Abydos à la XP
et à la XII" dynastie, celle qu^on possède complète sur la stèle G 3 du
Louvre. Elle est dédiée au sire d'Akhmîm, Chef des prophètes, des
animaux sacrés, des servants des deux sexes (du dieu Minou), Prince
du nom Panopolite, AntoiiJ] né de la dame Bouton, et à sa femme Didit,
fille de la dame Didit. Ils sont assis sur un siège à deux places, devant un
monceau d'offrandes qne leurs enfants leur apportent. Comme la plupart
des familles égyptiennes, celle d'Antouf était nombreuse : elle ne comp-
tait pas moins de sept enfants encore vivants au moment de la mort
du père, quatre fils, dont l'aîné Khomsitou(?) était général des troupes
du nome, et trois filles. Au bas du monument, un boucher découpe une
victime, et différents domestiques apportent des offrandes. La stèle de la
planche xvji, prise à Gournah, est un bon spécimen de ce qu'était l'art
thébain sous les premiers Antouf, vers la IX*^ ou X^ dynastie. Elle est
travaillée avec une minutie qui n'a d'égale que la maladresse de l'ou-
vrier. Les lignes à l'encre qui servent à carrer les signes n'ont pas été
effacées; mais le ciseau n'a pas été aussi habile que le calame, et les hiéro-
glyphes sont semés assez irrégulièrement entre les lignes. De même, les
deux figures du mort et de sa femme ont été sculptées sur un réseau de
lignes à l'encre encore visibles. La mise au carreau, assez large pour le
buste et les membres, devient d'une finesse extrême pour la tête : le
profil est divisé perpendiculairement, du bas de la coiffure à la naissance
du cou, en huit parties égales. Le monument est des plus curieux pour ^
l'histoire du dessin en Egypte. Le mort était un certain Antouf, fils de
Khouou, dont les titres ne sont pas énumérés. La formule présente :
quelques particularités intéressantes. « O vivants qui êtes encore sur
« terre, qui aimez la vie et détestez le trépas, quand vous passerez en ce
« tombeau, comme vous voulez aimer la vie et détester le trépas, si vous
<i m'offrez de ce qui est avec vous, ce sera bien ; mais si vous n'avez rien
« avec vous, vous n'aurez qu'à dire de votre propre bouche : « Milliers
« de pains ^ de liquides, de gâteaux, de bœufs, d'oies, d'étoffes, milliers
I. L'inscription en a été publiée par Darcssy dans le Recueil de Travaux,
t. X, p. 140.
d'histoire et de littérature 41 5
« de toutes choses pures au double du féal Anton/, /ils de Khouou ^. »
« Car j'ai donné du pain à l'affamé, des vêtements aux nus, et j'ai
« traversé ceux qui avaient fait naufrage, sur mon propre bateau, moi-
a même. J'ai été, moi, le chancelier de mon maître, son favori authenti-
« que, son ami de cœur, j'allais en toutes ses places secrètes, et je ren-
« dais compte à mon maître de toutes ses affaires. »
Les trois monuments portés sur la planche xx sont donnés comme
venant de Coptos. Us ont été achetés à des indigènes qui ont indiqué,
comme lieu d'origine, les ruines de cette ville, et cette indication, très
probable pour la tête du Pharaon Ramsès IV, est certaine pour le
fragment de statue au nom d'un des Ramsès de la XX" dynastie. Le
personnage qu'elle représentait est en effet un certain Amenemânit qui
est Clief des prophètes et premier prophète delà déesse Isis, la maîtresse
de Coptos; de plus, les débris de proscynème donnent au Ramsès qui y
était nommé l'épithète aimé de Minoude Coptos, et qualifient les dieux
de résidents dans Coptos. Le troisième morceau me paraît être étranger
à cette localité. C'est un fragment de mosaïque en terre et en pierre
émaillées, représentant un prisonnier asiatique, les bras liés derrière le
dos. La planche, qui est la plus mauvaise peut-être comme exécution de
celles de Bœckmann, est malheureusement très floue et ne permet guère
de distinguer, par les valeurs relatives, le ton des divers émaux. Il semble
pourtant qu'il y en ait d'au moins cinq et peut être de six couleurs
différentes. Le faire me paraît être identique à celui des prisonniers
analogues que possèdent le Louvre et le Musée de Boulaq, et qui pro-
viennent de Tell ei-Yahoudîyéh dans le Delta. Le fragment publié
par M. G. n'a que o m. 40 c. environ de hauteur : des monuments
beaucoup plus considérables que celui-là voyagent d'un bout de l'Egypte
à l'autre, sur les bateaux de blé, de foin ou de sucre. J'ai vu souvent un
marchand d'antiquités indigène m'offrira Louqsor, comme trouvé récem-
ment dans la nécropole, un objet qu'un Bédouin des Pyramides m'avait
voulu vendre six mois auparavant au Caire, comme découvert au
Fayoum. Coptos est un nom que les fellahs de la Haute-Egypte invo-
quent, comme ceux de la Basse-Egypte, le Fayoum, pour toutes les
antiquités dont on leur demande la provenance. Je ne doute pas que
le fragment d'émail de M. G. n'ait été arraché ;\ la décoration murale du
temple de Ramsès III àTellel-Yahoudîyéh. Le très beau cercueil en bois
de la planche xix n'est pas, lui, d'origine incertaine : il a été déterré
à Ouardàn, et le style indique immédiatement le voisinage de Memphis
et la période Saïte, ou plutôt le début des temps ptolémaïques.
J'ai réservé pour la fia les monuments de Memphis. Ils couvrent les
planches vn-xiii, et sont tous sortis des ruines du grand temple de
Phtah, de la partie située près du Kom Abou-Khanzîr. Un seul est de
l'époque thébaine, un morceau de bas relief sur calcaire (pi. vu), d'un
style fin et délicat, comparable à ce que les sculpteurs de l'Ancien Em-
I. Le graveur a répe'té deux fois eu cet endroit les mots Si Antouf.
4l6 REVUB CRITIQUK
pire nous ont laisse de meilleur. On y voit au centre deux formes de
Phtah adosse'es, et devant Phtah Rîs-anbouf maitre d'Onktooui, le roi
Amenhotpou 111 présenté au dieu par la déesse Sokhit dont le corps est
détruit, mais dont le nom est conservé : une autre déesse, probablement
une variante de Sokhit, amenait Amenhotpou au Phtah de gauche.
La figure du roi, très douce, est d'une grâce un peu mélancolique; celle
du dieu est copiée sur celle du roi et présente les mêmes traits, mais
moins souriants. Tous les autres monuments datent de TAncien Empire,
les uns de la I V% les autres de la V« dynastie. L'un, d'eux fruste et gros-
sier (pi. xiii), représente un simple particulier, lourd, trapu, age-
nouillé, l'échiné tassée sur elle-même, la tête pendant en avant comme
entraînée sous son propre poids, les mains allongées sur les genoux. Les
cinq qui se succèdent de la planche vin à la planche xii représentent
des Pharaons Memphites, et forment une série de vieux rois Egyptiens,
unique, jusqu'à présent dans tous les musées. Elles ont été découvertes
au mois de juillet 1 888, dans une petite chambre du temple, avec un cer-
tain nombre de pièces intéressantes : elles représentent Khéphrên, Menka
ourî(Mycérinus), Sahourî, Ousirnirî, Menkaouhor, plus un roi dont le
nom n'a pas été tracé, et un vase cordiforme en granit noir marbré et veiné
de blanc, haut de o m. 80, d'un travail très soigné et d'un poli remar-
quable. Mycérinus est qualifié aiiné d'Hapi sur le siège de sa statue, et
cette particularité avait un moment fait espérer à M. G. la découverte
d'un sanctuaire consacré aux Apis de l'Ancien Empire. Cette épithète
s'explique très naturellement si l'on se souvient que l'Hapi habitait, de
son vivant, une partie du temple de Phtah à Memphis; un roi d'Egypte
dédiant une statue de lui dans cette partie, avait le droit de s'intituler
aimé d'Hapi^ comme il se serait intitulé aimé de Phtah ou aimé de So-
khit dans les parties où l'on adorait plus spécialement Phtah et Sokhit.
Peut-être la place où Ton a déterré les statues de Boulaq marque-t-elle
le site où il faudrait fouiller pour mettre au jour les restes de la cha-
pelle des Apis vivants, de leur étable et des logis occupés par leurs prê-
tres.
La plus belle de ces statues est celle de Khéphrên, en un albâtre
blanc très fin, sonore comme le cristal, très semblable à Talbâti e de la
carrière découverte au-delà de Tourah parle D^ Schvveinfurth. Le type
de la figure est, autant qu'on peut en juger (pi. vui), identique à celui
des statues découvertes jadis par Mariette dans le temple du Sphinx : ce
qui achèverait de prouver, s'il en était besoin encore, que les statues
égyptiennes sont des portraits réels. Il semble, — mais je n'en saurais
répondre, car cette planche est une de celles qui ont été le plus gâtées
par les retouches, — que la facture en est inférieure à celle des Khé-
phrên de Mariette. Le modelé en est plus mou et l'expression plus
banale : ce n'en est pas moins un bon morceau de sculpture et qu'un
musée européen s'estimerait heureux de posséder. La statue anonyme
(pi. XII) est celle qui approche le plus du Chéphrên pour le fini de l'exé-
d'histoire et de LITTERATURE 4I7
cution. Elle est en albâtre, et le type en est presque celui de Khéphrên,
mais plus ferme. On dirait, — mais ici encore l'indiscrétion des retou-
ches m'empêche de rien affirmer, — qu'elle sort du même atelier que la
précédente. J'inclinerais assez à croire qu'elle représente Khéops. Le
Mycérinus (pi. ix) est en dioiite, et ceux qui Ton vu en original affir-
ment qu'elle est assez bonne. La planche lui donne l'apparence d'une
figurine en sucre, qu'on aurait trempée dans l'eau de manière à en fon-
dre Tépiderme, puis qu'on aurait glacée de caramel par longues trainées
noirâtres. Autant que j'en puis juger, la facture en est molle et banale.
Je préfère pour mon compte POusirniri de granit rose (pi. x) un peu
fruste, mais d'un contour précis et d'une expression énergique, mal
rendue sur la planche. Menkaouhor (pi. xi) est en albâtre, et a souffert
plus que ses confrères en royauté et du temps et des retouches au pin-
ceau. Il s'était fait représenter en Osiris , avec le bonnet blanc de la
royauté, les mains croisées sur la poitrine et tenant la houlette et le
fouet : sa tunique est très courte et ne lui descend pas jusqu'aux genoux.
On comprendra par cette courte analyse l'intérêt que présente la pre-
mière livraison du recueil publié par M. Grébaut. Je dois ajouter, pour
rendre justice à qui de droit, que les frais en sont payés par le gouver-
nement égyptien. Une somme une fois donnée permettra d'établir les
deux ou trois premières livraisons, et le produit de la vente servira à
payer les livraisons suivantes. Les savants et les amateurs d'antiquités
égyptiennes tiennent donc dans leuis mains les destinées du nouveau
recueil : il vivra ou mourra selon qu'ils consentiront ou non à l'acheter.
Je pense que M. G., instruit par l'expérience de cette première livrai-
son, exigera d&s phototypistes qu'il emploie, plus de goût, plus de soin,
une retouche plus sobre, un tirage moins grossier, l'emploi d'une encre
moins terne et d'aspect moins lugubre. Ce qu'il fait est si utile, le choix
des objets reproduits si judicieux et si ingénieux, que je voudrais voir le
succès couronner ses efforts. Sans doute ses planches, telles qu'elles
sont, auraient paru fort suffisantes il y a trente ans, à une époque où
l'on n'était pas très difficile. Aujourd'hui, les procédés de reproduction
mécaniques sont tellement perfectionnés et les imprimeurs d'art nous
ont si bien habitués à nous donner des reproductions presque parfaites à
bon marché, que nous ne souffrons plus la médiocrité. Si le Musée
égyptien était un recueil d'épigraphie destiné aux seuls Egyptologues,
serait très suffisante; du moment que M. G. s'adresse aux archéologues
et veut leur donner des reproductions des œuvres de l'art égyptien,
l'exécution ne suffit plus. Je résumerai mon sentiment en deux mots.
Dans cette première livraison, M. Grébaut a été trahi par son col-
laborateur de Calsruhe : sa part du travail, choix des monuments,
agencement des planches, etc., est excellente. Si l'on songe de plus que
tous les objets reproduits ont été par lui découverts, on reconnaîtra qu'il
a bien mérité de la science, et on souhaitera longue vie à son Musée
Egyptien .
G. Maspero.
4t8 RKVUK CRIKQUK
536. — I. Max Hermann Jellinek. liic Sage x'on Hei*o untl Leantler In dei-
Diclitung. Berlin, Speyer et Peters, ibgo. In-8, iv-92 p.
537. — 2. 0jOa(ru6oy/ou K. X « t Ç v; a p âîT /) SiSâxTopoç Tyji <j>i),oXoyi«ç, tC'iv y.c.O' "Hpw xai
Aixvopov Mojsxiou rov ■/pay.^u.xri/.oîj //.srxtj'pxcii 'éfjLf/.irpoç ih t*iv xxOxpsùojaav /j.s-rx zoù
x-iij.iyoj, itpolo-/o\) y.oà ûno^uvvi/j.i.Totv. 'Ev 'AO-/;vatç, ex toO Tunoy px'jiziou twv xaTX5Tr///KTWv
'AvsîT'/î KwvsTayTtviJou. l8gO. In- 12, 48 p,
1. L'histoire de la légende d^Héroet Léandrea déjà été traitée en i858
par Fr. Meyer de Waldeck et en i863 par M. Ristelhuber; M. Jellinek
a repris le même sujet avec plus de développements. II a successivement
étudié les deux versions antiques, celle d'Ovide et celle de Musée; un
poème allemand attribué à Bligger von Steinach; le poème hollandais
de Dirk Potter (1409); celui de Hans Sachs; les compositions de la
Renaissance et de l'époque moderne jusqu^à Schiller; enfin, les opéras
et les drames. Un des chapitres les plus curieux concerne laLeandreis de
Gaspar Barth, poème en mille sept cent un hexamètres, publié en 16 12,
mais qui date de la première jeunesse de cet érudit. Dans cette imitation
de Musée, comme dans celle de Marlowe et d'autres, la partie erotique
du récit est développée avec une insistance qui contraste avec la chasteté
du poète byzantin. M. J. a montré que la ballade de Schiller n'est fondée
directement ni sur Musée, ni sur Ovide, mais sur un article de l'Ency-
clopédie de Krûnitz, ouvrage que Schiller a également consulté pour le
Chant de la Cloche; c'est là un détail d'histoire littéraire qui a son
intérêt.
Dans la liste des poètes que G. Barth a imités, M. J. oublie Glaudien ;
Barth, qui devait publier une savante édition de Glaudien en 1612, a
certainement eu présent à Tesprit VEpithalame d'Honoriiis et de Marie
dans le passage que cite M. Jellinek à la p. 3o. L'auteur transcrit (p. 49)
la traduction donnée par La Harpe de l'épigrainme de Martial, mais il
ignore celle de Voltaire, qui est beaucoup plus jolie. Je ne vois pas non
plus qu'il ait connu la spirituelle parodie de Scarron ni le poème en
quatre chants de Denne-Baron, publié à Paris en 1806. En somme, son
travail est celui d'un amateur instruit, qui n'épuise pas le sujet, mais ne
se lit ni sans fruit, ni sans agrément.
2. La première traduction de Musée en grec moderne, avec le texte
original en regard, est dédiée par M. Thrasybule Ghatziarapis aux navi-
gateurs de la Grèce, loXc, vaûxatç tt/ç 'EXXocSoç; pourquoi pas aux nageurs,
vf/ATaiç, ou aux amoureux, puisqu'aussi bien, dans ce petit poème, il est
moins question de navigation que de natation et d'amour? L'introduc-
tion de l'éditeur, sans rien apporter de neuf, est sobre et sensée;
on regrette qu'elle se termine par des indications bibliographiques
prises au hasard dans quelque vieux livre. La constitution du texte
prouve d'ailleurs que M. Gh. n'est pas bien au courant des travaux
modernes sur Musée, car il a laissé subsister des leçons impossibles
qui ont été écartées dès 1874 par Dilthey. Il m'est difficile d'apprécier
le mérite de sa traduction : en voici un spécimen :
d'histoire et de littérature 41g
Musée, V. 3o-3i.
'Hpw [jhi yapUaay.^ o'.OTpsçèç (xi[J.a XixyouGCf.,
KÔTïpicoç fjV Upsia.
Traduction :
BaaiXty.bv elq xàç çXéêaç 'Hpw •?] y^ci.pieaacf. oiX^xa e/ouu' lépcia '?iTO ty;? KÙTCpiBoç.
Cet exemple montre le danger des paraphrases explicatives, car si
oioTpeç-Zjçest une épithète des rois dans Homère, ce mot, employé comme
épithète d'af[xa, ne me paraît pas devoir être rendu par [iaai>ax6v.
Salomon Reinach.
538. — IVotice (stui- un manuscrit de ^. Jean Chi-ysostome utilisé par
Erasme et conservé à la bibliothèque royale de Stockholm, par Joannes Paulson.
Lund, Hjalmar Mœller, [1890], 63 pp. in-8.
Le nouveau travail de M. Paulson porte sur Thistoire du ms, de
Stockholm qu'il a étudié et décrit dans le deuxième fascicule de ses
Symbolae ad Clirjysostomiim ^ Une comparaison minutieuse permet de
reconnaître dans ce ms. celui qui a servi à Érasme pour sa traduction
parue, en i533, chez Froben : Aliquot homiliae Diui loannis Chrysos-
tomi...^ mine prinnim iiersae et editae, per Erasmiim Roterodamum.
Erasme avait dû se le procurer auprès de son ami, le médecin Théobal-
dus Fettichius. C'est sur ce même ms., que Gelenius a traduit neuf
homélies nouvelles, publiées en 1547 dans le recueil des œuvres de
Chrysostôme donné par ce savant. Dans l'édition publiée par Savile, en
161 2, il est fait mention d'un codex Gabrielis (Gabriel Seuerus, arche-
vêque de Philadelphie). Ce codex, s'il s'agit là d'un ms. unique, conte-
nait, outre d'autres parties, une copie du ms. de Stockholm déjà mutilé,
mais plus entier que maintenant. Tels sont les résultats des recherches
de M. Paulson. C'est un fragment intéressant de l'histoire des études
patrologiques au xvi*^ siècle. Nous devons être particulièrement recon-
naissants à l'auteur d'avoir choisi notre langue pour l'écrire.
P. -A, L.
539. — Documenta tle S. Patrîcîo HIliernoi*um ai>ustolo ex libre Arma-
chano edidit E. Hogan S. J., M. R. 1. A., Exam. R. U. I. -, in Universitate Catho-
lica Dublinensi liiigUcX hibernicae et historiae lector. Pars Secunda : Liber angueli ;
Confessio S. Patricii ; Glossae; index et glossarium hibernicum. Bruxellis, typis
PoUeunis et Ceuterick, 1889, in-octavo s.
1. Cf. Rev. cvit. 1890, 11, 63.
2. Membre de la Royal Irish Academy, examinateur de la Royal University of
Ireland.
3. Ce litre est sur une couverture en papier de couleur qui enveloppe les pa-
ges 1 17-204 d'un volume dont la première partie a paru en 1884 sous le titre que
voici : Vila sancti Patricii, Hibeinovum apostoli, aiiclore Miiirchu Maccumach-
theni, et Tirechani collectanea de S. Patricia. Nunc primtim intégra ex Libro Ar-
420 REVUE CRITIQUE
1)^0. — Aiieocloin Oxonieiisîa. [Jves of Saints from the Book of Lismore,
edited with a translation, notes, and indices by Whitley Stokes, Oxford, at the
Clarendon Press, 1890, in-8, cxx-411 pages.
5^.1. — i&oynl Irisli Acacleiny. Irish manuscript Séries. Vol. 11, part 1. — Trî
bior-ghaoiihe an bhâis [The three Shafts of death] of Rev. GeolTrey Keating. The
irish text, edited with glossary and appendix by Robert Atkinson, M. A., LL. D.,
Professer of Sanscrit ad Comparative Philology in the University of Dublin.
London, Williams and Norgate, 1890, in-S, iv-462-xxxti pages.
542. — CUrestoniutUie bi-otonne (Armoricain, Gallois, comique), F^ partie,
par J. LoTH, professeur à la Faculté des Lettres de Rennes. Paris, Bouillon, 1890,
in-8, v(-528 pages.
543. — Sonîou lïi-eiz-lzel. Chansons populaires de la Basse-Bretagne, recueillies
et traduites par F. M. Luzel, avec la collaboration de A. Le Braz, t. I, Paris, E.
Bouillon, 1890, in-8, xliu-333 pages.
I
Le P. Hogan a commencé, en 1881-1882, dans les Analecta Bol-
landiana^ la première édition complète des récits et notes historiques
concernant saint Patrice contenus dans le célèbre manuscrit irlandais
qui est connu sous le nom de livre d'Armagh. On sait qu'on appelle
ainsi ce ms. parce qu'il a été écrit pour la cathédrale d'Armagh au
ix*^ siècle, et qu'il a appartenu à cette cathédrale pendant les siècles sui-
vants, avant les pérégrinations qui l'ont finalement conduit sur les
rayons hospitaliers de la Bibliothèque de Trinity Collège, à Dublin.
L'édition du P. H. a entre autres mérites celui de combler, à l'aide
du ms. 64 de la Bibliothèque royale de Bruxelles, xi^ siècle, les
lacunes du Livre d'Armagh.
La première partie de cette publication a rendu de grands services
et en rendra encore, quoique les notes linguistiques qui l'accompagnent
puissent être quelquefois l'objet de critiques. Il est commode pour les
historiens d'y trouver à leur place les chapitres fournis par le ms. de
Bruxelles que M. Whitley Stokes, dans son édition de la Vie Tripar-
tite^ a cru devoir renvoyer à la fin, parce que le ms. de Bruxelles est
plus récent que celui d'Armagh et a, par conséquent, un intérêt gram-
matical bien moindre.
Le P. H., qui en 1881-1882 était un débutant dans les études celtiques,
s'est depuis placé par ses travaux à un rang très élevé; et, en donnant
dans sa seconde partie, 1889, une édition des gloses irlandaises du Livre
d'Armagh avec un glossaire des mots irlandais contenus dans les deux
parties de son livre, il a produit une œuvre d'une grande utilité gram-
maticale.
Depuis l'époque où le P. H. a fait paraître cette seconde partie,
machano ope codicis Bruxellensis edidit R. P. Edmundtis Hogan, S. J., ope-
ram conferentibus PP. Bollandianis (Excerptum ex analectis BoUandianis).
Bruxellis, typis Polleunis et Ceuterick et Lefebure, 1882 [sic, telle est la date impri-
mée sur le titre; on lit 1884 sur la couverture). La première partie est un tirage à
part des Analecta Bollandiana, mais la seconde partie, 1889, n'a pas été insérée
dans ce recueil.
d'histoire et de littérature 421
M. Whitley Stokes a inséré dans la Zeitschrift de Kuhn, t. XXXI,
p. 236-245 (1890) une autre édition des gloses du Livre d'Armagh
avec commentaire. Ce commentaire contient un certain nombre d'ad-
ditions utiles au glossaire du P. H.; ainsi, il mentionne les mots
gallois, comiques, bretons correspondant aux mots irlandais conservés
par les gloses du Livre d'Armagh ; il donne d'excellentes étymologies,
exemple : cuimte (eunuchus) ==■ com-bentios de benim « je coupe » ;
il indique aussi quelques formes des mots irlandais du Livre d'Armagh
qui se trouvent dans le ms. irlandais de Milan et qui avaient échappé
au P. H. ; mais les critiques proprement dites sont en très petit
nombre. En voici que l'on considérera, pensons-nous, comme tout à
fait fondées :
Au lieu àtfusirim (paro, f° lyy^ et non pareo] UsQz/u-firim; com-
parez/o-m-fir/ider-sa, Ml. 33^ 10.
Le P. H. avait publié exactement la glose : « et, vel indeb, vel
iarfichid », sur le mot adquaesitio (Actes des Apôtres, XIX, 25), f« i83*,
mais dans son glossaire il a oublié et : M. Whitley Stokes explique et en
le corrigeant en et qui est le substantif d^où vient le verbe dénominatif
êtaim « j'acquiers ».
Au bas de la glose niputhuc conidar fus, f" jy"'^ commentée par le
P. H., M. W. S, a mis en note : This gloss is quite obscure to me :
cette observation sera probablement faite par d'autres celtistes.
Parmi les points sur lesquels M. W. S. propose une autre doctrine
que le P. H., il y en a sur lesquels l'opinion du savant jésuite sera
peut-être préférée: ainsi gabis ailli, f» 77*, signifierait suivant M. W. S.
dedil laudem, mais d'après le P. H. — qui donne probablement à tort
pour gabis la leçon gabais — on doit traduire « il récita une prière ». Il
s'agit ici de la bénédiction donnée par J.-C. aux cinq pains et aux
douze poissons (St-Luc, IX, 16). M. W. S. explique l'irlandais gabis
par le verbe allemand geben dont le sens est différent.
Sur les mots ciisin n-uasal-fich, glosant ad ariopagum fActes, XVI 1,
19), f« 182», le P. H. a fait une singulière faute d'impression, il a écrit
cusinjîch sal nua ; mais il propose pour uasalfich une explication fort
ingénieuse. Uasal fich est une traduction savante irlandaise dMr/o-
pagus pour Areopagiis, c'est-à-dire quejîcli=vicits a. été employé pour
rendre pagiis ; de plus on a cru, pensons-nous, que ario était identique
à l'irlandais aire u primas », et on a en conséquence rendu ario~ par
uasal a noble »; iiasal-Jîch veut dire « noble bourg », on a admis en
Irlande au ix^ siècle que tel était le sens à'areopagus. Puis de uasal-
fich on a tiré uasal-fichire « noble bourgeois », mot par lequel on a
prétendu traduire le latin biblique areopagita (Actes, XVII, 34).
Cette explication peut sembler plus probable que celle de M. W. S. qui
croit reconnaître dans Jichire un dérivé de la racine veq « parler w.
Uasal-fichire, qui glose comme nous venons de le dire areopagita,
voudrait dire dans ce système « noble orateur », On ne voit pas le mo-
422 REVUE CRITIQUE
tif pour lequel les savants irlandais du ix*^ siècle auraient imaginé cette
traduction ài'areopagita.
A ces observations suggérées par le mémoire de M. W. S. j'en ajou-
terai deux qui me sont personnelles : le P. H. a sur le moi Brito-
nes une lacune ; il n'a pas noté dans son glossaire, p. i56, les quatre
exemples où, dans le Livre d'Armagh, ce mot est écrit avec deux t :
Britionibus, Brittonum, Britto, p. g2 ', Brittonibus, p. g3,cf. Britton-
nica, Brittonissa^ p. 92. Ce double t est nécessaire pour expliquer la
dentale t de Pirlandais Bretan, et le ^ du breton Brei:{, bre:{onek.
Disons aussi que dans le glossaire, p. 179, iannafoistis contient une
faute d'impression; lisez iannifoistis pav un i au lieu d'un a.
Les meilleurs glossaires seront toujours Tobjet de quelques critiques.
II
Le Livre de Lismore, d'après lequel M. W. S. a publié, traduit et com-
menté un recueil de neuf vies de saints, est un des rares manuscrits irlan-
dais en parchemin qui aujourdMiui ne sont pas conservés dans un éta-
blissement public. Il appartient au duc de Devonshire et se trouve dans
la bibliothèque de son château de Lismore. C'était un des mss. irlandais
les plus mal connus, bien qu'il en existe à la Bibliothèque de l'Acadé-
mie royale d'Irlande deux copies, l'une par O'Curry, l'autre par O'Lon-
gan ; mais, si je me rappelle bien, elles ne sont complètes ni Pune ni
l'autre : à l'époque où a été faite l'une d'elles au moins, le ms. se
trouvait dérelié et plusieurs cahiers étaient absents, de là dans celte co-
pie des lacunes et une confusion que je n'ai pu débrouiller, comme
l'a fort bien vu M. Zimmicr, et il m'a plaisanté là-dessus avec cette iro-
nie légère qu'il manie si bien !
M. W. S commence par une description du ms., qui a cent quatre-
vingt-dix-sept feuillets. Cette description, très détaillée (p. i-XLivj,
indique les autres mss. qui contiennent les morceaux copiés dans
le Livre de Lismore, donne le texte de quelques courtes pièces,
mentionne les éditions; elle peut être considérée comme un mo-
dèle. 'Vient ensuite une étude sur la langue des vies de saints con-
tenues dans ce ms. M. W. S. y a consacré cinquante-six pages (xlv-xc)
où les moindres nuances phonétiques ou morphologiques sont re-
levées avec grand soin. La langue du Livre de Lismore est mélan-
gée d'irlandais ancien et d'irlandais moyen; les formes anciennes
remontent aux auteurs, les formes moyennes peuvent être dues ex-
clusivement aux copistes, ou s'être déjà trouvées comme les formes an-
ciennes sous la plume des auteurs. Il serait fort à désirer qu'un savant
compétent comme M. W. S., fît un travail de ce genre sur des textes à
date certaine, par exemple sur deux fragments de chronique, l'un
racontant des événements du xve siècle et dont on aurait un ms. du
xve siècle, l'autre racontant des événements du xii^ siècle et dont on
aurait un ms. duxii^ siècle ; on pourrait, par la comparaison, se faire une
1
d'histoirk kt de littérature 423
idée nette de l'histoire de la langue irlandaise, histoire peu précise
quand on est réduit à la tirer de documents hybrides, écrits originaire-
ment à une date inconnue, et probablement profondément altérés depuis
par les copistes : les copistes qui nous ont conservé les textes irlandais se
permettaient, pour les rajeunir ou les éclaircir, des libertés que n'ont
jamais osé prendre les copistes aux labeurs desquels nous devons les
textes grecs et latins de l'antiquité classique.
Un troisième mémoire, p. xci-cxx, a pour objet de nous faire connaî-
tre ce que les vies de saints du livre de Lismore peuvent nous appren-
dre sur l'état de la société irlandaise à l'époque où ces vies ont été com-
posées. Ce mémoire a les même qualités que le précédent : l'abondance
énorme des matériaux, la méthode qui a présidé à leur classement et la
précision des renvois atiesicat une fois de plus chez l'auteur une mer-
veilleuse faculté de travail jointe à une grande rectitude de jugement.
Cette analyse des faits si variés que mentionnent les vies de saints du
livre de Lismore sera fort utile aux historiens; mais malheureusement
nous ignorons la date à laquelle ont été rédigées ces vies de saints;
nous ne savons donc à quelle date rapporter les faits si nombreux et si
intéressants que M. W. S. y a recueillis. La vie de saint Columba par
Adamnan, celle de saint Patrice par Muirchu, les notes de Tirechan,
nous font connaître ce qu'était la société irlandaise pendant la seconde
moitié du vii« siècle où écrivaient les auteurs de ces trois ouvrages; dans
les œuvres authentiques de saint Patrice nous apprenons ce qu'était la
même société au v° siècle où vivait saint Patrice. De quel siècle est la
société irlandaise dépeinte dans les vies des saints du livre de Lismore?
Nous n'en savons rien. Or la société irlandaise n'est pas restée immobile.
Pour s'en assurer il suffit de comparer le texte du Senchus Môr avec sa
glose qui souvent crée une jurisprudence nouvelle très différente de la
doctrine du vieux traité de droit.
Après ces mémoires de M. W. S. vient le texte irlandais des vies,
p. 1-146; on en trouve ensuite la traduction anglaise, p. 149-289. La
traduction n'est donc point placée en regard du texte, mais les lignes du
texte sont numérotées et chaque alinéa de la traduction est précédé du
numéro de la ligne du texte auquel répond le commencement de cet
alinéa. Ce qui intéressera peut-être le plus le lecteur français est la vie de
saint Brendan, p. 99-1 16 et p. 247-261.
Des notes sur ces vies occupent les pages 293-36 r. On trouvera les
notes sur la vie de saint Brendan aux p. 349-354. M. W. S. y indique
les divers mss. irlandais de cette vie et cite en outre plusieurs documents
intéressants : nous donnerons comme exemple, p. 35 2, le texte du
chapitre : De caelebratione missae in die paschae super caetum dans la
vie de saint Maclou par Bili, d'après un ms. du Musée Biitannique,
Bibl. Reg. i3 A. X, qui date du x*" siècle. C'est le ms. dont a fait usage
D. Plaine, et le passage correspondant se rencontre à la page 52 des
Deux vies inédites de saint Malo, Rennes, 1884. En comparant celte
424 REVUE CRITIQUE
édition avec celle de M. W. S., on voit que dès la première ligne
D. Plaine a fait deux fautes de copie : vcniente vento, pour vefito ve-
niente et navem pour navim; à la seconde ligne il a écrit diei pour
die, etc.
Le volume dont nous rendons compte se termine par plusieurs index
dont le plus intéressant est celui des mots irlandais. Je soumettrai, au
sujet de cet index, une critique au savant auteur. On sait qu'en vieil
irlandais quand un verbe est composé, on peut, suivant des circonstan-
ces que la grammaire détermine, séparer du verbe le premier terme, ou
en faire un des éléments constitutifs du mot; dans le premier cas, le
second terme porte toujours l'accent et le premier terme est proclitique;
dans le second cas, c'est ordinairement, — mais non toujours, — le
premier terme qui est accentué : M. Zimmer, en vertu d'une théorie
que je crois fausse, a proposé d'appeler le verbe orthotone dans le pre-
mier cas, enclitique dans le second; M. Zimmer emprunte ces expres-
sions à la grammaire sanscrite. M. W. S. les a acceptées : ainsi suivant
lui, p. 390, col. 2, do-imm-iirc « je contrains » est une forme orthotone,
du verbe enclitique timmaircim. Or dans do-imm-urc l'accent frappe
\'i du préfixe imm, et le même phénomène se produit ddiUs t-imm-airc-
im : la place de l'accent est donc ici la même dans le verbe orthotone(?)
que dans le verbe enclitique (?), et dans les deux cas la racine verbale est
atone. Il suffit d'ouvrir un dictionnaire irlandais, par exemple celui de
M. Windisch, pour recueillir une quantité d'exemples analogues.
Enclitique (?) Orthotone (?)
tathcria, do-r-aid-chiûir, p. 779.
lairbir, do-air-bertar, p. 801.
tairchechnatar, du-n-air-chechnatar, p. 801.
terisedar, do-n-air-issid, p. 8o3.
tairngires, do-r-ar-n-gertais, p. 804.
La loi grammaticale irlandaise n'a aucun rapport avec la loi sanscrite
alléguée par M. Zimmer. Le vieil irlandais admet, comme le grec ar-
chaïque, comme Tallemand moderne, les particules initiales séparables.
Quand en vieil irlandais la particule initiale du verbe est séparable, un
pronom peut s'intercaler entre cette particule et le reste du composé
verbal, la seconde partie constitue un mot complet; ce mot est accentué
sur la syllabe initiale comme l'exige la loi générale de l'accentuation
irlandaise depuis une époque qui remonte au moins au vi^ siècle. Mais
la langue a conservé des traces d'une autre accentuation. Si un verbe
comme taithcrenim avait été dès l'origine accentué sur la première syl-
labe, cette première syllabe aurait pour voyelle un u et non un a.
111
La plus grande partie de l'histoire d'Irlande de Keating est encore iné-
dite. C'est avec une grande surprise que j'ai vu M. R. Atkinson publier,
au lieu du texte complet de cet important ouvrage, un traité théologi-
d'histoire et de littérature 425
que du même auteur. Keating, dit avec raison M A., est un des maîtres
chez lesquels on devrait étudier l'irlandais moderne. Mais le livre inédit
de Keating qu'a fait imprimer M. A. est une méditation sur la mort
en deux cent quatre-vingt-dix-huit pages!
Saint Ignace de Loyola a, raconte-t-on, indiqué à ses disciples un
moyen poli, mais sûr, de se débarrasser de tout visiteur ennuyeux; c'est
de mettre la conversation sur la mort, immédiatement l'importun se
dirige vers la porte. Le procédé réussit parfaitement en France : un
membre très pieux, mais peu érudit, de la célèbre compagnie en a fait un
jour l'expérience sur moi; la recette a eu son succès ordinaire. Produi-
rait-elle dans les Iles Britanniques un effet différent? M. A. compte sur
sa publication pour y répondre l'étude de l'irlandais. Dieu veuille qu'il
réussisse!
Outre le texte, M. A. donne dans son volume un vocabulaire rédigé
avec beaucoup de science et de soin, qui occupe cent cinquante-cinq
pages, et de bonnes dissertations grammaticales qui couvrent trente-
deux pages. Ces deux parties rendront de grands services; mais les éru-
dits français qui voudront faire des méditations sur la mort, préféreront,
je le crains, un livre latin à un livre irlandais. Comme sujet d'étude
irlandaise on aimera mieux un texte épique tel que le Fled Bricrend,
ou certaines vies de saints — M. Atkinson en a publié d'intéressantes 1
— ou enfin le Senchus Môr.
IV
Il est à désirer que la Chrestomathie bretonne de M. Loth trouve en
France et surtout en Bretagne de nombreux lecteurs. Ils y apprendront
que le breton moderne n'est pas exactement, comme tant de gens le
croient encore, la langue parlée dans la Gaule barbare quand César en
fit la conquête, il y a dix-neuf siècles et demi.
Une curieuse histoire est celle de la chanson Ann hini go\ — eo ma
dous, « C'est la vieille — qui est ma bien-aimée ». On y a mis en
scène un amoureux partagé entre deux penchants, l'un pour une vieille,
l'autre pour une jeune femme ; la vieille est celle que décidément il
épouse. Cette vieille qu'il préfère est la langue bretonne, la jeune qu'il
congédie est la langue française. Le curieux dans l'affaire, c'est d'abord
qu'à son insu l'auteur de la chanson s'est servi d'un mot français pour
désigner la bien-aimée : ma dous, c'est le français « ma douce » ; ensuite
l'auteur a cru le breton de France plus archaïque de forme et plus an-
cien en Bretagne que le français : or, le français est certainement moins
éloigné du latin que le breton du gaulois; enfin le français est un dia-
lecte du latin. Or, le latin a précédé dans la péninsule armoricaine le
dialecte celtique apportédela Grande-Bretagne au v® siècle par les Cor-
navii et par les Dumnonii fuyant devant l'invasion saxonne. Comparé
au français le breton est un nouveau venu.
I. Voyez la Revue critique d\ji 3o septembre 1889.
426 REVUE CRITIQUE
La Chrestomathie de M. Loth doit former deux volumes. Le second
aura pour objet le gallois et le comique; le premier volume seul a paru.
Il a pour objet rétude du breton continental ou armoricain. U se divise
en six parties. La première consiste en un choix d'inscriptions gauloises,
de mots gaulois, de mots bretons insulaires contemporains de TEmpire
romain d'Occident, de mois bretons insulaires et continentaux posté-
rieurs à la chute de l'Empire romain d'Occident, mais antérieurs au
viii^ siècle; cette partie, précédée d'un court préambule grammatical,
occupe les p. 1-40. Il y a, dans ce préambule, un petit oubli. L'auteur
énumérant les régions où la langue gauloise se parlait au temps de Cé-
sar ne dit rien des parties encore gauloisesde la Germsin\e[De bello galli-
co, VI, 23] et passe également sous silence \q Noriciim regnum sur lequel
on peut consulter la notice de M. Mommsen, Corpus inscriptionum
latmarinn, t. III, 2" partie, p. 588, etc.
La seconde partie consiste en une histoire de la phonétique du bre-
ton continental, p. 40-82.
La troisième partie, p. 82-181, est consacrée au vieil armoricain,
viii^-xi® siècle : inscriptions, gloses, noms contenus dans les vies de saints,
noms contenus dans les chartes. Ces recueils de noms, comme celui
qui se trouve dans la quatrième partie, sont une œuvre originale d'un
haut intérêt '. On remarquera, par exemple, dans la liste des noms em-
pruntés aux viesde saints, le double nom de saint Brieuc : Brio-maglus et
Briociis; c'est une confirmation de ladoctrinede M. Rhys, que les Celtes
formaient des noms d'hommes hypocoristiques en remplaçant le second
terme de ces noms par le suffixe âco-s depuis oc, awc, -eue.
La quatrième partie, p. i8i-3i8, a pour objet le moyen breton;
depuis la fin du xi^ siècle jusque vers le milieu du xvii*, elle contient un
recueil de noms propres, tirés de chartes dont un grand nombre sont iné-
dites, des extraits de morceaux littéraires ou pieux, tous imprimés déjà,
mais qu'il sera très commode de trouver réunis. Dans le recueil de noms
propres, il y a une foule d'observations intéressantes. Ainsi un des mots
bretons les plus curieux qui existent est ^c?n-rfc^ « chaque jour »,dont le
premier terme est un accusatif singulier bem = * pâpon, en irlandais
cach n = * qâqon. Ce mot se trouve employé comme surnom et il est
écr'n pemde:^ au xiv^ siècle dans le cartulaire de Quimper.
Lacinquième partie, p. 3 1 9-380, contient des textesbretons modernes,
xvii^-xix^ siècle, à commencer par le Sacré collège de Jésus du P. Mau-
noir, i65g, œuvre grammaticale très importante par la réforme ortho-
graphique qu'elle a fait triompher. Les derniers morceaux offrent des
spécimens des principaux dialectes du breton armoricain parlé actuelle-
ment : Léon, Tréguier, Cornouaille, Vannetais, île de Groix, Belle-Ile.
I. M. Loth s'est donné la peine de coUationner avec l'original l'édition si défec-
tueuse du Cartulaire de Redon, qu'on doit à M. de Courson, et de là, de nombreuses
rectifications.
(
d'histoire kt de littérature 427
La sixième partie consiste en deux index, l'un des noms propres de
lieux et de personnes, p. 381-430, l'autre des noms communs et des
autres parties du discours, p. 431-522.
On trouve donc réunis dans le livre de M. Loth tous les éléments
d'une histoire du breton de France, et ce livre peut suffire pour en faire
une étude scientifique à la condition que l'étudiant ait entre les mains
une grammaire bretonne composée d'une façon conforme aux exigences
de l'érudition moderne. Malheureusement, il n'y en a pas d'autre
que celle dont les fragments sont épars dans la Grammatica celtica de
Zeuss 1.
H. d'Arbois de Jubainville.
V
Cet article était écrit quand j'ai reçu de M. Luzel le tome premier de
ses Soniou Brei\ I:{el % faisant suite à ses G%uer\iou qui ont paru il y a
vingt-deux ans. M. Luzel disait alors dans sa préface : a Les Gwer\ioii
« comprennent les chansons épiques, qui peuvent se diviser en chansons
'( historiques, chansons légendaires, chansons merveilleuses ou fantasti-
« ques et chansons anecdotiques. — Les Soniou c'est la poésie lyrique.
« On comprend sous cette dénomination les chansons d'amour, leschan-
« sons de K/oer on clerc qui tiennent une si large place dans la poésie
a bretonne, les chansons satiriques et comiques, les chansons de noces et
« de coutumes, etc. Il faut y ajouter les chansons d'enfants, les chansons
« de danses, rondes, jabados, passe-pieds 1.
Le premier volume àts Soniou se divise en deux parties : la première
comprend les chansons d'enfants, la seconde les chansons d'amour. Il
est précédé d'une introduction par M. A. Le Braz qui a été le collabora-
teur de M. Luzel pour cette nouvelle publication; on trouve dans cette
introduction (p. ix et x), des détails instructifs sur la manière dont s'est
formée )a collection de chants populaires bretons formée par M. de Pen-
guern — et par M. Kérambrun, collaborateur peu consciencieux de cet
amateur aussi naïf que zélé, — Les « Moines de l'île verte », qui ont pé-
nétré dans un des meilleurs ouvrages écrits sur la Bretagne en notre
siècle, sont une composition de Kérambrun.
Les Soniou se recommandent au lecteur par la même qualité que les
Gwer:[iou, reproduction exacte et sans changement de la leçon popu-
laire, malgré toutes ses incorrections. La traduction est fidèle, souvent
élégante, mais quelquefois un peu négligée; on y trouve calqués des
idiotismes bretons inadmissibles en français. Exemple :
Mar plij ganec'h, silaouet, hac e clewfet canan
Eur chanson divertissant 'zo zavet er bloa-man,
1. Dans un ouvrage aussi considérable, il y a forcément quelques points contesta-
bles ou douteux. Voir la critique détaillée écrite par M. Ernault, Revue celtique,
t. XI, p. 35i.
2. l.e tome II paraît à la librairie d'E. Bouillon au moment où je corrige cette
épreuve.
428 REVUE CRITIQUE
A zo grêt d'eur plac'h iaouanc a detiz cuitêt he bro,
He c'herent hac he ligné, hol emâint en canvo (p. 240).
C'est-à-diie :
Cl S'il vous plaît, écoutez, et vous entendrez chanter
« Une chanson divertissante composée cette année,
a Faite sur une jeune fille qui a quitté son pays,
« Ses parents et sa famille: tous sont dans l'affliction ».
M. Luzel a écrit au second vers levée au lieu de composée, au troisième,
à au lieu de sur ; c'est une traduction littérale que le français ne peut
guère supporter.
Ailleurs, M. Luzel a substitué aux expressions simples et familières des
auteurs populaires bretons, des termes un peu prétentieux :
De bonjour d'eoch ma mestrezic (p. 120),
« Bonjour à vous ma petite maîtresse »,
devient sous sa plume :
« Bonjour à vous ma gente maîtresse ».
Le pléonasme biken,jamès, « Jamais, jamais », employé pour insister
et rendu par « jamais, au grand jamais», p. 179, est traduit, p. 12 3, par
« oncques jamais » ; à la même page boiidennadou <<. coups de bâton »,
« bastonnades » et représenté dans le texte français par « caresses de
fagots » ; « caresses » n'est pas dans le texte breton : ces défauts de la
traduction sont des taches légères, et les textes publiés par M. Luzel
seront pour Pérudition néo-celtique une utile acquisition.
H. d'A. de J.
544. — Strasebui-ger ZunTt und Polizei-Verordnungen des 14. und
IK. Jlalii>liundei>ts. Aus den Originalen des Stadtarchivs ausgewaehlt und
zusammengestellt von J. Brucker. i vol. grand in-8, sii-625 pages. Strassburg,
Trûbner, 1889.
Dans une courte préface, placée en tête de Pouvrage, M. Rodolphe
Reuss nous raconte la vie de M. Brucker, enlevé à ses amis et à la
science le 23 mars 1889. M. Brucker fit des études assez incomplètes.
Après être entré comme apprenti dans la maison Berger-Levrault, il
géra lui-même une imprimerie à Haguenau. En même temps, il créa
dans cette ville un journal hebdomadaire où il défendit les idées libé-
rales ; mais, poursuivi par les tribunaux, il dut renoncer à sa double
entreprise. Après d'autres aventures encore, il entra en qualité d'aide-
adjoint aux archives municipales de Strasbourg. Il fut pris dès lors
d'une véritable passion pour ses nouveaux travaux ; il compléta ses
études historiques ; il apprit la paléographie et bientôt il sut déchiffrer
avec aisance les écritures les plus difficiles. Il mit l'ordre dans son dépôt —
et c'était un travail matériel immense que de classer tant de pièces, jetées
au hasard dans les greniers. Son zèle fut si grand qu'il mérita, en 1866,
lorsque Alfred Schweighaeuser eut pris sa retraite, d'être nommé archi*
D^HISTOIRE ET DK LITTERATURE
429
viste en chef. Ce fut pour lui un stimulant. En 1870, pendant le siège,
il transporta ses archives en lieu sûr et les préserva de la destruction.
Plus tard, il mit au jour en quatre volumes in-4° V Inventaire Som-
maire, auquel il travaillait depuis de longues années. N'est-il pas digne
de remarque que les archivistes les plus zélés n'appartiennent pas tou-
jours à l'Ecole des chartes?
Tandis que Brucker faisait son classement, il découvrait, isolées ou
dans des registres, de très nombreuses pièces sur Thistoire économique
de Strasbourg. II s'étonna que celte histoire fût si mal connue, alors que
de nombreux travaux avaient mis en lumière le passé politique et ecclé-
siastique de cette ville. Cette constatation faite, il résolut non point
d'écrire un ouvrage sur les industries ou le commerce de Strasbourg,
mais bien de rassembler les matériaux nécessaires à un tel ouvrage,
c'est-à-dire les règlements des anciens corps de métiers et les ordonnan-
ces de police de la cité. Bientôt il borna sa tâche au xiv^ et au xv- siè-
cle. Les documents plus anciens sont rares; les documents plus mo-
dernes ont déjà été imprimés, au moms sur des feuilles -^^olantes. Du
reste, l'écriture gothique du xiv^ et du xv^ siècle est la plus difficile
à déchiffrer. A défaut d\iutres, cette raison eût décidé un travailleur
aussi infatigable. Brucker corrigeait les dernières épreuves du livre,
quand il mourut; un de ses amis, M. G. Wethly, mena l'impression à
bonne fin et acheva le Glossaire des termes alsaciens i, qui a été placé
au bout du volume.
Nous ne saurions assez louer les efforts faits par Brucker, pour nous
donner une transcription exacte de ces précieux documents. Son édition
est d'une correction irréprochable. Nous n'avons à formuler quelque
regret que sur Fordonnance même de l'ouvrage. Nous reconnaissons
qu'il était impossible de suivre l'ordre chronologique : les divers règle-
ments sur les boulangers et sur la taxe du pain, par exemple, devaient
être rapprochés. Mais Tordre alphabétique des matières qu'a préféré
Brucker surprend un peu. Nous passons ainsi successivement en revue
die Aechter-Ordmmg (ordonnance sur ceux qui ont été mis au ban de
la ville), die Almosen-Ordnungen (ordonnances sur les aumônes), die
Angeklagten (défense de supplier les juges pour les accusés); die
Armbrnster Ordming (règlement des arbalétriers], etc., etc. Cette suite
n'est-clle pas bien arbitraire? D'ailleurs, pourquoi avoir écrit Aechter,
alors que le texte lui-même porte œhter (ohte =acht)} Puis, bien au
fond, M. Brucker me paraît avoir traité deux sujets différents, indiqués
par le titre même « Zunft-und Poliiei-Verordniingen », d'une part, les
statuts des corporations, de l'autre, les règlements de police de la ville.
Il aurait mieux valu, à notre avis, séparer les uns des autres. On nous
aurait donné, dans une première partie, les statuts des métiers, en sui-
vant l'ordre habituel des tribus : bateliers f^um Anker), merciers fr^um
Spicgel), bouchers (";^z^r Bliime), aubergistes (Ziinft der Frciburger : ici
I. Ce glossaire nous semble un peu court; bien des termes restent non expliqués.
^30 REVUE CRITIQUE
on aurait placé les nombreuses ordonnances sur la vente du vin), et ainsi
de suite. Dans la seconde partie, on aurait groupé, de façon plus ou
moins artistique, les règlements de police. On se serait encore heurté
sans doute à de grandes difficultés; niais le plan, ce me semble, eût été
plus logique.
Mais qu'importe Tordre dans lequel sont placés les documents, pourvu
qu'ils soient bien lus et bien transcrits? Les historiens qui les met-
tront en œuvre sauront bien les trouver. M. Brucker, en mettant à leur
disposition ces textes très difficiles à lire, leur a rendu un grand service,
et ils lui en doivent garder une vive reconnaissance.
Gh. Pfister,
545. — L. DE BERLUC-PERDSSts.'Wendelîn en Provence. Digne, 1890, in-8 de 33 p.
L'étude de M. de Berlue est très neuve et très intéressante. C'est avec
toute sa fine érudition qu'il a écrit l'histoire du séjour parmi nous de
cet étranger qui a été un des grands savants du xvn^ siècle. Nous allons
résumer en peu de mots le récit du zélé biographe. Godefroi-Irénée
Wendelin naquit, le 6 juin i58o, à Herch-la-Ville, en Gampine(Pays-
Bas). 11 visita de bonne heure la France et Tltalie, fut un instant correc-
teur d'imprimerie à Lyon; puis, à son retour d'Italie, il habita Mar-
seille (iSgg), où il se perfectionna dans ses études. C'est de là qu'il fut
appelé, en 1601, à Digne, à tilre de maître de mathématiques. Bien
qu'âgé de vingt-et-un ans à peine, il forma, au dire des écrivains de son
temps, d'excellents élèves. Il enseigna quatre ans à Digne. En i6o3, se
trouvant à Valensole, il y observa une éclipse de lune; ce furent les
débuts du futur astronome. Vers la mi-octobre 1604, il fut appeléàFor-
calquier, par le lieutenant-général de la sénéchaussée, André Arnaud,
pour être le précepteur de ses fils. M. de B. abandonne un moment son
héros pour nous présenter le magistrat qui avait fait un choix aussi heu-
reux. Il nous donne les détails les plus précis sur André d'Arnaud, doc-
teur es droits, qui était lieutenant-général du siège de Forcalquier,
depuis le 23 janvier i 573 et qui passa pour un « des meilleurs et des plus
beaux esprits de son temps », suivant le témoignage d'un écrivain de la
seconde moitié du xvii" siècle. M. de Berlue s'occupe surtout du lettré,
de l'habile latiniste, de l'auteur des Joci, recueil de nombreuses fantai-
sies en prose et en vers, épîtres, épigrammes, etc., fort recherché aujour-
d'hui des curieux (Avignon, Brameieau, 1600). Après avoir si bien fait
connaître le protecteur de Wendelin et toute sa famille, le narrateur
revient à l'hôte de la Provence, décrit ses observations astronomiques à
Forcalquier et surtout au mont Lure 1, cite, à ce sujet, une remarqua -
I. Nous nous associons de tout cœur au vœu ainsi exprimé par M. de Berlue (p. 33) :
a Une inscription placée au sommet de Lure, et qui rappellerait que là fut inauguré
par un Belge, hôte de la Provence, le premier essai d'observatoire français, serait un
hommage digne de la Belgique et de la France, deux nations qui, de par la race, n'en
fout qu'une ».
k
d'histoire et de littérature 43 1
ble page d'un docte compatriote du correspondant de Gassendi et de
Peiresc, M. Cliarles Ruelens 1, et suit à Paris, puis dans les Pays-Bas,
celui qui, ayant été nommé curé à Herch, partagea son temps entre le
ministère pastoral et les travaux scientifiques, publia divers traités d'as-
tronomie, un commentaire sur les LoisSaliques, et mourut, plein d'œu-
vres et de jours, en 1660, doyen du chapitre de Rothnac. Wendelin avait
beaucoup aimé son pays d'adoption. Il était juste qu'un des meilleurs
travailleurs de tout le Midi lui payât, avec autant de sympathie que de
talent, la vieille dette de la Provence.
T. DE L.
546. — La Jeunesse de M:iIIict-I>e (Documents et vers inédits^, par Armand
Gasté, professeur à la Faculté des lettres de Caen. Gaen, Henri Delesques, iSgo,
58 p. in-8.
Sainte-Beuve, dans un article magistral sur Malherbe et sur l'in-
fluence qu'il a exercée au xvu^ siècle, a répété, d'après Racan et Huet,
que le futur poète avait quitté sa maison et sa ville natale, sous prétexte
que son père s'était fait de la Religion un peu avant de mourir, et il
ajoutait : « Mais ce changement de religion n'est nullement avéré, et
l'on a pensé qu'il y avait eu en ceci quelque méprise. » Évidemment la
critique s'appuyait sur le témoignage de M, de Gournay qui, dans une
Etude sur la vie et les œuvres de Malherbe, publiée en i852, afiinnait
que le père du poète était encore inscrit en iSgS et i5g6 au catalogue
des communiants de Pâques, en la paroisse de Saint-Étienne. Cette
aflirmation, M. Gasté, à qui nous devons déjà tant d'heureuses décou-
vertes dans le champ de la littérature normande, l'a mise à néant par les
preuves les plus authentiques. D'abord ce catalogue des communiants
de Pâques n'existe pas pour les années ogS et 096, tandis qu'on pos-
sèdeles registres de l'état civil de TÉglise réformée de Gaen, de i56o à
i568. Or on y trouve que François Malherbe, sieur d"Igny, a fait
baptiser quatre de ses enfants au temple, et que de plus il y a présenté,
en qualité de parrain, quinze autres enfants de i568 à 1606. L'Église
réformée de Caen n'ayant été établie qu'en i558, François, le futur
poète, qui était ni en i555, fut baptisé en l'église Saint-Étienne.
Maintenant désire-t-on encore un dernier document qui démontre que
le père de Malherbe était protestant « jusqu'aux moelles »? M. Gasté
l'a découvert dans l'Inventaire de l'abbaye deTroarn. Il y est dit qu'en
i562 le capitaine François Malherbe, sieur d'Igny, s"est mis à la tête
I . Extraits d'une confe'rence sur la science Je la terre (Bruxelles, i883), M. Ruelens
avait eu le projet de consacrer une importante monographie à Wendelin et j'avais
annoncé cette bonne nouvelle dans une des notes du tome I des Lettres de Peiresc
aux frères Dupuy, D'autres travaux l'obligent à renoncer à son projet. Il aura pour
successeur, en cette noble entreprise, M. G. le Paige, professeur à l'Université de Liège.
Voir une note de M. de Berlue (p. 14), oij justice est gracieusement rendue à M. Rue-
lens et à son digne héritier.
^3^ REVUK CRITIQUE
d\me compagnie de « voleurs et d'hérétiques de Caen *, qui sontentrés
de force diuis rëi;lise, ont rompu les autels, brûlé les livres, pillé les
ornements, l'argenterie, etc. 11 est donc bien avéré que ce n'est pas peu
avant de mourir, ui quelques années avant sa mort, que le père de
Malherbe a embrassé le protestantisme. Il n'est pas impossible" qu'un
homme violent comme le sieur d'Igny ait essayé d'entraîner son fils
aîné dans la nouvelle religion, et que celui-ci voulant, comme dit Mon-
taigne, « se tenir en l'assiette où Dieu l'avait mis », ait alors déserté la
maison paternelle.
Le second chapitre de cet opuscule intéresse plus particulièrement
rhistoire locale. On y trouve cependant une pièce de vers à peu près
inédite delà jeunesse de Malherbe, très curieuse au point de vue litté-
raire. Des tournures de phrase et des locutions comme: « désastre mal-
heur, araigne ventreuse, cent Cupidonneaux bas-branJans, leurs pein^
îure^ cerceaux, crin couleuvreux, noçage , nocier, flot caballin »,
indiquent que le jeune versificateur faisait ces poètes de la Pléiade une
lecture assidue. Vingt-cinq ans plus tard il brûlera ce qu'il a adoré, et
voudra d'un trait de plume effacer toutes les œuvres de Ronsard.
A. Delboulle.
547. — Pierre Robert. La poétique de ïîneine, i vol. ia-8, ix, 3Ô2 pages.
Paris, Hachette, 1890.
' GeHvre est mie thèse de doctorat. Il porte en sous-titre : Etude sur
le système dramatique de Racine et la constitution de la tragédie
française. Voilà, semble-t-il, une énorme matière; mais le principal,
le vrai sujet, c'est Racine, — le panégyrique, l'exaltation de Racine.
Les abords et les prolongements ne sont qu'esquissés, d'un trait d'ail-
leurs net et précis. Je m'étonnerai plutôt que Fauteur ait consacré de
si longs développements à une étude sur laquelle il était d'avance cou-
damné à bien des redites, et qu'il a, j'en conviens, approfondie, mais
non pas renouvelée. Loin de moi la pensée de regarder Racine comme
un sujet usé; c'est au contraire un de ceux sur lesquels un maître en
littérature française est tenu de s'expliquer à fond. Racine et les ques-
tions de goût qu'il soulève sont (je demande grâce pour l'expression)
un pont aux ânes pour les écoliers, un cheval de bataille pour les pro-
fesseurs. C'est là un sujet de cours excellent, indispensable. Dans l'en-
seignement, en effet, il s'agit beaucoup moins de produire des idées
neuves que de mettre en lumière certains exemples types, sur lesquels
il faut de toute nécessité prendre parti, fonder sa doctrine et, si Ton
peut, grouper des disciples. Mais dans une thèse, si j'avais voix au cha-
pitre, je demanderais un peu d'inédit; non pas des documents sans
conséquence, mais des points de vue, sur l'originalité desquels il serait
assez juste qu'on se montrât d'autant plus exigeant, qu'il s'agirait '1
d'écrivains plus connus et de chefs-d'œuvre plus authentiques.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 4 33
Le livre de M. Robert est extiêmement classique par l'esprit : à
merveille. Mais je regrette qu'il soie un peu bien scolaire par le
fond et par la me'lhode; qu'il appuie beaucoup, et à plusieurs reprises,
sur des ide'es essentielles, j'y consens, mais très familières à tous les let-
trés, et qu'enfin il pousse les démonstrations les plus plausibles jusqu'à
cet excès qui provoque la méfiance et l'envie de contredire. Si derrière
le critique je vois trop le panégyriste, je crains de me laisser endoctri-
ner, et je résiste. Aussi me permettrai-je, tout à l'heure, quelques
réserves.
C'est dans la troisième partie (La Poétique de Racine d'après ses
Préfaces) qu'il faut chercher l'idée maîtresse du livre, celle qui en jus-
tifie le mieux le titre. On y prouve que Racine, par un privilège excep-
tionnel et qui le distingue notamment de Corneille, a possédé la théorie,
pénétré le secret de son génie, qu'il fait ce qu'il veut, et sait ce qu'il
fait. De là surtout lui vient sa supériorité. La tragédie du xvii« siècle
est, de par ses origines, artificielle et littéraire plus qu'aucun autre
genre. Son passé, ses traditions, et ce que dès lors on appelle ses règles,
pesaient sur elle d'un grand poids; cette forme dramatique était née
vieille. La rajeunir en la respectant ne pouvait être le fait que d'un art
à la fois créateur et savant, d'une imagination secondée par un tact très
sûr. Il fallait pouvoir retrouver l'esprit de la tragédie antique, saisir la
veine où circulait le sang vraiment généreux et vivace ; puis capter cette
source et la détourner dans le courant moderne. Corneille avait fouillé
en tout sens les ressources de l'art tragique, il les avait même enri-
chies, mais n'avait pas iu s'en rendre maître. Sa poétique n'était,
comme sa poésie même, qu'en saillies intermittentes. La poétique de
Racine forme un système d'une cohésion parfaite; elle est la théorie
exacte et sincère de sa pratique. Les règles ne le gênent pas; il en
comprend le sens; il les domine : ceux qui les avaient édictées avant
lui, ou ceux qui s'y étaient conformés, n'en avaient aperçu que la
lettre. La tragédie était parvenue à un tournant. Un problème se po-
sait, problème d'adaptation et de culture. Racine en a posé les termes
et l'a résolu avec l'élégance que l'on sait (le mot d'élégance entendu
tout à la fois comme en art et comme en géométrie). J'essaie de
résumer ici la démonstration que M. R. a faite, avec un luxe de preuves
après lequel il ne reste plus rien à dire; démonstration copieuse,
irrésistible; mais la conclusion pouvait être d'avance regardée comme
acquise.
La deuxième partie (La poétique de Racine d'après son théâtre) est
l'analyse du génie de Racine. C'est là que M. R. a montré toute sa viva-
cité de goût et la profondeur de son admiration. Je louerai surtout le
3^ chapitre (sur les caractères). Existe-t-il encore quelque obstiné qui
méconnaisse chez Racine la vérité de l'observation psychologique, il
trouvera là de quoi s'édifier et se convertir. Aussi bien est-ce dans le
génie de Racine la partie la plus forte, comme Tintelligence des purs
43 I REVUE CRITIQUE
modèles grecs chez lui est la perfection de Fart. Le temps n'est pas encore
très loin, où la vérité des caractères, chez Racine, échappait à un public
étourdi par l'outrance et la singularité des héros romantiques. Je crois
que nous n'en sommes plus là. L'étourdissement dont je parlé s'est dis-
sipé : chez tous ceux que ne satisfait pas la grossièreté des procédés réa-
listes, le goût est vif, presque exclusif, pour l'analyse subtile des dupli-
cités et des défaillances morales, pour la peinture intime des impuissances
de la volonté. Le théâtre, peut-être, n'est pas encore entré dans cette voie
avec autant de bonheur que le roman ; mais le mouvement qui se dessine
est tel, qu'en ce qui concerne Racine le préjugé public est retourné. On
peut prévoir le moment où la critique libérale aura besoin de réhabiliter
contre celte prédilection certains chefs-d'œuvre, fondés sur une concep-
tion plutôt héroïque et grandiose que rigoureusement exacte et hu-
maine. L'heure présente est donc très favorable à Racine, et M. R. ne
la pouvait mieux choisir pour célébrer l'objet de son culte.
Et pourtant l'art de Racine, je veux dire la tragédie telle qu'il l'a con-
duite à la perfection, n'est plus un art vivant et pratiqué. Il en faut bien
prendre son parti. M. Robert le constate, mais s'en étonne et paraît près de
s'en indigner. 11 semble qu'à son avis la tragédie eût mérité, par une ex-
ception unique, d'être soustraite aux fluctuations du gotit et aux lois com-
munes de l'évolution. Il s'en prend à la décadence des mœurs et au dé-
chaînement des curiosités violentes. C'est, je le crois, une explication in-
complète et par trop simple; et voici où je me sépare de lui. Au lieu de
quereller les mœurs démocratiques et de déprécier les tentatives éphémè-
res (encore serait-ce une question pour quelques-unes, telles que le
drame bourgeois) faites pour supplanter la tragédie classique à son
déclin et la poétique racinienne dégénérée en simple technique, j'aurais
voulu chercher, dans cet art exquis, les éléments caducs dont le discrédit
devait être fatal à l'ensemble. Je n'aurais pas cru vraisemblable qu'un
art si savant, si compliqué, si laborieusement amené à son degré d'a-
chèvement, si délicatement adapté au tour d'esprit d'une société très
raffinée, pût se promettre de résister à la mobilité de la mode. Je n'au-
rais pas essayé de soutenir que toutes les conventions y fussent l'œuvre
de la seule raison et pussent durer sans la complicité toute bénévole du
public, — d'un public différent de celui qui les avait établies et sanction-
nées. Je me serais demandé si l'élégance suprême du style, qui donne
aux pièces de Racine leur saveur aristocratique, ne les exposait pas à la
réaction rapide qui frappe et emporte les façons de dire que ne pro-
tège pas l'usage courant et populaire. J'aurais craint enfin, pour la lon-
gévité d'un art moderne, l'emploi traditionnel et comme nécessaire de
la fable et de l'histoire ancienne, cette marque indélébile de son origine
érudiie. Aucune de ces remarques n'eût été pour faire tort à Racine et à
rhabileté dont il a fait preuve dans une tâche si périlleuse, per extentum
funem. Mais je n'aurais pas voulu identifier la vertu spécifique de la
tragédie avec les mérites de son représentant le plus accompli. Peut-être
d'histoire et de littérature 435
alors aurais-Je pu découvrir pourquoi le plus habile de nos poètes clas-
siques est moins rapproché de nous que tel de ses contemporains, Molière
ou La Fontaine; comment il est déjà, pour nous presque un ancien:
c'est, je crois, un éloge.., A quoi sert-il de tourner le passé à la confu-
sion du présent? L. Brunel.
54S. — IVos utopies {lolitiques et socialistes devant le sens commun ou nos
cahiers en 18S9, par Joseph Perrot, disciple de Proudhon. Paris, A. Ghio, 1889,
in-i2, 338 pp.
« Nous ne prétendons pas à l'originalité, dit Tauteur de ce livre;
c'est en nous inspirant de la liberté du travail et comme vulgarisateur
des idées de P.-J. Proudhon, que nous essayons de formuler quelques
notions de justice commutative appliquées à l'économie sociale, de
laquelle le monde du travail s'inspire de plus en plus, en opposition à
la justice distributive, sur laquelle repose l'exploitation capitaliste;
gouvernementale, communiste ou autoritaire ». Un ouvrage de cette
nature rentrée peine dans notre cadre; celui-ci, malgré les imperfec-
tion de la forme, ne nous a point paru dépourvu de tout intérêt.
M. V.
CHRONIQUE
FRANCE. — M. P. Meyer a mis sous presse, pour la Société de l'Histoire de
France, l'édiiion du poème français sur l'histoire de Guillaume le Maréchal, comte de
Fembroke, régent d'Angleterre de 1216a 121g. Ce poème découvert à Cheltenham en
iS8r, n'était connu jusqu'à présent que par la notice et les extraits publiés par
M. Meyer en 1882 dans la Romania et dans le Bulletin de la Société de l'Histoire de
France. L'édition formera trois volumes. Les deux premiers contiendront les ig.ooo
vers du texte et le glossaire. Dans le troisième prendront place une traduction abrégée,
le commentaire historique, l'introduction et la table.
— ^L Léon Le Grand a fait tirer à part (« Revue des Questions historiques y>, juillet)
son étude sur Y Hospice national du tribunal révolutionnaire, établi au Palais épisco-
pal. Il montre, dans cet excellent travail, tout plein de détails inédits ou peu con-
nus, comment cet établissement avait pris naissance; il expose son règlement; il
trace un curieux tableau de la population disparate qui s'entassait dans les salles de
l'hospice et nous présente les plus notables des prisonniers qui traversèrent ce triste
asile.
— Voici quatre études de M. Ch. Pfister, qu'il est assez inutile de louer à nos
lecteurs : i° La limite de la langue française et de la langue allemande en Alsace-
Lorraine, considérations historiques (Berger-Levrault. In-H», 44 p. Extrait du « Bul-
letin de la Société de géographie de l'Est »). M. P. trace, d'après les derniers travaux
et surtout d'après le livre de M. This qui contient d'ailleurs « bien des bizarreries et
des naïvetés », la limite des langues depuis les frontières de la Suisse jusqu'à celles
du Luxembourg, limite qui forme, à quelques exceptions près, une ligne continue.
Puis il recherche quelles langues ont été parlées en Alsace et en Lorraine aux diffé-
rentes périodes de l'histoire et quelles catégories de mots chacune d'elles a laissées
successivement comme un dépôt dans l'onomastique de ces régions. Il termine par
quelques observations très intéressantes sur les positions de l'allemand et du roman
4?6 RIÎVUE CUITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTERATURE
et sur la ligne moderne de démarcation; 2» Eloge de Jean-Jacques Lioiuwis. (Extrait
des « Me'moires de l'Académie de Stanislas ». In-S", 5i p.). M. P. nous fait d'une
façon très attachante l'histoire de cet homme qui dirigea le collège de Nancy, porta le
premier le titre de doyen de la Faculté des arts et décrivit avec exacfHude les monu-
ments de sa ville natale; il analyse les ouvrages deLionnois, notamment son Traité
de la mylliologie, son Histoire de France « à travers laquelle passe un souffle libé-
ral ». sci Essais sur la ville de Nancy; il montre Lionnois attaché pendant la Ter-
reur à son culte et à ses devoirs de prêtre, remaniant sa mythologie après l'expédi-
tion d'Egypte, reprenant ses Essais de 1779 et les complétant : « Lionnois appartient
tout entier à Nancy, et sa mémoire ne périra pas tant que Nancy tiendra une place
brillante dans les sciences, les lettres ou la politique, tant qu'elle méritera la réputa-
tion d'être l'une des villes les plus belles et les plus policées de l'Europe»; 3° Noie
sur trois viaiiuscrits provenant de l'abbaye de Moyenmoutier. (Extrait du « Journal
de la Société d'archéologie lorraine », juillet 1890. In-8°, 14 p.). Ces trois manuscrits,
dignes d'intérêt, permettent de suivre les différentes variations de la légende de
Hidulphe et l'un d'eux contient le meilleur texte de la vie de Grégoire par Paul Dia-
cre et de l'ancienne vie d'Hidulphe; 4" Un monument de Mercure trouvé à Hatriie.
(Extrait du « Journal de la Société d'archéol. lorr. », janvier 1889). M. Pfîster prouve
qu'il y avait jadis à Hatrize une localité romaine et que le Mercure qui figure aujour-
d'hui au Musée lorrain, et qui porte sur son bras gauche un enfant nu, rappelle un
sujet traité par Praxitèle.
ALLEMAGNE. — La librairie Teubner, de Leipzig, annonce : 1° une Geschichte
der griechischen Litteraiiir in der Alexandriner^eit, en deux volumes, par M. Franz
SusE.MiHL ; 2° Catonis de agri cultura liber, Varronis rerum rusticarum libri très,
rec. H. Keil, vol. IL
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 28 novembre 18 go.
M. l'abbé Duchesne fait une communication sur un manuscrit de saint Optât, qui
contient une collection de pièces relatives aux origines du schisnie donatiste. Il res-
titue le contenu primitif de ce recueil, qui ne nous a été conservé qu'en partie. C'est
un dossier formé entre 33o et 347; saint Augustin et les évêques catholiques s'en
servirent à la conférence de Carthage, en 411. On y trouve un groupe de lettres de
l'empereur Constantin, dont M. Duchesne défend l'authenticité contre les attaques
de ^l. Seeck. 11 maintient, contre le même savant, la date du concile d'Arles, en 314.
M. Boissier insiste sur l'importance de la communication de M, l'abbé Duchesne.
Les lettres de Constantin, contenues dans la collection d'Optat, sont pleines de sen-
timents chrétiens, et, comme elles remontent aux années qui suivirent la bataille du
Pont-Milvius, elles prouvent que dès cette époque Constantin avait embrassé la foi
nouvelle. En montrant que le dossier qui contient ces lettres a été formé entre 33o
et 345, M. Duchesne rend l'authenticité des documents à peu près certaine et four-
nit ainsi un argument nouveau contre l'assertion de Zosime, qui prétend que Cons-
tantin ne se fit chrétien qu'après la mort de sa femme et de son fils.
M. Héron de ViUefosse annonce une découverte épigraphique faite à Châlons-sur-
Marne. On a trouvé, au fond d'un puits, les monuments funéraires de deux cavaliers
d'un détachement de la 5^ cohorte des Dalmates, cantonné à Châlons au iv' siècle de
notre ère. Le premier monument porte le nom At Plaianus equis in vixelatione Dal-
matorum V, le second celui de Fitr(ius} Antoni)ius circ(itor) nfumeri) Dalfmataruni).
Le circitor était un sous-ofhcier chargé de surveiller les postes, une sorte d'officier
de ronde. M. Héron de Villefosse met sous les yeux de ses confrères des photogra-
phies des monuments en question, qui lui ont été cominuniquées par M. René Le-
maire.
Ouvrages présentés : — par M. Hamy : Lisle du Dreneuc (P. de). Nouvelles Dé-
couvertes d'idoles de rAma:jone ; — par M. d'Arbois de Jubainville : Mowat, Ins-
criptions de la cité des Lingons, conservées à Dijon et à Langres (extrait de la
Revue archéologique); — par M. Siméon Luce : Joubert (André), Etude sur les
comptes de Macé Darne, maître des œuvres de Louis !"'■', duc d'Anjou et comte du
Maine (i36j-i3j0). Julii;n Havet.
Le Propriétaire-Gérant: ERNEST LEROUX^
Le Puy^ im'primerie Marchessou filSj boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 50 — 15 décembre — 1890
(Soininali-e t 549. Wiedemann, La religion égyptienne. — 55o. D'Arbois de Jo-
BAiNviLLE, L'origine de la propriété foncière et des noms de lieux habités en
France. — 55 1. Margoliouth, Le texte de l'Ecclésiastique. — 552. Krauss, Ma-
nuel de théologie pratique. — 553. Achelis, Théologie pratique. — 554. Tite-
Live, I et II, p. p. Novak. — 555. Frœlich, L'armée de César, H et IIL — 556.
Ch. Nisard, Le poète Fortunat. — 557. Groh, Justin H. — 558. Perlbach, Les
statuts de l'ordre teutonique. — 5^9 Seyboth, Le vieux Strasbourg. — 56o.
CoMiMUNAY, Pierre de Lancre. — 56 1. Sûpfle, Histoire des influences de l'Alle-
magne sur la France, IL — 562. Litzmanm, Schrœder, I. — 553. Hyde de Neu-
ville, Mémoires. IL — 564. La science secrète. — 565. Deutschmann, La versi-
fication rhythmique des Grecs. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
549. — A. WiEDEMANN. l>le Religion <lei» alten yEgypter (Darstellungen aus
dem Gebiete der nichtchristlichen Religionsgeschichte, 111 Band). Munster in
Westphaien, 1890, in-8, 176 p. — Prix : 3 fr. 5o.
La Religion de M. Wiedemann diffère de ses précédents ouvrages en
ce qu'elle est fort sobre d'indications bibliographiques et ne contient que
peu de renvois aux monuments originaux. Cette parcimonie lui a sans
doute été imposée par son éditeur, qui paraît vouloir faire une collec-
•tion de Manuels à l'usage du grand public, plutôt qu'une bibliothèque
de traités spéciaux à Tusage des savants. Je la déplore pour ma part, car
M. W. est un des rares égyptologues qui connaissent à fond l'hi-stoire de
notre science, et, s'il avait été laissé à lui-même, sa Religion der alten
JEgXpter nous aurait donné dans les notes une véritable bibliographie
des œuvres déjà écrites sur le même sujet, à laquelle on n'aurait pas pro-
bablement trouvé grand chose à ajouter.
Ce que j'apprécie avant tout dans son nouveau traité, c'est qu'il n'a
aucune prétention à la métaphysique, et qu'il se borne à recueillir les
faits mythologiques sans y prétendre découvrir des doctrines d'une subli-
mité ou d'une complication invraisemblable. Après une courte introduc-
tion, où il expose en quelques mots la géographie religieuse de l'Egypte,
il aborde sans phrases l'étude des principaux groupes de divinités que les
monuments nous ont fait connaître. Comme le Soleil est Tétre le plus
généralement adoré dans le pays entier, c'est par le Soleil qu'il commence.
Un chapitre, le second du livre, est consacré à la Religion solaire, c'est-
à-dire à l'idée qu'on se faisait de l'astre divin et au culte qu'on lui ren-
dait dans les différentes villes. Les légendes qui couraient sur lui vien-
nent ensuite, celles du moins sur lesquelles nous avons le plus de
renseignements, telles que le récit de la Destruction des hommes par Râ
ou celui des guerres d'Horus d'Edfou contre Typhon. Un nouveau cha-
Nouvelle série, XXX. 5o
438 REVUE CRITIQUE
pitre résume très clairement les données relatives à la Course du Soleil,
dans le Monde souterrain, au Soleil mort, traversant la nuit, ressusci-
tant chaque matin pour mourir le soir, et entraînant à sa suite les âmes
des morts dans un cycle perpétuel de naissances et de renaissances. Au
chapitre cinquième, M. W. passe du Soleil aux principales divinités qu'on
rencontre dans les temples. Il explique d'abord, comment chaque ville
avait sa triade de dieux, dont chaque membre se triplait à son tour et
formait une Ennéade, en tête de laquelle le dieu local était placé, puis
il met tour à tour en scène la triade de Thèbes, Amon, Moût et Khonsou,
celle des cataractes, Khnoumou, Satit et Anouqit, celle de Memphis,
Phtah, Sokhit et Nofirtoumou, les déesses et les dieux isolés comme Nît
de Saïs, Nekhabit et Ouazit, les déesses du Midi et du Nord, Màit, la
vérité, Hathor de Dendèrah, Sovkou le crocodile, Hâpi le Nil. Il énu-
mère ensuite les dieux d'origine étrangère qui trouvèrent en Egypte une
patrie nouvelle; ceux qui avouent franchement leur provenance sémiti-
que, Baal, Astarté, Anati, Resheph, Qodshou ; ceux mêmes qui se sont
entièrement naturalisés au cours des siècles et ont presque perdu con-
science de leur origine, le nain Bisou et l'hippopotame femelle Thouèris.
Le culte des animaux n'a obtenu qu'un chapitre, ce qui est peu, si l'on
songe à l'importance qu'avaient et Tibis et l'épervier, et surtout les béliers
de Mendès ou les taureaux sacrés comme Mnèvis et Apis. Par contre,
les mythes osiriens sont exposés assez longuement, ainsi que les doctri-
nes auxquelles ils avaient donné naissance sur la vie de l'âme dans l'au-
tre monde. L'ouvrage se termine par deux chapitres consacrés à des
matières que les égyptologues négligent trop souvent, les Sciences secrè-
tes, la magie, les amulettes et Tusage qu'on en faisait journellement en
Egypte. Le plan de l'ouvrage est, comme on voit, fort simple, et Tan
pourrait souhaiter peut-être qu'il etàt reçu plus de développements
c'est peu de deux cents pages pour tant de matières.
Je ne puis dire que je partage toutes les opinions que M. W. défend
dans son livre. Je crois, entre autres choses, qu'il n'a pas accordé à l'En-
néade l'attention qu'elle méritait, et qu'il a méconnu le rôle qu'elle %\
jouait dans la théologie égyptienne. Un chapitre sur le matériel et les ii[
cérémonies du culte aurait complété heureusement les quelques pages
qui traitent du rituel magique et des amulettes. Peut-être M. W., qui
paraît ne goûter que médiocrement les théories de Brugsch, ne rend-il
pas toujours une justice suffisante à la puissance de travail et d'érudi-
tion dont témoigne le livre de ce savant sur la Religion et la Mythologie
des anciens Egyptiens. Ces imperfections, et d'autres encore qu'on pour-
rait signaler aisément, n'empêchent point le nouvel ouvrage de M. W.
d'être le manuel le plus complet, et, somme toute, le plus sûr qu'on ait
publié jusqu'à présent sur ces matières. J'en recommanderai la lecture
aux personnes, et elles sont nombreuses, qui considèrent l'étude des
divinités égyptiennes et de leur théologie comme une sorte de grimoire
indéchiffrable, où qui veut l'aborder s'y enfonce et ne réussit plus à s'en
d'histoire et de littérature 489
dépêtrer honnêtement. Si pareille opinion a pu s'établir, la faute n'en
est pas aux Égyptiens, elle en est beaucoup aux égyptologues qui n'ont
pas toujours apporté à leurs recherches l'esprit de critique et la clarté
qu'elles exigeaient, Le vieux renom de sagesse dont l'Egypte a joui jus-
qu'à nos jours, sur la foi des écrivains sacrés et profanes, a faussé presque
partout leur jugement. Quand ils ont trouvé dans les textes des légendes
bouffonnes ou cruelles, des mythes d'une crudité ou d'une barbarie en-
fantine, l'indication de pratiques ou de dogmes dont on ne rencontre
les pareils que chez les peuples à demi-sauvages, ils ne se sont pas rési-
gnés à prendre tout au pied de la lettre : ils ont préféré voir un symbo-
lisme raffiné qui dissimulait, sous des images grossières, les concepts les
plus purs et les plus abstraits des religions et des philosophies modernes.
Les textes sont pourtant fort clairs et fort explicites sur bien des points :
on n'a le plus souvent qu'à les traduire et à noter ce qu'ils disent pour
savoir exactement ce que les Égyptiens pensaient de tel ou tel dieu. La
doctrine qui en découle est, à dire vrai, remplie de contradictions et
d'absurdités. Pour n'en prendre qu'un exemple, on est obligé d'admettre,
sur le témoignage des monuments, qu'un même égyptien croyait à la
fois de son âme, qu'elle vivait dans le tombeau d'où elle sortait à son
gré pour se promener sur terre, qu'elle était dans les Prés des Fèves avec
Osiris, qu'elle montait sur la barque du Soleil et qu'elle circulait sans
cesse avec lui autour du monde. Il semble que la croyance à l'une de ces
conditions de l'âme dût exclure la croyance aux autres, et pourtant nous
lisons sur les stèles plus d'une formule où l'on souhaite au mort de pos-
séder d'un coup toutes les béatitudes contradictoires qui résultent de ces
concepts différents. C'est un des cas nombreux où il suffit d'exposer
les idées sans vouloir les concilier. M. Wiedemann n'a eu qu'à faire
presque partout un simple travail de constatation, pour nous présenter
une exposition nette et souvent originale des religions de l'Egypte anti-
que. G. Maspero.
55o. — H. d'Arbois de Jubainville. Recherclies sur I*oi>igine de la pro-
pi'îété foncière et des noms de lieux liabitcs en France (période cel-
tique et période romaine). Avec la collaboration de G. Dottin. Paris, Thorin,
1890. Gr. in-8, xxxi-703 p.
Ce savant ouvrage se compose de deux parties distinctes, quoique con-
nexes, que l'auteur a nettement définies dès le début de sa préface :
« L'une traite spécialement de l'origine de la propriété foncière en
France; l'autre a pour objet de montrer qu'en France un grand nom-
bre de noms de lieux habités sont dérivés d'un nom de propriétaire. »
Chacune de ces parties veut être examinée séparément.
I
M. d'Arbois a déjà plusieurs fois soutenu, et soutient encore, que
les Gaulois, au moment de la conquête romaine, ne connaissaient
440
REVUE CRITIQUE
pas la propriété foncière. Sa conception peut se résumer ainsi : le peu-
ple seul propriétaire ; les membres de l'aristocratie gauloise jouissant
chacun précairement d'un lot de la terre commune. — C'est la thèse
qui a été combattue par Fustel de Coulanges en 1889, dans son mé-
moire intitulé Le problème des origines de la propriété foncière (p. 83 et
suiv. du tirage à part), mémoire admirable, bien que certaines marques
d'irritation et d'itnpatience, quelques inexactitudes aussi, y trahissent
la fatigue d'un grand esprit trahi par un corps épuisé et qui savait mal,
il faut le reconnaître, supporter la contradiction. M. d'A. a répondu à
Fustel dans un chapitre spécial de son introduction (p. xxiii-xxxi) ; il
l'a fait avec une parfaite courtoisie et sans amertume. Disons cependant
qu'il oppose à tort les <«; rares lecteurs » de ses propres livres aux
« innombrables lecteurs » de ceux de Fustel ; l'illustre historien
n'ignorait pas que tous ses ouvrages, y compris la Cité antique^ ont
été, comme il m'approuva de l'avoir écrit, « plus loués que lus ».
Sur le fond des choses, M. d'A. a plus d'une fois raison contre
Fustel, par exemple lorsqu'il distingue herediiim à'hereditas et
convainc son contradicteur d'avoir exagéré la portée d'un texte de
César, où il est dit que les Druides jugent les procès de hereditate.
Fustel a eu tort également d'attribuer à M. d'A. la doctrine de
r « indivision du sol » chez les Gaulois. Mais il affirmait que, dans
la même phrase de César, l'expression de jînibus controversia devait
s'entendre par « litige sur des limites privées », alors que M. d'A.
entendait par là (Cojnptes-rendiis de l'Acad. desinscr., 1887, p. 77)1111
« litige sur les frontières de peuples ». M. d'A. paraît donner mainte-
nant raison à Fustel (p. xxvn), en alléguant que la partie de Yager
publiciis gaulois, occupée à titre précaire par des individus, avait des
WmiiQ^s. fines ; je regrette seulement qu'il n'ait rien dit, en cet endroit de
sa préface, des motifs et de l'auteur de sa conversion.
M. d'A. a-t-il démontré : i" que les peuples gaulois, en conquérant
la Gaule, s'emparèrent du sol qui devint propriété d'État; 2° que l'aris-
tocratie se partagea ensuite le sol et en jouit à titre précaire; 3° que la
conquête romaine et le cadastre d'Auguste donnèrent naissance à la pro-
priété foncière en Gaule?
Remarquons d'abord que Fustel n'a jamais nié l'existence de vastes
domaines publics dans les c/vifa^Ê'5 gauloises (Méni. cit., p. 90). 11 n'a
pas nié non plus que les noms des domaines fonciers dérivent souvent
de noms d'hommes latins; il s'est contenté de ne pas dire (ibid., p. 91)
qu'il n'existât pas de domaines à l'époque celtique. « Comme les pro-
priétaires gaulois avaient pris pour eux des noms romains, ils donnèrent
ces mêmes noms à leurs terres i> (ibid. ; ceci est admis par M. d'A,,
p. ro). 11 n'a pas même affirmé qu'il n'y ait jamais eu, à aucune époque,
communauté de terre, mais seulement que cette communauté n'a pas
encore été démontrée historiquement (p. 93). En ce qui concerne les
Gaulois, disons franchement, avec Fustel, que cette démonstration n'est
toujours pas faite.
i
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 44 1
A vrai dire, M. d'A. n'a pas apporté à Ja controverse d'arguments
nouveaux : il s'est contenté de maintenir, contre Fustel, l"'exaciitude des
propositions avancées par lui dans un précédent mémoire (Comptes-
Rendus, 1887, p. 63-86). C'est ce qu'on peut vérifier aux p. 9g 1 2 r du
présent volume, que j'ai comparées attentivement avec le mémoire qui
en est, en quelque sorte, la première édition. Les quatre arguments
principaux de M. d'A. sont identiques, exprimés presque dans les
mêmes termes. De temps en temps, une addition de peu de lignes a été
suggérée par les critiques de Fustel. Ainsi M. d'A. avait vu, dans l'émi-
gration des Helvètes, une preuve que la propriété individuelle du sol
n'existait pas fC. R., p. 68] ; Fustel avait répondu (Mém., p. 89) :
« N'a-t-on jamais vu des paysans propriétaires émigrer pour chercher
ailleurs une propriété plus productive? » Et M. d'A. ajoute dans son
livre (p. io3) que le paysan français qui émigré aujourd'hui n'est pres-
que jamais propriétaire foncier, que si l'Anglais émigré plus volontiers,
c'est parce que rien ne l'attache au sol. Je doute que cette réponse soit
concluante. Dans l'assemblée générale des Helvètes qui décida l'exode,
les membres de l'aristocratie qui, suivant M. d'A., possédaient ie sol à
titre précaire, mais avec les mêmes avantages (ou à peu près) que s'ils
avaient été propriétaires (Recherches, p. 67), les nobles, disons-nous,
devaient bien exercer quelque influence et rien ne nous montre que
leurs intérêts de possesseurs se soient opposés à la décision prise en
commun.
Les plus fortes modifications apportées par M. d'A. à sa rédaction
première s'observent aux p. i i i et suiv. fC. R., p. y5 et suiv.), où il est
question du texte de César, Bell, gall., VI, i3, 5. Fustel traduit contro-
versiae publicae par « procès au criminel » (Mém., p. 84), M. d'A. par
« procès concernant un peuple », par opposition aux litiges entre parti-
culiers fT^ec/r, p. 117). Une lecture attentive du contexte de César m'o-
blige de donner tort à Fustel. D'autre part, M. d'A. a singulièrement modi-
fié son opinion sur les mots /îere<i/fd!5et^?2e.?(C. 7?., p.jy;Rech..i p. 117);
c'est ce que nous avons déjà fait observer plus haut. Il a supprimé, avec
raison, tout ce qu'il avait allégué d'inexact dans les Comptes-Rendus
(p. 77-81) au sujet du sens Aq fines dans ce texte. M. d'A. admet main-
tenant que les yz7ze5 pouvaient être les limites d'un champ, « mais, sur
ce champ, quel était le droit réel prétendu par les plaideurs? » (p. 1 18).
Ils pouvaient n'en avoir pas d'autre que les fermiers de nos jours,
souvent en procès sur les limites de terres appartenant à autrui.
Evidemment, cette interprétation-là est admissible, mais elle implique
ce qui fait le sujet même du débat. J'observe encore que M. d'A,, tant
dans son mémoire original que dans sa retractatio, n'est jamais affir-
matif sans réserves : les mots en général., ordinairement (C . R., p. 66),
à peu près (p. 68), en général (p. 73), s'accordent-ils bien avec le carac-
tère absolu d'une doctrine qui lait dater de la conquête romaine la
constitution de la propriété foncière en Gaule?
442 REVUE CRITIQUE
La manière de voir de M . d' A. est-elle donc si contraire qu'elle le sem-
ble à celle de Fustel ? C'est une question qu'il faut toujours se poser
quand on voit deux savants éminents en désaccord. Pour Fustel (Mém.,
p. 85), le régime territorial de la Gaule avant César est celui de la
grande propriété, le sol étant dans les mains des grands. M. d'A. admet
aussi que le sol était entre les mains des grands, des membres de l'aris-
tocratie fRech., p. 120); seulement, il veut que la détention du sol par
les particuliers ait eu un caractère précaire, résultat du peu de temps
qui s'était écoulé entre l'établissement définitif de chaque peuple et l'ar-
rivée de César. Cette précarité est donc relative; elle est, pour ainsi
dire, sur le chemin qui conduit de la possession à la propriété. Ce n'est
pas la propriété romaine, avec le caractère sacré qui s'y attache. Mais
Fustel a précisément dit la même chose (Mém., p. 85) : « Nous ne pou-
vons pas dire si cette propriété gauloise ressemblait exactement à la pro-
priété romaine, si elle était aussi bien garantie par le droit.... ; nous ne
savons même pas si cette propriété était encore familiale ou déjà indivi-
duelle. V La discussion porte donc sur une question de degré, sur une
nuance : y insister davantage serait oiseux.
Un désaccord moins sérieux encore — si j'y vois clair — porte sur le
sens du mot aedificia. Parlant à l'Académie des Inscriptions fC R.,
1886, p. 309), M. d'A. a dit : « En Gaule, avant la conquête, il n'exis-
tait mfundi, ni villae.... Ce qui correspondait à la villa romaine est
désigné chez César par le mot aedificiiim. » Fustel (Mém., p. gi) a cité
inexactement cette phrase, à moins qu'elle n'ait été modifiée sur les épreu-
ves dans le tirage à part auquel il renvoie. Il insiste sur la synonymie
à'aedifcium et de villa et conclut : « Voilà les domaines et les villae
que M. d'A. cherchait. Ces aedijicia n'étaient pas des cabanes, c'étaient
des fermes. » Or, dans son récent ouvrage (p. go). M, d'A» écrit : « La
première [catégonQ d'aedijicia'] comprend les maisons de maître... qui
ont précédé les châteaux modernes... D'autres aedificia étaient des bâti-
ments d'exploitation habités par des cultivateurs... Au premier siècle de
notre ère... les villae ont en Gaule remplacé les aedificia. » (Rech.,
p. g3.) Et plus loin (p. gS) : « Villa est le groupe des bâtiments où le
propriétaire du fiiindus se loge et qui servent à l'exploitation. » — La
seule différence, semble-t-il, entre Vaedificium et la villa, c'est que, sui- -i
vant M. d'A., le premier ne loge que les cultivateurs, tandis que la
seconde loge le propriétaire; mais loger un propriétaire, c'est le propre
d'une maison de maître, et M. d'A. reconnaît tout justement qv^aedi-
ficium est employé dans ce sens par César. Je ne vois pas un iota à
modifier aux deux pages de Fustel sur ce sujet (Mém., p. g 1-92). L'as-
sertion de M. d'A. sur l'absence de villae en Gaule se réduit à une ques-
tion de nomenclature. Sapienti sat !
Il y aurait encore cependant bien des remarques intéressantes à faire,
par exemple sur les pages où M. d'A. résume très heureusement la cons-
titution de la Gaule au temps de César (p. 28-67). J'observe seulement,
d'histoire et de littérature 443
devant me borner, qu'il voit dans les principes non des magistrats, mais
des hommes influents (c'est la doctrine soutenue par Braumann) et,
dans le principatus, la primauté parmi les principes, « probablement
une sorte de prépondérance au sénat » (p. 49).
II
Les noms de lieux qui occupent M. d'A. sont ceux des lieux habités,
parce que les noms de cours d'eau et de montagnes appartiennent, pour
la plupart, à des langues préceltiques. Ces noms de lieux habités sont,
en général, tirés du nom porté par un propriétaire antique. Cela est évi-
dent pour la période franque, où l'on trouve quantité de noms comme
Giinduljî-villa (Gondreville), Ansoaldo->nllare (Ansauvilliers), Bande-
chisilo-vallis (Bougival). LesGallo-Romains, en donnant ces noms aux
villae fondées par les conquérants, n'ont fait que persévérer dans un
usage plus ancien, dont portent témoignage des noms comme Clandio-
magus (le champ de Claudius), Vitu-durum (la forteresse de Vitus). A
la période franque, le premier terme des noms composés est germanique,
le second romain ; dans les formations antérieures, le premier nom est
gaulois ou romain, le second gaulois. Ce rôle important que les
noms d'hommes ont joué dans la formation des noms de lieux habités
établit un lien entre l'étude toponymique du second livre et les recher-
ches du premier sur les origines de la propriété foncière.
M. d'A., qui a dédié ses Recherches à la mémoire de Jules Quicherat,
rapporte hautement (p. xv) la paternité de son ouvrage à l'opuscule de
Quicherat publié en 1867 : De la formation française des anciens
noms de lieux. Depuis 1867, la philologie a fait des progrès : de là
quelques divergences de vues entre le maître regretté et son élève.
Ainsi, Quicherat admettait que pendant la période romaine on avait
formé des noms de lieux avec le suffixe -iacus : M. d'A. a montré que
ce suffixe date seulement de la période mérovingienne et qu'il est dû à
une influence analogique. Le suffixe -âcus s'ajoute à des noms propres
et à des surnoms pour former des noms de lieux ; les noms de lieux
terminés en -iacus dérivent de gentilices en -ius^ de sorte que la lettre i
n'appartient pas au suffixe. Ces faits ont été établis par M. d'A. et
appuyés d'une vaste collection d'exemples; ils n'offrent prise à aucune
contestation. Là où les formes romaines font défaut, l'analogie autorise
M. d'A. à les restituer par conjecture. Ainsi le nom de Carnac, sur
lequel on a tant divagué (d'aucuns y ont vu une postposition de l'article
basque !) dérive d'un cognomen hypothétique *Cflr«zf5, identique au nom
du peuple celtique des Garni; Carnacus donno, Carnac et Charnay\ du
cognomen *Carnus vient le gentilice Carnius^ celui-là attesté par des
exemples : de là Carniacus et, dans la toponymie moderne, Chargnat,
Chargnac, peut-être aussi Charny{^. 489).
Le suffixe -âcus, correspondant au suffixe romain -anus, est celtique;
or, la langue gauloise disparaissant en Gaule vers le v" siècle, on peut
444
REVUE CRITIQUE
s'étonner de voir surgir, dans les documents du moyen âge des noms
de lieux en -acus. Mais, d'abord, les désignations loponymiques peu-
vent être beaucoup plus anciennes que les textes où elles se sont con-
servées; en second lieu, le rôle de Tanalogie, qui a dû être considérable,
suffirait à expliquer la survivance du suffixe gaulois. Les objections pré-
sentées par M. Loth à la théorie de l'origine gallo-romaine des noms
en -ac {Revue celtique, t. V, p. 267), ne paraissent donc pas difficiles
à écarter.
Les gentilices en -ius n'ont pas toujours été développés à l'aide d\m
suffixe : ainsi Anicius était l'ancien nom du Puy. Le gentilice se pré-
sente aussi sous diverses formes dérivées du génitif pluriel et du génitif
singulier; on le trouve au nominatif féminin (sous-entendu v///a), au Ja-
tif-ablatif pluriel {Mettis= Metz), au nominatif-accusatifpluriel féminin
(Ateias ^^^ Athée). Les cognomina en 'ius jouent le même rôle que les
gentilices; ex, : Mercurius (Mercœur), Mercuriacus (Mercury). On
pourrait cependant rappeler, à ce propos, les stations Ad Mercurium,
nombreuses en Afrique (Tissot, Géog. comp., t. II, p. 822); M. d"A.
admet d'ailleurs qu' « en certaines circonstances, un nom divin peut
immédiatement avoir donné naissance à un nom de lieu » (p. 448).
Les chapitres suivants traitent des gentilices en -enus , auxquels
s'ajoute souvent le suffixe -acus (Marcenus, Marcennacus, Marsaiinay],
mais qui donnent aussi des noms de lieux sans addition de suffixe
(Turennus, Turenne; Tai'venna, Théiouanne). Des noms de lieux en
-acus ont été formés de cognomina romains d'origine latine {Asellus^
Asellacus), ou grecque ('AOâvaç^ Athanacus], Gu gau\oise{Brennos, Bren-
nacus); d'autres sont identiques à des cognomina romains, employés au
masc. sing., au masc. plur., au fém. sing. ou au fém. plur. Un certain
nombre de noms comme Albucio (Aubusson) sont formés d'un gentilice
en -ius à l'aide du suffixe -0, -onis ; il en est qui sont des diminutifs de
gentilices comme Cairolus (Queiroles). Nous ne pouvons qu'indiquer
l'étude des noms en olus, oiolum, of(i:/«m (franç.-œM//j, celle des suffixes
gaulois -iscos, -avos, -icos, -ssos et -ssa. Le chapitre relatif aux suffixes
-asciis, -oscus, -uscus est particulièrement digne d'attention. M. d'A.
a donné de bonnes raisons pour les considérer comme ligures; on.
les retrouve également au Portugal [Revue celtique, t XI, p. 5 10). Lesj
noms de lieux en -aria et -etum terminent ce gigantesque travail,'
monument de saine méthode, d'ingéniosité et de patience, où la critique]
des détails doit être laissée à de plus compétents que moi, en particu-
lier aux romanistes.
Les immenses matériaux du second livre ont été fournis à M. d'A.,
par les textes de l'antiquité et du moyen âge, les inscriptions et lesl
dictionnaires topographiques. On n'a qu'à jeter les yeux sur les index,
dressés par M. Dottin (p. 639-685), pour avoir une idée de cette pro-
digieuse réunion de documents. M. d'Arbois aurait certainement
pu abréger son texte et se dispenser, par exemple, toutes les fois qu'il
d'histoire et de littérature 445
rencontre un gentilice latin, d'énumérer les personnages qui l'ont
porté ou même d'esquisser leur biographie ; un simple renvoi en note
aurait suffi. Mais si l'on songe que ce livre sera consulté dans la
France entière par ceux qui voudront être éclairés sur \e pourquoi du
nom de leur résidence, on excusera aisément cette surabondance d'in-
formations : les habitants d'Aire-sur-Lys (p. 3yg) n'en voudront pas
à M. d'Arbois de Jubainville de leur apprendre l'histoire de Virgile et
du centurion Arrius, ou de leur citer les vers de Catulle sur l'autre
Arrius, celui qui prononçait hinsidias .
Salomon Reinach.
55 1. — An essay on t!»e place of Eccîesîastîcus in semitic literature,
being the inaugural Lecture delivered by D. S. Margoliouth. Laudian professor
of arable in tiie Uni versity of Oxford, Oxford, Clarendon Press, 1890 ; pet. in-4,
24 p.
M. Margoliouth s'est consacré à une tâche fort difficile, qui demande,
outre des connaissances linguistiques étendues et solides, un singulier
fonds de patience, mais qui est d'une grande portée : je veux dire la
reconstitution du texte original de {''Ecclésiastique au moyen des ver-
sions grecque, syriaque, latine qui nous sont parvenues. Ce texte est
assurément de l'hébreu, mais quel hébreu? La question touche aux plus
graves problèmes. Quelle langue écrivait un lettré juif 200 ans avant
notre ère? On lira avec un vif intérêt cette leçon d'ouverture, où M. M.
expose ses principes de travail, les résultats obtenus, ceux qu'il entrevoit
et donne deux remarquables spécimens de sa restitution de l'original de
V Ecclésiastique. Nous ne pouvons qu'applaudir à des recherches entrer-
prises avec toute la précision et la rigueur des méthodes modernes et
sous lesquelles on sent la noble ambition de faire avancer l'état de nos
connaissances en matière de littérature et d'histoire religieuses' ; quand
nous aurons ajouté que M. Margoliouth s'exprime sur un ton de mo-
destie très sincère, qu'il adresse un hommage ému à la mémoire de
ceux qui lui ont frayé la voie, on comprendra que sa Lecture inaugu-
rale nous ait donné la meilleure opinion et de sa personne et de l'état
présent des études d'orientalisme biblique en Angleterre.
M. Vernes.
552. — t.elii'lyucli dei* praktisclien Xlieologie» von D. Alfred Krauss, ord.
Prof. d. Theol. zu Sirassburg. Erster Band. Allgemeine Einleitung. Liturgik.
Homiletik. Freiburg i. B., J. C. B. Mohr, 1890. In-8, viu-356 p.
553. — Pi>akti<iclic Xlicologie, von D. E. C. Achelis, ord. Prof. d. Theol. an
der Universitset Marburg. Erster Band, Einleitung. Die Lehre von der Kirche
und ihren ^mtern, Katechetik. Homiletik. Poimenik. Freiburg i. B. J. C. B.
Mohr, 1S90. In-8, xx-549 P-
Le titre de ces publications nous avertit assez qu'elles n'ont pas un
I. En rendant un hommage mérité à la science de l'auteur, nous ne prétendons
nullement dissimuler ce qu'il y a d'hypothétique dans son essai, notamment en ce
qui concerne la métrique de l'original.
446 REVUE CRITIQUE
caractcre purement scientifique. Elles sont destinées surtout aux pas-
teurs des églises réformées. Ce n'est pas à dire que toutes les personnes
qui s'occupent d'enseignement religieux ne puissent les lire avec profit :
mais il n'appartient pas à la Revue critique d'apprécier ce genre de
mérite. Dans Pun et l'autre livre, on a mis beaucoup d'érudition au
service des principes théologiques. Le D^' Achelis accorde une place
plus large aux théories, et les tendances confessionnelles sont plus accen-
tuées dans son livre que dans celui du D'' Strauss. On trouve chez ce
dernier une histoire abrégée de la liturgie chrétienne, avec un exposé des
cérémonies de la messe catholique; dans son histoire de l'éloquence
sacrée, il mentionne et juge les orateurs catholiques postérieurs à la
Réforme ^
A. L.
554. — Xîil Uuî al» urbe contlita libri I et II. Scholarum in usum recensuit
Robertus Novak. Pragœ, I. Otto, iSgo, 124 pp. in-8.
Cette brochure contient le texte sans notes des deux premiers livres
de Tite- Live, et à la fin six pages d'adnotatio critica. C'est la continua-
tion d'une série d'éditions latines entreprise par M. Novak et sur les-
quelles on a déjà eu l'occasion de s'expliquer dans la Revue \ L'auteur
persiste dans ses principes de critique. Il semble avoir été cette fois
moins hardi et quelques indications sur la langue de Tite Live rendent
la lecture de ses remarques un peu moins inutile. Mais il a tort de
vouloir ramener aux usages de la syntaxe de Tite Live les formules
archaïques insérées dans la narration (I, 24, 7).
P. -A. L.
555. — Fr. Frœlich. Das iCi-Segswesen Cîesai*s (2^ et 3<= parties). Zurich,
1890, in-8, 87 pages, chez Schulthess.
Je ne puis que répéter, à propos de la seconde et de la troisième partie
du livre de M. Frôlich, ce que j'ai dit à l'occasion de la première : rien
de très nouveau dans ce travail, mais une étude consciencieuse des textes
qui utilise tous les détails et s'arrête aux conclusions les plus rai-
sonnables. La troisième partie traite de la tactique de l'infanterie légion-
naire et auxiliaire et de la cavalerie au temps de César : c'est une suite
de recherches techniques. La seconde, où M. Frôlich aborde certains
détails de l'organisation militaire au même temps, est, au contraire, d'un
intérêt plus général, parce que l'administration des armées ne change
pas totalement d'une époque à l'autre et aussi parce que l'auteur, ne
1. En faisant de Bossuet le type du prédicateur mondain (p. 209), M. Strauss
donne à penser qu'il ne l'a pas beaucoup lu. De même, il s'est trompé (p. 216) en
mettant Lamennais parmi les prédicateurs du xixe siècle.
2. 1890, I, 483.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 447
rencontrant pas dans le texte de César suffisamment de données, a été
en chercher ailleurs, On trouvera dans cette partie des renseignements
précis sur l'instruction donnée au soldat, la discipline, le matériel de
campagne et de siège, la nourriture des troupes, le service de santé. Je
signalerai surtoutleparagraphe relatif à Téducation militaire desofficiers.
On y verra comment les jeunes gens se formaient à l'art de la guerre,
et qu'ils apprenaient à commander et à vaincre, bien moins dans des
livres spéciaux, qu'en regardant faire leurs aînés.
556. — Charles Nisard. Le poète Fortunat. Paris, Champion, 1S90, xii-206 pp.
in- 12.
On a recueilli dans ce volume les dissertations de M. Ch. Nisard sur
Fortunat, éparses dans divers recueils. Ces études sont donc connues,
mais il ne nous est pas désagréable de les signaler de nouveau. Nous
avons eu occasion de faire nos réserves sur la façon dont M. N. compre-
nait la critique des textes à propos de sa traduction du poète. Nous
tenons à en faire de nouvelles sur Tattribution à sainte Radegonde de
quelques élégies du recueil de Fortunat. M. N. les attribue à Rade-
gonde parce qu'elles sont vraiment belles et qu'on y trouve Pexpression
naturelle d'une émotion sincère. C'est prétendre que Fortunat n'au-
rait jamais pu s'élever au-dessus de son mauvais goiit habituel. Ce sin-
gulier critère détermine M. N. à supposer une collaboration de Rade-
gonde dans des pièces où les fautes de goût sont rachetées par quelques
bons vers. En somme, M. N. prouve mal ce qu'il avance. 11 y a même
des indices de la fausseté de sa thèse. On ne s'explique pas pourquoi dans
App. 3, attribué à Radegonde, l'auteur croit nécessaire d'exposer à son
parent comment elle est la cousine germaine d'Hamalafrède. Tout ce
développement généalogique est dans le goût de Fortunat. Il reste acquis
pourtant que Radegonde faisait des vers. Une courte notice de M. Er-
nest Boysse sur M. Nisard et la liste des ouvrages du défunt complètent
cet élégant volume.
P. L.
557. — Kurt Groh. Ciescliîclïte des ostraemîselien Kaîssers Justin II,
nebst den Quellen (565-578). Leipzig, Teubner, i88g, i vol. in-8, viii-120 p.
Le livre de M. Groh, un mémoire couronné par la faculté philoso-
phique de l'Université de Halle, comprend trois parties : lO une étude
des sources du règne de Justin II; 2» l'histoire intérieure, et 3° l'his-
toire extérieure de ce prince. Il n'y faut point chercher pourtant une
image fort complète ni de l'homme, ni du règne. Les quelques pages
où M. G. a tenté d'esquisser le portrait de l'empereur sont vagues et
bien des traits essentiels manquent à la peinture; dans le récit des évé-
nements, d'autre part, l'histoire religieuse a été volontairement négligée,
^^8 REVUE CRITIQUE
et quoique M. G. s'en excuse et s'en justifie, la lacune me semble grave,
surtout dans Thistoire d'un souverain célèbre par sa piété et son atta-
chement à Tortliodoxie, et qui plus d'une fois laissa guider ses résolu-
tions politiciues par ses sentiments chrétiens. J'accorde que Thistoire
religieuse du règne de Justin II se lie intimement à celle du gouverne-
ment de Justinien", mais, de même que M. G. pour faire comprendre la
politique extérieure de Justin, a sommairement caractérisé celle de
Justinien, ainsi il était facile, par un aperçu rapide, de marquer les
traits essentiels de l'histoire religieuse du règne précédent. On conçoit
que dans ces conditions le tableau du gouvernement intérieur de Justin II
paraisse un peu maigre : des anecdotes, des discussions parfois puériles
en forment la principale partie, qu'il eût fallu tout au moins fortifier
quelque peu en demandant aux ISovelles des informations sur l'admi-
nistration du prince, ou en discutant la difficile question de la création
des exarchats d'Afrique et d'Italie. Telle qu'elle est, cette partie du
livre aurait pu presque entièrement se fondre avec la troisième : le récit
en fût devenu plus méthodique et plus intelligible.
Sans doute il faut louer M. G. d'avoir fait emploi pour son livre des
sources syriennes, arabes et perses, et en particulier de la chronique de
Jean d'Éphèse, un document contemporain et fort intéressant pour
l'histoire de Justin II. Pourtant il eût été utile d'apporter parfois une
critique plus exacte dans l'emploi de ce témoignage. Ainsi M. G.
emprunte à Jean d'Éphèse Un fort curieux récit de la folie de l'empereur,
et je ne veux point chicaner ici sur l'importance un peu naïve que
M. G. donne à cet épisode (p. 55 note 2); mais faut-il se fier aveuglé-
ment à ce texte? De l'aveu même de M. G., Jean d'Éphèse est parfois
sujet à caution (pp. 95,98); il donne volontiers aux événements une
tournure dramatique; malgré ses protestations d'impartialité, on sait
qu'il a souffert sous Justin II de la persécution dirigée contre les mono-
physites et, son récit porte parfois la marque visible de ses préoccupa-
tions religieuses. Que l'on compare le discours placé par Jean d'Éphèse
dans la bouche de l'empereur (pp. Sy-SS) au texte rapporté en termes
identiques par Théophylacte Simocatta (111, 11, éd. de Boor, p. i 33) et
Théophane (éd. de Boor, 248), on y trouvera une série d'additions qui
tendent visiblement à présenter la maladie du prince comme une divine
punition de son mauvais gouvernement : entendez par là de sa politique
religieuse. La chose apparaît fort nettement si l'on rapproche de Jean
d'Ephèse un texte qui a échappé à M, G., la chronique éthiopienne de
Jean de Nikiou (Notices et extraits des viss. t. XXIV, i883), un
monophysite, lui aussi, qui écrivait au Vii^ siècle. Pour cet évéque égyp-
tien la folie de Justin est le châtiment mérité de sa politique religieuse
(p. 521); n'en faut-il point conclure que quelques réserves auraient été
utiles dans l'emploi de la chronique de Jean d'Éphèse?
J'arrive à un point plus important. M. G. a fort bien marqué l'intéiêt
du règne de Justin II, et signalé la réaction qu'inaugura cet empereur
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 44g
contre la politique de Justinlen. Le fait est indéniable, au moins en ce
qui touche Padministration intérieure, et on ne saurait contester les
bonnes intentions du nouveau souverain. Mais il m'est impossible de
suivre M. G. dans l'appréciation qu'il fait des deux politiques : et puis-
qu'aussi bien il se propose de nous donner quelque jour une histoire de
Justinien, il ne sera pas inutile de s'expliquer sur ce point. M. G. est
pour Justinien d'une sévérité qui atteint l'injustice, il a pour Justin une
indulgence qui touche à l'admiration : c'est dépasser la mesure des deux
côtés. Il faudrait, avant de critiquer si durement la politique de Justi-
nien à l'égard des barbares, ne pas oublier qu'à tout prendre elle n'était
que la continuation des vieilles traditions romaines : gagner à prix d'or
des mercenaires barbares, empêcher tous ces envahisseurs de même race
de se conjurer contre l'empire, exploiter leurs discordes et leurs haines,
et par là suppléer à la faiblesse des légions impériales, c'est ce qu'avaient
fait les derniers empereurs d'Occident et leurs derniers grands ministres;
c'est ce que firent, non moins heureusement, les BacXeiç byzantins. Quand
il plut à Justin II de changer de système, ses hauteurs maladroites et
singulièrement imprudentes eurent pour l'empire des conséquences
désastreuses. La rupture avec les Avares et les Lombards entraîna la
perte de l'Italie; le refus du tribut au roi de Perse amena une intermi-
nable guerre, dont les historiens de l'époque ne peuvent assez blâmer la
témérité. (Voir Simocatta, III. 9). L'habileté comme la tradition étaient
si bien du côté de la politique justinienne qu'il fallut, quoique on en
eût, s'en tenir bien souvent à cette sage diplomatie. Justin laissa Gépides
et Lombards s'affaiblir les uns par les autres, absolument comme eût
fait Justinien; il chercha un appui contre la Perse dans des négociations
avec les Turcs, dans l'alliance des Alains, des Ibères, des Abasges; il prit
à sa solde, comme l'eût pu faire son prédécesseur, des légions de bar-
bares (pp. 1 1 i-i I 3;; pour recouvrer l'Italie, et M, G. ne s'en est point
assez préoccupé, il négocia avec les Francs, il intrigua chez les Lom-
bards : c'est encore et toujours la politique de Justinien. C'est une
erreur capitale de croire que Justin a sauvé l'empire de la ruine qui le
menaçait (p. 67), d'affirmer que ses échecs sont la conséquence des fautes
de l'autre règne (p. 64), de louer la fierté de sa politique (pp. 90, 93, 94) :
sur tous ces points, c'est la thèse contraire qui me semble être la vérité.
Il faut assurément féliciter M. G. d'avoir travaillé d'après les sources:
peut-être pourtant s'exagère-t-il la nouveauté de ce qu'il y a trouvé.
L'essentiel des faits était connu, et M. G. a apporté peu de révélations
capitales; aussi y a t-il quelque excès de zèle à vouloir corriger Ranke
sur quelques points secondaires (p. 74) ou à chicaner Hirsch sur des
insignifiances (p. 18). Je ne veut point chicaner à mon tour, et reprocher
à M. G. d'avoir laissé échapper tel texte d'Agnellus (c. g'j) qui confir-
mait le témoignage de Jean d'Éphèse sur Narsès (p. jS) : mais du moins
aurait-il été bon de connaître et de consulter les Novellae constitii-
tiones de Zachariae de Lingenthal, et d'employer une édition du Corpus
450 REVUE CRITIQUE
Juris autre que celle de Leipzig, lySo. Il eût fallu aussi, puisqu'on
consultait les textes, y prendre ce qui s'y trouve, et ne point remplacer
\ttu vincas, Justine de Corippus (I, 358) par un rj Bïî-/.aç mal transcrit
dans Constantin Porphyrogénète; il eût été bon de ne point affirmer
sans preuves la liaison de Timpératrice Sophie avec Tibère; il eut été
sage de ne point inventer une fonction de diix et aiigiistalis, au lieu du
praefectus augiistalis bien connu par la Notitia; il n'eut point fallu
faire du préfet Longin un exarque d'Italie; et enfin, il eut été utile de
consulter de plus près les livres de seconde main, ne fût-ce que pour en
citer exactement le titre (p. 80, note 3. Bande di Vesmeau lieu de Baudi
di Vesme, Bethmann und Hollweg (!!) pour Bethmann-Holhveg).
Assurément, il y a dans le livre de M. G. des recherches conscien-
cieuses et un zèle louable; mais dans l'enthousiasme un peu naïf qui
éclate en quelques pages, on sent l'inexpérience d'un débutant mal
initié encore aux études byzantines. Voilà bien longtemps que, même
en Allemagne, on connaît et apprécie Thistoire de Finlay, et il y a
quelque candeur à nous en apprendre les mérites (p. iv). Quoique je
n'aie point à prendre parti dans les polémiques soutenues par M. Groh
au sujet de son livre, je ne crois point inutile pourtant, surtout s'il
songe à nous donner une histoire de Justinien, de lui recommander
moins de mépris pour certains ouvrages de seconde main : il y apprendra
tout au moins l'art de composer plus savamment un livre, la nécessité
d'une critique plus exacte dans Temploi des documents, d'une modestie
plus grande dans l'appréciation des découvertes faites, et d'une prudence
plus scientifique dans le jugement des événements historiques.
Ch. DiEHL.
558. — Oie Statuteii des deutsclien Oi'dene, nach deii seltesten Handschrif-
ten, herausgegeben von Max Perlbach. i vol. in-4, lix-354 p. Gotha, Perthes.
Nous possédions jusqu'à présent quatre éditions des statuts de l'ordre
teutonique : le texte latin fut publié en 1724 a Augsbourg etGràtz, par
Raymond Duellius au tome II de ses Miscellanea; en 1806, Ernest
Hennig mit au jour à Kônigsberg une version en moyen-allemand (Die
Statuten des Deutschen Ordens, bey Friedrich Nicolovius, in-S») ; en
1847, Ottmai" Schônhuth découvrit à Vienne un autre manuscrit de ces
statuts en moyen-allemand, et le livra à la presse sous le titre : Das
Ordensbuch der Brader vom DeiitscheJt Hanse St. Marien \ii Jérusalem.
Heilbronn, Verlag von Ulrich Landherr. En.^n, en 1857, parut une
version hollandaise dans le livre du baron D"" Ablaing van Giessenburg :
De duitsche Orde. Mais toutes ces éditions ne reposaient que sur un seul
ou sur deux manuscrits; elles ne pouvaient être considérées comme
des éditions critiques. M. Perlbach s'est imposé la tâche de faire la col-
lation de tous les manuscrits conservés de nos jours. Il en a découvert
I
D^HISTOIRE ET DE LITTERATURE 461
trente-trois ', qui contiennent les anciens statuts, tels qu'ils étaient
appliqués antérieurement à 1442, date de la revision faite par le grand
maître Conrad d'Erlichshausen. Ces trente-trois manuscrits se décom-
posent de la manière suivante : 1° quatre renferment le texte latin ; 2° un
manuscrit, possédé aujourd'hui par ia bibliothèque de Kœnigsberg, nous
donne une version en vieux français; — il est malheureusement mutilé;
3"^ quatre manuscrits nous ont livré une traduction hollandaise ; 4° vingt-
trois nous offrent un texte en moyen-allemand ; 5° un dernier manus-
crit, gardé à la bibliothèque de Linkôping, en Suède, contient une ver-
sion en bas-allemand, M. P. publie ces cinq textes; une disposition
typographique ingénieuse lui a permis de les placer à la fois sous les yeux
du lecteur et de rendre très facile la comparaison. Les variantes qu'ont
fournies les manuscrits sont renvoyées à la fin de l'édition et relevées
avec beaucoup de soin. Nous n'avons que des éloges à adresser à l'édi-
teur pour cette partie de son travail; il n'a épargné aucune peine pour
nous donner un texte parfait; il a atteint son but. Après les variantes,
il a dressé une série d'index : index des noms propres, index rerum,
vocabulaire latin, français, hollandais, allemand, bas-allemand des mots
contenus dans les statuts. Ici nous regrettons qu'il n'ait pas ajouté à cer-
tains mots quelque éclaircissement, au lieu de nous renvoyer simple-
ment à la page et à la ligne où ils figurent. Par exemple, les mots fran-
çais barath, bobant, boiiqiieran, carpite, etc., etc., devaient être expli-
qués.
Ces statuts de l'ordre teutonfque soulèvent un certain nombre de
questions que M. P. examine dans sa préface. Ils se divisent en diverses
parties : prologue, règle, lois et coutumes. Ces différentes sections ont-
elles été rédigées en même temps, et en quelle langue ont-elles été écrites
tout d'abord? Après une discussion minutieuse, M. P. croit que le texte
original a été le texte latin, au moins pour le prologue, la règle, les cou-
tumes et pour une partie des lois. Nous sommes assez disposé à être de
son avis; mais quelques-unes des raisons qu'il donne ne nous paraissent
pas être bien concluantes. Il dit, entre autres : dans le texte original, les
citations de la Bible doivent être conformes à la Vulgate; or, cette con-
formité existe toujours dans le texte latin ; elle est plus rare dans le texte
allemand. Donc, celui-là est l'original. Il n'y a d'exception que pour
certains chapitres des lois, où la citation en allemand est plus exacte que
la citation en latin; aussi, pour ces chapitres, M. P. ne décide rien ; il
incline à croire que l'allemand est le texte primitif. Mais ce critérium
nous semble dangereux. Un traducteur peut parfaitement rétablir une
citation et surtout donner tout au long une citation faite de façon incom-
plète dans l'original. Ainsi on lit :
I. En réalité trente-un, puisque le manuscrit de Kœnigsberg contient à la fois
un texte allemand et la version en vieux français et puisque le manuscrit i63 de la
reine de Suède (Vatican) nous donne un texte latin et un texte allemand.
452
Lois, chap. 3o. Texte latin.
Fratres,.. contendant secun-
dum ewangeliiini majoritatem
mutuis ministeriis et caritatis of-
ficiis obtinere.
REVUS CRITIQUE
Texte allemand.
...sulen aile die brûdere mit vlîze
stên, daz sie... ouch mit minnen
Linde dînste und dêmûtecheit gegen
einander daz erwerben, daz sie in
dem himelrîche erhohet werden, als
daze ewangelium sprichet: der sich
hie genideret, der wird dort gehôhet.
Le texte allemand fait sans doute une citation exacte deMathieu, XXIII,
II et 12; mais, pour mon compte, je n'y vois qu^une paraphrase du
texte latin. Je regarderais ici le texte le plus court comme Toriginal, le
texte le plus long comme une explication, un commentaire de l'original.
Étant admis que, dans l'ensemble, le texte latin représente l'original,
à quelle époque a-t-il été rédigé? Ici encore M. P. fait des distinctions
subtiles. Selon lui, le prologue, et la règle qui est assez conformée celle
du Temple, datent de 1245; ils ont probablement pour auteur Guillaume,
cardinal-évêque de Sabine; les coutumes vinrent ensuite, puis les lois:
celles-ci ont été composées à des époques diverses: les premières avant
1 25 1 , les dernières sûrement avant 1 264. On possède un manuscrit alle-
mand de 1264, où déjà ces diverses parties sont fondues en un seul
tout (bibliothèque de Berlin, vis. Borussica, n° 79).
En résumé, Péditionde M. Perlbach est parfaite : elle forme un excel-
lent pendant à la règle du Temple que M, Henri de Curzon a donnée
naguère à la Société de l'Histoire de "France, Mais les conclusions de
l'auteur sur la date des statuts ne sont pas certaines ; il y est arrivé en
s'appuyant sur de fragiles arguments.
Ch. Pfister.
559. — Das wlte Strassï>ui*g vom 13, «îaïjrluiiitîcrl ï>îs zuui «Sahre
ISTO. Geschichiliche Topographie nach den Urkunden und Chroniken, bear-
beitet von Adolph Seyboth. Strassburg, Heitz und Mûndel, iSgo, x, aSg p gr.
in-4 illustr. Prix : ifc! fr. 72 c.
Il y a trente-cinq ans M. Frédéric Pilon, bibliothécaire de la Faculté
de médecine, publiait en deux gros volumes in-quarto un ouvrage inti-
tulé Strasbourg illustré, dans lequel il donnait, non sans études très
sérieuses, mais sans aucun appareil érudit, la description topographi-
que de Strasbourg, en y mêlant les faits principaux de son histoire et|
celle des environs immédiats, en y ajoutant même des excursions dans!
les Vosges et dans la Forêt-Noire, visibles du haut de la vieille cathé-
drale. Cet ouvrage, depuis longtemps épuisé, mais resté populaire,
amena sans doute, un quart de siècle plus tard, M. Charles Schmidt à
se délasser de ses études d^histoire ecclésiastique, par un travail analo-^
gue, de dimensions plus restreintes, mais conçu d'une façon plus systé-
matique. En dépouillant tous les titres de propriété, les baux, les con-
d'histoire et de nrrÉRATURE 453
trais de vente, les recensements officiels, en un mot tous les documents
accessibles dans les dépôts publics, comme entre les mains des particu-
liers, M. Schmidt en tira son petit volume intitulé Noms de mes et de
maisons à Strasbourg au moyen âge, qui présente un intérêt si vif pour
l'histoire des mœurs locales, des traditions et de la langue du passé 1.
C'est à l'ouvrage du savant professeur que M. Seyboth a été redevable,
à son tour, de l'idée première de son travail si méritoire. Son Vieux
Strasbourg est également une topographie systématique de la ville
rhénane ; seulement il a notablement étendu le cadre de ses recherches,
en les poursuivant jusqu'en 1870, puis il ne s'est pas contenté de noter
les noms des maisons de chaque rue ~, rriais il a tâché de retrouver, dans
la mesure du possible, les noms des différents propriétaires et même de
ceux qui depuis l'origine d'une maison jusqu'à l'annexion de l'Alsace,
ont habité les différents immeubles. C'était un travail énorme, minu-
tieux, absorbant, ingrat surtout en ce sens, que nul ne pouvait espérer
le mener à bout d'une façon tout à fait satisfaisante. En y mettant plu-
sieurs années d'un labeur acharné, en ne se laissant rebuter par aucune
besogne ennuyeuse ^, M. S. a réuni cependant une masse énorme de
noms et de faits; il a réussi surtout à fournir un relevé très complet de
tous les bâtiments publics et privés qui existaient à l'intérieur de Stras-
bourg, au moment où commençait le bombardement de la ville, qui
devait en changer si profondément la physionomie, soit en détruisant
les anciens quartiers, soit en amenant la construction de quartiers nou-
veaux, en dehors de l'ancienne enceinte, aujourd'hui disparue. Le
volume splendidement exécuté de M. S, est en somme un catalogue
topographique, énumérant l'une après l'autre, les rues du vieux Stras-
bourg, depuis lexin® siècle, et, dans chaque rue, les différentes maisons,
avec leurs numéros anciens et modernes, la liste de leurs propriétaires
connus, des faits plus ou moins notables qui se rattachent à chacune
d'elles, etc.
Le travail de M. S. ne présente pas, en dehors de la préface, de rédac-
tion suivie. Pour économiser de la place, comme aussi pour mettre les
historiens locaux futurs à même de se servir avec plus de confiance des
renseignements amoncelés dans son livre, l'auteur s'est contenté de mettre
bout à bout ses extraits, chacun dans la langue originale du document
auquel il l'emprunte. Ainsi les données sont en laiin pour le xin^ et le
xiv^ siècles, en allemand pour les trois siècles suivants et la première
1. Une seconde édition, revue et augmentée des Strassburger Cassen = und
Haeusernamen a paru en 1889 (Strasbourg, Bull.)
2. 11 n'y avait que peu de choses à glaner après M. Schmidt, sous ce rapport, les
vieilles maisons ayant gardé leurs noms du moyen âge jusqu'à la Révolution, et les
nouvelles se contentant depuis lors des numéros égalitaires et prosaïques de l'admi-
nistration municipale moderne.
3. C'est ainsi que M. S. a dépouillé, numéro par numéro, les cent cinquante-sept
années des Petites Affiches de Strasbourg, et la longue série des registres de l'an-
cienne Chambre des Contrats aux Archives municipales.
434 REVUE CRITIQUE
moitié du xvni«, en français enfin pour les cent dernières années avant
1870 -. Des tables de matière, dressées avec le plus grand soin, se rap-
portant l'une aux noms de lieux, l'autre aux noms de personnes, et
rédigées en double au point de vue de la nomenclature allemande et
française, permettent de trouver facilement les renseignements dont on
a besoin, et chaque Strasbourgeois peut constater, en un moment,
quels sont, pour six siècles en arrière, ses prédécesseurs, sur le lopin de
terre qu'il occupe. Grâce à une subvention considérable de la munici-
palité, M. S. a pu joindre à son volume, bien que publié à prix très
réduit, un album de planches en photogravure contenant des vues stras-
bourgeoises du xvie au xvin® siècle, soit entièrement inédites, comme
les curieux dessins du célèbre peintre Hans Baldung Grien, soit exces-
sivement rares aujourd'hui. Un beau plan, très détaillé, accompagne
Touvrage de M. Seyboth, qui fait grand honneur à la patiente et solide
érudition de l'auteur. R.
56o. — l^e Conseiller Pierre de Lanere, par A. Comhunay. Agen, imprimerie
V Lamy, 1890, grand in-8 de 66 p.
M. Communaydit, au début de sa monographie, que parmi les phy-
sionomies les plus curieuses des membres dn Parlement de Bordeaux,
a se détache, étrangement éclairée, celle du conseiller Pierre de Lancre,
auteur de nombreux ouvrages aussi singuliers par leur style que
par le sujet traité », et où l'on trouve «. la naïveté la plus enfantine
et l'érudition la plus dilïuse qu'on puisse imaginer ». Le véritable
nom de famille de P. de Lancre était Rosteguy ~. Avant de raconter la
vie du célèbre démonographe. M, C., qui est un très habile généalo-
giste 3, établit qu'il descendait de Bernard de Rosteguy, originaire de la
paroisse de Juxue (canton d'Iholdy, arrond. de Mauléon, Basses-Pyré-
nées) qui vint se fixer à Saint-Macaire (Gironde), vers l'an i5io, et que,
trois ans après, on trouve qualifié bourgeois et marchand de cette ville.
En avril 1 538, il céda sa maison de commerce, sa boutique et ses chais à
son fils aîné Bernard, lequel acquit la maison noble de Tastes et fut le
grand'père de Pierre Rosteguy, dit de Lancre, et de Catherine, mariée à
Florimond de Raymond, le docte conseiller au parlement de Bordeaux''.
1. Il n'y a pas de renvois aux sources, ce qu'on peut assurément regretter, au point
vue scientifique, mais ce qu'on ne saurait reprocher à l'auteur dont le volume aurait
plus que doublé par le nombre infini de ces renvois.
2. En se taisant appeler de Lancre, Rosteguy renia soii véritable nom, s'aff'ublant
de celui d'une seigneurie qui n'a jamais existé.
3. Il l'a prouvé récemment dans sa très importante publication intitulée : Essai
généalogique sur les Montferrand de Guyenne, suivi de pièces justificatives (Bor-
deaux, Ve Moquet, 1889, in-40).
4. En novembre 1601, Pierre de Rosteguy assista dans ses derniers moments,
son beau-frère, FI. de Raymond, lui promettant, à son lit de mort, d'être le conseiller
constant et le protecteur dévoué de ses enfants. M. C. nous apprend qu'il tint reli-
gieusement sa parole.
«
d'histoire et de littérature 455
Pierre naquit à Bordeaux en i553, alla suivre à Turin les cours de
Jean Antoine Manuce, passa quatre ans en Italie, visita Rome en 1 SjS,
se lia à Naples avec le fameux Baptiste Porta, l'auteur de la Magie
naturelle, revint à Bordeaux en 1578, y fit connaissance de Pierre de
Médicis, qui venait de la cour de Nérac où se trouvait alors sa parente
la reine-mère, fut reçu docteur en droit à Turin en ibjg, parcourut
de nouveau l'Italie, de la Calabre jusqu'à Venise, fit une excursion en
Bohême jusqu'à Prague et fut, après tant de voyages, reçu conseiller au
Parlement de Bordeaux le 3 août i582. En i588, il épousa Jehanne de
Mons, petite-nièce de Michel de Montaigne ^ En 1 600, il est de nouveau
à Rome où « il eut occasion d'admirer un des caslesplus étranges du pou-
voir du diable », car il vit une jeune fille qui, pendant quelque temps,
avait été changée en un gros garçon ^. Par une commission royale, datée
du 17 janvier 1609, il fut chargé, ainsi que le président d'Espagnet,
de rechercher et de punir les sorciers du Labourd. M. C. donne des
détails navrants sur les cruautés commises par les deux magistrats, détails
empruntés pour la plupart aux relations mêmes de P. de Lancre. C'est
l'occasion de dire que l'excellent biographe analyse avec un soin extrême
tous les rarissimes ouvrages du brûleur de sorciers et trace ainsi un
très neuf chapitre d'histoire littéraire. Autre nouveauté. M. G. raconte,
daprès P. de Lancre, une visite faite en 1620 par Louis XIII au
démonographe dans sa maison de campagne de Loubens (non loin
de Cadillac), visite qui n'a été relatée par aucun chroniqueur et dont
l'auteur de V Incrédulité et mescréance parle avec la plus enthou-
siaste reconnaissance dans son Epltre au Roi. Ce fut dans cette maison
de campagne que le bourreau du Labourd mourut le 9 février i63r.
Soit au point de vue historique, soit au point de vue bibliographique,
la notice de M. Communay n'est pas moins exacte que curieuse.
T. DE L.
1. Voir à V Appendice (no I), le contrat de mariage, du 21 décembre i588. Les
autres pièces justificatives sont : (n° 11) les lettres patentes du 5 août iDgg autori-
sant M. Pierre de Rosteguy de Lancre à prendre un congé d'un an pour aller visiter
les Lieux Saints; (nO 1 1 1) les lettres patentes commettant fiy janvier loou) MM. d'Es-
pagnet et de Lancre pour se rendre au pays de Labourd et y juger souverainement
de tous les délits de sorcellerie; (n" ivj les lettres de Jussion adressées par le Roi au
Parlement de Bordeaux, le 18 février 1609, pour qu'il ait à enregistrer, sans nouveau
délai, la Commision donnée aux sieurs d'Espagnet et de Lancre; (no v) une lettre
écrite de Bordeaux, le 22 juin 1609, par Charles de Sorhaindo, lieutenant en la mai-
rie de Bayonne, annonçant à la municipalité de cette ville le départ de MM. d'Espa-
gnet et de Lancre; (n" vi) un document, du ii septembre 1609, relatif au vin d'hon-
neur qui leur fut offert parla ville de Bayonne; (n" vu) l'acte de fondation (icr juillet
i6i6) par le seigneur de Loubens et sa femme du couvent des religieuses de Notre-
Dame à Bordeaux; (no vin) le testament (24 septembre i63o) de P. de Rosteguy de
Lancre.
2. La robuste crédulité de P. de Lancre ne recule même pas devant des histo-
riettes comme celle qu'il raconte d'un roi des Goths qui « faisait souffler les
vents du côté qu'il tournait son bonnet sur sa tête, comme si c'eût été une gi-
rouette. »
456 REVUE CRITIQUE
56 1. — Dr. Th. Sùpfle. Gescliîelilc »lei- deutsclicn Kultnrscinflû^ise
auf Frankreich mit besonderer Beiûcksichtigung dor litterarischen Einwirkung*
Gotha, in-S.
Zwcitei* Bund. Zwelte Al>tliciluiig. Von Lessing bis zum Ende der roman-
tischeii Schule der Franzosen, 1888, xxir, 210 pages.
Zweiter nnncl. z-vveîto Abtlicilung. Von der Regierungszeit Louis Philip-
pes bis zu unsern Tagen, 1S90, x, 166 pages.
Le volume en deux parties, dont on vient de lire le titre, termine l'his-
toire des influences civilisatrices et littéraires de TAllemagne sur la
France, œuvre conside'rable entreprise il y a de longues années déjà par
M. Th. Sûpfle et qu'à force de patientes recherches il est parvenu à
mener à bien. Dans un premier volume, publié en 1886, il avait fait le
tableau de ces influences diverses depuis les origines de notre histoire
Jusqu'au milieu du xviiie siècle; c'est à partir de cette date seulement
qu'il en suit aujourd'hui la trace. Si l'espace de temps pendant lequel il
les étudie est ainsi beaucoup moins étendu, il est aussi bien autrement
rempli. L'Allemagne, dans le domaine littéraire du moins, n'a guère
fait sentir son influence sur la France avant la fin du premier tiers du
siècle dernier ; jusque-là ses écrivains sont restés à peu près inconnus
chez nous; mais avec l'avènement de Klopstock et des poètes des Bremer
Beitrcige, tout change rapidement; à l'indifférence presque absolue que
nous inspirait la littérature allemande succède l'intérêt le plus vif; non
seulement on en traduit, mais on en imite, en France, les représentants
les plus illustres.
Une partie considérable du premier volume de M. Th. S. a été con-
sacrée à nous montrer quelle fortune singulière firent chez nous quel-
ques-uns des écrivains allemands des deux premiers tiers du siècle der-
nier, comme Gessner par exemple, si populaire en France î la veille de
la Révolution ; c'est avec Lessing, le réformateur véritable de la littéra-
ture d'Outre-Khin, que s'ouvre la première moitié du second et nouveau
volume de M. Th. S.; il se continue par l'histoire de l'influence de l'es-
thétique allemande et de Winckeimann, ainsi que des premiers écrits de
Goethe et de Schiller, de Herder et de Kant en France; puis vient l'épo-
que delà Révolution et du premier Empire, et M""' de Staël, qui ramena
pour longtemps sur la poésie d'Outre-Rhin l'attention détournée par les
guerres de la République et de Napoléon. Etudiant ensuite l'influence
du théâtre de Schiller et de Gœthe sur le théâtre français, ainsi que celle
des œuvres épiques de ce dernier, M. Th. S. arrive à l'époque de l'école
romantique, et il recherche ce qu'elle doit à la littérature allemande
dans le triple domaine de la critique, de la poésie et des études scien-
tifiques.
Cette étude termine la première partie du second volume, la seconde
partie commence à la Révolution de i83o; elle se compose de quinze
chapitres; les huit premiers sont consacrés à l'examen des rapports de
la France avec l'Allemagne, au triple point de vue littéraire, scientifî-
d'histoire et de littérature 457
que et musical, pendant le règne de Louis-Philippe; M. Th. S. y a
accordé une attention particulière aux écrivains et aux différents orga-
nes qui servirent alors de médiateurs entre les deux pays. Les deux cha-
pitres suivants nous montrent ce que furent leurs relations intellectuel-
les pendant le second empire; enfin, dans les cinq derniers, l'auteur en
suit les destinées si diverses depuis la guerre de 1870 jusqu'à nos jours.
Comme on le voit, le tableau ne pouvait être plus complet.
C'est en 1737 que furent connues en France les premières œuvres de
Lessing. Depuis lors il ne cessa pas, jusqu'au commencement de notre
siècle, d'occuper la critique française. hQ Journal étranger^ qui venait de
paraître et la Galette littéraire, qui poursuivit comme lui le but utile
de révéler à la France la littérature des pays voisins, et en particulier de
TAllemagne, contribuèrent, avec le Mercure, à faire connaître en France
l'auteur d'EmiliaGalotti; en même temps, des traducteurs comme H uber,
Junker, Friedel, de Bonneville, faisaient passer dans notre langue quel-
ques-uns de ses écrits. Ce furent ses œuvres dramatiques qu'on étudia
ou traduisit d'abord ; mais le tour de ses ouvrages de critique littéraire
ou esthétique ne tarda pas à venir; dès 1766, le Laocoon fut annoncé
dans le Journal encrclopédique. Vanderbourgdevait le traduire en 1802.
Les ouvrages de Winckelmann se répandirent encore plus vite en France.
En 1756, le Journal étranger fit connaître ses Pensées sur l'imitation
des Anciens ; à peine publiée, l'Histoire de l'art dans Vantiquiîé était
annoncée par la Galette littéraire et, en [71 1-84, Huber en donnait une
traduction complète. Hagedorn, Moses Mendelssohn, Sulzer et leurs
ouvrages esthétiques ou philosophiques furent également, M. Th. S. le
montre, annoncés ou traduits presque aussitôt que publiés. Il en fut de
même des Essais sur la physionomie de Lavater.
Un des chapitres les plus intéressants de VHistoire de Vinfluence lit-
téraire de l'Allemagne est celui qui traite de Wieland et des romanciers
contemporains d'Outre-Rhin. 11 n'en est pas qui montre d'une manière
plus manifeste combien la littérature allemande était recherchée et en
honneur en France bien avant M°"= de Staël. Si à cette femme célèbre
revient l'incontestable mérite d'avoir donné d'abord un tableau complet
de cette littérature, il n'en est pas moins vrai que quand elle l'écrivit,
tous les grands écrivains allemands du xvin^ siècle étaient connus depuis
longtemps en France. C'était le cas pour Gœthe et Schiller en particu-
lier, dont les premiers écrits nous furent révélés presqu'aussitôt après
leur apparition. M. Th. S. a relevé avec beaucoup de soin les révéla-
tions des premières œuvres des deux grands poètes, ainsi que des imita-
tions dont elles furent l'objet; c'est là un chapitre bien curieux de notre
histoire littéraire à une époque, — ce fut pendant le dernier quart dn
siècle dernier, — où les grands noms et les grandes œuvres lui font
également défaut. L'étude des imitations diverses dont UV/erther et
le Gœt:;^ de Gœthe, les Brigands, Cabale et amour, Don Carlos, etc.,
de Schiller, ont été l'objet chez nous, n'en offre que plus d'intérêt, et on
ne peut savoir trop de gré à M. Th. S. de l'avoir entreprise.
458 REVUE CRITIQUE
Hei'der n'a été connu en France au siècle dernier qu'assez tard et par
des œuvres secondaires; il n'en fut pas de même de Kant; grâce à
Cil. Villers, l'auteur de la Critique du jugement nous fut révélé et put
être apprécié chez nous peu d'années après la publication de ses grands
ouvrages. Mais sa philosophie ne fut pas acceptée sans opposition et le
bruit des armes n'était pas fait pour aider à la répandre. L'époque vers
laquelle elle nous fut révélée marque d'ailleurs un temps d'arrêt, relatif
au moins, dans la diffusion des idées et de la littérature allemande en
France; ce n'est pas qu'on ait alors cessé entièrement de s'en occuper;
des revues, comme la Décade philosophique, continuent d'en parler ;
mais c'est hors de France que parut la plus importante d'entre elles, le
Spectateur du Nord, publié à Hambourg et dans lequel écrivirent Vil-
lers, Chênedollé et plusieurs autres exilés. Il ne faut pas oublier de Gé-
rando, l'un des connaisseurs les plus enthousiates delà philosophie alle-
mande au commencement du siècle. Ainsi, malgré l'opposition qui ten-
dait à cette époque à éloigner la France et l'Allemagne, la littérature de
ce dernier pays ne cessa pas d'être l'objet d'études et de travaux considé-
rables ; Mercier avait autrefois montré pour elle un zèle et une admi-
ration profonds, Joseph Chénier s'en était inspiré dans plusieurs de ses
œuvres, et maintenant Benjamin Constant, traduisant ou imitant Schil-
ler, écriv dit V a Iste in. M'^Me Staël ne devait qu'achever l'œuvre commen-
cée par tant d'illustres précurseurs; mais leurs efforts avaient porté sur
des points isolés de la littérature allemande, M'"*^ de Staël entreprit d'en
retracer le tableau dans son ensemble; c'est par là que son ouvrage fait
époque et inaugure une ère nouvelle dans l'histoire des rapports intel-
lectuels delà France et de TAllemagne.
Les années qui suivirent la publication du livre de cette femme célè-
bre sont celles où l'influence allemande a été la plus grande en France;
elle se fait sentir tout d'abord dans le domaine dramatique; les chefs-
d'œuvre de Lessing, de Gœthe, de Schiller, ainsi que de Kotzebue et
d'Ifïland, auteurs secondaires, dont le premier est devenu presque popu-
laire chez nous, allaient bientôt paraître dans le Théâtre étranger de
Ladvocat; la plupart furent aussi imités. La Martelière, Alex. Sou-
met, Pierre le Brun, Amelot, Gust. de Wailly, de Pixérécourt, Léon
Halévy et bien d'autres dont les noms sont aujourd'hui oubliés, s'attachè-
rent à faire passer dans notre langue ou à porter sur notre scène le théâ-
tre de Schiller. Gœthe, dont Ramond de Garbonnières avait imité le
Gœt^^ dès le siècle dernier, ne pouvait pas être oublié; Gérard de Ner-
val, le comte de Saint-Aulaire, Alfred Stapfer, traduisirent entre autres
ItFaust^ Edgar Quinet s'en inspira àans son Ahasvérus . En même temps,
les périodiques nouveaux, comm& Id^ Revue encyclopédique, le Globe,
étudiaient, analysaient les drames des deux grands poètes allemands.
Les œuvres épiques et les romans de Gœthe fuient aussi alors révélés
ou imités. Hermann et Dorothée avait été traduit par Bitaubé dès 1800,
les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister, en 1802; mais denoij-
b'histoire et de littérature 459
velles traductions parurent sous la Restauration ; il n'en pouvait être
autrement, avec l'intérêt que l'Ecole romantique portait tout d'abord à
Sciiiller et à Goethe. Mais les successeurs des deux grands écrivains ne
tardèrent pas à être aussi étudiés, traduits ou imités. Lœve-Weimar nous
révéla Jean-Paul, le Sternbald de Tieck fut traduit, les drames de Wer-
ner, trop admirés par M^^^de Staël, le furent aussi en partie dans le Théâ-
tre étranger, ayez la Faute de Mullner etl'^zezJede Grillparzer; toute-
fois ce fut surtout Hoffmann, qui jouit alors de la plus grande réputa-
tion; il devint le père d'un genre nouveau. En même temps, la poésie
lyi ique si riche de rAlIemagne s'imposait à l'admiration de nos écrivains.
Depuis un demi-siècle déjà le nom de Burger était connu en France,
ceux de Claudius, de Stolberg y pénétrèrent bientôt. Les poésies lyriques
de Klopstock, de Gœthe et de Schiller ne tardèrent pas non plus à se
répandre chez nous. Bans ses Poésies allemandes, Gérard de Nerval
en lit connaître quelques-unes. Les imitations ne se firent pas attendre;
celles de la Lénore de Burger ne se comptent pas; Emile Deschamps
se fit remarquer par ses essais dans ce genre. L'admiration qu'inspirait
la poésie allemande ne pouvait manquer de porter nos écrivains à y cher-
cher des inspirations; nombre de poètes de l'École romantique, M. Th.
S. le montre, se sont faits les imitateurs de leurs émules ou de leurs
précurseurs d'Outre- Rhin.
En même temps que la poésie, la philosophie allemande était étudiée
en France avec zèle; en 1826-1827 Edgar Quinet traduisit les Idées
sur la philosophie de l'histoire de l'humanité de Herder; Victor Cousin
se faisait de son côté le révélateur de Hegel; Barchou de Penhoen, Ler-
minier écrivaient sur la philosophie d'Outre-Rhin; Fichte, Schelling
étaient l'objet d'études curieuses, en même temps que les travaux juri-
diques de Savigny étaient mis en honneur, et que Guizot, dans son
Histoire de la civilisation en France, subissait l'influence manifeste
des théories historiques en honneur en Allemagne. Cet intérêt porté
sous la Restauration aux choses de l'Allemagne ne se ralentit pas pen-
dant le règne de Louis-Philippe, mais l'influence de sa littérature fut
alors moins puissante, tandis que sa musique en acquit au contraire une
inconnue jusque-là.
Je renverrai pour cette dernière, à l'ouvrage même de M. Th. S.; et
me bornerai à parler des rapports littéraires qui existèrent alors entre
la France et l'Allemagne. Ce qui les distingue tout d'abord, ce sont les
efforts tentés par deux écrivains allemands, célèbres à des titres diffé-
rents, pour les multiplier et les rendre plus intimes; il s'agit de Borne
et de Heine. M. Th. S. a très bien caractérisé l'action de ces deux
publicistes ; il a fort bien aussi mis en évidence le rôle de révélatrice
joué par l'Alsace à cette époque vis-à-vis de l'Allemagne. Jacques Mat-
ter et Joseph Willm, l'auteur d'une Histoire de la philosophie alle-
mande depuis Kant, occupent une place d'honneur à cet égard. De toutes
parts, d'ailleurs, on travaillait alors à nous faire connaître la littérature
40O
lŒVUE CRITIQUE
allemande ; c'est à cette époque que remontent les premières études que
Blazc de Bury lui a consacrées. La poésie lyrique attira tout d'abord les
regards; Uhland qui la représentait surtout, dans son pays, depuis l'exil
volontaire de Heine, ne tarda pas à être traduit et imité chez nous; on
étudia aussi Ruckert, Korner, Ghamisso, Platen, Lenau, même Zed-
litz, et quelques-unes de leurs œuvres furent bientôt imitées.
Le mouvement ainsi commencé se continua après la Révolution de
1848, pendant toute la durée du second empire; la Revue germanique^
fondée alors' par Nefftzer et Dollfus, se donna pour mission de tenir la
France au courant du mouvement scientifique et littéraire de l'Alle-
magne; ce fut le premier surtout qui attira alors l'attention en France;
la philosophie allemande continua à être cultivée avec ardeur; les étu-
des philologiques y trouvèrent aussi bientôt crédit. Philarète Chasles,
Laboulaye, Emile Montégut entreprirent, chacun à un point de vue
particulier, de nous faire connaître la civilisation germanique ; en même
temps, d'autres écrivains reproduisaient ou imitaient quelques uns des
meilleurs poètes allemands contemporains ou de la génération précé-
dente; c'est ce que firent entre autres, Max Buchon dans ses Poésies
allemandes, Boulmier dans ses Rimes loyales, de Châtelain en écrivant
les Fleurs des bords du Rhin, etc. La critique ne resta pas en arrière,
et Saint-René Taillandier, dans la Revue des Deux-Mondes, multiplia
pendant vingt-cinq ans ses études sur la littérature d'Outre-Rhin. Le
roman allemand jusqu''alors dédaigné chez nous y pénétra à son tour;
les nouvelles de Zschokke, le Lichtenstein de Hauff furent traduits,
ainsi que Doit et Avoir de G. Freytag ; Auerbach y devint presque
populaire et y suscita plus d'une imitation.
La guerre de 1870 vint arrêter le rapprochement des deux peuples;
mais si la poésie allemande parut cesser alors de trouver faveur en
France, il n'en fut pas de même de la philosophie, dont les nouveaux
représentants, comme Schopenhauer, Hartmann, furent étudiés avec
curiosité; l'attention se porta toutefois de préférence sur les institutions
du peuple vainqueur, sur son organisation militaire, ses établissements
d'enseignement. Avec le temps, on est revenu aussi à s'intéresser à la
littérature; des études étendues ont été faites sur quelques-uns des écri-
vains les plus célèbres de l'Allemagne, et chaque année presque en voit
paraître de nouvelles ; mais Tinfluence allemande ne se fait guère sentir
chez nous, néanmoins, que dans le domaine scientifique. Si on étudie
encore les poètes et les écrivains d'Outre- Rhin, on ne les imite plus.
On voit, par ce qui précède, — quelque abrégé qu'en soit l'exposé —
combien ont été fréquents depuis un siècle et demi les rapports litté-
raires et scientifiques de la France et de l'Allemagne; M. Th. Siipfie a
eu le grand mérite d'en faire le long et difficile tableau ; sans doute on
peut reprocher à son œuvre — ce qui tient, il est vrai, à la nature du
sujet — d'être trop souvent une sèche et monotone énumération de
noms et de faits, et de ne pas suivre toujours assez rigoureusement
d'histoire et de littérature 461
l'ordre chronologique, mais on ne saurait trop reconnaître les patientes
recherches qu'elle lui a coûté, ni trop le remercier d'avoir poursuivi,
sans se laisser arrêter par les difficultés, une étude aussi ardue et qui
demandait une égale connaissance de la littérature allemande et de la
littérature française.
Ch. J.
562. — Friedrich B^wdivîg Scîn-oedei'. Ein Beitrag zur deutschen Litteratur-
und Theatergeschichte, von Berthold Litzsîann. Hambourg, Voss, 1890. In-8,
XV et 33o p. 8 mark.
C'est le premier tome de la biographie de Schroder que M. Litzmann
nous annonçait (cf. Revue 1888, n° 23). L'auteur divise son volume
en deux livres : 1° années de jeunesse (Jiigendjahre) ; 2° combats et
erreurs (KiJmpfe iind Irriingen). Son récit est composé avec grand soin
et en bon style, plein de détails inédits, et très attachant. Il nous offre à
la fois la biographie de Schroder et l'histoire du théâtre de cette époque.
Si Meyer de Bramstedt avait surtout étudié l'homme, M. L. étudie
particulièrement l'artiste et, comme il dit, « ses rapports avec les ques-
tions et les mouvements littéraires de son temps » (p. vim. Schônemann,
Ackermann, leur troupe, leurs tournées à travers l'Allemagne, leurs
triomphes et leurs insuccès, leur influence sur le répertoire, tout cela
nous est décrit en même temps que l'existence aventureuse de Schroder.
On remarquera, dans le premier livre, le séjour de la troupe d' Acker-
mann en Alsace et en Suisse (cf. le jugement de Caroline Schuize sur
le public strasbourgeois, p. 17g) et, dans le second livre, toute la partie
consacrée aux « premières années de Hambourg » (1764-1767), à Les-
sing et à la critique des acteurs, aux intrigues qui dégoûtèrent Acker-
mann de la direction. Mais on suit, avec non moins d'intérêt, les pro-
grès de Schroder; on le voit former son goût littéraire, prendre une idée
de plus en plus haute de sa profession, profiter des conseils de sa mère
qui lui fait lire à haute voix les pièces nouvelles (p. 192), se lier avec
Ekhof dont « le voisinage et l'exemple agirent sur lui comme l'acier sur
I la pierre » (p. 225). Bref, ce premier volume est excellent — tout au
! plus reprocherait-on à M. Litzmann d'avoir trop insisté sur la ville de
Hambourg et ses habitants, ainsi que sur Hagedorn — et l'ouvrage,
une fois terminé, sera un des meilleurs, un des plus importants que
nous ayons sur l'histoire du théâtre allemand.
A. C.
563. — Mémoires et »ou\'enirs tlu baron Hyde de TVeu ville. Tome II.
Paris, Pion, i8go. In-8, 5 [6 p. 8 fr.
Ce second tome (cf. sur le premier, Revue 1888, n"^ 41), embrasse la
■Restauration, les Cent-Jours et le règne de Louis XVIII. Hyde de Neu-
ville raconte son arrivée en France qui a pour lui « toute la douceur
462 REVUE CRITIQUE
du réveil après un mauvais rêve », ses missions en Angleterre et
ailleurs dans Tannée 18 14 — à noter p. 6, le portrait deVitroUes — son
séjour à Gand, et son retour à Paris. « Que cette entrée a Paris ressem-
blait peu à la première! Je n'avais pas été témoin de l'ivresse, de l'en-
thousiasme qui l'avaient saluée en 18 14, mais je les sentais vibrer encore
lorsque j'arrivais en France. Une douleur secrète pesait sur les cœurs.
On sentait que la paix que Louis XVIII apportait à la France ne pou-
vait effacer la honte de ses revers. Mornes, abattus, prévoyant sinon
de nouvelles catastrophes, au moins peu confiants en l'avenir, silen-
cieux, nous entourions nos princes. Le tableau était sinistre : il avait
pour cadre ces hordes d'étrangers qui bivouaquaient sur nos quais et
nos places publiques » (p. 120- 121). Hyde de Neuville fut alors chargé
d'aplanir dans plusieurs départements les difficultés que créait l'occu-
pation étrangère. Élu député de la Nièvre, il prit une part assez active
aux débats de la Chambre introuvable. En 18 16, il fut nommé ministre
de France aux Etats-Unis ; il y connut Monroe, Madison, Dupont de
Nemours, et y surveilla les réfugiés français qui projetaient, les uns de
faire évader Napoléon de Sainte-Hélène, les autres (comme Lakanal) de
proclamer Joseph Bonaparte roi du Mexique. Mais ses Mémoires ne nous
éloignent pas de la France ; Hyde y insère à cet endroit sa correspondance
avec la princesse delà Trémoïlie, avec la marquise de Montcalm, sœur
du duc de Richelieu, et d'autres personnages. Ces lettres donnent quel-
quefois de précieux détails sur la situation de la France, et particulière-
ment sur Tesprit royaliste de l'époque, sur les discussions parlementai-
res et les menées sourdes des partis; elles devront être consultées par
tous ceux qui veulent faire ou bien connaître Thistoire de la Restaura-
tion. C.
564. — l-a science secrète, par Barlet, Ferran, Papus, etc. Paris, G. Carré,
1890, in-i2, 174 pp.
Ce petit volume est un recueil d'articles, d'étendue variable, dû à;
divers écrivains. Ils s'accordent sur ce point, que la théosophie donne la
clé des mystères que pose l'étude de Punivers et de Thomme; ils repré- |
sentent une tradition, qui a eu des représentants à bien des époques et
pour laquelle ils revendiquent des origines fabuleuses. Nous sommes
enchanté d'apprendre que les procédés d'initiation de l'Inde furent appor-
tés en Egypte environ sept mille ans avant notre ère et que, dans l'Inde
elle-même, ils remontaient beaucoup plus haut. Nous ne voyons pas
trop pourquoi MM. Barlet, Ferran, Papus et autres nous font de pareil-
les confidences, que nous nous déclarons incapables d'accueillir avec la
gravité convenable; nous voyons qu'ils ont le désir d'exciter notre inté-
rêt, mais ils n'en prennent guère le chemin en montrant une si pro-
fonde ignorance de l'état actuel des études d'histoire et de littératuç
ancienne.
M. V.
d'histoire et de littérature 463
565. — I>o poesîs Graecorum rliytlimicae msu et origine, scripsit
Carolus Deutschiiann. Confluentibus, jioccclxxxix ; 29 p. in-4.
La brochure de M. Deutschmannest consacrée à réfuter l'opinion de
M. W. Meyer sur l'origine de la versification rythmique des Grecs. On
sait que dans un travail inséré dans les Abhandlungen der k. bayer is-
chen Akademie der Wissensch. de Munich, (I, Cl. XVII, Ed., II,
Abth., 1884), M. W. Meyer a essayé de démontrer que ce système nou-
veau de versification s'était introduit en Grèce (et à Rome) sous l'in-
fluence du christianisme, par imitation de la littérature hébraïque et
syrienne.
M. Deutschtnann qui voit dans la naissance de la versification ryth-
mique une évolution des anciennes formes métriques parallèle à l'évo-
lution de la langue grecque elle-même, ignore que cette opinion a déjà
été présentée, ailleurs qu'en Allemagne, il est vrai, — et appuyée de
nombreux et excellents arguments dans un gros volume de près de
400 pages, publié il y a quatre ans 1. S'il eût connu le livre du P.
Bouvy, M. Deutschmann aurait sans doute jugé inutile d'écrire la dis-
sertation dont nous avons transcrit le titre en tête de cet article, et la
science n'y eût rien perdu.
L. DuvAU.
CHRONIQUE
FRANCE. — Les Lettres de Servat Loup, abbé de Ferrières, publiées par M. G.
Desdevises Du Dezert (Bouillon, biblioth. de l'École des Hautes-Études, fasc. 77),
d'après un manuscrit unique conservée la Bibliothèque nationale, seront bien reçues
de tous ceux qui ne possèdent pas l'édition de Baluze. L'éditeur adopte un nouveau
classement des lettres. Un tableau de concordance de son édition avec les précé-
dentes eût été fort utile.
— La Vie de Grégoire VII, à laquelle M. l'abbé Delarc travaillait depuis une ving-
taine d'années, est terminée (Saint Grégoire VII et la réforme de l'Église au
xie siècle. Retaux-Bray, 3 vols. in-8"). L'auteur connaît admirablement toute la litté-
rature du sujet. Son livre fait, somme toute, honneur à ia science française.
— Nous recevons de M. André Joubert une Étude sur les comptes de Macé Darne
maître des œuvres de Louis I^' duc d'Anjou et comte du Maine (i36j-i3j6), d'après
un manuscrit du British Muséum. (Angers, impr. Germain et Grassin, in-S»). Des
fragments considérables de ces comptes sont publiés par M. Joubert. L'ouvrage se ter-
mine par une table générale des noms de personnes et de lieux.
ALLEMAGNE. — M. Laband publie la 2* livraison du tome II de son grand ouvrage
sur le droit public de l'Empire allemand, Das Staatsrecht des deutschen Reiches
(Fribourgen Brisgau, Mohr). Cette seconde édition, commencée dès 1888, sera inces-
samment terminée; il ne manque plus qu'une livraison. L'ouvrage formera deux volu-
mes gr. in -80). La dernière livraison que nous annonçons, est consacrée à l'organi-
sation militaire allemande.
I . Poètes et Mélodes. Etude sur les origines du rythme tonique dans l'hymnogra-
phie de l'Eglise grecque, par le P. Edmond Bouvv, Nîmes, 1886.
464 REVUE CRITIQUE d'hiSTOIRE ET DE LITTERATURE
ÉTATS-UNIS. — On nous envoie : The Life of the ancient Greeks bibliography
and syllabus ofCornell University Lectures, pav M. B. Ide Wueeler, ithaca, 1890
(20 pp, in-S°). C'est un sommaire des leçons du proresseur piécédé de la bibliogra-
phie de chacune d'elles.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRB:S
Séance du 5 décembre iSgo.
M. GefFroy, directeur de rÉcole française de Rome, annonce la découverte d'une
série d'insciiDtions trouvées sur la live droite du Tibre, vers les Pvaii di Castello.
11 y a jusqu'à i5o ou 200 lignes, en petits caractères. Ce sont des fragments des
actes du collège des X V viri sacris J'aciundis. Quelques paragraphes se détachent
en belles et grandes lettres du temps d'Auguste. L'un d'eux contient cette mention
assez inattendue : « Carmen saecu'iare composuit Q. Horatius Flaccus. »
L'Académie procède au vote pour la présentation de deux candidats aux fonctions
de directeur de l'Ecole française d'Athènes. M. HomoUe est présenté en première
ligne, par 28 voix, contre 3 données à M. Wescher. M. CoUignon est présenté en
seconde ligne, par 21 voix, contre 7 données à M. Wescher et 2 à M. Haussoullier.
L'Académie constate la vacance de trois places parmi ses correspondants étrangers
et d'une place p.-irmi ses correspondants français. Deux commissions seront élues è
la prochaine séance pour présenter des candiuats à ces diverses places.
M. CLrniont-Ganneau communique les légendes de deux anciens sceaux sémiti-
ques de la collection du Musée britannique. Le nom gravé sur l'un de ces sceaux,
Nefîsî ou Nefoûsî, doit être rapproché de celui des Benê-Nefousîm, une des familles
qui, selon les livres d'Esdias et de Néhémie, revinrent de la captivité de Babylone
sous Zoiobabel.
M. Oppert communique une note sur le Persée chaldéen. Il s'agit d'un héros de
la m3'thologie chaldéenne, grand guerrier et grand chasseur, dont les exploits ont été
racontés dans des textes cunéiformes. On ignorait jusqu'ici la véritable forme de son
nom : ce nom, dans les textes, est écrit en caractères idéographiques, qu'on avait lus
Istubar. M. Oppert a constaté que ce nom doit être lu Gilgamès et que le personnage
en question est mentionné dans un passage d'Elien, qui complète nos renseigne-
ments sur cette légende. Comme le Persée grec, Gilgamès est le tils d'une princesse
enfermée dans une tour, qu'un être invisible ou surnaturel a rendue mère; il est
précipité et sauvé par un aigle.
M. Lecoy de la Marche lit une étude sur la prise de la ville d'Elne en Roussilloh
par l'armée de Philippe le Hardi, en i285. D'apiès l'étude des lieux, le dépouille-
ment des archives des rois de .Majorque et l'examen des chroniques contemporaines,
l'auteur de la communication conclut que les assertions des auteurs catalans sur le
massacre des habitants et la destruction de la ville sont empreintes d'une grande exa-
gération. M. Lecoy de la Marche ajoute qu'il prépare un travail d'ensemble sur les
relations de la France avec les rois de Majorque, souverains du Roussillon et de
Montpellier.
M. Ernest Babelon, conservateur-adjoint à la Bibliothèque nationale, commence
une communication sur les monnaies et la chronologie des rois de Sidon antérieurs
à Alexandre.
M. Babelon croit avoir retrouvé les noiiTS de ces rois sur des monnaies perses
étnises en Phénicie au iv' siècle avant notre ère. Les noms qu'il lit sur ces mon-
naies, où ils sont écrits en abrégé, sont ceux de Straton \", de Tennès, de Géros-
iratos et de Straton II; ils sont accompagnés de dates exprimées en années de règne.
La suite ae la communication de M. Babelon est cousacrée aux monnaies frappées
en Cilicie par le satrape iMazaios et en Egypte par les satrapes qui gouvernèrent ce
pays, au nom des rois de Perse, avant l'arrivée d'Alexandre.
Ouvrages présentés : — par M. Wallon : Mommsen ^Th ) et Marquardt (J.), Manuel
des antiquités romaines, traduit sous la direction de M. Gustave Humbert, VII : le
Droit public romain, par Th. Mommsen, traduit par Paul-Frédéric Girard, "VII; — par
M. Deloche : Drapeyron (Ludovic), le Premier Atlas national de la France; — par
M. Maspero : diverses publications égyptologiques de MM. Grébaut, Fouquet, Artin
pacha et Améli.\eau; — par M. de iiarthélemy, au norn de M. Héron de Villefosse :
1° Maître (Léon), /« Villes disparues de la Loire-Inférieure, :>' livraison; 2° Espé-
randieu (Emile), Salbart (extrait des Paysages et Monuments du Poitou) ; — v^t
M. Barbier de Meynard : R;nn (Louis), Histoire de l'insurrection de iSjien Algérie;
— par M. de Boislisle : Baudrillart (Alfred), Philippe V et la cour de France,
tome II; — par M. de Rozière : Gasati (C.-Ch), Code pénal commenté par la jurispru-
dence la plus récente, etc .
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
^D'
REVUE CRITIQUE
HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
W
' 51
— 22 décembre —
1890
Sommaire t 566. De Gara, Les Hyksos. — 567. Gutscher, Epitaphes attiques.
— bon. SoDEN, Commentaire du Nouveau-Testament, III, 2. — 3ôg, Lœb, Lé
Juif de l'histoire et de la légende. — 570. Lippert, L'ordre de Santiago. — 571.
G. Meyer, Chants populaires grecs. — 572. Lanquetin, L'œuvre de Villalobos. —
573 Bayle, Correspondance, p. p. Gigas. — 574. Lentzner, Bacon et Shakespeare.
— 575. Joseph Bertrand, Pascal. — 576. Lods, Les églises protestantes de Mont-
béliard. — 077. Guérin, La question du latin. — 57S. H. Cordier, Stendhal et
ses amis. 7- 579. Parigot, Augier. — 58o. Schrader, Atlas de géographie mo-
derne. — 58i. Dubois, Précis de géographie moderne. — 582. Fischer, Foi ou
science. — Lettre de M. d'Arbois de Jubainville et réponse de M. Gaidoz. —
Chronique. — Académie des Inscriptions.
|i6é. — G. de Cara. Glî ll^Usôs o rte l^astoi-î dî Egitto^ ricerche di Archeo-
logia Egizio-Biblica del P. Cesare A. de Cara. Roma^ Tipografia dei Lincei, 1889,
in-8, xiii-372 p. Prix: i5 fr.
f7.
Chabas avait mesuré cinquante-six pdges in-4° aux Pasteurs en
'gjyte : le père Cesare de Cara leur alloue près de quatre cents pages
n-S''. Cette disproportion n'est pas due au nombre de monuments nou-
eaux qui ont été découverts en Egypte depuis vingt ans : elle tient à une
ifférence dans la manière d'envisager le sujet. Chabas avait voulu don-
er au public savant tout ce que Ton connaissait de son temps sur la
latière et n'avait presque pas développé ses conclusions : il agissait eil
gyptologue parlant avant tout aux égyptologues. Le père de Cara ne s'est
as enfermé dans le domaine de la stricte égyptologie : la question des
[lyksos se rattache dans son esprit à un ensemble de questions plus
astes, toutes relatives à l'histoire des Hébreux et à l'authenticité du
'entateuque. Il y a de Tapologiste en lui au moins autant que du savant,
je le remarque, non pour lui en faire un reproche, mais simplement
ur expliquer comment il a été amenée composer un gros volume sur
ne matière qui semblait ne comporter qu'un mémoire assez court. Il
limet la tradition fort ancienne qui place l'arrivée de Joseph et des
tébreux en Egypte sous les Pasteurs, et plus spécialement sous un des
)is Apophis : il veut donc savoir plus exactement qu'on ne l'a su jus-
j'à présent ce qu'était ce peuple barbare, d'où il venait, comment il
itablit en Egypte, combien de temps il y resta, quels furent ses rois
ce qu'ils firent. Les documents sont rares : quelques débris mutilés
jîManéthon, quelques monuments des Hyksos eux-mêmes, quelques
■res allusions dans les textes égyptiens d'époque postérieure; le tout
îndrait en vingt pages au plus. Mais on a beaucoup discuté sur ces
ngt pages, on a beaucoup affirmé, beaucoup nié, et avant d'en arriver
Nouvelle série, XXX. 5i
466 REVUE CRITIQUE
à l'examen des textes eux-mêmes, il faut peser l'une après l'autre les
principales au moins des hypothèses qui encombrent le champs des
recherches. Le père de Gara l'a fait avec beaucoup de modération dans
la forme, et en grand détail. Peut-être a-t-il pénétré trop avant dans k
passé et a-t-il tué des théories qui étaient mortes et oubliées depuis
quelque temps déjà. Une connaissance trop profonde de la bibliogra-
phie du sujet, voilà en vérité un beau reproche, et qu'on n'a pas souven
l'occasion de faire, en ce temps où beaucoup d'égyptologues ignorent i
peu près tout ce qui s'est fait avant eux, ou se donnent l'apparence d<
l'ignorer. I
Je ne puis pas exposer ici l'ensemble de faits et de raisonnements qui"
le père de Gara a fort ingénieusement combinés pour éiayer sa thèse. Oi
sent que le père de Gara a dû étudier à fond la logique, et son œuvr
est comme une chaîne de syllogismes habilement cachée, qui peu à pei
enlace le lecteur et le lie à Tidée que l'auteur s'est efforcé, dès le début
de lui présenter. Je veux seulement indiquer la thèse elle-même. Le
Hyksos ne sont pas un peuple homogène; ils formaient une confédéra
tion plus ou moins lâche de plusieurs nations et de plusieurs famille
diverses, sous Thégémonie des peuples de la Syrie septentrionale. Gett
confédération était la même que celle qui, plus tard, sur les monument
de la XVIII^ et de la XIX« dynastie, prit le nom de Routonou et d
Khiti, ou, du moins, elle comprenait des portions des mêmes peuples
Elle se jeta sur l'Egypte et la soumit sans difficulté, sans combat. L
père de Gara recherche ici quelles causes ont pu rendre aisée la conqui
de rÉgypte et refuse d'y faire entrer un morcellement du pays analogu
à celui qui favorisa, vingt siècles plus tard, les invasions éthiopiennes (
assyriennes. Il refuse également d'admettre le témoignage de ManéthoE
quand cet historien assure que les chefs barbares mirent le feu aux villes
renversèrent les temples des dieux et traitèrent les indigènes en ennem^
tuant les uns, réduisant les autres en esclavage avec leurs femmes (
leurs enfants. Les Hyksos, loin d'être des hordes sauvages, comme O'
le prétend d'ordinaire, et Manéthon le premier, possédaient une civilisa
tion très semblable à celle de leurs adversaires. S'ils triomphèrent, ce
qu'ils avaient non seulement des soldats bien aguerris, aussi nombreu
que ceux de l'Egypte, mais qu'ils surent les lancer à l'improviste av^
que le Pharaon régnant eût vent de l'attaque et pût rassembler ses foret
pour leur tenir tête. L^Égypte fut envahie, battue et réduite par sm
prise. « La façon dont Manéthon dit que l'invasion se produisit, sar
« violence, sans bataille, sans la moindre difficulté, est à mon sens 1
«plus naturelle et la plus probable; aussi réputé-je peu naturels^
« improbables tous ces actes de cruauté que le même auteur attribue au
« envahisseurs. En effet, si l'on considère l'entreprise des Hyksos dai
« son principe et dans son développement successif de plusieurs siècle
« et qu'on tienne compte des qualités morales et politiques dont ils
<' montrent remarquablement fournis dans leur manière de gouverne
d'histoire et de littérature 467
a on doit conclure à bon droit que la conquête de PÉgypte fut conçue,
« préparée et méditée par eux en toute maturité de jugement et
« avec une ferme résolution de la rendre durable... Conscients de leur
« force, du nombre et de la vaillance de leurs armées, de la faiblesse des
« Egyptiens de la Basse-Egypte, pourquoi auraient-ils recouru a la vio-
« lence et aux massacres? (p. 297) » Ils se maintinrent sans peine sur
le pays entier, jusqu'au moment où les princes thébains delà XVI 1» dynas-
tie leur déclarèrent cette guerre qui aboutit à la délivrance de l'Egypte,
après un siècle et demi de lutte.
Telle est, en quelques mots, Tidée que le père de Cara s'est formée des
Hyksos et de leur domination. Chacun des menus détails en est traité
avec amour, et donne lieu à des dissertations approfondies, sur le culte du
dieu Soutekhou, sur l'emplacement d'Avaris et son identification avec
Péluse, sur la stèle de l'an 400 et sur la valeur qu'on doit prêter à la date
extraordinaire qu'elle renferme, sur le récit du Papyrus Sallier n° I et
sur le plus ou moins d'authenticité qu'il présente. Dans son ardeur à tout
recueillir et à faire arme de tout, le père de Cara s'est laissé entraîner à
commettre quelques erreurs de fait. La lecture Râ-ââ-ab-toui du car-
touche prénom d'Apophi est une erreur de Mariette, qu'il corrigea lui-
même plus tard : le nom se lit Aqnounrî, ou, si cette façon de
le vocaliser scandalise par trop le lecteur, Râ-âa-qenen. C'est le pendant
d'un cartouche prénom que portent plusieurs princes thébains contem-
porains, Soqnounrî, ou Râ-sqenen. De même, il est exagéré dédire que
le cartouche nom d'un roi pasteur ne renferme jamais le nom de Râ.
En fait, le nom d'Apophi au Papyrus Sallier 71° I se lit Kk-Apophi^ et
celui du roi dont Naville a découvert la statue à Bubastis, lanrx écrit
Râ-iAN. Je dois avouer également que le caractère romanesque du Papy-
rus Sallier, n° I, me paraît aussi fermement établi que jamais. Les détails
qu'on y lit, malgré les lacunes, sur les hippopotames qui habitent le lac
de Thèbes et qui empêchent le roi Pasteur de dormir dans Avaris, ne me
paraissent pas indiquer un récit historique suffisamment vraisemblable. Le
père de Cara les écarte parce qu'ils se trouvent dans les parties les plus
mutilées du texte : ils sont certains pourtant, comme un examen répété
du fac-similé, des photographies et du papyrus, même par plusieurs égyp-
tologues, le prouve. Lorsqu'on a devant soi un document en lambeaux,
on est toujours libre d'en récuser l'autorité; mais si on admet, malgré
les lacunes, le témoignage d'une partie des fragments, il faut admettre au
même titre le témoignage de l'autre partie. Je continue, pour ma part,
à croire que Goodwin avait raison de penser que le Papyrus Sallier
n'^ I est dénué de caractère historique : je le considère comme un
conte écrit vers la fin de la XVII I^ dynastie. Il peut nous aider à com-
prendre ce que les Egyptiens pensaient des Hyksos longtemps après l'évé-
nement ; mais nous n'avons pour le moment aucun moyen de déterminer
jusqu'à quel point le roman populaire était conforme à la réalité.
Je suis porté à croire aussi que le père de Cara est allé un peu loin
468 REVUE CRITIQUE
en déclarant que Mane'thon avait accusé à tort les Hyksos de barbarie,
dans les premiers temps qui suivirent leur conquête de l'Egypte. D'abord
quel est l'état de la question? Nous avons un témoignage positif, celui
de Manéthon, puis quelque chose que je ne puis définir un témoignage,
bien que le père de Gara s'en serve fort habilement pour combattre
Manéthon. Mariette a découvert que les rois Hyksos ont respecté les
temples de Tanis, et que plusieurs d'entre eux ont ou bien élevé ou bien
usurpé des monuments, preuve qu'ils n'étaient pas si barbares qu'on le
disait : le père de Gara en conclut qu'ils n'étaient pas barbares du tout
et que Manéthon, en les chargeant, s'est laissé entraîner par un préjugé
de haine nationale. L'argument tiré des monuments n'a point de valeur
en l'espèce, Manéthon disait que les premiers Hyksos avaient mis le
feu aux villes et renversé les temples des dieux, tué ou asservi les habi-
tants. On avouera, je l'espère, que la présence d'une demi douzaine de
monuments des Hyksos en Egypte ne saurait, à un degré quelconque,
prouver que les Hyksos ne brûlèrent pas des villes ou ne massacrèrent
pas des fellahs : elle ne prouve même pas qu'ils respectèrent les temples.
Il est certain que les barbares saccagèrent Rome plus d'une fois, depuis
la mort de Théodose jusqu'au xvi« siècle: Dieu sait pourtant si, malgré
tout, il reste à Rome beaucoup de monuments antiques ou qui remon-
tent aux premiers siècles du moyen âge. En appliquant à l'histoire
de Rome la même rigueur de déduction que le père de Gara applique à
l'histoire d'Egypte, on aurait beau jeu à prouver par le Colysée ou la
colonne de Phocas, ou le Marc-Aurèle du Capitole, que les récits des
chroniqueurs sur les ravages et la cruauté des barbares sont de pure inven-
tion, et que les Vandales ou les Normands ou les soldats des armées alle-
mandes ont été calomniés. Je crois, quant à moi, qu'en l'absence de
documents contemporains, le mieux est de suspendre son jugement, ou
d'admettre le témoignage de l'homme qui travaillait, comme Manéthon,
sur des documents que nous n'avons plus, si son récit ne contient rien
de contraire à la vraisemblance. Après tout, ce que Manéthon raconte des
Hyksos, entre le moment où ils envahirent l'Egypte et celui où ils accla-
mèrent Salatis roi, n'a rien d'invraisemblable : piller, brûler, tuer,
étaient péchés communs dans les invasions antiques, et aussi, je le crains,
dans les modernes.
En résumé, l'ouvrage est bien conduit, et l'examen minutieux auquel
le père de Gara a soumis les monuments a dissipé plus d'une erreur.
Il y avait un certain courage à prendre, pour sujet d'un premier mémoire
en égyptologie, un sujet aussi obscur que l'est l'histoire des Hyksos : le
père de Gara s'est tiré à son honneur de cette entreprise hardie, et son
ouvrage reste encore, malgré tout, le plus solide de ceux qu'on a écrits
sur le même sujet.
G. Maspero.
d'histoire et de littérature 469
567. — Hans GoTSCHER. Dîe Attisclien GE'absclirîften chronologisch geordiiet,
erlaeutert und mit Uebersetzupgen begleitet. Leoben, 1890. Gr. in-S, 4? p.
Le sujet de ce travail a été traité en même temps, bien qu'avec moins
de détails, par M. Loch (cf. Rev. crit.^ 1890, II, p. 23); il n'est pas sur-
prenant que les deux auteurs, opérant sur des matériaux identiques,
soient arrivés aux mêmes résultats. M. Gutscher, qui ne destine pas le
sien aux seuls philologues de profession, a cité très peu d'inscriptions
dans le texte original, mais il a donné des traductions métriques de toutes
les épitaphes versifiées; ces traductions sont souvent assez élégantes. La
masse des épitaphes attiques a été répartie par lui en quatre sections :
l'époque archaïque, le V siècle, le iv^, le 111° et le 11^, l'époque romaine;
les épitaphes chrétiennes, étudiées autrefois par M. Bayet dans une thèse
latine,sont restées en dehors de son cadre. Dans chaque série, M. G. signale
les formules, les idées nouvelles qui se font jour, les particularités rela-
tives à l'indication de l'ethnique, du démotique, etc. Le développement
parallèle de l'art plastique dans les stèles funéraires et de l'art poétique
dans les épigrammes lui a suggéré quelques bonnes observations. Son
travail est mieux qu'une sèche statistique et intéresse l'histoire des
mœurs non moins que l'épigraphie. Nous somiTies d'autant plus heureux
de lui en faire compliment qu'il l'a rédigé dans des conditions bien peu
favorables: M. Gutscher est professeur au gymnase de Leoben.
S. R.
568. — Hand-Coinmentai* zum IVeuen Testament^ bearbeîtet von
Holtzmann, Lipsius, etc. Dritter Band, zweite Abtheilung. Hebreeerbrief, Briefe
des Petrus, Jacobus, Judas. Bearbeitet yon H. v. Soden. Freiburg i. B., J, G. B.
Mohr, 1890. In-8, viii-182 p.
La Revue critique (n*» du 6 janvier 1890) a signalé le premier volume
de cette publication et les qualités qui la recommandent à l'attention
des exégètes. Le commentaire des cinq Epîtres qui sont étudiées dans le
présent fascicule est substantiel, concis, littéral. Celui de PEpître aux
Hébreux et de la première Épître de Pierre a été particulièrement
soigné, à cause de l'importance plus considérable de ces écrits, M. v.
Soden a pris pour base de ses explications le texte grec dans l'édition de
Tischendorf -v. Gebhardt. Les discussions exégétiques sont générale-
ment conduites avec beaucoup d'érudition et de sagacité. Les introduc-
tions présentent, sous une forme abrégée, tous les renseignements géné-
raux concernant l'histoire, Torigine et le contenu de chacune des Épîtres,
En ce qui concerne l'origine, M. v. Soden procède sans aucun parti
pris favorable ou défavorable aux opinions traditionelles; il ne perd pas
le temps en discussions inutiles ; ses conclusions s'appuient sur une
étude approfondie des textes et de leurs rapports avec l'histoire priini-
tive du christianisme. Justice étant rendue à la méthode, il convient
d'ajouter que toutes les opinions soutenues par l'auteur ne sont pas de
470 REVUE CRITIQUE
valeur égale, ni élevées au-dessus de toute contestation. Par exemple,
les arguments allégués pour démontrer que les destinataires de l'Épître
aux Hébreux n'étaient pas des Juifs convertis, mais des chrétiens sortis
delà gentilité, méritent pour le moins d'être pris en considération; au
contraire, l'attribution de la première Epître de Pierre, censée écrite
sous Domitien, à Sylvanus (d'après I Petr. v, 12), n'est qu'une conjec-
ture assez singulière et peu vraisemblable. Puisque M. v. Soden n'a pas
cru devoir s'en rapporter à la suscription de la lettre, il aurait agi, ce
semble, avec prudence, en ne mettant en avant aucun nom propre,
comme il a fait avec raison pour l'Epître aux Hébreux.
A. LoisY.
569. — JLe Juif de l'iilstoîre et le Juif de la légende, par Isidore Lœb, Paris,
Léopold Cerf, 1890, in-12, 54 p.
M. Isidore Lœb n'est pas seulement un Israélite des plus érudits; c'est
un vrai savant, qui sait distinguer entre l'essentiel et le secondaire, qui
sait choisir ses sources et ses renseignements. C'est, d'autre part, un
écrivain qui manie sa langue avec souplesse. C'est pourquoi un sujet,
qui risquait de prêter à la déclamation, est devenu sous sa plume une
occasion toute naturelle de grouper un petit nombre de données préci-
ses, desquelles se dégage une lumineuse conclusion, à savoir que le
Juif a beaucoup souffert, que, sauf ses rudes épreuves, on lui prête
dans les siècles passés un rôle qu'il n'a jamais eu et qu'il ne demande
aujourd'hui qu'à remplir ses obligations de citoyen en jouissant de la
protection que l'Etat lui promet en retour. J'ai été particulièrement aise
de voir M. L. établir d'une façon très nette que les Juifs ont été essen-
tiellement agriculteurs jusqu'aux environs de l'ère chrétienne, et qu'ils
ne sont devenus commerçants qu'à leur corps défendant : la Bible, qui
prêche la justice et l'égalité, qui s'attaque constamment aux riches, est
un livre d'agriculteurs. « L'histoire des persécutions subies par les Juifs
est une honte pour l'humanité, a bien raison de dire M. L., et qui
doit rendre modestes ceux qui parlent de civilisation, de progrès, de
morale et de charité. « Et ailleurs : « La moitié de la Bible hébraïque
est consacrée à défendre contre le riche les intérêts des pauvres et des
humbles. » La brochure de M. Lœb ne pouvait être écrite que par un
homme connaissant à fond le passé et le présent du judaïsme ; elle con-
tient plus de vérités et d'indications positives que maint gros volume.
M. Vernes,
370. — Woldemar Lippert. Des Rltterordens von Santiago Xlieetigkeit
rûr das faeilige l.and. Brochure in-8, 45 pages. Innsbrûck, Wagner, 1890. !||
M. Lippert a trouvé aux archives de Vienne une série de pièces tou-
chant l'ordre militaire de Santiago et provenant des anciennes archives
d'histoire et de littérature 471
du chapitre de Salzbourg. Ces documents montrent qu'au milieu du
xiri^ siècle les chevaliers de cet ordre ne se contentaient pas de frapper
en Espagne, à l'instar de leurs rivaux, les chevaliers d'Alcantara et de
Calatrava, de grands coups d'épée contre les Musulmans ; avec la per-
mission du Souverain -Pontife, ils envoyaient des délégués, chargés de
recueillir des dons pour la Terre-Sainte, dans les pays les plus éloignés,
en Allemagne, en Danemark, en Suède, en Hongrie, en Pologne. Ces
frères quêteurs n'étaient pas toujours bien reçus des populations et le
pape dut écrire qu'on les traitât avec égard et qu'on leur rendît facile
leur tâche. De semblables quêtes eurent lieu sous le pontificat d'Alexan-
dre IV (1254-1261), de Clément IV (1265-1268), et de Grégoire X
(1271-1276J. Probablement elles cessèrent tout à fait, quand au concile
de Lyon, en 1274, les évêques et les abbés eurent promis de renoncer,
8 pendant six ans, en faveur des chrétiens de Palestine, à la dîme de tous
leurs revenus.
Ces faits étaient inconnus et il faut savoir gré à M. Lippert de les
avoir mis en lumière. Sa brochure est un extrait du tome X des Mit-
tkeilungen des Instituts fur œsterreichische Geschichtsforschimg.
Ch. Pfister.
571. - Griechisclie Volkslîeder in deutscher Nachbildung von Gustav Meyer.
Stuttgart, 1890, in-i2, io3 p.
En feuilletant l'élégant petit volume de l'éminent helléniste de PUni-
versité de Graz, on est tenté au premier abord de croire à une mystifica-
tion dans le genre du Mirza-Schaffy de F. Bodenstedt, tant ces jolis
vers sentent peu la traduction et même l'adaptation, tant ils ont une
couleur allemande, souvent heinesque, tant ce sont de vrais Lieder.
En lisant la Préface et en se reportant à la table des matières, où les
textes originaux sont indiqués, on finit par se convaincre que ces char-
mants poèmes sont traduits du grec et qu'ils le sont même avec fidélité.
La traduction la plus fidèle n'est-ce pas celle qui donne au lecteur
l'illusion de sa propre poésie, de sa langue nationale? S'adressant à un
public allemand, M. G. Meyer s'est proposé le V olksl ie d ^ouv modèle
(p. 7). Le but est atteint, à s'y méprendre.
Cet aimable recueil contient des chansons provenant^ les unes de la
Grèce proprement dite, les autres de PApulie et de la Calabre, où le
grec se parle encore. Ce sont toutes des chansons d'amour, tristes ou
joyeuses, mélancoliques, ou parfois, badines. L'accent en est toujours
pénétré et pénétrant. Ceux qui aiment la poésie populaire grecque
liront ce livre avec plaisir. Ce n'est pas seulement Pœuvre d'un savant ;
il y a là les vers d'un poète.
Jean Psichari.
m
473 RKVUE CRITIQUE
byi. — Francisco l.opcz «lo villuiobo». Sur les contagieuses et maudites
bubas. Histoire etmcJecine. Traduction et Commentaire par le D"" E Lanquetin.
Paris, Masson, i8go. In-12, 162 pages.
L'œuvre de Villalobos, qui précéda de trente-deux ans le poème de
Fracastor sur la Syphilis, fut imprimée en 1498 à Salamanque, à la
suite d'un abrégé de la médecine d'après les Canons d'Avicenne, du
même auteur. Elle se compose de soixante-quatorze strophes ou tirades
de dix vers dodécasyllabiques : chaque tirade est formée de deux qiiin-
if//7a5 soigneusement rimées dans l'ordre AB A A B. M. L. l'a publiée
dans la « collection choisie des anciens syphiligraphes » d'après une
copie que lui avait envoyée de Madrid le docteur Montejo : il ne reste
que quatre exemplaires de l'édition princeps, et aucun n'est à Paris. Il
est à regretter que M. L. ait poussé la fidélité de la reproduction jus-
qu'à supprimer la ponctuation totalement absente dans Toriginal : 1|
lecteur lui saurait gré d'avoir facilité par l'emploi des points et des vir
gules l'intelligence d'un texte qui n'est pas toujours sans difficulté l
M. L. a joint à sa publication une traduction et un commentaire. De la
première nous dirons qu'elle est plus élégante que fidèle : non qu'elle
renferme aucune inexactitude scientifique, mais elle ne serre pas d'assez
près et parfois il semble que le traducteur n'ait pas fait un mot à mot
rigoureux de certaines constructions obscures et embarrassées. Quant
au commentaire, il est de tout point intéressant, mais notre incompé
tence dans la matière ne nous permet pas d'en apprécier dûment la va-
leur 2. G. Strehly. j
f
bj3. — Lettres înédîtes de «lîvers savants de la fin du xvn* siècle et cil"
commencement du xviu' siècle publiées et annotées par Emile Gigas, de la
Bibliothèque royale de Copenhague. Publication faite sous les auspices de
fondation Carlsberg. Tome I. Choix de la correspondance de Pierre BaylPf
1670-1706. Copenhague, Gad. Paris, Firmin-Didot, 1890, in-8 de xvni-728 p. '
Après la mort de Bayle, sa famille forma le projet de publier une
partie de la correspondance de l'éminent critique. On songea, pour
l'édition, à un certain Du Puy, « littérateur de profession sans être fojj
illustre dans ce métier ». Mais à la suite de circonstances inconnues^
l'idée fut abandonnée et les rnatériaux du recueil destiné à paraître sous
les auspices des héritiers de Bayle furent achetés par un amateur étran-
ger, le cornte Otto Thott (1703-1785), « ministre d'Etat danois et grar^d
1. Observons que des fautes d'impression s'y rencontrent çà et là: p. ex. copauera,
p. 80, lisez cZpaiïera ; ta queda, p. 81, lisez tan qiieda; prosigne, p. 84, lisez ;?ro5/-
gue ; ai^ogne, p. 85, 1. a^ogue, etc., etc.
2. Signalons toutefois une ou deux corrections : p. 33, Zûr corr. Zur; p. ii5,une
citation sans renvoi de quelques vers du Roman de la Rose : le premier me paraît
fautif: el sel, traduit par et si elle est plus que douteux ; p. 119, en ça ne veut pas
dire environ cf. Littré; p. i56, thériaque ne vient pas de 6r,p et à/do/j^xi, mais sim-
plement de Or,ptxy.yj,
d'histoire et de littérature 473
bibliophile, possesseur delà plus riche bibliothèque privée au xviiie siè-
cle. » Le collectionneur étant mort, la correspondance de Bayle passa
dans la Bibliothèque royale de Copenhague où elle remplit deux gros
volumes in-40. Ces volumes composés d'environ cinq cents lettres, les
unes du philosophe, les autres à lui adressées, sont la source — qui n'avait
encore été troublée par aucun chercheur — où M. E. Gigas a puisé son
Choix de la correspondance de Pierre Bayle^ première série d'un
recueil, qui servira, espère-t-il, « à jeter quelque lumière sur Phistoire
de la littérature de l'Europe » dans la dernière partie du règne de
Louis XIV.
Cette première série est formée : i» d'une Introduction dont je viens
de citer quelques lignes i; 2° de vingt-quatre lettres de Bayle écrites
depuis son extrême jeunesse (à l'âge de 2 3 ans) jusqu'à la veille de sa
mort ; 3° de cent soixante-seize lettres de divers personnages, ses pa-
rents, amis, confrères, etc., les uns porteurs de noms illustres, Nicolas
Malebranche, Denis Papin, Charles Perrault, les autres moins célèbres,
mais recommandables à divers égards, tels que Jacques Abbadie, Ame-
lot de la Houssaye, Charles Ancillon, Jean Anisson, Adrien Baillet,
Basnage de Beauval, Jacob Bayle, Beausobre, François Bernier, Char-
les Drelincourt, l'abbé Dubos, Jacques du Rondel, Daniel de Larroque,
Jean Le Clerc, Jacques Lenfani, Michel Le Vassor, Vincent Minutoli,
Claude Nicaise 2, Jean Rou, Jean-Baptiste Santeuil, Frédéric Spanheim,
Jacques Spon, François Turettini 3; 40 ^e notes biographiques, biblio-
graphiques, géographiques, etc.. qui remplissent près de cent pages
imprimées en menus caractères; 5° d'un index des noms.
L.' Introduction est fort intéressante, M. G. a eu le bon esprit d'y
mettre quelques extraits de lettres qui ne lui paraissaient point mériter
d'être publiées complètement. Il mêle ainsi le piquant de l'inédit à ses
judicieuses appréciations de Bayle et des principales œuvres de cet écri-
vain (son Journal critique et son Dictionnaire), à ses appréciations
aussi des plus notables correspondants de son héros, le philologue Jac-
ques du Rondel, « qui était peut-être l'admirateur le plus passionné du
génie de Bayle», le théologien genevois Vincent Minutoli, ami de jeunesse
du grand sceptique, Jacob Bayle, ministre au Caria, son frère aîné *.
1 . A la suite de V Introduction on remarque un Tableau généalogique de la famille
de Bayle.
2. Déjà diverses lettres de Bayle à ce facteur du Parnasse avaient paru dans le
recueil de M. Caillemer (Lettres de divers savants à l'abbé Nicaise, Lyon, i885,
grand in-8oj, recueil dont j'ai eu l'honneur de rendre compte ici.
3. Plusieurs lettres de Bayle se trouvent dans les Lettres inédites adressées à J. A.
Turretini, dont l'édition est due aux soins de M. de Budé (Genève et Paris, 3 vol.
in- 12) et dont je me suis encore occupé ici.
4. Parmi les plus curieux extraits donnés par M. G., on remarquera (p. xxv-
xxvi), divers passages des lettres adressées à Bayle par Gregorio Leti, personnage
que l'éditeur exécute prestement en ces termes : « Cet italien, d'une honnêteté assez
douteuse et expulsé de pays en pays, entêté de sa propre grandeur et battant tou-
474 REVUE CRITIQUE
Les lettres de Bayle à son père, à ses frères, à quelques-uns de ses
meilleurs amis, font très avantageusement connaître son caractère et
fournissent des détails nouveaux sur quelques circonstances de sa vie.
Là, comme dans la seconde partie du recueil, Bayle nous apparaît doué
des plus aimables et des plus précieuses qualités, et tout le bien que ses
biographes ont jamais dit de lui est confirmé et même dépassé par les
témoignages de sa correspondance. A ces renseignements sur l'homme
et sur l'auteur, se joignent divers renseignements dont profitera Fhis-
toire littéraire générale, notamment en ce qui regarde (p. io6) le ma-
nuscrit des Vies des poètes français par Guillaume CoUetet dont Char-
les Perrault songeait à entreprendre la publication (lettre du 29 août
1691).
Dans les pages écrites par les correspondants de Bayle, règne la plus
grande variété. La plupart de ces correspondants envoyaient au roi du
journalisme du xvii* siècle toute sorte de nouvelles : les unes venant de
Paris et de la province, les autres de Berlin, de Genève, de Londres,
etc. Evénements, hommes, livres, tout passe devant nos yeux. Telles
lettres sont graves, telles autres enjouées. Ici s'étend la dissertation,
plus loin pétille l'anecdote. C'est un pèle-méle charmant. L'Allemagne,
l'Angleterre, la Suisse, la Hollande, la France, y revivent tour à tour.
Théologiens, romanciers philosophes, poètes, érudits, beaux esprits,
bas-bleus ', se disputent notre attention. C'est principalement dans les
lettres de l'abbé Nicaise « épistolographe par excellence et chronique
littéraire vivante du temps », et encore plus dans les lettres de l'abbé
J.-B. Dubos, écrites avec une verve si amusante, qu'abondent les nou-^
velles de la cour, de la ville, de l'Académie. Les grands noms de Boi-
leau, de Bossuet, de Corneille, de La Fontaine, de Racine brillent en
la seconde partie du volume à côté des noms d'Antoine Arnauld, de
Balzac, de Barbin, de Bouhours, deBurnet, de Bussy Rabutin, de Cati-
nat, de Claude, de Cuper, de Dacier, du P. Daniel, de Tabbé Faydit,
de Gassendi, de Grotius , du P. Hardouin, de Tarchevêque F. de
Harlay, de l'évèque Huet, de Jurieu, de l'abbé de La Chambre, de Ma-
thieu et Daniel de Larroque, de Longepierre, de Louis Maimbourg, de
Ménage, de Mézeray, de Nicole, d'Eusèbe Renaudot, de Saint Evre-
mond, de St-Réal, de Spanheim, de Thévenot, etc.
Les notes som aussi excellentes que nombreuses. Comme dans Vintro-
duction, M. G. y a mêlé beaucoup d'extraits des lettres écrites à Bayle
qui n'avaient pas trouvé place dans le recueil, de sorte que le commen-
taire est aussi un supplément. Ce commentaire, fait avec autant de soin
jours la grosse caisse pour ses nombreuses productions, importunait le rédacteur
des Nouvelles de la République des lettres de ses protestations d'amitié intéressées,
mélange d'adulation et de susceptibilité, dont le style rappelle le charlatan. »
i. Signalons les passages relatifs à Mme Dacier, à Mme Deshoulières, surtout à M"«
de La Force dont les aventures furent si extraordinaires. L'Index des noms fournit
toute les références désirables pour suivre la trace de ces dames.
d'histoire et de littérature 475
que de savoir, et où sont condensées des recherches infinies, nîérite des
éloges sans réserve '.
Que M. Gigas, encouragé par le succès qu'obtiendra certainement,
auprès de tous les lettrés de l'Europe, le premier volume de la corres-
pondance inédite de divers savants, continue son grand travail aussi
bien qu'il l'a commencé, et il aura pour toujours attaché son nom à
une des plus curieuses et des plus importantes publications de notre
temps. T. DE L.
574. — Karl Lentzner. Zur Shakespeare t= Bacon = Xheorïe. Halle, Nie-
meyer, 1890, in-8, viii, 48 pages.
La question de l'authenticité des drames de Shakespeare ne cesse pas
d'occuper l'attention de l'autre côté des Vosges, comme en Angleterre et
en Amérique; la Revue critique a rendu compte dernièrement de la
brochure que M. Schipper lui a consacrée l'année dernière, en voici une
que M . Karl Lentzner lui consacre à son tour, mais en la traitant d'une
manière un peu différente. M, Schipper s'était surtout attaqué à l'ou-
vrage fantaisiste d'Ign. Donnelly, publié en 1886, son émule reprend la
question de plus haut et dès son origine.
C'est en i856 qu'elle a été véritablement soulevée. Huit ans aupara-
vant, l'américain Hart avait déjà mis en doute — presque en passant,
il est vrai — que Shakespeare fût véritablement l'auteur des drames mis
sous son nom, mais ce fut seulement en i856 que l'Anglais Henry
Smith contesta au grand poète la paternité de ses œuvres. Depuis lors,
les contradicteurs ne se comptent plus; M. K. L. en cite trois en parti-
culier. Miss Délia Bacon, le juge Nathaniel Holmes et Ign. Donnelly,
tous originaires d'Amérique. A l'exception de Miss Bacon, qui a cru
trouver dans la profondeur philosophique des drames shakespeariens la
preuve qu'ils sont, non du célèbre auteur, mais de Bacon, — découverte
qui n'a pas empêché son trop ingénieux auteur de tomber dans la folie,
I. Je dis sans réserve, parce que les observations que je pourrais présenter se-
raient insignifiantes. Il y aurait du mauvais goût à reprocher quelques incorrections
à un étranger qui se sert de notre langue {dubieuse pour douteuse, s'acclimatisa
pour s'acclimata, alludent pour/ort/ allusion, etc.). Quelques-unes des mille indica-
tions bibliographiques ne sont pas assez précises, celle-ci, par exemple (p. 628) :
« Il existe un grand ouvrage en beaucoup de volumes touchant son procès [le procès
de Foucquet]. » Pourquoi ne pas citer le titre même du recueil avec la date de la
publication et le nombre des volumes (quinze, si je ne me trompe) ? On lit (p. 63o) :
« Philippe de Cospean ou Caspean. » Ni l'un ni l'autre. L'évêque d'Aix, de Nantes
et de Lisieux s'appelait en réalité Philippe Cospeau. C'est par une faute d'impres-
sion facile à commettre que ïu final a été très souvent changé en n. — Le nom
écrit Larbons (p. 647) — oublié à YIndcx — doit être Larboust. L'éditeur, parlant
de la vie de Saumaise par Philibert de la Mare, conseiller au Parlement de Bourgo-
gne, dit (p, 708) : « Elle resta manuscrite, à ce qu'il semble, n Je puis certifier que
cette précieuse biographie est encore inédite, mais je puis ajouter que prochainement
elle sera publiée par un professeur de l'Université parmi les pièces justificatives
d'une thèse pour le doctorat es lettres sur Claude de Saumaise.
476 REVUB CRITIQUE
— les raisons invoquées contre les droits du poète de Stratford par tous
les partisans de Bacon sont à peu près les mêmes : l'ignorance prétendue
et l'éducation négligée de Shakespeare, la publication posthume des
drames qu'on lui attribue et la disparition de son nom sur ces drames
après sa mort. M. K. L. n'a pas eu de peine à réfuter des arguments
aussi frivoles; il montre que la légende de l'ignorance du grand poète
ne repose sur aucun fondement; comment oser dire, par exemple, que
l'auteur, à dix-neuf ans, du poème de Vénus et Adonis, ne connaissait
point l'antiquité et ne l'avait point étudiée. D'un autre côté, le témoi-
gnage unanime de ses contemporains depuis ses éditeurs jusqu'à Robert
Greene, Mères, Ben Jonson, ne peut laisser aucun doute sur son talent
dramatique. 11 nous apprend que le grand poète commença par rema-
nier d''anciennes pièces, avant de s'élever à ces conceptions sublimes
qui Pont immortalisé. Le témoignage des écrivains de la génération
suivante, celui de Milton, par exemple, n'est pas moins formel à cet
égard.
Trouve-t-on rien de pareil en faveur de Bacon? Son prétendu talent
poétique, la peur de se compromettre qui l'aurait poussé à faire jouer
ses drames sous un nom étranger, ne sont que des hypothèses ou de
ridicules rêveries. On ne s'expliquerait point que Bacon, si soucieux de
sa gloire littéraire, et qui passa les années de sa retraite forcée à revoir
et à publier ses œuvres philosophiques, eût laissé des mains étrangères
faire l'édition défectueuse et fautive, celle de 1623, des drames qu'on lui
attribue si gratuitement. On ne s'expliquerait pas davantage qu'il n'eût
point laissé un témoignage certain et précis, qui eût permis à la posté-
rité de lui restituer la paternité de tant de chefs-d'œuvre et de mettre
ainsi le sceau à sa gloire. Car, quant au cryptogramme découvert par
Ign.Donnelly, c'est l'invention d'un esprit mal fait ou malade, non une
preuve véritable en faveur du génie dramatique de Bacon. M. K. L.
invoque encore contre les partisans du philosophe d'autres raisons tirées
du caractère même et de la manière de penser de Bacon, ainsi que des
sentiments si puissamment exprimés dans les drames shakespeariens;
comme il le dit fort bien, ce n'est pas l'auteur des traités de la Beauté
et de V Amour , où la première est envisagée d'un point de vue si vul-
gaire, et où le second est traité avec un si froid dédain, qui a pu créer
les héroïnes de Shakespeare, peindre leurs passions avec tant de force,
ou exalter, comme il l'est dans ses sonnets, le sentiment de l'amour, que
Bacon regarde presque comme bas ou funeste. Il n'était point besoin
peut-être de raisons si nombreuses pour réfuter une thèse qui touche à
l'absurde, mais il faut reconnaître que M. Karl Lentzner a le mérite
de l'avoir combattue de la manière la plus victorieuse et la plus habile.
Ch. J.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 477
575. — Joseph Bertrand. Biaise Pascal. Paris, Calmann-Lévy, 1891, xiv-
399 p. in-8.
Un grand géomètre jugé par un grand géomètre; le croyant le plus
passionné qui fût jamais étudié par un aimable sceptique — tel est le
livre de M. Joseph Bertrand sur Pascal. Livre original, assurément, et
qui, après tant d'écrits sur le même sujet, présente des choses connues
sous un jour nouveau, en les éclairant de quelques autres que Sainte-
Beuve et Ernest Havet ont ignorées.
M. B. avertit, dans sa préface, qu'il n'est ni janséniste, ni jésuite : on
s'en aperçoit assez. Le caractère qui frappe tout d'abord, c'est l'indé-
pendance absolue de sa critique : sur tous les points en litige, il s'est
fait une opinion personnelle d'après les textes, négligeant même plus
que de raison (il paraît n'avoir pas lu, par exemple, l'excellente étude
de M. Droz) les conclusions ou les conjectures d'autrui. Les dix pages
de Jugements sur Pascal qu'il a insérés dans sa préface font l'effet d'un
placage ; ils sont du reste assez mal choisis '. Ailleurs, quand il parle
de Cousin et de Viliemain, c'est en général pour se moquer de leurs
grandes phrases. M. B. plaisante agréablement Cousin qui s'est pâmé
d'admiration devant les mots raccourci d'abîme, lus par lui dans le
manuscrit des Pensées : vérification faite, Pascal a écrit raccourci
d'atome, ce qui a du moins l'avantage d'avoir un sens. La mésaven-
ture du rhéteur est, en effet, piquante, et M. B. l'a finement racontée.
Les quatre chapitres qui composent ce livre sont d'une longueur
inégale; on est surpris de la petite place qu'occupent \es Pensées. Elles
tiennent 60 pages, tandis que les Provinciales en ont i56 et la biogra-
phie de Pascal 122; le reste, soit 34 pages, concerne Pascal physicien
et géomètre. Ces chiffres marquent la préférence de l'auteur pour les
Petites Lettres, mais on verra qu'il ne les admire pas sans réserves.
M. J. B. ne veut point être dupe; le culte qu'il professe pour Pascal
ne l'aveugle pas. Dans des circonstances graves, à plusieurs reprises,
Pascal a manqué de franchise et de justice. Après la mort de son père,
il désire garder la part de Jacqueline en lui servant une rente viagère.
Jacqueline est consentante, mais un acte unique conclu dans ce sens
serait l'équivalent d'un prêt à intérêt, contraire à la maxime fameuse :
Mutuum date nihil sperantes. On tourne la difficulté au moyen de deux
donations successives, en apparence indépendantes l'une de l'autre, dont
le texte a été retrouvé par M. Barroux. Biaise assure à sa sœur une
rente de sept cents livres « pour le bon amour que ledit sieur donateur a
dit porter à ladite demoiselle ». Jacqueline fait à Biaise un don de huit
mille livres « pour la bonne amitié, etc. » M. B. trouve que Pascal
avait oublié cet artifice quand, cinq ans plus tard, il écrivit la huitième
Provinciale, et il ajoute (p. jj) : « Les donations mutuelles de Pascal
1. On cherche en vain Désiré Nisard et Louise Ackermann à côté de Daunou et de
Bordas Dumoulin.
4^8 REVUE CRITIQUE
et de sa sœur seraient, dans leur ensemble, parfaitement équitables, si
diverses clauses, en rendant illusoires et fictifs les avantages accordés à
Jacqueline, ne leur donnaient un caractère véritablement léonin. »
Dans la querelle entre Pascal et Descartes, M. B. moatre ingénieu-
sement que Pun et l'autre ont pu, sans mentir, altérer la vérité comme
ils Pont fait; mais il blâme sévèrement la conduite de Pascal envers
rhorloger de Rouen, dans Tafïaire de la machine à calculer, envers le
jésuite Lalouèreet Torricelli, dans celle de la cycloïde. « Pascal, dans la
polémique, est dur et querelleur » (p. 1 1 5). — « Pascal a deux poids et
deux mesures » (p. 178). Citant (p. SgS) quelques fragments obscurs
des Pensées : « Les éditeurs, dit M. B., ont conservé ce fatras. » Il ne
suffit pas qu'une ligne soit de Pascal pour que M. B. y trouve des beau-
tés sublimes; là où d'autres en découvrent à foison, comme dans le
Discours sur les passions de l'amour, il est disposé à voir la main d'un
imitateur et à suspecter l'authenticité du morceau. C'est peut-être
pousser loin le scepticisme, mais c'est prouver aussi l'indépendance
de son jugement. « Je n'ai pas assez d'esprit, écrit M. B,, pour tout
admirer dans Pascal » (p. 3). Il en a pourtant beaucoup.
Le long chapitre sur les Provinciales a paru d'abord dans la Revue
des Deux Mondes, où il a fait quelque bruit. Ms^ d'Hulst y répondit
dans le Correspondant avec plus d'érudition que de bonne grâce;
M. Brunetière, sans prétendre au rôle d'arbitre, prit Poccasion de cette
controverse pour publier, dans la Revue bleue, un des meilleurs articles
qu'on ait jamais écrits sur Pascal. La thèse de M . Bertrand n'est pas nou-
velle, mais il l'a très habilement présentée. Pascal est injuste en attri-
buant aux jésuites une casuistique dont ils n'avaient pas le monopole;
il n'a pas compris que la casuistique est une conséquence nécessaire de la
confession et que ses attaques, si elles atteignaient la première, devaient
mettre en cause l'institution de la seconde. '( Ceux qui font la guerre
aux casuistes la déclarent à la confession » (p. 219). Enfin — et c'est là
un point que M. B. a fort heureusement mis en lumière — Pascal com-
fond évidemment, dans l'ardeur de sa polémique, le péché non mortel
avec l'acte permis ou méritoire (p. 256). Précisément parce qu'il n'est
ni jésuite ni janséniste, M. B. reconnaît que les jansénistes ont porté des
coups déloyaux aux jésuites et qu'à prendre le mot dans son acception
moderne, il y a eu jésuitisme des deux côtés. M. B. conclut par cette
phrase singulière, la seule qui soit mal écrite dans son livre et que l'auteur
des Etudes sur les Tragiques grecs aurait pu lui envier (p. 281) :
« Comment l'imprudent qui, sans être un ami des adversaires de Pascal,
oserait, pour rester impartial, reprochera l'auteur des Provmcza/e^ une
faute aussi grave contre la justice, serait-il traité par les admirateurs de
toute ligne tombée de sa plume ? »
En ce qui touche les Pensées, M. B. n'admet pas le pyrrhonisme de
Pascal, si énergiquement affirmé par Ernest Havet. « Pascal, dit-il, est
un croyant; jamais, sur les questions de foi, le doute n'a effleuré son
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 47g
âme; mais, en dehors des vérités éternelles, rien ne l'intéresse, ou plu-
tôt, rien ne lui semble digne d'intérêt... Il s'aperçoit qu'aucune des
vérités énumérées par Havet n'est démontrable, mais de l'esprit il fait
appel au cœur, c'est-à-dire à l'intuition, et les croit plus certaines que la
géométrie. » (p. 384-385). Pas plus que Havet, du reste, M. B. ne
donne son assentiment ; « Les honnêtes gens sont innombrables qui,
même après avoir admiré votre livre, ne parient pas et vivent heureux,
résignés, sans remords, au mépris de Pascal pour leur folie... Un scep-
tique peut se dire : j'ai cultivé chez moi l'esprit géométrique et l'esprit
de finesse; on ne dit pas que ce soit sans succès (le sceptique se désigne
ici assez clairement)... J'ai acquis le droit, sans aucun reproche de
conscience, de me résigner aux ténèbres. »
Il y a trois graves lacunes dans cet ouvrage, dont ni les qualités ni
les défauts ne sont médiocres. D'abord, M. B. oublie le rôle de Pascal
dans la querelle des anciens et des modernes : l'importance de
l'écrit que Bossut a intitulé « De l'autorité en matière de philoso'
phie » lui échappe complètement. La seconde lacune est plus surpre-
nante encore. M. B. admire, dans Pascal, le grand écrivain, mais il n'a
pas cherché à préciser les motifs de son admiration. Nous apprenons de
lui ce que la géométrie et la physique doivent à Pascal, mais non pas ce
que lui doit la prose française. Il ne suffit point de dire que les Provin-
ciales sont écrites avec génie ; il faut montrer pourquoi, et comment
le génie de l'écrivain y ajoute à celui de la langue. La comparaison
s'impose entre Pascal et les autres jansénistes, dont le style, dans ce
qu'il a de meilleur, n'est que celui de leur temps; elle n'a même pas été
esquissée par M. Bertrand. C'est dommage, car on eût aimé entendre
là-dessus l'opinion d'un homme qui joint l'esprit de finesse à l'esprit
géométrique. La troisième lacune concerne les sources de Pascal. Ces
sources^ pour le livre des Pensées, sont peu nombreuses : M. Molinier
a dit l'essentiel à ce sujet dans la préface de son édition critique,
dont M. B. n'a pas fait une fois mention. Montaigne, Charron, la Bible,
le Pugio fidei^ sont les arsenaux où Pascal a pris ses armes : M. B.
n'en a pas soufflé mot. Sur ce point, on peut dire que son livre est en
retard de deux siècles, car Bayle déjà, dans son Dictionnaire^ cite le
passage d'Arnobe auquel Pascal, qui pouvait le connaître de seconde
main, paraît avoir emprunté l'idée du pari. Cette question des secours
des Pensées est d'autant plus importante que les phrases d'où l'on a
conclu au pyrrhonisme de Pascal sont presque toutes des emprunts ^.
M. Bertrand dira sans doute que son livre était déjà gros et qu'il a pu
être très bref sur les Pensées; mais fallait-il donc rapporter in extenso,
I. Ce ne sont pas les seules. M. B. se moque de Pascal, qui, s'appropriant une con-
sultation de Port-Royal, considère que la virginité est « souhaitable aux pères et
aux mères pour leurs enfants, parce qu'ils ne la peuvent plus désirer pour eux ».
Cette idée, qui semble si plaisante à M. B. (p. 104), n'est-elle pas, sous une forme
un peu baroque, le commentaire du mot célèbre de saint Jérôme (epist. XVIII) ;
« Laudo nuptias, laudo conjugium, sed quia mihi virgities générant? n
480 REVUK CRITIQUE
d'après M""" Périer, des anecdotes aussi connues que suspectes sur la
jeunesse de Pascal? Si la géométrie est la science des proportions, on
conviendra que l'illustre géomètre, en écrivant ce livre, a péché un peu
contre la géométrie.
Salomon Reinach.
576. — Les églises protestantes de l'ancienne principauté de Montbéliard
pendant la Révolution et le pasteur Kilg, par Armand Lods. Paris, Fischbacher,
1891. In-8, 3o p.
M. Lods nous raconte d'abord la vie du pasteur Kilg, délégué à Ver-
sailles, en 1789, par les protestants des Quatre terres de la principauté
de Montbéliard (Blamont, Clémont, Héricourt, Châtelot), membre du
conseil général du Doubs en 1792, arrêté deux ans plus tard par le
représentant Lejeune, acquitté par le tribunal révolutionnaire et suc-
cessivement juge de paix de Blamont, membre du Directoire, président
de Padministration, et après avoir repris quelque temps son ministère
pastoral, conseiller de préfecture et sous-préfet de Baume-les Dames.
Puis il esquisse les destinées des églises protestantes de la principauté
de Montbéliard jusqu'au moment où elles furent réorganisées par le
Concordat. On trouvera dans cette dernière partie du travail de
M. Lods de curieux détails sur la situation des pasteurs (extrait des
mémoires de Charles Cuvier et lettre du Comité révolutionnaire du dis-
trict de Montbéliard à la commune d'Abbevillers).
C.
577. — La Question du latin et la Réforme profonde de l'Enseigne-
ment secondaire, par M. Guérin. Paris, librairie Léopold Cerf, i vol. in- 18,
328 pages. Prix : 3 fr. 5o.
Il serait trop long d'analyser ce livre chapitre par chapitre ; je me
contenterai seulement d'exposer quelques-unes des idées de l'auteur.
Gardons, dit M. Guérin, les langues latine et grecque à la base de l'en-
seignement secondaire, mais enseignons-les autrement qu'on ne l'a fait
jusqu'ici. Qu'on supprime les exercices grammaticaux, thèmes, vers,
discours, dissertations, et qu'on ne fasse que des versions écrites ou des
explications orales, La seule connaissance des déclinaisons et des conju-
gaisons, l'emploi de vocabulaires restreints à leur plus simple expres-
sion, voilà qui sera suffisant pour apprendre à fond les deux langues les
plus savantes et les plus compliquées du monde ancien. Remarquez
que M. G. ne plaisante pas. On arrivera par cette méthode à lire cou-
ramment, à expliquer « non par bribes, mais par masse » Homère,
Platon, Virgile, Horace, Tite-Live, et comme il n'est pas plus difficile
d'apprendre à la fois plusieurs langues de la même famille que d'en
apprendre une seule, les écoliers, guidés par des maîtres qui naturelle-
i
d'histoire et de littérature 481
ment doivent savoir avec le latin, Tiialien et l'espagnol, en un mot
toutes les langues néo-latines, deviendront, eux aussi, des polyglottes
aussi étonnants que Pic de la Mirandole, sans compter que le grec
ancien leur servira à parler le grec moderne, car « on va naturellement
de l'un à l'autre. » Pour des élèves ainsi préparés, il va sans dire que
l'anglais et l'allemand ne seront qu'un amusement, en sorte que, dès
l'âge de seize ans, dans un espace de temps qui ne dépassera pas celui des
programmes actuels, ils connaîtront sept langues, dont six vivantes. A
seize ans cet enseignement général sera terminé, après quoi les élèves
passeront à l'enseignement spécial ou professionnel^ c'est-à-dire que les
uns suivront les cours de médecine, les autres les cours de droit, que
ceux-ci se prépareront aux écoles normales, ceux-là aux écoles militai-
res. A vingt et un ans, ils seront ce qu'on appelle des hommes, et qui
plus est, des savants auxquels on n'aura plus guère à apprendre. Voilà
qui est simplement mirifique. Mais M. G. ignorerait-il que sa méthode
a été, à peu de chose près, depuis quelques années, appliquée à l'ensei-
gnement du grec et du latin ? Les résultats, tout le monde le sait, en
sont lamentables. Un élève de troisième, je parle par expérience, n'est
pas toujours capable d'expliquer un texte latin aussi couramment que le
faisait il y a vingt ans un élève de sixième. Quant au grec, depuis qu'on
en commence l'étude en quatrième ou à la fin de la cinquième, depuis
que le professeur explique, commente la grammaire, sans la faire
apprendre par cœur, comme le veut M. G., il n'est pas rare de trouver
même en rhétorique des élèves qui en ignorent les principes les plus
élémentaires, j'allais dire, qui savent à peine le lire. Et dans la même
classe, en dépit de cet enseignement de la métrique qui a remplacé les
exercices de vers latins, combien y en a-t-il qui connaissent bien la struc-
ture d'un hexamètre, qui en goûtent la cadence et l'harmonie ? Je ne
doute pas que M. G. ne soit de bonne foi, car on sent réellement dans
son livre une forte conviction, mais j'ai peur qu'à son insu il n'obéisse
pas à d'autre mot d'ordre que celui-ci : « Ne laissons rien debout de
tout ce que nos prédécesseurs ont élevé. » Et comme il est très facile de
démolir, on démolit avec rage, sans se préoccuper aucunement de réédi-
fier, ou bien, ainsi que M. G., on bâtit dans les nuages je ne sais quoi
qui ne repose sur aucun fondement. Les réformateurs feignent d'oublier,
quelques-uns ignorent complètement que nos plus grands écrivains,
ceux qui font la gloire de la France, ceux qui font l'admiration du
monde entier, ont été d'excellents latinistes, et que cela ne les a pas
empêchés d'écrire des chefs-d'œuvre en français 1. Qu'on parcoure les
annales des concours généraux : on verra que les exercices latins « ces
I. Lorsque le discours latin céda au grand concours la place au discours français,
j'ai entendu un personnage politique, qui présidait dans un lycée de province une
distribution de prix, dire aux élèves avec ce ton, avec cet air, que donne une belle
ignorance : « Enfin, mes amis, maintenant que vous n'écrirez plus en latin, vous
saurez écrire en français. » L'orateur, il est presque superflu de le dire, n'avait pas
poussé ses classses au delà du De Viris,
482 REVUE CRITIQUE
pelés, ces galeux d'où vient tout le mal », n'ont pas nui aux Villemain,
aux Littré, aux Michelet, aux Cousin, aux Sainte-Beuve, auxTaine, et
à cent autres que je pourrais citer. Pour avoir eu au grand concours un
prix de dissertation latine, Alfred de Musset n'en a pas moins été le plus
français de nos poètes. La discipline, cela va de soi, n'a pas plus échappé
que nos bonnes et vieilles humanités à ce prurit d'innovations. On l'a
d'abord singulièrement adoucie, puis on l'a supprimée. Un moraliste
pénétrant a dit que les enfants étaient colères, envieux, menteurs, dissi-
mulés, qu'ils ne voulaient point souffrir le mal et aimaient à en faire :
appréciation d'un esprit chagrin ! C'était peut-être vrai jadis, mais
aujourd'hui tous les enfants sont des agneaux qui ne demandent qu'à
brouter dans les pâturages de la science, à condition que le berger n'ait
ni chiens, ni houlette. Donc pour toute sanction disciplinaire, il n'y
aura que de mauvaises notes et quelques mots de blâme : avec cela
M. G. est persuadé que tout professeur obtiendra de ses élèves a une
attitude silencieuse et respectueuse ». Du reste, ajoute-t-il, il ne doit
demander rien de plus, rien de moins. Que si par hasard il se rencon-
trait quelques têtes folles, quelques esprits rebelles pour qui le travail
n'eût aucun attrait, la responsabilité en retombera sur les parents : ce
sera la punition des fils et des pères.
M. G., dans les six derniers chapitres de cet ouvrage, trace ce qu'il
appelle l'esquisse de son programme développé de l'enseignement secon-
daire. Ce n'est pas assez que les enfants mènent de front sept langues,
il faudra que dès l'âge de dix ou douze ans, ils descendent dans les
profondeurs et les abîmes delà science, car dès lors ils sont capables de
voir clair dans les théories qui sont pour les savants eux-mêmes un
terrain de lutte, un vrai champ de bataille. Un maître spécialisé leur
fera l'histoire des différentes cosmogonies, rien que cela ; un autre leur
expliquera ce que c'est que la juonère, et comment dans ses évolutions
multiples, à travers des milliers de siècles, elle a produit les organismes
les plus compliqués ; après quoi, il ne sera pas dilTicile de leur démontrer
qu'ils ne sont que les descendants perfectionnés d'un groupe de singes
catarrhiniens. Comme on pourrait objecter à M. G., qu'il y a des singes
qui se balancent et se balanceront encore longtemps avec leurs singeots
aux branches des arbres, il a soin de nous prévenir qu'il y a eu parmi eux
une famille plus favorisée qui seule a été admise az^^rtiie de l'humanité!
Cette explication n'empêchera pas les enfants terribles de penser et même
de dire tout haut que les forces cosmiques, organiques, etc., sont bien
injustes. Pour les rendre à la fois plus modestes et plus réfléchis, le pro-
fesseur leur répondra que ces singes, dont les contorsions et grimaceries
les amusent, peuvent enseigner aux hommes la sobriété, le courage,
l'amour de la famille, comme certaines fourmis du Texas ^ qui labou-
I. Ces fourmis du Texas ne seraient-elles pas un peu parentes de ces fameuses
fourmis' indiennes, grosses comme des chiens ou des loups, dont parle le bon
Hérodote .'
I
D^HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE ^83
rent, sèment, moissonnent, leur sont un exemple de discipline et de
travail. Au printemps « que herbelettespoingnent et blé sont raverdi^»,
les oiseaux donneront encore aux écoliers des leçons qui ne leur seront
pas moins profitables. Ils distingueront chez ces chantres ailés « déjà à
un degré supérieur, toute la moralité qui naît chez les parents de l'union
des sexes et de la famille. » Bien que la vérité puisse être exposée toute
nue, il sera cependant opportun « que le savant spécialisé, » en faisant
l'histoire de l'organisation de la famille chez les quadrupèdes et les
oiseaux, « emploie une gravité sévère, « ce qui veut dire sans doute qu'il
devra devant ses folâtres et jeunes auditeurs, parler avec réserve des
« manèges des mâles pour séduire et captiver les femelles, » et c'est avec
plus de délicatesse encore qu'il fera la description des épousailles. Comme
on le voit, M. G. a autant d'estime que de tendresse pour tousjles ani-
maux sans exception ; c'est un François d'Assise qui appellerait volon-
tiers les hirondelles « mes sœurs ». Je lui demande bien pardon de le
comparer à un saint, lui qui a en horreur toutes les religions, dont
« l'histoire, dit-il, est le martyrologe de l'humanité ». Le mot n'est pas
nouveau ; on peut d'ailleurs l'accommoder à toutes les sauces, par con-
séquent il ne prouve rien; mais n'insistons pas. La philosophie, la
métaphysique, ne sont pas à ses yeux moins funestes que les religions :
il faut balayer de l'esprit humain les ténèbres épaisses dont elles l'ont
enveloppé, après quoi nous nagerons tous dans un océan de lumière,
dans la Science qui seule voit, sait, explique toutes choses! On est presque
tenté de dire : ainsi-soit-il. Mais que dire de cette science bâtarde qui
proscrit les religions, la philosophie et la métaphysique, c'est-à-dire
tout ce qui agrandit l'âme, tout ce qui élargit le cœur et l'esprit? J'aurais
grand'peur, ce sera la conclusion de cet article, qu'une jeunesse élevée et
instruite selon la méthode de M. Guérin, se racornît au point de don-
ner une suite à ces vilains livres : les Sous-Offs et les Chapons.
A. Delboulle.
578. — Stendhal et ses amis. Notes d'un curieux, 1890. Grand in-4, iS/fp.
(200 exemplaires seulement sont mis dans le commerce).
L'auteur de ce beau volume — M. Henri Cordier — est un des
;• hommes qui connaissent le mieux Stendhal, sa correspondance et ses
f œuvres. Il a réuni depuis longtemps des lettres, gravures et docu-
V ments de toute sorteconcernant Stendhal, et nous communique quelques
1; pièces de sa collection particulière. Il possède un exemplaire de Molière
f dont les pages ont été couvertes de notes par Henri Beyle. Enfin, il a
:• consulté les papiers conservés à la Bibliothèque publique de Grenoble.
D'ailleurs il ne prétend pas écrire une Vie de Stendhal ; ce qu'il veut,
c'est nous gratifier des renseignements et documents originaux qu'il a
rassemblés, c'est nous donner les impressions que Beyle a produites sur
lui, et, comme il dit, les donner « sans souci des préjugés du monde et
484 REVUE CRITIQUE
de la critique ». Pour nous, nous avons lu cette étude avec curiosité!
et plaisir. Nous y avons trouvé une analyse des papiers de Grenoble, etj
notamment du scénario de la comédie la plus considérable de BeyleJ
Les deux hommes, un catalogue de ses livres en l'an XH, une liste de]
ses pseudonymes, de nombreux détails sur l'année 181 3 (une des épo-
ques les plus importantes de sa vie, tant par la campagne à laquelle il|
assista que par ses ambitions préfectorales et ses embarras d'argent), suri
l'amour chez Beyle qui fut « un vrai mâle et nullement un hommej
mièvre », sur sa préoccupation constante delà mort et sa manie defairej
des testaments, sur l'admiration que lui inspirait Paul de Musset, suri
ses relations avec Balzac. Nous avons lu avec non moins d'intérêt tout
ce qui concerne les amis de Beyle, Colomb et surtout sa sœur Pauline,]
le seul être qui le rattachait à sa famille et au pays natal. Mais, chose!
curieuse, et comme l'auteur l'observe avec raison, lorsque Beyle parle à|
Pauline, c'est un a oncle grognon », et non un frère; « il ronchonne;|
il est mortellement ennuyeux; il parle de l'Esprit des lois à cette
gamine qu'il traite quelques instants plus tard de petite imbécile, il^
l'appelle petite bringue après l'avoir rasée avec Montaigne ». Naturelle-
ment, l'auteur insiste sur les relations de Mérimée et de Stendhal ; il
montre finement leurs points de ressemblance et de différence ; il remar-
que que tous deux étaient « dépourvus d'imagination », que tous deux
« mettaient avec soin de côté les produits de leur fantaisie », et furent
d'excellents fonctionnaires. Au reste, les jugements littéraires ne man-
quent pas dans ces « Notes d'un curieux » et, venant d'un homme
d'esprit et de goiit qui a vécu en un commerce intime avec Beyle durant
plusieurs années, ils méritent d'être consultés et retenus : Siendhal,
nous dit-on par exemple, manque de simplicité et « tombe dans la
préciosité, qu'il déteste, justement par l'affectation qu'il met à chercher
le naturel, quMl aime » (p. 34); « il ne lui a manqué qu'une chose pour'
avoir du génie, un peu d'abandon » (p. 37).
A. C.
579. — Emile A,ugier, par Hippolyte Parigot. i vol. in-8. Paris, Lecène ej
Oudin, 1890.
11 paraît que nous adoptons la mode anglaise. Chez nos voisins'
d'outre-Manche, à peine un personnage célèbre est-il mort qu'un bio-
graphe prend la plume et retrace la vie du défunt en citant de copieux
extraits de sa correspondance et de ses ouvrages. Ainsi fait M. Parigot
pour Emile Augier, et nous ne songeons guère à nous en plaindre.
Son livre n'est peut-être pas très bien composé; son plan le force
répéter trop de fois les mêmes choses; de là quelques longueurs et des
efforts sensibles pour varier Pexpression de trois ou quatre idées qui
reviennent perpétuellement. En revanche, de la première à la dernière
page de cette étude, on sent un goût et une intelligence remarquables
d'histoire et de littérature 485
du théâtre. Le point de départ de toute Toeuvre d'A. est mis en pleine
lumière : c'est la boiirgeoisie née de la Révolution que le dramaturge a
voulu peindre dans ses vertus, dans ses défaillances et dans ses vices.
Les caractères, même les plus modestes, sont analysés avec une finesse
et une vivacité qui font plaisir, et il ne reste plus rien à dire, après
M. P., sur l'iionnêteté familiale et la composition sobre et modérée,
presque anti-romantique, de toute Toeuvre dramatique du maître.
Il est à regretter que M. P. ait cru devoir insister sur un rapproche-
ment qu'on a dès longtemps institué entre Molière et Augier. M. P.
lui-même fait à ce propos plus d'une juste réserve; mais les réserves ne
suffisent pas, La différence essentielle entre Molière et Augier, ç^est qu'en
général, les personnages de Molière, honnêtes ou non, nous prennent par
le rire, tandis que ceux d'Augier, plus graves, nous inspirent, dès la pre-
mière scène, une sympathie ou une antipathie formelles. La différence est
considérable, car elle a son origine dans une modification des mœurs et
du caractère de tout un peuple. — D'autre part, pourquoi vouloir
cacher que bien des scènes d'A. nous paraissent aujourd'hui démodées?
Je sais bien que ceux qui ont suivi A. dans toute sa carrière professent
pour lui une admiration intransigeante (M. P., qui est pourtant bien
jeune, en vient lui-même, dans son admiration, jusqu'à prendre le style
de 1840 pour décrire la Bourse, p. 124 sqq.) ; mais la vérité se réduit à
ceci, que même où A. a le plus vieilli, il a moins vieilli que ses rivaux
à la scène.
En somme, l'étude de M. Parigot est complète, claire, sortie d'un
esprit enthousiaste et fin; on n'a jamais autant ni mieux dit sur Emile
Augier.
Léon Dorez.
58o. — Atlas de géograpliîe nioderne« par F. Schradeh, F. Prudent et E.
Anthoine. Paris, librairie Hachette, 1890, in-f'", en feuilles, 20 fr., relié 25 fr.
L'atlas dont nous avons à parler ici est essentiellement classique : il
faut le dire tout de suite, et insister sur ce titre, parce que c'est là juste-
ment son principal mérite. Ce serait en effet lui rendre un mauvais
service que de le comparer à tel atlas étranger, comme celui de Stieler,
qui n'est pas classique du tout, malgré son titre de Hand^Atlas, et
s'adresse à un public beaucoup plus exigeant. Sous ce rapport, nous ne
voyons pas qu'il y ait bien besoin de faire sonner la question de patrio-
tisme à propos de cette nouvelle publication. Ses mérites sont assez
grands sanstela : c'est avec les autres atlas classiques, mis jusqu'à pré-
sent entre les mains de nos écoliers, qu'il faut comparer l'atlas de la
maison Hachette, et là, le progrès est énorme et la somme de rensei-
gnements mis à leur disposition, incomparablement plus considérable.
Avant tout, deux innovations pratiques attirent l'attention : on a
imprimé, sur le verso de chacune des 64 cartes qui composent l'atlas.
486 REVUE CRITIQUE
une notice, que la finesse de son impression rend souvent fort étendue,
et qui est elle-même littéralement bourrée de petites cartes de détail, de
croquis, de plans, de diagrammes. De plus, et c'est ici surtout qu'il
faut féliciter les directeurs de Tatlas de leur bonne idée, le volume se
termine par un index alphabétique, qui ne comprend pas moins de
32 pages à 8 colonnes, de tous les noms contenus dans les cartes, avec
l'envoi au carré formé par les longitudes et les latitudes. C'est là un
avantage dont on ne contestera pas le prix, à coup sûr. — Enfin les
gens du métier constateront, non sans quelque surprise peut-être, que
toutes les cartes, coloriées avec goût et d'une netteté irréprochable, ont
été obtenues par la lithographie : et c'est ce qui explique la modicité du
prix de l'atlas, considération qui n'est pas à dédaigner pour l'usage
qu'on en fera.
Passons au choix des cartes et au travail des notices. Une critique
s'impose d'abord, ici : c'est que plusieurs cartes semblent n'avoir été
introduites que pour donner une occasion aux notices. Elles sont inté-
ressantes, mais peu nécessaires. Telles sont les deux premières cartes
(i, 2), qui renferment huit petits hémisphères fort jolis, mais dont le
seul but est de montrer la forme générale des diverses parties du globe;
tel encore le planisphère politique (5), assez inutile après les deux planis-
phères physique et hypsométri que; ou la carte de France politique (12) que
suivent aussitôt quatre feuilles plus développées. Ces doubles emplois
eussent certainement été remplacés avec avantage par quelques cartes de
détail dont le besoin se fait sentir pour certains pays dont l'étude est de
chaque jour. Ainsi, une carte pour les Pays-Bas ou la Suisse, rien
de mieux, mais une seule pour l'Angleterre, c'est peu, et c'est même
tout à fait insuffisant dans un atlas de 64 cartes : on comprendra qu'il
ne peut y avoir grand'chose dedans. L'Allemagne a été un peu mieux
traitée puisqu'il y a une carte de l'Europe centrale. Une de plus, néan-
moins eût utilement pris la place d'une des cartes d'hémisphères.
Rien à dire pour le reste. On ne s'étonnera pas de voir la France par-
ticulièrement bien traitée (cartes muette, physique, hypsométrique,
géologique;... plus 19 petites cartes spéciales et une vingtaine de plans
ou croquis, dans le texte). Il faut signaler la très réussie reproduc-
tion phototypique directe de la carte en relief, qui donne de l'orogra-
phie de notre pays une impression saisissante, covamo, vivante . Parmi
les autres bonnes cartes de l'atlas, notons encore l'Europe hypsométri-
que (le relief du sol et la profondeur des mers ont été l'objet de soins
spéciaux dans le volume); la Suisse et surtout le système complet des
Alpes, cartes nettes et bien comprises; l'Europe centrale, l^^bassin de la
Méditerranée; puis la région du Caucase, l'Inde, l'Afrique en^trois feuil-
les, cinq cartes bien au courant et très soignées...
Les notices sont dues à une quinzaine d'auteurs différents, mais ont
été rédigées sur le même plan : situation, superficie, limites et côtes,
relief, hydrographie, climat, population, administration, culte, grandes
d'histoire et de littérature 487
villes, agriculture, commerce, industrie, budget, communications,
enfin aperçu historique. Ces notices sont plus ou moins étendues, cela
va sans dire, selon le nombre des cartes. Ainsi la Russie, ayant trois
cartes pour elle seule, a donné lieu à un vrai article. En général, on a
beaucoup insisté sur le côté économique, etlinographiqne, sur les cli-
mats, les pluies, etc. On a pris soin aussi, dans les petites cartes, de don-
ner, souvent, pour faire comprendre les dimensions des choses, des points
de comparaison faciles à saisir à première vue : par exemple, le croquis
de la France comparé aux colonies, aux pays exotiques; les lacs d'Afri-
que ou d'Amérique, au lac de Genève, etc.
La direction générale a été confiée à M. Franz Schrader, déjà bien
connu par d'excellents travaux, qui s'est chargé aussi de sept notices,
toutes excellentes: entr'autres l'introduction, relative à la vie terrestre ;
la France en général, et la France physique; les Alpes, le Caucase etc.
Parmi ses collaborateurs, il convient de citer en première ligne M. Léon
Rousset, qui a un peu des mêmes qualités : vues d'ensemble et résumés
dominant bien la question, informations et points de vue pris sur les
lieux et non pas imaginés dans le travail du cabinet... Les notices
signées de lui sont : l'Autriche-Hongrie, la péninsule des Balkans, la
Roumanie, la Turquie d'Asie et l'Empire chinois. — M. Rousselet a
donné un bon article sur l'Inde, qu'il connaît si bien ; M. A. Saint-Paul
a signé un tableau net et exact de la formation territoriale de la France;
M. O, Reclus, la notice sur le Canada; M. Jacottet, celles sur nos colo-
nies; M. Aïtoff, celles sur la Russie. M. Kaltbrunner a rédigé les
5 notices de l'Afrique et les 3 de l'Amérique du Sud; et M. Poirel a
mis beaucoup de précision et de netteté dans ses 8 notices sur le relief
du sol, les races, la description physique et politique de l'Europe et de
l'Asie, etc.
On n'a pas manqué, comme de raison, de laisser aux pays étrangers
les vrais noms de leurs villes (au moins entre parenthèses) et des termes
géographiques employés dans leurs cartes nationales, ce qui a donné
lieu, à la fin de l'atlas, à une petite table spéciale, à un glossaire de ces
termes de toute langue, qui ne sera certes pas dédaigné 1.
H. DE CURZON,
58 1. — M. Dubois. l»i'écîs «le la Géographie économique des cinq par-
ties du monde. Paris, Masson, 1890, xiii-Siô p.
Dans un précis de géographie économique, la tâche la plus délicate
est de faire à la géographie la part qui lui est due. De nombreux exem-
ples témoignent de cette difficulté. Outre que l'économie politique, avec
ses chiffres, ses statistiques, ses tableaux est matériellement envahissante,
I. La maison Kachelte promet, tous les ans ou tous les deux ans, une livraison
supplémentaire contenant les additions ou les rectifications auxquelles pourront don-
ner lieu les hasards de la politique générale ou les découvertes de nos voyageurs.
488 BEVUE ÇRITIQUP
les économistes sont trop portés à croire que les lois appelées par eux
économiques évoluent par leur vertu propre et indépendante du milieu.
M. Dubois étudie ces phénomènes dans leurs relations avec les circons..
tances géographiques. Il fait œuvre de géographe; c'est là son origina-
lité. Il professe l'horreur des doctrines et des doctrinaires. Sa préface
(qui ne s'adresse apparemment pas aux seuls écoliers auxquels ce Précis
est destiné) est une attaque contre les dogmes qui sous les vocables de
libre échange et de protectionnisme ont longtemps régi la vie commer-
ciale et industrielle des nations. M. D. ne prend point parti : il constate
les faits; il se résigne à cet « isolement, égoïste si Ton veut, mais pro-
fondément naturel » (p. 809), où les Etats sont condamnés. « Profondé-
ment naturel » ; voilà deux mots qui inquiéteront la conscience de géo-
graphes moins résignés.
Après la sûreté de la méthode, il resterait à louer la sûreté des infor-
mations; il y aurait mauvaise grâce à signaler des lacunes dans un
volume de 800 pages qui embrasse les cinq parties du monde. L'on ne
saurait pas non plus reprocher à l'auteur, dans les chapitres notamment
consacrés à la France et à ses colonies, un optimisme qui est de style,
pour ainsi dire, dans les livres d'enseignement, un optimisme pédago-
gique. Ce sentiment inspire la conclusion de Touvrage, où M, Dubois
proclame qu'un jour la métropole, grâce aux produits de son empire
colonial, aura conquis, à l'égard des autres peuples, son indépendance
économique. Le patriote ici ne semble pas faire tort au géographe.
B. AUERBACH.
582. — Glauben oder ■%Vîssen ? Eine Untersuchung ueber die menschliche
Geisteseinheit auf biologischer Grundlage, von Prof. D'' Karl- Fischer. Gotha,
Perthes, 1890; in-8, 60 p.
L'auteur de cette dissertation, nourrie et solide, s'est proposé d'établir
que la science, en revendiquant son indépendance théorique, s'abuse
sur son point de départ et sur ses moyens d'action; elle procède tou-
jours de suppositions premières, que l'on peut admettre ou rejeter. Donc
toute science repose, au fond, sur un acte de foi. 11 en résulte que l'es-
prit humain est un dans ses procédés et que le divorce que Ton veut sou-
vent faire prononcer entre les sciences exactes et la religion repose sur
un malentendu. La foi et la science n'ont point à s'exclure, mais à s'ap-
puyer mutuellement. — Cette étude d'un pédagogue distingué mérite
d'être signalée.
M. V.
Lettre DE M. d'Arbois de Jubainvillb.
Dans le numéro 44 de la Revue critique, mon savant confrère et ami M. Gai-
doz rend compte du Catalogue des manuscrits celtiques et basques de la Bibliothè-
que Nationale, -pac M. H. Omont. Il apprécie avec la plus bienveillante courtoisie
ma collaboration au travail de l'érudit bibliothécaire. Il termine en proposant une
I
d'histoire Et DE LITTÉRATURE 489
traduction nouvelle du titre d'un ouvrage pieux composé au xvii^ siècle par le prê-
tre catholique irlandais Geoffroy Keating : Eochair-Sgiath an Aifrinn, que M. R.
Aïkinson a traduit : Key-shield of the Mass 1, littéralement « Clef-bouclier de la
Messe », étant entendu que des deux mots « clef » et « bouclier » le premier est le
complément déterminatif du second, comme si l'on disait « bouclier de clef >\
M. Gaidoz propose de traduire : « Bouclier tranchant de la messe » en remplaçant
le complément déterminatif par, un adjectif, ce qui est conforme au génie de notre
langue, mais en donnant aU mot eochaii- un sens différent de celui qu'ont admis
jusqu'ici les érudits qui ont parlé du livre de Keating. Après avoir cité, pour justifier
cette nouveauté, la légende épique du héros Cûchulainn, il fait appel à mon juge-
ment. Je ne puis lui répondre autrement qu'en exposant les raisons, bonnes ou
mauvaises, pour lesquelles j'ai cru devoir donner la traduction insérée dans le cata-
logue de M. H. Omont.
Pour saisir le sens des expressions dont Keating s'est servi, il faut, ce me semble,
commencer par se mettre dans l'esprit que le livre, dont ces expressions constituent
le titre, est un ouvrage religieux et chrétien ; c'est à la Bible et non à la légende de
Cûchulainn qu'on doit faire appel, si on veut expliquer l'ouvrage dont il s'agit. La
« clef » dont il est question dans le titre est un meuble métaphorique; comparez la
clavis scientiae de la Vulgate, saint Luc, chap. xi, verset 52. Le « bouclier » est éga-
lement métaphorique : Keating récitait tous les jours les compiles, par conséquent
le psaume 90 et le verset 5 de ce psaume : Sciito ciixumdabit te veritas ejus (scilicet
Dei), Dans ces textes bibliques et chez Keating, eochaii- et clavis, sgiath et sciitum
sont employés au « sens figuré ». Ce « sens figuré » est pour les deux premiers de
ces mots « explication » pour les deux autres « protection ». Eochair-Sgiath an
Aifrinn signifie, en supprimant les métaphores : « Protection expliquée de la Messe »,
ou peut-être, en développant davantage : « Explication des causes pour lesquelles
« la Messe protège le chrétien contre les attaques du démon.» On pourrait dire : « Clef
« ou explication du bouclier, c'est-à-dire de la protection que procure la Messe. »
J'ignore si la traduction de M. R. Atkinson, Key-Shield, offre un sens clair pour
le lecteur anglais. « Clef-bouclier » est inadmissible en français. « Clef à bouclier
de la Messe » ou mieux peut-être « Clef au bouclier de la Messe », « A Key to the
Shield of the Mass», comme a écrit O'Reilly, n'est pas une traduction absolument
littérale, puisque le rôle principal est pris par le mot qui, dans l'original, est com-
plément déterminatif, mais cette traduction a l'avantage de reproduire la métaphore
incohérente qui caractérise le titre imaginé par Keating et de lui conserver par là
• une place à part au milieu des titres métaphoriques fréquents à cette époque; je
•citerai le « Jardin des racines grecques » et un livre moins connu ; « Les sept trom-
.« pettes spirituelles pouf réveiller les pécheurs- »
• Avant de terminer, je demanderai à vous et à M. Gaidoz la permission de récla-
mer contre une expression dont se sert de très bonne foi mon savant confrère, quand
il qualifie de vol la saisie du ms. celtique n" i par les commissaires de la section de
Beaurepaire. Il n'y a pas vol sans intention « frauduleuse » fraudiilosa ^, et un
des éléments de la fraude est la mauvaise foi ^. Le vol suppose l'intention de
faire un gain, lucri faciendi, comme dit le texte reçu des Institutes et du Digeste *,
t. R. Atkinson, Trî bior-ghaoithe an bhâis, p. 3o2, 368.
2. Institutes de Justinien, 1. IV, t. i, § i ; Digeste, fr. i, § 3, de furtis ; Code pénal, art. 379.
3. Dolo malo, S<?«^^«ces de Paul, 1. II, t. li, § I.
4^ Aux passages priiciKis.
490 REVUE CRITIQUE
dont la doctrine se retrouve chez les jurisconsultes français du xviii' siècle .Les'
commissaires de la section de Beaurepaire auraient été des voleurs, s'ils avaient été j
de mauvaise foi et s'ils avaient prétendu s'approprier le ms. celtique n*' i ; mais,
sans se cacher et au grand jour, ils ont fait ce qu'ils croyaient leur devoir, ils ont
porté ce ms. dans un dépôt public; ils n'ont donc pas commis de vol. Si les repré-
sentants de l'Etat, qui ont enlevé les objets confisqués en vertu des lois révolution-
naires, étaient des voleurs, les bibliothécaires et les archivistes d'aujourd'hui, qui
détiennent ces objets, seraient les continuateurs ou les complices de ces voleurs. Mon
savant et spirituel confrère ne songeait guère à cette conséquence, qui m'atteindrait
personnellement, puisque j'ai été vingt-huit ans archiviste, et que j'ai, pendant près
de vingt ans, collaboré à l'administration d'une bibliothèque publique. Il est donc
certain qu'il admettra ma réclamation et qu'il ne s'en blessera point, qu'au contraire
il l'accueillera avec l'amabilité dont il m'a déjà donné tant de preuves.
H. d'Arbois de Jubainville.
RÉPONSE DE M. GaIDOZ.
Mon explication de l'irlandais eochair-sgiath n'a pas convaincu M. d'A. de J. Je
ne cacherai pas que cet insuccès m'humilie un peu. Et pourtant, malgré le commen-
taire tropologique de mon érudit et aimable contradicteur, je ne puis toujours pas
accepter une interprétation qu'il déclare lui-même être « une métaphore incohé-
rente «. Incohérente A ce compte, je crois que Keating préférerait ma traduction,
s'il pouvait, pour une heure, sortir de sa tombe comme ce Senchan Torpeist dont
M. d'A. de J. nous a autrefois raconté l'histoire.
M. d'A. de J. me conteste l'exactitude du terme de a vol », appliqué par moi à
l'enlèvement du manuscrit irlandais que « les commissaires de la section Beaurepaire
ont trouvé dans une de leurs visites ». M. d'A, de J. parle à ce propos des « objets
confisqués en vertu des lois révolutionnaires»; mais ce qu'il cite, c'est le Digeste et
\ts Inslitutes de Justinien, non pas une « loi révolutionnaire » autorisant les commis-
saires des sections de la Commune de Paris à saisir des manuscrits chez des particu-
liers au cours de leurs «visites ». M. d'A. deJ. ne produit pas le texte d'une sem-
blable « loi révolutionnaire » qui pourrait innocenter ses clients. Mais, au surplus,
je m'étais placé au point de vue de l'équité et du droit naturel, non au point de vue !
de la procédure.
Je ne me permettrai donc pas de discuter une question de droit avec un avocat de
la Convention et de la Commune de Paris aussi bon jurisconsulte que M. d'A. di
J. J'aime mieux retirer une expression qui a éveillé ses scrupules et offensé sa cons
cience d'archiviste. Je remercie M. d'A. de J. de m'accorder le bénéfice des circons
tances atténuantes : je ne prévoyais pas, en effet, que, derrière « les commissaires de
la section Beaurepaire », je risquais d'atteindre le corps tout entier des bibliothécai
res et des archivistes de France, corps que je respecte profondément.
H. Gaidoz,
f
CHRONIQUE
FRANCE. — La Faculté des Lettres de Reims vient de s'assurer la collaboration
de M. A DE La Borderie, membre de l'Institut, qui se charge d'un cours libre .^
i. Huyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, in-4», t. XVII (ly^^S), p. 644;
Muyart de Vouglans, Les lois criminelles de la France, in-f" (1780), p. 278,
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 49 I
d'histoire de Bretagne. Le professeur traitera, cette année, des grandes divisions de
cette histoire, considérée dans son ensemble. L'institution de ce cours, qui vient
s'adjoindre à celui de langue et littérature celtiques de M. Loth et à celui d'Histoire
de Bretagne aux xvii° et xviii'= siècles de M. A. Dupuy, est une innovation heureuse
dont il convient de féliciter la Faculté de Rennes.
— Notre collaborateur, A Loisy, commence, dans le dernier numéro (novembre-
décembre) de la Revue des religions, une étude sur la Religion chaldéo-assyrienne .
A propos des sources, il retrace à grands traits les débats soulevés par la question
suméro-accadienne. Nous sommes surpris que M. L. n'ait pas fait mention de l'évo-
lution caractéristique de Stanislas Guyard sur ce point particulier.
— M. HÉRON DE ViLLEFossE publie en tirage à part Le Marbre de Vieux, discours
prononcé à Caen à la séance publique de la Société des Antiquaires de Normandie,
le 19 décembre 1889 (Caen, Delesques, 1890; 25 pp. in-80). C'est l'analyse de ce
document important, plus connu sous le nom de monument de Thorigny, accompa-
gnée d'un spirituel commentaire qui met la question à la portée des esprits les moins
préparés.
ALLEMAGNE. — La librairie Schwartz (Oldenbourg et Leipzig) vient de publier
deux volumes de souvenirs de voyage et d'impressions esthético-pittoresco-quel-
conques. Le premier, de M. Woldemar Kaden, Italienische Gypsfiguren (un vol.
petit in-8», IV, 454 pp.), contient des tableaux de la Campanie, de Naples, de Rome,
des notes sur la Calabre, sur Faust et la critique italienne, avec la traduction d'une
nouvelle de De Amicis et d'une saynète de Gracosa. L'autre, de M. Adolf Stern,
Wanderbuch, Bilder und Sk.izzen(un vol. petit in-80, VIH, 33o), contient une inté-
ressante description de la Passion d'Oberammergau de 1871, des impresssions
vénitiennes de 1874 et romaines de 1S90, et entre autres morceaux analogues, une
étude sur la représentation des Niebelungen à Bayreuth en 1877 qui aura plus
d'intérêt que les autres pièces pour les lecteurs français.
ANGLETERRE. — Les deux derniers numéros du Fortnightly Review (novembre
et décembre) contiennent un article de M™' James Darmesteter sur la vie du paysan
français au xiv" siècle (Rural life in France in the fourteenth centuj-y), faisant suite
à une étude publiée précédemment dans le même recueil sur l'Ouvrier français au
xiv° siècle. L'auteur fait connaître les subdivisions et les relations des diverses
classes rurales, l'origine, la valeur et le sens de la corvée, et décrit tour à tour les
diverses cultures en faveur et l'élevage du temps; les méthodes et les instruments
employés ; la vie intime du laboureur, sa maison, son mobilier, son costume, sa
médecine, son éducation, ses écoles; enfin les effets de la guerre de Cent-Ans sur la
condition des classes agricoles. « Peut-être les pauvres furent-ils ceux qui en souffri-
rent le moins. La hausse soudaine et sans précédent du prix du travail ne les attei-
gnit pas ou ne les affecta que favorablement. La Grande Peste, qui indirectement
ruina les grands propriétaires fonciers, laissa le paysan fermier indemne. Il prospéra,
mit de côté ses épargnes, acheta pièce à pièce les terres du noble diminué. Nulle cir-
constance ne prépara d'une façon si insidieuse ni si complète la ruine de la féodaliLé, »
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 12 décembre 18 go.
M. Geffroy, directeur de l'Ecole française de Rome, adresse à l'Académie des ren-
seignements complémentaires sur les 'actes dQ^XVviri sacris faciundis, dont il a
492 REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTERATURE
parlé dans sa dernière lettre, et sur une autre inscription, portant les mots : Sahis
Scitioniana.
M. le D' Carton, médecin militaire à Souk-el-Arba (Tunisie), adresse à l'Académie
une note sur une dédicace à Saturne, trouvée à Sidi-Mohammed-el-Azreg.
Sur la proposition de la Commission des travaux littéraires, MM. Héron de Ville-
fosse et Waddington sont désignés pour diriger, avec le concours de M. Cuq, la
publication du tome IX des Œuvres de Borgliesi.
M. d'Arbois de Jubainville lit une note sur l'histoire des Teutons, à propos d'un
travail récent de M. le D'' Kossinna. Avec M. Kossina, et Mûllenhoff, et contrairement
à M. Mommsen, il jjense que les Teutons ont fait leur apparition dans l'histoire en
même temps que les Cimbres, en l'an !i3 avant notre ère, et non pas seulement en
l'an io3. L'autre thèse du même auteur, selon laquelle les Cimbres habitaient la
Saxe actuelle, c'est-à-dire la vallée de l'Elbe, et non le Jutland, ne lui paraît pas des-
tinée à prévaloir sur l'opinion reçue.
M. Levasseur signale une rectification importante qui vient d'être faite par un
professeur de l'Université de Gand, M. Hulin.a un passage des Prolégomènes de Benja-
min Guérard sur le Polyptyque d'Irminon, abbé de Saint-Germain-des-Prés. M. Gué-
rard, d'après les calculs fondés, disait-il, sur l'examen du texte du Polyptyque, avait
évalué la partie connue du domaine de Saint-Gerinain-des-Prés, au xi^ siècle, à
221,019 hectares, dont 197,927 en bois. M. Hulin a refait sur le texte du document,
parcelle par parcelle, le calcul approximatif des surfaces boisées, et il est arrivé à
un total de 1 3, 000 à 17.000 hectares tout au plus : ce qui réduit le total général à
moins de 40,000 hectares.
M. Levasseur, qui dans son livre sur la Population française, avait pris les rensei-
gnements fournis par le Polyptyque pour base d'une hypothèse sur la densité de la
population en Gaule au ix^ siècle, déclare qu^ii renonce maintenant à cette hypothèse.
II lui avait paru légitime de conclure d'une superficie de 2,210 kilomètres carrés à
l'ensemble du pays; mais un territoire de moins de 400 kilomètres carrés lui
semble, pour un pareil calcul, une base tout à fait insuffisante.
Sont élus membres :
De la commission chargée de présenter des candidats aux places de correspon-
dants étrangers, MM. Renan, Gaston Paris, d'Arbois de Jubainville, Boissier.
De la commission chargée de présenter des candidats à la place de correspondant
français, MM. Delisle, Georges Ferrot, Paul Meyer, Anatole de Barthélémy.
M. Maspero communique, de la part de M. Casanova, membre de la mission archéo-
logique française au Caire, une figurine de terre cuite qui a été trouvée dans les fau-
bourgs du Caire et qui appartient à MM. Innés. Elle représente un bouquetin aux.
cornes recourbées, probablement le bouquetin à manciiettes, si fréquent encore
aujourd'hui dans le désert de l'Egypte. On y lit une inscription arabe qui se traduit
ainsi : « L'imam c'est el-Hakim-billah. » C'est la profession de foi d'un croyant
druse : on sait que les Druses ont rendu et rendent encore un culte au veau et par-
fois à la gazelle, et le bouquetin est au nombre des animaux que le peuple d'Egypte
confond sous le nom générique de gazelles. M. Schefer possède un objet analogue à
celui-ci, mais en bronze et avec une inscription persane.
M. Ernest Babelon termine sa communication sur les monnaies des rois de Sidon
sous la domination des Perses Achéménides.
Les monnaies étudiées dans ce mémoire portent, d'un côté, la galère sidonienne,
de l'autre l'image du Roi des Rois, dans un char traîné par trois chevaux, suivi d'un
satrape ou d'un roi tributaire à pied. La légende se compose, sur la plupart, de deux
lettres phéniciennes et d'un chifl're. M. Babelon répartit ces m.onnaies en groupes
caractérisés chacun à la fois par la légende et par l'aspect ou la facture des pièces :
il reconnaît dans chaque groupe les monnaies d'un personnage distinct, soit un roi
de Sidon, soit un satrape perse d'Egypte (après qu'Artaxerxès 111, Ochus eut recon-
quis ce pays en 345], soit le satrape de Cilicie, Mazaios. Il voit dans les lettres phéni-
cicennes les initiales des noms des divers princes, et, dans les chiffres, les dates, for-
mulées par les années de leurs règnes. Il reconstitue ainsi, d'après ces données, la
chronologie des rois de Sidon :
1° Un roi innomé mort en 374;
2» Strabon I", 374-3G2;
3° Tenues, 362-35o;
4° Interrègne, 35o-349 ;
5» Evagoras II (roi dépossédé de Salamine), 349-346;
60 Strabon II, 340-332.
En janvier 332, la prise de Sidon par Alexandre met fin à la dynastie.
Ouvrage présenté, de la part de l'auteur, par M. Siméon Luce : Naef, Noies sur
les fouilles pratiquées dans le chœur de l'églisejie Graville-Sainte- Honorine.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant: ERNEST LEROUX.
ht fuy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
I
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N° 52 - 29 décembre — 1890
Sommaire t 583. Hérodote, II, p. p. Wiedemann — 5S4. Hardt, Le bouddhisme.
— 585. FujisHiMA, Le bouddhisme japonais. — 586. A. Darmesteter, Le Tahuud.
— 587. Skutsch, Les noms en -no-. — 588. Stowasser, Mots obscurs. — 589.
BuRY, Le bas empire romain. — 590. Mûllenhoff, Antiquité allemande, I, p. p.
Rœdiger. — Sgi. AuDisio, Histoire civile et religieuse des papes de Constantin à
Charlemagne. — 592. Massif, Le collège de Tournon. — 593. Biart, Cervantes.
— 594. Tûchert, Racine et Héliodore. — 505. Meyneil, Napoléon I. — 596. Mi-
NOR, Schiller, 1 et II. — 597. Walzel, Lettres de Frédéric Schlegel à son frère
Guillaume. — 598. Barton, Histoire de la Nouvelle-Galles du Sud. — 599- Sou-
RiAU, L'esthétique du mouvement. — 6co. Bergson, Les données immédiates de
la conscience. — 601. P. Janet, L'automatisme psychologique. — 602. Schopen-
hauer, Le monde comme volonté et comme représentation, III, p. p. Burdeau. —
6o3. Conta, Les fondements de la métaphysique. — 604.. Naville, Le libre ar-
bitre. — 6o5. Kroman, Logique et psychologie. — Chronique. — Académie des
Inscriptions.
583. — A. Wiedemann. Hérodote Z'weîtes Bueli mit sachlichen Erlœuterungen
herausgegeben von A. Wiedemann. Leipzig, Teubner, 1890, in-8, viii-624 p.
Le second livre d'Hérodote a tenté plus d^un égyptologue, et j'en sais
au moins un qui avait commencé à Tannoter dans Tintent ion d'en publier
le commentaire. L'ouvrage de M. Wiedemann retardera pour lui l'exé-
cution de ce projet, mais sans l'amener à renoncer au projet lui-même.
Il y a, en effet, pour un égyptologue deux rnanières de commenter
Hérodote, en rapprochant les données du texte grec des données que nous
fournissent les monuments, en joignant aux données verbales des textes
monumentaux le dessin des monuments eux-mêmes, ou du moins des
figures qui peuvent illustrer le texte grec. C'est cette seconde manière à
laquelle je m'étais arrêté: M. Wiedemann a choisi la première. Son livre
ne renferme aucune vignette, ce qui nuit évidemment à l'intelligence des
explications qu'il donne. Les savants habitués aux seuls monuments des
peuples classiques ont souvent peine à se figurer le détail de l'archéo-
logie égyptienne d'après de simples descriptions : il faut leur mettre les
objets sous les yeux si l'on veut leur éviter toute erreur. Aussi regretté-
je sincèrement que l'éditeur de M. Wiedemann ne lui ait pas demandé
quelques figures : les frais d'impression auraient été plus considéra-
bles, il est vrai, mais le livre aurait été plus utile.
Tel qu'il est, il renferme des parties excellentes. M. W^iedemann, à
qui on ne demandait que d'être égyptologue, a préféré donner un com-
mentaire complet, dont beaucoup de parties, touchant à des points de
Nouvelle série, XXX. 52
494
REVUE CRITIQUE
littérature, d'histoire ou d'érudition hellénique, échappent à nia compé-
tence. Je ne parle donc ici que des parties empruntées aux monuments
égyptiens. Comme toujours, M. Wiedemann a témoigné de connaissan-
ces bibliographiques étendues : il a lu et cité la plupart des brochures
qui touchent à son sujet par quelque point. C'est à peine si on peut ]
relever çà et là quelques omissions ou quelques oublis : ainsi, à propos
du canal de Néko, le mémoire de Lieblein, Omden garnie Sue^-Kanal
dans ses JEgyptoIogiske Studiej' (Mémoires de l'Académie de Christia-
nia, 1870); ainsi le long fragment de commentaire que j'ai publié en
1878, dans VAnnitaire de l'Association pour V encouragement des Etu-
des grecques, Ql o\x j'ai défini le rôle des prétendus prêtres égyptiens
qui renseignaient Hérodote, presque dans les mêmes termes que M. Wie-
demann dans sa Geschichte ^gyptens de 1880 (p. 92 sqq) ; ainsi la
lettre de Mariette, Identification des dieux d'Hérodote avec les dieux
Egyptiens, dans la Revue archéologique (i885, t. I, p. 343-35o). 11 y
a une certaine difficulté à se procurer les tirages à part, ou les brochu-
res de quelques pages dont se compose la plus grande partie de la litté-
rature égyptologique : aussi je n'insiste pas sur ce sujet. De pareilles
omissions sont à peu près inévitables, et chacun de nous s'en connaît
trop à son compte pour avoir bonne grâce à les reprocher aux autres.
Si je voulais examiner par le menu les six cents pages dont le livre de
M. W. se compose, j'y relèverais beaucoup de faits douteux. Ce sera
plus tard affaire aux égyptologues de les signaler et de les écarter. Les
critiques tomberaient, pour la plupart, sur des passages dont l'ex-
plication restera probablement toujours incertaine. Saurons-nous
jamais, par exemple, d'une façon indubitable, quelle était l'inscription
que les drogmans montraient aux voyageurs, et sur laquelle ils préten-
daient lire le nombre exact des oignons et des rations de légumes dis-
tribués aux ouvriers de la grande pyramide? Les solutions les plus vrai-
semblables qu'on ait données de ce récit laissent, malgré tout, subsister
quelque doute. Une critique portant sur des questions de ce genre au-
rait, pour effet, de mettre le lecteur non égyptologue en méfiance contre
M. W., ce qui serait fort injuste. M. Wiedemann a le plus souvent^
proposé des interprétations certaines : oti elles ne paraissent pas l'être,
elles sont du moins ingénieuses et conformes à Tétat actuel de laJ
science. Les hellénistes et les historiens de la littérature ancienne qui
entreprennent l'étude du second livre d'Hérodote, ou qui ont besoin |
de savoir en quoi le témoignage des monuments originaux confirme |
ou infirme celui de leur auteur, trouveront dans M. Wiedemann un
guide bien informé, d'un jugement parfois un peu court, mais d'une,
érudition très étendue et de bon alol.
G. Maspero.
d'histoire et de littérature 49 5
584. — I. Der Buddliismus nach aelteren Pâli-Werken dargestellt von Dr.
Edmund Hardy. Munster, Aschendorff, 1890 (Darstellungen aus dem Gebiete
der nichtchristlichen Religionsgeschichte, I. Band).
585. — II. Le BouddliÊsme Japonais, par Ryauon FujisHiMA, membre de la
Société asiatique de Paris. Paris, Maisonneuve, 1889.
I. Le volume de M. Ed. Hardy ouvre une série de manuels qui
doivent former une histoire générale des religions en dehors du chris-
tianisme. L''éditeur de la collection se propose de présenter sous une
forme condensée les principaux résultats des recherches récentes au
public cultivé, et de fournir aux débutants les notions indispensables
pour entreprendre des études personnelles. Les rapports de la religion
avec l'histoire et la civilisation, les analogies de culte ou de doctrine
avec le judaïsme et le christianisme y doivent être indiqués dans une
juste mesure, sans laisser toutefois de place à l'arbitraire et à la fan-
taisie.
Le travail de M. H. est l'application scrupuleuse de ce programme.
L'auteur a partagé son sujet en sept chapitres : I Généralités, sources;
état religieux de Plnde à l'époque du Bouddha; II Vie du Bouddha;
III Doctrines du Bouddhisme primitif; IV Les ordres bouddhiques;
V Le Bouddhisme et le Jaïnisme, rapports et divergences; VI Un pro-
tecteur du bouddhisme au ni= siècle av. J.-C, Açoka; VII Le Boud-
dhisme et le Christianisme. L'appareil scientifique est irréprochable.
M. H. n'avance point de fait ni d'opinion sans citer ses autorités, mais
il a soin de rejeter ces pièces justificatives à la suite de son exposé qui
gagne ainsi en clarté et en élégance. Il ajoute un index de termes tech-
niques, un tableau détaillé du canon pâli avec l'indication des éditions
parues, et enfin une bibliographie générale, sobre et substantielle à la
fois. Le choix des ouvrages cités suffirait à attester l'érudition solide et
judicieuse de M. Hardy. Mais il ne s'est pas contenté de recourir aux
autorités les plus sûres; il est familier avec les textes mêmes; il leur a
emprunté avec un goût discret de courts et nombreux extraits qui
rompent la monotonie de l'exposition. Et cependant, malgré tant de
mérites réels, l'ouvrage est incomplet et inexact dans son ensemble,
M. H. a cru limiter strictement son sujet; il Ta mutilé. Le boud-
dhisme s'est divisé en deux grandes branches : le bouddhisme méridional
(Ceylan et Indo-Chine) fondé sur le canon pâli, et le bouddhisme sep-
tentrional (Népal, Chine, Japon, etc..) fondé sur le canon sanscrit.
Les deux traditions prétendent avec une égale insistance au droit
d'aînesse, et la science n'a pas encore tranché ce litige. L'une et l'autre
peuvent se réclamer de noms considérables dans l'Occident. Les cir-
constances et peut-être aussi la mode ont favorisé de notre temps la
doctrine méridionale; mais une réaction facile à prévoir ne manquera
pas de se produire le jour où les textes sanscrits, un peu délaissés, et les
traductions chinoises seront mieux connus et plus approfondis. M. H.
n'a pas donné d'arguments nouveaux en faveur du canon pâli; il ne
q.g6 KKVUE CRITIQUE
s'est décidé que sur des raisons de seniimeiit, les plus perfides et les
moins scientifiques des raisons. D'ailleurs, la priorité de celte tradition
fùt-eKe établie par le fait, le bouddhisme septentrional n'en aurait pas
moins droit à figurer dans un tableau général du bouddhisme. Qu'il ait
bifurqué dès Torigine ou qu'il se soit détaché après coup de Téglise
orthodoxe, il est Pœuvre directe ou déviée de la pensée bouddhique; il
en caractérise le principe ou l'évolution; il en représente la conception
la plus répandue et la plus populaire. Le bouddhisme du Sud, humain
et familier jusqu'au terre à terre, ne suffit pas à expliquer le prodigieux
succès de l'évangile prêché par Gotama. Réduit à ces proportions, il
n'aurait pas lutté victorieusement contre tant d'autres confessions; le
dieu y manque, si grand qu'y soit l'homme. Les lecteurs de M, H. ne
comprendront certainement pas l'action du bouddhisme sur les foules;
ils n'y verront qu'une secte fondée sur des théories philosophiques,
groupée dans des sortes de phalanstères, plus occupée d'exercices inté-
rieurs que de la conquête des âmes.
L'esprit général de la collection inaugurée par M. H. explique cette
lacune fondamentale, s'il ne la justifie pas. La composition même de
l'ouvrage accuse le vice inhérent à l'entreprise. Les six chapitres sur la
vie du Bouddha et sur son œuvre font un total de cent dix pages;
le septième, sur les analogies du bouddhisme et du christianisme, a
trente-deux pages et forme environ le quart du volume. La science y
cède le pas à la polémique apologétique. Nous ne voulons pas suivre
l'auteur sur ce terrain glissant, ni discuter en détail ses assertions. La
foi est toujours respectable, mais elle ne justifie pas les injures grossières
à l'adresse des adversaires. M. H. outrepasse les droits de la critique
lorsqu'il compare les apôtres européens du bouddhisme, si discutable
que puisse être leur personne, à « des échappés de maisons de fous ». Il
poursuit la comparaison des deux religions et de leurs fondateurs avec
un acharnement minutieux; il suffit, pour en donner l'idée, de repro-
duire la table analytique : « Buddha et le Christ; leur personne, leur
doctrine, leur œuvre. Buddha et les Buddhas; Christ, le seul Sauveur.
Incarnation; conception sans intervention humaine. Prédiction d'Asita
et de Siméon; la tentation de Buddha et du Christ. La vie publique de
l'un et de l'autre. Miracles et prédictions. Fin du Christ et de Buddha.
Différences de doctrine (Dieu, âme, péché, délivrance, état final). Morale.
Eff'ort moral; idée du mariage; esprit des chrétiens et des bouddhistes.
L'église du Christ et les ordres bouddhiques; la confession. — Progrès
par ie bouddhisme et par le christianisme. Réformes sociales introduites
par le christianisme pendant la période romaine; influence du chris-
tianisme sur la culture populaire, l'art et la science de ce temps. Adou-
cissement des mœurs; la noblesse des sentiments et de la vie propagée
par le bouddhisme; pas de tentative mémorable pour améliorer la
situation sociale des femmes. La culture populaire hâtée, la science
négligée et l'art employé à l'usage des cloîtres par le bouddhisme. »
>
a HISTOIRE ET DE LITTERATURK ^gj
L'argumentation de M. H. dans ce long chapitre est sans doute en
harmonie avec les doctrines orthodoxes; elle ne laisse pas que de paraître
étrange aux critiques impartiaux. On sent trop souvent qu'il suffirait
d'un parti-pris inverse pour retourner les termes et aboutir à une solu-
tion opposée. M. Hardy a dès le début de son manuel, et sans même
s'en rendre compte, subi Tattraction du chapitre final; chacune des
sections tend directement à la conclusion préconçue. C'est ainsi qu'il a
été porté, malgré sa loyauté évidente, à sacrifier entièrement la tradition
sanscrite, plus merveilleuse et par là plus divine, et à passer sous silence
l'action civilisatrice exercée par le bouddhisme sur tant de races éparses
à la surface du globe.
ILL^Bouddhisme japonais dcM. Fujishima est la contre-partie instruc-
tive autant que piquante du tableau tracé par M. Hardy. L'auteur est
un bouddhiste fervent, ancien élève de la Faculté bouddhique du Nishi-
Hongwapzi, à Kyoto. Il est venu en Europe pour s'y former aux métho-
des occidentales, il a passé quatre années chez nous à étudier surtout la
philosophie et l'histoire des religions, et à se familiariser avec notre
langue. M. F. est arrivé à écrire en français; il continue à penser en
oriental. Le contraste entre la pensée originale et l'instrument employé
s'accuse à toutes les pages, et donne au livre une saveur de haut goût.
L'ouvrage, à proprement parler, est la traduction d'un traité japonais
où l'histoire et les doctrines des douze grandes sectes bouddhiques du
Japon sont exposées brièvement par des prêtres choisis parmi les plus
autorisés de chaque école. M. B. Nanjio avait donné, avant M. F.,
une version anglaise de cette compilation ; mais, outre qu'elle est diffi-
cile à rencontrer, elle ne se comprend qu'à peine. M. F. a légèrement
remanié l'ouvrage; il a élagué le superflu et il a complété les indica-
tions trop sommaires par des emprunts aux sources les plus sûres; il a
mis le livre au point. Chacune des sectes est traitée naturellement avec
une faveur égale; chacune se targue des avantages les plus éclatants;
chacune prétend refléter avec fidélité l'enseignement du Bouddha. Les
termes techniques, lus à la façon japonaise, sont accompagnés de leurs
équivalents sanscrits; un index de ces mots termine le volume et per-
met aux indianistes de s'y reconnaître et de s'y orienter. Le travail, en
effet, n'intéresse pas seulement les études d'Extrême-Orient; le boud-
dhisme japonais est un produit secondaire de la tradition septentrionale,
du bouddhisme sanscrit. Les douze grandes sectes dérivent par des voies
plus ou moins détournées des prédications jadis prononcées au pays de
Magadha ; les unes sont d'origine indienne; d'autres viennent de la
Chine; d'autres enfin sont autochtones. Pour connaître exactement
tout ce que le bouddhisme initial contenait en germe, il est indispen-
sable de le suivre jusqu'à ces lointaines ramifications. L'historique des
sectes donne aussi de précieux détails sur la transmission de la doctrine
et la série chronologique des patriarches.
L'introduction composée par M. F. complète heureusement l'ouvrage.
498 REVUE CRITIQUE
M. F. y embrasse l'ensemble et le développement des douze sectes. H
les fond dans un harmonieux syncrétisme, et les justifie toutes par leur
valeur historique; elles représentent chacune une des voies par où l'hu-
manité doit, selon les capacités respectives des individus, passer pour
atteindre au salut. Elles ont toutes leur raison d'être dans la variété
infinie des tempéraments; elles sont également orthodoxes et indispen-
sables. Pour les rendre plus facilement intelligibles à l'Occident, M. F.
les interprète en quelque sorte par les équivalents les moins infidèles que
puisse fournir la langue technique de notre philosophie. Les douze
systèmes se classent en trois grandes catégories : I Petit véhicule (Hî-
nayâna) ; le Kou-cha (Abhidharma-koça), matérialisme : non-existence
du moi et existence de la matière qui compose le moi; — le Jô-jitsou,
nihilisme : non existence du moi et de la matière; — le Ritsou, éthi-
que: préceptes de morale pratique. II Moyen véhicule (Madhyamayâna)
le Hossô, idéalisme subjectif : la pensée seule est réelle; — le San-ron,
nihilisme absolu : la vérité est Tétat inconcevable. III. Grand véhicule
(Mahàyâna) : le Kégon et le Tendaï, réalisme panthéistique : la nature
absolue (bhûta-tathâtâ) est l'essence de toutes choses; — le Shin-gon,
mysticisme : Mahâvairocana (forme du Buddha) est le principe de tout
être; -— le Zen, système contemplatif : il ne faut pas chercher la vérité
dans la tradition, mais dans la pensée individuelle; — le Nithi-ren,
réalisme panthéistique : la vérité est le principe des trois grandes lois
ésotériques; — le Jô-do et le Shin, mysticisme d'adoration exclusive :
la vérité s'obtient par la grâce d'Amitâbha Buddha. M. F. discute la
notion si controversée du nirvana, et en donne une interprétation inté-
ressante ; il exalte la morale du bouddhisme, et il conclut en proclamant
la supériorité incontestable de cette religion : « Le bouddhisme se
fonde sur la philosophie, et il est constamment d'accord avec l'expé-
rience de la science moderne... Le bouddhisme ne saurait être un dan-
ger pour la société humaine, il n'y a donc aucune raison de partager
l'inquiétude de certains savants occidentaux qui tiennent le nirvana
bouddhique pour un grand péril... La morale du bouddhisme est d'une
beauté qui ne le cède à aucune autre, pas même à la morale chré-
tienne. » On est presque tenté de savoir gré à M. Fujishima de sa pré-
vention enthousiaste; le lecteur lui doit d'entrer en communion directe
avec une âme bouddhique, de pénétrer le dédale obscur des consciences
orientales que la philologie ne suffit pas à éclairer. La métaphysique
aride et scholastique des vieux textes s'anime, imprégnée de tendresse
et de toi. C'est que la religion, étrangère à la raison et à la science, ne
s'explique pas seulement par la raison et par la science ; elle est l'œuvre
du cœur plus que de l'esprit, et doit s'apprécier aussi par le cœur plus
que par l'esprit. Ce n'est pas assez de lire en érudit les textes sacrés pour
la comprendre; il faut encore l'aimer avec la ferveur d'un dévot, tout
prêt d'ailleurs à aimer d'autres croyances avec une ferveur égale. L'ana-
lyse qui démonte pièce à pièce un organisme religieux est impuissante a
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 499
atteindre le ressort intime qui l'anime et le dirige. Le dessin minutieux
d'un anatomiste ne vaut pas la rapide esquisse d'un peintre pour donner
aux yeux le sentiment et l'impression de la vie. L'histoire des religions,
pour être exacte et fidèle, doit recourir également à Térudition patiente
et à l'intuition ; elle est en même temps une science et un art.
Sylvain Lévi.
585. — Le Talmud» par Arsène Darmestete». Paris, Lçopold Cerf, 1889, in-S,
66 p.
En tête de cette substantielle brochure, des mains autorisées ont placé
l'avis suivant: « Cette étude sur le Talmud a été écrite avant 1870, sauf
un passage qui a été ajouté plus tard. Nous la reproduisons ici sans y
rien changer, Arsène Darmesteter était bien jeune quand il Ta écrite, et
il a pu commettre quelques erreurs de détail, à peu près inévitables en
un sujet aussi obscur et aussi vaste. En outre, les études talmudiques
ont fait, depuis vingt ans, de grands progrès; les questions et la manière
de les envisager se sont complètement transformées. Telle qu'elle est,
l'étude de A. Darmesteter sur le Talmud n'en est pas moins, à présent
encore, une œuvre utile et instructive; il en a tracé le cadre avec une
sûreté et une largeur étonnantes, et elle est encore la description la plus
exacte et la plus complète qu'on ait de cet important monument reli-
gieux des Israélites. » Nous ne pouvons que nous associer à cette appré-
ciation et recommander à ceux qui s'occupent du judaïsme une étude
destinée à faciliter singulièrement leurs recherches.
Voici les divisions du travail : Première partie, Etude analytique du
Talmud : L Caractères généraux; II. La Halakha; III. La Haggada.
Deuxième partie, Formation du Talmud, esprit de cette forma"
tion : I. La Halakha suivant la synagogue; II. Histoire de la forma-
tion de la Halakha; III. Influence des événements sur le développement
halakhique; IV. Esprit du développement halakhique; V. Le Talmud
au moyen âge et dans les temps modernes, conclusion.
M. Vernes.
587. — Fr. Skutsch. De nominibus latinîs suffis.! -no- ope formatis obserua-
tiones uariae. Vralislauiae, G. Kœbner, 1890, 34 pp. in-8 (Diss. iiiaug.).
588. — Dunkie 'Woei'ter. Lexikalisches von I. M. Stowasser. Wien u. Prag,
Tempsky; Leipzig, Freytag, 1890, 02 pp. in-8 (Sonder- Abdruck aus dem Jahres-
berichte des Franz-Iosepli-Gymnasiums fur 1889/90).
M. Skutsch part de l'impossibilité du passage de * uenenijîcus à ueni-
ficus pour établir que nenenum est composé de uenes- et du suffixe ~no-.
Ce point avait été déjà établi par M. Bréal. Les noms en -eno- sont, pour
M, S., formés à l'aide du suffixe -ino-, connu dans des noms féminins
(doctrina), dont Vi se serait dissimilé devant un i précédent : Nasidie^
nus z=: * Nasidinus, cp.pietas. En revanche, dans les noms de divinités,
500 REVUE CRITIQUE
comme Iiigatîmis, Potina, on a la forme faible du suffixe -ion.. Enfin
les suffixes -gno-, -gneo-, -gino-, -gineo- ont été créés par suite d'une
fausse analyse de mots comme ilignus, iligiieiis, où les suffixes -no- et
•rico- étaient précédés d'une gutturale, Cette explication avait été déjà
donnée, avec plus de précision et de brièveté, par M. Louis Havet (Mém.
Soc . Ling., V, SgS). Il y a donc peu de nouveau dans cette brochure.
On regrette l'absence d'un index. L'auteur, qui a le goût de la polémique,
aborde au passage des discussions qu'on voudrait pouvoir retrouver
facilement au besoin.
^L Stowasser s'occupe d'une centaine d'étymologies. 11 commence par
effacer un mot des lexiques : iillageris qui serait dans les gromatici une
faute pour iiel lagenaris. Une partie des mots étudiées sont des emprunts
au grec : mica ([j-f/.y.6;), sonarhim (i^wvâpiov), obtiirare (xupoç), stiiprum
(ff-uçpo;), mutto (jjiOwv), prospère (^rpoçosp-rj;), redimire (cY;iJ-a], properare
[T.^ooi^i)i),fetiales[[T^ç,o\ -ç-ziTsia), triumphus [* içt[o\j.'so(^, ganeum [*^dva\.ov,
cp. Ivva-.ov), perendie (7:lp-/;v die), caeremonia (y^oupe moniiim), paluda
(àJ-AciBa). Dans d'autres mots, M. S. reconnaît des composés latins :
amoena loca [admoena^admoeniaj, nouerca (adj. de noua era) , priiiera
(priua era), iiîtricus (adj. dsiiir iter), nutritus (noiiitritus) , uinolentiis
(iiinum olens), ceruix (*ceruehexj. On voit que M. S. cherche à expli-
quer le latin par le latin ou par des emprunts, au lieu de recourir aux
considérations de grammaire comparée. Dans chacune de ces petites dis-
sertations, si les résultais sont quelque peu hardis ou contestables,
M. Stowasser fait toujours preuve d'une connaissance très personnelle
de l'emploi des mots dans les textes et, suivant l'heureuse expression
d'un maître, il s'est pénétré de sémantique pour croître en intelligence.
On retrouve dans son travail la méthode et l'esprit de M. Bréal. C'est
%
assez en faire l'éloge.
P. L.
589. — J. B. BoRY. A history of ilie latei» I^oinan Kinpii-e from Arcadius
to Irène, London, 1889, 2 vol. in-8, 4S2-579 pages, chez Macmillan.
Si le livre de M. Bury n'était, ainsi qu'il semble au premier abord,
que le récit des événements dont le monde romain oriental fut témoin
pendant les siècles qui ont suivi la mort de Théodose, il n'y aurait
lieu de lui consacrer ici que quelques lignes : il suffirait de remercier
l'auteur pour avoir étudié à son tour une période peu connue, pour
avoir présenté les faits avec clarté et méthode, et pour avoir raconté
avec développement certaines parties de l'iiistoire sur lesquelles on
trouve difficilement des récits d'ensemble : il y aurait, par contre, à
exprimer le regret qu'il n'ait pas cru devoir faire aux références la
large part que leur a donnée Tillemont, qui reste toujours le modèle
et le maître des historiens érudits.
Mais il y a dans ces deux volumes une idée maîtresse, exprimée en
d'histoire et de littérature Soi
quelques pages, qui mérite d'être signalée. Pour la plupart des gens,
même éclairés, les siècles qui suivent la mort de Théodose et les faits qui
se déroulèrent à Constantinople ou dans sa sphère d'action, ne valent
pas la peine d'être étudiés; il n'y a rien de saillant que deux ou trois
grands règnes; entre le monde romain et celui du moyen âge existe
une lacune qu'on ne prend pas la peine de combler, parce que l'on ne
croit pas qu'elle mérite de 1 être. L'auteur veut réagir contre cette opi-
nion. Pour lui, le rôle qu'a joué à ce moment l'empire de Constantino-
ple a été considérable. En réalité, on ne doit pas le nommer empire
byzantin, ni empire grec; mais bien empire romain : les empereurs
romains ont continué sans interruption d'Arcadius à Constantin Paleo-
logue. Sans doute, l'empire romain du temps de Constantin VII, au
X* siècle, est complètement différent de celui de Constantin-le-Grand;
mais c'est toujours l'empire romain, de même qu'un homme est tou-
jours le même dans sa vieillesse comme dans son enfance. Il a persisté
jusqu'en 14b 3 ; mais à partir de 800, et c'est la date où s'arrête le livre
de M. B,, il a eu un rival dans l'empire romain germanique de Charle-
magne.
Pendant toute cette période, l'empire romain a continué, sans jamais
défaillir, l'œuvre de civilisation qu'il poursuivait depuis plusieurs siè-
cles. C'est lui qui a été le boulevard de l'Europe contre les dangers
venant de l'Orient — « Maurice et Hcraclius, dit M. B., sont les succes-
seurs de Thémistocle et de Scipion l'Africain » — c'est lui quia gardé les
traditions littéraires et artistiques gréco-romaines, si bien que les Bar-
bares iront les lui demander, quand le moment sera venu pour eux de les
mettre en œuvre ; c'est lui qui a sauvé le commerce européen, lui enfin
quia su conserver une idée dont l'histoire de l'Europe occidentale a
subi l'influence jusqu'à nos jours, celle de l'empire romain lui-même :
sans Constantinople, l'idée impériale aurait sombré dans la tourmente
des invasions.
Telle est la conception qui a guidé l'auteur et qui fait l'originalité
du livre. Ainsi considérée, la période historique qui sert de trait d'union
entre le monde antique et le moyen âge prend un intérêt tout particu-
lier. M. B. l'a bien mis en lumière et l'a défendu avec une chaleur
qui lui fera, sans doute, plus d'un adepte. Il a commencé d'ailleurs par
en chercher dans sa famille, puisque le chapitre relatif à l'art byzantin
est dû à la plume de sa femme : ce n'est pas un des moins agréables à
lire.
R. Gagnât.
bgo. — Karl Mùllenhoff. Deutsche Aîtertumskunde. Erster Band, neuer
vermehrte Abdruck besorgt durch Max Rœdiger mit einer Karte von Heinrich
Kiepert. Berlin, Weidmann, 1890, in-8, xxxv-544 pages. 14 mark.
Le savant au zèle pieux duquel nous devons cette seconde édition,
s'est attaché à faire en sorte que les renvois aux pages de la première
5o2 RRVUE CRITIQUE
édition se rapportent également aux pages de celle-ci. Feu Mûllenhoff
avait laissé un exemplaire de la première édition, dans lequel il avait
changé la rédaction d'un certain npmbre de passages, et sur les marges
duquel il avait écrit des additions. Dans la seconde édition, les change-
ments ont été faits, les additions ont été insérées dans le texte, quand la
réalisation de ces deux espèces d'améliorations pouvait se concilier avec
le maintien de la pagination delà première édition. Dansje cas contraire,
les changements et les additions ont été renvoyés à la fin de Touvrage,
où, réunis aux quatre pages et demie àtNachtrage iind Berichtigungen
de la première édition, ils forment les douze pages et demie, cotées 497-509.
Il aurait certainement mieux valu faire au texte primitif toutes les
modifications projetées par l'auteur et imprimer en marge les numéros
des pages de la première édition. Telle qu'elle est cependant, la seconde
édition sera supérieure à la précédente.
Comme exemple des additions qu^en France on lira avec intérêt, citons
celle qui concerne la page 1 10 et qui est rejetée à la page 5oo : il s'agit
de la date où Marseille a été fondée. Le volume se termine par une table
alphabétique, tandis que la première édition n'en a pas ; enfin, la préface
de la première édition a été complétée par deux morceaux dûs à la plume
de Mûllenhoff et par des notes de M. M. Rœdiger : ces deux sortes
d'additions nous font connaître la genèse de l'œuvre érudite et ingé-
nieuse du savant défunt.
H, d'à. de J,
591. — G. AuDiSlo. Histoire civile et i>eligieus^e des papes de Constan»
tin à oiiarlemagne, traduite de l'italien par le chanoine Labis et annotée par
le chanoine Delvigne. i vol. in-8, 444 pages. Lille, Desciée ei C'% s. d.
Un premier volume de M. Audisio, qu'a traduit M. Labis (Bruges,
i885), contenait l'histoire civile et religieuse des papes sous les empe-
reurs païens. Depuis, auteur et traducteur ont poursuivi leur oeuvre. Le
nouveau tome, dont nous devons rendre compte, nous conduit de
Melchiade à la mort d'Hadrien P"" (310-795).
M. A. nous donne successivement la biographie des différents papes,
et, en même temps, il expose de façon sommaire les divers faits religieux
qui ont marqué leur pontificat. Son récit manque d'éclat; il est à la
fois terne et déclamatoire. Aucun portrait bien vivant n'est tracé. Tous
ces personnages, auxquels Técrivain attribue \ts mêmes vertus, se res-
semblent.
L'auteur connaît assez bien l'histoire générale ; il a entrepris quelques
recherches spéciales sur son sujet et a parcouru les anciens recueils. Mais
il ignore à peu près les travaux modernes. Il ne s'est point servi des
Régestes de Jaffé : il regarde comme authentiques un certain nombre de
bulles, reconnues manifestement comme fausses ^; il a commis des
I. Sans parler de la lettre du pape Anastase à Clodovech, nous citerons la missive
qu'aurait adressée Symmaque à Théodore, évêque de Laurique. Jaffé n" 767.
I
d'histoire et de littérature 5o3
petites erreurs de date i qu^une simple inspection des Régestes lui eût
évitées. Il ne connaît pas davantage les ouvrages de M. l'abbé Duchesne.
Cet historien des papes s''imagine encore qu'Anastase le bibliothécaire
est Tauteur du Liber pontificalîs.
On devine ce que sont les jugements de M. Audisio. Tous ceux qui
n'ont pas dévié de la foi orthodoxe ou qui ont rendu quelque service au
catholicisme, sont comblés par lui de louanges. A peine s'il blâme l'assas-
sinat de Crispus, commis par Constantin. Tous ceux au contraire qui se
sont écartés du symbole de Nicée sont considérés comme des coupables
et leur mémoire est chargée des plus abominables méfaits. On lit dans
son livre des phrases de ce genre (p. 20) : « Aux novateurs se joint un
cortège de femmes, honteux et ordinaire appendice des hérésies de toute
espèce. »
L'empereur Julien surtout est accablé. On écrit : « D'empereur, il
devint boucher. » On réédite sur lui les plus invraisemblables anecdotes,
p. 84 : « A Carrhes, il se renferma dans le temple fameux de Diane et
en fit sceller les portes. Après son départ, on Touvrit et qu'y trouva-t-on ?
Le cadavre encore chaud d'une victime humaine, dans les entrailles de
laquelle Julien avait cherché l'avenir. »
En somme, l'auteur a compulsé certains documents; son livre aura
le double avantage d'édifier les fidèles et de leur apprendre quelques
faits. Mais, dans l'ensemble, il est médiocre et les érudits le peuvent
négliger.
Ch. Pfister.
5g2. — Le collège de Tournon en Vîvai*ais d'après les documents originaux
inédits, par Maurice Massif, ancien archiviste du département de l'Ardèche. Paris,
Alphonse Picard, 1890, grand in-8 de Sig p.
Le collège de Tournon a été un des plus célèbres collèges de l'ancienne
France. Cet établissement méritait de trouver un historien aussi con-
sciencieux et aussi habile que M. Massip. Son volume, orné de diverses
grandes qualités, en possède surtout deux des plus enviables : il est neuf
et il est plein. Neuf, il l'est tellement que l'histoire du collège de
Tournon était, avant la publication de M. M., à peine connue. On n'a-
vait, sur cet établissement, que deux notices courtes, insignifiantes, nul-
lement documentées et où était seulement invoqué ce témoignage de la
tradition qui est toujours incertain, quand il n'est pas complètement
trompeur. Plein, le livre l'est à ce point, que l'auteur a été surpris et
même presque effrayé de l'abondance des trouvailles, dont il a dû tirer
parti. Les nombreux titres du collège étaient dispersés un peu partout,
M. Audisio s'appuie aussi sur les Actes latins de saint Sylvestre., tout en en recon-
naissant la fausseté.
I. Melchiade est devenu pape le 2 juillet 3 10, et non en 3ii; Sylvestre II est mort
le 3i décembre 335, et non le 3i décembre 336. Agalhon mourut le 10 janvier 681,
et non en 682, etc., etc.
504 REVUE CRITIQUE
en Auvergne, en Dauphiné, en Languedoc, en Provence. Leur réunion
entre les mains du zélé ciierchcur l'a obligé à changer le plan d'une étude
qui prenait, à raison des relations étendues du sujet, des proportions
tout à fait imprévues. La simplication devenait indispensable et l'auteur,
tout en s'efforçant de ne rien omettre, a dû tout abréger. Voici, du reste,
comment il se justifie de n'avoir pas donné à sa monographie toute l'am-
pleur qui lui convient : « Celle-ci suffira, croyons-nous, aux anciens
élèves du lycée de Tournon, pour qui elle est écrite. Ils nous ont fait
l'honneur de nous la demander ; nous sommes heureux de la leur offrir.
Ils désiraient qu'elle ne fût ni trop longue ni trop savante. Il est diffi-
cile d'aller vite sur un chemin où des Protestants, des Ligueurs, des Jan-
sénistes, des Cartésiens, des Malebranchistes, arrêtent à chaque pas le
voyageur; où il rencontre des juges dont les arrêts troublent sa bonne
foi; des maîtres dont il voudrait écouter la parole; des imprimeurs qui
l'invitent à feuilleter leurs savants livres ; des apôtres qu'il voudrait sui-
vre; des écoliers qui veulent l'entraîner dans le monde, à la Cour, dans
les camps, dans les cloîtres et toujours loin du collège. Et comment le
récit de celui qui a vu tant de choses singulières et tant de savantes gens,
pourrait-il, s'il est bref, n'avoir pas l'apparence d'une impression super-
ficielle, recueillie, en passant, par un observateur trop pressé. Nous le
donnons ainsi, puisque tel on Ta voulu, et fidèle néanmoins, souhaitant
qu'il soit conforme au goût de ceu.K qui voudront le lire. Ceci expli-
quera pourquoi, après avoir si longtemps cherché et abondamment
recueilli, nous n'avons utilisé qu'une partie de nos ressources. Ceci expli-
quera encore pourquoi cette histoire se présente au lecteur sans être
accompagnée, comme le veut l'usage, d'un cortège érudit de pièces justi-
ficatives. Les preuves, aussi bien que les faits secondaires, devaient ici
céder la place aux faits essentiels. Il nous a paru suffisant d'indiquer les
sources; il sera toujours facile de les retrouver ».
La monographie est divisée en quatres livres : I. Les origines du col-
lège; II. Les Jésuites; III. Bureau du collège; IV. Les Oratoriens.
Chacun de ces livres est subdiviséen plusieurs chapitres relatifs — je ne
mentionne que les principaux — au fondateur (le cardinal François de
Tournon) \ à l'édifice (construit en 1548) \ aux premières dotations, aux
études, au principal et aux régents, au nouveau régime, au temporel et
même
1. L'ouvrage débute par la rectification d'une erreur très répandue et qui a
été admise parles auteurs de ï Histoire générale du Languedoc (t. V, p. 160) : « Quel-
ques erudits ont attribué l'honneur de cette fondation mémorable au baron Just I"de
Tournon, frère aîné du cardinal Le prélat, dit-on. après avoir érigé un collège à
Auch dont il était archevêque, donna l'idée à son frère d'en fonder un autre dans sa
ville natale et il concourut à cette fondation en 1 534 avec ses neveux, Jacques, évêque
de Valence, et Charles, évêque de Viviers. On oublie que Just. frère aîné du cardi-
nal etau mort en i525 à la bataille de Pavie, que le cardinal ne prit possession de
1 archevêché d'Auch qu'en ,538 et que le collège auscitain fut fondé en i543».
2. Rien n'a survécu des constructions du xvi« siècle. L'édifice occupé aujourd'hui
par le lycée, héritier du collège, date de 1714.
d'histoire et de littérature 5o5
aux boursiers, aux écoliers et pédagogues, aux programmes et méthodes,
à l'incendie du collège (3 avril 1714), à ses propriétés, à ses revenus, à
ses charges, aux lettres patentes de 1767, de 1769, de 1770, à la situa-
tion générale de l'établissement au moment où les Oratoriens succédè-
rent aux Jésuites, après la dissolution de la compagnie, aux études et aux
pensionnaires sous la remarquable administration du Père Laurent d'An-
glade, fils d^un ancien président au siège présidial de Condom,et qui lui-
même s'intitulait « vrai gascon de la Gascogne ^ », à l'influence de la
Révolution sur les destinées du collège, à l'ordre nouveau dans les étu-
des, etc.
Tous les renseignements condensés en ces divers chapitres ont été pui-
sés aux sources les plus pures, aux documents des archives départemen-
tales de l'Ardèche et de quelques autres dépôts (Drôme, Isère, Lyon,
Toulouse, etc.). Certes l'auteur n'a pas négligé les documents imprimés,
depuis les plus anciens, comme le rarissime traité de Jean Pélisson (de
l'antiquité de la famille de Tournon, i565), jusqu'aux plus récents,
comme V Histoire du collège de la Flèche que vient de publier, en qua-
tre substantiels volumes in-8°, le R. P. C. de Rochemonteix. Mais on
peut dire que la véritable base de son livre, le solide substriictum ào. son
monument, est une masse énorme de documents authentiques et inédits
employés avec une sage discrétion et un art des plus heureux.
Dans l'Appendice (p. 283-3 17I, ont été rejetées des notes sur François
de Tournon, sur la gratuité de renseignement (réclamée par le fameux
Ramus dès i562); sur Pierre Richer, sur Pierre de Villars, sur le P. Ed-
mond Auger, sur Bon de Broé, sur le P. Coton, sur Jacques de Banne,
sur l'étude de la langue française (avec citation d'un passage du Demo-
critic de Jacques Tahureau, i565, et d'un passage de la harangue du
conseiller d'État Barin inaugurant, cent ans après, le collège de Riche-
lieu), etc.
Le volume est imprimé sur très beau papier, comme il convient à un
livre sortant des presses d'Annonay; et, ce qui vaut encore mieux, il est
très correctement imprimé. A peine y voit-on de petites fautes comme
celle qui (p. 171) transforme le nom de Geraud de Langalerie en celui
de Giraud de Langalerie. Cela disparaîtra facilement dans une nouvelle
édition qui me semble devoir être très prochaine. Je demande pour cette
nouvelle édition une table des matières, injustement sacrifiée, cette fois,
comme nous l'apprend le trop modeste auteur en une note de la page 283 :
oc Le grand nombre de noms cités dans cette notice nous avait engagés à
la faire suivre d'une table alphabétique générale. Nous avons craint, ce
faisant, de donner à notre travail un air d'importance qui ne saurait lui
convenir. »
T. DE L.
I. Tout le chapitre sur le P. d'Anglade abonde en détails charmants. C'est, après
le cardinal de Tournon, le héros du livre. Déjà cet oratorien éminent avait été hono~
rablement mentionné dans V Histoire de Pierre de Bérulle, par Tabaraud (Paris,
1817, tome II, p. 3o5), dans V Instruction publique à Condom sous l'ancien régime, par
M. J. Gardère (Auch, 1889, grand in-80, p. i32).
5o6 REVUE CRITIQUE
5g3, cian$>iquc«» populaires édités par Lecène et Oudin. Cervantes, par
Lucien Biart. Un volume de 233 pages, avec nombreuses gravures hors texte.
Paris, 1890. I fr. 5o.
Quand il s'agit non seulement du premier prosateur espagnol, mais
d'un génie aussi universellement populaire que Cervantes, c'est peu, sans
doute, de deux cents pages pour donner une idée exacte à la fois de
l'œuvre et de l'écrivain. C'est ce que M. Lucien Biart s'est proposé de
faire, et j'estime qu'il y a réussi. Mêlant la critique à l'analyse, les ren-
seignements historiques aux extraits, il nous donne dans ce court volume
une biographie du « Manchot de Lepante », un aperçu de ses principa-
les productions, en même temps qu'il apprécie avec justesse leur valeur
respective, le but et la portée littéraire et morale du Don Quichotte, La
traduction des extraits ne laisse rien à désirer au point de vue de la lan-
gue et rend bien la physionomie de l'original. On peut regretter seule-
ment que le manque d'espace ait obligé M. Biart à mutiler excessive-
ment ce livre, dont on ne peut lire le premier chapitre sans aller jusqu'au
bout, et que son admiration pour l'auteur de l'ingénieux HiJalgo ferme
ses yeux aux mérites très réels de la littérature chevaleresque au moyen
âge.
G. Strehly.
594. — Racine und lleliodor. Inaugural-dissertation von Aloys Tûchert.
K. Studienlehrer in Zweibrûcken. Zweibrikken, iSgo.
A quels signes et dans quelle mesure peut-on retrouver dans l'œuvre
de Racine l'influence du romancier grec Héliodore? Telle est la ques-
tion que se pose M. Tûchert dans cette intéressante étude. On connaît
le passage célèbre des mémoires de Louis Racine, où le fils du grand
tragique nous rappelle avec quelle passion son père, pendant son séjour
à Port-Royal, s'était adonné à la lecture du roman grec : « Les amours
de Théagène et Chariclée. » Le sacristain Claude Lancelot, le surpre-
nant dans cette lecture, avait jeté le livre au feu. Racine trouva le -■
moyen de s'en procurer un autre exemplaire, qui eut le même sort : le
même manège recommença pendant quelque temps, et, de guerre lasse,
Racine apprit le livre par cœur pour se soustraire à la pieuse persécu-.
tion de Lancelot. Il était impossible, dans ces conditions, qu'une lec
ture aussi approfondie du roman d'Héliodore n'eût exercé aucune
influence sur les tragédies de Racine : M. T. s'est donné la tâche de
retrouver cette influence, et il a su distinguer, avec beaucoup de clair-j
voyance, ce qui revient au modeste romancier grec dans l'œuvre à
Racine : la part de l'imitation n'est pas grande, mais elle existe, e
M. T. est bien en droit de la chercher. Seulement, il a le tort de pous
£er trop loin son idée : à force de chercher l'imitation, il l'invente'.
N'est-il pas étrange de noter un passage d'Héliodore où le romancierj
grec parle de l'obscurité coutumière des oracles et de faire observer quff
Ylphigénie de Racine contient en effet une prophétie à double sens? Cet
d'histoire et de littérature 5o7
exemple montre assez clairement qu'il faut user avec modération de
semblables rapprochements. On peut accorder en effet que le roman
d'Héliodore fût très familier à Racine : il est beaucoup moins vraisembla-
ble qu'il lui fût sans cesse présent à la mémoire. Un reproche plus
sérieux peut s'adresser à la composition même de l'ouvrage : du com-
mencement à la fin l'étude se rétrécit au lieu de s'élargir. L'auteur entre
en matière par les remarques les plus générales : il constate, à la fois
chez le romancier et chez le tragique, l'abus des périphrases, la recherche
constante du terme noble, les mêmes jeux d'antithèses qui font s'entre-
choquer les membres de phrase chez Héliodore et les hémistiches chez
Racine; il montre comment, chez l'un et l'autre écrivain, les caractères
de femmes sont le plus souvent énergiques et passionnés tandis que les
hommes paraissent ternes et fades; il est frappé de constater, de part et
d'autre, Tamour du vainqueur pour le vaincu, la passion de Trachinus
pour Chariclée et celle de Pyrrhus pour Andromaque; il observe avec
raison que le lomancier grec et le poète français donnent à la femme un
rôle et une importance que lui refusait l'antiquité; il nous signale enfin
l'abus des confidents, la prédilection des deux auteurs pour les dénoue-
ments heureux, l'absence de couleur locale. Ce sont là de fort justes
remarques qui donnent beaucoup d'intérêt à la première partie de l'ou-
vrage; mais est-il naturel, ou même habile, de faire suivre ces observa-
tions générales d'une nomenclature, assez exacte d'ailleurs, des passages
d'Héliodore imités par Racine? La dissertation cesse tout d'un coup
pour faire place à un index. Il s'ensuit que la seconde moitié de l'ouvrage
est à peu près illisible, ou ne se lit qu'au prix d'un assez grand effort.
Les remarques se succèdent suivant l'ordre chronologique; ce qui est
d'une composition bien artificielle et bien rudimentaire. C'est là le
défaut le plus grave de l'ouvrage de M. Tûchert. On doit toutefois lui
savoir gré d'avoir traité son sujet avec conscience et avec goût, sinon
avec une parfaite mesure. Son étude est pleine d'une respectueuse admi-
ration pour Racine qu'il connaît bien et qu'il sent bien : elle offre, en
somme, un assez grand intérêt pour les lecteurs d'Héliodore — aujour-
d'hui bien peu nombreux — et pour les amis de Racine, qui ne sont pas
tous en France, on le voit.
Georges Dalmeyda.
595. — L. Meyntel. iVapoléon 1er, sa vie, son œuvre, i vol. in-8, viii-270 pages.
Paris, Delagrave, 1890.
M. Meyniel écrit dans son avant-propos : « Notre livre ne s'adresse
pas aux érudits, ni aux lettrés. Nous avons écrit surtout pour le peuple,
pour la jeunesse des écoles. Modeste promeneur au pays de l'Histoire,
nous n'avons pas la prétention de nous poser en rhéteur ou en histo-
rien ; notre seul but est de vulgariser les exploits de nos pères, et surtout
de substituer la vérité à cette légende césarienne qui pèse encore si lour-
n
5oS REVUE CRITIQUE
dément sur la France. » Le livre de M. M. est donc avant tout un pré-
cis. L'histoire des campagnes de Napoléon y est convenablement résu-
me'e ; les principales institutions du Consulat et de TEmpire ne sont pas
oubliées; mais on devine par la phrase citée que M. Meyniel insiste
plutôt sur les défauts que sur les qualités de l'Empereur des Français,
que, par suite, il est partial. Il a pour guide au début le général Jung
et il s'attarde plus que de raison pour un manuel à discuter la date
de la naissance de Bonaparte et à suivre le jeune Corse, devenu sous-
lieutenant, dans ses différentes garnisons. Plus tard, il emprunte vo-
lontiers ses citations à Lanfrey et à Taine. Il n^écrit pas toujours bien
ses noms propres; il imprime Brunswick, Liibech, etc., James-Toiim
pour Jamestown. Parfois il manque de netteté. P. 8, on lit : « l'École
militaire de Paris avait été supprimée en 1776 »; p. i3 : «i Napoléon
demanda à être admis en qualité de cadet-gentilhomme à l'École mi-
litaire de Paris. » 11 fallait écrire dans la première phrase : « TÉcole
avait été transformée. » La carte de l'Europe centrale publiée page 222
est très mauvaise ; vous y chercheriez en vain les noms d'Eylau et de
Friedland. Ce sont là des chicanes de détail. Dans son ensemble, le
livre ne présente ni grands défauts ni grandes qualités. On doit savoir
toutefois gré à l'auteur des nombreux faits qu'il a réunis.
Ch. P.
596. — Schîllei-, sein Leben und seine Werke, dargestellt von J. Minor o.œ.
Professor an der Universitœt Wien. Berlin, Weidmann, i^ter et 2''^^ Bd. iiSgo.
L'ouvrage complet formera quatre volumes in-8, de cinq à six cents
pages chacun. Les deux premiers ont seuls paru jusqu'à présent, l'un en
décembre 1889, l'autre en septembre dernier. Ils ne conduisent encore
la vie de Schiller que jusqu^à la publication de Don Carlos, en 1787;
mais on peut dès maintenant juger de la valeur générale du travail en-
trepris par M. Minor.
D'abord ce travail arrive à son heure. En ces vingt dernières années,
une foule d'études particulières ont éclairci les derniers points restés
obscurs ou douteux dans l'histoire de Schiller et de son entourage. Les
résultats acquis valaient la peine, paraît-il, qu'on les consignât dans
une grande publication d'ensemble; car les biographies nouvelles de
Schiller abondent depuis 1880 (Duntzer 1881, Hepp i885, Weltrich
i885, Palleske (i2''édit.) 1886, Otto Brahm 1888), et quelques-unes
sont fort volumineuses. Celle de M. Minor n'est pas seulement la plus
récente de toutes et sera probablement la plus complète ; elle se distin-
gue par un mérite intrinsèque qui lui est propre, l'originalité et la jus-
tesse de l'idée fondamentale dont s'inspire son plan. Ceux qui jusqu'ici
ont raconté l'adolescence de Schiller, n'avaient jamais attentivement
analysé le fonds d'idées et de connaissances qu'il avait acquis primiti-
vement. Ils ne voyaient, dans les circonstances de jeunesse qui ont le
d'histoire et de littérature 5 09
plus influé sur lui, que d'insignifiantes données et des renseignements
dépare curiosité. Ils n'ont pu ainsi éclairer de sa vraie lumière la
période d'assimilation, base et fondement de la période de production.
Le premier, M. M. a utilisé et classé ces menus détails comme de pré-
cieux documents qui ouvrent un jour tout nouveau sur le premier éveil
et le développement graduel des pensées les plus fécondes de Schiller.
C'était là un point capital. Gomme l'auteur le constate avec raison, le
caractère distinctif de Schiller, penseur et poète, est la parfaite unité
morale de son existence d'écrivain, relTort constant de son esprit vers
le même idéal à atteindre, un irrévocable attachement aux principes
philosophiques et littéraires dont il s'est imprégné une fois pour toutes
dans le cours de sa jeunesse. Comparé, en effet, au génie de Goethe, sans
cesse en évolution et plein de métamorphoses, toujours puissant, mais
finissant par un sensible déclin, celui de Schiller, tout aussi étendu,
mais peu souple et d'une rare fixité, n'a jamais dévié de sa direction -
primitive et, jusqu'au dernier souffle de l'homme, n'a cessé de progres-
ser, en traversant brillamment une série d'épurations, toutes opérées
dans le même sens. Or, du moment que ce génie, si droit et si consé-
quent avec lui-même, a été remarquable aussi par son extraordinaire
précocité, et qu'il s'est muni de bonne heure de la provision d'idées et
de principes nécessaires à ses triomphes ultérieurs, il était essentiel de
ne jamais perdre de vue les rapports naturels qui doivent exister entre
l'histoire particulière de son éducation ou de ses études et la genèse de
ses grandes œuvres. C'est parce que M. M. a reconnu cette correspon-
dance intime dans toute sa réalité qu'il a pu éviter avec tant de succès,
dans son difficile premier volume, l'écueil de toutes les biographies anté-
rieures à la sienne : l'incertitude du plan ou l'obscurité qui résulte de
Tentassement confus des matériaux.
L'auteur doit cette idée maîtresse de son œuvre à une heureuse for-
tune. Il lui a été accordé de soumettre à une nouvelle et minutieuse
révision les archives de Schiller à l'époque où les possédait le baron de
Gleichen-Ruszwurm, et il a pu relever enfin, dans leur intégralité et dans
leur ordre exact de succession, les lectures faites ouvertement ou en
cachette par son héros, enfant ou élève. Il a découvert deux cahiers de
notes de Schiller, l'un, daté de 1779, résumé du cours d'un de ses pro-
fesseurs sur la poétique et la stylistique, l'autre, de 1773, ayant rapport
à la géographie politique de l'Allemagne. Il a constaté, en outre, dans
la bibliothèque mise à sa disposition, la présence de la vieille traduc-
tion allemande des Vies de Plutarque par Schirach, et celle du propre
Goet\ von Berlichingen que Schiller s'était jadis procuré dans l'inten-
tion de concourir pour le prix attribué par Nuremberg à un drame de
même genre. M. M. a donc pu étendre et creuser à fond la question si
importante des premières impressions littéraires de l'écrivain. Aussi, en
tournant les pages de son premier volume, a-t-on autant de profit que
de plaisir à voir le goût de Schiller se décider si franchement, et son
5 10 REVUE CRITIQUE
talent s'oiienter si aisément, d'abord à la lecture de Klopstock, puis
sous le coup des publications les plus admirées de l'époque, Werther,
Goet^, Jules de Tarcnte et des traductions de Piutarque et de Shaks-
peare, endn par l'effet de l'étude réfléchie des principales oeuvres de Vir-
gile, de J.-J. Rousseau, d'Adam Ferguson, de Wieland, de Lessing
et de Herder.
Rien ne pouvait mieux montrer la profonde connexion entre le tra-
vail des rapides années d'apprentissage et l'idée ou la forme des œuvres
de maîtrise du grand homme, queletableau d'ensemble, si vrai, silumi-
neux, quoique si rempli, que le premier, M, M. a su tracer du passage
forcé de son héros par l'Académie militaire de Stuttgart. Tout Schiller
s'explique et se comprend mieux comme poète, comme philosophe et
comme historien, dès que son génie si varié peut être observé et suivi
à travers tous les degrés de son développement initial. La poésie, dira-t-
on, était en lui un don de nature. Cela est vrai. Mais les tendances
particulières des plus grands artistes ont rarement une autre origine
qne leur admiration juvénile pour quelques modèles, et la vérité sur la
nature de ces modèles est ici des plus instructives. Ainsi, Schiller
a eu de très bonne heure, au cours même de la rédaction des Bri-
gands, l'idée, bien qu'encore vague, d'une nouvelle forme dramatique,
intermédiaire entre l'économie diffuse des pièces shakspeariennes et
l'excessive concentration de la tragédie française. Comment se ren-
dre compte de cette hardie intuition de son génie, si l'on ignore
que Schiller, si jeune qu'il fût, avait eu à l'école ducale l'occasion
de juger sur pièces les représentants les plus illustres des deux
systèmes dramatiques qu'on commençait à opposer l'un à l'autre?
D'une part, il avait lu, avec tout l'enthousiasme des Allemands de son
temps, Goet^ de Berlichingen, Jules de Tarente et le théâtre de
Shakspeare traduit par Wieland; d'autre part, il avait suivi un cours
de français et fréquemment entendu son professeur, un ancien acteur
du nom d'Uriot, vieillard aimable et tout pénétré de la tradition classi-
que, déclamer avec amour, et non sans commentaires, des scènes
entières de Molière, de Racine et de Voltaire.
Né poète et ayant trouvé dans l'étude une simple indication pour la
direction de son talent, il est devenu au contraire philosophe en écoutant
un de ses maîtres les plus aimés, J.-Fr. Abel. Celui-ci, un éclectique qui
empruntait ses opinions à Leibnitz, à Wolf, à Locke et aux Ecossais,
avait adopté et recommandé plus spécialement à ses élèves la doctrine
d'Adam Ferguson sur le rôle fondamental joué dans la vie humaine par
les deux principes de l'amour désintéressé et de l'esprit spontané de
sacrifice. Schiller, à qui en particulier il communiqua son enthousiasme
pour cette doctrine, la fit sienne pour toujours, en prenant dès lors pour
livre de chevet la récente édition allemande (1771) des Institutes of
moral philosopliy du penseur anglais. La preuve, c'est que les deux
principes de Ferguson se retrouvent au fond de la plupart des poésies i
d'histoire et de littérature 5 I I
et des dissertations scolaires du jeune Schiller, et qu^on les rencontre
plus tard dans les Dieux de la Grèce, dans V Hymne à la joie, dans le
rôle du marquis de Posa, dans la Fête d'Eleusis et jusque dans la
Cloche.
Non moins importante à noter est Paction exercée sur lui par son pro-
fesseur d'histoire, Schoît. Elle a été, en un genre ici secondaire, une des
plus durables. En 1778, ce maître, préféré entre tous à l'École de
Charles, fit pleurer à chaudes larmes tout son Jeune auditoire en lui
racontant l'infortune de Conradin et les malheurs de Marie Stuart. Une
autre fois, en 1779, il exposa devant ses élèves avec la même émotion
la politique de Philippe II et la révolte des Pays-Bas. Si Schiller a traité
plus tard les mêmes sujets que son maître, ce n'est pas pur hasard, mais,
on peut hardiment l'affirmer, une suite de la profonde impression qu'il
avait ressentie dans les cours de Schott.
De pareils traits sont destinés à pénétrer le plan de l'ouvrage entier, â
en fortifier Funité intérieure et à faire concorder dans une harmonieuse
vérité ses parties les plus éloignées. Tous les volumes à venir devront
en recevoir quelque lumière nouvelle. On peut déjà le constater facile-
ment pour le second qui vient de paraître. Mais nous n'insisterons pas
sur ce point particulier. Nous préférons indiquer le développement
propre d'un autre ordre d'idées, particulièrement intéressant pour des
lecteurs français.
Les audaces des Brigands avaient montré en Schiller l'émule ins-
tinctif des poètes de la période d'orage. Il ne voulait reconnaître au théâ-
tre d'autre modèle que Shakspeare. Très mal disposé pour la tragédie
classique des Français, ce n'est qu'à la fin de 1785 qu'il cite enfin, dans
le premier numéro de sa Thalie, quelques-uns de nos auteurs sans anti-
pathie ou sans parti-pris de dénigrement. Il avait donc à triompher de
fortes préventions personnelles, pour prendre goûta leur lecture et sur-
tout pour essayer de s'assimiler leurs qualités. M. M. a eu l'excellente
idée de noter tous les progrès que Schiller a faits successivement dans
cette voie ; car de ces progrès dépendait l'originalité du système nouveau
crée par le grand dramaturge. Le point de départ est dans le séjour assez
prolongé qu'il fit, après sa fuite de Stuttgart, dans un pays de goût exclu-
sivement français, le Palatinat. Charlotte de Kalb, sa grande amie à
Mannheim, avait voué dès Tenfance une admiration sans bornes à notre
littérature et elle continuait de se montrer enthousiaste surtout de Racine
et de Voltaire. Dans le salon de Sophie de la Roche, où Schiller s'initia
aux habitudes et au langage du monde aristocratique, le ton était celui
de Paris, et l'on s'y entretenait aussi volontiers d'œuvres françaises que
d'œuvres allemandes. Il n'y a pas Jusqu'au public de Mannheim qui
n'abondât dans le sens français en réclamant avec instance des tragédies
de l'école classique et en murmurant contre les refus obstinés de l'inten-
dant Dalberg et du comité de direction du théâtre. Les impressions qu'il
reçut dans ce milieu, expliquent comment Schiller traduisit en 1784, un
Dr2 REVUE CRITIQUE
manuscrit inédit de Diderot, qu'il intitula Curieux exemple de ven-
geance féminine. Le fait a d'autant plus d'importance que le style serré
et épii^rammatique de l'écrivain français fut une excellente école pour
Schiller qui, en prose, inclinait encore beaucoup trop vers l'emploi des
périodes longues et traînantes. A partir de ce moment, il lut assez régu-
lièrement un certain nombre de nos auteurs. Ceux dont le nom est le
plus important à connaître sont Vertot, Saint-Réal, Duport du Tertre
et surtout Mercier. Ce dernier est pour nous l'auteur presque inconnu
(1784) d'un drame informe et déclamatoire en cinquante-deux scènes
sur le sujet de don Carlos dont Schiller s^occupait déjà depuis deux ans.
Ses contemporains ignorèrent complètement le prétentieux précis histo-
rique dont il l'avait fait précéder. Schiller, au contraire, traduisit sur le
champ ce précis pour sa Thalie, et il le fît avec d'autant plus d'ardeur
qu'il commençait alors à s'adonner à l'histoire et que, en véritable enfant
du xvni" siècle, il se berçait des mêmes robustes illusions sur l'action
intérieure des gouvernements. Vivant à Dresde dans l'éloignement de
tout théâtre, il ne devait être par suite que trop porté à sacrifier les con-
ditions de la réalité scénique au développement oratoire de certains prin-
cipes généraux d'ordre politique et social. Comme le montre M. M., les
idées passionnées et la manière dramatique de Mercier ont été pour
beaucoup dans la transformation insensible, subie en 1785 par ce don
Carlos, qui devait être d'abord un tableau d'intérieur et qui devint mal-
heureusement l'immense et disparate pièce politique que l'on connaît.
Toutes ces lectures eurent cependant quelques bons résultats. Jusqu'alors,
Schiller faisait fi de la principale qualité qu'il reconnaissait à nos tra-
giques, le parfait sentiment des bienséances scéniques; il est désormais
plus retenu dans son style; il cesse dans Cabale et Amour de prêter à
tous ses personnages indistinctement le langage des classes inférieures;
il arrive enfin dans don Carlos à écrire des scènes entières sans pathos
de rhétorique. Non que l'influence française se soit exercée d'une manière
exclusive pendant cette période sur son génie si indépendant, si éclairé.
II y a aussi à faire les parts de Shakspeare, du chevalier de Klein, de Wie-
land et de Lessing. L'influence de ce dernier a été vraisemblablement la
plus considérable de toutes, et l'on conçoit fort bien que M. M. ait tenu
à en signaler les plus lointains effets.
La nouvelle biographie vaut donc, indépendamment de l'intérêt et de
la vérité des tableaux, par un fonds essentiel d'idées générales et particu-
lières qui appartiennent en propre à l'auteur. M. M. n'est pas d'ailleurs
un simple érudit de bibliothèque. Son talent d'analyse est très grand et
il sait éclairer les faits, quand cela importe, en vrai psychologue. Qu'on
parcoure, par exemple, l'exposé entier de la genèse si complexe de don
Carlos ; qu'on note le rapport relevé là, pour la première fois, entre le
sujet de la pièce et le thème favori de l'esprit pédagogique du dernier
siècle : l'éducation des princes héritiers; qu'on remarque le soin avec
lequel (p. 143) l'auteur indique partout la part de la réalité dans les
d'histoire et de littérature 5 I 3
prétendues créations purement idéales de Schiller; qu'on lise enfin
l'explication profondément humaine (p. 292 et s.) de l'amitié qu'une
jeune fiancée saxonne voua pour la vie à un poète de vingt-six ans, atta-
ché au théâtre de Mannheim.
La forme de l'ouvrage est-elle absolument digne du fonds? Personne,
croyons-nous, n'en doutera sérieusement en Allemagne; à l'étranger, on
fera peut-être quelques réserves. 11 nous semble que l'analyse des œuvres
entraîne par moments l'esprit beaucoup trop loin des grandes lignes de
la vie de l'écrivain. On éprouve principalement cette impression lorsque
M. M. nous parle des quatre premiers drames de Schiller. Il les examine
à tant de points de vue divers et touche, en les analysant, à tant de ques-
tions secondaires, que les chapitres qu'il leur consacre paraissent, dans
leur longueur, comme isolés de la biographie proprement dite. L'appré-
ciation des Brigands compte quarante pages à elle seule. L'auteur y
retrace les circonstances qui ont provoqué la naissance de la pièce, les
rapports qu'en offre la conception avec d'autres données semblables, les
caractères et les dessous vivants des personnages, l'originalité et la portée
tragique du motif traité par le poète. Il nous renseigne sur l'économie
générale du drame, sur la distribution des rôles, sur les effets de la mise
en scène, sur les qualités et le mouvement du dialogue, sur le pathos
propre au jeune Schiller. Il relève et commente les imperfections de l'oeu-
vre, il combat les objections des directeurs récalcitrants qui trouvent trop
malaisée la représentation telle quelle des Brigands, et finalement ne
nous tient quittes qu'après avoir mentionné toutes les imitations et tra-
ductions de la pièce, tant à l'étranger qu'en Allemagne même. Les chapi-
tres sur Fiesque, Cabale et Amour ou don Carlos sont encore plus
étendus, et, pour ces trois drames, M. M. recherche tout aussi minutieu-
sement, à travers les âges et dans les principales contrées, les origines, les
précédents et les semblables 1.
Mais on sait la passion qu'a le gotàt germanique pour la variété et non
pour le choix des points de vue. Les ouvrages de critique ou d'histoire
littéraire ne sont, en général, écrits de l'autre côté du Rhin que par des
professeurs. Leurs lecteurs sont, de même, gens d'étude ou du moins
gens formés aux méthodes sérieuses dans les universités. Les préoccupa-
tions d'ordre scientifique sont donc inévitables. Les historiens de la
littérature visent à la vérité des détails et se soucient avant tout d'être
complets. De là leur énorme amas de matériaux. De là, le caractère
exclusivement érudit que revêtent leurs études. Le malheur, c'est qu'avec
cette disposition d'esprit, le goût perd bien vite sa vigue'u- native; à force
de raisonner ses motifs, il s'habitue à trouver sa règle, non plus dans le
sentiment, qui sur le champ aime ou se détourne, mais dans l'intelli-
I. On comprend très bien que M. Minor cite les endroits des premières représenta-
tions de Cabale et Amour en Allemagne; mais pourquoi citer toutes les représenta-
tions de drames analogues données en France jusqu'en 1S47 î Pourquoi ne pas abréger
ces indications comme pour l'Angleterre et l'Italie, ou les reléguer dans une noter
5 14 REVUE CRITIQUE
gence, qui, par elle-même, n'aperçoit partout que matière â multiples
comparaisons et à studieuses analyses. Si les Allemands apprécient un
écrivain, ils consacrent à ses productions les plus insignifiantes une aussi
sérieuse attention qu'à ses œuvres les plus considérables. Ils passent en
revue tous ses écrits indistinctement, l'un après r.aui.re, et ne songent
nullement à grouper les semblables, à éviter les longueurs, à rejeter les
superfluités. Et voilà pourquoi M . M. s'arrête si longtemps à examiner les
moindres petites pièces lyriques, les dissertations d'élève et jusqu'aux
informes essais philosophiques du jeune Schiller. Il oublie que ce pro-
cédé risque fort de lasser l'attention, qu'il donne lieu à des redites invo-
lontaires ■ et que, somme toute, il sacrifie par trop l'essentiel à l'acces-
soire, le plaisir à l'instruction, l'art à la science.
Le style se ressent de la méthode de l'auteur et ne nous satisfait pas
entièrement. Il est simple, il est net, on n'y trouve ni vagues générali-
tés 2, ni longues périodes, ni métaphores. M. M. appartient à la jeune
école qui a pris pour modèle le genre familier, pressé et pourtant élé-
gant de Wilhelm Scherer, Si d'envieux détracteurs ont cru déprécier ce
style, en disant quMl convient mieux dans le feuilleton (Feuilletonstyl),
ils ont eu tort. Quoique le style du disciple soit bien éloigné de la viva-
cité d'allure qui distingue celui du maître, il a de la tenue et une cons-
tante correction s. Pourtant, il manque de relief ou plutôt de trait. L'ou-
vrage est trop nourri, trop chargé d'idées dans le détail pour permettre
de résumer les situations ou les jugements complexes en ces sortes de
phrases énergiques et concises qui se gravent dans l'esprit. Ce que
M. M. pense de la pièce des Brigands revient parfaitement à ce qu'en
disait si justement, dès 1787, le critique français Imbert : « Elle n'an-
nonce pas un homme de goût, mais un génie vigoureux. » C'est là une
formule précise et topique. On regrette de ne pas la rencontrer ni d'en
trouver beaucoup de semblables dans le volumineux travail du biogra-
phe allemand.
Mais on peut avoir toute confiance dans la valeur générale et dans le
succès de l'œuvre que M. M. a entreprise. Son travail, une fois ter-
miné, formera sûrement un véritable monument littéraire et sera la
1. L'histoire de la famille de Marschalk-Ostheim, famille à laquelle appartenaient
Charlotte de Kalb et M*^ de Wolzogen, est donnée pour l'essentiel jusqu'à trois fois.
Cf. p. 79, 09 et 333 du 2' volume.
2. Notons cependant la réflexion suivante qui nous étonne d'autant plus que, dans
une foule d'autres passages, l'auteur témoigne d'une connaissance approfondie de la
littérature française. « Le Misanthrope de Molière est un réquisitoire contre la phi-
losophie égoïste de son temps qui voyait dans l'amour propre l'unique source des
vertus humaines. » La réflexion est radicalement fausse ou elle est exprimée trop
vaguement. Elle se trouve p. 492 du 2" vol.
t. Citons cependant deux lapsus : l'un p. bi du premier volume, où l'auteur dit
étourdiment : Die Hoven stammten wie die Schiller aus einem alten niederlœndischen
Adelsgeschlechte ab, welches..., l'autre p. 245 du deuxième volume où la négation
est de trop : einen Brief, welchen man schwerlich fiir etwas anderes halten kann als
fur eine hinterlistige Abmahnung sicit mit Schiller nicht mehr ein.iulassen.
d'histoire et de littérature 5i5
première biographie complète de Schiller. M. M. est homme de théâ-
tre; on nous dit même qu'il a, dans sa jeunesse, monté sur les plan-
ches; en tout cas, on sent à ses réflexions sur les pièces de Schiller qu'il
a la pratique intime des choses de la scène; et ce n'est pas un mince
avantage lorsqu'il faut juger le plus grand des dramaturges allemands.
En outre, ce biographe d'un poète aux idées humanitaires et libérales a
lui-même l'esprit assez généreux et assez libre pour que son héros ne
pâtisse point de l'extrême acuité des préjugés nationaux du jour. Ce
libéralisme se rencontre plus difficilement en Prusse qu'en Autriche;
on joue rarement à Berlin le rival littéraire de Goethe; on y loue Tasse
et Iphigénie plus que Guillaume Tell ; peu s'en faut qu'on n'y regarde
Schiller comme un révolutionnaire dangereux. M. Minor est un libéral,
et voilà pourquoi il comprend si bien Schiller et l'interprète dignement.
E. Veyssier.
507. — Frîedriclï Selilegel's Ï5i-îefe an seinen Brude»* August ^Vilhelm,
hrs.g. von Oskar F. Walzel. Berlin, Steyer et Peters, 1890. In-S, xxvi et 6S0 p.
20 mark.
Excellente et très utile publication. Ces lettres de Frédéric Schlegel à
son frère étaient conservées depuis longtemps à la bibliothèque royale
de Dresde; maisWaitz, Dilthey, Haym les avaient consultées. M. Wal-
zel les publie toutes en un fort beau volume. Elles vont de 1771 à 1828,
de l'époque où Frédéric suivait les cours de l'Université de Leipzig, jus-
qu'à la dernière année de sa vie. Elles forment un précieux recueil de
documents pour l'histoire littéraire, et quiconque veut étudier et con-
naître à fond le romantisme allemand, devra les consulter; elles em-
brassent en effet toute la vie d'un des chefs de l'école ; elles exposent
plus complètement qu'aucune autre correspondance, qu'aucun autre
recueil de souvenirs, les questions littéraires de l'époque et les buts
divers que se proposaient les romantiques. M. W. a rangé ces lettres
sous huit périodes : I. Leipiig, 1 791 -1794. II. Dresde, 1794- 1796.
III. Berlin, 1797-1799. IV. léna, 1800-1801.V. Dresde et Paris,
i8o2-i8o3. VI. Vienne, i8ii-i8i5. VIL Francfort et Wiesbaden.
i8i5-i8i8. VIII. Vienne, 1818-1828. Lui-mêm.e a évidemment con-
sacré le plus grand soin à la reproduction de ces documents qui sont,
paraît-il, difficiles à lire, et il les accompagne de notes courtes, pré-
cises, mais qui disent l'essentiel, et dont aucune n'est inutile. Un index
complet et très bien fait rehausse la valeur de cette publication qui fait
à M. Walzel le plus grand honneur. A. C.
5ç^8, — G. B. Barton. Hîstory of Xeiv Soutli "^Vales, from the records.
Vol. I. Governor Phielip, 1783-1789. Sydney et Londres, 1889, Lxxxv-625 p.
La colonie de la Nouvelle-Galles du Sud, pour célébrer le centenaire
de sa fondation, s'offre le luxe d'une histoire nationale. État jeune
5i6
REVUR CRITIQUE
encore, mais glorieux et prospère, c'est avec fierté qu'elle jette un coup
d'œil en arrière sur sa laborieuse enfance. Elle a la conscience d'avoir
justirié la prophétie du premier et du plus fameux de ses gouverneurs,
Phiilip — prophétie qui sert d'épigraphe à cette publication, — qu'elle
est a la plus précieuse acquisition que la Grande-Bretagne ait jamais
faite «. Arihur PhilIip contribua lui-même en grande partie à réaliser
cette prédiction. Aussi n'est-ce pas indûment que ce volume de 600 pages
est consacré à son administration de six années. L'auterir, M. Barton,
s'excuse à la vérité de cette ampleur. Mais il a voulu épuiser sa matière,
noter jusqu'aux détails qui semblent « au-dessous de la dignité de
l'histoire ». Néanmoins il revendique le titre d'historien. On lui décer-
nera plus volontiers celui d'historiographe qui convient mieux, sinon à
son ambition, du moins à sa manière.
Dans son introduction morcelée en petites dissertations, M. B. traite
du problème du continent austral qui passionna les géographes du
xvni* siècle. C'est un intéressant chapitre d'histoire géographique, illustré
de quelques reproductions de cartes anciennes; celle de Robert de Vau-
gondy, membre de l'Académie de Nancy, qui figure dans l'ouvrage du
Président de Brosses, se distingue par sa précision divinatrice. Les
savants français, de Taveu de M. B., émirent les idées les plus justes et
les plus autorisées. Le gouvernement de Louis XVI, pour les vérifier, fit
les frais d'explorations scientifiques; les Anglais se soucièrent moins du
côté spéculatif que de la valeur pratique de l'entreprise.
Il se trouva en Angleterre, dès la découverte de Botany-Bay, des
hommes qui préconisèrent la colonisation de ce coin du continent nou-
veau; ce furent Sir Joseph Banks, l'éminent naturaliste, et un autre
enthousiaste, un gentleman du nom de Matra. Ils surent émouvoir les
gouvernants : ils songèrent à transplanter en Australie les loyalistes
d'Amérique. Cette conception d'une colonie libre ne pénétra pas dans la
tête des hommes d'État britanniques; ni lord Seymour « politicien au
cœur léger » (l'espèce se rencontrerait donc aussi en Grande-Bretagne !)
président du Home office en 1783, quand le plan fut proposé, ni Pitt
lui-même, fermé, d'après M. B., aux questions sociales, n'imaginèrent
d'autre type que la colonie pénitentiaire. Ce système prévalut.
Le récit de l'établissement de la colonie est minutieux, puisé aux
pièces officielles, aux lettres et au journal de Phiilip. Celui-ci est le
principal personnage de l'action : l'auteur étudie avec amour cette figure
de l'officier de marine se révélant du coup administrateur de génie; il
ne fait grâce d'aucun des faits et gestes du héros, le suit sur mer et sur
terre, à pied et à cheval. Ce qui ressort de cet exposé, c'est que les
bonnes intentions de Phiilip furent contrecarrées par l'élément militaire,
et que la tentative d'assimilation ou d'éducation des aborigènes échoua
grâce à la présence des convicts. Phiilip créa pour la colonie des orga-
nismes nouveaux. M. B., en sa qualité àtbarrister at lan>, of Middle
Temple, attache une importance spéciale aux institutions judiciaires,
d'histoire et de LIITÉRATURE Siy
les comparant à celles de la métropole; le public anglo-saxon est assez
friand de ces points de doctrine constitutionnelle. Une question qui
toucherait davantage le lecteur français est celle de la transportation et
de la relégation : elle est abordée dans plusieurs chapitres malheureuse-
ment dispersés. M. Barton s'indigne rétrospectivement qu'une politique
coloniale, basée sur l'esclavage et la transportation, ait trouvé faveur en
Angleterre : il a le patriotisme naïf.
Il se dégage à nos yeux de ce fouillis de faits et de documents une
leçon de morale politique. On y verra les difficultés, les erreurs origi-
nelles d'une œuvre coloniale quiacommencé au milieu de l'indifférence
de l'opinion, qui a périclité par le désaccord de ses administrateurs, et
qui a merveilleusement prospéré. Amis et adversaires de la colonisation
officielle trouveront profit à cette lecture.
B. AUERBACH.
Sgg. — I. P. SouRUU. L.'estliétique tlu mouvement. Pains, Alcan, 1889,
33 1 p. in-8. 5 fr.
600. — II. Henri Bergson. Essai sui* les données immédiates de la cons-
eience, ibid., i88g, 182 p. in-S. 3 fr. yb.
60t. — III. Pierre Janet. L,'automatisme psycliologique, ibid., 1889, 496 p.
in-8. 7 fr. 5o.
602. — I\^ ScHOPENHAUER. Le monde comme volonté et eomme repré-
sentation, trad. BuRDEAU, ibid., 1890, 460 p. in-8. 7 fr. 5o.
603. — V. B. Conta. Les fondements de la métaphysiques trad. du rou-
main par D. Tescanu, ibiJ, 1890, i55 p. in-12. 2 fr. 5o.
604. — VI. Ernest Naville. Le libre ai-l>itre. Paris, Fischbacher. 1890, 338 p. in-8.
605. — VII. K. Kroman. ICurzgerasste Logik. und Psycliologie, Ûbersetzt
von F. Bendixen. Kopenhagen. Leipzig, 1890, 389 p. in-8. 5 mark.
I. Le livre de M. P. Souriau est très riche d'idées précises et neuves,
présentées avec une méthode singulièrement ingénieuse et claire, sous
une forme remarquablement nette et ferme. Certains chapitres, notam-
ment celui qui traite de l'expression de l'aisance, sont tout à fait nou-
veaux et parfaits; certains autres, comme ceux qui traitent du méca-
nisme des attitudes ou de la locomotion, contiennent un plus grand
nombre de choses déjà étudiées; tel autre, Je veux dire celui qui traite
de l'expression des sentiments moraux, est manifestement incomplet et
l'est sans doute à dessein. Dans son ensemble, l'ouvrage est excellent.
II. La thèse de M. Bergson n'est pas de celles qu'il est possible d'ex-
poser et de critiquer en un très petit nombre de lignes. L'idée fondamen-
tale est que la psychologie scientifique moderne, au lieu de saisir les
faits psychiques dans la pureté qualitative de leur essence, les revêt
d'une forme quantitative et spatiale qui en fait des produits morts et
matérialisés. La position et les solutions contradictoires du problème
de la liberté sont un exemple de cette confusion, et des difficultés qu'elle
entraîne. Cette thèse qui n'est ni sans nouveauté, ni, à coup sûr, sans
hardiesse, est exposée et défendue avec une très remarquable souplesse
5i8 REVUE CRITIQUE
d^esprit, et une grande richesse d'arguments empruntés aux divers
domaines de la science. Peut-être l'allure négative et critique de la dé-
monstration ei l'absence de toute contre-partie positive imposent-elles
un effort qui eût pu être moindre à qui veut se mettre tout entier et en
toute sincérité au point de vue de Fauteur. La langue de M. Bergson est
d'une fermeté et d'une simplicité peu communes,
III. L'abondance et la variété des faits cliniques et expérimentaux
étudiés par M. Pierre Janet ont valu à son livre un succès qui n'est
sans doute pas encore épuisé. Peut-être peut-on trouver qu'il a apporté
une certaine précipitation à la rédaction de ce gros ouvrage, qu^il s'abuse
parfois sur la nouveauté de certains faits ou de certaines interpréta-
tions de faits, qu'il s'abuse également parfois sur la portée de certaines
conséquences philosophiques qu'il en tire. D'une manière générale, la
réflexion philosophique, attentive et pénétrante, n'est pas ce qui frappe
le plus à la lecture de son livre ; mais il convient de lui être reconnais-
sant de la somme considérable de faits qu'il offre tant à la recherche
scientifique qu'à la manie d"h3'pnotisme et de suggestion qui sévit actuel-
lement en France.
IV. M. Burdeau a terminé, avec l'aide de M, Alekan, la traduction
du grand ouvrage de Schopenhauer. Je ne vois à reprendre, dans ce
dernier volume, qu'un très petit nombre de lapsus ou d'impropriétés
de termes (p. 3o /. 7 d'en bas, réfraction pour réfutations, p. 29, au
vuîieii, les sensibilités, p. 33 1. 12, une incorrection, p. 5i, le mens,
p. 56 1. 4 d'en bas. les animaux d'une intelligence importante, etc.). Je
sais peu de traductions aussi parfaites.
V. M. Tescanu n'a certes pas voulu faire tort à la mémoire de B.
Conta, mais je ne puis croire que l'auteur, qui paraît avoir été un esprit
susceptible de développement, eût donné au public cette première ébau-
che du livre qu'il rêvait d'écrire. Il se fût sans doute aperçu à temps que
son réalisme matérialiste, très hautain et très ambitieux, n'était encore
que le balbutiement désordonné d'idées bien vieilles et bien mal assi-
milées.
VI. L'homme est libre, nous dit M. E. Naville, car i^ la réalité subs-
tantielle de l'esprit, condition de la personnalité, condition à son tour
de la conscience psychique, a pour corrélat immédiat la liberté d'arbitre;
2° la vie humaine, individuelle et sociale, n'est intelligible que s'il y a
liberté, et 3» les objections psychologiques et physiologiques ne tien-
nent point devant un examen attentif du problème ; donc le matéria-
lisme et l'idéalisme, qui ont le déterminisme pour corollaire, sont faux,
et l'hypothèse spiritualiste, qui seule admet, démontre et justifie la
liberté, est le vrai. —Y avait-il une giande utilité à nous redire ces
vieilles choses en un long volume?
VII. Le petit livre de M. Kroman, qui n'est qu'un manuel à l'usage
des écoles danoises, traite trop brièvement de la logique, et développe
avec trop de complaisance les idées traditionnelles en matière de psy-
I
d'histoire et de littérature 5 1 9
chologie; mais il est écrit avec une vivacité de style qui n'est pas sans
quelque agrément.
Lucien Herr.
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Edouard Chavannes vient de traduire en français le Traité sur
les sacrifices Fong et Chaii de Se Ma T'sien (Peking. Typogr. du Pei-t'ang. Extrait
du « Journal of tiie Peking Oriental Society ». In-8°, XXXI et gS p.K Ce 1 raité permet
de de'gager quelques uns des caractères essentiels de l'ancienne religion chinoise.
— La maison Hachette vient de faire paraître le volume de M. Fustel de Coulanges
sur la Gaule Romaine (i in-8 de 3 20 p.). Ce n'est pas la réimpression pure et
simple des deux premières parties de la 2^ édition des Institutious politiques de
Vançienne France (t. 1er, 1877). Le nouvel ouvrage, écrit en 18S7 par l'auteur,
renferme plus de cent pages inédites, et a été soigneusement revu. Le volume qui
suivra celui-ci dans la collection, V Invasion germanique et la fin de l'Emyire, est en
cours d'impression. On sait que les volumes III, IV et V des Institutions politiques
ont déjà paru. Ce sont la Monarchie franque, — l'Alleu. — les Origines du système
féodal. Nous sommes heureux de pouvoir annoncer un Vie et dernier volume, les
Transformations de la Royauté, qui sera la conclusion naturelle de l'œuvre de
M. Fustel de Coulanges. Les six volumes formeront ainsi un tout complet, embrassant
toute l'histoire de nos institutions depuis les origines jusqu'à l'établissement définitif
du système féodal.
— La librairie Masson nous envoie : i" Éléments de grammaire latine à l'usage
des classes de sixième et de cinquième, par H. Brelet; Paris, 1890; VIII-344 pp.
in-i8. L'auteur a voulu faire une petite place à la linguistique; un peu, c'est encore
trop. Pourquoi décompose- t-il domin-i en regard de domino? M. B. distingue la
syntaxe des mots et celle des propositions; celle des réfléchis « appartient à la fois
aux deux syntaxes. » II eût été pédagogique de la placer non entra les deux, mais à
la suite. M. B. veut revenir aux exemples courts et clairs de Lhomond, et, en feuil-
letant son livre, on trouve des exemples comme celui-ci : Sophocles afiliis in iudicium
uocatus est, ut, quemadmodum nosiro iure maie rem gerentibus patribus bonis
interdici solet, sic illum a re familiari remonerent iudices. Je propose qu'avant de
mettre une grammaire dans les mains des enfants, on fasse réciter à l'auteur tous
les exemples qu'elle contient. En matière d'orthographe, il faut éviter tout excès
dans un livre classique : M. B., qui n'écrit pas michi ou nichil devrait s'interdire
quum. — 1° V. Charpy, Exercices latins, classe de sixième Paris, 1891, 272 pp.
in-i8. L'impression de ce volume est soignée, même élégante. Cependant le lexique
des exercices est dans un caractère fatigant; le tableau des pp. 46-47 de la grammaire
est impraticable.
— M. PisANi publie une brochure intitulée: les Possessions vénitiennes de Dahnatie
du xvie<3« xviu« siècle 'Paris, 1890, 1 1 pp. in-8j. Ce travail est accompagné de deux
cartes; l'une indique avec exactitude les différentes limites des territoires dépendants
de Venise : la linea Nani (1671) fixant les bornes de VAcquisto Vecchio, la linea
Grimani (1700) déterminant VAcquisto Nuovo, et la linea Mocenigo (i733) enve-
loppant VAcquisto Nuovissimo; l'autre carte est une reproduction de la carte annexée
au traité de Passarovitz d'après l'original conservé aux Archives politiques du Gou-
vernement à Zara.
5 20 REVUE CRITIQUE d'hiSTOIRE ET DE LITTERATURE
— La famille de Montesquieu va publier, avec le concours de la Société des biblio-
philes de Guienne, les écrits inédits de l'immortel auteur de Y esprit des Lois. Cette
publication, dont le commencement est sous presse, n'aura pas moins de sept ou
huit volumes, composés de divers mémoires, parmi lesquels on cite \&T>iscours sur
la différence entre la considération et la réputation et le Mémoire sur un arrêt du
conseil du roi du 27 février 1725 portant défense de faire de nouvelles plantations de
vignes dans la généralité de Guienne. M. le baron Albert de Montesquieu prépare
la publication de la relation des voyages du président en Allemagne, en Hongrie, en
Italie et en Hollande. La Société des bibliophiles de Guienne avait déjà annoncé la
publication des Réflexions sur la Monarchie universelle en Europe et du catalogue
de la bibliothèque de Montesquieu annoté par lui-même.
— ^L le général Thoumae vient de publier à la librairie Pion (in-S", XI et 822 p.
3 fr. 5o) la deuxième série des Causeries militaires, qui ont paru d'abord dans le
journal le Temps (6 juin 1888-19 avril 1S89). Il s'attache, comme il dit, aux ensei-
gnements du passé, non en leur donnant la forme didactique, mais en les appuyant
sur des exemples que les récentes circonstances et la lecture des ouvrages nouveaux
lui remettent en mémoire. Une table des noms cités rehausse l'utilité du volume.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du ig décembre 18 go.
^L d'Arbois de JubainviUe termine sa communication sur les Teutons.
Selon M. Kossinna, dit-il, les Teutons habitaient la vallée du Main, c'est-à-dire la
Bavière septentrionale; ils étaient Celtes, et leur nom est gaulois. Cela n'est pas
démontré. Le nom des Teutons paraît remontera une date où les Germains n'avaient
pas encore déformé leur langue par la substitution des consonnes. Les Gaulois, et,
grâce aux Gaulois, les Romains l'ont conservé sous sa forme primitive. C'est ainsi,
ajoute M. d'Arbois de JubainviUe, que chez nous Mayence est un mot plus archaïque
que Mainz, sa forme allemande.
M. Edmond Le Blant communique à l'Académie la reproduction d'une gravure sur
bois du Térence édité à Lyon par Trcchscl en 1493. Dans le rez-de-chaussée d'un
théâtre, représenté sur cette gravure, le dessinateur a figuré \c?,fornices où se tenaient
les filles publiques et y a placé une scène rapportée par saint Ambroise et par les
actes des martyrs, l'histoire de sainte Théodora, enfermée par ordre du juge païen
dans un lieu de débauche et délivrée par saint Didyme.
M. Schefer communique à l'Académie, au nom de M. de Mély, le plan de Cons-
tantinople au moyen âge que M. le comte Riant avait préparé pour la Société de
l'Orient latin. M. de Mély, à qui M. Riant a remis le soin de publier une partie des
travaux littéraires qu'il a laissés inachevés, a tenu à le soumettre à l'Académie avant
la publication.
M. Germain Bapst communique des recherches sur la décoration et la mise en
scène des mystères du moyen âge. Il traite successivement de la structure du théâtre,
de la composition de l'auditoire, du rôle des femmes sur la scène, des décors, du
costume et des accessoires. Il termine par un chapitre sur la peinture décorative et
les peintres décorateurs, où il montre de célèbres miniaturistes, Jean Foucquet et
autres, qui ne craignirent pas de s'abaisser à peindre des toiles de fond pour la repré-
sentation des mystères.
Ouvrages présentés : — par M. Delisle : 1° [La Trémoïlle (le duc de)], les La Tré-
moille pendant cinq siècles, I, Guy VI et Georges, 1 343-1446 ; 2° Valentin-
S.MiTH (J.-E.j, la Loi Gambette, reproduction intégrale de tous les manuscrits connus;
— par l'auteur : Hamy, Congrès international d'anthropologie et d'archéologie préhis-
toriques, 10" session, compte rendu; — par M. Georges Perrot : Bardot, Poucet et
Brevton, Mélanges carolingiens (tome Vil de la Bibliothèque de la Faculté des lettres
de Lyoni; — par M. Wallon : Jovy (Ernest), Études et Recherches, I, Guillaume
Prousteau, fondateur de la bibliothèque publique d'Orléans, et ses lettres inédites à
Nicolas Thoynard; — par M. Héron de ViUefosse : Engelmann (R.), Bilder-Atlas
^um Homer et Bilder-Atlas f « Ovids Metamorphosen.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
- ■- ■ -■ — I -- — 1—
Lb Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Samt-Laurent, 23.
N° 27 Vingt-quatrième année 7 juillet 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. CHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2 5 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédactiott à M. A. Chuqute
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire), les livres d'^nt ils
désirent un compte-rendu.
KRNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28,
r
LES ACTES DES MARTYRS DE L'E-
LjLIoC V>C_/r 1 t. Etude critique par E. Amélineau. Un
beau volume grand in-S 10 fr.
CONTES ET ROMANS DE L'EGYPTE
L>rlr\r!, 1 lËJNiN-C, recueillis et traduits par E. Amélineau.
2 volumes in- 1 8 , i o fr.
LES MOINES ÉGYPTIENS, vie de Schnoudi, par
E. Amélineau. In-i8 3 5o
ESSAI SUR L'HISTOIRE DES iSRAÉLI-
lEO UC IUINIoIe, depuis les temps les plus reculés
jusqu'à l'établissement du Protectorat de la France, par D. Cazès.
In-i8 , 2 5o
1
PERIODIQUES
Tbe Academy, n" 946 : Bancroft, History of the Pacific States of North
America, vol. XXI, Utah (décrit surtout le mouvement mormon). —
Thcoloi^y and pieiy alike free, from the point ot view ot Manchester
New Collège. — Les Contes moralises de Nie. Bozon, p. p.LucyToul-
min Smith and P. Meyf.r (publication de grande valeur où le philolo-
gue, l'historien et le folkloriste trouveront à prendre). — Current lite-
iature : M""" Carette, The eve of an empire's fall ; Pimplett, Emin
pacha (ce dernier livre ne peut être recommandé que cornrae compi-
lation). — Cockncy. (Murray.) — Hanselyn-anselin. (Stevenson.) — The
Vandals and Andalusia. (Krebs.) — Ships^ masts and yards, and the
sign of the cross. — Some books on classical philology : Neue, For-
menlehre der latein. Sprache, H; Reisig-Heerdegen , Vorles. iiber
latein. Sprachwissenschaft, II, Semasiologie; Georges, Lexicon der
latein. Wortformen ; Handb. der class. Aliertumswiss. II, griech. u.
lat. Sprachwiss. ; Stephani, De Martiale verboruni novatore; Hoffmann,
Das praesens der indogerm. Grundsprache ; Bell, De locativi in prisca
laiinitaie vi et usu ; Soltau, Zur Erkl. der Reden des Hanno; Meis-
ter, Die griech. Dialekte, II, et Zum el. arcad. u. kypr. Dialect. —
Mythology and Monuments of ancient Athens, being a translation of a
portion of the Attica of Pausanias by Margaret de G. Verrall, with
introd. essay and archaeolog. comment, by Jane E. Harrison. (témoi-
gne de soin et de savoir.) — A collection of Babylonian tablets.
The Athenaeiiin, n° 3269 : Poetry and prose by John Keats, a book of
fresh verses and new readings, p. p. Formann. — Extracts from records
of the royal burgh ofStirling 1667-1752. — Tout, History of England,
for the use of the middle forms of schools, III, William and Mary to
the présent time. (Livre pratique pour les classes), — Excavations at
Megalopolis. (Loring.)
Lilerarisches Centralblatt, n" 26 : Veste, Gesch. der braunschw. Landes-
kirche von der Reform. bis auf unsere Tage. (Important.) — Heister-
bergk, Fragen der ait. Gesch. Siciliens. (Gp. Revue, 1889, n° 33.) —
Pannenborg, Lambert von Hersfeld. {Cp. Revue, 1889, n° 5o.) — Riez-
LER, Gesch. Baierns, HI. (Gp. Revue, n° 24.) — Landau, gesch. Kaiser
Karl's VI als Kônig von Spanien (680 pages sur un roi éphémère, sans
terre, sans puissance et sans argent; en réalité, ne traite que de la
guerre de succession d'Espagne sur laquelle on a, d'ailleurs, d'autres
ouvrages excellents.) — Kriegsgesch. Einzelschriften, XII. — Kaerger,
Brasilian. Wirthschaftsbilder, Erlebn. u. Forschungen. — Epping, As-
tronomisches aus Babylon oder das Wissen der Chaldiier liber den ge-
siirnten Himmel, unter Mitwirk. von Strassmaier (fera époque). "^ —
Euripides'Herakles, erkl. von Wilamowitz-Moellendorff (très inté-
ressant, embrasse un grand et important domaine de l'histoire littéraire
de l'antiquité; touche à une foule de questions contestées, apporte bien
des choses nouvelles et suggestives). — Theodosii Alex, canones, Che-
robosci Scholia, Sophronici excerpta, p.p. Hilgard, I (excellent travail).
— LoTH, Les Mabinogion, I. (Cp. Reviie, 1889, n» 37.)— Burger, Ged.',
p. p. Griseeach (bon). — Gœthes Tagebiicher der sechs ersten Wei-
mar. Jahre, erleutert (de Duntzer, naturellement, et sera utile, mais
pourquoi de telles sévérités envers ses devanciers, lorsqu'on n'est pas
irréprochable?). — Hayn, Bibliothecagerman. nuptialis, Verz. vo'n Ein-
zeldrucken deutscher Hochzeitsged. u. = Scherze in Prosa von Mitte des
XVI Jahrh. bis zur Neuzeit. — Wolf, Deutsches Lesebuch (en 5 vo-
lumes, pour les écoles de Transylvanie;.
Philologische Wochenschrift, n" 25 : Krit. Bemerk, zu Eutrop (Dias). —
Programme : Scheck, De font, démentis Alex. ; Steinberger, Œdipus,
Trag. von Seneca, ûbers. u. hist. krit. erleuteit, I; Bob, Zur Kritik u.
Eikl. der Satiren Juvenals; Renn, Diegriech. Eigennamen bei Martial;
Gelger, g. Marins Victorinus Afer, u.; J. Bauer, Das Bild in der
Sprache; Ruess, Die tiron. Endungen; Wunderer, Bruchstûcke einer
afrikan. Bibeliibers. in der pseudocypr. Schiift; Ipfelkofer, Die Rhe-
torik des Anaximenes unter den Werken des Aristoteles; Schepss,
Conradi Hirsaug. Didascalon. — Tannery, pour l'hist. de la science
hellène, deThalèsà Empédocle (2^art.; cp. Revue, iSSg,no 37).— Varro,
rerum rustic. libri très recogn. Keil (précieux complément de Téd. de
1884). — Linke, Studien zur Ilala (très soigné). — Gkoiset (A. et M.),
Hist. de la litt. grecque, I {en. Revue, 1888, n° 9). — W. Ghrist,
Gesch. der griech. Liter. bis âuf die Zeit Justinians (abondants mais
beaucoup de critiques à faire sur des points de détail). — Prellwitz,
Die argiv. Inschriften. — Fallu de Lessert, Les fastes de la Numidie
sous la domin. rom. (cp. Revue, 1889, n° 9). — Leonhard, Roms
Vergangenheit u. Deutschlands Recht (intéressant et remarquable). —
Matzat, Die UeberfûUungder gelehrten Fâcher u. die Schulreformfrage.
Deutsche Zeitschrift fur Gesch ichtswissenschaft, hrsg. von Quidde (à Fri-
bourg en Brisgau, chez Mohr, paraît quatre fois par an, au prix de
18 mark), i^"" volume, le^ fascicule, 1889 : Quidde, zur Einfuhrung. —
Hartwig, Ein Menschenalter Florentinischer Gesch. i25o-i252. —
Brosch, Schuldig oder non liquet? Zur Streitfrage ûber Maria Stuart.
— Bernheim, Ueber die chronolog. Einteil. des histor. Stoffes. — Von
Bippen, Die Hinrichtung der Sachsen durch Karl den Grossen. —
H. von Kap-herr, Die unio regni ad imperium, ein Beitrag zur Gesch.
der staufischen Politik, I. — Kaufmann, Die Universitatsprivilegien
der Kaiser. — Kleine Mitteiliingeyi : Quidde, Zum Romzugsplan von
Wilhelm von Holland. - Heuer, Zur Heirath der Lucrezia Borgia mit
Alfons von Este. — Hôhlbaum, Die Papiere des Grafen Heinrich
Mathias von Thurn. — Berichte u. Besprechungen : Neuere Literatur
zur Gesch. Englands im Mittelalter (Liebermann), — Nachrichten u.
Noti\en : Histor. Comm. in Mûnchen; Mon. germ. hist.; Preuss.
Station in Rom; Monum. Borussica; Hist. Comm. fur die prov.
Sachsen; Hansischer G. V.; Gesellsch. fur Rhein. Geschichtskunde;
Bad. liist. Comm.; Lexical. Nachschlagewerke ; Herausg. deutscher
Verwaltungsacten ; Franz. Beschwerden iiber Ausschliess. von elsass.
lothr. Archiven ; etc.
i" volume, 2° fascicule : H. Haupt, Waldensertum u. Inquisition im
sûdl. Deutschiand bis zur Mitte des XiV Jahrh. — H. von Kap-herr,
Die unio regni ad imperium, IL — Ulmann, Aus deutschen Feldiagern
wiihrend der Liga von Cambrai. — Bernays, Zur inneren Entwickelung
Casliliens unter Karl V. — Prutz, Franzôs. polnische Umtriebe in
Preussen, 1689. — Kleine Mitteilungen : v. Below, Die Kôlner
Richerzeche. — Sommerfeldt, Erzbischof Balduin's von Trier italien,
Einnahme i3i i, ein neuerdings entdecktes Einnahme register. — Heyd,
Ueber den Plan der Erricht. eines Fondaco dei Tedeschi in Mailand
1472. — Berichte u. Besprechungen : Neuere Liter. zur Gesch.
Englands seit dem XVI Jahrh. (Brosch); id. im Mittelalter (Lieber-
mann). — Nachrichten u. Notizen. — Masslov^^, Liter. von 1888 u.
1889, Bibliogr. zur deutschen Geschichte.
2*= volume, i^"" fascicule : H. Baumgarten, Differenzen zwischèn Karl V
u. seinem Bruder Ferdinand 1524. — Buchholz, Ursprung u. Wesen
der modernen Geschichtsauflfassung. — Hartwig, Ein Menschenalter
Florentinischer Gesch. 1250-1292, V-VI. —Sommerfeldt, Konig Hein-
ricli VII u. die lombard. Stiidte i3io-i3i2. — Kleine Mitteilimgen :
Ulmann, Zur Hinricht. der Sachsen 782. — Fester, Zur Gesch. der
Frankfurteii Association 1697. — Berichte u Besprechungen : Die ge-
schichtl. Studien in Frankreich (Monod). — Die neuere boiimische
Gescliichtsforsch. (Vancura). — Neuere Liter. zur Gescti. Englands im
Mittelalter I. Besprecli. einz. Werke, II. Kurze Mitteil. ûber die Liter.
von 1887- 1888 (Liebermann). — Nachrichten u. Notizen. — Bibliogr.
zur deutschen Gesch. Liter. 1889, mitte marz bis mitte Juni. Auf Octo-
ber 1888, mitte Juni 1889, mit Nachtragen zu 1888, Jan. Sept, bearb.
von Masslow.
2" vol. 2" fasc. : Quidde, Jul. Weizsacker. — Sackur, Der Rechtsstreit
der Klôster Waulsort u. Hastière, ein Beitrag zur Gesch. mittelalt.
Fillschungen. — Wolkan, Der Winterkônig im Liede seiner Zeit. —
Arheim, Beitr. zur Gesch. der iiordischen Frage in der zweiten Hâlfte
des XVI II Jahrh. — Kleine Miltheilungen: K. Maurer, Zur illteren nor-
weg. Gesch. — I. v. Gruner, Zwei Schriftstûcke Justus Gruner's, eine
Denkschrift 1809 u. ein Bericht an Hardenberg 181 1. — Kaufmann,
Rehfues ûber die Anfilnge seiner admin. Thâtigkeit in den preuss.
Rheinlanden. — Berichte u. Besprechungen : Public, der K. belg.
histor. Commission (Hubert). — Neuere Liter. zur Gesch. Englands im
Mittelalter, einz. Werke u, Liter. 1887-1889 (Liebermann). — Nachtr.
u. Berichtig. zu den Berichten Monod's u. Vancura's im vorigen Heft.
— Nachrichten u. Notizen. — Masslow u. Sommerfeldt, Bibliogr. zur
deutschen Gesch. Liter. mitte Juni. — Ende Sept. 1889.
y volume, 1'='' fascicule, 1890 : Pohlmann, Zur Beurtheil. Georg
Grote's u. seiner. griech. Geschichte. — M. Ritter, Wilhelm von
Oranien u. die Genter Pacification 1576. — Fester, Arthur Scho-
penhauer u. die Geschichtswissenschaft. — Lindner, Die Vemepro-
cesse gegen Herzog Heinrich den Reichen von Baiera-Landshut. —
A. Stern, k. E. Oelsner's Briefe u. Tagebûcher, eine vergessene Quelle
der Gesch. der franz. Révolution. — Kleine Mittheihingen : O. Fischer,
Der Zeitpunkt der ersten Austrasischen Période. — Zur Absetzung
Konig WenzePs, die Stellung Sachsens auf dem Mainzer Tage Sept, i 399
(aus dem Nachlasse Weizsaecker's). — Em. Arnoldt, Kuno Fischer's
Leibniz Biographie. — Quidde, Chronologisches. Kindieintag. —
Berichte u. Besprechungen : Neuere Literatur zur Gesch. Frankreichs
im Mittelalter (A. Molinier); Franz. Geschichtsliter. des Jahres 1889,
neuere Zeit (L. Farges); Neuere Liter. zur Gesch. Englands im Mitte-
lalter (Liebermann); Neuere Liter. zur Gesch. Englands seit dem XVI,
Jahrh. (Brosch.) — Nachrichten u. Notizen. — Bibliogr. zur deutschen
Gesch. (Liter. von Sept. 1889 bis Anfang Januar 1890, bearb. von
Masslow.)
EMILE BOUILLON, ÉDITEUR, 67, RUE RICHELIEU.
EN VENTE
COiiRESPONDiNCE DE MADAME DUCBESSI D'ORLÉANS
Extraite de ses lettres originales déposées aux Archives de Hanovre
et de ses lettres publiées par M. L.-W. Holland.
Traduction et notes pai E. Jaeglé.
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NO 28 Vingt- quatrième année 14 juillet 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. GHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. - Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
%DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire), les livres dont ils
désirent un compte-rendu.
KRNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
LES ACTES DES MARTYRS DE L'É-
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PERIODIQUES
Revue rétrospective, i'''' juillet : Mém. inédits d'Hippolyte Auger, 1810-
1817. — Une fille de Desaix. — Prise du Trocadéro. — Un chevalier
peu galant (1748). — Erreur judiciaire et indemnité (1767).
Bulletin critique, n'' 1 3 : Lemm (von), Koptische Fragm. zur Patriar-
chengesch. Alexandriens (excellent). — Franck, Nouveaux essais de cri-
tique philosophique. — J, Thomas, Princ. de philosophie morale. —
RiEMANN, Syntaxe latine (nouvelle édition; contient dUmportantes mo-
dihcations). — Chotard, Louis XIV, Louvois, Vauban et les fortif. du
nord de la France, diaprés les lettres de Louvois à M. de Chazerat (re-
cherches insuffisantes).
The Academy, n» 947 : Russell, Nelson and the naval supremacy of
England (insuffisant). — G. Brandes. Impressions of Russia, transla-
ted tVom the Danish by Eastman (intéressant, mais a parfois le caractère
d'une compilation, et renferme bien des négligences). — Some historical
books : MoRRisoN, The Jewsunder Roman rule (très sobre et judicieux) ;
O' CoNNOR Morris, Dublin Castle; Burckhardt, The civilisation
of the Renaissance in Italy, translatée! by Niddlemore). — Some classi-
cal texts : The speech of Demosthenes againstthe lawof Leptines, p. p.
Sandys; Eutyphro, p. p. Adam; Livy, IV, p. p. Stephenson; Herodo-
tus, V, p. p. Schuckburgh ; Demosthenes, orations against Philipp, II,
p. p. Abbott and Mattheson; Homeri llias, p. p. Cauer; p. p. Rzach ;
Horati opéra, p. p. Keller u. Hauessner. — Cockney (Murray). — Sca-
dinayia (Bradley). — Survivais in negro funeral cérémonies (Brown). —
O. ScHRADKR, prehistoric antiquities of the Aryan peoples. transi, by
Jevons, from the second éd. of the german. — Philological books :
Schumacher, Northern Ajlûn (un des meilleurs volumes publiés par le
Palestine Exploration F'und); De Hamme, The Pilgrim's Handbook to
Jérusalem; King, The Asaph P.'^alms in their connexion with the early
religion of Babylonia ; Schabbaih, p. p. Strack; Bâcher, Die Agada
der Tannaiten, II. — The Yenissei inscriptions, n" 1 1 1 (Rob. Brown,
juin). — Some books on Roman archaeology : HIibner, Rom. Herr-
schaft in Europa (recueil d'essais fort utiles); P.Lejay, Inscriptions anti-
ques de la Côte-d'Or (« a. usefui and valuable publication »). — Gagnât,
L'année épigraphique 1889 (« a continuation of Gagnat's admirable
epigraphic su m ma ries). — Das rôm Lager in Bonn. — Archaeol.
epigr. Mittheil. XXI, i.
The Athenaeiim, n» 3270 : W. M. Rossetti, Dante Gabriel Rossetti as
designer and writer. — Waifs and strays of Geltic tradition. Argyllshire
séries, n" II, folk and hero taies, coll., éd. and transi, by Mac Innés,
with notes by the editor and Nutt. — Edwards, The Romanoffs tsars
of Moscow and emperors of Russia (intéressant, quoique non sans né-
gligences). — Thomson (Jos.), Mungo Park and the Niger. —• Theolo-
gical books: Westcott, The Epistle to the Hebrews, the Greek text,
with notes and essays; Orelu (von), The prophecies of Jeremiah, transi,
by Banks. — M. Baber (not. nécrol.). — Washington's ancestry. —
Théories about Junius (Rae).
Litterarisches Centralblatt, n» 27 : Brandt, Die mandaische Religion. —
Antonini^Placemini itinerarium mit deutscher Uebers., p. p. Gildemeis-
TER. — Klee, Geschichtsbilder aus der deutschen Urzeit (fait d'une fa-
çon intéressante). — Seeliger, Erzkanzleru. Reichskanzler (travail très
soigné qui aboutit à des résultats importants et qui est précieux pour
rhistoire de l'administration). — Pflugk-Harttung, Gesch. des Mittel-
alters, I. (On avait jusqu'ici Dahn et Kaufmann. Mais Dahn qui com-
prend quatre gros volumes, est si prolixe et si irrégulièrement composé
qu'il y a peu de gens qui Taient lu d'un bout à Tautre. Kaufmann est
de beaucoup plus maniable et pluslisible; mais il traite trop longuement
certains détails, touche trop brièvement à d'autres, et en laisse d'autres
de côté. L'auteur du présent ouvrage cherche à éviter ces défauts en le-
traçant dans un grand tableau d'ensemble tous les côtés de l'ancienne
vie germanique. Sa tâche difficile a été entreprise avec sérieux et ter-
minée avec succès. On apprend beaucoup dans ce premier volume qui
est à la fois clair et complet, sous une forme concise.) — Elben, Nie-
derôsterreich u. seine Schutzgebiete i524, ein Beitr. zur Gesch. des
Bauernkrieges. — Ratzel, Die Schneedecke bes. in deutschen Gebir-
gen. — Clerke, Gesch. der Astronomie imXIX Jahrh. — Alb, Levy,
Beitr. zum Kriegsrecht im Mittelalter, insbes. in den Kampfen, an
welchen Deutschland betheiligt war. (peu de résultats scientifiques; ne
connaît pas toutes les sources du sujet). — Subhadra, buddhist. Cate-
chismus zur Einfiihr. in die Lehre des Buddha Gautama. — Von Scala,
Die Studien des Polybios, I (quelques bonnes remarques, mais l'auteur
lire des documents plus qu'ils ne le permettent). — Lejay, Inscriptions
antiques de la Côte-d'Or (très estimable travail). — Bruder Hermanns
Leben der Grafin Jolande von Vianden, p. p. Meier (bon). — Sittard,
Zur Gesch. der Musik u. des Theaters am wiirltemb. Hofe, I, 1458-
1773. — Besson, De Seb. Brant sermone; Etude sur Fischart (le travail
sur Fischart est fort recommandable). — Froitzheim; Gœthe u. H, L.
Wagner (trop de fantaisie). — Goldschmidt, Liibecker Malerei u. Plastik
bis i53o (très bon travail),
Deutsche Litteraturzeitimg, no 26 : Bruch, seine Wirks. in Schule u.
Kirche 1821-1872. — Koltzsch, Melanchtons philosoph. Ethik. —
K. A. ScHMiD, Gesch. der Erzieh. vom Anfang an bis auf unsere Zeit,
11,2. — Sal. Stein, Das Verbum der Mischnahsprache; Rosenberg,
Das aram. Verbum im babylon. Talmud ; M. Schlesinger, Das aram.
Verbum im Jérusalem. Talmud (de bons travaux; celui de Schlesinger
est excellent). — Glossae codicum Vaticani 332i, Sangall. 912, Leid.
67 F., p, p. GoETz. — Wormstall, Ueber die Chamaver, Bructerer u.
Angrivarier, mit Rûcksicht auf den Ursprung der Franken u. Sachsen
(contestable). — Lamprecht, Die rom. Frage von Kônig Pippin bis auf
Kaiser Ludwig den Frommen (« laisse trop de carrière au Jeu de la
sagacité »). — Archiv fur Frankfurts Gesch. u. Kunst, III, 2, — Bi-
bliothek denkwûrd. Forschungsreisen, p. p. Falkenhorst, i-3. —
Burckhardt, Zur Gesch. der locatio conductio. — Alb. Levy, Beitr.
zum Kriegsrecht im Mittelalter, insbes. in den Kampfen, an welchen
Deutschland beteiligt war (sujet ingrat). — Mack, Die Finanzverwalt.
der Stadt Braunschweig bis 1374 (a de bonnes parties). — I Nibelunghi,
trad. Pizzi (fait avec soin, et bien réussi). — Generalversammlung der
Gœthegesellschaft (réunion du 3i mai).
Gœttingische gelehrte Anzeigen, n" 12 : Dr. Martin Luthers Werke,
VI^ vol. p. p. Kolde. — NuTT, Studieson the legends of the holy Grail
(long et important article de H. Zimmer qui constate qu'il manque
beaucoup à M. Nutt et qui conclut par le vers « ut desint vires, tamen
est laudanda voluntas » ; Nutt ne connaît point par lui-même les lan-
gues et les littératures celtiques et se trouve réduit à des traductions,
des sommaires, etc.; en outre, il n'a aucune idée de l'influence que les
peuples civilisés de l'Europe, Romans, Celtes, Germains, ont exercée
les uns sur les autres pendant mille ans).
Berliner philologisc'ne Wochenschrift, n» 26 : Die Ausgrab. in Troja. —
Zu den Hymnen des Proklos (Ludwich). — Ammon, De Dionysii Halic.
libr. rhetor. foniibus (instructif). — Philodemi fragm., p. p. Hausrath.
— Zelle, Novum Testam. graece, I. Das Evangel. des Matthâus. —
Horaz, I. Oden u. Epoden , 3" Aufl. p. p. Schûtz — TertuUian,
p. p. Reifferscheid et Wissowa, I (texte considérablement amélioré).
— Studniczka, Kyrene, eine altgriech. Gôttin (fait avec grand soin). —
Gabriel Melin, La clientèle romaine (original, soigné, mais trop d'ypo-
thèses. — V. Henry, Esquisses morphologiques, V. Les infinitifs latins
(travail où l'infatigable auteur montre de nouveau sa pénétration).
Deutsche Rundschau, juillet : G. von Loeper, Gœthe u. Weimar (confé-
rence faite le 3i mai à l'assemblée générale de la Société de Gœthe). —
JuNKER VON Langegg, Heilige Baume und Pflanzen, culturgesch. Skizze.
— O. Hartwig, Florenz u. Savonarola.— Rodenberg, Jul. Dingelstedt,
Blâtter aus seinem Nach^ss, mit Randbemerkungen : Der Theaterin-
tendent und Freiherr. M/inchen. I, 1851-1857. — Eucken, Der Kampf
der Gegenwart u. die Lebensanschauung im Lichte der w^eltgeschicht-
hchen Arbeit. — Krause, Aus dem Berliner Musikleben, —Nietzsche,
Berichtigung. — Ad. Frey, Aus einer Schweizerischen Kleinstadt. —
Die Nibelungen in italieni^cher Uebersetzunii
Neues Archiv der Gesellschaft fur aeltere deutsche Geschichtskunde, XV, 3 :
Sackur, Reise nach Nord-Frankreich 1889. — Simonsfeld, Bericht
ûber einige Reisen nach Italien. — Gundlach, Ueber die Columban-
Briefe. — Hartmann (L. M.), Ueber die Orthographie Papst Gregors L
— Breslau, Zusatz ûber einen Gregor I zugeschriebenen Brief (Ori-
ginal aut Papyrus in Monza). — V. Simson, Kritische Erôrterungen. —
MiscJlen : Wrede, Zwei ostgot. Miscellen; Chroust, Topogr. Èrklar.
zu einigen Steilen in den Monum. Germ.; L. V. Heinemann, Die
alteren_ Diplôme fur das Kloster Brogne u. die Abfassungszeit der Vita
Gerardi; Sackur, Zu den Legenden des hlg. Franz von Assisi; Baum-
garten (P. M.), Ueber eine Handschrift der Briefe Gregors I ; Schmitz,
Tiron, Miscellen; Lippert, Zu dem Necrol. S. Vitoni Virdunensis.
Zeitschrift fïir romanische Philologie, 1890, XIV, 1-2 Heft : W^ieprecht,
Die latein. Homilien des Haimo von" Halbeistadt als Quelle der altio-
thring. Haimo — Uebersetzung. — E. Gessner, Die hypothetische Pé-
riode im spanischen in ihrer Entwickelung. — Ch/BoNNiER, Etude
critique des chartes de Douai, 1223-1275. — Schiavo, Fede e supers-
lizione nell'antica poesia francese. — Crescini, Azalais d'Altier. —
Gorra, Fonetica del dialetto di Piacenza. — Vermischtes : Baist, Die
Todtenbrucke. — Appel, zu Guillelm Ademar, Grimoart Gausmar u.
Guillem Gasmar. — Kôppel, Ist Bice Portinari Dante's Béatrice? —
BiNz, Zum Evangile de femmes. — Suchier, Zu Aucassin (tateron,
soïsté). Schuchardt, Wortgeschichtliches (Span. dengue; mimus, mo-
mus; malandria; gilet; span. port, tomar ; franz. mauvais, altfr. mauve).
Baist, manera. — Besprechungen : A Thomas, poésies complètes de
Bertran de Born. — Du Puitspelu, Dict. etymol. du patois lyonnais.
— Leop. de Eguilaz y Yangvas. glos. etimolog. de las palabras espano-
les. — Kressner, Bibl. span. Schriftsteller. — Barseanu, Doine si Stri-
gaturi din Ardeal ; Marian, Descanteze poporane romane; Schwazfëld,
poesiile populare colectia Alecsandri; Xenopol, Storia Rominilor din
Dacia Traiana. — Bédier, Le lai de l'ombre.
Theolog'ische Literaturzeitimg-, n" i3 : Resch, Agrapha, aussercanon.
Evangelienfragm. — Wolf, The Lutherans in^America. — Weiss,
Einleit. in die christl. Ethik. — Euler, Handb. zum Kleinen Cate-
chismus Luthers. — Wild, Der Kleine Catechismus Luthers. —
Œhmke, Die funf Hauptstiicke des lutherischen Katechismus. — No-
tiz. zu Priscillian. ^Schepss.)
LePuy. typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laureni. il.
N*^ 29 Vingt-quatrième année 21 juillet 1890
REVUE CRITIQUE
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génie, i" fascicule. Fortification préhistorique et fortification gau-
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glaise du Cap de Bonne Espérance et de ses annexes. Par M. Paul
LÉLu. In-8, carte 2 5o
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 948 : The Journal of Marie Bashkirtseff, translatée!
with an introd. by Math. Blind. — Stubbs, The history of the Univer-
sity of Dublin, from his foundation to the end of the XVIII century. —
DoLsoN, Russia's railway advance into Central Asia, notes of a journey
from St. Petersburg to Samarkand. — The etymology of davit (Skeat).
— Cockney (Chance) — The Apographon of the Ambrosian palimp-
sest of Plautus, p. p. Studemund. — The art of Judaea (Pétrie). — The
Antigone at Bradfield. (Sandys et Am. B. Edwards] .
The Athenaeum, 5 Juillet : Continental literature, july-iSSg july 1890 :
Belgique, Bohème, Danemark, France, Allemagne, Grèce, Hollande,
Italie, Norvège, Pologne, Russie, Espagne (Laveleye et Fredericq ;
Cermak; Peiersen,J. Reinach ; Zimmermann ; Lambros; Van Campen;
Bonghi; Jaeger; Belcikowski; Milyoukov; Riano). — Stanley, In
Darkest Africa, or the quest, rescue and retreat of Emin, governor of
Equatoria. — Prince Dorus (Tuer). — The manuscripts of the House
of Lords. — The explorations at Cyprus (Munro).
Literarisches Centralblatt, n° 28 : The psalms in Greek, p. p. Swete. —
Neumanm, Der rômische Staat u. die allgemeine Kirche bis auf Diocle-
tian. I. (excellent). — Rodenberg, Ueber wiederholte deutsche Kônigs-
wahlen im XIII Jahrh. (instructif). — Hanserecesse 1477-1530, p. p.
D. ScH^FER, IV. — GiTNDLACH, dcT Strcit dcr Bistûmer Arles u. Vienne
(cp. Revue, n° 26). — Heigel, Quellen u. Abhandl. zur neueren Gesch.
Bayerns, neue Folge (neuf études). — G. Wolf, Josefina (extraits de
documents). — Scheele, Die Lettres d'un officier prussien Friedrich's
des Grossen (fait avec méthode et soin). — Bartholomae, Indogerm. ss
(cp. Revue, n° 16). — Larsen, Studia critica in Plutarchi moralia
(composé avec une bonne méthode et non sans pénétration). — Hue de
Rotelande's Ipomedon, ein franz. Abenteuerroman des XII Jahrh., p. p.
KuLBiNG u. KoscHwiTz. — KiLiAN, Die Mannheimer Buhnenbearbeit.
des Gôtzvon Berlichingen vom Jahre 1786, hrsg. — Drovsen, Heerwe-
sen u. Kriegfûhr. der Griechen, II. (Toujours le même savoir, la même
abondance de matériaux et le même soin). — Hogarth, Dévia Cypria
(cp. Revue, n° 7). — Schiess, Die rômischen coUegia funeraticia nach
den Inschriften (cp. Revue, n° 29).
, Deutsche Literaturzeitung', n" 27 : Bibliothèque de l'École des Hautes
Etudes, sciences religieuses, vol. I (cp. Revue 1889, n» 65). — O.
JilGER, Abriss der neusten Gesch. 1815-1871, 2^ Aufl. — l'he minor
Law-Books, translated by Julius Jolly, part I, Nârada, Brihaspati
(très_ bon). — Grundmann, Ueber 98 in Attica gefundene Henkelin-
schriften auf griech. Tongefassen (art. de Kaibel « eine grûndliche Pru-
fung u. Beurteilung des" reichen Materials ist dringend von Nôten;
weder was G. noch was seine Vorgânger ermittelt haben, kann genii-
gen ))). — Leisev\^itz, p. p. R. M. Wernep. — Rajna, Le corîi d'amore
(conférence qui est devenue un petit livre destiné au grand public; ce
qu'il renferme de plus important, se trouve à la note 67). — G. F.
Hertzberg, Gesch. der Stadt. Halle a. S. (l'auteur qu"on a coutume de
rencontrer sur le domaine de l'histoire byzantine et romaine, a écrit
Thistoire de sa ville natale, avec beaucoup de soin et de couleur].
N. Weiss, La chambre ardente, étude sur la liberté de conscience sous
François I*-^ et Henri II (très recommandablel. — SiFFARo, Gesch. des xMu-
sik =und Concertwesens in Hamburg; Studien u. Charakteristiken. —
— SuRcouF, Un corsaire malouin, Robert Surcouf (se lit avec intérêt).
LIBRAIRIE HACHETTE ET C
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS.
FUSTEL DE COULANGES
Membre de l'Institut (Académie des sciences morales),
professeur en Sorbonne.
HISTOIRE
DES
INSTITUTIONS POLITIQUES DE L'ANCIENNE FRANCE
LES ORIGINES DU SYSTÈME FÉODAL
LE BÉNÉFICE ET LE PATRONAT PENDANT l'ÉPOQUE MÉROVINGIENNE
Revu et complété, sur le manuscrit et d'après les notes de l'auteur
Par Camille JULLIAN
Chargé de cours à la Faculté des lettres de Bordeaux.
Un volume in-8, broché 7 fr. 5o
DU MÊME AUTEUR :
Histoire des institutions politiques de l'ancienne Franck :
La Gaule romaine. 1 vol. in-8° (En préparation).
L'Invasion germanique. 1 vol. in-8° (En préparation).
La Monarchie franque. 1 vol. in-8°, broché. 7 fr. 50.
L'alleu et le domaine rural pendant l'époque mèrovingieniie. 1 vol. in-8, bro-
ché. 7 fr. 50.
SOURCHES (Marquis de)
MÉMOIRES SUR LE RÈGNE DE LOUIS XIV
Publiés d'après le manuscrit authentique appartenant à M. le duc des Cars
Par le comte DE COSNAC (Gabriel-Jules)
ET
Edouard PONTAL, archiviste paléographe.
Mise en vente du Tome X embrassant la période de janvier 1706
à décembre 1707.
Un volume in-8, broché 7 fr. 5o
L'ouvrage complet formera environ 15 volumes.
Il a été tiré 150 exemplaires numérotés sur grand raisin vélin de Hollande, à
20 fr. le volume.
Les neuf premiers volumes (septembre 1681 - janvier 1704) ont paru précé-
demment. Chaque volume. 7 fr. 50.
LIBRAIRIE HACHETTE ET C
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS
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1 e
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AU XV' SIÈCLE
Un vol. in-folio, cartonné 60 fr.
LES CAHIERS D'UN RHÉTORICIEN
DE 1815
Un volume petit in-16, imprimé sur papier du Marais, broché. . . 7 fr. 50
Cet ouvrage n'a été tiré qu'à 500 exemplaires numérotés.
Tous ceux qui ont passé par l'Université, dans les années qui précédèrent la
révolution de 1848, ont gardé le souvenir de M. Bary, qui était professeur de phy-
sique et répétiteur de science à l'Ecole polytechnique. Ses enfants ont retrouvé
dans ses archives trois cahiers, d'un papier "jauni, écrit par leur père, et qui por-
taient ce Litre : Mes Ephémérides. M. Bary, à l'heure où il était encore sur les
bancs du lycée, en rhétorique, avait eu idée de noter, chaque soir, ses impressions
du jour, d"écrire son journal. Le journal ne dura que trois mois, ou du moins,
on li'en a retrouvé que trois cahiers. Mais ces trois mois sont précisément ceux
que l'on a nommés les Cent jours, ce qui permit à l'enfant de s'occuper de politi-
que et de nous montrer, en parlant de son père et des amis de son père, l'état des
esprits à cette époque si troublée et si curieuse.
On a fait imprimer les cahiers tels quels, sans y changer un mot. Ils sont bien
amusants à lire, parce qu'ils nous donnent des renseignements très précis sur les
idées, les mœurs et les tours d'esprit de celte génération d'écoliers, qui allaient
être des hommes et accomplir les grandes choses de la Restauration.
(Extrait du 17P Siècle du 4 avril 1890.)
GUILLAUME (J.)
PESTALOZZE
(ÉTUDE biographique)
Un volume in-16, broché, avec un portrait de Pestalozzi. . . . 3 fr. 50
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L'ÉVOLUTION DES GENRES
DANS L'HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE
LEÇONS PROFESSÉES A l'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE
TOME PREIVIIER
Introduction : L'évolution^ de la critique depuis la Renaissance jusqu'à
nos jours.
Un volume in-16, broché 3 fr. 50
Le Puy imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N° 30 Vingt- quatrième année 28 juillet 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL. HEBDOMADAIRE
Directeur : A. GHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2 5 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire), les livres dont ils
désirent un compte-rendu.
KKNEST LKROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
PRINCIPES DE LA FORTIFICATION
A IN 1 Iv-^UC, depuis les temps préhistoriques jusqu'aux
croisades, pour servir au classement des enceintes dont le sol de
la France a conservé la trace, par M. G. de la Noé, colonel du
génie, i^'' fascicule. Fortification préhistorique et fortification gau
loise. In-8, fig. et planches 3 5o
2° fascicule. Fortification romaine. In-8, 5 planches 3 5o
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Litterarum Parisiensi Theod. Reinach. ln-8. 3 fr.
L'AFRIQUE DU SUD. Histoire de la colonie an-
glaise du Cap de Bonne Espérance et de ses annexes. Par M. Paul
Lélu. In-8, carte 2 5o
PERIODIQUES
BiiUetiu du Cercle Saint-Simon, n° 2, juin 1890 : Assemblée générale du
29 mars. — Nomination du bureau et des commissions. — Nouveaux
membres. — Li^'res nouveaux. — Chronique (le prochain numéro con-
tiendra un compte-rendu des conférences de MM. Durand-Gréville,
MouNET-SuLLY et G. Deschamps, et des dernières réunion? qui ont eu
lieu au Cercle).
The Academy, n» 941 : Stanley, In Darkest Africa on thequest, rescue
and retreat of Emin, governor of Equatoria. Deux volumes. — Mac-
CARTHY, The French Révolution, vol. I. (Ne contient encore qu'une
introduction aux trois volumes suivants). — Wright, The composition
ot the four gospels, a critical inquiry. — Woodbury, Talks with Emer-
son. — Myers, Lord Althorp. — Some books on folklore : Allen, Ko-
rean taies: Gôrnes, studien zur gtiech. Mythologie; Lauchert, Gesch.
des Physiologus; Marx, Griech. Miirchen von dankbaren Tieren u.
Verwandtes (cp. sur Lauchert, Revue, 1889, n° 24 et sur Marx, Revue,
1889, n" 37). — Notes and news. — A Pâli adress to an English gover-
nor.-— De Quincey's alleged untruthfulness (Florence Baird-Smith, De
Quincey's daughther). — The lost works of Philo (Conybeare). — The
substantive louke in Ghaucer (Skeat). — An Icelander upon the bond-
man (Stefanson). — Printing at Avignon in 1444 (Axon : 1' « ars scri-
bendi artiticialiter » de Waldvogel ne serait-il pas un terme impropre
« for stencils to be used by the scribe » ?) — Lilly, On Right and
Wrong. — Contributions to Pâli lexicography : i Lûha, luhasa,
lukhasa. 2 Rabhasa. 3 Arana-vihârî 4. Sâlittaka. 5 Pitta. 6. Samâsîtîs
7. Satakkatu. 8. Sahunnavâsî (R. Morris). — Millar, The historical
castles and mansions of Scotland, Perthshire and Forfarshire.
The Athenaeum, n° 3272 : Ernst II, Herzog von Sachsen Coburg Go-
tha, Aus meinem Leben und aus meiner Zeit, III Band, Memoirs of
Ernest II, Duke of Saxe-Coburg-Gotha, vols III and IV, translated
from the German by Percy Andreae. — Driver, Notes on the Hebrew
texl of the Books of Samuel, with an introd. on Hebrew palaeography
and the ancient versions and facsimiles of inscriptions. — Fraser Mac-
kintosh, Letters of two centuries. — The Gutenberg célébration in Co-
logne. — The officiai despatches of the Great Rébellion. — Lermolieff,
Kunstkritische Studien ûber italienische Malerci, die Galérien Borghese
und Dorian Panfili, in Rom. — Notes from Athens (Lambros). — The
British Archaeological Association at Oxford. — The British School at
Athens.
Literarisches Centralblatt, n° 29 : Margoliouth, An essay on the place
of Ecclesiasticus in Semitic literature. — Von Hase, Kirchengesch. —
Anonymi Gesta Francorumet aliorum Hierosolymitanorum, p. p. Ha-
GENMEYER (édition définitive et indispensable par son commentaire). —
WiTTE, Die Armagnaken im Elsass (attachant). — N. Weiss, La cham-
bre ardente, étude sur la liberté de conscience sous François P"" et
Henri II (« image saisissante de la cruauté de la persécution et du mar-
tyre héroïque des protestants français »). — Von Werner, Ein deutsches
Kriegsschiff in der Sùdsee. — Die Befestigungen Frankreichs, ein Bei-
trag zur Kenntniss der franz. Landesverlheidigung. — Mommsen,
Romisches Stadtrecht, III, i et 2. — Reinisch, Die Kunama-Sprache in
Nordost-Afrika, II. — Alb. Zimmeumann, Krit. Untersuchungen zu den^
Posthomerica des Quintus Smyrnaeus (met à une trop rude épreuve la
patience du lecteur). — Bulering, Gesch. der Ablaute der starken
Zeitworter innerhalb des Siidenglischen (fait avec grande compétence
et méthode). — Appel, Provenzalische inedita aus Pariser Handschrif-
1
ten (travail fort consciencieux). — Gaston Paris, Extraits delà Chanson
de Roland et de la Vie de S. Louis, 2« éd. (guide commode et sûr ; la
main du maître qui s'est trouvée prête pour une tâche en apparence peu
importante, ne se dément nulle part). — Bonet-Maury, Bûrger et les
origines anglaises de la ballade littéraire en Allemagne (rien de nouveau,
mais l'essentiel devait être mis plus clairement en relief et il faudrait
en certains endroits plus d'exactitude; cp. Revue, n° i). — Roscher,
Ausfûhrl. Lexicon der griech. u. rôm. Altertûmer, I, i u. 2. Aba bis
Hysiris. — Bohn, Altertûmer von Aegae, unter Mitw. von K. Schu-
CHARDT, hrsg. (important). — Lutsch, Die Kunstdenkmaler der Land-
kreise des Regierungsbezirkes Breslau, IV. — Ziel, Erinner. aus dem
Lehen eines alten Schulmannes. — De Parville, L'exposition univer-
selle, lettre-préface par Alphand. — Caspar's Directory of the American
book, news and stationery trade, wholesale and retail, comprising the
publishing, subscription, retail book, antiquarian, etc. in the United
States and Canada (servira d^indicateur à la librairie américaine). —
Jahresverzeichnis der an den deutschen Schulanstalten erschienenen
Abhandlungen, L
Deutsche Litteraturzeitung, n" 28 : Delitzsch, Buch Jesaia. — Adam,
Die Aristotel. Théorie vom Epos nach ihrer Entwickl. bei Griechen u.
Romern. (n'est pas au courant). — Hubner, Bibliogr. der Klass. Alter-
tumswiss. a** éd. — Schipper, Zur Kritik der Shakspere — Baconfrage
(cp. Revue, n" 28). — Max Herrmann, Siegfried I Erzbischof von Mainz
1060-1084 (bon à critiquer sur plusieurs points). — Stanley Lane
Poole, The Barbary Corsai rs (fait avec soin et habileté). — Van Muyden,
La Suisse sous le pacte de 181 5 [cp. Revue, n" 24). — De La Martinière,
Marocco, journeys in the Kingdom of Fez and to the court of Mulai
Hassan. — G. Galland, Gesch. der holltlnd. Baukunst u. Bildnerei im
Zeitalter der Renaissance, der nationalen Bliite u. des Classizismus
(bien des reproches à faire : manque de clarté et d'ensemble, pas de
grands points de vue, pas de caractéristique frappante, mais enthou-
siasme pour le sujet et connaît en détail les œuvres d art). — Amerika-
nische orientalische Gesellschaft (7 mai).
Bulletin international de l'Académie des sciences de Cracovie, mai : Zdziechowski,
sur les critiques de Byron. — Porebowicz, Notice relative à la biblio-
graphie espagnole (liste des livres espagnols de la Bibliothèque de Cra-
covie). — Lewicki, Ueber das Verhaltnis Lithauens zu Polen zur Zeit
Jagiellos und Witolds.
Magazin fiïr die Litteratur des In-iind Auslandes, n° 25 : Rehberg, Der
Niedergang der Lyrik. — Von Sutner. Octave Mirbeau. — Neumann-
Hofer, Berliner Theaterbriefe. — Aus Thomas Moore's Irish Mélodies,
libers, von Gisberte Freiligrath. — Guy de Maupassant, Wer weiss ?
N° 26 : K. Blind, Ein griech. Forscher unter den alten Deutschen
I. (Il s'agit de Pytheas.) — 01a Hansson, Scandin. Litteratur, II. —
P. Rachi, Hélène Swarth. — Otto Ernst, Neue Lyrik. — A. F. Die
Bruderschaft der Humanitât in Nordamerika. — Alecsandri, Der
Schub nach Sibirien, ubertr. von Radow. — Guy de Maupassant, Wer
weiss?
N" 27 (paraît désormais avec une couverture de couleur jaune) :
Harden, Rembrandt als Erzieher. — O. Ernst, Die Scheu vor der Ten-
denzdichtung. — Stossel, Bucher-Physiognomien. — Gurlitt, Gott-
fried Shadow als Impressionist. — Aus der niederlândischen Lyrik
(Uebersetz. von Pluim). — Gia.mpou, Schierling, I (ubers. von Lo-
cella;.
DICTIONNAIRE GÉNÉRAL
DE LA
LANGUE FRANÇAISE
DU COMMENCEMENT DU XVIP SIÈCLE JUSQU'A NOS JOURS
PRÉCÉDÉ d'un
TRAITÉ DE LA FORMATION DE LA LANGUE
ET CONTENANT :
1° LA PRONONCIATION FIGURÉE DES MOTS ;
2° LEUR ÉTVMOLOGIE; LEURS TRANSFORMATIONS SUCCESSIVES, AVEC RENVOI
AUX CHAPITRES DU TRAITÉ QUI LES EXPLIQUENT,
ET l'exemple le PLUS ANCIEN DE LEUR EMPLOI ;
3^ LEUR SENS PROPRE, LEURS SENS DÉRIVÉS ET FIGURÉS, DANS L'ORDRE A LA FOIS
HISTORIQUE ET LOGIQUE DE LEUR DÉVELOPPEMENT ;
4° DES EXEMPLES TIRÉS DES MEILLEURS ÉCRIVAINS, AVEC INDICATION
DE LA SOURCE DES PASSAGES CITÉS
PAR MM.
Adolphe HATZFELD
PROFESSEUR DE RHÉTORIQUE AU LYCÉE LOUIS-LE-GRAND
ET
Arsène DARMESTETER
PROFESSEUR DE LITTÉRATURE FRANÇAISE DU MOYEN AGE ET d'HISTOIRE DE LA LANGUE
FRANÇAISE A LA FACULTÉ DES LETTRES DE LYON
AVEC LE CONCOURS DE
M, Antoine THOMAS
CHARGÉ DU COURS DE PHILOLOGIE ROMANE A LA FACULTÉ DES LETTRES DE PARIS
é
MODE DE PUBLICATION
Cet ouvrage sera publié en 30 fascicules de 80 pages, du prix de 1 franc
chacun.
Il paraîtra un fascicule tous les deux mois au début de la publication, et
bientôt, nous l'espérons, un par mois.
On souscrit d'avance à l'ouvrage complet au prix de 30 francs.
Les souscripteurs recevront, sans frais, tous les fascicules au fur et à mesure
de leur apparition, et bénéflcieront, en outre, sans que le montant de leur
souscription en soit augmenté, de tout ce qui pourra paraître en plus de ces
30 fascicules.
Les souscriptions doivent être adressées, en mandat-poste, à la Librairie
Delagrave, 15, me Soufflât, Paris.
Le Puy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N° 31 Vingt-quatrième année 4 août 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. CHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC,
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
i MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
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désirent un compte-rendu.
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ALBUM ARCHÉOLOGIQUE
DES
MUSÉES DE PROVINCE
Publié sous les auspices du Ministère de l'Instruction publique et sous la direction de
ROBERT DE LASTEYRIE
Membre de l'Institut
Première livraison, comprenant i3 feuilles de texte et 8 pi. en héliograv. 12 fr.
Cet ouvrage n'est fourni qu'en compte ferme.
FAC-SIMILÉS DES MANUSCRITS GRECS DATÉS
DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE
DU IX^ AU XIV« SIÈCLE
Publiés par HENRI OMONT
La première livraison vient de paraître. — Prix de souscription à l'ouvrage
complet 60 fr.
I. L'ouvrage est publié en deux livraisons de chacune 5o planches in-folio, accompa-
gnées d'un texte explicatif. Ces 100 planches contiendront environ i5o reproduc-
tions en héliotypie de tous les rnanuscrits à date certaine, du ix^ au xiv« siècle,
conservés à la Bibliothèque nationale, et formeront le recueil le plus complet pu-
blié jusqu'à ce jour pour l'étude de la paléographie grecque au moyen âge.
I
PERIODIQUES
Bulletin critique, n" 14: Harris, The rest of the words of Baruch,'a
Christian Apocalypse ot the year 1 36 (édition très soignée). — Duchesne,
Origines du culte chrétien, étude sur la liturgie latine avant Charle-
magne (répond à ses critiques, entre autres à M. Sabatier; cp. Revue,
n° 22). — Serre, Au large! Esquisse d'une méthode de conciliation
universelle. — De La Grasserie, De la catégorie des cas (des réserves à
faire : mais l'auteur a le premier en France tenté de mettre en œuvre
les données de linguistique polyglotte si riches et si neuves, pour la
plupart recueillies et débrouillées dans les ouvrages de Miiller et Win-
ckler; cp. Revue, n° 18). — G. Thomas, Du Danube à la Baltique, des-
criptions et souvenirs (excellent compagnon de voyage pour ceux qui
aiment à voyager dans leur fauteuil). — Analecta Bollandiana , IX,
I et 2.
Mélusine, Juillet-août : Loquin, La nouvelle brochure de M. Gaston
Paris « Les chants populaires du Piémont » (théorie séduisante et
exacte). — H. G. Les contes populaires dans l'antiquité classique, —
Les chemins de fer, IL — Chansons populaires de la Basse-Bretagne,
XXIV, Les trois buveuses (Ernault). — L'étymologie populaire et le
folklore; V. Dans les bras de Morphée (en français, « de Porfèvre », en
irlandais, « de Murphy ») ; Saint Virgile (ce saint est l'Irlandais Fergal
ou Fergil, évêque de Salzbourg qui latinisa son nom). — Irish prognos-
tications from the howling of dogs (O'Grady). — Devinettes de la
Haute- Bretagne, XI (Orain). — Tuchmann, La fascination, 4. Les fas-
cinateurs. Moyens d'acquérir le pouvoir de fascination. — Bibliogra-
phie : Ortoli, Les conciles et synodes dans leurs rapports avec le tradi-
tionnisme (travail intéressant; ce serait l'étude de la superstition et des
traces du paganisme dans les canons des conciles; mais pour faire un
semblable travail, il faut être un critique ou mieux encore un historien,
c'est-à-dire un autre savant que M. Ortoli). — Jahn, Schwaenke und
Schnurren aus Bauern M und; Volkssagen aus Pommern und Riigen,
2^ éd. (le i''»' vol. contient ig contes du genre facétieux; le second, les
légendes et traditions de la Poméranie et de l'île de Riigen). — Finamore
Credenze, usi e costumi abruzzesi. — El Folk-lore Filipino, II, p. p.
de Los Reyes.
The Acadeniy, n° gSo : Brow^n, George Buchanan, humanist and refor-
mer, a biography (très recommandable). — Morfill, Russia (la partie
historique laisse à désirer, mais le reste est excellent). — Fr. Warner,
Mental Faculty. — The latin hymn writers and their hymns, by the
late Samuel Willoughby Duffield, éd. and completed by R. E. Thomp-
son. — An unknown édition of 'l'yndale's New Testament. — The Ro-
maunt of the Rose (Skeat). — Cockney (Wedgwood). — A logus old-
english word (Logeman). — The Bondmaii (Gaine). — Fitzerald's Omaï
Khayyam (Weekes). — Luniak, Quaestiones Sapphicae (traité de i 5o pa-
ges en latin, et modèle de monographie). — Pétrie, Historical scarabs,
a séries of drawings from the principal collections. *j
The Athenaeuni, n° 3278, Thornton, Opposites, a séries of essays on
the unpopular sides of popular questions. — Conway, Climber's Guide
to the Central Pennine Alps. — Arbuthnot, Aiabic authors, a manual
of Arabian history and literature (petit livre sans prétention, mais méri-
toire). — Keiîr, History of Curling. — Clinch, Bloomsbury and St
Giles', past and présent. — Du Bled, Le prince de Ligne et ses con-
temporains. — Irish history. — The public schools in 1890. — Mr Co-
sens' mss. — Joshua, his life and times. - The Washingtons of Warton.
— Royalist composition cases. — Scottish National Memorials, illus-
trated. — The British Archaeological Association at Oxford, IL — The
site of Hieropolis-Castabala (Bent),
LIBRAIRIE HACHETTE ET C
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS.
FUSTEL DE COULANGES
Membre de l'Institut (Académie des sciences morales)
Professeur en Sorbonne,
HISTOIRE DES INSTITUTIONS POLITIQUES DE L'ANCIENNE FRANCE
m m\mn du mnu fëodâl
LE BÉNÉFICE ET LE PATRONAT PENDANT L'ÉPOQUE MÉROVINGIENNE
OTJVRAGE REVU ET COMPLÉTÉ SUR LE MANUSCRIT ET d'aPRBS LES NOTES DE l' AUTEUR
PAR Camille JULLIAN, chargé de cours a la faculté
DES lettres de BORDEAUX
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Du même auteur :
HISTOIRE DES INSTITUTIONS POLITIQUES DE L'ANCIENNE FRANCE :
La Monarchie franque 1 volume in-8,
broché 7 fr. 50
L'Alleu et le domaine rural pen-
dant l'époque naérovingienne,
1 volume in-8, broché. . . 7 fr. 50
La Gaule romaftie . 1 volume in-8 (en
préparation) .
L'Invasion germanique. 1 volume
in-8 len préparation).
Marquis de SOURCHES
MEMOIRES
SUR
LE RÈGNE DE LOUIS XIV
PUBLIÉS d'après le MANUSCRIT AUTHENTIQUE APPARTENANT
A M. LE Dic BES Cars, PAR LE Comte de Gosnac (Gabriel-Jules),
et Edouard Pontal, archiviste paléographe
Mise en vente du tome X, embrassant la période de janvier 1706 à décembre 1707
Un volume in-8, broché. — Prix 7 fr. 5o
L'ouvrage complet formera environ 15 volumes
Il a été tiré 150 exemplaires numérotés sur grand raisin vélin de Hollande,
à 20 francs le volume
Les neuf premiers volumes (septembre 1681 — décembre 1705)
ont paru précédemment. — Chaque volume. 7 fr. 50
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Victor Cousin, par M. Jules Simon, de
l'Académie française. 1 vol.
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l'Académie française, secrétaire per-
pétuel de l'Académie des sciences.
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BoissiER , de l'Académie française.
1 vol.
George Sand, par M. E. Garo, de l'A-
cadémie française. 1 vol.
Turgot, par M. Léon Say, de l'Acadé-
mie française. 1 vol.
A. Thiers, par P. de Rémusat, séna-
teur. 1 vol.
Vauvenargues, par M. Maurice Pa-
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Chaque volume in-16, avec un por-
trait en photogravure broché. . 2 fr.
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AU XV« SIÈCLE
Un volume in-folio cartonné
60 francs.
Le Puy imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N° 32-33 Vingt-quatrième année di-48 août 1890
REVUË"CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEHDOMADAÎRE
Directeur : A. CHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2 5 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc,
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
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LA BRODERIE
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Par M. LOUIS DE FARCY
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au moins 5o pages de texte et 60 planches. Prix de souscription. 80 fr.
Ce prix sera portée 100 fr. lors delà publication du second volume.
Le premier volume vient de paraître.
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PERIODIQUES
Revue historique, Juillet-août 1890 : Alfred Baudrillart, Les intrigues'
du duc d'Orléans en Espagne, 1708-1709 (suite et tin). — B. de Man-
DROT, Jacques d'Armagnac, duc de Nemours, 1433- 1477 (premier arti-
cle). — P. Marais, Docum. inédits sur la Révolution dans le dép. de
la Gironde, Les frères Faucher, Laffon de Ladébat et leur correspon-
dance inédite. — Bulletin historique : France (A. Molinier et G. Mo-
nod). Roumanie (Xénopol). — Comptes-rendus : Duchesne, Origine du
culte chrétien, étude sur la liturgie latine avant Charlemagne (net et
pénétrant). — Hinschius, Das Kirchenrecht der Katholiken u. Protes-
tanten in Deutschland, IV, 2, I-II (consacrés à l'instruction publique
et à l'enseignement des clercs, ainsi qu^à la juridiction ecclésiastique).
— Ehrle, Die Spiritualen, ihr Verhaeltniszum Franziskanerorden u. zu
den Fraticellen (il était difficile d'apporter à Téclaircissement de points
encore si neufs pour la plupart, tant de qualités diverses et également
précieuses, une pratique profonde de la bibliographie et des dépôts
publics de toute sorte, une connaissance parfaite de Thistoire de
l'église et de la philosophie scolastique , à laquelle l'auteur ratta-
che avec raison les débats qui l'ont occupé, un sens critique des plus
sûrs, une impartialité enfin d'autant plus louable qu'elle avait à s'exer-
cer sur des objets plus délicats. Œuvre essentiellement d'érudition qui
ne pouvait avoir d'autre but que d'exhumer des documents inconnus
jusqu'ici ou encore à peine soupçonnés, d'en établir la valeur et le sens
exact, les relations entre eux, tout au plus d'en livrer quelques conclu-
sions destinées à servir de point de repère pour une histoire définitive
des discussions franciscaines). — Faguet, Dix-huitième siècle, Etudes
littéraires (art. de G. Monod : « Livre admirable, le plus intéressant, le
plus amusant, le plus nourrissant qui soit; aucun qui vous fasse voir
plus de pays, ni en compagnie d'un guide plus intelligent. L'auteur est
à un degré éminent, instructif et persuasif, neuf sans être paradoxal,
sensé sans être banal. Il a ce don singulier de modifier vos jugements
en vous laissant persuadé que vous avez toujours pensé comme lui.
Aucun critique n'est aussi impersonnel que lui, aussi libre de parti pris
et d'opinions préconçues, aussi objectif. 11 se met en face des livres; il
les prend, les lit, comme si on n'avait jamais rien écrit à leur sujet, et il dit
à son tour ce qu'il y a trouvé, sans s'inquiéter si ce qu'il dit paraîtra un lieu
commun ou un paradoxe. Et il se trouve dire presque toujours des choses à
la fois vraies et neuves. Même si elles ne sont pas neuves en elles-mêmes,
elles le sont par la manière dont il les dit, parce qu'elles sont nées de l'im-
pression immédiate, directe del'œuvre,parce qu'elles sont senties et jamais
répétées. Il faut se pénétrer de ce livre. On y trouvera une riche matière à
instruction et à réflexion. Trois critiques seulement : le style, coloré, vi-
vant, riche en formules expressives, en trouvailles heureuses, trouvailles
de mots et trouvailles de pensées, est souvent haché, contourné, encom-
bré d'incidentes, volontaiiement négligé; on sent rarement l'émotion
admirative, et pour pénétrer tout à fait le xvni'' siècle, siècle d'action et
de passion, peut-étie faut-il mêler un peu plus de sensibilité à son in-
telligence; — l'introduction, indigne du volume, n'est qu'une critique
assez étroite des défauts de la littérature du xvjiic siècle; dire que ce
siècle a été inférieur au xvii'' parce qu'il n'a été ni chrétien ni français,
sans expliquer ce qu'il faut entendre par ces mots, c'est faire une phrase.
Mais c'est la seule que j'ai trouvée dans l'admirable livre de M. Faguet;|
car je ne m'en dédis pas ; pour admirable, il l'est. »)
Literarisches Centralblatt, n" 3o : Tertulliani opéra, rec. ReifferscheidI
et WissowA I (cher, mais excellent). — Cornélius, Die Rûckkehr Cal-j
vin's nach Genf. II. Die Artichauds. III. Die Berufung (simple et atta-^
\
chant). — Wendt, Der deutsche Reichstag unter Kônig Sigmund bis
ZLim Ende der Reichskriege gegen die Hiissilen, 1410-1431 (soigné). —
Bibliothek deutscher Geschichte, I. Egelhaaf, Deutsche Gesch. im XVI
Jahrhundert, I, i5 17-1526 (ne donne pas « le pendant de lacaiicature
de Janssen »); II. Moriz Ritter, Deutsche Gesch. inî Zeitaher der Ge-
genreformation u. des dreissigjàhrigen Krieges, I, i555-i586 (fait d''un
seul jet et très attachant, très solide). — A. Buchholtz, Geschichte der
Buchdruckerkunst in Riga, i588-i888. — Gust. Mûller, Die Entwicke-
lung der Landeshoheit in Geldern bis zur Mitie des XIV Jahrhunderts,
— Salemann und Shukowski , Persische Grammatik mit Literatur,
Chrestomathie und Glossar (cp. Revue^ n° 17). — Hartman, Analecta
Xenophontea nova. — Hense, Teletis reliquiae (fait avec tout le soin
possible). — Ausonii Mosella. p. p. De La Ville de Mirmont (impor-
tant pour le bibliophile et offre peu au philologue, cp. Revue, n» lo).
— Schweigel, Esclarmonde, Clarisse ei Florent, Yde et Olive, drei Fort-
setzungen der Chanson von Huon de Bordeaux, nach der einzigen
Turiner Handschrift (textes qui attendaient encore leur publication et
qui sont reproduits avec une exactitude « diplomatique »). — Katalog
over den Arnamagnaeanske Handsckriftsamling, II. — Minor, Aus
dem Schillerarchiv, Ungedrucktes und Unbekanntes zu Schiller's Leben
und Schriften (intéressant). — Bopp, Der Vocalismus des Schwabischen
in der Mundari von Munsingen. — Lehfeldt, Bau-und Kunstdenkma-
1er Thiiringens, VI. Herzogthum Sachsen-Meiningen. Amtsgericht
Saalfeld, — Herm. Schiller, Padagogische Seniinarien tûr das hôhere
Lehramt. Geschichte und Erfahrung.
Deutsche Litteraturzeitung, no 29 : Katajev^, Geschichte der Predigt in der
russischen Kirche, eine kurze Darstellung ihrer Entstehung u. Enlwicke-
lung bis auf das XIV Jahrhundert, ûbeitragen von Al. Markow (recueil
qui contient de nombreuses citations et qui sera le bienvenu). — Gokkres,
Studien zur griechischen Mythologie (tout un systèmequi n'est fondé que
sur les affirmations assurées de l'auteur; cette sorte de mythologie doit
être rejetéc d'emblée; là où il n'y a pas de preuves, il n'y a pas de réfu-
tation, et nous doutons que les théologiens trouvent dans cet ouvrage
« un arsenal pour combattre rincrédulité »). — Goitein, Der Optimismus
und Pessimismus in der jûdischen Religionsphilosophie, eine Studie iiber
die Behandlung der Theodicee in derselben bis auf Maimonides (bon).
— Jacob Wackernagel, Das Dehnungsgesetz der griechischen Compo-
site (convaincant, instructif, clair, méthodique). — Taciti de vita et
moribus Julii Agricolae liber, p. p. Schoene (pas une correction évi-
dente).— Kleinere deutsche Gedichte des XI und XII Jahrhunderts,
hrsg. von Warg (l'éditeur ne possède même pas les éléments de la gram-
maire allemande, quoiqu'il ait le ton hardi et prétentieux; il n'a pas
rougi d'imprimer 5,35o vers tirés de mauvais manuscrits, sans apporter
une simple obole à l'établissement du texte; je me trompe : il hasarde
une conjecture, une seule, et qui ne vaut rien). — Dopffel, Kaisertum
und Papstwechsel unter den Karolingern (bon, mais un peu «tûftelnd»,
subtile et sans conclusion, cp. Revue, 1889, 11° 44). — Inventaire-som-
maire des archives départementales antérieures à 1790, département de
la Lorraine; archiviste, M. Edouard Sauer . Metz, 1879 (cet inventaire
publié il y a dix ans, vient seulement d'entrer dans le commerce; mais
les sommaires surprennent soit par leur trop grande concision, soit par
leur diffusion ; dit trop au dilettante et trop peu au savant). — Pribram,
Oesterreichische Vermittelungs-politik im polnisch-russischen Kriege
1654-1660 (possède tous les mérites des précédents travaux du jeune
érudit). — Ancien plan de Constantinople imprimé entre i566 et 1574
avec notes explicatives, par Caedicius. — Rosenberg, Geschichte der
modernen Kunst (trois volumes sur l'histoire de l'art depuis la Révolu-
tion jusqu'à nos jours; excellenl guide). — Fay, Journal d'un officier
de l'armée du Rhin (*.< prouve que la France n''était pas prête et l'engage
à être prête une autre fois. Mais cet avis doit servir à un autre peuple:
même sur les lauriers il n'y a pas de repos, et heureuse la nation dont
le gouvernement reste vigilant, dont Parmée est telle que le vif courant
de l'esprit populaire et du patriotisme puisse s''y montrer toujours à
temps et dans sa pleine vigueur, pour sauver même dans de difficiles
circonstances la patrie menacée et punir l'orgueil de Tennemi! »). —
Alfred Lord Tennyson, Demeter and other poems. — Gaston Paris, La
littérature française au moyen âge, 2<^ éd. (de nombreuses améliorations,
et un tableau chronologique très utile).
Berliuer philologische "Wochenschrift, n° 27 : Euripides, Ion p. p. Bay-
FiELD (utile) — Menzel, Der griech. Einfluss auf Prediger u. Weisheit
Salomos (bon tableau d'ensemble) , — Mentz, De L. Aelio Stilone
(rendra service à l'étude des vieux grammairiens latins). — Plew. Quel-
lenunîersuch. zur Gesch. des Kaisers Hadrian (cp. Revue^ n" 3). —
HouQUES-FouRCADE, Massurius Sabinus, sa vie, son œuvre, les théories
sabiniennes (clair et réfléchi) — Engelbrecht, Studien ûber die Schrif-
ten des Bischofes von Reii Faustus (travail louable). — Gagnât, Cours
d'epigr. latine, 2* edit. (excellent; cp. Revue, n° 20). — Hûbner, Rô-
mische Herrschaft in "Westeuropa (très intéressant et plein de détails). —
Kallee, Das ratisch obergerman. Kriegstheater der Rômer. (L'auteur a
été chef de l'état-major wurtembergeois; son étude stratégique est un
des meilleurs travaux qui aient paru sur le domaine de la littérature du
« limes m). — Bricon, De la profession d'homme de lettres chez les an-
ciens (rien de nouveau, mais sensé dans l'ensemble et très clair). —
Broccardi, Grammatica latina secondoi metodi piu recenti (compilation
sans valeur scientifique et qu'on ne peut consulter qu'avec précaution).
— ITstpay.iS-/;?, Fpaij.ij.aTr/.Y^ r^ç 'EXX-/;v'.-/.'^ç Y).a)îc;*r]ç. (Repose sur des étu-
des très soignées; mais n'a pas la vertu grecque de la mesure; sera un
tourment pour les écoliers et écolières).
Gœttingische gelelirte Anzeigeu, n" i3 : Bartholomae, Indogermanisches
ss. (le chemin qu'a pris l'aureur, ne le conduit pas au but). — Von
MiASKOwsKi, Agrarpolitische Zeit = und Streitfragen.
Magasin fur die Litteratur des In=iind Aiislandes, no 28 : 01a Hansson,
Arne Garborgs Bûcher. — Ernst, Die Scheu vor der Tendenzdich-
tung, IL — Karl Blind, Ein griechischer Forscher unter den alten
Deutschen, IL — Ramon de Campoamor, Weihnachten ; Pedro Soto
de RojAs, An einen Stieglitz (ûbers. aus dem span. von A. Môser
u. Fr. Léon). — Ciampoli, Schierling. II (ûbers. von Locella).*
— No 29 : SiLEsius, philosophische Rundschau, I. — Mahrenholtz,
Franzôsische Sprachveiwirrung. - Ola Hansson, Arne Garborgs Bû-
cher II. — • Fernan, Ein Buch der Zukunft. — Ernst (O.), Andacht im
Gebirge. — Ciampoli, Schierling, II (ûbers. von Locella).
— N° 3o : Ola Hansson, Scandinavische Litteratur, IV. — Brause-
WETTER, Neue Dramen. — H. Frunkel, Eine verlockende Aufgabe fur
deutsche Erzàhler. — Sherwood, Neue Tauchnitz-Bànde. — • Silesius,
Philosophische Rundschau, IL — Pol de Mont, In der Schmiede. —
Ciampoli, Schierling, II (fin).
Le Puy, t3pographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 2Î.
N° 34-35 Vingt-quatrième année 25 août-1 septembre 1890
"revue critique
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. CHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE La SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'ei^voyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire), les livres dont ils
désirent un compte-rendic.
EUNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
VOYAGE DANS LA TURQUIE D'EU-
ixWi fc, par E. Parmentier. Un volume in- 18 3 fr.
DIPLOMATIE DE L'ANCIENNE RUS-
oie, par Serge de Westman. In-8 i fr.
m LES ACTES DES MARTYRS DE L'ÉGLISE COPTE
étude critique par E. AMÉLINEAU
Un beau volume grand in-8 10 fr.
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PRINCIPES DE LA FORTIFICATION ANTIQUE
Par M. le colonel G. DE LA NOÉ
i^"" fascicule. Fortification préhistorique et fortification gauloise. In-8.
planches 3 fr. 5o
2» fascicule. Fortification romaine. In-8, planches 3 fr. 5o
PERIODIQUES
Revue rétrospective, i'='' août : Mém. inédits d'HippoIyte Auger, suitef^
18 10-1869. — Journal de M. de Bausset, 1740 (voyage de Pondichéry'
à Trisirapally). — La république et le savon (1793). — Un procès de
perruquiers (1776). — Chateaubriand candidat malgré lui.-
Anualesdu Midi, n" 7, juillet 1890 : A. Jeanroy, La tenson provençale.
— Douais, Les manuscrits du château de Merville. — Spont, La taille
en Languedoc, i45o-i5i5. — Mélanges et documents : A. T. Notice
sur un recueil de mystères provençaux du xv^ siècle. — A. T. Rodrigue
de Villandrando en Auvergne. — L'imprimerie à Avignon en 1444. —
Comptes-rendus : L. Delisle, Instructions adressées par le comité des
travaux historiques et scientifiques aux correspondants du Ministère de
l'instruction publique et des cultes. Littérature latine et histoire du
moyen âge (signale aux érudits un grand nombre de documents inédits
et contribue par cela même au progrès de nos connaissances historiques).
— Granet, Histoire de Bellac (Thistoire de Bellac jusqu'au commence-
ment du xvii^ siècle reste encore à écrire). — A. Leroux, Géographie et
histoire du Limousin ifort réussi comme tableau d'ensemble et repose sur
des fondements scientifiques très sérieux. Cp. Revue, n° 20). — J. Mar-
chand, Un intendant sous Louis XIV, étude sur Padministration de
Lebret en Provence, 1687-1704 (sera fort utile). — Plantet, Corres-
pondance des deys d'Alger avec la cour de France, 1 579-1833 (excellent;
cp. Revue, n° 29). — Rossignol, Histoirede l'arrondissement de Gaillac
(Tarn) pendant la Révolution, 1789- 1800 (l'auteur est un annaliste
simple, concis et vrai). — Nécrologie (note sur le docteur Barthélémy,
auteur de l'Histgire d'Aubagne; sur Fr. Combes, sur Adolphe Tardif,
sur le D'- J.-B. Noulet).
Revue celtique, n" 3, juillet 1890 : D'Arbois de Jubainville, Variétés :
l. L'inscription prétendue gauloise de Nîmes. IL Camaracus. — III.
Tridentum. IV. Callemarcius. V. Nancy, — L'abbé Bernard, Mystère
breton de la Création du monde (suite). — Netlau, The Fer Diad
épisode of the Tain Bo Cuailnge. — Mélanges ; Mowat, Epitaphe
britannique chrétienne. — Loth, Rapprochement entre l'épopée irlan-
daise et les traditions galloises; saint Amphibalus, Aguetou, Cynneu. —
Bibliographie : Loth, Chrestomathie bretonne (Ernault : publication
qui présente un intérêt scientifique de premier ordre; elle est appelée à
faciliter grandement l'étude approfondie de l'armoricain aux Bretons
bretonnants et autres : c'est surtout pour la période si peu connue du
ix^ au xV siècle que les recherches laborieuses de l'auteur ont été fécon-
des en résultats nouveaux; par sa revision du ms. du Cartulaire de
Redon et son étude sur les textes des chartes et des vies de saints, il a
rendu à la science historique du breton un service éminent dont tous les
celtistes doivent lui sovoir gré). ~ Chronique : Traduction du Nouveau
Test, par M. Le Coat. — O'Grady, Irish items, notes critiques sur les.|
Vies de saints irlandais du Livre de Lismore. — Une grammaire irlan-
doise du moyen âge, découverte par M.Kuno Meyer. — Vies des saintsj
contenues dans le ms. de Bruxelles, dit de Salamanque. Les trois aiguil-j
Ions de la mort, de Geoffroy Keating, p. p. Atkinson. — Leçon de|
M. John Rhys, sur l'ethnologie primitive des Iles Britanniques. — La]
revue Y Cymmrodor ; art. de M. Gaidoz sur l'usage antique des rançonslj
consistant en un métal précieux dont le poids est égal à celui de la per-
sonne rachetée. — Max Bonnet, Le latin de Grégoire de Tours. — John
L. RoBiNSON, Celtic remains in England. — Thurneysen, L'étude des
formes verbales sigmatiques en irlandais. — Jullian, Inscriptions
romaines de Bordeaux, vol. II (rendra de grands services). — D'Arbois
de Jubainvili.e, Résumé du cours de droit irlandais et Recherches sur
I
l'origine de la propriété foncière et des noms de lieux habités en France.
— Mémoire de Fr. Kluge sur l'histoire la plus ancienne des dialectes
germaniques dans le Giundriss der Germanischen Philologie de Paul.
— Muret et Chabouillet, Catalogue des monnaies gauloises de la
Bibliothèque nationale. — Nuit, Celtic myth snd saga (dans le n° 1 1 du
Folklore). — OsTHOFFet Brugmann, V^ partie des morphologische Unter-
suchungen auf dem Gebiete der indogermanischen Sprachen. — Docu-
menta de S. Patricio Hibernorum apostolo ex libro Armachano, II,
p. p. P. E. Hogan (le glossaire est une des plus importantes contribu-
tions à la lexicographie du vieil irlandais qui se soient produites depuis
plusieurs années). — Holder, Altceltischer Sprachschatz (l'impression
de ce grand travail est commencée). — Le nom d'homme Arda. •—
L'inscription gauloise du menhir du Vieux-Poitiers et les mémoires de
MM. Lièvre et Ernault.
Anmiles de l'Ecole libre des sciences politiques, n° 3 : Capperon, Lamartine par-
lementaire, 1834-1848. — G. Bertrand, La reforme delà législation des
cabarets en Alsace-Lorraine, — Marge, La cour des comptes italienne
(suite). — Zolla, Le budget des grandes routes en France (suite et fin).
— P. de Quirielle, Pie IX et l'église de France. — PotNSARD, Introduc-
tion à l'étude de l'économie rurale. — Afîalyses et comptes-rendus :
Lebon, Etudes sur l'Allemagne politique (intéressant). ~ Jules Ferry,
Le Tonkin et la mère patrie (plaidoyer, qui vient à son heure). — Lévy-
Bruhl, L'Allemagne depuis Leibniz (très suggestif et original). — La
vie politique à l'étranger, année 1889. — Plantkt, Correspondance des
deys d'Alger avec la cour de France (cp. Revue, n" 29). — La Réforme
sociale et le Centenaire de la Révolution. — Macleod, The theory of
crédit, I. — Fr. de Pressensé. L'Irlande et l'Angleterre depuis l'acte
d'union jusqu'à nos jours (plein d'intérêt et d'enseignement). — Do-
MERGUE, La révolution économique. — Block, Les progrés de la
science économique depuis Adam Smith. — De Courcy, Renonciation
des Bourbons d'Espagne au trône de France (cp. Revue 1889, n° i5).
— Marquis de Vogué, Villars (cp. Revue n" 11). — Lioy, La philoso-
phie du droit. — M. Monnier, Des Andes au Para. — Gebhart, L'Ita-
lie mystique (suite de tableaux curieux, colorés, harmonieux, mais n'est
pas un livre). — S. Luge, La France pendant la guerre de Cent-Ans,
épisodes historiques et vie privée au xiv^et au xv^ siècle (encore une sé-
rie de tableaux séparés, et non pas un livre suivi). — Max Leclerc,
Lettres du Brésil (observations sérieuses et clairvoyantes, (cp. Revue,
n» 16, p. 5i8).
Annales de l'Est, n° 3, juillet 1S90 : E. Krantz, Alfred de Musset (le-
çon d'ouverture). — Debidour, Le général Fabvier (suite). — Nerlin-
ger. Pierre de Hagenbach et la domination bourguignonne en Alsace.
— Ch. Pfister, Le duché mérovingien dAlsace et la légende de sainte
Odile. — Variétés : Lemercier, Sur un passage du Phédon, 69 A, B. —
Bibliographie : De La Ville de Mirmont, La Moselle d'Ausone, édit.
crit. (cp. Revue^ n» 10). — O. Berger-Levrault, Les costumes stras-
bourgeois édités au XVII® siècle par Fr. Guill. Schmuck et au xyiii^ siècle
par ses fils, reproduits en fac-similés (cp. Revue, 1889, n° 52). — Lau-
gel, Henry de Rohan, son rôle politique et mifitaire sous Louis XIII
(cp. Revue n" 1 1). — Thiriet, L'abbé L, Chatrian, sa vie et ses écrits.
— Amours et voyages. — Recueils périodiques et savantes. — Chroni-
que de la Faculté des lettres de Nancy (126 étudiants, dont r3 corres-
pondants; 3o aspirants à la licence littéraire, 6 à la licence philosophi-
que, 7 à la licence historique, 9 à la licence d'allemand, 23 au certificat
d'aptitude à l'enseignement de l'allemand; 19 aspirants à l'agrégation de
grammaire, 5 à l'agrégation de philosophie, 7 à celle d'histoire, 12 à
celle d'allemand, 2 à celle de l'enseignement secondaire spécial, 6 di-
vers).
La Révolution française, n" i, 14 juillet 1890 : A nos lecteurs (la Revue
devient la propriété et l'organe de la société de l'histoire de la Révolu-
tion. Elle sera envoyée gratuitement à tous les membres adhérents de la
Société. Le prix de l'abonnement annuel pour les autres personnes,
reste fixé à 20 fr. Rien n'est changé au titre, ni au programme, ni à la
méthode.) — Edme Champion, L'unité nationale et la Révolution. —
AuLARD. La diplomatie du premier Comité de salut public : Suisse, Ge-
nève et Valois. — Et. Charavay, Le général Fromentin. — Robiquet,
Documents inédits : la correspondance de Bailly et de La Fayette. —
Chronique et bibliographie : Liste des meinbres de la Société de This-
toire de la Révolution ^comprend 142 noms). — Tourneux, Bibliogr.
de rhist. de Paris pendant la Révol. I ; Tuktey, Répertoire général des
sources manuscrites de l'hist. de Paris pendant la Révol. I (Deux beaux
travaux que nul historien de la Révolution ne pourra se dispenser d'a-
voir sur son bureau et sous sa main. Ces deux œuvres sœurs se répon-
dent et se complètent harmonieusernent; elles forment les deux parties
d'un inonument bibliographique qui, une fois achevé, sera un des types
les plus remarquables de l'érudition contemporaine). — Mgr. de Salamon,
Mém. inédits de l'internonce à Paris pendant la Révolution, 1790-
1801, p. p. Bridier (cp. Revue, n° 3o).
Revue de Belgique, n" 7, i5 juillet : de Laveleye, Le congrès des che-
mins de fer. — Navez, Les causes et les conséquences de la grandeur
coloniale de l'Angleterre (fin). — Potvin, Les syndicats professionnels
et agricoles. — Essais et notices : Vallin, La lucha por los nacionali-
dades; Te Winckel, Les évolutions du « nederlandsch » (dans le
Grundriss der german. Philologie de Paul); Léon de Monge, Etudes
morales et littéraires; Recensement général de Buenos-Ayres ; Luzac,
De landen van Overmaze, inzonderheid sedert 1662.
The Athenaeum, n° 3274: P. Hume Brown, George Buchanan, huma-
nist and reformer (bon livre sur un homme qui fut « a cold, hard-
headed, far-seeing opportunist ») — The Journal of Marie Bashkirtseff,
translated by Mathilde Blind. — Caird, The critical philosophy of Im-
manuel Kant, 2 vols. — Sir Charles Wilson. Lord Clive (utile et im-
partial exposé, fait partie de la collection des « English men of action »).
— Les contes moralises de Nicole Bozon, p. p. Miss L, Toulmin Smith,
et P. Meyer (excellente publication d'un texte important à beaucoup
d'égards). — Stanley Lane-Poole, The barbary corsairs (plein de vie et
de vigueur, mais composé par un gallophobe). — Shakspeare's Sonnets
edited with notes and introduction by Thomas Tyler {« marks an
important stage on the progress of Shakspearean criticism. »). — Philo-
logical literature : Tisdall, Simplified Grammar, and Reading Book of
the Panjabi language; Records of the past, new séries, vol. II, p. p.
Savce; Irish ms. séries, etc. — MAHAN,The influence of sea-power upon
history 1660-1783. — A Malagasy Maud (Oliver). — The Bishop of
London transcript. (Phillimore) — AnotherGœihe anecdote (H. Schiitz
Wilson). — The Dies irae in English (Warren). — Ecclesiasticus and
the Wisdom of Solomon. — Raverty's Notes on Afghanistan. — Monk-
HOUSE, The earlier English water-colour painters. -- "Waldstein, ca-
talogue of casts in the Muséum of classical archaelogy, Fitzwilliam Mu-
séum, Cambridge. — Notes from Pisidia (Ramsay et Hogarth). — Louis
Engel, From Handel to Halle, biographical sketches. — Haigh, The
Attic théâtre ; Du.mon, Le théâtre de Polyclète.
Le Puy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 2?.
N° 36-37 Vingt-quatrième année 8-15 septembre 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. GHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2 5 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par coynmissionnaire), les livres dont ils
désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
VOYAGE DANS LA TURQUIE D'EU-
IxC/rt, par E. Parmentier. Un volume in- 18 3 fr.
DIPLOMATIE DE L'ANCIENNE RUS-
oifc, par Serge de Westman. In-8 i fr.
LES ACTES DES MARTYRS DE L'ÉGLISE COPTE
étude critique par e. AMELINEAU
Un beau volume erand in-8 10 fr.
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PRINCIPES DE LA FORTIFICATION ANTIQUE
Par M. le colonel G. DE LA NOÉ
i*"" fascicule. Fortification préhistorique et fortification gauloise. In-8.
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2* fascicule. Fortification romaine. In-8, planches 3 fr. 5o
PÉRIODIQUES
La Révolution française, 14 août : Lettres de Michelet, de Quinet et
d'Hippolyte Carnot à Marc-Dufraisse. — Rouvière, Le général de Mé-
nard. — Un débat sur Danton au Sénat. — Bornarel, Danton colla-
borateur de Barère.
Bulletin critique, n° i5 : Maspero, Les contes populaires de TEgypte
ancienne (recueil renfermant dix contes complets et six fragments). —
Maspero, L'archéologie égyptienne (livre de bonne et saine vulgarisa-
tion, qui expose clairement des notions précises sur les arts et 1 industrie
en Egypte). — The IV Book of Thucydides, p. p. Rutherford (tenta-
tive intéressante — comme exercice de philologie — d'un élève de Co-
bet). — Cellarier, Rapports du relatif et de l'absolu. — Mûntz, Les
archives des arts, recueil de documents inédits ou peu connus, i''^ série
(ne contient que des matériaux bruts, des documents enfilés les uns au
bout des autres, mais se lit avec intérêt et profit ; premier volume d'une
série dont il faut souhaiter la durée). — L. Havet, La simplification de
lorthographe; M. Bréal, La réforme de l'orthographe française. — Le
GoFFJC et Thieulin, Nouveau traité de versification française. — Voyage
d'Alain Desprez, recteur de Saint-Julien de Vouvantes à Brioude, 1710.
Revue de l'instruction publique en Belgique, tome XXXIII, 4^ livre : L. Par-
mentier, Une correction au texte de Thucydide, I, 11. — Comptes
rendus : Quicherat et Daveluy, Dictionn. latin-français, nouv. éd. p. p.
Châtelain (œuvre sensiblement améliorée). — Castelein, Cours de
philosophie, II. — Dissertations académiques publiées par G. Kurth,
l^'" fascicule. (Deux travaux : Donv, l'auteur unique des vies des saints
Amat, Romaric et Arnulphe; Bacha, Etude biographique sur Eginhard.)
— Annales de la faculté de philosophie et lettres de l'Université de
Bruxelles, I, i*^»" fasc. (trois travaux : Leclère, L'élection du pape Clé-
ment V; Vereruysse, La chronique d'Albert d''Aix; Wodon, Le wergeld
des Romains libres chez les Ripuaires). — Prou, Manuel de paléogra-
phie latine et française du vi^^ au wn'^ siècle (bien supérieur à Chassang
par la méthode, par l'abondance des renseignements, par la sûreté des
informations et le soin apporté à l'exécution; divisions très nettes;
doctrine sobre et puisée aux bonnes sources). — Bonjean, L'hypnotisme.
— Jaspar, Grieksche Spraak Kunsl (consciencieux travail; quelques
points exigent une revision très attentive). — Harrisse, Christophe Co-
lomb, les Corses et le gouvernement français (la question est close]. —
Engelmann, Bilderatlas zu Ovids Metamorphosen (malgré des critiques
de détail, rendra un vrai service aux étudiants et aux professeurs de l'en-
seignement secondaire). — Koch, Griechische Schulgrammatik, i 3^ édit.
(excellent; quelques modifications à faire encore). — Varia (De Ceule-
neer).
The Academy, n°g5i : Mahan, The influence of sea-power upon his-
tory 1660-1673. (Remarquable et très intéressant.) — Driver, Notes
on the Hebrew text of the Books of Samuel. — Th. Wood, The Rev.
J. G. Wood, his life and work. — Historical books : Bridgett, Blun-
ders and forgeries, historical essays; Ferguson, Cumberland, Col. Mal-
leson, Akbar. — General Plantagenet Harrison. — Mémorial to the
author of « John Halifax, gentleman. » — Shakspere's sonnets in Italy.
— A mémorial to Richard Jefferies. — Notes from Rennes (W. Stokes.)
Cockney (Max Mliller). — Old-French encrement et la goule d'aoust
(Paget Toynbee). — Hetman and Hauptmann (Krebs). — Fitzgerald's
Omar Khayyam. — Salmoné, An Arabic-English Dictionary on a new
System. — Philology notes. (A Darmesteter, et Hatzfeld, Dictionnaire
général de la langue française, i^r fascicule). — P. de Nolhac, La reine
Marie-Antoinette. (Charmant et nécessaire complément du livre de
Lord Ronald Gower.) — M. Fiinder Petrie's excavations in Palestine.
— SculptLired slabs from Mesopotomia found in Egypt. (Sayce.) -—
Egyptian jottings (Am. B. Edwards;.
— N° 952 : The corresp, of mad. Dunoyer. — Fr. Thackerav,
Translations of Prudentius. — Warren Hastings in the Indian State
Papers, Sélections from State papers in the Foreign Department of the
Government in India, 1772-1785, p. p. Forrest (très intéressant et
important). — Wood-Martin, History of Sligo, county and town. —
Scandinavian books. — Wynkyn de Worde's Morte Darthur (Brown). —
Old-French encrement et la goule d'aoust (Mayehw). — Otaman, Ata-
man, Hetman, Hauptmann (Bain). — Cockney (Wedgwood). — The
sagas (Gaine). — Jevons, Pure logic and other minor works, — Hebrew
inscriptions of the pre-exilic epoch (Sayce). — British inscriptions of the
Emperor Victorinus (Westwood). — Archer, Macready.
— N° 953 : Sir Charles Duffy, Thomas Davis, the Memoirs of on
Irish patriot, 1840-1846. Memorials of the civil War in Cheshire, edi-
ted by James Hall for the Record Society for the public, of original
documents relating to Lancashire and Cheshire. — Hoskier, Collation
of Cod. Ev, 604 ad Essays in New Testament criticism. — Hubert,
Liberty and a living. — Mad. Ackermann Letters, in party unpubli-
shed, of Samuel Pepys. — A.n Italian translation from Tennyson. —
The Franks Casket (Browne). — Hetman and Hauptmann (Krebs). —
The fragment of Wynkin de Wordes La Morte Darthur (Sommer). —
The etymology of mveigle (Skeat). — The substantive louke in Chaucer
(Hart). — Prou, Manuel de paléographie et Dictionnaire des abrévia-
tions (très bon et rendra de bien grands services). — Satellite (Rob.
Brown). — Christ, Gesch. der griech. Liter. bis auf die Zeit Justinians
(bon, solide et sans rival en Angleterre). — Italian works on majolica. —
The supposed slabs supposed to hâve been brought from Mesopotamia
to Egypt (Sayce).
The Athenaetim, n" 3275 : Diciionary of national Biography, XIX-
XXIII. — Bohm-Bawerk, Capital and interest. — Rec. des actes du
comité de salut public, I et II, p. p. Aulard; Procès-verbaux du Co-
mité d'instr. publ. de la Législative, p. p. Guillaume (cp. Revue. i88g,
n»^ 40 et 5i ; 1890, n° 10). — Frozer, The golden bough, a study in
comparative religion (important et par les résultats et surtout par l'exem-
ple qu'il donne). — Firth, Nation making, a story of New Zealand
(intéressant). — Select, from the letters, despatches and other State
Papers preserved in the Foreign Department of the government of
India, i772-i78'7, p. p. Forrest (de très grande valeur). — Antiqua-
rian literature. — Nicholas Bozon (Atwood). — An early Hebrew ins-
cription (Neubauer. — Margaret de Verrall, Mythology and monu-
ments of ancient Athens, a translation of a portion of the Attica of
Pausanias, with introductory essay and archaeol. comment, by Jane
Harrison. — The Oxford Congress of the British Archaeological Asso-
ciation.
TheEuglish Historical Review, juillet, 1890 (vol. V, n" 19) : Parker, The
seven libéral arts. — Strachan-Davidson, The decrees of the Roman
plebs. — Wells, St Patrick's earlier life. — Miss Kate Norgate, Odo
of Champagne, count of Blois and « tyrant of Burgundy » — Stanley
Lane-Poole, Sir Richard Church.— A^o^e^ and documents: gafol (Round).
— The Black Death in Lancashire, p. p. Little, •— The Trial of Ri-
chard Wyche, p. p. Matthew. — The Drafc Dispensation for Henry's
VI H marriage with Anne Boleyn, p. p. Gairdner. — Aske's Examina-
tion, p. p. Miss Mary Bateson. — Reviewsof books : Sack, Die Religion
Ahisraels (malgré quelques exagérations, digne d'être lu, surtout pour
ce qui concerne le développement du rabbinisme] — Bury, A history of
the Later Roman Empire, from Arcadius to Irène, SgS-Soo. [Sujet
difficile et traité avec conscience, mais, en somme, un peu sec et terre à
terre.) — L. M. Hartmann, Untersuchungen zur Geschichte der byzan-
tinischen Verwaltung in Italien (bon travail). — Il Regesto di Farfa
di Gregorio da Catino, p. p. Giorgi et Balzani, 11, III, IV; Regesto
sublacense delT undecimo seculo, p. p. Allodi et Leva. — Select pleas
in manorial and other seignorial courts, I, edited for the Selden Society
by Maitland. — Papers of the American Society of Church History,
vol. I. — Études de critique^ et d'histoire par les membres de la section
des sciences religieuses de l'Ecole des Hautes-Etudes. — A de La Bor-
DERTE, Essai sur la géographie féodale de la Bretagne, avec la carte des
fiefs et seigneuries de cette province. — Year-Books of the reign of King
Edward III, years 14 and i5, p. p. Pike. — Calendar of Wills, Court
of Husting, London, p. p. Sharpe. — G. Ross, Oliver Cromwell and his
Ironsides, a study in military history. — Calendar of Domestic State
Papers, 1644, p. p. W. D. Hamilton. — Wakefield, Life of Thomas
Atwood, — De la Gorce, Histoire de la seconde république française.
— MoRFiLL, Russia. — Arbuthnot, Arabie authors, a manual of Ara-
bian history and literature. — Ebner, Die klôsterlichen Gebets-Ver-
brûderungen bis zum Ausgange des Karolingischen Zeitalters. —
Church, Early Britain. — Ferguson, History ofCumberland. — Fiske,
The beginnings of New England or the Puritan theocracy in its rela-
tions to civil and religious liberty.
Bulletin international de l'Académie des sciences de Cracovie, juin 1890 : Pel-
czAR, Ueber das Leben und die Schriften des Nicolaus Hussovianus
(sur Fauteur du poème De statura, feritate ac venatione bisontis). —
K0RZEN10WSKI, Catalogus actorum et documentorum res gesta Poloniae
illustrantium quae ex codicibus manu scriptis in tabulariis et biblioihe-
cis italicis servatis Expeditionis Romanae cura deprompta sunt (40 to-
mes de documents provenant des recherches de 1886- 1888 et recueillis
par les soins de M. Smolka et de ses compagnons). — Id. Excerpta ex
libris manu scriptis ArcMvi Gonsistorialis Romani ^matériaux concernant
la hiérarchie polonaise du xvi« siècle). — Blumenstok, Die Canonen-
sammlung der Bibliothek Sainte Geneviève.
Germania, I. 1890 (35*^ année, nouvelle série, XXIII) : Hettema, Der
alte Druck der Westerlauwerschen Rechte. — Bechstein, GottfriedStu-
dien, 1. von der Hagens collation der Florentiner Tristan-Handschrift.
— Max Herrmann, Zur Frânkischen Siitengeschichte des XV Jahrhun-
derts. — Ehrismann, Gruntwelle, selpwege; Unsih, iuwih -, Meatris. —
Bartsch u. Ehrismann, Bibliographische Uebersicht der Erscheinungen
auf dem Gebiete der germanischen Philologie i885, I. — Preisaufgaben
der Jablonowski Gesellschaft in Leipzig.
Deutsche Rundschau, août ; Erich Schmidt, Derchristliche Ritler ein Idéal
des XVI Jahrhunderts. — J. Rodenberg, Julius Dingelstedt, Blatter aus
seinem Nachlass, mit Randbemerkungen, Der Theaterintendant und
Freiherr, II, Weimar, 1857-1867. — J. Rosenthal, Grundsatze der
Naturforschung. — Kluckhohn, Heinrich von Sybel's Geschichte der
Begrundung des neuen deutschen Reiches. — Gneomar Ernst von Natz-
MER, Die Réfugiés und die Gebrûder Gaultier. — Professer Fournier
und Gruner's Aufenthalt in Oesîerreich. — Der Katalog eines Hand-
schriftensammiers (lettres autographes composant la collection de
M. Alfred Bovet, décrites par Et. Charavay).
LE PUY. — IMPRIMERIE MARCHESSOU FILS
N° 38-39 Vingt-quatrième année 22-29 septembre 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. GHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2 5 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire ), les livres dont ils
désiretit un com_pte -rendu.
ERNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
HISTOIRE DE LA GRÈCE
Sous la domination romaine
PAR G. -F. HERTZBERG
Traduit de l'allemand sous la direction de
A. BOUCHÉ-LEGLERCQ
Professeur à la Faculté des Lettres de Paris.
3 forts volumes in-8 3o fr,
La publication de cet ouvrage termine
L'H I STOIRE GRECQU E
Par CuRTius, Droysen, Hertzberg
Traduite en français sous la direction de M. A. Bouché-Leclercq.
12 volumes in-8, dont un atlas 100 fr,
COURONNÉ PAR L'ACADÉMIE FRANÇAISE
Et par l'Association pour l'Encouragement des Études Grecques.
PÉRIODIQUES
Literarisches Centralblatt, n° 3i : Novum Testam., p. p. Wordsworth,
1. Evang. sec. Matthaeum. — Luther und Emser, ihre Streitschrilten
aus dem Jahre i52i,hrsg. von Enders,!. — Lindenschmit, Das rômisch-
germanische Gentral-Museum in bikilichen Darstellungen aus seinen
Sammlungen . — G. Meyer, Die Herlcunft der Burggrafen von Nûrn-
berg, der Ahnherren des deutsclien Kaiserhauses (méritoire). — Bach-
feld, Die Mongolen ini Jahre 1241 (lourd). — Rubsam, Johann Baptista
von Taxis, ein Staatsmann und Militar unter Philipp 1 1 und Philipp III,
i53o-i6io, nebst einem Excurs. Aus der Urzeit der Taxischen Posten
(insuffisant). — Buttner, Reisen ini Congolande. — Tirouvallouva,
Le livre de Pamour, trad. par Fontainieu (cp. Revue n» 10). — Bechtel,
Die Inschriften von Aigina, Pholegandros, Anaphe, Astypalaia, Teles,
Nisyros, Knidos. — Fehrnborg, De verbis latinis in uo (cp. Revue,
n" 20), — Altprovenzalische Marienklage des XIII Jahrhunderts, p. p.
MusHACKE (fait avec soin et méthode). — Lessing, Minna von Barnheim,
p. p. Primer (édition très instructive et qui épuise le sujet). — Breusing,
Die Lôsung des Trierenriithsels (cp. Revue, n° 10). — Hasse, Kunst-
studien, 111,4, die Verklarung Christi von Raffael.
— N° 32 : Baur, Zwingli's Théologie, ihr Werden u. ihr System, II,
2. — GiiLDENPENNiNG, Die Kirchengesch. des Theodoret von Kyrrhos
(n° 19). — Hist. des guerres d'Amda Syon, roi d''Ethiopie, trad. de
réthiopien par J. Perruchon (travail très recommandable quoique Fau-
teur n'ait pas connu la traduction de Dillmann et que son jugement
historique ne soit pas tout à fait mûri). — J. Schneider, Die alten Heer
= und Handelswege der Germanem Rômer und Franken im deutschen
Reich, VII. — H. Graf, Roman. Altertûmer des bayer. Nationalmu-
seums. — Lévy-Brûhl, L'Allemagne depuis Leibniz (bien pensé et en
somme réussi). — Forster, Deutsch-Ostafrika, Geogr. u. Gesch. der
Colonie. — W. Geiger, Etymol. des Baluci. — De Lagarde, Ueber-
sicht ûber die im Aram., Arab. u. Hebraischen tibliche Bildung der
Nomina Ides idées neuves et des pensées fécondes). — Franken, Rumàn.
Volkslieder u. Balladen ubers. u. erleutert. — Rob. von Blois, Beau-
dous, ein altfranz. Roman des XIII Jahrh., p. p. Ulrich, I. — Donati,
fonetica, morfologia e lessico délia raccolta d'esempi in antico Veneziano
(soigné et sensé). — (Zorson, An introd. to the study of Shakspeare
(n'est pas à recommander, suffit peut-être aux Américains). — Frankl,
Friedrich von Amerling.
— N° 33 : Dubois, Das Buch der Religionen, i . — Krause, Das Eigen-
thuml,der Wesenlehre. — Barchudarian, Leibniz u. Herbart. — Pflugk-
Harttung, Geschichtsbetrachtungen (important). — Diehl, Etudes sur
l'administr. byzantine dans Texarchat de Ravenne; Hartmann, Unter-
such. zur Gesch. der byzant. Verwaltung in Italien (deux bons travaux
qui se complètent et s^appuient l'un l'autre). — Kretzschmar, Die For-
mularbûcher aus der Canzlei Rudolfs von Habsburg (très louable). —
Gradnauer, Mirabeau's Gedanken liber die Erneuer. des franz. Staat-
swesens (bon jugement historique et connaissance du sujet). — Alfred
Stern, das Leben Mirabeau's (excellent). — Buttikofer, Reisebilder aus
Libéria. — J. Barth, Die Nominalbildung in den semit. Sprachen, I.
Die schlichten Nomina (beaucoup de répétitions et de négligences de
style; mais le fond est bon et importante beaucoup d'égards). — Midden-
dorf, Das Runa Simi oder die Keshua Sprache, wie sie gegenwârtig in
der Provinz Cusco gesprochen wird. — Lipse, Autobiogr. p. p. Bergmans
(soigné et exact). — Waldstein, Fornnorska Homilieookens Ljudlàra.
— Bréal, la réforme de l'orthographe française (excellent jugement,
c'est ainsi qu'il faut employer les armes de la science contre le dilettan-
tisme). — Mende, Die Aussprache des franzos. unbetonten e imWortaus-
laut (petit travail intéressant et méritoire). — Timon, Sliakspeare's Drama
in seiner natûrl. Entwickelung (beaucoup de soin et d'enthousiasme;
mais Timon — ou M. M. P. de Haan — manque de métliode et de cri-
tique;. — Trautmann, Oberammergau u. sein Passionsspiel. — Prôhle,
Abhandl, ûber Gœthe, Schiller, Bûrger u. einige ihrer Freunde (tiennent
le milieu entre « Essay und Forschung «]. — Studniczka, Kyrene, eine
altgriech. Gôttin, archaol. u. mytholog. Untersuchungen [rend un grand
service aux archéologues, et l'on voudrait des livres semblables sur Rho-
des, Chypre, la Crète). — Aleertt, Die Schule des Redners.
Deutsche Liiteraturzeitimg', n° 3o : Godet, Commentar zu dem Evange-
lium des Lukas, deutsch bearb. von Wunderlich, 2" aufl. — Wahle,
Die Gluckseligkeitslehre der Ethik des Spinoza. — Catalogue of Addi-
tions to the manuscripts of the British Muséum 1882- 1887 (œuvre
gigantesque et d'un prix inestimable). — Kalinka, De usu conjunctio-
num quarundam apud scriptores atticos antiquissimos (soigné, exact,
utile). — Ullrich, Studia Tibulliana (écrit avec soin et clarté; cp.
Revue, n" 12). — Gœthes Gesprache, hrsg. von Biedermann, III u. IV.
18 19-1823. — Kreyssig, Geschichte der franz. Nationalliteiatar von
ihren Anfangen aufdie neueste Zeit. ô^verm. Auflage gânzlich umgearb.
von Kressn'Er u. Sarrazin, II. — Kubicki, Das Schaltjahr in der gros-
sen Rechnungsurkunde. Corpus Inscr. Ait. I, n° 2-3, II. — Deutsche
Zeitschrift fur Geschichtswissenschaft, p. p. Quidde (cp. la couverture
du n" 27 de la Revue). — Thouvenel, Le secret de Fempereur, corresp.
confident, et inéd. entre Thouvenel, le duc de Gramont et le comte de
Flahaut, j 860-1 863 [intéressant . — Blink, Der Rhein in den Nieder-
landen. — Litzmann, Fr. L. Schroeder, ein Beitrag zur deutschen Liter.
u. Theatergeschichie, I (bon). — Von der Wengen, Karl Graf zu Wied.
— Margarete von BiiLOw, Neue Novellen.
— N° 3i : DrLLMANN, Der prophet Jesaia, 5'^ éd (excellent répertoire).
— Biese , Das Metaphorische in der dichterischen Phantasie. —
Baumann, Einftihrung in die Pâdagogik. — Soltau, Zur Erklarung
der in punischer Sprache gehaltenen Reden des Karthaginensers Hanno
im V Act der Komodie Poenulus von Plautus (absurdités naïves d'un
celtomane). — Philademi II fragmenta, p. p. Hausrath. — Fehrnborg,
De verbis latinis in uo divisas desinentibus disputatio (utile ; cp.
Revue, n° 20). — H. Ad. von Keller, Verzeichnis altdeutscher Hand-
schriften hrsg. von Ed. Sievers. — Kuttner, Das Naturgefiihl der
Franzosen u. sein Einfluss auf die Dichtung (peu de résultats). —
Bachmann, Die deutschen Kônige u. die Kurfurstl. Neutralitat, 1438-
1447 (détails utiles). — Meinardus, Protokolle und Relationen des
brandenburgischen Geheimen Rates aus der Zeit des Kurfûrsten Fried-
rich Wilhelm, I. bis zum 14 April 1463 (publication très importante).
— WoLF, Josefina (quelques documents). — Fabricius, Theben (cp.
Revue, n" 29). — Roguin, La règle de droit. — Zeyss, Adam Smith und
der Eigennutz.
— N° 32 : Urba, Beitr. zur Gesch. der Augustinischen Kritik. —
ScHURÉ, Les grands initiés, esquisse de Thist. secrète des religions (aussi
peu utile à Thistoiredes religions qu'un roman historique à la science).
— Reinisch, Das Zahlwort vier und neun in den chamitisch — semi-
tischen Sprachen. — Teletis reliquiae, p. p. Hense (très bon). — Siebs,
Zur Gesch. der englisch-friesischen Sprache (n'est pas assez mûri). —
Stanislai Hosii cardinahs episcopi Varmiensis epist. II, i55i-/558,
p. p. Hippler et Zakrzewski (très méritoire). — Ang. de Gubernatis,
Dizionario degli artisti italiani viventi. — Niemeyer, Depositum irre-
gulare. — Nestroys gesamm. Werke, p. p. Chiavacci u. Ganghofer, I.
mm IMERMTIOMDES AMÉRICAMSTES
<Ç^ session i8go.
PROGRAMME
— CNC-CCNS-O—
Par décision du Congrès international des Américanistes, tenu à Ber-
lin en 1888, la ville de Paris a été désignée comme siège de la huitième
session, qui aura lieu du 14 au 18 octobre i8go.
Le Congrès international des Américanistes a pour objet de contribuer
au progrès des études scientifiques relatives aux deux Amériques, spé-
cialement pour les temps antérieurs et immédiatement postérieurs à
Christophe Colomb. Il sert aussi à mettre en rapport les personnes qui
s'occupent de ces études.
Toute personne s'intéressant au progrès des sciences peut faire partie
du Congrès en acquittant la cotisation qui est fixée à 12 francs.
Le reçu du trésorier donne droit à la carte de membre et à toutes les
publications émanant du Congrès.
Les adhérents sont priés de faire parvenir le plus tôt possible le mon-
tant de leur cotisation, soit en un mandat postal, soit en un chèque sur
une des grandes capitales européennes, à M. C. Aubry, trésorier-adjoint, 184,
boulevard Saint-Germain, à Paris.
Les communications seront orales ou écrites et ne pourront durer
plus de vingt minutes. Les mémoires dont la lecture exigerait un temps
plus long seront déposés sur le bureau, et il en sera présenté au Congrès
un résumé soit écrit, soit oral, faisant connaître l'objet ainsi que les
points importants et les conclusions du travail.
Les auteurs qui enverront des mémoires auxquels cette dernière dis-
position serait applicable devront les accompagner d'une analyse.
Les mémoires des personnes qui ne pourraient se rendre à Paris de-
vront être adressés au Secrétaire général du Comité d'organisation avant
le i^r octobre i8go. De même, les membres qui voudraient en personne
faire des communications, sont invités à en aviser le Secrétaire général
avant le i'^'' octobre, afin qu'on puisse distribuer le programme détaillé
du Congrès à l'ouverture de la réunion.
Les auteurs qui assisteront aux travaux du Congrès sont instamment
priés de substituer à la lecture un exposé oral.
Les livres, manuscrits ou autres objets offerts au Congrès seront ac-
quis aux établissements scientifiques de Paris ; leur destination défini-
tive sera déterminée par le Comité d'organisation après la clôture de la
session.
Le Puy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N° 40 Vingt-quatrième année 6 octobre 1890
REVUE CRITIQUE
^ D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
R b: C U E I L HEBDOMADAIRE
Directeur : A. GHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris. 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
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LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc,
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Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire), les livres dont ils
désirent un compte-rendu.
KHNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
HISTOIRE DE LA GRÈCE
Sous la domination romaine
PAR G. -F. HERTZBERG
Traduit de l'allemand sous la direction de
A. BOUCHÉ-LECLERGQ
Professeur à la Faculté des Lettres de Paris.
3 forts volumes in-8 3o fr.
La publication de cet ouvrage termine
L'H I STOIRE GRECXiUE
Par CuRTius, Droysen, Hertzberg
Traduite en français sous^a direction de M. A. Bouché-Leclercq.
12 volumes in-8, dont un atlas 100 fr.
COURONNÉ PAR L'ACADÉMIE FRANÇAISE
Et par l'Association pour l'Encouragement des Études Grecques.
PÉRIODIQUES
Deutsche Litteraturzeitung', n° 33 : Weiss, Christl. Ethik. — Ziegler, Sittli-
ches Sein u. sittl. Werden. — Kaler, Moral der Zukunft. — Pertsch,
Verzeichnis der îiirk. Handschriften der Kôngl. Bibliothek zu Berlin,
VI. — Breusing, Die Lôsung des Trierenratsels (ne résout pas la ques-
tion, mais est une contribution utile à la discussion). — Kopechy, Die
attischen Trieren (de seconde main). — Bolte, DerBauer im deutschen
Liede, 32 Lieder des XV-XIX Jahrli. nebst einem Anhange (inédits et
intéressants). — Bull, délia Soc. Dantesca, I. — Boutkowski, Petit
Mionnet de poche. — Lindner, Deutsche Gesch. unter den Habsbur-
gern u. Luxemburgern 1 273-1437. I (de Rodolphe de Habsbourg à
Louis de Bavière ; simple et lumineux tableau d'ensemble). — Baumann,
in Deutschostafrika wahrend des Aufstandes. — H. H. Koch, Die
Karmelitenkloster derniederd. Provinz, XlII-XVIJahrh. — Delbrûck,
Die Stratégie des Perikles erleutert durch die Stratégie Friedrichs II
(cet ouvrage est, en somme, la meilleure et la plus indispensable intro-
duction à une histoire de la guerre du Péloponnèse et le plus instructif
commentaire de Thucydide qu'on ait jamais écrit).
Berlinerphilolog-ischeWochenschrift, n^ 28: PfalzischeGrabfunde(Mehlis),
— Zu Hesiodos et Zum Recht von Gortyn (Ludwich). — Kausche,
Mythologumena Aeschylea (très utile). — Semitelos, AiwpOa)Tf/.à ci; Ejpi-
7:ic-^v (un grand nombre de conjectures, mais l'auteur n'a pas de méthode
ni une connaissance exacte de la métrique, de la grammaire, du lexique
et du style). — Anabasis, p. p. Rehdantz, I, 6^ éd., p. p. Carnuth. —
Ovidi Tristium libri V, p. p. Owen (cp. Revue, n» 3). — Handbuch der
klass. Altertumswiss. p. p. Iwan Miiller (cp. Revue, 1888, n» 16). —
G. Chr. BuRCKHARDT, Zur Gesch. der locatio conductio (joli travail
d'ensemble). — Laistnen, Das Riitsel der Sphinx (que de soin et même
de sagacité en pure perte !) — Olivier, Une voie gallo-romaine dans la
vallée de l'Abbaye et le passage d'Annibal dans les Alpes (ne convaincra
que l'auteur). — De La Grasserie, De la catégorie des cas (clair et com-
préhensible pour tous, mais sur beaucoup de points on sera d'une autre
opinion que Fauteur; cp. Revue, n° 18). — Arnold Hirzel, Gleichnisse
u. Metaphern im Rigveda in culturhistorischer Hinsicht zusammen-
gestellt u. verglichen mit den Bildern bei Homer, Hesiod, Aeschylus,
Sophokles und Euripides (travail solide dont les résultats sont très inté-
ressants et persuasifs, et offrent une importante contribution à la « tro-
pique » comparée de la poésie). — Tocco, Le opère latine di Giordano
Bruno espostee confrontate con le italiane.
— N°* 29-30, 19 juillet 1890 : Die rômischen Ausgrabungen
vom I Jan. 1889 bis i Mai 1890 (O. Richter). — Flinders Pétrie,
Naukratis , I; Gardner, II; Pétrie, Tanis, II; Pétrie, Hawara,
Biahmu and Arsinoe (cp. Revue, no i); Marucchi, Monmenta pa-
pyracea Aegyptia bibliothecae Vaticanae ; Hirschberg, Aegypten ,
S"tudien eines Augenarztes ; H. Zimmern, Die Assyriologie als Hûlfs-
wissenschaft fur das Studium des alten Testaments u. des klassischen
Altertums; Epping, Astronomisches aus Babylon ; Jensen, Die Kosmo-
logie der Babylonier (cp. Revue, n" 2 5) — Euripides Herakles, erkl. von
WiLAMOWiTZ-MôLLENDORFF, I. Einleitung iu die attische Tragôdie; II.
Text und Commentar (long article défavorable de Wecklein qui blâme
la « Konjekturerei » de Fauteur et assure qu'on ne peut lire une demi-
page du commentaire sans trouver une erreur; aussi ce que le livre
renferme de bon et d'utile, est-il gâté ou échappe aux yeux). — Gunther,
Geschichte der antiken Naturwissenschaft und Philosophie, Mathematik,
Natur^vissenschaft, Medicin, und wissenschaftl. Erdkunde im Altertum
(très intéressant et fait d'après les sources). — Historische Studien aus
dem pharmakologischen Institute der kaiserl. Universitat Dorpat, hrsg.
von Rud. Robert. — Bradke, Ueber die arischealtertumswissenschaft
und die Eigenart unseres Sprachstammes (cp. Revue 1888, 11° 49).
— N°^ 3i-32 : Die rôm. Ausgrab. jan. mai i8go (O. Richiter).
— Pv.ôm. Reitergrabmal in Trier (The Iliad., with Englisli notes
and introd, by Leaf. I, II (remarques très détaillées qui n'ont trait
qu'aux passages difficiles et douteux.) — Hiller, Beitr. zur Text-
gesch. der griech. Bukoliker (excellent travail qui servira de base à
la critique des textes traités]. — Schulze, quaest. grammat. ad Xeno-
phontem pertinentes (très louable). — Lucianus recogn. Sommerbrodt
(premier et très long art. sur la seconde partie du premier volume). —
Thiele, Quaest. de Cornifici et Ciceronis artibus rhetoricis (bien fait et
indispensable). — Bob, zur Kritik u. Erklâr. der Satiren Juvenals (par-
fois inexact et contestable, parfois juste). — Delbrûck, Die Stratégie des
Perikles erlautert durch die Stratégie Friedrichs des Grossen, mit einem
Anhang uber Thukvdides u. Kleon (étude très minutieuse et juste dans
ses résultats). — A catalogue of engraved gems in the British Muséum.
— I. H. ScHMiDT, Handbuch der latein. u. griech. Synonymik (très
savant et instructif). — Cas. von Morawski, Beitr. zur Gesch. des Hu-
manismus in Polen. (Deux études : J. Sylvius Siculus et Melanchton
appelé en Pologne). — Monum. germ. paedag. X. Gesch. des Militâr-
Erziehungs-und Bildungswesens in den Landen deutscher Zunge I
intéressant et plein de matériaux utiles). — Zum griech. u. latein. Un-
terricht (traité de quatorze grammaires et livres d'exercices; Hœhne,
Koch, Hartel, Hensell, Bôhm, Wetzel, Schenki, Jacobs, Lutsch, Rie-
mann et Gœlzer, Heussner, Scheindler, Schmidt).
— N" 33 : Zum griech. u. latein. Unterricht (ouvrages de
Lutsch, Steiner et Scheindler, Holzweissig, "Wesener, Wezel, von .lan).
— Lucianus, p. p. Sommerbrodt, I; 2 (il faudra ou que l'éditeur
suive dans les volumes ultérieurs de tout autres principes, ou qu'il
ait un rival qui soit en état de faire une édition de Lucien digne de
ce nom). — Quinto Orazio Flacco opère espurgate, versione delFAu-
relio Colla. — Bilger, De Ovidi Heroidum appendice quaest. Paridis
et Helenae epistulae sintne Ovidi quaeritur (contestable). — Zimmermann,
De Tacito Senecae philosophi imitatore (méritoire). — Schiess, Die rôm.
collegia funeraticia nach den Inschriften. — Darbishire, notes on the
spiritus asper im Greek (méthode exacte et résultats à remarquer). —
Krets.chmer, Beitr. zur griech. Grammatik (très fouillé). — Hofmeister.
Die Matrikel der Universitat Rostock, 1419-1499.
Gœttingische gelehrte Anzeigen, no 14 : Schuppe, Das Gewohnheitsrecht,
zugleich eine Kritik der beiden ersten Paragraphen des Entwurfs eines
bijrgerlichen Gesetzbuches fur das deutsche Reich. — Viollet, Hist.
des institutions politiques et administratives de la France, I (long article
de Sickel qui juge l'ouvrage plus original que celui de Glasson et plus
instructif que celui de Fustel).
Theologische Literaturzeituug', n° 14 : Keilinschriftliche Bibliothek, Il Bd.
— Siegfried, Die theologische u. die historische Betrachtung des Alten
Testaments. — P. Ewald, Das Hauptproblem der Evangelienfrage und
der Weg zu seiner Losung. ~ Nestlé, De Sancta Cruce, ein Beitrag
zur christlichen Legendengeschichte ; Holder, Inventio sanctae crucis,
Actorum Cyriaci pars I latine et graece, ymnus antiquus de sancta
cruce, testimonia inventae sanctae crucis. — Von Dôllinger, Beitràge
zur Sektengeschichfe des Mittelalters {cp. Revue, n° 7). — Reifferscheid,
Marcus Evangelion Mart. Luthers. nach der Septemberbibel mit den
Lesarten aller Originalausgaben und Proben aus den hochdeutschen
Nachdrucken des XVI Jahrunderts (très louable). — Weiss, La Cham-
bre ardente, étude sur la liberté de conscience en France sous Fran-
çois I" et Henri II, 1 540-1 55/-, suivie d'environ 5oo arrêts inédits, ren-
dus par le parlement de Paris (excellente et indispensable mine pour la
connaissance de cette époque).
— N*' i5 : "H y.x'.vr; c'.aO-r;-/.-^ , Novum Testam. cum parallelisS. Scrip-
turae locis, vetere capit. notât., canon. Eusebii, — Pergamene pur-
puree Vaticane di Evangelario a caratteri di ore e di argento, memo-
ria di Giuseppe Gozz.\-Luzi. — Jundt, Rulman Merswin et l'Ami
de Dieu de l'Oberland, un problème de psychologie religieuse (accède
à Targumentation de Denifle, mais veut prouver que Merswin était
un halluciné: solution qui n'est pas plus simple et plus sûre que
celle de Denifle). — Beste, Geschichte der braunschweigischen Lan-
deskirche von der Reform bis auf unsere Tage (beaucoup de docu-
ments peu connus et inédits, d'ailleurs bien disposés). — Michel, Die
rômische Kirche, ihre Einwirkung auf die German. Stâmme u. das
deutsche Volk. — Kleinert, Zur christl. Kultus = und Kulturges-
chichte, Abhandl. u. Vortrage.
— N° 16 : Novum Testam. e codice Vaticano 1209 phototypice
repraesentatum , p. p. Cozza-Luzi. — Kuhl , Die Heilsbedeutung
des Todes Christi. — H.\rris and Gifford, Ttie acts of the martvrdom
of Perpétua and Félicitas, the original Greek text now first edited, —
RôHM, Zur Tetzel-Legende. — Mittheil, iiber die konfessionellen Ver-
hàltnisse in Wurttemberg, XIII Heft.
Literaturblatt fur germanisciie und romanische Philologie, n° 6, juin : Gol-
ther, Studien zur germanischen Sagengeschichte; I, der Valkyrjenmy-
thus; II, ueber das Verhâltnis der nordischen u. deutschen Form der
Nibelungensage (original, mais contestable). — Strnadt, Der Kirnberg
bei Linz u. der Kiirenberg-Mythus, ein kritischer Beitrag zu Minne-
sangs Frûhling (intéressant) — Hurch , zur Kritik des Ktirnbergers
(n'éveille pas la confiance). — Hirt, Untersuchungen zur westgerma-
nischen Verskunst, I, Kritik des neueren Théorie, Metrik des Angel-
sâchsischen (très recommandable; dirigé contre Sivers, non sans saga-
cité ni profondeur; mais n'a pas raison contre Miiller). — Callaway,
The absolute participle in Anglo-Saxon (un des meilleurs travaux qui
aient paru sur la syntaxe dans ces dix dernières années). — Schipper,
Zur Kritik der Shakspeare-Bacon-Frage (prouve que toute cette ques-
tion Shakspearo-baconienne n'est que « amerikanischer Humbug und
dilettantische Flunkerei »; cp. Revue, n° 28). — Birch-Hirschfeld,
Geschichte der franzôs. Literatur seit Anfang des XVI Jahrhunderts
(livre à saluer avec joie, clair, attachant et très instructif; cp. Revue,
n° II). — KuTTNER, Das Naturgefiihl der Altfranzosen und sein Ein-
fluss auf die Dichtung (très bon travail). — Tristranromanens gammel-
franske prosahaandskrifter i Pariser nationalbibliotheket af Eilert Lo-
SETH (n'avance pas la science). — A, Thomas, Poésies complètes de
Bertran de Born (très long art. d'Em. Levy).
— N* 7, juillet : A. Schultz, Das hôfische Leben zur Zeit derMinne-
singer, 2^ aufl. — Hamann, Der, Humor Wallers von deï Vogehveide
(épuise le sujet). — Schweitzer, Etude sur la vie et les oeuvres de Hans
Sachs (très louable, cp. Revue, n° 47). — Bulbring, Geschichte der
Ablaute der starken Zeitwôrter innerhalb des Sûdenglischen (soigné et
méthodique!. — The Jew of Malta, p. p. A. Wagner. — G. Paris, La
littérature française au moyen âge, 2^ édition revue, corrigée, augmentée
et accompagnée d'un tableau chronologique (très long art. de W. Foer-
ster). — Antoniewicz, Ikonographisches zu Chrestien de Troves. —
Negroni, sul testo délia Divina Commedia, discorso accademico.
Le Puy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N° 41 Vingt-quatrième année 13 octobre 1890
„ ^ III - ->
REVUE CRITIQUE
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DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
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Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
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[i^r oct. id. (suite) de 1820 à i83o.
Bulletin critique, 11° 16 : A. Bertrand, La psychologie de l'effort. —
Berthelé, Recherches pour servir à Thist. des arts en Poitou. — H. de
Larochejaquelein et la guerre de la Vendée. — Lebon, Etudes sur
TAUemagne politique (très précis et utile). — Metchnikoff, La civilisa-
tion et les grands fleuves historiques. (Le « latalisme potamique » est le
dernier mot du livre.)
— N" 17: Novum Testam. graece rec. Tischendorf, éd. octava cri-
tica major, vol. III, Prolegomena, rec. Gregory. — Diehl. Etudes sur
l'admin,. byzantine dans l'exarchat de Ravenne (remarquable par la
sûreté et Tampleur des informations comme par le talent de Fauteur).
— De BoNNiOT, L'âme et la physiologie. — Du Boys, Lettres de Pra-
dilhon de Sainte-Anne et M. du Verdier.
— N" 18 : Hatzfeld et A. Darmesteter, Dict. gén. de la langue fran-
çaise, I er fasc. (publication magistrale ; rédaction sobre et claire ; logique
rigoureuse dans le classement des sens). ■— - Aubert, Le Parlement de
Paris 1 3 14-1422 (second volume, considérable à tous égards et plein de
faits nouveaux). — Lair, Foucquet (ti es consciencieux et très intéressant).
— No 19 : Edm. de Pressensé, L'Eglise et la Révoi. franc., hist, des
relations de l'EgUse et de l'Etat de 1789 à 1814 (effort persévérant vers
l'impartialité, inlatigable énergie à plaider la cause de la liberté de
conscience, hauteur des vues). — Bergaigne et V. Henry, Manuel pour
étudier le sanscrit védique (art. de P. Regnaud qui « montre, en con-
centrant ses critiques sur une courte pariie d'un court chapitre, à quel
point les principes erronés de l'école de la nouvelle grammaire sont de
nature à stériliser et à fausser les explications auxquelles on prétend les
appliquer »). -- Gartault, Vases grecs en forme de personnages grou-
pés. — Garusi, L'azione publiciana in diritto Romano (écrit avec clarté
et conscience). — Blanchet, Numismatique du moyen âge et moderne,
(encyclopédie spéciale très portative, au courant des questions). —
Em. MoLiNiER, Venise, ses arts décoratifs, ses niusées et ses collections
(bon guide et résumé substantiel).
The Academy, no 954 : Glark and Hughes, The life and letters of Adam
Sedgwick. — Grot, Iz istorii Ugrii i Slavianstra v' XU viekie (neuf et
détaillé). — Hosie, Threeyears in Western Ghina. — Gardinal Newman
(Greenhill). — The International « Gonférence du Livre » at Antwerp.
— The original French éditions of the Kalender of Shepherdes. —
Hetman and Hauptmann. — The Ogam Stones in the isleof Man. —
Madhava and Sayana.
— N» 955 : Memoirs of Ernest U, Duke of Saxe-Gobourg-Gotha, vols
111 and IV. — Dante's Treatise De vulgari eloquentia transi, by Howell.
~ Oliver, Across the Border, or Pathan and Biloch. — G arpenter,
The first ihree Gospels, their origin and relations (important, et le
meilleur livre sur ce côté de la question) — Macgarthy, The French
Révolution, 11 (quelques bons endroits et des portraits bien tracés.) —
Letters, in part unpublished, of Samuel Pepys. — Ghaucer's prioress's
nun chaplain. — Bellesheim's History of the Gathoiic Ghurch in Ire-
land. — The mss. of the New Testament. — The Memorials of St
Edmundsbury. — l'he Ogam suMies in the isle of Man. — Taylor the
Platonist. — Tbegods Zur and Ben-Hadad. — The Béni Hassan car-
touches. — Tiie !)ahr-el Bahari mummies.
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COURS CO MPLET
D'HISTOIRE DE FRANCE
A L'USAGE DES LYCÉES ET COLLÈGES
Par M. Victor DURUY
Ancien Ministre de Tlnstruction publique
Membre de l'Académie française, de l'Académie des sciences morales et politiques
et de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
NOUVELLE ÉDITION, COMPLÉTÉE ET REMANIÉE CONFORMÉMENT AUX PROGRAMMES DU 28 JANVIER 1890
sous LA DIRECTION DE
M. E . LAVISSE
Professeur à la Faculté des lettres de Paris
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Histoire de l'Europe et de la France, jusqu'en 1270, Classe de Troisième,
par M i'aimentier, professeur au Lycée de Troyes, i vol 4 f. 50
Histoire de l'Europe et de la France, de 1270 à 1610, Classe de Seconde,
par M. Mariejol, chargé de cours à la Faculté des lettres de Dijon, i vol... 5 fr.
Histoire de l'Europe et de la France, de 1610 à 1789, Classe de Rhéthori-
que, par M. Lacour Gayei, docteur es lettres, professeur au Lycée Saint-Louis.
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Maspero, membre de l'Institut, professeur au collège de France, i vol. in-i6, illus-
tré de nombreuses gravures, cartonnage toile 5 fr.
Histoire grecque (Vie privée et vie publique des Grecs), à l'usage de la classe de
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Histoire du moyen âge et des temps modernes, à l'usage de la classe de Se-
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N° 42 Vingt-quatrième année 20 octobre 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL. H E B D O M A D A I K E
Directeur : A. CHUQUET
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Instructions adressées par le Comité des Travaux historiques et scientifiques
aux correspondants du Ministère de l'Instruction publique.
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Léopold Delisle, membre de l'Institut. In-8, avec une planche en
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COMPBENANT les trois séries jusqu'au tome XV INCLUS
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PÉRIODIQUES
Mélusine, u° 5, septembre-octobre : Gaidoz, L'opération d'hiscuiape. —
id., Echos de la iittér. antique au moyen âge. — Tuchmann, Les fasci-
nateurs, moyens d'acquérir le pouvoir de fascination (suite). — H. G.
Le solarisme boulangiste. — Israël Lévi, La légende d'Alexandre dans
le Talmud. — Bibliogr. : Krauss, Volksglaube u. relig. Brauch der
Sûdslawen (louable). — Curtin, Myths and folk-lore of Ireland. —
Meyrac, Trad. cont. lég. et contes des Ardennes (trop long). — Auri-
cosTE DE Lazarque, Cuislnc messine (plein d'originalités et d'excellentes
recettes). — La mythologie lithuanienne et M. Veckenstedt (étude con-
sidérable de M. Karlowicz qui démontre les <i bévues » de M. Vecken-
stedt, sa « rare ignorance ». sa « témérité insolite » — il invente tout
bonnement la mythologie lithuanienne).
Revue d'Alsace, II'' fasc. (avril mai-juin): Sahler, La coopération au pays
de Montbéliard et ses rapports avec la question sociale. — Ch. Pfister,
Les mss. allemands de la Bibliothèque nat. relatifs à l'hist. d'Alsace
(suite). — Benoit, Jean Vivant, évéque de Paris, suffragantde Strasbourg,
1 730-1739. — LiBLiN. Ancien nécrol. de l'église de Strasbourg, tiré des
mss. de Grandidier 1 181-1293. — Berdellé, Poésies de Ch. Boese en
dialecte alsacien (suite).
IIP fasc. { juillet-août-septembre): R. Reuss, L'Alsace pendant la Révol.
fr. (corresp. offic. de Schwendt.). — Pfister, Les mss. allemands de la
Bibl. nat. (suite). — Mossmann, Guei re de Trente Ans, matériaux tirés
des archives de Colmar, i3 juillet-26 août 1647. — Liblin, La dynastie
colmarienne des Haussmann. — Waltz, Mémoires de P. H. J. Chauf-
four dit le syndic (suite). — Chroniques centenaires de la Haute-Alsace.
La Révolution française, 14 sept. : Champion, Bailliages et sénéchaussées
de 1789 et leurs cahiers. — Viguier, L'encadastrement des biens et
droits féodaux en Provence. — Vidal, Mission polit, de Cassanyes dans
le Mont-Blanc. — Robiquet, Corresp. de Bailly et de Necker. — Chron.
et bibl. Robiquet, Le personnel municipal de Paris. — Maugras, Jour-
nal d'un étudiant. — Une lettre deCam. Desmoulins.
Revue de Belgique, 1 5 août : Romberg, Les lettres missives, étude de
propriété littéraire. — X. de Reul, Une leçon de géologie. — Errera,
La respiration des plantes. — De Lombay, Au Sinaï, souvenirs de
voyage, I.
— i5 sept. : Vercamer, La Vendée belge. — De Lombay, Au Sinaï,
(fin). — Gittée, L'étude du folklore en Flandre. — Potvin, La partici-
pation aux bénéfices.
Revue de l'instniction publique (supérieure et moyenne) en Belgique, tome XXXII I,
5" livraison : Keelhoff, note sur un passage de César, B. G., I, 4. c.
VIT, XIV. — Magnette, L'instruction publique à la République argen-
tine. — Coinptes rendus : Muller et Diegerick, Doc. conc. les relat.
entre le duc d'Anjou et les Pays-Bas, 1576-^583, Tome II, Troubles
des Maicontents et des Gantois 1578-1579 (très important). — Pirard,
Choix de fables d'Esope. — Freund, Wander. auf klassischem Boden,
die griech. Ruhmesstiitten (trop hâtif). — Chot, Grammaire française
(simple et clair). — Socin, Schriftspr. u. Dialekte im Deutschen nach
Zeugn. alter u. neuer Zeit (matériaux abondants), - Bangert, Die
Tiere im altfr. Epos (travail surtout lexicographique et plein de référen-
ces très précieuses).
The Academy, n^ gSô : Marshall, Princ. of Economies, I. — Sy-
MONDS, Essays spéculative and suggestive. — Guiness (mrs), The new
world of Central Africa. — Wakeman, Life of Fox (clair et intéressant).
— Jenkins, Ignatian difïiculties and historié doubts. — Some letters from
Cardinal Newman. — Letters of Sam. Pepys. — The original French édi-
tions of the Kalender of Shepherdes. — The Carlsruhe Bede. — The mss.
of the New Test. — La goule d'aoust. — Isaac Taylor, The origin of
the Aryans (clair, savant, plein d'intérêt). — Some contributions to Pâli
lexicography. — A first Aryan Reader. — Schmarsow, S. Martin von
Lucca u. die Anfânge der toskan. Sculptur im Mittelalter. — An
ancient inscribed stone on Exmoor. — The Dahr-el-Bahari mummies.
— N° 957 : The book of John Mandeuill, a hitherto unpubl. Engljsh
version from the unique copy in the Brit. Mus. edited, together vvith
the French text, notes and an introd. by Warner. — Noël, Lord Byron
(satisfaisant). — Child, Church and State under the Tudors. — Chan-
TEPiE DE La Saussaye, Lehrbuch der Religionsgesch. I. — Pendleton,
Newspaper Reporting in olden time and today. — Laurfe, Lectures on
linguistic method; Fitch, Nates on American schools and collèges. —
Pro Roscio, p. p. Stock. — Notes from the Lincoln Registers, L —
Letters of Sam. Pepys. — Discovery of Greek texts of thethird century
(papyrus grecs rapportés d'Egypte par M. Pétrie; fragments du Phédon
et de l'Antiope d'Euripide). — The Exmoor and Ballaqueny inscrip-
tions. — An obscure passage in The Pearl. — Dante's De vulgari elo-
quentia. — J. Darmesteter, Chants populaires des Afghans (œuvre qui
réunit à la fois les qualités du philologue, de l'historien et du poètej .
— The goddess Kadesh and the semitism ofthe Hittites. — The Aryans
(I. Taylor). - Faenza and Cafaggiolo. — Inscr. of the emperor
Piavonius.
— No 958 ; Bagwell, Ireland under the Tudors, III (très conscien-
cieux et minutieux ; quelques défauts néanmoins; manque d'intérêt). —
Selected poems of Matthew Prior, p. p. Dobson. — Diaries of Sir Moses
and Lady Montefiore, p. p. Loewe. — Arbuthnot, Arabie authors, a
manual of Arabian history and literature. — Early reviews of great
writers, 1 786-1 832, p. p. Stevenson. — Hauréau, Des poèmes latins
attribués à saint Bernard. — An obscure passage in The Pearl. — The
pound of flesh in the Merchant of Venice. — Paris and Tristran in the
Inferno. — The mss. ofthe New^ Testament. — Hale, An international
idiom, a manual of the Oregon trade language or Chinook Jargon. —
The Aryans (Glennieet Sayce). — Conway, Literary remains of Albrecht
Durer, with transcripts from the British Muséum mss. and notes upon
them by Lina Eckenstein. — Vandalism in Pembrokeshire.
— No 939 : La Morte Darthur, by Sir Thomas Malory, faithfuUy re-
printed from the original édition (1485) of William Caxton, éd. by N.
O. Sommer, vols. I and IL (excellente édition.) — Malleson, Dupleix
(un des meilleurs livres de la collection dirigée par Sir W. Hunter). —
Rodwelle, The Mosaie sacrifices in Leviticus I-VIII. — Kraushan,
Sprawa Zygmunta Unruga, epizod historycrny z Czasôw Saskich, 171 5-
ijj^.o. — Thiselton-Dyer, The loves and marriages of some eminent
persons. — Notes from the Lmcoln Registers, II. — Old-Norse names
in the Irish annals (W. Stokes). — The mss. of the New Testament. —
An obscure passage in The Pearl. — H. Ellis, The criminal. — The
Yenissei inscriptions, n* i (Rob. Brovi^n jun.) — de Cara. Gli Hycsos.
— Irish and Eastern art.
— N° 960 : Earl of Dundonald, The autobiography of a seaman (li-
vre très intéressant sur lord Cochrane dont la vie est un drame aussi
héroïque que la vie de Drake ot de Raleigh). — Austin, English lyrics,
p. p. Watson. — Marquis of Dufferin, Speeches delivered in India,
1884-1888. — CoTTON, Barnstaple and the Northern part of Devon-
shire during the Great Civil War 1642- 1646. — Lady Wilde, Ancient
cures, charms and usages of Ireland, contrib. to Irish lore. — Koel-
LiNG, Der erste Brief Pauli an Timotheus; Steck, Der Galaterbrief nach
seiner Echtheit; Steinmeyer, DieGesch. der Auferweck. des Lazarus. —
Two of Lyef Tolstoi's letters. — English scholars and the Morte Dar-
thur. — Junius' transcripts of OKI English texts. (Logeman). — Ara-
bian poetry for English readers (Clouston). — Contrib. to Pâli lexico-
graphy (Morris). — Grébaut's forthcoming work on the National Egyp-
tian Muséum. (Le musée égyptien, recueil de monuments choisis et de
notices sur les fouilles en Egypte.)
The Babylonian and Oriental Record, n° 8 : Bonavia, Bananas and melons
as dessert fruits of Assyrian monarchs. — T. de L. On Eastern names
of thebanana. — Arkwrigt, On a Lycian inscription. — Terrien de La-
coupERiE, An unknown King of Lagath, from a lost inscription of 6000
years ago. — De Harlez, A Buddhist repertory.
— N» 9 : Terrien de Lacouperie, An unknown King of Lagath,
from a lost inscription of 6,000 years ago (suite). — Glennfe, The tra-
ditional déluge and its geological identification. — De Harlez, A Bud-
dhist repertory (suite).
— N'' 10 : Terrien de Lacouperie, The calendar plant of China, the
cosmic tree and the date-palm of Babylonia. — Rob. Brown jun., The
Yenessei inscriptions, L — De Harlez, A Buddhist repertory (fin).
Altpreussische Monatsschrift, IH-IV : Krumbholtz, Samaiten u. der deuts-
che Orden bis zum Frieden am Melno-See (fin). — Em. Arnoldt, Zur
Beurtheilung von Gœthe's Kritik der reinen Vernunft und Kant's Pro-
legomena. — Frydrychowitz, Der Ritterorden von Calatrava inTymau
bei Mewe. — Sembrzycki, Sprachl. Bemerk. zu den drei Kônigsberger
Zwischenspielen von 1644. — Treichel, Dialect. Râthsel, Reime u.
Marchen aus dem Ermlande et Sprachliche Ueberbleibsel aus der Franzo-
senzeit. — Frischbier, Ostpreussische Sagen. — Bolte, Zu den Kônigs
berger Zwischenspielen von 1644. — Kritiken und Referate: Nerrlich,
Jean Paul, sein Leben u. seine Werke ; Bystron, Katechizm Ledesmy
w przekladzie v\'schodnio-iitewskim; Stankiev^^ez, W sprawie gromad-
zenia matervalow do dziejow Pismiennictwa Litewskiego ; Lohmeyer,
Herzog Albrecht von Preussen, eine biogr. Skizze — Alterthums —
Gesellschaft Prussia 1889. — Universitats Chronik 1890 — Altpreuss.
Bibliographie 1889.
Magazin fur die Litteratur des In=nnd Auslandes, n° 3i : Neumann-Hofer,
Die junge Génération — Prolss. Zur Geschichte der franzosischen Emi-
gration, 1 789-1 793 — Kraus, Zur Reform der Gymnasien — Rehberg,
Allerhand Gutgemeintes — Stossel, Drei Gedichte — Arne Garborg,
eine Grossthat (libers aus dem nordischen von Marholm).
— N" 32 : Neumann-Hofer, Eine strafgerichtliche Verfolgung der
Litteratur — Rehberg, Allerhand Gutgemeintes (suite) — Hoepfner,
Fausto. — Carus, Das psychologische Problem und die Religion
(deutsch von Bertha von Suttner) — Coppée, Liebesbriefe, ûbertr.
von Em. Burger).
Le Puy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N° 43 Vingt-quatrième année 27 octobre 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
R K C U E I L HEBDOMADAIRE
Directeur : A. CHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
fi anco par la poste (et non par commissionnaire), les livres dont ils
désirent un compte-rendu.
EKNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
BIBLIOTHÈQUE ORIENTALE ELZÉYIRIENNE
TOME LXV
L.es i%ntiquités sémitiques, par Ch. Clermont-Ganneau,
membre de l'Institut. Un volume in-i8 2 fr. 5o
Etudes sur l'Asie Centrale, d'après les historiens chinois,
par Edouard Specht. Première livraison. Indo-Scythes et Ephtha-
lites. In-8. 2 fr.
San li tu, tableau des trois Itituels. Traits de mœurs
chinoises avant l'ère chrétienne, par G. de Harlez. In- 8, avec
une planche. 2 fr. 5o
Pour paraître dans quelques jours
MUSÉES ET COLLECTIONS ARCHÉOLOGIQUES DE L'ALGÉRIE
Publiés sous la direction de M. R. DE LA BLANCHÈRE
Première livraison : Musée d'Alger, par M. Doublet. In-4, avec
17 planches i5 fr.
PÉRIODIQUES
Annales de TEst, n" 4, octobre 1890 : Gampaux, La critique du texte
d'Horace avant Peerlkamp (suite et tin). — Ch. Schmidt, Laurens Pries,
de Colmar. — V. Jacques, Le siège d'Epinal par le maréchal de Gréqui,
— Aug. Jundt (nécrol.). — Covwtes-rendus : Germain (Léon), Mélanges
hist. sur la Lorraine (livre d\in travailleur infatigable, le dom Pelletier
moderne). — Heimweh, La question d''Alsace; le régime des passseports
en Alsace- Lorraine. — Diehl, Excursions archéol. en Grèce. — Société
des amis de l'Univ. de Nancy.
La Révolution française, 14 oct. Gaffarel, L^annexion du Piémont à la
France, 1798. — Bussière et Legouis, Beaupuy et Wordsworth. —
GcGLiA, Le Journal polit, nat. de Rivarol. — Aulard, Les cendres de
Ma-abeau. — Les Mém. de Talleyrand. — Mém. de Moreau de Jonnês, L
— Chron. et bibl. : Stendahl, Vie de H. Brulard, p. p. Stryenski ;
Mém. du duc des Cars; Page, Le diocèse de la Gorrèze pendant la
Rév., etc.
The Academy, n° 961 : Conway, Hawthorne (de valeur). — Delitzsch,
Bibl. comm. on the prophecies of Isaiah ; Herford, The prophecies of
the captivity. — Altamira, Hist. de la propiedad communal. — An
undescribed (?) impression of the Elzevir Virgil, i636. — English scho-
lars and the Morte Darthur. — A Blasphemy Case in Poland. — The
life of Byron. — Keilinschriftl. Bibliothek, H, p. p. Schrader; id.,
Zur Geogr. des assyr. Reichs. — Pâli Asuropa and Asulopa of the Asoka
inscr. — 'Itcttôt/jç — Vispati.
The Athenaeimi, n° 3276 : Handbook for Lincolnshire; Usher, An
Anglo-Saxon cathedral, a handbook to Stow Church, near Lincoln. —
Ovid, Tristia, p. p. Owen (cf. Revue, n°3). — Sir Charles Duffy, Thomas
Davis, the Memoirs of an Irish patriot ; Prose writings of Thomas Da-
vis, p. p. R0LLESTON. — Jusserand, The English novel in the time of
Shakespeare (« a contribution of permanent value to the history of Eli-
zabethan literature »). — D. Owen, Déclaration of war, a survey of the
position of belligérants and neutrals, with relative considérations of
shipping and marine Insurance during war. — Schlumberger, Nicé-
phore Phocas (cf. Revue, n° 26). — British Muséum reports for 1889.
— Juniusand his contemporaries. — Clark and Hughes, The life and
letters ofSedgwick. — Nightingale, The church plate of the county of
Dorset. — Uhle, Kultur u . Industrie sûdamerik. Vôlker. — Griffith,
The inscr. of Siût and Der Rifêh (cf. Revue, 1889, n» 49). — Bettona.
— N° 3277 : Baines, Records of the manor, parish and borough
Hampstead. — Thackeray, Translations from Prudentius. — Hosie,
Three years in Western China. — Anecdota Oxoniensia, Lives of Saints
from the Book of Lisrnore, p. p.Whitley Stokes, — Gray and his friends,
letters and relies in great part hitherto unpublished, p. p. Tovey. —
Daphnis and Chloe, the Elizabethan version, from Amyot's translation,
by Angel Day, reprinted from the unique original édition andeditedby
Jos. Jacobs. — Cardinal Newman. — Wordsworth's verses in his Guide
to the Lake Country. — The Conférence du livre at Antwerp. — Bur-
gess, Archaeolog. Survey of India, the Sharqi architecture of Jaunpur,
with notes on Zafarabad, Sahet-Mahet, and other places. — Norwich
cathedral. — Notes from Isauria and Cappadocia.
— N° 3218 : Baillie, Kurrachee, past, présent and future. — Pish-
wicK, The history of the parish of Rochdale. — Morrisson, The Jews
under Roman rule (couri et complet néanmoins). — Perrens, Hist.
de Plorence, HI (cf. Revue, n" 22). — Burton, The history of Heming-
borough. — Schumacher, Northern Ajlùn, within the Decapolis (petit
volume plein de renseignements). — Philological literatuie : Sweet, A
primei" of spoken English; Dudgeon, An introd. to the origin of surna-
mes; King and Gookson, An introd. lo the comparative grammar of
Greek and Latin ; Batiffol, La Vaticane de Paul III à Paul V (cf. Re-
vue, n° 41). — Gh, Gibbon. — Plantin as a poet. — Defoe's birth and
marriage (Aitken). — Aftertlioughts on Gardinal Newman as a man of
letters. — Brydall, Art in Scotland, its origin and progress. — Aquae
Solis. — An inscr. of Megalopolis. — Notes from Athens (Lambros).
— N" 3279 : Symonds, Essays, spéculative and suggestive. — Daniell,
The industrial compétition of India. — Gyzicki, A student's manual
for ethical philosophy. — Ellis, On Early English pronunciation, with
especial référence to Shakspeare and Ghaucer, V. Existing Dialectal as
compared with West Saxon pronunciation (fin de ce long et laborieux
ouvrage qu'aucun autre peut-être n'aurait exécuté avec un égal succès).
— HoLROYD, Memorials of the life of G. E. Gorrie. -— Whitney, A con-
cise dictionary of the principal roads, chief towns and villages of Japan.
— Unpublished verses by Goieridge. — Nicholas Bozon. — Early prin-
ting at Avignon. — Letters of Sir John Vanbrugh. — Allen, The mo-
numental history of the Early British church. — Greek médical writers
(Lambros). — The Gambrian archaeological association at Holywell.
— M. Petrie's forthcoming exhibition of Egyptian antiquities. — Aquae
Solis (De Gray Birch). — Masques and entertainments by Ben Jonson,
éd. by H. Morley.
— N" 3280: Sir Frederick Abel, Address to the British association for
the advancement of science. — Rimmer, Summer rambles about Man-
chester. — Gorresp. secr. de Mercy avec Joseph II, p. p. D'Arneth et
Flammermont, I. — RuTHERtORD, The fourth booic of Thucydides, a
revision of the text illustrating the causes of corruption in the ms. of
this author. — Cushing, Anonyms, a dictionary ot revealed author-
ship. — Miss Marianne North. — The Welsh Prayer Book and the
proposed furiher revision. — Some early poems of Wordsworth. —
Letters of Sir John Vanbrugh, II. — H. Ellis, The Griminal. — Nu-
mismatic literature : Thorbukn, Aguid to the coins of Great Britain and
Ireland ; Howorth, Goins and tokens of the English colonies; Boutko-
wsKi, petit Mionnet de poche. — Fleay, A chronicle history of the Lon-
don Stage, 1559-1642.
— N° 3281 : Lilly, On right and wrong. — Gebhart, L'Italie mysti-
que, hist. de la Ren. relig. au moyen-âge (« a delightful little book »).
— Calendar of the State Papers and ms. relating to English affairs exis-
ting in the archives and in other libraries of Northern Italy. — Mac-
kay, a sketch of the history of Fife and Kinross. — A new palimpsest
of Mount Athos (Lambros). — Ganon Liddon. — Wroth, Gatalogue of
Greek coins, Pontus. Paphlagonia, Bithynia and the Kingdom of Bos-
phorus. — The tomb at Vaphion (Stillman). — Tonge Halle. — Notes
from the Piraeus.
— N° 3282 : Victor Hugo, En voyage, Alpes et Pyrénées. — Malle-
son, Dupleix (récit concis et souvent animé, non seulement de la carrière
de Dupleix dans les Indes, mais de la lutte entre LAngleterre et la
France). — Encyclopaedia Americana. — The ptedecessors of the Ser-
vice Book. — An Elizabethan poet and his relations. — Bonfires. —
The archaeological societies. — The Royal Society of Antiquaries of
Ireland in Donnegal. — The tomb of Vaphio (Gardner),
— No 3283 : Gastellani, L'origine tedesca e Torigine olandese de
l'invenzione délia stampa ; La stampa in Venezia. (cf. Revue, n° 12). —
The Roxburghe ballads, p. p. Ebsworïh, XX. — Lord Rosslyn's poe-
try. — Capt. Cook's logs. — Boiifnes or bonefires. — The predeces-
sois of the Service Book. — Fontainebleau Greek mss. (Sur la publica-
tion de M. Omont). — Tiie Cecil papers.
— N» 3284: Giovani Pico délia Mirandola, his life by his nephew G.
Fr. Pico : also three of his letters, his interprétation of Psalm XVI,
his twelve points of a perfect lover, and his deprecatory hymn to God,
transi, fiom the Latin by Sir Thomas More, p. p. with introd, and
by RiGG. — Chronicon Henrici Knighton, monachi leycestrensis, p. p
Lomby; Ada Murimuthi continuatio Chronicorum. Robertus de Aves
bury de gestis mirabilibus régis Edwardi lll, p. p. Maunde Thompson
Year books of the reign of King Edward III, years XIV and XV, ed
and transi, by Pike. — Schkumpf, A tirst Aryan reader; Hyde, Lea^
bhar Sgeulaigheachta; Brûnnow, A classitîed listof ail simple and com
pound ideographs occurring in the texts hitherto published, with their
Assyro-Babyionian équivalents, phonetic values, etc. — A new ms. of
the conquest of the Canaries (Warner). — The Greek mss. at Salonika
(Lambros). — Last notes from Asia Minor (Hogarth et Headlam). —
Archer, William Charles Macready.
— N*' 3285 : Sir William Butler, Sir Charles Napier (pourrait être
meilleur). — Hare, France. — W. Wright, Lectures on the compar.
grammar ot the Semitic languages. — Henley, Views and reviews,
essays in appréciation. — Morfill, A grammar of the Russian language;
KiNLOGH, Russian conversation grammar; Motti, Russian convers.
gramm.,Elem. Russian grammar. — A proposed monument to Shelley
(Saunders). — The next Oriental Congress. — Higher éducation in
America. — The Dict. of Nat. Biography (de Lea à Lempriere). — New
ms. of the conquest of the Canaries (V/yïie). — Heales, The churches ot
Gottland, olher than those of Wisby .
Bulletin international de l'académie des sciences de Cracovie, juillet : Wit-
Kowsivi, das Verhaltnis des Gedichtes Kochanowski's Szachy zum Ge-
dichte Vida's Scacchia iudus. — Karlowicz, Ueber die leydensche
Handschrift der Silvae von Modrzewski. — Lozinski, Leopol ancien,
étude pour servira Phistoire des arts et des mœurs : I. L'orfèvrerie à Leo-
pol, dans les siècles passés; IL Le patriciat et la bourgeoisie de Leopol
au xvi« et au xvn'' siècle (œuvre de longue haleine, pleine de détails et
de faits inédits sur une ville qui, formée tout d'abord de tant d'éléments
étrangers, devint en définitive essentiellement polonaise et, jetée sur
les derniers confins de la frontière orientale, représente brillamment la
civilisation orientale).
Deutsche Rundschau, septembre : M. Necker, Marie von Ebner-Eschen-
bach, ein liter. Charakterbild. — Hubner, Granada. — Rodenberg,
Dingelstedt, der Theaterintendant u. Freiherr, III, Wien (1867-1881).
— RuMELiN, Ueber die Temperamente. — Henke, Aurora u. Nacht
des Michelangelo. — Richard, Stanley's neuestes Werk. — Kraus,
Histor. Forsch. in den Rheinlanden. — G. Keller. - Zur Gesch. der
Iranz. Rev. — Pniower, W. Scherer in franz. Darstell.
Octobre : Haeckel, Alger, Erinner. — W. Scherer, Achim von Ar-
nin. — Reinke, Die preuss. Commission zur wissensch. Untersuch.
der deutschen Meere. — Cohn, Die Beamten-Consumvereine in En-
gland. — Batsch, Helgoland fest oder sicher? — Justi, Das Ende ei-
nes alten Stadtthores. — Gustav zu Putlitz. — Salis C. F. Meyer).
Le t'uy, typographie Marchessou lils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N° 44 Vingt-quatrième année 3 novembre 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. CHUQUET
Prix d'abonnement ;
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire ), les livres dont ils
désirent un com_pte-rendu.
EUNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
MUSÉES
ET
COLLECTIONS ARCHÉOLOGIQUES
DE L'ALGÉRIE
Publiés par ordre de M. le Ministre de l'Instruction publique
sous la direction de
M. R. DE LA BLANCHÈRE
Délégué du Ministère de l'Instruction publique
et des Beaux-Arts en Algérie et Tunisie,
Premier fascicule
Musée d'Alger. Texte rédigé par M. Georges Doublet, ancien
membre de l'Ecole d'Athènes.
In-4, en un carton, avec 17 planches en héliogravure
et en phototypie 1 2 fr.
PERIODIQUES
Literariscbes Centralblatt, n° 84 : Basler Chroniken, IV, p. p. Bernoull'
(cf. Revue, n" 41). — Schirrmacher, Gesch. von Spanien. V (très louable).
— LippERT, Deutsche Sittengeschichte, III, die Neuzeit (inéi^al). —
BiDERMANN, Gcsch . dcr ôsterr. Gesammtstaatsidee II, 1705-1740 (d'abon-
dants matériaux). — Brockelmann, Das Verh. von Ibn-el-Athirs Kamil
fit Tarih zu Tabaris Ahbar errusul walmuluk. — Hess. Der demot.
Roman von Stne Hamus (soigné). — Locella, Zur deutschen Dante-
Literatur. — Schiller, Die Kûnstler, p. p. Grosse.
— N''35 : HuBER, Die Erwerb. SiebenbiirgensdurchKônig Ferdinand I
(i55 i). — Bertin, La soc. du Consulat et de l'Empire (Lf. Revue, n» 6).
— Wellmann, h. W. von Horn. — Kuropatkin, Russ. tûrk. Krieg. —
Bismarcks deutsche Politik seit Begriind. des neuen Reiches. —
Frôhlich, Das Kriegswesen Casar's (instructif et de valeur durable, cf.
Revue, n" 18). — Merx, Hist. artis gramm. apud Syros (avance réelle-
ment la science). — Odyssea, p. p. Ludwich, I. — Gagnât, L'année
epigraph. (très soigné). — Henzen, Die Trâume in der altnord. Liter.
(intéressant).
— N" 36 : ScHULTE, De restit. atque indoiegenuinae versionisgraecae
in libro Judicum. — Hefele, Conciliengesch. IX. — Hoffmann, Gesch.
der Hansestadt Liibeck, I (un peu confus). — Thommen, Gesch, der
Univ. Basel, 1 5 32- 1 632 (poursuit l'œuvre de Vischer). — Krebs,
Schaffgotsch. (intéressant). — Amagat, La gestion conservatrice et la
gestion républicaine jusqu'aux conventions (tableau complet) . — Weis-
BACH, Die Achâmeiiiden-Inschriften zweiterArt. (beau travail). — Schmid,
Der Atticismus in seinen Hauptvertreiern, II (très méritoire). — Rubio
Y Ors, Lo Gayter del Llobregat.
— N" 37 : Rosenthal, Die monist. Philos. — Simson, Der Begriff der
Seele bei Plato. — Buttlar, Joachim I von Brandenb. gegen den Adel.
— Ignacii diaconi vita Tarasii archiepiscopi Constantinopolitani ,
p. p. Heikel (édit. très soignée et correcte). — Blumenstock, Der Pâpstli-
che Schutz im Mittelalter (un peu prolixe). — Mûller, Das Conclave
Plus' IV (bien fait). — Dieffenbach, der franz. Einfluss in Deutschland
unter Ludwig XIV (très mauvais). — Hoffmann, Einige Phônik. Ins-
chriften (instructif). — Regnaud, Les grandes lignes du vocalisme et de
la dérivation dans les langues indo-européennes. — Danielsson, Epigra-
phica (cf. Revue, n" 29). — Kammer, Ein aesthet. Commentar zu Homer's
Ilias (recommandable). — Torp, Den graeske Nominalflexion (méritoire).
— Die Prolokolle des Mannheimer Nationaltheaters unter Dalberg. —
Wernicke, Die griech. Vasen mit Lieblingsnamen.
— N" 38 : Stricker, Calvin als erster Pfarrer der reform. Kirche zu
Strassburg (important). — Finck, Uebers. der Gesch. desOrdensS. Johan-
nis von Spital zu Jérusalem u. der Balley Brandenburg (clair et court).
— Baissac, Les grands jours de la sorcellerie (sera le bienvenu). —
W^engen, Karl Graf zu Wied. — Kunz, Der poln. russ. Krieg von i83i.
— Baussnern, Deutschland u. Oesterreich-Ungarn. Abh. Reden u.
Briefe. 1868-1869. — Reinisch. Die Saho-Sprache, IL — Smyth, The
vowel System of the lonic dialect (cf. Revue, n" 3o). — Hagen, Ueber
Wesen u. Bedeut. der Homer-Frage (simple conférence). — Caumont,
Cours de littér. franc. — Stichel, Beitr. zur Lexicogr. des altprovenz.
Verbums (blâmable sur beaucoup de points'. — Klette, Die griech.
Briefe des Fr. Philelphus (« acribie » très remarquable). — Montchres-
tien's Sophonisbe, p. p. Fries. — Spanier, Der Papist Shakspeare in
Hamlet (« pliimpe Tendenzschrift »). — J. Grimm, Vorreden, Zeit-
geschichtliches und Personljches. — Briefw. zwischen M. von Schwind
u. Môrike, p. p. B.aechtold. — Henkel, Gœthe u. die Bibel (sera
accueilli avec joie). — Buresch, Klaros, Untersuch. zum Orakelwesen
des spâteren Altertums. — Schreiber, Die hellenist. Reliefbilder, 2-6.
— N° 39 : Barth, Die Geschichtsphilos. Hegel's u. der Hegelianer
bis auf Marx u. Hartmann (spirituel et plein de choses). — Bachmann,
Die deutschen Kônige u. die Kurfûrstl. Neutralitat, 1438-1447 (clairet
très détaillé), — Stanley Lane-Poole, The barbary corsairs (incomplet,
peu profond, quoique habilement faiL). — Gonner, Die Luxemburger
in der neuen Welt. — Stockmar, Ludwig XVI u. Marie-Antoinette auf
der Flucht nach Montmedy (cf. Revue, n^ 24). — Meister, Zum eleis-
chen, arkad, u. kypr. Dialect. — Teuffel, Studien u. Charakteristiken
zur griech. u. rôm. Literaturgesch. 2^ éd. — Plauti fabularum reliquiae
Ambrosianae codicis rescripti Ambrosiani apographum, p. p. Studemund
(détinitif dans Tessentiel). Schweitzer, Gesch. der skandin. Liter. im
XIX Jahrh 'cf. Revue, 1889, n» 18). — Krauss, Volksglaube u. relig.
Brauch der Sûdslaven. — Zimmermann, Versuch einer Schillerschen
Aesthetik.
— No 40 : Rechn. aus demA-rchiv der Stadt Kronstadt, II. — Hôfler,
Der Hohenzoller Johann. — Ehrenberg, Hamburg u. Antwerpen seit
3oo Jahren (savant et intéressant). — Lotheissen, Zur Culturgesch.
Frankreichs im XVII u. XVIIl Jahrh. — Michael, Ranke's Weltgesch.
— Edkins, The evolut. of the Hebrew longuage. — Schûtz, Sophokl.
Studien (sera le bienvenu^. — Weiske, Anmerk. zur griech. Syntax. —
Kaukfmann, Gesch. der schwab. Mundart im Mittelalter u. in der
Neuzeit (occupera une des premières places parmi les travaux de ce
genre). — Rosenberg, Gesch. der modernen Kunst III (très remarqua-
ble et offre de nombreuses qualités). — BettingeN;, Grundz. der draniat.
Kunst.
N" 41 : Hartel, Patrist. Studien (4 fasc. sur la crit. du texte de
Tertullien). — Pflugk-Harttung, Specimina sel. chartarum pontif.
roman. I-III, — Erinn. aus dem Leben des Gen. Feldm. Boyen,
p. p. NippoLD, III. — Fay, Journal d'un otf. de l'armée du Rhin,
5® édit. (cf. Revue, n° 36). — Maupaviaw/jç, 'Ia-îcp(a xwv 'loviwv vyjcjwv,
1797-1815. — Censorinide die natali liber, p. p. Cholodniak. — Jahn,
Dionysiaca, — Lactantii opéra omnia, p. p. Brandt et Laubmann, I
(remplit son but). — Fritzsche, Glarean, sein Leben u. seine Schriften.
— Max Bonnet, Narratio de miraculo a Michaele archangelo Chonis
patrato (traité à fond). — Simonsen, Sculpt. et inscr. de Palmyre à la
glyptothèque de Ny Carlsberg. — Pinloche, La réf. de l'éduc. en Allem.
au xvni^ siècle. Basedow et le philanthropisme (très sérieusement fait et
enrichit la littérature delà pédagogie historique).
— N^ 42 ; KoEHNE, Der Urspr. der Stadtverf. in Worms, Speier u.
Worms. — Ubrich Schmidels Reise nach Sûd-Amerika 1534-1 554, p.
p. Langmantel (très soigné) — Hœnig, Cromwell, II u. III (trop de
défauts, surtout manque de mesure). -- Barton, Hist. of South Wales,
1. — Guglia, Die conserv.Elem. Frankreichs am Vorabend der Revol. —
GuNTHER, Handb. der mathem. Geogr. — Hermann, Noch ûber ein
Wort liber Mithio (savant, mais non convaincant). — Engelmann, Bil-
deratlas zu OviJs Metamorph. — Sili Italica, p. p. Bauer. I, i-io (soin
louable). — Lammens. Rem. sur les mots français dérivés de Tarabe
(beaucoup de savoir). — Helten, Altfries. Grammatik (diffus et manque
de précision). — Bischoff, J. B. Schupp (bonne esquisse).
Annalen des historischen Vereins fur den Niederrhein insbes. die alte Erzdiôcese
Koln. 50'"'^ fascicule (avec un portrait de feu le prof. D^ H. Floss). Léon.
KoRTH, Koln im Mittelalter. — Scholten, Urkundl, ûber Movland u.
Till im Kreise Cleve. — Merlo, Zur Gesch. des Kôlner Theaiers
im XVI II u. XIX Jahrh. — E. FRiEDLaNDER, Rhein. Urkunden, I.
— Rechnungs-Ablage fur 1888- 1889.
LIBRAIRIE HACHETTE ET C'"
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS
0. GRÉARD
DE l'académie française
EDMOND SCHÉRER
Un volume in-i6, broché 3 fr. 5o
ANDRÉ LE BRETON
LE ROMAN
AU DIX -SEPTIÈME SIÈCLE
Un volume in-i6, broché.. 3 fr. 5o
(A.-Ed.) CHAIGNET
Recteur de rAcadémie de Poitiers, correspondant de l'Institut.
HISTOIRE
DE
LA PSYCHOLOGIE DES GRECS
Tome III : La psychologie de la nouvelle Académie et des Ecoles
éclectiques.
Un volume in-8, broché 7 fr. 5o
EN VENTE :
Tome l^^ : Histoire de la psychologie des Grecs avant et après
Aristote.
Un volume in-8, broché 7 fr. 5o
Tome II : La psychologie des Stoïciens, des Épicuriens et des
Sceptiques.
Un volume in-8, broché 7 fr. 5o
Le Puy imprimerie M archessôiTfilsV boulevard "Saint^LâÂirentrSSi
N° 45 Vingt-quatrième année 10 novembre 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEll. HEBDOMADAIRE
Directeur : A. CHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 2^).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire), les livres dont ils
désirent un compte-rendu.
EKNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
MUSÉES
ET
COLLECTIONS ARCHÉOLOGIQUES
DE L'ALGÉRIE
Publiés par ordre de M. le Ministre de l'Instruction publique
sous la direction de
M. R. DE LA BLANCHÈRE
Délégué du Ministère de l'Instruction publique
et des Beaux-Arts en Algérie et Tunisie,
Premier fascicule
Musée d'Alger. Texte rédigé par M. Georges Doublet, ancien
membre de PEcole d'Athènes.
In-4, en un carton, avec 17 planches en héliogravure
et en phototypie 1 2 fr.
PÉRIODIQUES
Deutsche Litteraturzeitung, n» 34 : Cohn, Saadia, Buch Hiob (cf. Revue,
1889, n" 49I. — Hale, The Cum-constructions; Harvard Studies in
classical philology. — Eckard, Das Prafix ge in verb. zusammensetz.
bei Berthold von Regensburg (louable). — Foelsing-Koch, Lehrb. der
engl. Sprache, III wissensch. gramm. — Bulle, Gesch, des zweiten
Kaiserr. u. des Kônigr. Italien ; Bamberg, Gesch. der orient. Angelegenh.
im Zeitraume des Parisen u. des Beriiner Friedens; Oncken, das Zeital-
ter des Kaisers Wilhelm. — Anionini Placentini Itiner, p. p. Gilde-
MEiSTER. — Homers Odyssée ûbers. von Jordan
— N° 35 : Varentrapp, Joh. Schulze u. das hohere preuss. Unter-
richtswesen in semer Zeit. (réussi). — Strack, Uebungsstûcke zur hebr.
gramm.; Hebr. Vocabul. fur Anfanger (excellents livres d'enseigne-
ment). — Deutschmann, De poesis Graecorum rhythmicae usu et ori-
gine (peu convaincant). — Wentzel, DegrammaticisGraecis quaess-sel.
I. — Litzmann, Schiller in lena (cf. Revue, n» 8). — Cochin, Boccace
(cf. Revue, n° 20). — Nicolai episcopi Botrontinensis rel. de Henrici VII
itinere, p . p. Heyck (cf. Revue, 1889, n^ 2). — Hyde de Neuville,
Mém. et souvenirs, II. — Wernicke, Die griech. Vasen mit Lieblingsna-
men. — Béringuier, Die Rolande Deutschlands (très méritoire et
attachant).
— N*' 36 : Weiss, Der Barnabasbrief. — Reich, Gravina als Aesthe-
tiker. -- Manutikâsangraba, p. p, Jolly, III, — P. Lejay, Inscr. de la
Côte d'or; Espérandieu, Epigr. rom. du Poitou et de la Saintonge (cf.
Revue, n° 6^. — R. M. Meyer, Die altgerm. poésie nach ihren for-
melhaften. Elem. (études profondes, extraits savamment faits, mais de
la fantaisie et un style de feuilleton). — Wirth, Quaest. Severianae
(bien étudié, résultats contestables). — Maurenbrecher, Gesch. der
deutschen Kônigswahlen X-XIII Jahrh. — Rodenberg. Ueber wider-
holte deutsche Kônigswahlen im XIII Jahrh. (recherches pénétrantes).
— Kennan, Sibirien.
— N° 37 : Briefe u. Erkl. von Dôllinger (cf. Revue, n» 38). — Husein,
Aldschisr, Die Hamid. Abhandl. ûber das Wesen der islam. Relig. u.
die iiicht. des Gesetzes Mohammeds. — Marbach: Die psychologie des
Lactantius. — Bloomfield, The origin of the récessive accent in Greek
(cf. Revue, 1889, n° 5). — Dombowski, Mitteil. ûber Gœthe u. seinen
Freundeskreis. — Corson, An introd. to the study of Shakspeare (juge-
ment stjr, exposition claire, livre très recommandable). — Davidsoh^,
Philipp August u. Ingeborg (cf. Revue, 1888, no 5i). — Breysig, Der
Process gegen Danckelmann (très bon travail). — Lammert, Polybios u.
die rôm. Taktik (arbitraire et à rejeter). — Heyse, Gedichte, 4« éd.
— No 38 : Kliefoth, Chrisil. Eschatologie. — Eucken, Die Leben-
sanschauungen der grossen Denker (savant, mais inégal). — Brinton,
The ethnologie affinities of the ancient Etruscans; On Etruscan and
Libyan names (deux conférences; beaucoup de choses insoutenables,
mais d'autres à remarquer). — Caesar. Bellum civile, p. p. Dinter,
p. p. Paul. — Wadstein, Fornnorska Homiliebokens Ljudlara (soigné).
— Bernheim, Lehrb der histor. Méthode icf. Revue, n° 38). — Mitteil.
zur Gesch. des Heidelberger Schlosses, I u. II. — Guize, Le militarisme
en Europe.
— No 39 : Tertullianus, p. p. Reifferscheid et Wissowa, I (très bon
et à continuer). — Bettingen, Grundz. der dramat. Kunst (creux). —
R. ScHMiDT, Vier Erzâhl. aus der Gukasaptati (établissement réfléchi du
texte et traduction sûre). — Dionysii Halicarn. de imitatione reliq.
epistulaeque criticae duae, p. p. Usener. — Reichel, Von der deutschen
Betonung (du bon et du neuf). — Bertana, LArcadia délia scienzia,
Rezzonico (cf. Revue, n^ 32). — Treusch von Buttlar, Der Kampf
i
Joachims I von Brandenburg gegen den Adel (très attachant). — Th.
Platters Briefe an seinen Sohn Félix, p. p. Burckhardt (fort intéressant).
— Wlislocki, Vom wandernden Zigeunervolke. Bilder aus dem Leben
der Siebenbtirger Zigeuner (un des hvres les plus remarquables sur
Tethnologie). — Burns, Gedichte (deux trad. en vers, Tune par Leger-
LOTZ, l'autre par Rueti).
— N° 40 ; Harnack, Lehrb. der Dogmengesch, III. — System. Verz.
der Lessinoliter. der hzl. Bibl. zu Wolfenbiittel mit Ausschluss der
Hschr. — Alden Smith, Die Keilschrifttexte Asurbanipals (un bon
ensemble, consciencieux et sûr). — Klotz, Grundz. altrôm. Metrik
(exposé brillant, mais la vérité est entre Klotz et Ritschl). — Marcus
Evangelion Mart. Luthers, nach der septemberbibel mit den Lesarten
aller Originalausg. u. Proben aus den hochd. Nachdrucken des XVI
Jahrh., p. p. Reifferscheid. — Gietmann, Ein Gralbuch (peu de nou-
veau, point de vue arriéré). — Koehne, Der Ursprung der Stadtverf. in
Worms, Speier u. Mainz. (fait avec un très grand soin). — Recueil des
Actes du Comité de salut public, lu. II (cf. Revue, 1889, n' 40 et
1890, n° 10). — Stanley, Im dunkelsten Africa. — Lepsius, Griech.
Marmorstudien (travail d'un géologue qui sera bien accueilli). — Cam.
RoussET, La conquête de l'Algérie, 1841 1 857 (très intéressant, brillam-
ment écrit, les petits faits trop éclairés, J^s faits plus importants trop
obscurcis; cf. Revue, 1889, n° 23). — Amerik. philol. Gesellschaft.
— N'J 41 : Brandt, Die mand. Religion (cf. Revue. n°^ 6 et 12.) —
Reinisch, Die Sahosprache, II. — Herman Grimm, Homer. Ilias, 1-9
Gesang (jugements d'un homme cultivé, fines analyses, rapprochements;
mais bien des choses qui étonnent]. — Maximiani Elegiae, p. p. Pet-
scHENiG (cf. Revue, n° 43). — Gœdeke, Grundriss zur Gesch. der deuts-
chen Dicht. fortgef. von Gœtze IV, i. — Buechner, De Neocoria (cf.
Revice, 1889, n° 3). — Fûrstenb. Urkundenbuch, VI. 1360-1469. —
Zwiedineck-Sûdenhorst, Deutsche Gesch. im Zeitraum der Grûnd. des
preuss. Kônigtums (très soigné et sera le bienvenu pour mainte ques-
tion). — KuNTZE, Der servus fructuarius des rôm. Rechts.
— N» 42 : Fr. Giesebrecht, Beitr. zur Jesaiakritik. — Jensen, Die
Kosmologie der Babylonier (cf. Revue, n° 25). — Epping, Astronom.
aus Babylon. — Smyth, The vowel system of the lonic Dialect (cf.
Revue, n° 3o). — Kôrting, Latein. romaniches Worterbuch, 1-4 Lie-
fer (très recommandable). — Pastor, Gesch. der Pabste, II, im Zeital-
ter der Renaissance bis zum Tode Sixtus IV. (Ne s"é!éve pas toujours à
la hauteur des travaux antérieurs, ne comble pas suffisamment les lacu-
nes, et malgré le mérite de la forme et bien des choses neuves, offre trop
de disproportion entre l'œuvre elle-même et les prétentions qu'elle élève).
— Hesse-Wartegg, Mexico, Land u Leute. — Martersteig, Die pro-
tokolle des Mannheimer Theaters 1781-1789. — Strassburger Zunft =
und Polizeiverordn. des XIV u. XV Jahrh., p. p. Brucker (très instruc-
tif). — Teicher, Kleber (cf. Revue, n"' 19 et 21). — Firdos'is Kônigs-
buch, libers, von Rûckert. — Id. p. p. Pizzi (cf . Revue, n° i5).
— N" 43 : Schabbâth, p. p. Strack. — Zimmermann, Die Univ. Engl.
imXVIJahrh. (Polémique.) — Conway, Verner's lawin Italy (cf. Revue,
1889, n° 14). — Ignatii Diaconi Vita Tarasii archiep. Constant, p. p.
Heikel (bon). — K. Fischer, Die Erklâr. des Gœtheschen Faust; Kreys-
sig's Vorles. iiber Faust, p. p. Kern. — Stschukareff, Unters. tiber die
athen. Archontenliste des III Jahrh. (en russe très instructif). — Marcks,
Die polit, kirch. Wirks. des Agobard. — Ghiron, Annali d'Italia in
contin. al Muratori (cf. Revue, 1889, n° 44). — Ottolini, le 5 giornate
milanesi del 18-22 marzo 1848. — Studniczka, Kyrene (fort louable).
— Die Kriege Friedrichs desGrossen. hrsg. vom Grossen Generalstabe,
I. Der erste schlesische Krieg, 1740-1742, I. Die Besetz. Schlesiens u.
die Schlacht bei Mollwitz (excellent à tous égards).
LIBRAIRIE HACHETTE
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS.
E T C
NOUVELLE PUBLICATION
A TL A
DE GÉOGRAPHIE MODERNE
PAR
F. SCHRADER
Directeur des travaux cartographiques de la librairie Hachette et Cie.
F. PRUDENT
Lieutenant-colonel du génie au service géo-
graphique de l'armée.
E. ANTHOINE
Ingénieur-chef du service de la carte de
France et de la statistique graphique
au Ministère de l'Intérieur.
COLLABORATEURS
NOTICES
D. AïROF. — H. BoLAND. — Gamena d'Almeida. — M. DiEULAFOY. — M. Dubois. —
L. Gallois. — H. Jacottet. — D. Kaltbrunner. — G. Kœchlin. — Emm. de
Margeuie. — L. PoiREL — Gh . Rabot. — Elisée Reglus. — Onésime Reclus. —
L. Rousselet. — L. RoussET.
CARTES
G. Bagge. — L. Béninger. — René Bolzé. — H. Delachaux. — Victor Huot. —
G. Perron. — M. H. Ghesneau. — T. Weinreb. — E. Giffadlt.
2)8 Hémisphères.
3 Planisphère physique.
4 — hypsométrique.
5 — politique.
6 Europe physique.
7 — hypsométrique.
8 — politique.
9 France muette.
10 — physique.
11 — hypsométrique et
géologique .
12 — politique et admi-
nistrative en 1
feuille.
13j
Ul
15/
I6l
17
18
19
20
21
22
France politique et admi-
nistrative en 4 feuilles.
Algérie-Tunisie.
Colonies françaises.
Iles Britanniques.
Belgique et Pays-Bas.
Suisse.
LISTE DES CARTES
•23 Alpes.
-24 Italie.
25 Espagne et Portugal.
26 Allemagne.
27 Europe centrale.
28 Autriche-Hongrie.
29 Balkans.
30 Grèce.
31 Méditerranée.
32 Suéde-^sorvège, Danemark
33 Russie d'Europe.
34 Russie occidentale.
35 Asie Mineure.
36 — politique.
37 Empire russe.
38 Arménie, Caucasie,
39 Asie Mineure.
40 Perse.
41 Hindoustan.
4-2 Indo-Chine.
43 Archipel-malais.
44 Empire Chinois.
45 Japon, Chine oi'ientale.
46 Afrique physique.
47 — politique.
48 /
49 ) Afrique en 3 feuilles.
.50 !
51 Océanie.
52 Australie.
53 Australasie.
54 Amérique du Nord phy-
sique.
55 Amérique du Nord poli-
tique.
56 Canada.
57 Etats-Unis.
58 — pai'tie E et 0.
développées.
59 Mexique.
60 Antilleset Amérique cen-
trale .
61 Amérique du Sud physi-
que.
62 Amérique du Sud politi-
que.
63 ) Amérique du Sud en
64
2 feuilles.
L'ouvrage complet comprend 64 cartes en couleur , accompagnées d'un texte
géographique, statistique et ethnographique et d'un grand nombre de cartes de
détail, ainsi que d'un répertoire alphabétique des noms contenus dans l'Atlas,
permettant, à L'aide de renvois, de trouver immédiatement le nom cherché sur
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N° 46 Vingt-quatrième année 17 novembre 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. GHUQUET
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PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC,
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(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
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INSTRUCTIONS
ADRESSÉES PAR LE
COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES
ET SCIENTIFIQUES
Aux Correspondants du Ministère de lTnstruction publique
I. LITTÉRATURE LATINE ET HISTOIRE DU MOYEN-AGE,
par Léopold Delisle, membre de Tlnstitut. In-8, avec planches
en héliogravure 3 fr. 5o
II. L'ÉPIGRAPHIE CHRÉTIENNE EN GAULE et dans l'Afrique
romaine, par M. Edmond Le Blànt, membre de l'Institut, In-8,
avec 5 planches en héliogravure 4 fr.
III. INSTRUCTIONS POUR LA RECHERCHE DES ANTIQUI-
TÉS DANS L'AFRIQUE DU NORD, par Messieurs les membres
de la Commission d'Afrique. (Sous presse.)
IV. INSTRUCTIONS NUMISMATIQUES, par M. A. de Barthé-
lémy, membre de l'Institut. (Sous presse.)
PÉRIODIQUES
Berliner philologische Wochenschrift, n" 34 : Steiger, Der Eigenname in
der att. Kom. (très soigné). Junghahn, Agos-Siihne als polit. Forder.
bei'lhuk. I, 126-139. — Xenophons Heilenika III. S-y, p. p^Grosser.
— Catull, p. p. Postgate (cf. Revue, n" 14). — Wilde, De Plinii etTra-
jani epist. muluis. — Lersch, Einleit. in die Clironologie verschiede-
ner Vôlker u. Zeiten (intéressant). — Rendall, The cradle of the
Aryans. — Iîrugmann, Griech. Gramni. ; Stolz u. Schmalz, Latein.
Gramm. Manuel d'Iwan Mûller). — Thommen, Gesch. der Univ. Basel,
i532-i632.
— N° 35 : GuRLiTT, Pausanias (cf. Revue, n° 11). — Menge u.
Preuss, Lexicon Caesar. (court, bon marché et recommandable, quoique
inférieur à Meusel). — Wôlfflin, Ueber die Latinitat des Asinius
PoUio ; Pollionis de bello Africo comm., p. p. Wôlfflin u. Miodonski
(l'^'art.) — Chénon, Et. hist. sur ledefensor civitatis (utile). — Edlinger,
Ueber die Bildungder Begrifîe, I. — Bartholomae, Stud, zur indogerm.
Sprachgesch. I (cf. Revue, n^ 16). — Stubbs, The hist. of the Univ. of
Dublin.
— N° 36: Humann u. Puchstein, Rèisen in Kleinasien u. Nordsyrierî.
— Wôlfffin, Pollio (2« art.). — Fugner, Lexicon Livianum, I (fait
avec conscience). — Ghaignet, Hist. de la philos, des Grecs. II, stoïciens,
epicur., sceptiques (travail sérieux d'un homme qui est « le plus habile
et le plus laborieux des érudits français sur le domaine de la philosophie
ancienne »). — I. Taylor, Hist. of the transmission of ancient books to
modem times together with the process of historical proof (d'une valeur
scientifique générale). — Pichlmayr, T. Flavius Domitianus (fait avec
soin). — De La Grasserie, De la véritable nature du pronom. —
Fehrnborg, De verbis latinis auf uo (cf. Revue, n° 20).
— No 37: Gomperz, Die Apologie der Heilkunst, eine griech. Sophis-
tenrede (long art. dTlberg, qui place le discours au temps de Protagoras).
— Brutus, p. p. Piderit-Friedrich. ~ Von Gutschmid, Kleine Schrif-
ten, p. p. RuHL, I. — Marx, Griech. Marchen von dankb. Thieren
(cf. Revue, 1889, n° 3y). — Otto, Zur Gesch. der ait. Hausthiere ;bon
et réfléchi). — Fisch, Die latein. nomina personalia auf o-onis (érudit
etsagace). — Klemm, European schools.
— N° 38: CouAT, Aristophane et l'anc. comédie attique(intéressant;cf.
Revue, n° i3). — Plutarchi moralia, p. p. Bernardakis (plus conserva-
teur que Hercher). — Sabbadini, Studi crit. salla Enéide (instructif; cf.
Revue, n" 9). — W. Meyer, Die Berliner Centones der Laudes Dei des
Dracontius (résultats inattaquables). — Aug. Rossbach, Griech. Metrik
(art. de Reimann sur cette nouvelle édit. qui a reçu de très importantes
additions). — Jahresber. der Geschichtswiss., p. p. Jastrow, IX. —
Nettleship, Contrib. to Latin lexicography (très recommandable). —
Bueler, Verzeichnisder Programm-Be'^lagen derSchweiz. Mittelschulen.
— N° 39: BaRwrNKEL, Zur Odyssée (louable). — Ovid, Fasten,
p. p. Peter, 3^ éd. — Schiller, Gesch. der rôm. Kaiserzeit, II, von
Diokletian bis zuni Tode Theodosius d" art ). — Onffroy de Thoron,
Les Phéniciens il Haïti et sur le continent américain, les vaisseaux
d'Hiram et de Salomon au fleuve des Amazones (fantaisies). — Immer-
WAHR, Die Lakonika des Pausanias auf ihre Quellen untersuchl (de
grande valeur). — Zarnxke, Die Entsteh. der griech. Litteratursprachea
(cf. Revue, n^ 18). — Korting, Latein. roman. Wôrterbuch, I (utile
aux latinistes comme aux romanistes). — Die Pelasgcr als Trilger der
mvken. Kultur.
— N° 40 • Hermenjat, Les dieux et Thomme chez Thucydide (Juste et
agréable). — Danielsson, Epigraphica (cf. Revue ^ n° 29). — Dahl,
Latinsk Litteraturhistorie (cf. Revue, 1889, n» 32). — Welzhofer,
Gesch. des griech. Volkes bis zur Zeit Solons (cf. Revue^ n° 22). —
Schiller, Gesch. der rôm. Kaiserzeit (2° art. livre très instructif et de
lecture attachante). — Garofalo, I fastidei tribuni délia plèbe (cf. Revue,
n° 7). — Head, a catalogue of Greek coins of the Brit. Mus. Corinth.
colonies of Corinth, etc. — Neroutsos, Xpiaxiavaat 'AO'^vat. — Isaac
Taylor, The origin of the Aryans (très savant et convaincant), —
Rethwisch, Jahresber, ûber das hôhere Schulwesen, III.
— N° 41 : Odyssea, p. p. Cauer (n'est pas à recommander pour Pécole).
— Voss, Die Natur in der Dichtung des Horaz (tin et plein d^un chaud
enthousiasme). — Kôpke, Die lyrischen Vermasse der Horaz, fur Pri-
maner erklart. — Hartman, De Phaedi fabulis comm. (très recomman-
dable). — Allcroft u. Masom, A history of Sicily (agréable à lire). —
Oertmann, Die fiducia im rôm.. Privatrecht (obscur et subjectif). —
Studien auf dem Gebiete des arch. Lateins, p. p. Studemund, I, 2
(excellent travail et de méthode sùrc). — Sormani, Spécimen litter. de
J. Schraderi philologi vita ac scriptis.
— No 42 : Ruge, Quaest. Strabonianae. — Flav. Josephi opéra,
p. p. NiESE, p. p. Naber [d.. Revue, 1888, no6; 1889, n» 2). — Mahn,
De Dionis Chrysostomi codicibus (bon). — Tertulliani apol. adversus
gentes pro christ., p. p, Bindley. — Allen, Notes on abbrev. on Greek
mss. — Sayce, Records of the past, II. — Ihnè, Rôm. Gesch. VII u.
VIII. ~ BoRZA, La Lucania (du soin). — Goodwin, Syntax of the
moods and tenses of the Greek verb (détaillé). — Reisig u. Haase,
Vorles. ûber latein. Sprachw II. Semasiologie, bearb. von Heerdegen.
— Klette, Beitr. zur Gesch. u. Liter. der italien. Gelehrtenrenaissance,
II (cf. Revue, n» 4).
— No 43 : Meister, Cypriaca. — Ebeling, Schulw. zu Homers Odys-
sée u. Ilias, 5*^ verb. Aufl.; Capelle, Vollst.Wôrterb. ûber die Ged. des
Homeros u. der Homeriden, ^^ verb. Aufl. — Finsler, Die Orestie des
Aischylos (intéressant). — Draheim, Sophokles Chôre (trad. sans valeur).
— Aristotelis quae leruntur de plantis, mirab. auscult., mechanica,
lin. insec. vent, situs et nomina, de Melisso Xenophane Gorgia, p. p.
Apelt (a des rnéritesK — Die i^atiren des Horatius, deutsch von Kipper.
— CiMA, Saggi di studi latini, — Keil, De Flavio Capro gramm. quaest.
cap. II. (Beaucoup de soin et jugement sain). — Bender, Grundr. der
rôm. Literaturgesch. 2^ Aufl. — Fr. Cauer, Parteien u. Politiker in
Megara u. Athena (résultats qu'on ne peut accepter). — Babelon,
manuel d'archéol. orient, (très recommandable). — Bibl. apostol. vatic.
cod. miss. II graeci, p. p. Stevenson.
Literarisches Centralblatt, n* 43 : Scott, Buddhism and chrislianity. —
DRasEKE, ges. patrist. Untersuch. (excellente méthode). Liv-Est-und
Curlànd. — Urkundenbuch, p. p. Bunge u. Hildebrand, IX. —
Der erste schlesische Krieg, 1740-1742, hrsg. vom Grossen Gene-
ralstabe, I. Die Besetzung Schlesiens u. die Schlacht bei Mollwitz (in-
comparable à tous égards). — Stadelmann, Aus der Regierungsthatigkeit
Friedrich's des Grossen. — Brosch, Gesch. von England, VI (suite de
Lappenberg-Pauli et trompe Taltente, laisse à désirer). — Belot, Dict.
franc, arabe, I. (très utile pour traduire les mots et expressions du fran-
çais en arabe). — Wharton. Etyma latina (court et pratique). — A. Sorel,
M™^ de Staël (élégant et intéressant). — athenaei Naucratitae Depno-
soph. libii XV, rec. Kaibel, III, ii-i5 et indice^ (termine la publica-
tion et sera bienvenu). — Dumon, Le théâtre de Polyclète (fait avec soin
et peine; le but est-il atteint?) — Wychgram, l'instr. publ. des femmes
en France, trad. par Esparcel.
Theologische Litteraturzeitung, n" 17 : Gesenius, Hebr. Gramm. 25'' Aufl.,
p. p. Kautzsch (excellent). — Delitzsch, Messianische Weissagungen
in geschichtl. Folge. — Vôlter, Die Kompos, der paulin. Hauptbriefe,
I. Ber Rômer=und Galaterbrief, — Mayor, The Latin Heptateuch.
— Pastor, Nachwort zum zweiten Bande der Gesch. der Pàpste.
— N» 18 : DiLLMANN, Der Prophet Jesaia. — Holtzmann, Das Ende
des Jud. Staatswesens u. die Entsteh. des Christenthums (très recom-
mandable). — Frohschammer, Die Philosophie des Thomas von Aquino.
— J. Schneider, Gesch. der evang. Kirche des Elsass in der Zeit der
franz. Revol. (bon). — Jenkins, The life of Valentin Alberti. •— TeBsuv,
Kavov'.xat Staxâ^etç. — Hooijkaas, Coup d'œil sur Pane, église cathol. de
Hollande et récit de ce qu'on a fait sous Clément XIV. — Trede, Das
Heidentum in der rôm. Kirche, Bilder aus dem relig. u. sittl. Leben
Sûditaliens, II (intéressantes communications, et en grande partie
affligeantes).
— N° 19 : Weyland, Omwerkings — en compilatie — hypothesen toe-
gepast op de Apokalypse van Johannes; Rovers, Apocalypt. Studien ;
Spitta, Die Offenbarung des Johannes, — Fricke, Der paulin. Grund-
begriff der ciy.atoijûvY] Gsou. — Brandt, Die mandâische Religion (cf.
Revue, n°s 6 et 12). — Goitein, Der Optim. u. Pessimismus in der jud.
Religionsphilosophie (de bonnes études). — Neander, Der h. Bernhard
u. seir. Zeitalter, mit Zusâtzen u. Einleit. von Deutsch (méritait d'être
réédité);
— N» 20 : Von Schroeder, Indiens Literatur u. Cultur in histor. Ent-
wick. — Preiss, Religionsgesch. Gesch. der Entw. des relig. Bewusst-
seins in seinen einzelnen Erscheinungsformen. — Atzberger. Die christl.
Eschatologie in den Studien ihrer Offenbar. im A. u. N. Testamente.
Glubokowski, Der selige Theodoret, Bischof von Cyrus, sein Leben u.
seine schriftst. Thatigkeit (une des monographies patristiques les plus
remarquables depuis l'Ignace de Lightfoot).
— N" 2 1 : Driver, Notes on ihe Hebrew text of the books of Samuel.
~ Sinker, The Psalm of Habbakuk. — Rômheld, Theologia sacro-
sancta et Beweise fur die Einheitder Offenb. des ew. gottes. — Œuvres
de Krause. — Ed. von Hartmann, Lotze's philosophie. — Baader, Ged.
ûber Staat u. Gesellsch. Revol. u. Reform., p. p. Claassen. — J. Wer-
ner, Die soziale Frage im Zeitalter der Reform.
Zeitschrift fiir Katholische Théologie, III Heft (Quartalheft) Innsbruck,
Rauch. Abhandlungen : Frins, Ueber das Wesen derSunde, 3 — Arndt,
Das Sectenwesen in der russischen Kirche — Grisar, Rom u. diefrànk.
Kirche vornehml, im VI Jahrh. — Recensionen : Friedrich, Tempel
u. Palast Salomo's; Wolff, Der Tempel von Jérusalem u. seine Maasse;
Sylvain, Hist, de S. Ch. Borromée ; Dûsterwald, DieWeltreiche u.das
Gottesreich bel Daniel; G. A Mullkr, Pontius Pilatus; G. A. Muller,
Christusbei Josephus Flavius; Pastor, Gesch. der Peepste, II ; Heiner,
Grundriss des Kathol. Eherechts; Westcott, The Epistle to the He-
brews; Wellesheim, Gesch. der Kathol. Kirche in Irland, I. — Analek-
ten : Die Statuten der Passauer Synode 1437; Gregorius praesul meritis
et nomine dignus; Die Jesuiten u der Weltklerus in England zur Zeit
Elisabelhs: Ingeborg, Innocenz 111 u. Dr. Davidsohn.
Le Puy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N" 47 Vingt-quatrième année 24 novembre 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE
Directeur : A. GHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire), les livres dont ils
désirent un compte-retidu.
EKNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
THÈSES DE DOCTORAT
CUCUEL (Ch.)
Quid sibi in Dialogo cui Cratylus inscribitur proposuerit Plato.
In-8 3 fr.
Le Cratyle de Platon est au programme pour l'agrégation de
grammaire cette année.
REINACH (Théodore)
De Archla poeta. In-8 3 fr.
PIAT (l'abbé G.)
L'Intellect actif. Du rôle de l'activité mentale dans la formation des
idées. In-8 4 fr.
— Quid divini nostris ideis tribuat divus Thomas. In-8. . 2 fr.
Ces deux derniers ouvrages réunis en un volume in-8. . . 5 fr.
PÉRIODIQUES
Bulletin critique, n° 20 : Plinii epist, ad Trajanum, p.p. Hardy. —
MoMMSEN, Le droit public romain, tiad. par Gikard; Mauquardt, Organ.
de l'empire romain, trad. par Weiss ei Louis-Lucas; Le culte chez les
Romains, trad. par Brissaud (cf. Revue, n" 27 et 34-35). — Valois, Le
Conseil du Roi auxxiv% xV^ et xvi« siècles, nouvelles recherches suivies
d'arrêts et de procès-verbaux (approfondi). — Hennequin, Ecrivains
francisés, Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï, essais
de critique scientifique (bon à lire, malgré les insaisissables obscurités
d'un style changement tourmenté).
— N° 21 : Galabert, Manual de lengua sanskrita. — Denys d'Hali-
carnasse. Jugement sur Lysias, texte, trad. et comm. par Desrousseaux
et Max Egger (texte très lisible et trad. exacte qui se lit facilement). —
Jaugey, Dict. apolog. delà loicathol. — Liénard. Monogr. de la numism.
verdunoise (nullemeni définitif, incomplet, inexact; « les avis donnés à
l'auteur sont demeurés inutiles »). — Beautemps-Beaupré, Coût, et
instit . de l'Anjou et du Maine au xvi'^ siècle, I (neuf). — Jarry, Louis,
duc d'Orléans (cf. Revue, 1889, n° 21). — Charvériat, Huit jours en
Kabylie (cf. Revue, n» 16).
Bulletin du cercle Saint-Simon, n" 3, juillet-septembre : Nouveaux mem-
bres. — Obligations. — Comptes de 1889. — Livres nouveaux. —
Chronique.
Revue historique, sept. oct. 1890 : A. Vandal, Négoc. avec la Russie
relat. au second mariage de Napoléon I^"'. — Ch. V. Langlois, Les
Archives de l'hist. de France. — Batiffol, Les archives de l'empire
russe à Moscou d'après Chimko. — Desclozeaux, L'amb. de Sully en
Angleterre (1601) et les Econom. royales. — Morel-Fatio, Marchena
et la propagande révol. 1792-93. — Lettre de l'abbé Peretti sur le lieu
d'origine de Chr. Colomb. — Bulletin : France (Farges et Monod);
Danemark (Steenstrup); Alsace, 1 (Reuss), — Comptes-rendus : H De-
renbourg, Ousâma, 1. — Halbe, Friedrich II u. der papstl, Stuhl;
Koehler, Das Verh. Friedrichs II zu den Papsten seiner Zeit. — Baer,
Die Bezieh. Venedigs zum Kaiserreiche in der stauf. Zeit (bien conduit).
— J, ScHMiTT, Die Chronik von Morea, eine Unters. ûber das Verh.
ihrer Hss. u. Versionen. — Wauters, Supplém. à la table chron. des
chartes et diplômes conc, l'hist. de la Belgique. — Ulmann, Maximi-
lian's I Abs. auf das Papsthum i5o7-i5ii. — Creighton, Cardinal
Wolsey (bon). ~ Calvi, Blanca Maria Sforza (décousu, mais instructif).
— ScHMOLLER, Zur Lit. der Staats-und Sociahviss. — Turner, A sketch
of the Germanie constit. from early times to the dissol. of ihe Empire
(bref et parfois inexact).
— Nov.-déc. 1890 : de Mandrot, Jacques d'Armagnac, duc de
Nemours 1453-1477 (suite et fin). — Prou, De la nature du service
milit. dû par les roturiers xi" et xu<^ siècles. — Vignols, Le commerce
holland. et les congrég^ juives à la fin du xvn^ siècle. — Bulletin :
France, moyen âge (Monod et Molinier). — Alsace (R. Reuss). — Alle-
magne, hist. de la Réforme (Stern). — Comptes-rendus : Guérin, Jéru-
salem (a déçu quelque peu l'attente des savants), — Briquet, Papiers et
filigranes de Gênes. — Public, de la Soc. hist. d'Utrecht : !• Rapports
et communie. ; 2" Œuvres. — Baumgartner, Gœthe.
Remania, juillet (n° 75) : P. Lot, Geoffroi Grisegonelle dans l'épopée.
— Jeanroy, Sur la tençon Car vei fenir a tôt dia. — Piaget, Oton de
Granson et ses poésies '(suite et fin). — ■ Mélanges : G. P. Andain;
A. LoTH, Les noms Tristan et Iseut en gallois; P. M. Fragment de
Méraugis. — Comptes-rendus : A. Darmesteter, Reliques scientifiques
(forme un bel ensemble et atteste suffisamment le fécond et ardent
travail de vingt ans). — D'Arbois de Jubainville, Rech. sur Torig. delà
propriété foncière et des noms de lieux habités en France (livre considé-
rable et important, fruit d'un grand et heureux effort scientifique). —
La Vie de S° Marguerite, p. p. Spencer. — Roetgen, Vokalismus des
altgenuesischen. — Chronique.
Annales de l'Ecole libre des sciences politiques, n» 4, i5 oct. 1890 :
Auburtin, Les débuts diplom. de Talleyrand, sa mission à Londres en
1792. — Capperon, Lamartine parlementaire (fin). — Stourm, Bibliogr.
des finances au xviu® siècle. — Le Colonjon, La question des pen-
sions civiles en France (suite). — D'Orgeval, Les protectorats alle-
mands. — Marge, La cour des comptes italienne (fin). — Comptes-
rendus : D'Avril, Négoc. relat. au traité de Berlin et aux arrang. qui
ont suivi. — Jarriaud, Hist. de la Novelle 118 dans les pays de droit
écrit depuis Justinien jusqu'en 1789.
Revue celtique, n° 4 : Omont, Catal. des mss. celtiques et basques de la
Bibl. nat. (cf, Revue, ^° 4-4)' — Kuno Meyer, La plus anc. vers, du
Tochmarc Emire ou demande en mariage d'Emer par le héros Cûchu-
lainn. — Ernault, Etudes bretonnes, VII, L'analogie dans la conjugai-
son. — Mélanges : D'A. de J. Les noms de lieu gaulois dans le Rous-
sillon ; Loth, Saint Branwalatr ; d'A. de J,, Conversion de Maelsuthain ;
K. Meyer, Mots d'emprunt au vieil irlandais; Loth, Sur un passage du
Mabinogi de Kulhwch et Owen. d'A. de J., Vicus Artiacus en Italie,
près de Vérone. — Corresp. (S. Reinach). — Chronique. — Ernault,
Table des mots étudiés dans le tome XI de la Revue.
Annales du Midi, n° 8, octobre 1890 : Jeanroy, La tenson provençale
(fin). — Deloye, Pétrarque et les dames de Saint-Laurent, à Avignon. —
Spont, La taille en Languedoc, 1450-1 5i 5 (fin). — Mél. et doc. Pages,
Note sur le chansonnier provençal de Saragosse ; Lécrivain, La lutte
d'Arles et de Vienne pour la primatie des Gaules. — Revue des périodiques.
Revue de Belgique, i5 oct. P. Hoffmann, Les sociétés pour la culture
morale en Amérique. — Rahlenbeck, Feu Doellinger, La justification
des Templiers. — Chalon, Aux Lipari. — Essais et notices : Grand-
Carteret, J.-J. Rousseau, jugé par les Français d'aujour'hui; Schuer-
MANS, La pragm. sanction de saint Louis.
Altpreussische Monatsschrift, V et VI, juillet-septembre : Beckherrn,
Gesclî. der Befestig. Konigsbergs (avec esquisse). — Neubaur, G. Greflin-
ger, eine Nachlese. — Univ.Chronik, 1889- 1890. — Lyceum Hosianum
in Braunsberg. — Altpreuss. Bibliographie, 1889.
Garmania, XXIII, 2 : Damkohler, Mundart der Urk. des KIosters
Ilsenburg u. der Stadt Halberstadt u.die heutige Mundart. — Ehrismann,
Ags. twegen, begen u. ein. germ. Verwandtschaftsbegriffe. — Jeitteles,
Predigt auf Johannes den Taufer. — Obser, Histor. Volkslieder aus
dem oster. Erbfolgekrieg. — Bech, Lesefriichte, i, — Behaghel, Die
Heimat Walthers. — Liebrecht, Zur Volkskunde, i.
Gœttingische gelehrte Anzeigen, n° i5 : Knust, aesch. der Legenden der
hl. Kaiharina von Alexandrien u. der h. Maria .^gyptiaca (cf. Revue,
no 40^ — DopFFEL, Kaisertum u. Papstwechsel unter den Karolingern
(cf. Revue, 1889, n» 44). — Gurlitt, Ueber Pausanias (cf. Revue,
n® II). — Dutt, a history of civilisation in Ancient India (cf. Revue,
n" 21).
Magazin fiir die Litteratur des In-iind auslandes, n° 33 : Silesius, Gottfried
Keller. — Duboc. Ein unbei iihmter Dichter. — Rehberg, Allerhand
Gutgemeintes. — Achelis, Zur vergl. Rechtswiss. — Hansson, Skand.
Liter. V. — Fastenrath, Span. Poésie. — Drei Gedichte (Hoyos, Verer-
bung; Bellaggio, Nocturno; Neapol. Volkslied.) — Schlaf, Aus der
Sommerfrische.
— N° 34 : LiNz, Bauernfeld. — Bahr, Berliner Kunstaustell. —
AcHELis, Zur vergl. Rechtswiss. — Rehberg, Allerhand Gutgemeintes.
— Gaedertz, Ein Miinchener Mysterienspiel i5io. — Silesius, Gottfried
Keller. — Baranzewitsch, Der Quiilgeist.
— N» 35 : Wilhelm, Immermann. — Rehberg, Allerh. Gutgem. —
Loti, Le roman d'un enfant (Prôlss). — Gaedertz, Ein Mûnch. Mys-
terienspiel i5io. — MûNz, Gosche. — Detlev von Lilienkron, Zwei
Gedichte (Seffinka, Die Birke). — Mikszath, Aus meiner Advokatenzeit.
(Aus dem magyar, von Kohut).
— No 36 : (M, Stôssel se retire etM. W. von Reiswitz reste seul chargé
de la direction) Ameranischer Brief. — Schmidt (Lothar), Die Priester
im Dekameron. — Blind, Sind die Englânder Skandinaven? — Hoep-
fner, Eine italien. Anthologie. — Bahr, Die Krisis des franz, Natura-
lismus. — Burns, An Mary Campbell, Jch hab' eine Locke, ûbertr.
von Geilfus. — Schugay, Ein Apostel des Kommunismus.
— N" 37 : Neumann-Hofer, Die Freie Volksbûhne. — Wigger, Por-
tug. Liter. — Wolff, J.-P. Jacobsen. — Keller-Jordan, Das Drama
in Spanisch-Amerika. — Annie Vivanti,Aus Lirica (ûbertr. vonVal.Mar-
thes). — Schlaf, Aus der Sommerfrische, IL Die Recension.
— N° 38 : Grottewitz, Wie kann sich die moderne Literaturrich-
tung weiter entwickeln? — V. Brandenstein, Die Gesch. des Teufels.
— FrcInkel, Bildungsschwindel. u. Volksbegluckung. — Hansson,
Skandin. Liter. VL — Jordan, Aus Spanisch-Amerika. — Coppée, Hin-
terlassene Werke (ûbertr. von Burger).
— No 39 :von Reisswitz, Bertha v. Sultner u. der ewige Frieden. —
Brausewetter, Neue Dramen II. — Grottewitz, Das Allgem. Mens-
chl. in der Dichtung. — Lothar Schmidt, Maupassant's neuester Roman.
— KosiAKiEwicz, Aus der Kinderweit, die Krahe (ûbert. von FelZand),
— Ein Gesprâch (aus dem russ. des Fûrsten D. Politzin von Adèle
Berger).
— No 40 (nouveaux changements : la feuille a pour directeur M. de
Reiswitz, pour rédacteur en chef M. Neumann-Hofer, et pour éditeurs
MM. Lehmann, Berlin, W. Kôthenerstrasse, 3o et pour titre : Das
Magazin fur Litteratur) : Wildenbruch, Die Haubenlerche, I, i5, In
eigener Sache. — Bôlsche, poésie der Grosstadt. — Neumann-Hofer,
Tolstois Nachwort zur Kreutzer-Sonate. — L. Schmidt, Bellamy als
Mystiker. — Hansson, Zu Strindbergs Vater auf der Freien Bûhne. —
Gênée, Gœthes erster Gôtz-Entwurf auf der Bûhne des Kôn. Schau-
spielhauses. — Sudermann, Vier Gedichte.
— No 41 ; E. von Wildenbruch, Die Haubenlerche, I, 6-8. — Helve-
ticus, Die Gottfried-Keller-Stiftung. — Bahr, Die Râtsel der Liebe. —
Grottewitz, Der Impressionismus in Deutschland. — - Ernst, Zur Tech-
nik Dostojewskis. — Schlaf, Aus der Sommerfrische.
— No 42 : E. von Wildenbruch, Die Haubenlerche, I, 9-12. — Wille,
Die Freie Volksbûhne. — Schwarz-Kopf. Wiener Theater. — Bult-
HAUPT, Marsyas. — Rosegger, Ehre. — Servaes, Zur EnthûU. des Les-
sing Denkmals. — Rûckerts Firdosi (L. Chr. Stern).
— No 43 : E. von Wildenbruch, Die Haubenlerche. II, 1-4. — Sch-
warzkopf, Sudeimann's « Ehre » in Wien. — W. Ernst, Zu Diester-
wegs 100. Gebunstag. — Frau Dr. Goldschmidt, Der allgem. deutsche
Frauen-Verein. — Lothar Schmidt, Vagabondirende Gedanken. —
TovoTE. Sonnenuntergang. — Neue Dicht. (O. Ernst).
Le Puy, typographie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N° 48 Vingt-quatrième année 1 décembre 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
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RECUEIL
DES
INSCRIPTIONS JURIDIQUES
GRECQUES
Texte, traduction, commentaire
par R. DARESTE,
Membre de l'Institut, conseiller à la Cour de cassation
B. HAUSSOULIER, ^
Directeur-adjoint à l'Ecole des Hautes-Etudes
Th. REINAGH,
Docteur en droit et es lettres.
Premier fascicule. Un volume grand in-8, de 200 pages,., 7 fr. 5o
L'ouvrage sera complet en 3 fascicules.
PÉRIODIQUES
Bulletin critique, n° 22 : Mommsen, Der Religionsfrevel nach rOm.
Rccht; Allard, Lesdern. perséc. du 111° s.; La perséc. de Diocléiieii et
le triomphe de l'Eglise; Fûhrer, Ein Beitr. zur Los. der Felicitasfrage.
— A. de Barthélémy, Nouveau manuel de numism. anc. (cf. Revue,
n° 17). — DiEHL, Excurs, archéol. en Grèce (cf. Revue, no 44). — Allmer
et Dissard, Trion, antiq. découv. en i885 et 1886 (très bon). — J. M.
Richard, Cartul. de l'Hôpital S. -Jean en l'Estrée d'Arras (cf. Revue,
1889, n» 44). — Lettre de M. Henry.
La Révolution française, n" 5, 14 nov. : Stern, Mirabeau et la polit,
étrangère. — Thénard, Les débuts oratoires du conventionnel Goujon,
— Debidour, Le Napoléon de la paix. — Doc. inéd. Mém. de Moreau
de Jonnès (suite). — Chron. et bibl. : Lefebvre, La commune de La-
valla; Rossignol, Hist. de l'arrond. de Gaillac ; Wallon, Les représen-
tants en mission., V.
Mélusine, n° 6, nov.-déc. 1890 : Gaidoz, Jean de l'Ours. — Lefébure,
La motte de terre. — L'étym. popul. et le folklore, VI, Nyrop, Noms
de saints; VIL Gaidoz, Le ministre H. Fourtou, La princesse Sophie à
Athènes, S. Mathurin, En Luxembourg, En Allemagne. — Tuchmann,
Effets de la fascination. — Gaidoz, La photographie, I. — Israël Lévi,
Le juif en morceaux. — Gaidoz, Oblations à la mer et présages. —
G. L'arc-en-ciel, XXXV, — Bibliogr. : Otto, Die Sprichw. u. sprichw,
Redensarten der Rômer (étude approfondie). - Murr, Die pflanzen-
\velt in der griech. Mythol. (consciencieux). — Hartland, English fairy
and other taies. — Erlanger Beitr. zur engl. Philologie.
The Acaderay, n° 962 : Tovey, Gray and his friends, letters and relies
in great part hitherto unpubl. — Mackay, A sketch of the hist. of Fife
and Kinross. — Coupland, The gain of life and other essays. — W. Jun-
ker, Travels in Africa 1857-1878, transi, by Keane. — Henley, Views
and reviews, essays in appréciation. — Caravelli, Pirro Schettini el'an-
timarinismo (curieux). — A catalogue of old English ballads. — A
fragment of a lost Greek poet (Sayce). — The impérial university of
Warsaw. — Junius, transcrlpts of old English texts (Sweet) — A blas-
phemy case in Roland. — The life of Lord Byron. — Poetry and
science in folk-lore. — P. Schmidt, Die Pluralbild, der indogerm.
Neutra (cf. Revue, 18S9, 11° 33), — The zodiac and cycles of Babylonia
and their Chinese derivatives (Terrien de Lacouperie). — Pâli Asuropa
and Asulopa of the Asoka inscr. (Morris). — Burmese coinage and cur-
rency, I (Temple). — Early Irish art (Margaret Stokes)
— N° 963 : Bacon's Essays, p. p. Reynolds. — Russell, A visite to
Chile. — Bôhm-Bawerk, Capital and interest. — Walford, William
Pitt, a biography (manque de soin). — Alexandrenko, Angliiski Taini
soviet i ego Istorya, Chast Vtoraya 1547-1649 (à remarquer surtout la
partie qui traite des relations de l'Angleterre et de la Russie au xvi^ siècle).
— The éditions of Plutarch (Galba and Otho, p. p. Hardy; Timoleon,
p. p. Holden). — Prof. Thorold Rogers and prof. Sellar (tous deux
morts le 12 octobre). — Ogams and Runes in Mann (Browne). — Ju-
nius' transcripts of Old-English texts. — The etymoi. of « blunt ». —
Hoskier's ms. of the Gospels. — Poetry and science in folk-lore, —
Are there any traces of Babylonian or Assyian names in Pâli litera-
ture? (Morris). — Burmese coins and currency, II (Temple),
— No 964 : Salt, The life of Thoreau; Thoreau, Anti-slavery and re-
form papers, p. p. Salt. — Ashton, Social England under the Regency
(compilation qui n'est pas sans intérêt). — Sir S. W. Baker, Wild beasts
and their ways. — Some modem Greek books (Psichari, Essais de
gramm. hist. néo-grecque; etc.). — Sir Richard Burton (not. nécroL).
Jérusalem in the tablets of Tel-el-Amarna (Sayce). — The apology of
Aristides (Robinson). — Junius' transcripts of Old-English texts (Swect).
— Cockney (Chance). — Bacon and Wotton. — The dérivation of Yes
Tor. — The v< pound and flesh » story. — Notes on Pâli and Prâkrit
(Giierson). — Burmese leaden coins (Nicholson).
— N" 965 : A. Lang, Lite, lelters and diaries of sir Stafford Norihcote
first earl of Iddesleigh. — Thornton, The Stuart dynasty, short studies
of its rise, course and early exile. — Hare. North-Eastern France;
South-Eastern France; South Eastern France. — Stockton, Ting-a-
Ling taies. — Sir Richard Burton, II (not. nécrol.). — M. Stanley at
Cambridge. — The quarrei between Turgeniev and Tolstoi (Ch. Johns-
ton). — a As just as a squire » (W. Skeat). — 11 semplice Lombardo,
Purg. XVI (Toynbee). — The etym. of Hyperion (Hooerfield). — Some
books on assyriology (Pinches, Babyl. and Assyrian cylinder-seals and
signets in the poss, of Sir Henry Peeîc; Tallqvist, Die Sprache der Con-
tracte Nabu-naids ; Peiser, jurisprudentiae babylonicae quae supersunt).
— Pétrie, Kahun, Gurob and Hawara.
— No 966 : Gladstone, Landmarks of Homeric study. — Hutton,
Cardinal Newman. — Jaeger, The life of Hendrik Ibsen. — Yacoub
Artin Pasha, L'instr. publ. en Egypte (cf. Revue, n° 19). — AI. J. Ellis
(not. nécrol.) — The hero of the Chaldean epic. (Sayce). — The lan-
guage of the Micmac Indians, the word « toboggan » (Skeai). — Ogams
and runes in Man (Kermode), — W.Wright. Lectures on the comparative
Grammar of the Semitic languages. — Contrib. to Pâli lexicopraphy,
I Vani. IL Karoti (Morris). — Récent additions to the South Kensing-
ton Muséum. — Burmese coins and currency, III (Temple).
— N» 967 : Lecky, Hist. of England in the XVIII century, vol. VII
and VIII (!'='■ art.). — W. G. Barttelot, The life of Edm. Margr.
Barttelot; Ward, Five years with the Congo (Cannibalsi. — Watkins,
Modem criticism considered in its relation to the Fourth Gospel. —
Shakspere, p. p. Irving, and Marshall, VIII. — Proposed emend. in
Harl. ms. 2252 (Sommer). — Norfolk Manor Court Rolls (the Barwick
mss.) . — Bacon's Essays. — Cockney. — The inscr, of Toramâna Shâha
(Cunningham).
Gœttingische gelehrle Anî^eigen, n» 16 : Die Trierer Ada Handschrift.
(art. de Springer). — Aeltere Universitiitsmatrikeln, I. Frankfurt. II,
Rostock. — AcHELis, Die Entwickel. der modernen Ethnologie (esquisse
un peu fragmentaire, mais méritoire).
— N° 17 : W. Meyer, Die lateinische Sprache in den romanischen
Landern (fait partie du « Grundriss der roman. Philol. » de Grôber;
l'auteur de l'article, Em. Seelmann, fait à W. Meyer de nombreux et
graves reproches; « le cas de Meyer-Lubke est un symptôme; on ne
considère plus la qualité, l'indépendance et la profondeur du travail,
mais la masse, la diversité, la rapidité de la fabrication. On identifie un
vaste champ de travail avec un vaste point de vue, une compilation con-
fuse avec une parfaite connaissance des matériaux, des affirmations har-
dies avec des recherches étonnamment exactes, un tâtonnement super-
ficiel avec Pœuvre d'un maître»). — Nauck, Tragicorum graecorum
fragmenta, 2*^ éd. (Crusius).
— No 18 : Gussfeldt, Die Erziehung der deutschen Jugend (De La-
garde).
— N° 19 : Joh. Schmidt, Die Pluralbild. der indogerm. Neutra
(Johansson : fera époque et aura l'influence la plus piofonde; sagacité,
érudition, argumentation pénétrante et fondée sur les faits, méthode
scientifique, tout élevé cet ouvrage, très intéressant et instructif, au-
dessus de toute louange; cf. Revue, 1889, n° 33).
LIX3RAIRIE DE L'ART
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Texte italien publié pour la première fois par le commandeur
Gaetano Milanesi, surintendant des archives de Florence, avec tra-
duction française par le docteur A. Le Pileur et une introduction
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N° 49 Vingt-quatrième année 8 décembre 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
R E C U E 1 I- H E IJ D O M A D A I K E
Directeur : A. CHUQUET
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2 5 fr.
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LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC,
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désirent un compte-rendu.
EKNESr LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
LES RUINES KHMÈKES
CAMBODGE ET SIAM
Documents complémentaires d'architecture, de sculpture
et de céramique
PAR L. FOURNEREAU
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de l'Instruction publique et des Beaux-Arts.
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vues, de types, de sites, de monuments, une carte et loi planches.
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Romania, octobre 1890 : S. Berger, Nouv. rech. sur les bibles pro-
venç. et catalanes. —G. Paris, La Chanson d'Antioche prov, et la Gran
Conquista de Ultramar (suite). — Mélanges : Le suffixe ise := itia (Mu-
ret) ; A propos d^estaler (Loth); Gormond et Hasting (Loth); Fragm,
d'un lai inédit d'Arnoul Greban (Picot). — Comptes-rendus : Langlois,
Not. des mss. franc, et prov. de Rome. — Le lai de TOmbre, p, p.
BÉDiER (travail d'un critique lin, d^un éditeur attentif, d^un grammairien
instruit).
Revue de Belgique, i5 nov. : Duchesne, La Société liégeoise de littéra-
ture wallonne et son œuvre. — Vanlair, La naupathie. — Norga, A
propos de la revision de la constitution. — Essais et Notices : Defré-
CHEUX, Vocabulaire de noms wallons d'animaux, 2^ éd.
Bulletin international de r Académie des sciences de Cracovie, octobre 1890 :
Pawlicki, Hist. de la philosophie grecque depuis Thaïes jusqu'à la mort
d\Aristote, I (finit avec le tableau des écoles socratiques). — Krzyzano-
wsKi, Das Urkundenwesen u. die Kanzlei Przemyslaw's II von Gross-
polen. — Comptes-rendus de la commission d'anthropologie, Pulawski,
Recherches archéol. en PoJolie russe; Ossowski, Excursion paléo-ethn.
en Galicie; Neym.an, Not. archéol. sur la Podolie; Hryncewicz, Caract.
phys. du peuple ukrainien, etc.
The Academy, n» 968 : Dollinger, Studies in European history, transi.
— Mackail. Select epigrams from the Greek anthology. — Lightfoot,
Leaders in the Northern church, sermons preached in the diocèse of
Durham (« a valuable contribution to church history «) ef Ordination
addresses and counsels to clergy. — Trotter, Warren Hastings (bon
i-écit). — The orders of letters in the Runic futhork. (Skeat). — Cross
and crosier (Mayhew). — The Memorials of St Edmundsbury. — Ba-
con's Essays. — "Brugmann, Grundriss der vgl. Gramm. der indogerm.
Sprachen, 11. (Sayce : « a monument of labour, sobriety and research »).
— The American Oriental Society. — Some words in the Asoka ins-
cription (Morris).
The Athenaeum, n^ 3286 : Mireio, a Provensal poem, transi, by Pres-
jON. — Smith and Shortt, The history of the parish of Ribchester. —
HuTTON, Cardinal Newman. - Ethé, Catal. ot the Persian mss. in the
Bodleian library (cf. Revue n° 42) — Thorold Rogers (not. nécrol.). —
Thackeray's marriage. — Roth, The Aborigines of Tasmania. — Sacred
stones (A. Lang et Stevenson). — A new variorum édition of Shakes-
peare p. p. Furness, VIII, As you like it.
— N" 3287 : Sir Samuel Baker, Wildbeasts and theirways. — Memoirs
of the extraordinary military career of John Shipp. — De Maulde La
Clavière, Hist. de Louis X1I(« a iruly fine picture »). — JuNKER,Travels l
in Africa 1875-1878, transi, by Ke.ane. — Sir Richard Burton. — The 1
Pétrie papyri, the acts of a Greek probate court in the Fayoum. — The ■
Bombav branch of the Asiatic Society. — HowelTs letters. — Transcripts
in the Public Record Office. — The next Oriental Congress. — Notes
from Athens (Lambros).
— N» 3288 : Lang, Life, letters and diaries of sir Stafford Northcote,
first Earl ol Iddesleigh. — General Booth, In Darkest England and the
way out — F. Ch. Gooch, Face to face wiih the Mexicans — Jacobs,
English fairy taies — H. Lewis, The ancient laws of Wales — Addison's
Spectator mss. — Howell's « Familial Letters ». — The predecessors
of the Service Book. — The Dict. of Nat. Biogr. (art. de Lobb à Lowe).
— The next Oriental Congress (Cust). — Mr Mudie. — • La collection
Spitzer, antiquité, moyen-âge. Renaissance, L — Gozzi, Memoiis,
transi, by Symonds.
— N° 3289 : The Journal of Sir Walter Scott from the orig. ms. at
Abbotsford. — Pallain, Le min. de Talleyrand sous le Directoire.
— Smith, Hist. of Longridge and district. — A counter reply. — The
next Oriental Congress — A. J. Ellis (not. nécrol.). — Dict. of Nat.
Biogr (art. de Lowenthal à Lyveden). — Thackeray's marriage.
— No 3290 : Froude, Lord Beaconsfield. — Smalley, London let-
ters. — Das Testam. von Erasmus, 22 jan. 1 527, p. p. Sieber ; Invent,
iiber die Hinterlassenschaft des Erasmus, 22 juli i5 36. — The David
Goxes at Birmingham.
— No 3291 : Spalding, SuvorofF. — Hughes, A history of the Stan-
ley Expédition (Mounteney-Jephson, Emin Pasha; W. G. Barttelot,
The life of E. M. Barttelot; Ward, Five years with the Congo Canni-
bals; Troup, With Stanley's rear column). — The lyrical ballads of
i8oo. — A source of the Book of Tobil (Bickell). — Conway, Literary
remains of A. Durer.
The English Historical Review, octobre : Maitland, Northumbrian tenu-
res. — CoLBY, The grow[h of oligarchy in English towns. — Bent, The
English in the Levant. — Speirs, The Salzburgers. — Lord Acton, Dôl-
linger's historical work. — Notes and documents : Twelfth century notes
(Round). — The dates of the Prerogativa Régis (Henderson). — The mis-
singms. of Eccleston'sChronicle (Little). —letterof George Hickes, dean
of Worcester (Firth). — The influence of Alberoni in the disgrâce of the
Princes' des Ursins (Armstrong). — The battle of Trafalgar (Prothero).
Reviens o/books : Oman, Hist. of Greece ; Plew, Quellenunt. zur Gesch.
des Kaisers Hadrian ; Sternfeld, Karl von Anjou als Graf der Pro-
vence; Thompson, Edit. ofChronicon Galfridi le Baker de Swynebroke;
Knuttel, Catal. van Pamfletten-verzam. ; Bretschneider , Médiéval
researches from Eastern Asiatic sources; Pirenne, Hist. de la const.
de Dinant; Pastor, Gesch. der pâpste, H; The Dict of nat. Biogr.
1-XXII ; Macray, Ed. of Clarendon's Hist. of the Rébellion; Lebon,
Rec. des instr. aux amb. de France, Bavière; Moses, The fédéral go-
vernment of Switzerland; Monro, Constit. of Canada; Bourinot,
Fédéral government of Canada ; Mcevoy and Ashley, The Ontario
township; Surcouf, Robert Surcouf; Welschinger, Le divorce de
Napoléon.
Gœttingische gelehrte Anzeigen, n» 20 : Hist. litt. de la France, tome
XXX. Suite du xiv^ siècle (Zimmer : long art. contre le travail de M.
G. Paris, sur les romans en vers du cycle de la Table Ronde).
— N° 21 : Matzat, Rom. Zeitrechn. fur die Jahre 219-1. — Lands-
BERG, Die Quaest. des Azo. — Lang, Musik zu Sophokles' Antigone. —
HiRscHFELD, Untcrs. zur Lokasenna. — Beitr, zur Gesch. der Saldria
(important pour l'hist. de la pédagogie).
— N^ 22 : SpRiNGER, Forsch. auf dem Geb. der Gesch, der Miniatur-
malerei ; Tikkanen, Die Genesismosaiken von S. Marco in Venedig. —
Von ScALA, Die Studien des Polybios 1 (cp. Revue, n» 38).
Literarisches Centralblatt, n° 44 : Delitzsch, Messian. Weissag. in ges-
chichtl. Folge. — Chantepie de la Saussaye, Lehrb. der Religionsgesch.
IL — Spiegler, Gesch. der philos, des Judentums (manque de modes-
tie, de simplicité et de véracité). — Venet. Depeschen vom Kaiserhofe,
I. — Zeissberg, Quellen zur Gesch. der Politik Oesterreichs, III. —
MoRLEY, Walpole (intéressant). — Kennan, Sibirien. — Kleinpaul,
Die Ratsel der Sprache (causerie spirituelle d'un dilettante). — Delitzsch,
Assyr. Wôrterbuch. III. — Aeli Dionysii et Pausaniae atticistarum
fragm. p. p. Schwabe (bon), — Reuling, Die komische Figur in den
wichtigsten deutschen Dramen bis zum Ende des XVII Jahrh. (Fauteur
a encore bien des choses à apprendre, mais il a parfois des jugements
indépendants et justes). — Lessing, Minna (publié dar un descendant
de Tauteur). — Hôlder, Die rom. Thongefasser der Altertumssamml.
in Rottweil. — Janitschek, Gesch. der deutschen Malerei (très soigné,
très étudié, et des jugements originaux),
— No 45 : Peter, DieAltercatioSimonis Judaei etTheophili Christiani.
— PrI'Ssel, Die Zerstreuung des Volkes Israël, 4 u. 5. — Zwiedineck-
SuDENHORST, Dcutsche Gesch. I Vom westph. Frieden bis ziim Tode
des grossen Kurfûrsten. (Rien de nouveau). — Low, Ges. Schriften. —
HoRSTMANN, Die Frauzoseu in Saarbrûcken. — Dreih. Bildn. u Lebens-
abr, beriihmter deutscher Mànner p. p. Gaedertz. — Rust, Die deuts-
che Emin-Pascha Expédition. — Rossbach u. Westphal, Théorie
der mus. Kunste der Hellenen III, 2. — Xenophontis hist. graeca,
p. p. O. Keller (bon, mais il y a encore beaucoup à faire). — Engel-
MANN, Bilder-Atlas zum Homer; zu Ovid's Métamorphoses. — P.
Herrmann, das Griiberfeld von Marion (cp. Revue ^ 1889, n^ i5).
— N** 46 : Vernes, Les résultats de l'exégèse biblique (à lire malgré son
radicalisme). — Bâcher, Die Agada der Tannaiten, II. — Lassuritz,
Gesch. der Atomistik (manqué dans Tessentiel, malgré une application
recommandable et la grande quantité des documents). — Ihne, Rom.
Gesch. VII u. VI II. — David Gans' chronik. Weltgesch. iibertr. von
Klemperer, p. p. Grûmvold. — WicHMANN, Dcukw. aus dem ersten
deutschen Parlament. — Rausch von Tuaubenberg, Hauptverkehrswege
nach Persien. — Schrumpf, A first Aryan reader (cf. Revue, n» 38). —
Herodot's zweites Buch, p. p. Wiedemann (bon). — Canaburzae mag. ad
principem Aeni et Samothraces in Dion. Halic. comment, p. p. Leh-
NERDT. — ScHûNBACH, Ucber eiuc Grazer-Handschrift lat. deutscher
Pred. — Schubert, Herodot's Darstell. der Cyrussage (très instructif).
— WiLKE, Diesterweg u. die Lehrerbildung.
— N° 47 : Driver, Notes on the Hebrew text of the books Samuel. —
Egelhaaf, Grundz, der Gesch. (bon manuel). — Hoefer, Konon, Text
u. Quellenunt. — Gurti, Die Sprachschopfung (« macht den Eindruck
eines denkenden Laien »). — Deraosthenes' Rede fur die Megalopoli-
ten, griech. u. deutsch, p. p. Fox (à saluer avec joie). — Moore, Con-
trib. to the textual criticism of the Divina Commedia (très estimable).
— Carmina Norrœna, p. p. Wisen, II, glossarium. — Heinemann
(O. v.), Die Hss. der herz. Bibliothek zu Wolfenbiittel, II, Die Augusteis-
chen mss. — Gnapheus, Acolastus, p. p. Bolte (i'''' fasc. d'une nouvelle
collection qui sera accueillie avec intérêt). — Ed. Hoffmann, Der mun-
dartl. Vocalismus von Basel-Stadt. — Neuwirth, Die Wochenrechn. u.
der Betrieb des Prager Dombaues 1 372-1 378.
— N" 48 : Kabisch, Das vierte Buch Esra. — Wolf, Der Augsb.
Religionsfriede (soigné). — Grunhagen, Schlesien unter Friedrich II,
I, 1740-1756. (Très original et instructif). — Wenck, Deutschland vor
hundert Jahren, II. (Sera le bienvenu). — Chatzidakis, Die griech.
Schriftsprache (en grec; très suggestif). — Meyer-Lûbke, Italien.
Gramm. (de très grands mérites). — Wendriner, Die paduan. Mundart
bei Ruzante (fait avec méthode). — Braune, Abriss der ahd. Gramm.
(très bon). — Rigal, Alex. Hardy (monographie vaste et détaillée). —
Birlinger, Rechtsrheinisches Alamannien, Grenzen, Sprache, Eigenart.
(de nombreux matériaux.) — Kopecky, Die attischen Trieren (fort soi-
gné). — Kekulé, Die Bronze-statue des sogen. Idolino.
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N° 50 Vingt-quatrième année 15 décembre 1890
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
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Directeur : A. CHUQUET
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LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc,
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Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : Rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement et
franco par la poste (et non par commissionnaire), les livres dont ils
désirent im compte-rendu.
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par E. DROZ, professeur à la Faculté des Lettres de Besançon
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NOUGH (élémentaire). — Corn. Nepotis Vitae, p. p. Gitlbauer, 3« éd. —
Titi Livi, lib. VIII, p. p. Luterbacher. — Meister, Diegriech. Dialecte
aut'Grundl. von Ahrens' Werk(i"art). — Pizzi,Firdusi (ct'.i^ewie, n» i5).
— N° 45 : Zu den orph. Fragm. zu den Sibyllin. Orakeln (Ludwich).
— Wetssenborn, Achilleis u. llias (bon). — Gôttsching, Apollonius von
Tyana (fait avec soin et réflexion). — De finibus, p. p. Giambelli;
p. Nemethy. — Kronenberg, Minuciana sive annot. crit. in Min. Fel.
Octavium; Synnenberg, Observ. crit. in Octavium (art. de Dombart
qui loue ces deux travaux). — Neckel, Das Ekkyklema (méritoire). —
Meister, Die griech. Dial. (2^ art.) Krebs, Zur Rection der Gasus in
der spat. histor. Gracitât.
— N°46: Rép. de Dumon à Dôrpfeld. — ŒdipusCol., p. p.Wecklein
(méritoire). — Wii.son, On the interpret. of Plato's Timaeus. — Simson,
Der Begriff der Seele bei Plato (diffus et présomptueux). — Hertz, De
Horatii operum exempl. olim Guyetano (cf. Revue, n' 18). — Scribonii
Largi compos. Marcelli de m.edic, p. p. Helmreich. — Windelband,
Gesch. der Philos, i. — Martin (Alb.), Quomodo Graeci ac peculiariter
Athenienses fasdera publica jurejurando sanxerint. — Cuno, Vorgesch.
Roms, II. Die Etrusker u. ihre Spuren im Volk u. im Staate der
Rumer (n'est pas au courant). — V. Henry, A short compar. grammar
of Greek and Latin, transi, by Elliott (excellent, à la fois court et
scientifique). — Meister, Diegriech. Dialecte (2^ art.).
— N» 47 : Wintzell, Studia Theocrita (méritoire). — Xenophontis
comm., p. p. Gilbert. — Harris and Gifford, The acts of the mar-
tyrdom of Perpétua and Félicitas. — Poiret, Horace (cf. Revue, n° 5).
Ovid, Verwandl. ûbcrs. von Dieckmann. — ThUssing, De temporum et
modorum in enuntiatis pendentibus apud Plinium. — Monceaux, Les
proxénies grecques (rien de nouveau). — Lehner, Dieathen. Schatzverz.
des IV Jahrh (résultats problématiques). — Meister, Die Griech. Dial.
auf Grundl. von Ahrens'Werk (2" art.) — Wendt, Griech. Schulgramm.
— N" 48 : Lanckoronski, Stadte Pamphiliens u. Pisidiens, I (i"art.).
— Odyssée, p. p. Ameis, I, 2, 8*^ éd., II, 2, 7^ éd. — Anhang zu Homers
Odyssée, p. p. Ameis, II, 3^ éd., p. p. Hentze. — Scholia in Odysseae
a 238-3o9, p. p. Ludwich, — J. A. Simon, Xenophon-Studien, II. —
Ipfelkofer, Die Rhetorik des Anaximenes unter den Werken des Aris-
toteles (méritoires et méthodiques recherches). — Campaux, De la crit.
du texte d'Horace (rien de nouveau). — Germania, p. p. Schweizer-
Sidler, 5'^ éd. — Benesch, De casuum obliq. apud Justinum usu. —
Oehmichen, Das Bûhnenwesen der Griechen u. Rômer fà critiquer sur
nombre de points). — Schneider, Die alten Heer-und Handelwege der
Germanen, Rômer u. Franken im deutschen Reiche, 7-9 ; Rômerstr.
im Reg. Aachen; Die Via Aurélia.
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dende Kunst. — Haeckel, Alger. Erinner (fin). — von Liliencron, Das
deutsche Drama im XVi Jahrh. v. Prinz Hamlet aus Danemark. —
Albrecht, Wohn. fiir die Armen, I. — Frey, Gottfried Keller, das
letzte Jahr. — Erinner. aus der Franzosenzeit. — Paul Hevses' italien.
Dichler (P. D. Fischer).
Décembre : Schneider, Dasneue italien. Strafgesetzbuch. —Albrecht,
Wohn. fur die Armen, II. — Krummel, Ein Tag auf Ascension. — Der
Sturz Robespierre's. — Robert-tornow, der Sammler u. die Seinigen.
Wachs, Die Etappenstr. von England nach Indien. — Ed. Bendemann.
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Revue des études grecques, III, n°io : Partie administrative .-Assem-
blée générale du 5 avril : Discours de M. A. CRorsET: rapport de
M. P. Girard; prix; rapport de la commission administrative. —
Partie littéraire : Michel Bréal, Graecia... artes intulit; Sayce, deux
contrats grecs du Fayoum ; G. Costomiris, les écrits inédits des anciens
médecins grecs (2^ série) ; J. Darmesteter, Jacques d'Edesse et Claude
Ptolémée; D. Hesseling, Istambol. — Notes et documeiits : A. Hau-
VETTE, sur un passage de Thucydide (1 41, i); Th. Reinach, noms
méconnus, V. Porinos ; H. Omont, La Paléographie grecque de Mont-
faucon et le P. Hardouin. — Chronique : Bulletin épigraphique
(B. Haussoullier); correspondance grecque; actes de l'Association;
livres offerts.
— N° II. Partie littéraire : Gustave Hirschfeld, les inscriptions de
Naucratis et l'histoire de Talphabet ionien ; Ernest Lacoste, les Polior-
cétiques d'Apollodore de Damas, avec une préface par A. de Rochas ;
Paul Tannery, Etudes sur les alchimistes grecs, Synésius à Dioscore ;
Lazare Belléli, Une version grecque du Pentateuque du xvi^ siècle. —
Notes et documents : Henri Weu,, Fragment iambique inédit rapporté
par M. Sayce; Théod. Reinach, Sur Aristote, Poét. 18; Ch.-E. Ruelle,
Notes sur trois manuscrits parisiens d'Hermias scholies pour le Phèdre
de Platon). — Chronique. Bulletin archéologique (T. R.) ; correspon-
dance grecque (D. B.) ; nouvelles diverses. — Bibliographie. Comptes
rendus.
Bulletin critique, n° 23 : Bonnet, Narr. de mirac. a Michaele archangelo
Chonis patrato. — Labbé, Synt. latine. — Nohl, Ciceronis orat. sel. —
Public, récentes sur Jeanne d'Arc. — Dejob, M"'^ de Staël et l'Italie.
The Academy, n° 969 : Mahaffy, The Greek world under Roman
sway, from Polybius to Plutarch — SpALDiNG, Suvoroff — Some foreign
books (Le Breton, Le roman au xvii^ s.; Pellissier, Le mouv. litt. au
xix'^ s. ; Bonet-Maury, Burger). — Cathedral (Freeman). — The order
of the letters in the Runic futhork (Taylor). — The treasury of Rham-
psinit. (Clouston.) — The source of a Chaucer simile.— Norfolk manor
court rolls — Arist. Ethica Nicomachea. p. p. Bywater. — A new
Babylonian version of the création story (Pinches). — Maspero, Lectu-
res historiques, Egypte, Assyrie.
The Athenaeum, n° 8292 : Gladstone, Landmarks of Homeric study —
Sir Edward Hamley, The war in the Crimea — Gardiner, A student's
history of England, from the earliest times to i885 — Ars. Darmeste-
ter, Reliques scientifiques; Dict. gén. de la langue française. — Tho-
mas M un. — A source of the Book of Tobit. — Conway, Literary
remains of A. Durer (2"= art.)
Literarisches Centralblalt, n° 49 : Vogelstein, Der Kampf zwischen
Priestern u. Leviten seit den Tagen Ezechiel's — PREGER,Verf. der franz.
Waldenser — Krebs, Die polit. Publicistik der Jesuiten u. ihrer Gegner
vor dem dreissigjâhr. Krieg. — J. Darmesteter, Chants popul. des
Afghans (à recommander à tous les amis du folklore et de la poésie popu-
laire). — Sandys, Demosthenes, The speech against the law of Leptincs.
— Maximiani elegiae, p. p. Petschenig. — Grimm, Deutsche Gramm.
III, p. p. Roethe et Schrôder. — Rensch, J. E. Schlegel. — Litzmann,
Schrôder. (bon.) — Katalan. Troubadours der Gegeriwart, verd. von
Fastenrath. — MuRR, Die Pflanzenwelt in der griech. Mythol. (Soigné.)
— Baumann, Einftihr. in die Padagogik.
Deutsche Literaturzeitung, no 44 : Gore, Lux mundi — Bibl. Indica, a
coll. of Oriental works, published by the Asiatic History of Bengal.
— Lucian, p. p. Sommerbrodt, I, 1-2. (Méritoire.) — Fisch, Die latein.
nom. person. auf o, onis (bon). — Canti popol. del Piemonte p. p.
NiGRA — Sdralek, Die Streitschr. Altmanns v. Passau u. Wezilos v.
Mainz (Source de premier rang pour l'hist. de la querelle des investi-
tures). — BiscHOFF, Schupp. — Die ôsterr. ung. Monarchie in Wort u.
Bild, 8i-iio. — Katal. des baier. Nalionalmuseums, V., i. Roman.
Altertûmer, von Hugo Graf.
— No 45 : Handmann, Das Hebraerevangelium. — Froschhammer,
die Philos, des Thomas von Aquino; Antoniades, Die Staatslehre des
Thomas. — Akadem. Athandl. til prof. dr. Bugge 2 mai 1889 fra
taknemmeiige élever. — Thalheim, Quaest. Demosth. — Môller, Zur
ahd. Alliterationspoesie. (Important et indépendant.) — Cauer, Parteien
u. Politiker in Megara u. Athen, (Attachant.) — Sybel, Die Begrûnd,
des deutschen Reiches, IV. u, V. (Met l'essentiel en relief.) — Hôlder,
Die rôm. Tongefasse der Altertumssamml. in Rottweil.
— N" 46 : Neumann, Der rôm. Stat u. die allg. Kirche bis auf Diocle-
tian. I. (Chef-d'œuvre.) — Genetz, Suomen partikkelimuodot. —
SETâLà, Les explosives du suomi (cf. Revue, n» 46, p. 35 i). — Hart-
MAN, Anal. Xenoph. nova (plus faible que le premier). — Schweiz.
Schausp. XVI Jahrh., p. p. BacHxoLD (sera le bienvenu). — Constans,
Chrest. de l'anc. français. — Stat. pot. comm. Pistorii 1296 p. p.
Zdekauer. — Janssen, Zeit-und Lebensbilder, 4^ éd. — Jurien de la
Gravière, Anglais et Hollandais dans les mers polaires. — Oertmann,
Die fiducia im rôm. Privatrecht — Hermann, Noch ein Wort ûber
Mithio.
— N" 47 : Kolde, Luthers Selbstmord, eine Geschichtsliige Majun-
kes. — Brugsch, Relig. u. Mythol. der alten Aegypter, II, — W.
ScHMiD, Der Atticismus in seinen Hanptvertretern, II, 6. Aristides. —
RiBBECK, Gesch. der rôm. Dicht. II. August. Zeitalter (instructif et
important). — Vidal, so fo el temps c^om era jays, p. p. Cornicelius. —
Harrison, Cromwell; M. Carrière, Lebensbilder (le travail de Harrison
est le meilleur qu'on ait sur Cromwell). — Neuwirth, Die Wochen-
rechn. u. der Betrieb des Prager Dombaues i 372-1378.
— N° 48 : Delitzsch, Messian. Weissag. — Harris, Biblical fragments
from Mount Sinaï. — Korais, Œuvres, I-III. — Schônbach, Walther
von der Vogelweide. (Bon.) — English miracle plays moralities and
interludes, p. p. Pollard. — v. Uslar-Gleichen, Beitr. zu einer Fami-
liengesch. des Uslar-Gleichen , Reg. zur Familiengesch. der Alten. —
Egelhaaf, Deutsche Gesch. im XVI Jahrh. I, i 517-1526 (travail d'en-
semble). — Wachsmuth, Athen im Altertum, II. (Mêmes mérites que
dans le le^ volume.)
— N° 49 : BoDEMANN, Der Briefw. des Leibniz in der Bibl.zu Hanno-
ver. — The Questions of King Milinda, transi, from the pâli by Rhys-
Davids. — Zimmermann, Krit. Unters. zu den Posthom. des Quintus
Smyrn. (Dirigé contre Koechly.) — Hauréau, Des poèmes latins attri-
bués à S. Bernard. — Kraus, Jan z Michalovic. — Sigebotos Vita Pau-
linae, p. p. Mitzschke. — Schliephake, Gesch. von Nassau, forrg. von
Menzel, VII (tin de l'ouvrage). — Koldewey, Die antiken Reste der
Insel Lesbos (très précieux matériaux pour l'histoire des villes grecques).
Das Magazin fiir Litteratur, n° 44 : Grelling, Die Theater-Censur. —
Wildenbruch, Die Haubenlerche, II. — Goldmann, Adam Mûller. —
Guttenbrunn. — Max Nordau, Derlondoner intern. Litteraturcongress.
— Liter. Chronik (Sudermann). — Jules Simon ûber den nachslj.
berliner Congress. — Wiener Theater. — Kraemer, Sodoms Ende,
ein tragicom. Schauspiel. — 01a Hansson, Ged. in prosa.
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N° 52 Vingt- quatrième année 29 décembre 1890
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La Révolution française, 14 déc. 1890 : Charavay, Lazare Carnot (confé-
rence du Cercle Saint-Simon). — Gaffarel, L'annexion du Piémont à
la France. — Les quatorze armées de la Convention. — La Hollande
et la maison d'Orange-Nassau. — Docum. inédits; Mem. de Moreau
de Jonnès (suite et tin). — Chronique et bibliographie : La Soc. de
IHist. de la Révol. ; Cahiers de FAgenois, par A. de Mondenard ; Hist.
de France racontée par les contemporains, p. p. B. Zeller.
The Academy, n" 970 : The Journal of Sir Walter Scott, from the
original ms. at Abbotsford. — Latham, Pastor Pastorum. — Lecky,
History of England in the eighteenth century (2" art.). — William Bell
Scott. — George Bell. — The order of runes in the Futhork(Skeat). —
English prose (Earle). — The monarchical spirit in France. — The
source ot a Chaucer simile. — Maximiani elegiae, p. p. Petschenig. —
The zodiacal crab. (Rob. Brown jun.). — The Ion at Cambridge —
Two books on Roman arches (Kinch, L'arc de triomphe de Salonique;
Salomon Reinach, L'arc de Titus).
— N° 971 : Hatch, The infl. of Greek ideas and usages upon the
Christian church, — Campbell, Aeschylus in English verse. — Crawfurd,
Round the Calendar in Portugal. — Cathedral and bishop-designate.
— The order of runes in the futharc (Bradley). — Odysseus and Helen
(A. Langl. — The Eurasian Mediterranean and Aryan origines (Glennie).
— J. L. Petit. Archit. studies in France, new éd. — The hero of ihe
Chaldaean epic. (Ward).
The Athenaeiim, n" 3298 : Wemyss Reid, The life, letters and friendships
of Richard Monckton Milnes, first Lord Houghton. — Percy Fitzge-
rald, Picturesque London. — Max Mûller, Natural Religion. —
White, The development of Africa. — The Pétrie papyri, II, the
classical fragments. — George Bell. — Notes from Athens.
— N° 3294 : Renan, Hist. d'Israël, III (vivant). — Harrison, Wayfa-
ring in France. — Campbell and Rankin, The Church of Scotland (va
jusqu'à 1688). — ■ Sp:ton Karr, The Marquess Gornwallis (intéressant).
— Béatrice, princess Henry of Battenberg, The Adv. of Count George
Albert of Erbach, transi, from the german ofEm. Kraus; Rob. Brown,
The Adv. of Thomas Pellow. — Dodge, Alexander the Great (bon en
somme). — Original Docum. relat. to the Hostages of John, king of
France and the treaty of Bretigny, p. p. Duckett. — Shelley at Syon
House Academy. — Roman inscriptions at Chester. — Notes from
Rome.
Cas Magaziu fur Litteratur, no 45 : Peters, Stanley u. Emin Pascha. —
Bayer, Aus Ruckerts Nachlass. — Dehmel, Prolog, besprochen zur
Erôffn. der Freien Volksbuhne. — 01a Hansson, Ged. in Prosa, V. —
Lôwenfeld, Tolstois Erstlingsweik. — Garschln, Die Krôteu. die Rose.
— Hertzka, Lorenz Stein, 1. — Sodoms Ende von H. Sudermann,
im Lessing Theater.
No 46 : Sudermann, Sodoni Ende, I, 1-2. — Em. Reich, DieGrillpar-
zer z= Gesellschaft. — Hertzka, Lorenz Stein, IL — A. de Quatrefages,
Der diesj. Amerikanisten — Congress.
Literarisches Centralblatt, n^ 5o : Bellesheim, Gesch. der Kathol. Kirche
in Irland, I, 432-1509 (remarquable). — Groh, Gesch. des ostrôm.
Kaisers Justin II (cf. Revue, n° 5o). — Lange, Der Papstesel (savante
étude). — Heyl, Gestalten u. Bilder aus Tirol's Drang= u. Sturmpe-
riode (vie d'Ant. Kurn). — Muller (H.), Epigr. Denkm. aus Arabien
(méritoire, mais ne satisfait pas entièrement). — Pétri Abaelardi
planctus i-vi, p. p. W. Meyer. — Keller, Altspan. Lesebuch (excellent).
— Eddalieder, II, p. p, Jonsson. — Eyb, deutsche Schriften,p. p. Max
Herrmann, I, Das Ehebuchlein. — Baumeister, Bilder aus dem griech.
u. rôm. Altertum fur Schûler, 5-8. — Von Schônherr, Gesch. des
Grabmals Maximilians I u. der Hofkirche zu Innsbruck.
— N° 5i : Marti, Der prophet Jeremia von Anatot. — Hauck,
Kirchengesch. Deutschlands (cf. Revue, n" 45). — Pape, Die Gebietsentw.
der Einzelstaaten Deutschlands. — Bouvy, Pietro Verri (cf. Revue,
n°36). Krones, Tirol 1812- 1816 u. Erzh. Joliann (diffus et sans ordre).
— Reiseschild. aus dem Flussgeb. des Dnjepr. — Feige, Gesch. des
Mar Abhdiso u. seines Jungers Mar Qardagh. — Brugsch, Die Aegypto-
logie (termine louvrage et dépasse la première moitié en volume et en
valeur). — Bulle, Dante's Béatrice im Leben u. in der Dichtung (bon).
— Venus, Gartlein, p. p. Waldberg, Reuter, Luscspiele, p. p. Ellinger.
Deutsche Litteraturzeitimg, n» 5o : Lobstein, Doctr. de la Saint- Cène;
Dogme de la naiss. mirac. du Christ. — Schmidt, Gesch. d. Piidag. —
Bradke, Arische Altertumswiss. u. Eigenart unseres Sprachst. ; Beitr.
zur Kenntn. der vorhist. Entw. uns. Sprachst.; Meth. u. Ergebn. der
arischen Altertumsw. — Scala, Die Studien des Polybios, I (et. Revue,
n" 38). — Albrecht, Lessings Plagiate, I, i, I (veut prouver que les
œuvres de L. sont des centons!) — Eine altlomb. Margaretenlegende,
p. p. WiESE. — Vernes, Précis d'hist. juive (essai remarquable, malgré
tout). — GuNDLACH, Der Streit der Bistiimer Arles u. Wien um den
Primatus Galliarum. — Haller, Culturgesch. desXIX Jahrh. in ihren
Bezieh. zu der Entw. der Naturw^. — Gunther, Handb. der mathem.
Geogr. — Winkler, Das Kurb. Regim. Graf Tattenbach in Spanien
1 695-1 701. — Heyse, Dramat. Dicht. XVII-XXIII.
Philologische Wochenschrift, n° 49 : Lanckoronski, Stadte Pamphyliens
u. Pisidiens (2^ art.). — Edwards, The Odyssey of Homer, X. —
Herodotos, p, p. Stein, IV, livre VII. — Huit, Etudes sur le Banquet
de Platon. — Hoerschelmann, De Catulli carminé; Birt, De Catulli ad
Mallium epistr.; Weber, Quaest. CatuUianae; Birt, Commentarioli
Catulliani supplem. — Ovidii Metam. Auswahl von Meuser, 4" éd.,
p. p. Egen. — Ovid, Ausgcw. ged., p. p. Sefilmayer, 4* éd. — Agricola.
p. p. ScHŒNE. — Salomon Reinach, L'arc de Titus et les dépouilles du
temple de Jérusalem (clair et instructif). — O. Schrader, Sprachvergl.
u. Urgesch. (commode, plein de |savoir et de méthode). — Cauer,
Der Unterricht in Prima, ein Abschluss u, ein Anfang. — Griech.
ReisebLicher.
— N" 5o : Lanckoronski, Stadte Pamphyliens {3" art.) — Franco, I
frammenti di Mimnermo (rien de scientifique). — Konon, Text. u.
Qnellenunt. von Hoefer (bon). — Amphitrio, p. p. Palmer. —
A. Benoit, Du jus sepulcri à Rome (très satisfaisant). — Strack, Bau-
denkm. des alten Rom. — Von Wegele, Aventin (bonne biographie).
Gœttingische gelehrte Anzeigen, n''23 : Schrader, Sprachvergl. u. Urgesch.
2^ éd. — Bibl. de l'Ecole des Hautes-Etudes, sciences relig. I. — Kro-
nenberg, Minuciana.
— N» 24 : Chantepie de laSaussaye, Lehrb. der Religionsgesch. I u.
II (utile). — Wallaschek, Studien zur Rechtsphilosophie. — Souchon,
Die Papstwahlen von Bonifaz VIII bis Urban VI (soigné).
Theologische Litteraturzeitung, n° 22 : Smith, Lectures on the religion of
the Sémites, I, The fundam. instit. (important). — Dalman, Studien
zur bibl. Theol. Der Gottesname Adonai u. seine bibl. Gesch. —
Honig, Die Uphiten. — Gwatkin, The Aryan controversy. — Ebert,
zur allgem. Gesch. der Lit. der Lit. des M. A. im abendlande, I, 2" éd.
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